LE VOUDOO HAÏTIEN - Numilog

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Transcript of LE VOUDOO HAÏTIEN - Numilog

LA T R A D I T I O N V O U D O O ET

LE VOUDOO HAÏTIEN (Son Temple, ses Mystères, sa Magie)

MILO RIGAUD

LA TRADITION VOUDOO ET

LE VOUDOO HAÏTIEN (Son Temple, Ses Mystères, Sa Magie)

PHOTOGRAPHIES DE

Odette MENNESSON-RIGAUD

ÉDITIONS NICLAUS - 34, Rue Saint-Jacques - PARIS-Ve

1953

Copyright by Editions Niclaus. 1953

DU MEME AUTEUR :

En préparat ion :

Vèvè.

Les Maraça (jumeaux voudoo).

Le Voudoo Astrologique.

La Technique Solaire du Voudoo.

Legbha ou le Bâton Magique dans la Kabbale. Le Tambour Assô-Thor ou Erzulih habillée du soleil.

Le mystère Dambhalah Hwédo ou les colliers rituels.

PREFACE

Dans la Tradition Voudoo (1), le mystère qui est la garde magique du tronc d'arbre pris comme axe cosmique des péristyles des oum'phor se nomme Loko Ati-sou ou Ati-Dan Ibô Loko — formule afro-haïtienne qui signifie en substance : Grand Arbre-Sec figurant une couleuvre géante (dra- gon, boa, caïman, aganman, lézard, anolis) qui possède tous les secrets du Verbe Créateur ou du Langage Magique magnifié par la Musique Sacrée. Et c'est ainsi que le mystère le plus important du oum'phor voudoo est la couleuvre androgyne Da (n) bhalah Wédo-Aï Da lVédo. Parce que da, dans les formules, signifie couleuvre ou serpent.

Au lieu de nous livrer personnellement à une longue analyse de ce mys- tère par rapport au Voudoo que nous allons décrire, nous préférons faire abstraction de toutes considérations personnelles pour expliquer scientifi- quement la couleuvre voudoo par ces lignes de Don Néroman tirées de « La Leçon de Platon » (2). Ces lignes disent certainement davantage que tout ce qui viendrait d'un adepte voudoo ou d'un ésotériste haïtien, car elles ne peu- vent pas alors être taxées de partialité.

« Dans la mythologie, le serpent est toujours mêlé aux emblèmes de la Connaissance. En Egypte, il est l 'attribut d'Isis la Magicienne, c'est-à-dire celle qui connaît les secrets des pierres, des plantes et des animaux, celle qui connaît les maux et leurs remèdes, celle qui ranime le cadavre d'Osiris, lui rend la vie, et donne l'immortalité. Dans ce cas, le serpent est lové sur lui-même, en un anneau fermé, queue en bouche, et c'est justement sous cette forme d'Ouroboros qu'il est l'emblème de la vie toujours renouvelée, toujours renaissante de ses propres débris ; — l'emblème, en un mot, du cycle éternel.

« Dans l'hymne à Osiris (stèle qui date environ de 34 siècles), Isis la Magicienne doit sa maternité à des moyens surnaturels, empruntés à la magie ; elle rend au cadavre d'Osiris sa puissance virile, et c'est la momie d'Osiris qui la féconde.

(1) S'écrit aussi vaudou. Mais l 'orthographe traditionnelle est bien voudoo. (2) Niclaus, éditeur.

« Le s e r p e n t - n a j a est r ep ré sen té p a r l ' u r a e u s s u r le pschent , coiffure royale ; il y symbol ise la divini té et la royauté , et aus s i la science (qui est l ' a t t r i b u t du d iv in et d u pharaon- ro i - in i t i é ) parce qu ' i l r ep résen te les deux divis ions du ciel, l 'Or i en t et l 'Occident .

« D a n s la Bible, dans le Livre des Nombres , q u a n d le peuple j u i f m a u d i t Moïse et son Dieu, le ciel le châ t i e en lui envoyan t des se rpents aux m o r s u r e s b r û l a n t e s ; et Moïse, s u r l ' o rd re de Dieu, c o n j u r e le f léau en f a ç o n n a n t u n s e r p e n t d ' a i ra in , qu ' i l suff i t à c h a c u n de c o n t e m p l e r p o u r ê t re guéri.

« Le s e rpen t sa i t mode le r son corps s u r la spi ra le c o m m e sur le cercle, courbes évolut ives ; il sa i t f a b r i q u e r les venins et leurs contre-poisons qui l ' i m m u n i s e n t , lui si r edou tab l e ; la g lyp t ique anc ienne abonde en « serpents b u v e u r s », f l a i r a n t le r e m è d e dans la coupe médicale . Les se rpen t s s 'en- r o u l e n t a u t o u r du caducée ; ils son t les a r m e s pa r l an t e s de la pha rmac ie . E t lorsque, dans la Bible, Eve ne p e u t r e t en i r sa cur iosi té de science, c 'es t le s e rpen t qui la guide, qui lu i l ivre la clé de la Connaissance, sous la fo rme m y s t é r i e u s e de la P o m m e , don t la sect ion inhab i tue l le (et sans doute indi- quée p a r le Serpent ) p résen te le pen tagone et le décagone, révé la teurs du N o m b r e d 'Or . Eve n ' e s t a u t r e qu ' I s i s ; elle veu t conna î t r e la mag ie ; e t son i n i t i a t e u r se ra le s e rpen t don t s ' o rne r a la coiffure des init iés.

« P o u r q u o i l 'Ant iqui té , p a r m i t a n t d ' a n i m a u x divers, a-t-elle choisi le Se rpen t c o m m e é t a n t l ' In i t ié ? O n ne s a u r a i t le di re en tou te ce r t i tude ; m a i s il est b o n d 'obse rver que la Science Moderne, si elle ava i t foi dans le symbol i sme, a p p r o u v e r a i t ce choix... C'est chez le Serpent q u ' a p p a r a î t l 'œi l p inéal , ce t œil cen t r a l des cyclopes, que les occul t is tes cons idè ren t c o m m e l ' o rgane de seconde vue ; les lézards on t tous à la pa r t i e supé r i eu re du crâ- ne, ce .« t r o u p inéa l » qui con t i en t la g lande pinéale, reliée a u cerveau p a r u n ner f . Cet œil est p o u r la race h u m a i n e l ' hé r i t age du Serpent . E t nous voyons bien, en é t u d i a n t l 'évolut ion, que l sens du m o n d e possède le Ser- pent , quel les possibi l i tés f u r e n t les s iennes. I s su de l 'eau, il s 'es t é lancé vers toutes les conquêtes , m ê m e celle de l 'eau, à t i t re de r e t o u r sous sa fo rme nouvel le ; et il s 'es t divisé en serpents nageurs , se rpen t s m a r c h e u r s ,

s e rpen t s volants . Il a su faire les doigts adhés i f s du gecko, qui lui pe rmet - t e n t de c o u r i r sous le p la fond le p lus lisse, et le p a r a c h u t e du D r a g o n Vo- lant , complé té p a r u n gouvernai l de dérive sous le men ton . Et, p o u r conqué- r i r la to ta l i té du cont inent , il a su se diviser s u r la p lus fo rmidable b i fur - ca t ion de l ' évolu t ion an imale , celle qui, p a r t a n t de la m ê m e origine, a con- d u i t les u n s vers les o i seaux et les au t r e s vers les m a m m i f è r e s .

« Mais en ou t r e il a créé tou te u n e ch imie d u venin, que les o iseaux et

les m a m m i f è r e s on t p e r d u e en rou t e ; il l 'a complé tée pa r u n appare i l d' ino- cu l a t i on d o n t les progrès r e s semblen t é t r a n g e m e n t à ceux d ' u n appare i l

m é c a n i q u e per fec t ionné a u cours du temps. . . et on a p u dire que la ser ingue à in jec t ion de P r a v a z n ' e s t a u t r e m e n t cons t ru i te que cet appa re i l d ' inocula- t ion : P r a v a z a copié la v ipère aspic.

« Les pythonisses qui r enda i en t les oracles t ena ien t l eur don de p rophé t ie du Se rpen t Python. . . Mais si l 'on re fuse de croi re a u x légendes des pytho- nisses de Delphes, ou d 'Endor , t o u j o u r s inspi rées p a r le Se rpen t c o m m e Isis chez les Egypt iens ou Eve chez les Hébreux, on p e u t t o u j o u r s se penche r sur les faits de no t re t emps . O r no t re t emps conna î t le « Boa E m p e r e u r » qui fu t u n ob je t de g rande véné ra t ion chez les Incas, sous le n o m de Ser- pent-Devin. Aux Antilles, on t rouve son t rès p roche pa ren t , appelé le Boa Divini loque p a r les Indiens . E t q u ' e n di t la Science ma té r i a l i s t e ?

« L ' a n i m a l est n u dans la na tu re , a lors que, en nous c a l f e u t r a n t sous des vê temen t s et dans des logis, nous nous s o m m e s cu i rassés cont re des ondes que nous ne percevons plus. Il n ' e s t pas cer ta in , év idemment , que l ' a t rophie p re sque to ta le de l 'œil p inéal suffise à exp l iquer l ' émoussemen t de t a n t de facul tés d o n t les au t r e s ve r t éb rés jou i s sen t ; ma i s cet te a t rophie a c e r t a i n e m e n t en t r a îné des per tes ; et p u i s q u e son débu t r e m o n t e à la di- vis ion des Serpents en Oiseaux et Mammifè res , nous sommes obligés de conclure que l 'œil p inéal du Se rpen t perço i t plus i n t e n s é m e n t que celui de tous les au t r e s ver tébrés t e r res t res , et que, dans toute la m e s u r e où cet œil perçoi t l 'occulte, le Se rpen t est un voyant là où l 'Homme est dans la nu i t .

« Magicien pu i squ ' i l conna î t les ven ins et la spirale, devin pu i sque son œil p inéal voit l 'occulte, le Se rpen t est en ou t re music ien , et sans doute ces trois facul tés ne sont-elles que les t rois aspects d ' une seule : le sens de la q u a t r i è m e dimension. . .

« Un jour , à Colombo, je con templa i s u n psylle qui c h a r m a i t toute une pet i te t roupe de najas. . . J ' évoqua i s la loi des Nombres , celle de l ' inversion mag ique qu i s ' expr ime p a r la mus ique , et qu i ouvre une fenê t re s u r la qua- t r ième d imens ion , le temps. . .

« Il est donc possible que le Serpent , avec son oreille sensible à la mus i - que et son œil p inéal sensible à l 'occulte, se dand ine dans la béa t i tude de la con templa t ion du Nombre , en t endu dans le Réel et vu dans l 'Occulte ; la Musique est, p o u r lui c o m m e p o u r l ' H o m m e l ' a spec t c h a r m e u r et eni- v r an t de la Science du Nombre , donc du Cosmos, a r ide en ses chiffres abs- t ra i ts , p r enan t e en l 'envers h a r m o n i e u x de ces abs t r ac t ions ».

Le voudoo ne di t pas « qu ' i l est possible que la couleuvre. . . ». Avec ce r t i tude — et une ce r t i tude qui donne des r é su l t a t s p h é n o m é n a u x

visibles à toutes les heu re s du j o u r et de la n u i t — D a n b h a l a h et Aida Wédo insp i ren t les voudo i san t s ha ï t iens , c o m m e Eve chez les Hébreux, c o m m e

Isis chez les Egypt iens , c o m m e le boa e m p e r e u r chez les Incas, comme le

boa d iv in i loque p o u r les Indiens , c o m m e le P y t h o n p o u r les py thonisses d ' E n d o r , de De lphes et d 'a i l leurs .

Erzul ie , d a n s le voudoo, est Eve et Isis a i l leurs , et, c o m m e ai l leurs , et

s ans dou te m ê m e avant , elle est le m y s t è r e de la m u s i q u e . Exemple : une Er- zulie F r é d a , qu i ado re l ' accordéon, et qui a ime q u ' o n e n joue p o u r qu 'e l le v ienne posséder u n adep te voudoo. Pe r sonne l l emen t , nous l ' avons vu des- cendre d a n s la tête d ' u n v o u d o ï s a n t (*) a u son de l 'accordéon, puis , évoluer avec u n e sa t i s fac t ion difficile à dépeindre , au son du m ê m e i n s t r u m e n t .

Il n ' e s t donc pas é t o n n a n t que, dans le l ivre que nous a l lons écr i re s u r le voudoo, le s y n c r é t i s m e m a g i q u e et le symbo l i sme fas sen t f igurer le mys t è r e D a n b h a l a h p a r Sa in t Pa t r i c e ; pa rce que Sa in t Pa t r i c e lance la couleuvre d a n s l ' e au d 'où elle so r t i r a p o u r r e m p l i r le fo rmidab le rôle que v ien t de n o u s p r é s e n t e r Don Néroman .

L 'œi l p inéa l du s e r p e n t ( t ou jou r s appelé couleuvre dans le voudoo) — per- cevan t p lus i n t e n s é m e n t que celui de tous les a u t r e s ver tébrés ter res t res , dans la m e s u r e où cet o rgane perço i t l 'Occul te — le lec teur c o m p r e n d r a sans diff iculté que l ' a s son ( l ' i n s t r u m e n t - m a î t r e de la magie voudoesque) soit o rné de ve r t èb res de cou leuvre p o u r pouvoi r ob ten i r sa pu i ssance phé- n o m é n a l e et d i r iger tous les m y s t è r e s de l 'Occulte .

Le p r inc ipe de d iv ina t ion représen té , dans le cul te voudoo, p a r la cou- leuvre D a n b h a l a h , n ' e s t pas pe rsonne l a u x o u m ' p h o r ( temples voudoo) . Il n ' e s t q u e de copier cet te r e m a r q u e de l 'abbé B a r t h é l e m y dans « Voyage du J e u n e A n a c h a r s i s en Grèce » p o u r d o n n e r u n e idée de son universa l i té : « De r e t o u r à Argos, nous m o n t â m e s à la ci tadelle, où nous vîmes, dans u n t e m p l e de Minerve, une s t a tue de Jup i t e r , conservée aut refois , disai t-on, d a n s le pala is de P r i a m . Elle a t rois yeux, d o n t l 'un est placé a u mi l i eu d u f ront , soi t p o u r dés igne r que ce dieu règne éga lement dans les cieux, s u r la m e r et d a n s les enfers , soit peu t -ê t re p o u r m o n t r e r qu ' i l voit le passé, le p r é s e n t et l 'avenir. . . »

C'est a ins i que les py thonisses t i e n n e n t l eu r d o n de la couleuvre. E n m o n t r a n t qu ' i l n ' y a pas que dans les o u m ' p h o r voudoo que la cou-

leuvre D a n b h a l a h règne, u n a u t r e passage d u Voyage en Grèce cor robore les idées de N é r o m a n s u r les conna i s sances ch imiques du dieu a f r i ca in : « D a n s le t e m p l e d 'Esculape. . . la voix divine p re sc r i t a u x ma lades les re- mèdes des t inés à les guér i r . Les se rpen t s en généra l son t consacrés à ce dieu, soi t pa rce que la p l u p a r t on t des p ropr i é t é s don t la médec ine fa i t usage,

(*) Prononcez toujours voudoïsant.

soit p o u r d ' a u t r e s ra i sons qu ' i l est inut i le de r a p p o r t e r : ma i s Escu lape p a r a î t ché r i r spéc ia lement ceux q u ' o n t rouve dans le t e r r i to i re d 'Ep idaure , e t don t la cou leu r t i re s u r le j aune . Sans venin, d ' u n ca r ac t è r e doux et pai- sible, ils a i m e n t à vivre f a m i l i è r e m e n t avec les h o m m e s . Celui que les prê- t res en t r e t i ennen t dans l ' i n té r i eur du temple , se repl ie quelquefois a u t o u r de l eu r corps, ou se redresse s u r la queue p o u r p r e n d r e la n o u r r i t u r e qu ' on lui p résen te dans une ass ie t te : on le laisse r a r e m e n t so r t i r ; q u a n d on lui r e n d sa l iberté, il se p r o m è n e avec ma je s t é dans les rues ; et c o m m e son a p p a r i t i o n est d ' u n h e u r e u x présage, elle excite une joie universel le . Les u n s le respectent , pa rce qu ' i l est sous la p ro tec t ion de la divini té tu té la i re du l ieu ; les au t r e s se p r o s t e r n e n t en sa présence, parce qu ' i ls le confon- den t avec le dieu lu i -même. On t rouve de ces se rpen t s fami l ie rs dans les au t r e s t emples d 'Escu lape , dans ceux de Bacchus et de que lques au t r e s di- vinités. Ils son t t rès c o m m u n s à Pella, cap i ta le de la Macédoine. Les f emmes s 'y font u n p la is i r d ' en élever. D a n s les g randes cha leu r s de l 'été, elles les en t re l acen t a u t o u r de l eu r cou, en fo rme de collier, et dans leurs orgies, elles s ' en p a r e n t c o m m e d ' u n o r n e m e n t , ou les ag i ten t a u t o u r de l eu r tête. P e n d a n t m o n sé jou r en Grèce, on d i sa i t qu 'O lympias , f emme de Phi l ippe, roi de Macédoine, en fa isa i t souven t couche r u n aup rè s d'elle ; on a jou t a i t

m ê m e que J u p i t e r avai t p r i s la fo rme de cet an imal , et qu 'A lexandre é ta i t son fils ».

Milo RIGAUD.

PREMIERE PARTIE

LA TRADITION VOUDOESQUE

ET SES INCIDENCES

Fig. 1. Cô-drapeaux et drapeaux rituels pendant un service voudoo.

Le Voudoo

Son or igine su rna tu re l l e

Révélation est le terme qu'il faut employer pour désigner l'origine sur- naturelle du Culte Voudoo (Vaudou, selon l'expression plus vulgairement ou plus couramment employée pour parler de ce culte en Haïti).

Or, par le seul fait que les connaissances surnaturelles relatives au vou- doo ont été révélées aux adeptes, le voudoo est une religion, au sens entier du mot.

Cette révélation est, elle-même, d'origine astrologique, et sans aller jus- qu'aux mages qui, sur le continent africain, ont précédé les astrologues de Chaldée ou les savants de la Tour de Babel, on peut s'arrêter aux travaux de ces derniers pour avoir une idée juste du caractère de cette révélation.

Il ne s'agit pas encore de développer le sujet astrologiquement ou astrono- miquement. Il est surtout question, ici, de montrer, le plus simplement pos- sible, le caractère général du voudoo, quitte, plus tard, à en montrer le caractère ésotérique.

En se basant donc sur une donnée de la Tradition Africaine, les adeptes du culte indiquent le lieu d'origine du voudoo en citant le nom d'une ville légendaire dont la copie matérielle existe réellement sur la carte géographi- que de la République d'Haïti.

Cette ville s'appelle La Ville Aux Camps (1), et son nom peut être inter- prété de diverses manières, selon les degrés de puissance du culte. Mais il vaut mieux en réserver les développements scientifiques à la partie ésoté-

(*) Ou Ville-aux-Can. C'est-à-dire la cité céleste des puissances du feu, des puis- sances solaires : la concentration atmosphérique des « loa » ou des « pouvoirs » du Soleil.

r ique qui devra suivre ces pages d o n t le c a r ac t è r e se con ten te d 'ê t re seule- m e n t à la por tée de tous.

D a n s la géographie d 'Haï t i , L a Ville Aux Camps est dans la m o n t a g n e qu i env i ronne Sa in t Louis du Nord si tué dans la pa r t i e Nord-Oues t de l'île, pas loin de Por t -de -Pa ix . La T r a d i t i o n enseigne qu ' i l f au t l ' avoir visitée p o u r ê t re t o u t à fai t à la h a u t e u r de l ' In i t ia t ion . Ev idemmen t , seuls, les ini- t iés s aven t exac t emen t de quoi il s 'agit .

Il est c e p e n d a n t u n fai t : l o r s q u ' u n t rad i t iona l i s te voudoo par le de La Ville Aux Camps, il en t end i n d i q u e r que c 'es t n o n seu lemen t l ' endro i t le p lus i m p o r t a n t qu i pu isse symbol i se r le cul te voudoo, m a i s encore le lieu m y s t i q u e et occul te où se concent re , d ' u n e m a n i è r e t ou t à fai t mys té r ieuse , la force to ta le de la religion. C'est d ' a i l l eurs la r a i son p o u r laquel le L a Ville A u x Camps est, en t e rmes occultes , u n e sorte de Q u a r t i e r Général des mys- tères ou des loa voudoo, c 'es t -à-d i re des vodoun a f r i ca ins qui sont les d ieux du culte.

L a p r e u v e que L a Ville Aux Camps mys té r i euse r ep résen te p o u r les adep- tes voudoo le lieu le p lus for t et le p lus élevé est donnée p a r le r a p p r o c h e m e n t qu ' i l f a u t fa i re en t r e le l ieu désigné a ins i en Hai t i p a r les ini t iés c o m m e p a n t h é o n t e r res t re des m y s t è r e s et le l ieu que les Afr ica ins c i ten t générale- m e n t p o u r signifier « le pays d 'or ig ine de leur p lus g r a n d dieu ».

Le pays d 'or igine, légendaire , h i s to r ique , mys t ique , éso té r ique et kabba- l i s t ique d u G r a n d - T o u t a f r i ca in d o n t le n o m est P h a se confond donc, s u r la c a r t e d 'Af r ique , avec la m y s t é r i e u s e Ville Aux Camps d 'Ha i t i : Pha , le p lus g r a n d des m y s t è r e s af r ica ins , v ien t du pays d ' I -Pha , d o n t le n o m est souven t p e r m u t é en Iphé ou Ifé.

Alors que ce r t a in s sch i smes par t ie l s qu i occas ionnen t une sor te de lu t te in tes t ine a u sein des sectes voudoo on t i n t é rê t à p r é t e n d r e que le Voudoo est o r ig ina i re du Dahomey , du Yoruba , du Congo, du Soudan, du Sénégal, la T r a d i t i o n Or thodoxe ré tab l i t la vér i té en révé lan t que le v ra i pays d 'ori- gine d u g r a n d dieu du Voudoo est r ée l l emen t Ifé, qui est, à la fois, une ville réel le s i tuée dans le pays Yorouba, et une ville m y s t i q u e don t v i endra ien t les p lus g r a n d s m y s t è r e s du voudoo.

E n réal i té , la ville mys t ique , sor te de Mecque afr icaine, se t rouve dans le Sud Nigérien.

Ifé est la pa t r i e h e r m é t i q u e du Grand D é m i u r g e voudoo : c 'es t de là qu 'es t descendue la révé la t ion dans l ' e spr i t et dans le c œ u r des voudoïsan t s qui é t ab l i r en t la re l igion que les descendan t s des Afr ica ins p r a t i q u e n t encore en Haït i . L a révé la t ion descend sous la double fo rme de la couleuvre Danb- h a l a h W é d o et de la couleuvre Aïda W é d o (*).

(*) Les couleuvres représentent le Grand Tout africain - l'Ancêtre, le voudoo, étant religieusement et rituéliquement un culte ancestral dont la personnalité su-

Il va sans dire que tou t ce qui cons t i tue l ' a r m a t u r e de la vie et du mode de vie des popu la t ions d u globe t e r r e s t r e v ien t de La Ville Aux Camps-Ifé : a d m i n i s t r a t i o n et mé thodes admin i s t r a t ives , royauté , prés idence d 'E ta t , cul- ture, a r t s m i n e u r s et m a j e u r s , médecine , a rch i tec ture , mar ine , et, sur tout , rel igion et magie religieuse, mais encore plus p a r t i c u l i è r e m e n t la par t ie de la magie appelée divinat ion.

La royau té é t an t de dro i t divin, il en découle que le p o r t r a i t du chef de l 'Eta t , p a r une c o u t u m e ha ï t i enne issue de la t r ad i t ion voudoo d 'Afr ique, est t ou jou r s accroché, à la p remiè re place, dans tous les o u m ' p h o r ( temple voudoo), car, d i sent les initiés, .« le roi est le r e p r é s e n t a n t d i rec t de Dieu ».

E n p a r t a n t du pr inc ipe que le roi ou tou t chef d ' E t a t est le r e p r é s e n t a n t de Dieu sur la terre, la t r ad i t i on voudoo confond la Ville Aux Camps avec l ' emp lacemen t céleste du Soleil et avec le soleil lu i -même. Le roi, ainsi, se t rouve être con fondu avec le soleil.

Dans ces condi t ions, l 'or igine s u r n a t u r e l l e du cul te voudoo se t rouve être une origine as t ro log ique : Ifé ou La Ville Aux Camps confondue avec le soleil. Or, parce que en Af r ique c o m m e en Haït i , le soleil est le mys tè re Legba (appelé auss i L i h s a h Bha Dio), le lieu du ciel où se lève le soleil est Legba-J i ou L ihsah-J i , express ion d o n t voici la s ignif icat ion générale : Loa de la créat ion.

Legba — le mys t è r e de syn thèse du Voudoo — est donc l 'Orient , ou l 'Est , le poin t cardinal -chef , le po in t de l 'espace qui prés ide à l 'Or ien ta t ion ou qui régi t l 'Or ien ta t ion du t e m p l u m magique .

Il s ' ensu i t que l 'or igine du voudoo est d ' a b o r d as t rologique, pa r l 'Ifé ou Ville Aux Camps céleste, et, ensui te , te r res t re , p a r la pos i t ion géographique de ces deux villes, en Afr ique, dans le pays des Yorouba, et en Haïti , du côté de Sa in t Louis.

A p a r t i r de l 'Afr ique, l 'or igine des loa voudoo, dans leur ensemble, se compl ique u n peu, parce que, si, d ' une m a n i è r e incontes table , Legba vient d 'Ifé ou de la Ville Aux Camps, tou t le p a n t h é o n voudoo ne v ien t pas du m ê m e endroi t . Ce p a n t h é o n est peuplé de mys tè re s or ig inai res de diverses par t ies du m o n d e : on y voit des mys tè re s du Dahomey, des mys tè re s d 'ori- gine Congo, des mys tè re s venus du pays Nago, d ' a u t r e s qui son t p lu tô t du Soudan ; ce r ta ins v i ennen t du pays des Ibo, d ' a u t r e s sont de préférence Pe- thro, et, pou r ci ter toutes les « na t ions de mys tè re s » voudoo, il f aud ra i t

prême est le premier des vivants. C'est pourquoi St-Yves d'Alveydre écrit ceci dans La Mission des Souverains : « Dans les sociétés antiques, et grâce à l'influen- ce pratique dont y jouissait la Religion, l'Autorité appartenait aux morts, ces lé- gataires sociaux dont vivent les vivants : aussi, depuis l 'Etrurie jusqu'à la Chine, retrouve-t-on le culte des Ancêtres comme étant la source même de l'Autorité dans la Famille comme dans la Société, et le mot prêtre signifie l'Ancien ».

tou tes les régions t r iba les de la ca r t e d 'Af r ique : Maroc, Maur i tan ie , Niger, Libér ia , Cameroun , Angola, Madagascar , et m ê m e l 'Egypte et l 'Arabie.

C o m m e on le v e r r a plus loin, ce son t les différences ou d is t inc t ions éta- blies dans le voudoo p a r ces « na t ions de loa » qui von t diversif ier le cul te en le s é p a r a n t p a r « r i tes » — en lui l a i s san t c e p e n d a n t toute son in tégr i té foncière et t ou te son homogéné i t é t rad i t ionnel le .

C o n t r a i r e m e n t à ce que b e a u c o u p de gens p o u r r a i e n t penser , il f au t comp- ter, p a r m i les pays d 'o r ig ine géograph ique des mys tè re s voudoo, la J u d é e et l 'E th iopie . C'est a ins i que les cul tes j u i f et é th iop ien on t le soleil p o u r ori- gine : chez les Ju i f s , le soleil est personnif ié p a r une cou leuvre sur une per- che et cet te cou leuvre s 'appel le Sel 'pent-Da(vid) ; chez les Eth iopiens , le soleil est r e p r é s e n t é p a r u n Lion, qui est auss i b ien David, le lion de la mai- son sola i re de J u d a . Or, dans le voudoo, la m ê m e couleuvre, appelée auss i D a et le m ê m e lion, appelé Legba, p ré s iden t s u p é r i e u r e m e n t au culte.

Si l 'on é t end la c o m p a r a i s o n à la re l igion ca thol ique , on re t rouve le mê- me l ion et la m ê m e couleuvre solaire de Moïse, de Sa lomon et de David dans

le po i s son d u C h r i s t roma in . Ce poisson est u n emblème solaire p a r excel- lence et, c o m m e l 'Ifé et La Ville Aux Camps du voudoo, il ind ique la posi- t ion du soleil à l 'Or ient . C'est a ins i que, dans le Chr i s t i an i sme c o m m e dans le o u m ' p h o r voudoo, on t rouve la figure du poisson c o m m e emblème solaire et c o m m e e m b l è m e du Christ .

Le m y s t è r e qui por t e la cou leuvre Da est une a u t r e couleuvre : la couleu- vre Ai-Da (*). Cette deux i ème couleuvre est donc la Vierge du Voudoo: Aida- W é d o ; c o m m e m è r e du Legba voudoo, elle est la f emme du Soleil, c 'est-à- di re la Lune . Ces symboles ne s a u r a i e n t é tonne r dans le voudoo, pa rce que, d a n s toutes les rel igions, l' E r e Solaire ou l' Age d ' O r est f igurée p a r u n Lion, m ê m e depu i s a v a n t la Bible. Le Lion est donc, dans le voudoo, le signe de l 'Espr i t , t and i s que la L u n e (signe t e r res t re ) est le signe de la Vierge per- sonnifiée p a r la couleuvre Aida Wédo.

Mais, pu i squ ' i l s ' ag i t de m o n t r e r co r r ec t emen t l 'or igine du voudoo et de sa f igure pr inc ipa le , voici une c i t a t ion de Charles Guigneber t t i rée de son livre « Le Chr i s t i an i sme An t ique ». Cette c i ta t ion m o n t r e à quel poin t Legba,

' loa p r inc ipa le du voudoo, co r r e spond a u Chr is t des au t res cul tes : « Il sem- ble que, sous le n o m de Christ , ce soit la vie ph i losoph ique et rel igieuse du pagan i sme , avec tous ses con t r a s t e s et toutes ses incohérences , qui ai t re- p r i s v igueu r et t r i o m p h é de la religion en espr i t et en vér i té que le Maître j u i f a vécue ».

C'est donc en r e l a t ion avec le Lion de J u d a et le Lion des a rmoi r ies d 'E-

th iopie que Legba s 'appel le t r ad i t i onne l l emen t Papa-Lion .

(*) Prononcez toujours Al-Da.

Sa mère, Aida Wédo, c o m m e mère du soleil, est p a r conséquen t tou te la sur face du ciel : les Afr ica ins l ' appe l len t Mawu, ma i s son n o m le plus connu en Haï t i est Erzul ie .

D a n s le voudoo, Legba, or igine et p ro to type mâle du voudoo, est donc le soleil qui prés ide a u x rites, t and i s qu 'Erzu l ie , or igine et p ro to type femelle, en est la lune. Legba en est le Chr is t et Erzul ie la Vierge. Les au t r e s mys- tères v i ennen t à l eur suite, p a r o rdre h ié ra rch ique .

Dans l ' exo té r i sme voudoo, Legba est figuré p a r u n h o m m e qui je t te de l 'eau p a r terre. C'est cet h o m m e que l 'on r e c o n n a î t r a dans tous les adeptes qui j e t t en t de l 'eau pa r te r re au débu t de c h a q u e cérémonie . Les ésotér is tes le c o m p a r e n t au Verseau du Zodiaque . T a n d i s qu 'E rzu l i e est représen tée pa r une f emme é th iop ienne t rès noire ; elle est noire parce que brû lée p a r le soleil don t elle est néces sa i r emen t la femme. L 'occu l t i sme en est facile :

cette f emme très noire, ma i s t rès belle, est confondue , dans la t r ad i t ion

a f ro - juda ïque , avec la t rès noire ma i s t rès belle Reine de Chéba, qui est Balkis, la reine de Saba. Ainsi, l o r squ 'on voit la couleuvre Aida W é d o s u r les m u r s du o u m ' p h o r voudoo, on sai t q u ' o n a affaire, s u r le p l an du syn- c ré t i sme religieux, à la reine é th iop ienne qui v is i ta Sa lomon parce que Sa- l omon est le c o n s t r u c t e u r du Temple . Le cul te voudoo para î t , ainsi, beau- coup mieux si tué et b ien m i e u x expl iqué en que lques mots q u a n t à son origine as t ro logique et q u a n t à ses a i res d ' inf luence rel igieuse à t r avers le monde. Rien que ces que lques ra res r a p p r o c h e m e n t s le font voir à t r avers tous les pays et au fond de tous les cultes.

Il n ' y a v r a i m e n t r ien d ' é t o n n a n t à cela q u a n d on pense que la t r ad i t i on af r ica ine hér i tée pa r les o u m ' p h o r ha ï t i ens révèle que la couleuvre femelle ou couleuvre luna i re que l 'on voit pe in te s u r les m u r s du o u m ' p h o r est un chemin de sept couleurs que l a pu i ssance divine emploie p o u r t r a n s m e t t r e ses ordres du ciel à la terre . Ce c h e m i n qui condu i t Dieu du ciel s u r la te r re est a lors appelé arc-en-ciel.

Nécessa i rement , l 'or igine de l 'arc-en-ciel , c o m m e symbole, est auss i so- la i re que l 'origine m ê m e du cul te voudoo, n o n seu l emen t parce que l 'arc- en-ciel et ses couleurs son t invisibles sans le soleil, ma i s parce que, d ' ap rès une des données les p lus i m p o r t a n t e s du culte, l 'arc-en-ciel (qui est auss i •

une couleuvre Da) m a r c h e s u r les degrés m a g i q u e s du sol&jjt. Il a r r ive donc ceci dans le o u m ' p h o r : Erzul ie , qui t ien t le rôle de la cou-

leuvre luna i re Aida Wédo , c o m m e arc-en-ciel , es t le pr inc ipe m a g i q u e de la richesse, de la prospér i té , et c 'es t à elle que s ' ad res sen t tous ceux qui veu- lent change r de s i tua t ion ou s ' enr ich i r , parce que, le symbole de la L u n e qu'el le personnif ie c o m m e mys t è r e voudoo est l ' a rgen t (symbole de la Lune) , tandis que le symbole de Legba (le Soleil) est l 'or.

Telle est, en synthèse, la m é c a n i q u e du o u m ' p h o r où ces deux loa tien-

n e n t les rôles p r i n c i p a u x : elles r e p r é s e n t e n t le m o u v e m e n t p a r excellence. C'est donc en les d é c o m p o s a n t p o u r t rouver toutes les au t r e s loa subal te r - nes du p a n t h é o n voudoo q u ' o n va t rouver tous les détai ls du m o u v e m e n t généra l qu i a n i m e le t emple af r ica in .

D a n s u n sens p lus concis, les symboles qui la issent voir p lus fac i l ement les a t t r i b u t i o n s kabba l i s t i ques de ces deux mys tè res -p r inc ipes du o u m ' p h o r voudoo son t :

— le soleil, le feu, le cierge : p o u r Legba ; — la lune, l 'eau, la m e r : p o u r Erzul ie . T o u t e la mag ie fo rmidab le du o u m ' p h o r se déroule à p a r t i r de ces deux

é léments .

Or, c o m m e ces é léments font pa r t i e d u Q u a t e r n a i r e E l émen ta i r e qui est composé des q u a t r e é léments Feu-Ai r -Eau-Ter re , l 'univers p r a t i q u e du vou- doo n ' e s t pas l imi té au o u m ' p h o r s eu l emen t : cet un ivers c o m p r e n d le pr in- cipe r i tue l en général , et dans tous les cultes, pou r la bonne r a i son que tous les cu l tes b a s e n t l eur magie s u r les possibi l i tés de ces é léments d o n t ils ti- r e n t tous l eurs pouvo i r s s u r n a t u r e l s .

C'est à ce t i t re que le Legba voudoo est a ins i expl iqué pa r les t rad i t iona- listes voudoo, d o n t A r t h u r Holly que nous ci tons : « Donc Mercure et Chr is t on t tous deux la m ê m e origine, les m ê m e s carac tè res , les m ê m e s a t t r i bu t s ».

Nous c o n t i n u o n s la c i t a t ion en r a p p e l a n t que le p r inc ipa l a t t r i b u t m a g i q u e et d iv in de Mercure est j u s t e m e n t les deux couleuvres d o n t le voudoo fai t ses mys t è r e s -p r i nc ipe s et le bâ ton d o n t les adeptes voudoo font le sceptre de Legba : « T o u s deux, Chr i s t et Mercure, sont des Délégués Divins, des Messies... Identif ié c o m m e il l 'est dans ses a t t r i bu t s mul t ip l e s les p lus divers, le Chr i s t se p r é sen t e à nous s y m b o l i q u e m e n t engendré p a r la L u n e et p a r le Soleil. Il est m u l â t r e pa rce q u ' e n sa qua l i t é de Fils de Dieu, il r ep résen te la syn thèse de Solei l-Feu et de la L u n e - E a u . L 'ê t re qui r é u n i t en sa n a t u r e le sang du b lanc et le s ang de la négresse. L 'analogie du Soleil, quoique en sens inverse, est la Terre . L 'ana logie de la L u n e est dans l ' é t endue des eaux supé r i eu re s (nuages et vapeur s ) et in fé r ieures (mers et r ivières) . L 'analogie de Mercure , fils du Soleil, est dans le règne végétal issu de la Te r re p a r les r ac ines et les eaux... Donc Mercure et le règne végétal cons t i t uen t la mani fes - t a t i on d ' u n m ê m e mys t è r e placé dans deux h ié ra rch ies évolutives. Il offrira le p a r f u m des a rb res a r o m a t i q u e s — avec le « bâ ton ».... ».

Il n ' e s t pas nécessa i re de pou r su iv r e la c i ta t ion qui condu i r a i t à u n sens de p lus en plus ésotér ique . Il suffit de voir commen t , p a r le « bâ ton de Legba », Mercure , qu i h a r m o n i s e la vie m a g i q u e des deux couleuvres vou- doo en les e n r o u l a n t à ce bâton, démont re , dans la mythologie universel le , le b ien- fondé de la ville a f r i ca ine d ' I fé ou de la mys té r i euse Ville Aux Camps d 'Haï t i .

La preuve de cet te origine nous est p r a t i q u e m e n t et i r r é fu t ab l emen t four- nie p a r u n des p r i n c i p a u x symboles du voudoo, symbole qui est j u s t e m e n t celui des deux couleuvres du o u m ' p h o r don t les noms sont Da Ba La dit D a n b h a l a h W é d o et Ai-Da Wédo. Il s 'agi t s i m p l e m e n t de c o m p a r e r ce sym- bole voudoo au symbole universel de Mercure p o u r voi r à quel poin t les t ra- d i t ional is tes voudoo ont r a i son de t i r e r l eu r cul te de la m ê m e origine que l 'or igine de Mercure . Or, Mercure est n a t u r e l l e m e n t pr is ici c o m m e planète, ce qui donne a u voudoo, en te rme général , une origine n e t t e m e n t p lané ta i re ind iquée pa r les étoiles d u symbole ; c ' es t m ê m e p o u r m a r q u e r cet te origine que les o u m ' p h o r ont la r é p u t a t i o n de loger une cou leuvre dans u n cana r i sacré :

DANBHALAH et AIDA WEDO

Les origines des rites Voudoo

Les origines des rites voudoo doivent forcément être de deux sortes, puis- que les rites doivent découler de l'origine surnaturelle ou planétaire d'a- bord, et ensuite de l'origine géographique.

On doit, avant tout, subordonner toutes les acceptions rituelles au mot même de voudoo, plus communément écrit vo-dou ou vo-du, parce que, tout ce qu'il y a de connaissances et de mystère est dans le mot. Par une expli- cation des plus simples et des plus lumineuses, voici le sens du mot :

vo : introspection. du : dans l'inconnu.

Par conséquent, les rituels qui permettent pratiquement l'exercice des rites du culte voudoo sont la somme de cette introspection, c'est-à-dire une étude qui procède de l'information psychologique. Ceux qui font cette in- trospection dans le Mystère sont donc à même de connaître non seulement les loa voudoo du Mystère de l'Inconnu qui forment les personnalités mys- térieuses qu'ils appellent vodoun, mystères, loa, âmes, saints, anges, mais aussi l'âme de ceux qui sont les adeptes et les « serviteurs » de ces loa.

C'est seulement ainsi que la pratique féconde des rites, par les rituels, est possible. La connaissance parfaite du vo-dou mène donc à des possibilités qui permettent d'obtenir, surnaturellement, des phénomènes extraordinaires.

Les rites voudoo, dérivés de leur cause surnaturelle, proviennent donc de l'influence du soleil dans l'atmosphère. Il serait difficile de s'étendre sur ce principe fondamental du Voudoo parce qu'il n'est pas donné à n'importe qui de comprendre la partie ésotérique de la magie, mais on peut voir néan- moins les effets de cette cause surnaturelle au cours des services voudoo, car, tout observateur avisé jouit entièrement d'un spectacle dont tout le cé- rémonial est axé sur les attributs cultuels qui symbolisent le soleil.

En quelque sorte, la manière la plus simple et la plus facile de montrer que le culte voudoo est axé sur le soleil est de révéler que le principal attri- but de la magie solaire est le pilier ou le poteau qui soutient, à son centre architectural, la construction qu'est le péristyle du oum'phor. Le péristyle est la galerie couverte ou la « tonnelle » de paille ou de tôle qui précède le saint des saints, lequel est le oum'phor proprement dit. C'est donc cette tonnelle qui est supportée architecturalement par un pilier central. Ce pi- lier est le plus souvent, sinon toujours, de bois: c'est un poteau en bois dur qui prend le nom de poteau-mitan (pilier central : soutien central), avec le sens bien net pour les initiés de soutien solaire.

Ce poteau est l'axe des rites. Tout ce que peuvent être les rites se réfère à ce poteau central. Le poteau-mitan représente par conséquent la source ou l'origine surnaturelle des rites voudoesques. Il est alors établi que ce po- teau est une figure architecturale de Legba, et voici pourquoi : le bois du poteau, en indiquant que Mercure, fils du Soleil et soleil lui-même, est le mystère du règne végétal, montre que Mercure est en même temps le bâton de Legba. C'est sur ce bâton que doivent normalement monter les deux cou- leuvres du oum'phor pour qu'elles soient harmonisées ou réconciliées par Mercure. En conséquence, le poteau voudoo des péristyles est décoré par une bande rampante de couleurs diverses qui symbolisent non seulement les couleurs de l'arc-en-ciel, mais les couleuvres Danbahlah et Aida. De plus, ce bois sacré révèle celui avec lequel le temple est construit : le bois du Liban.

Ainsi, à côté de ce poteau, le symbole lunaire peut et devrait même tou- jours figurer. Ce symbole est accroché en l'air, au plafond, pour parfaire la signification de l'origine planétaire des rites. Or, ce symbole est le symbole de la Lune, complément magique du Soleil : il est représenté par un bateau, attribut d'Erzulie (*).

Dans la magie pratique du voudoo, le poteau est remplacé par le cierge allumé, et le bateau est représenté par l'eau rituelle. Dans l'analyse de la constitution rituelle du culte, les autres attributs de mystères secondaires achèveront de révéler la source astrale de la magie africaine. Il est cepen- dant un fait que ces attributs, ainsi que les mystères qui s'en servent magi- quement, sont divers et disparates parce que les apports de loa faits au voudoo par l'Afrique rendent ses origines géographiques aussi diverses.

Le voudoo est d'abord constitué — comme panthéon — par des loa qui viennent de toutes les parties de l'Afrique. D'abord par les loa principales venus d'Ifé. Puis, par des loa qui viennent de chez les Fon — et c'est même pourquoi l'on dit traditionnellement que le terme vodou, ainsi que sa signi- fication est tiré de la langue des fons : le fongbé.

(*) En Haïti, les oum'phor en font plutôt l 'attribut d'Agoueh.

Ensui te , les pays Nago, Ibo, Congo, Dahomey , Sénégal, Haoussa , Caplaou, Mandingues , Mondongue, Angola, Libyen, Eth iopien , Malgache, lui fournis- sent des cont ingents . E t l 'on p a r t géné ra l emen t de la d é n o m i n a t i o n de ces endroi ts de la ca r t e d 'Af r ique pour s i tue r n o m i n a l e m e n t les r i tes eux-mêmes.

P a r exemple, p o u r « serv i r » les mys tè re s mondongues , on su ivra le ri te m o n d o n g u e qui, sans différer c a p i t a l e m e n t et f o n d a m e n t a l e m e n t des au t res rites, est q u a n d m ê m e différent en sur face ; pou r servir les mys tè res ibos, on su ivra le r i te ibo, qui, t ou t en é t a n t f o n d a m e n t a l e m e n t a p p a r e n t é aux au t res rites, l eur est auss i différent. Le r i te pe th ro — qui est celui d ' une au- t r e « na t i on » de loa voudoo — est assez d issemblable des au t res r i tes :

c 'est p lu tô t u n r i te de feu. Chaque r i te a son cache t personnel , quo ique tous les rites, géné ra lement

que lconques , soient de la m ê m e source, de la m ê m e origine, et se complè tent . Cependant , le r i te p a r excellence, est le r i te Ra-Da, c a r le seul n o m de

r a d a r a m è n e à ce qui a été di t d 'essent ie l a u s u j e t de la couleuvre du canar i voudoo : la couleuvre Da ou Dan, qui p e r m e t de fo rmer les n o m s des deux pr inc ipes supé r i eu r s du cul te : Dan Bha L a h W é d o et Ai Da Wédo. De plus, le r i te r a d a a ceci de pa r t i cu l i e r qu ' i l p e r m e t à tous les mys tè re s solaires de « t rava i l le r ».

Le r i te r a d a est donc le rite royal du soleil. Dans la Kabbale voudoo, il por te le n o m de r i te de la cou leuvre Da Gbé ou Dan Gbé, parce que cet te couleuvre, c o m m e personni f ica t ion de la Divini té Suprême, i nca rne la si- gnification p r a t i q u e de son n o m :

D a n : couleuvre . Gbé : de vie.

Le r i te r a d a p r e n d encore, à cause de cela, le n o m de r i te du py thon royal du Da-homey.

Il s ' ensu i t que le r i te r a d a (*) est u n r i te b e a u c o u p p lus b r i l l an t et beau- coup moins vulga i re que ce r t a ins au t res , tel le r i te m o n d o n g u e où l 'on peut re lever cer ta ines or ig inal i tés qui, pou r ne pas ê t re b ien compr i ses des pro- fanes, sont t ra i tées de « ba rba re s » — en oub l i an t que le m o t ba rba resque voula i t d i re s eu l emen t « é t r a n g e r » lo r squ ' i l fu t fo rmé !

Les r i tes voudoo on t p a r t i c u l i è r e m e n t profité (ou souffert , selon les points de vue) de la T ra i t e des Nègres. Ce qui fai t que la pa r t i e l i t tora le de l 'Afr ique que l 'on d é n o m m e Côte des Esclaves, va j oue r u n rôle p r é p o n d é r a n t dans l ' é tab l i s sement des ri tes, t o u t d ' abord , en dehors de l 'Afr ique, et joue r u n rôle t ou t auss i i m p o r t a n t dans les a m a l g a m e s de races ou de t r ibus dispa-

(*) A l 'endroit appelé Lan Campèche, dans le Nord d'Haïti, le rite Rada porte le nom de Rite de la Toison d'or.

r a t e s d o n t le f u s i o n n e m e n t ou la d i spe r s ion c rée ron t de vér i tables axes ri- tuels. Imag inez p a r exemple des Aradas et des Ibos vendus ensemble : ou b i en ils f u s i o n n e n t l eurs deux ri tes, ou b i en la différence de leurs r i tue ls

l eu r impose u n i so lemen t c rue l dans le p rop re sein de la nouvel le c o m m u - n a u t é que la T ra i t e et l 'esclavage l eu r forgent de force !

Il est s ans dou te a r r ivé que deux g r o u p e m e n t s re l ig ieux différents a ien t p lus ou m o i n s fus ionné leurs r i tes — en c r é a n t a lors u n rite qui, j u s q u ' à p résen t , en Haït i , n ' e s t pas .« f r anc ». Mais, le p h é n o m è n e le p lus souven t cons t a t é est celui-ci : les m e m b r e s d ' u n e t r ibu , si d ispersés p a r la T r a i t e fussent- i ls , ou b ien on t su se r e g r o u p e r ma lg ré vents et marées , poussés pa r le sens re l ig ieux de l eu r rite, p o u r g a r d e r ce rite intact , ou b ien on t q u a n d m ê m e gardé ce r i te in tac t t o u t en r e s t a n t au sein d ' a u t r e s t r ibus .

C'est a ins i que, en Haït i , on r encon t r e des descendan t s a u t h e n t i q u e s de Mondongues u n peu pa r tou t , a u sein desquels sont des é léments peu lhs ou b a m b a r a s ; ceux-ci gardent , ma lg ré cet te p romiscu i t é raciale, le sens exact et i n t ac t de leur rite.

E n c o n s u l t a n t divers ini t iés ou m ê m e des ethnologues, il semble ra i t que des a i res d ' inf luence se se ra ien t c o m m e répar t i e s r i t ue l l emen t s u r la car te géog raph ique d 'Haï t i , depuis et p a r le fai t de la t r a n s p l a n t a t i o n de nombreu - ses t r i bus a f r i ca ines dans les Antil les. Nous t r a i t e rons cet te dél icate ques- t ion de r é p a r t i t i o n d ' au to r i t é r i tuel le a u p rocha in chapi t re . T o u t ce qu ' i l f a u t c o n s t a t e r d 'ores et dé jà , c 'es t que la car te rel igieuse d 'Haï t i accuse u n e m o s a ï q u e d ' inf luences r i tuel les dues au « bois d 'ébène » que les né- gr iers on t jeté, dans u n fouillis assez indéchiffrable , s u r le te r r i to i re de l ' anc ienne Quysqueya .

Le cul te voudoo s 'y est m a i n t e n u , et, avec une force de rés i s tance incroya- ble, su r tou t , pa rce que le n o m b r e de vodoun qui a c c o m p a g n è r e n t les noirs t r a i t é s a ins i é ta i t dé j à cons idérable . P a r exemple, il n ' y a qu ' à voir les re- l a t ions de F a r r o w où il cite dé j à six cents mys tè res voudoo p o u r le seul pays y o r u b a ; a ins i que celles de J o h n s o n qu i en compte auss i six cents p o u r être d ' accord avec lui. Il n ' y a qu ' à c o m p t e r le nombre de t r ibus af r ica ines qu i on t pu f o u r n i r des con t ingen t s d 'esclaves pour les rives d 'Ha ï t i et a t t r i - b u e r s e u l e m e n t à c h a c u n e 300 mys tè re s p o u r c o m p r e n d r e que la quan t i t é de loa f o r m a n t l 'effectif de c h a q u e r i tue l est n a t u r e l l e m e n t de 300, ma i s se t rou- ver dans la p resqu ' imposs ib i l i t é de c o m p t e r l 'effectif global de tous les ri- tue ls réunis .

Le r i t u a l i s m e voudoo, en Haït i , est donc t rès divers, et sa r épa r t i t i on en zones d ' inf luences difficile, délicate. Cependant , le fait cap i ta l à r e t en i r en dép i t de cet te mu l t i p l e diversi té , est que tous les r i tes sont d ' accord s u r les loa axiales de l eurs p r a t i q u e s m a g i q u e s : Legba, infa i l l ib lement , est l eur p ro to type solaire, l ' a r ché type m a g i q u e à la science et à la ma î t r i s e de qui

tous les r i tue ls se réfèrent . Tous les r i tue ls le c o m p r e n n e n t donc comme le mys tè re qui ouvre le po r t a i l ; sans lui, toute magie est p rob lémat ique , s inon f r a n c h e m e n t impra t i cab le . Le r i tue l débu te donc pa r une invocat ion chantée à Papa-Legba ; en voici les p remiè res paroles :

P a p a Legba Oiwr i barr iè poli nous pa s se r

D'ai l leurs , d ' a u t r e s invocat ions chantées , s u r le m ê m e mode ri tuel , dési-

gnent b ien l 'or igine du voudoo, son or igine solaire :

P a p a Legba qui pôtez chapeau , Legba paré-solei l .

L 'or ig ine d ' ensemble des loa voudoo vient se compl ique r é t r angement , sur le p l an s u r n a t u r e l c o m m e s u r le p l an géographique , pa r l ' appor t de nou- veaux mys tè res incorporés j o u r n e l l e m e n t au pan théon . Ces nouveaux mys- tères s ' i ncorporen t à u n r i tue l ou à u n au t re , du fai t qu ' i l s p rov iennen t de h a u t e s personna l i t és d ' in i t iés m o r t s et don t les âmes son t devenues des di- vinités (vohoun ou vo-doun) ou encore de mys tè re s qui n ' a p p a r t i e n n e n t pas h é r é d i t a i r e m e n t au r i tue l considéré . Ces dern ie rs mys tè res « é t r angers à u n c lan t r iba l » sont a lors di ts « mys tè re s achetés ».

Le r i tuel du c lan t r iba l qui les achète se compl ique a insi pa r le fai t que chaque mys tè re a ses h a b i t u d e s r i tuel les et ses a t t r i bu t s personnels qui v i ennen t a u g m e n t e r le m a g a s i n d 'accessoi res et le cé rémonia l lu i -même.

Voici u n exemple des plus ins t ruc t i f s . Si, dans u n r i te quelconque, le mys tè re Ogou Bhal in 'd io et le mys t è r e Ogou F e r sont « servis », leurs dia- g r a m m e s r i tue ls sont différents a ins i que leurs couleurs , bien qu ' i ls soient de la m ê m e « famil le » de loa.

Leur s chan t s r i tuels sont auss i s ens ib lemen t différents. Dans ces condi-

tions, l 'on peu t conc lure en d i san t que, quo ique l 'or igine p lané ta i re de ces deux loa soit la m ê m e source s idéra le qui veut , a s t r o n o m i q u e m e n t , que tous les mys tè res dérivent , a ins i que les as t res auxque l s ils sont assimilés, de l 'Or ien t solaire, l 'or igine d is t inc te de leur cé rémonia l personnel r end le ri- tuel voudoo t rès divers. Ainsi, une des cou leurs du mys tè re Ogou Bhal in 'd io est le violet (*), son é l émen t l ' eau ; t and i s que l ' é lément du mys tè re Ogou F e r est p lu tô t le feu avec les couleurs rouge et bleu.

Q u a n t à leurs d i a g r a m m e s r i tuels , voici les nouvel les différences qu ' i ls p ré sen ten t et qui d é m o n t r e n t que les origines individuel les des loa voudoo expl iquent et nécess i ten t les or igines différentes des modif icat ions que com- po r t en t m ê m e u n seul r i tuel :

(*) Ce mystère ne porte pas forcément la même couleur partout. Sa couleur traditionnelle passe même pour être le grenat principalement, associé au jaune, au vert, au bleu et au rouge.

Mystère Aï-Zan (rite Rada)

Ti Pierre Dan-Tor (rite Péthro)

Ogou Fer (rite Nago)

Origine du Voudoo d'Haïti et ses aires rituelles dans

la géographie de la République d'Haïti

En reprenant le voudoo selon ses origines planétaires, c'est-à-dire surna- turelles, le voudoisant Her-Ra-Ma-El, africaniste et ésotériste haïtien qui a puisé son nom dans la Bible pour montrer davantage la filiation et le syn- crétisme des religions (II Rois : VIII, 19) (*) nous permet de montrer le sens des idées traditionnelles de la race noire en ce qui concerne le culte.

Her-Ra-Ma-El écrit dans son livre « Les Daimons du Culte Voudoo » :

« C'est en vain que des procédés ont été mis en œuvre pour envelopper de ténèbres les phases brillantes de l' évolution mentale du Nègre. Il est hors de conteste que l'antique civilisation éthiopio-égypto-assyrienne doit être inscrite à son compte ». En écrivant cela, l'africaniste haïtien laisse voir que le voudoo haïtien plonge ses racines dans les civilisations les plus bril- lantes pour les former, et les plus lointaines. A l'appui de son assertion, il apporte ces preuves : « Des milliers d'années avant l'avènement du Christ, des théologiens, des philosophes nègres, groupés ensemble, avaient érigé des espèces d'académies pour étudier les problèmes du monde physique et de la destinée humaine. Toute la législation théocratique de Moïse, c'est-à- dire le code social et religieux inscrit dans la Bible, porte l'empreinte des formules sacrées de la foi nègre... ».

L'écrivain révèle ensuite l 'apport métaphysique du voudoo : « La forma- tion de l'idée religieuse implique des croyances sur la constitution du monde, sur l'âme, sur la mort... Les patientes observations de l'espace céleste et des astres qui le peuplent ont donné naissance à cet animisme suivant le-

(*) « L'Eternel ne voulut pas détruire Da(vid), son serviteur, à cause de la pro- messe qu'il lui avait faite de lui donner une lampe >.

;�� ,4,.

Un voudoun-sih « monté » par le mystère Aloumandia (un des mystères de Dessalines)

quel des êtres s u r n a t u r e l s d i r igen t les m o u v e m e n t s de ces astres . De là l ' in- tu i t ion pr imi t ive qui c o n d u i r a aux con templa t ions généra t r ices des légendes et des mythes . De là auss i la genèse des sciences d 'observa t ion en tête des- quel les il f au t p lacer l ' a s t ronomie . T o u t le sys tème h ié rog lyphique de l 'Egyp- te est basé s u r le r a p p o r t symbol ique qui existe en t re les divers êtres et les forces cosmiques , en t re les êtres et les lois de la c réa t ion ».

Nous soul ignons le mo t « lois », que l 'on écr i t p lu tô t loa dans le voudoo, parce que ce son t ces lois qui von t c réer les loa, sous des appa rences visi- bles : plantes , a n i m a u x , h o m m e s , ma i s s u r t o u t ancêt res , ca r le voudoo est d 'essence ances t ra le , p a r le fait que les Afr icains , en fa i san t r e m o n t e r leurs m â n e s dans le ciel, les c o n f o n d e n t avec des astres . C'est ce qu ' accuse le t ra- d i t ional is te : « La c royance s u r l 'âme, sur la mort , ont engendré nature l le- m e n t le cul te des t répassés , e n t r a î n a n t à sa sui te la d iv in isa t ion des âmes huma ines . Ces âmes divinisées (ou canonisées) pa r la mor t , c 'es t ce que les Grecs appe la ien t da imons . . . »

L 'écr iva in a t tes te ensui te que « toutes ces man i f e s t a t i ons du s en t imen t rel igieux ne von t pas sans u n ensemble de rites, de cé rémonies cultuelles, sans des symboles app rop r i é s et sans le dép lo iement d ' u n appare i l p ropre à cap te r l ' imag ina t ion qui est nécessa i re au r e c r u t e m e n t du plus g r a n d nom- bre possible de néophytes . P o u r q u o i r e fuse r — demande- t - i l — d ' a p p l i q u e r a u Voudoo ce pr inc ipe éso té r ique ? »

Cela nous fixe s u r le processus p r a t i q u e qui, de l ' Invisible a u m o n d e des h o m m e s , a mené les adeptes a u r i te mag ique .

E n ce qui concerne les r i tes voudoo, le processus n 'es t pas différent, q u a n t à son origine su rna tu re l l e . Il res te m a i n t e n a n t à savoir pa r que l acc iden t ou p a r quel les séries ex t r ao rd ina i r e s d ' événemen t s le voudoo a t r anspo r t é ses r i tes personnels s u r le sol haï t ien .

D 'abord , la T ra i t e des nègres a lieu, des côtes d 'Af r ique a u x pays améri - cains. Toutes les Anti l les sont couver tes de nègres ex t ra i t s des cales de ba- t eaux négr iers . Le Brésil en reçoi t u n n o m b r e impor t an t . Les te r res de Quis- queya ( redevenue plus t a r d Haït i ) en son t peuplées . O n en sème m ê m e dans les E ta t s -Unis Sud et Nord, Oues t et Est . L a conquê te b lanche en t r an sp l an t e pa r t i cu l i è r emen t dans la pa r t i e amér i ca ine que les Amér ica ins n o m m e n t le Deep Sou th : là, l 'exode forcé des nègres a t t e in t une sor te de paroxysme, avec toutes les sortes de popu la t ions t r ibales af r ica ines : Anmines , Fons, Dahoméens , Yorouba, Congolais, Sénégalais, Soudanais . . .

Il se p rodu i t a lors u n e chose curieuse, et néces sa i r emen t fatale : en t rans - p l a n t a n t ces déshér i tés noirs d 'Af r ique pour les je te r en p â t u r e aux coloni- sa teurs , les b lancs n ' on t pas pensé que, dans l 'affreuse détresse où la dépor- t a t ion b ru t a l e et mass ive les plonge, ces épaves ga rde ron t une foi inext in- guible dans leurs dieux, dans leurs loa, dans leurs voudoun, dans leurs pha ,

et que, m ê m e dans les fers et les cha înes , ils ne so r t i ron t re l ig ieusement et m y s t i q u e m e n t j a m a i s de l ' I fé ou de la Ville Aux Camps de la Grande Tra- d i t ion Ast ro logique . L a p reuve en est g rande : j u s q u ' à ce jour , il existe en Haï t i u n endro i t qui m a i n t i e n t cet te t r ad i t i on as t ro log ique ; — en dépi t de plus de 300 années de servage, la t r ad i t ion voudoo s 'est ma in tenue , intacte, avec cet endro i t p o u r emblème.

Alors, se p r o d u i t une sorte de miracle . Dans les fers, et p e n d a n t qu ' i l s son t encha înés s u r les l a t i fund ia coloniaux, les nègres t r ansp l an t é s invo- q u e n t n o n s e u l e m e n t leurs loa, ma i s ins t a l l en t avec pa t ience les r i tes divers du voudoo a u x endro i t s de l eu r m a r t y r e .

L a T r a i t e a donc p o u r cu r i euse conséquence mora le , n o n pas d ' a b r u t i r ses m a r t y r s p a r l eurs souffrances ma i s p lu tô t d ' exa l te r l eur foi rel igieuse pa r u n e ex tens ion de cet te foi dans leurs divini tés voudoesques . Cette extens ion de foi a p o u r nouvel le conséquence i m p o r t a n t e l ' ex tens ion des aires afr i- ca ines du Voudoo : tou te l 'Amér ique , d u Brési l à Cuba, de Cuba à Haït i (alors Qu i squeya) , de là a u x Iles-sous-le-vent, des I les-sous-le-vent à New- York, de New-York à toutes les par t ies du cont inent , le voudouisme fa i t t ache d 'hu i l e — m a i s avec des p r écau t ions de pirates . Car, s e n t a n t dé jà l eu r faute , les t r a i t eurs , qui, p o u r la p lupa r t , sont de foi ca thol ique , t ra- q u e n t le voudoo !

Malgré cela, l 'or igine a m é r i c a i n e du voudoo se fai t jour , et s ' é tab l i t his- t o r i q u e m e n t . Rien ne p o u r r a p lus a r r ê t e r l ' é t ab l i s sement des loa voudoo en A m é r i q u e — d a n s toute l 'Amér ique — et, p a r t i c u l i è r e m e n t en Haïti , à Cuba, et a u Brésil , où elles son t res tées en force, dans leurs ci tadel les d'exil. On

y r encon t r e encore le Legba voudoo sous le n o m d 'Ecu ou d 'Ocumale , en- touré de tou tes ses loa suba l te rnes , tel que Ocu B h a t h a l a h que les r i tes d 'Ha ï t i on t conservé sous le n o m à peine différent de Ogou Bha tha l ah . Q u a n t à la Vierge du voudoo haï t ien , Erzul ie , on la re t rouve dans les r i tes cu- ba ins , c o m m e Vierge de l 'Eau , sous le n o m de Yé-Maya. Mais là encore, son or igine a f ro -ha ï t i enne est indéniable , parce que son préfixe Yé est, dans la Kabba le dahoméenne , la fo rmule de l ' i n t rospec t ion des magic iens noirs dans le d o m a i n e m é t a p h y s i q u e de l 'âme.

Ainsi, les g r a n d s ini t iés du voudoo p a r t e n t de cet te dénomina t i on de la Vierge p o u r d o n n e r son sens as t ro log ique a u n o m voudoo de leur p remière divini té : Yè-Wè, ou Yé-Hwé, que les Ju i f s ont l égèrement changé en Ya-Vé.

Alors, n o n seu l emen t le sync ré t i sme na tu re l aide à l ' é t ab l i s sement de la Doc t r ine Voudoo (car, p a r m i les nègres t r a n s p l a n t é s p a r les négriers , il y a b e a u c o u p de nègres- ju i f s ) p a r des no i r s qui, alors, pa r l a i en t un peu l 'hé- breu , m a i s cet te doc t r ine s ' imp lan te déf in i t ivement dans les Amér iques au po in t que toutes les violences possibles et imaginables ne p o u r r o n t j ama i s p lus l 'en dérac iner .

Les aires — plu tô t définitives des r i tes voudoo — se forment . . . De l 'Afr ique p r o p r e m e n t dite il Haït i , et d 'Haï t i a u x rives cubaines et aux

sites p ro fonds du Brésil, le p h é n o m è n e é tymologique le p lus f r appan t , issu de la religiosité et du langage afr ica in , est tou t d ' abo rd l ' imp lan t a t i on du mot qui désigne le g r a n d p rê t r e voudoo : en Afr ique, il s 'appel le baba-lao ; en Haïti , il s ' appel le papa - loa ; au Brésil et à Cuba, le t e rme est res té pres- que parei l en se r é f é r a n t à ses rac ines d 'or igine afr ica ines , baba-Oluwa-aie syncopées en baba luwa .

Tous les r i tes voudoo d 'Haï t i venus d 'Af r ique se sont développés à Cuba, au Brésil, et m ê m e dans des endro i t s des Eta ts -Unis que le c o m m u n des mortels , peu cu r i eux de ces choses, est loin de se figurer. Les a i res r i tuel les afr icaines du voudoo en A m é r i q u e p a r t e n t de la pointe Es t d 'Ha ï t i pou r finir à sa pointe Ouest , en fa i san t de m ê m e du Nord au Sud ; il en est de même p o u r la Répub l ique Domin ica ine ; la m ê m e chose existe d ' u n bou t de Cuba à l ' au t re ; toutes les îles de la m e r des Antil les en font pa r t i e : Ba-

CARTE-GUIDE

h a m a s , Guadeloupe , Mar t in ique , La J a m a ï q u e , Porto-Rico, Les Bermudes , L a Tr in i té , a l l a n t m ê m e j u s q u ' à c o m p r e n d r e les côtes des Eta ts -Unis , avec la F lo r i de p a r la Nouvelle Or léans , Galveston et Char les ton.

Q u a n t a u x a i res r i tuel les du cul te en Haï t i p r o p r e m e n t dite, les voici, se- lon des i n f o r m a t i o n s recuei l l ies a u x sources m ê m e s pa r Odet te Mennesson- R i g a u d : les popu l a t i ons Nago sont p lu tô t dans le Nord, sans y être abso- l umen t , avec u n r i tue l p lus ou moins p u r ; les popu la t ions Ibo son t p lu tô t dans le Sud-Oues t , dans les m ê m e s condi t ions ; les popu la t ions Congo, s ans ê t re t o t a l e m e n t a u x envi rons des Gonaives, en t re l 'Ar t iboni te et le Nord-

Oues t , et à la val lée de Jacmel , dans le Sud, s 'y r e t r ouven t de préférence , avec l eu r r i tue l ga rdé le p lus possible de toute a l t é ra t ion ; les Dahoméens son t p lu tô t d u côté des Gonaives, dans les m ê m e s parages que les t r ibus Congo ; les t r i bus A n m i n e s ou Mina sont dans l 'Ar t iboni te ; les t r ibus Mon- dongues son t é tabl ies de p ré fé rence dans les environs de Léogane ou dans Léogane , c o m p r i s dans le Sud-Oues t ; et les Mand ingues se r e n c o n t r e n t p lus souven t d a n s le Nord et l ' ex t rême Nord, a u Cap-Haï t ien.

L a t r i b u la p lus racée, avec le r i tue l r a d i e u x de la t r ad i t i on solaire — le r i tue l r a d a — e s t é tabl ie en m a j e u r e par t i e dans la pa r t i e Nord -Es t de Por t - a u - P r i n c e : dans la P la ine di te Cul-de-Sac. Or, qui di t R a d a di t A r a d a : c ' es t la t r i b u de Gaou-Guinou, le roi a r a d a qui est l ' ancê t re de Toussa in t - Louve r tu re , et c ' es t auss i la t r i b u qu i a donné à l 'h is to i re d 'Haï t i la m è r e d u

généra l André Rigaud, r ival de T o u s s a i n t - L o u v e r t u r e dans le Sud : Rose, qui f u t une négresse a rada .

Les altérations du Voudoo dues aux conséquences religieuses

et politiques et à l'économie forcée de l'esclavage

Nous avons laissé comprendre comment et pourquoi le système esclava- giste colonialiste avait été amené, un peu tard, à saisir son erreur au sujet de la transplantation — non pas des nègres africains sur le sol américain — mais de leurs croyances et des loa voudoo qui les représentent.

Pour obvier aux divers inconvénients qu'occasionnaient aux colons le maintien, chez les tribus africaines transplantées, des mystères voudoo au culte desquels elles continuaient farouchement à se livrer, le colonia- lisme européen commence à baillonner le sacerdoce voudoo auquel se livraient les papa-loa. Dans les débuts, ceux-ci s'exerçaient à leur évan- gélisme sans beaucoup attirer l 'attention ; mais les effets de l'évangélisation occasionnèrent la réaction. Les possessions qui avaient lieu dans les cases, le son voilé de quelques tambours coniques, ainsi que le désir d'indépendance que suscitait cette sorte de rapatriement au sein même de l'exil attirèrent l'attention des maîtres. Ces derniers réagirent férocement, prohibant, le plus qu'ils le pouvaient, toute pratique du voudoo. C'est d'ailleurs ainsi que les méthodes de l'esclavage parvinrent à détruire chez presque tous les nègres haïtiens le sens et le goût de la sculpture — et même de la sculpture sacrée — pourtant tellement intégrée à la culture et aux civilisations nigritiques, au point que, dans tout Haïti, il est presqu'impossible de trouver une seule sculpture représentant cultuellement un fô (amulette) ou un fétiche quel- conque. Le fouet, les emprisonnements, les pendaisons, les blanchiements (supplice qui consistait à écorcher vif tout esclave désobéissant : les blessu- res au coutelas mettaient ses tissus sous-épidermiques à nu, faisant voir la couleur blanche de ses tissus) et les mises à mort éteignirent à tout jamais le goût de pétrir l'argile et de sculpter le bois...

Mais aucun de ces supplices ne put éteindre la foi que le noir transplanté avait gardée en ses mystères.

La lutte religieuse continua pendant trois siècles au moins, ouvertement du côté indépendant des blancs ligués contre toute réapparition des vodoun, avec les pires raffinements de cruauté, tandis que les noirs rusaient le plus possible pour garder leurs vodoun.

Avec le recul de l'histoire, on ne saurait dire si les choses ne seraient pas telles qu'elles ont été sans ces persécutions religieuses que, naturellement, la politique coloniale conseillait et ne cessait d'encourager, tout le clergé européen debout pour détruire tout ce qui était voudoesque. Il n'en est pas moins vrai que les conséquences de cette bataille de foi furent non seulement l'exaspération portée à son maximum du côté des voudoisants qui faisaient tout pour rester dans l'exercice caché de leur culte, mais le sentiment de la nécessité de recouvrer, à toute force, leur indépendance totale.

Au début de la Traite, les nègres purent croire que le temps de l'escla- vage était limité. Mais ils perdirent cette illusion, à la longue, et les babalao, bôcô, houn'gan et mam'bo qui formaient le haut clergé voudoo, consultant les mystères, surent, par des révélations surnaturelles, que la bataille, po- litique et religieuse, devrait être menée jusqu'au bout pour être gagnée.

On verra dans un autre chapitre les résultats décisifs obtenus dans le do- maine politique et le domaine social par cette influence des mystères vou- doo sur toutes les populations tribales livrées sans merci à la Traite et transportées dans les Amériques dont Haïti devait être l'avant-garde dans la lutte prochaine pour l'indépendance.

De nombreux écrivains ont conté des épisodes où le martyre du voudoi- sant dépassait la mesure parce qu'il avait été trouvé dansant le congo, le pethro, la djouba, le yanvalou ou le banda, ou encore en possession d'un vieux fétiche transporté avec amour dans le sexe d'une femme, sous son sein ou même à l'intérieur d'un anus fièvreux pour être invoqué en Haïti. Mais si les fétiches ont progressivement disparu, les danses, intactes, sont restées, ainsi que les mystères.

Les mystères voudoo, depuis l'esclavage, réglaient l'économie occulte des clans africains qui formaient le bétail de l'esclavage. Bien des écrivains igno- rent absolument ce détail d'une économie, terriblement cachée, mais réelle, dirigée par des esprits surnaturels consultés pour un oui et pour un non comme des conseillers financiers. Le système colonial lui-même, eut terri- blement à en pâtir, du fait que cette sorte de grève imperceptible que con- seillèrent les loa voudoo et qui ralentissait le travail forcé des esclaves ra- lentissait d 'autant l'économie des métropoles. Si les Indiens se firent tous massacrer plutôt que de se soumettre à ces feintes adroites qui préparaient sournoisement mais adroitement des jours meilleurs, les Africains s'y li-

vrèrent avec une obstination que surveillaient leurs mystères. Ainsi, en dé- pit des sévices les plus inimaginables où la cruauté dépassait toutes les bornes, la lutte pour l'indépendance des nègres, en Haïti, était née sous les auspices surnaturels des loa voudoo, devait se poursuivre dans l'ombre sous les auspices des loa voudoo, et, plus tard, vers 1800, être gagnée sous la haute protection des loa voudoo (*).

A ce moment-là, ce sera l'effondrement de l'économie métropolitaine dé- jà terriblement minée par cette sorte de grève perlée d'avant la lettre, par les envoûtements d'européens, par les empoisonnements répétés à l'aide de la domesticité noire, — mais toujours sous les auspices des loa voudoo.

Cependant, l'économie métropolitaine va s'effondrer sans que, pourtant, la lutte religieuse entre le voudoo et les autres cultes — en particulier le culte catholique — cesse. Nous allons, par étapes successives, la voir se dérouler tout le long de l'histoire d'Haïti, pour durer encore à nos jours dans l'exaspération des passions strictement religieuses ou mystico-politi- ques.

Les « dieux étrangers » ne voudront désarmer, sous aucun prétexte. Et les mystères voudoo lutteront de toute leur énergie. On les voit lutter encore, dans des conditions parfois plus que déplorables, sans, pour cela, que leur clientèle semble avoir jamais diminué — au contraire.

(*) Plus tard, lorsque la République d'Haïti aura été formée, les mystères voudoo signaleront leur influence par maints exemples, celui-ci entr 'autres : Florvil Hyp- polite, qui fut président d'Haïti du 9 octobre 1889 au 24 mars 1896, était fou avant sa présidence ; il fut soigné et guéri à Lan Campêche, fameux centre vou- doo du Nord de l'île, et là, un « ange » (mystère voudoo) lui prédit qu'il serait, dans six ans, président de la République. Hyppolite ne voulut pas croire à la pré- diction. Quelques années après, il fut élu en effet à la présidence d'Haïti, ce qui lui rappela la prédiction ; il offrit, par reconnaissance, de nombreux objets de valeur au oum'phor de Lan Campêche.

Cincinnatus Leconte (président d'Haïti du 14 août 1911 au 8 août 1912), qui y servait comme Hyppolite, fit aussi de magnifiques et nombreux dons au même oum'phor.

L'économie locale passée et actuelle du Voudoo en face

de la politique haïtienne

A aucun moment de son histoire haïtienne, le Voudoo n'a été et n'a pu être dissocié de l'Histoire proprement dite — qu'il s'agisse de l'histoire po- litique, qu'il s'agisse de l'histoire économique, qu'il s'agisse de l'histoire religieuse.

Il y a un fait curieux et troublant dans l'histoire politique du Voudoo. Déjà en Afrique, le voudoo est plus qu'intimement mêlé à la vie politique, à la constitution politique, et à la vie des rois comme aux plus petits faits de l 'administration. Le fait politique le plus important dans la vie d'un peu- ple, celui d'avoir un monarque, est réglé, de droit divin, au Dahomey par exemple, par la constitution ésotérique des loa voudoo, depuis le début du concept de la royauté jusqu'à ses moindres détails de cérémonial privés et publics. C'est ainsi que tous les rois africains sont subordonnés soit à des mystères de famille, soit à des mystères importés ou « achetés » de tribus étrangères chez lesquelles la réputation magique de ces mystères était éta- blie.

Un de ces fameux exemples de mystères adoptés par le Dahomey est four- ni par l'histoire religieuse de la cour royale du Dahomey : la mère du roi Tegbésou, Houan-ileh, alla chercher un mystère jusqu'au village de Jalouna, dans le cercle de Savalou (dont le voudoo haïtien tire plusieurs de ses loa nago, tel que Bacossou). Houan-ileh installa ce mystère étranger qui s'ap- pelait Bagbo en dehors du palais de Singboji. Ce mystère avait justement été « acheté », comme le sont souvent des loa voudoo. Houan-ileh s'était fait donner beaucoup d'argent par le roi Tegbésou et avait même organisé toute une expédition pour pouvoir ramener le mystère sans encombre à Abomey, après l'avoir chèrement payé. Le roi, ne connaissant pas bien ce

mystère, se fit conseiller par les hauts dignitaires religieux du palais qui lui firent comprendre qu'il valait mieux reléguer Bagbo dans un lieu qui n'était pas très éloigné du palais et qui, dès lors, prit le nom de Bagbonongonn'. Mais comme personne ne savait servir kabbalistiquement Bagbo, Bagbo ne fit jamais rien de retentissant. On croit même que les devins attachés à la cour firent exprès de mal le servir pour ne pas laisser détrôner les anciens mystères : ils bornèrent Bagbo par des procédés magiques.

Le roi dahoméen Tegbésou, sous l'influence d'un mystère, prit le surnom de Bossou Ashadeh. Or, jusqu'à présent, le voudoo haïtien a un mystère qui s'appelle Ogou Ashadeh, et la mère de Tegbésou, Houan-ileh, a encore sa réplique en Haïti dans un mystère voudoo dont le nom est Houan-ileh.

Les mystères, intégrés depuis toujours à la vie politique et économique d'Haïti, n'ont jamais changé d'attitude. On voit alors, depuis l'Indépendance (.1804), des gouvernements haïtiens se succéder, avec, comme présidents, tantôt des chefs d'Etat qui persécutent le voudoo avec plus ou moins de sincérité, tantôt des chefs d'Etat qui le persécutent avec toute l'hypocrisie possible, tantôt des chefs d'Etat qui protègent ouvertement le culte. Parmi ceux qui ont traqué le voudoo, on peut citer Dessalines ; mais Dessalines traquait les adeptes voudoo tout en étant, lui-même, pratiquant fervent du voudoo ; encore maintenant, il existe une loa que les voudoisants voient souvent s'incarner et cette loa s'appelle Grande Aloumandia ; cette loa était l'un des mystères qui possédaient Dessalines, surtout quand il se rendait au oum'phor où il servait, à l'Arcahaie (*). Ce mystère fut même un de ceux qui avertirent Dessalines qu'on devait l'assassiner, de ne pas partir pour l'Ouest d'où il devait se rendre dans le Sud contre Pétion pour réprimer une révolte : Dessalines partit en méprisant l'avis des mystères et, dès qu'il eut atteint le Pont Rouge, à l'entrée de Port-au-Prince, il fut abattu par les balles des révolutionnaires.

Le cas de Dessalines rappelle un axiome bien connu de tous ceux qui servent les loa en Afrique : « Il ne faut jamais faire honte à un vodoun ».

D'autres présidents d'Haïti, se moquant des exigences du clergé catholi- que romain, protégèrent sincèrement et ouvertement le voudoo. On peut les citer : Soulouque, Duinarsais Estimé. Soulouque pratiqua ouvertement, Es- timé aussi, ce qui leur vaut une certaine reconnaissance des oum'phor, en dépit du caractère politique assez scandaleux de leur administration, car, le pire, en religion, est d'avoir honte de ses convictions. C'est d'ailleurs ce mal- heureux complexe qui a, le plus souvent, compliqué l'existence des loa vou- doo et du culte voudoo, en Haïti ; l'Histoire d'Haïti comporte ainsi nombre

(*) Au pont de Mérotte. Il servait aussi dans d'autres oum'phor situés ailleurs. Voir fig. 2.

de chefs d ' E t a t qui , t ravai l lés p a r ce complexe d ' in fé r ior i té cultuel le , se sont l ivrés m a l a d i v e m e n t à une gue r re d ' e x t e r m i n a t i o n dans le b u t de s u p p r i m e r le cu l t e des loa — alors que, dans l 'ombre , ils le p r a t i q u a i e n t !

Un des exemples les p lus f r a p p a n t s de cet te pe r sécu t ion pol i t ique demeu- re m a r q u é , dans l 'h is to i re d 'Haï t i , d ' u n e p ie r re rouge. Geffrard est p rés iden t de la R é p u b l i q u e d 'Ha ï t i de J a n v i e r 1859 à Mars 1867. Le peuple ha ï t i en é t a i t fa t igué de l ' empi re de Sou louque ; l ' a rmée p r é p a r a i t sa chute. Le Co- m i t é Révo lu t ionna i r e des Gonaives ré tab l i t b ien tô t la Républ ique en pro- c l a m a n t Geffrard prés iden t . P e n d a n t ses démêlés avec Soulouque qui le s o u p ç o n n a i t de le t r ah i r , et voula i t le f rapper , Geffrard s ' ad ressa a u x loa voudoo qui p ré s iden t le « bagui » du o u m ' p h o r de L a Souvenance, près de la ville des Gonaives. Geffrard, p o u r se p ro tége r de Soulouque, se fit proté- ger p a r les loa de La Souvenance. Il p r o m i t m o n t s et mervei l les à ces loa, les f a i san t « t r ava i l l e r » p o u r lui afin qu ' i l accédâ t à la présidence. Mais, dès qu ' i l f u t p roc l amé p ré s iden t d 'Ha ï t i p a r le Comité Révolu t ionna i re des Gonaives, son p r e m i e r soin fu t n o n seu l emen t de r e fuse r ce qu ' i l ava i t pro- mis a u x m y s t è r e s ma i s de f e r m e r m a n u mi l i t a r i le bagui où les loa ava ien t t ravai l lé à son access ion à la p r e m i è r e m a g i s t r a t u r e de l 'Eta t . Geffrard fit f e r m e r le bagu i de L a Souvenance de p e u r que le bagui ne t rava i l lâ t p o u r un a u t r e : il eu t peur , dans son ingra t i tude , que les loa n ' emplo ien t cont re lui l ' a r m e qui lui ava i t servi à r enve r se r Soulouque. Et, p e n d a n t sept années , le bagu i r e s t a f e r m é !

Mais le coup le p lus d u r que Geffrard — qui avai t p o u r t a n t p romis le c o n t r a i r e — po r t a a u x mys tè re s voudoo est le Concorda t signé avec Rome. L 'h i s to i re d 'Ha ï t i r a p p o r t e que Geffrard p r i t l ' in i t ia t ive des p o u r p a r l e r s avec le Saint-Siège. Ses proposi t ions , qui v i sa ien t à abol i r l ' inf luence de tous les o u m ' p h o r d 'Haï t i , f u r e n t examinées avec e m p r e s s e m e n t et bienveil lance. I n t e r r o m p u e s p a r diverses difficultés, les négocia t ions r e p r i r e n t en .1859. Geffrard fit p a r t i r p o u r Rome deux négoc ia teurs : F a u b e r t et Boyer. Signé enfin à Rome le 28 m a r s 1860, le Concorda t est ratifié p a r le Séna t ha ï t i en le 1er avril .

Si, a u p a r a v a n t , le clergé n o n officiel délégué en mis s ion p a r Rome, lut- t a i t con t re les m y s t è r e s voudoo et les « bagu i », c ' é ta i t sans une approba - t ion d ' E t a t b ien déclarée et, su r tou t , sans u n i n s t r u m e n t d ip loma t ique de ce t te impor t ance . Main tenan t , Rome a l la i t in tensif ier la lu t t e grâce à cet i n s t r u m e n t que vena i t de lui f o u r n i r Geffrard, t ransfuge voudoo de L a Sou- venance.

Le voudoo, ma lg ré cela, ne se por t a i t pas si mal, lo rsque 80 ans plus ta rd , El ie Lescot, p r é s i d e n t d 'Haï t i , imag ina de donne r u n su rc ro î t d ' intensif ica- t ion à la lu t t e rel igieuse en t r e le o u m ' p h o r h a ï t i e n et l 'église r o m a i n e : il m e t s o u d a i n sa garde prés ident ie l le au service a r m é de l 'église de Rome qui

t r aque les voudo i san t s j u s q u e dans leurs ma i sons privées, ra f lant tous les objets cu l tue ls que ses curés pouva ien t t rouver : t a m b o u r s coniques , as- sons, d r a p e a u x r i tuels , assens de fer forgé, p ie r res - tonner re , a t t r i bu t s ri- tuels des loa tels que les cos tumes , les c h a p e a u x et les foulards . L'église ro- m a i n e en fait des au todafés publ ics et exige, a r m é e off iciel lement pa r Les- cot, que tous les voudo i san t s se conver t i s sen t à la rel igion de Rome. Une Inqu i s i t ion-min ia tu re .

Les mys tè res a f r ica ins se p l ient doc i l ement ; puis, selon la m é t h o d e t ra- dit ionnelle, ils l a i ssen t pa s se r le flot, puis , l en tement , t rès l en tement , ils re- p r e n n e n t pied, d o n n e n t l ' o rdre de refa i re des t ambour s , de r ep l â t r e r les ba- gui, de confec t ionner de n o u v e a u x d rapeaux , de r e p r e n d r e d ' au t r e s assons, de r e c o m m e n c e r les services rituels. . .

Comme Dessal ines qui a été tué au Pon t Rouge devan t la capi ta le alors qu ' i l m a r c h a i t à u n t r i o m p h e sanglant , le m a d r a s rouge des Ogou et des Pe th ro noué a u t o u r de son crâne, sous son bicorne ; comme Geffrard qui est tombé du pouvoir après que des consp i ra t eu r s , qui l ' a t t end i r en t en va in à l 'angle des rues de l 'Hôpi ta l et des casernes p o u r l ' assass iner , se vengèren t en t u a n t sa fille, Madame Mannevi l le Blanfor t , de dépit, d ' u n coup de fusil t i ré à t r avers les pers iennes , Elie Lescot tombe aussi du pouvoi r et p a r t pou r l 'exil.

Mais le Concorda t con t i nue à l ivrer la bata i l le des mys tè re s : mys tè re s de Rome cont re les mys tè re s de la Guinée, du Congo, de l 'Angola, du Da- homey, mys tè re s des Fons , des Nagos...

A l ' heure où nous t r a çons ces lignes, u n épisode é t range dl" cette batai l le des loa-pays cont re les loa-é t rangères se déroule , dit-on, a u x Gonaives sous la fo rme d ' u n duel m a g i q u e en t re le siège épiscopal et les o u m ' p h o r des en- virons. Monse igneur Robert , évêque du lieu, c o n s t r u i t u n palais épiscopal à l ' endro i t où se t r o u v a i e n t servis des mys tè re s voudoo ; il est empêché, p a r ces mystères , d ' hab i t e r le palais . De plus, sa san té péricl i te ; u n mys t è r e lui ap- p a r a î t de t e m p s à a u t r e sous l ' a spec t d ' u n e d a m e et lui d e m a n d e de r end re l ' e m p l a c e m e n t (a) (*).

Dans le domaine p u r e m e n t économique , la s i t ua t ion locale se compl ique dès que la pe r sécu t ion r e p r e n d con t re les temples voudoo. Voici pourquo i : les exigences du r i tue l voudoesque fo rmen t une cl ientèle r e m a r q u a b l e a u commerce ha ï t i en ; et, du m o m e n t que les o u m ' p h o r sont empêchés de tra- vail ler, tous ceux qui s ' a d o n n e n t au voudoo cessent d 'acheter , ce qui signifie que les trois q u a r t s des popu la t ions ha ï t i ennes cessent d ' ache te r la formi-

(*) Les l e t t res (a), (b), (c), (d), etc., r e n v o i e n t aux le t t res c o r r e s p o n d a n t e s de l ' I n d e x h a g i o g r a p h i q u e . (Voir p a g e 401).

d a b l e q u a n t i t é d e m a t i è r e s r i t u e l l e s h a b i t u e l l e m e n t n é c e s s a i r e s à l a m a g i e v o u d o e s q u e .

C ' e s t d i r e q u e c h a q u e f o i s q u ' u n é v é n e m e n t p a r e i l se p r o d u i t , il se p r o -

d u i t , p a r v o i e d e c o n s é q u e n c e , u n m a r a s m e c o m m e r c i a l . A i n s i , m a l g r é q u e ,

p a r l e c o m p l e x e q u e n o u s a v o n s e s s a y é d ' e x p l i q u e r , l a p o l i t i q u e d u C o n c o r -

d a t d e G e f f r a r d f e r m e l e s t e m p l e s v o u d o o , i l s n e r e s t e n t p a s f e r m é s b i e n

l o n g t e m p s — l a b a l a n c e c o m m e r c i a l e d é p e n d a n t d ' u n e b a l a n c e d e p o l i t i q u e

r e l i g i e u s e q u e l e s m y s t è r e s d e s o u m ' p h o r s e m b l e n t a v o i r é t a b l i e c o m m e p a r m a l i c e .

U n e c o n v e r s a t i o n q u e n o u s e û m e s a v e c le m y s t è r e q u i p r o t é g e a i t D e s s a -

l i n e s , G r a n d e A l o u m a n d i a , éd i f i e c u r i e u s e m e n t c e u x q u i p e u v e n t , à u n t i t r e

q u e l c o n q u e , s ' i n t é r e s s e r à c e t t e a v e n t u r e q u a s i - s u r n a t u r e l l e .

— P o u r q u o i H a ï t i e s t - e l l e d a n s u n si t r i s t e é t a t , d e m a n d a i - j e a u m y s t è r e ?

— P a r c e q u e l e s c h e f s d ' E t a t h a ï t i e n s , a u l i e u d e r e s p e c t e r les l o a d e

G u i n é e , o n t p r é f é r é i n s t i t u e r u n s y s t è m e p o l i t i q u e q u i c o n s i s t e à les b r i m e r .

P r e s q u e t o u s l e s c h e f s d ' E t a t h a ï t i e n s o n t t r a h i les m y s t è r e s a f r i c a i n s . I l s

l e s c o n s u l t e n t p o u r ê t r e « q u e l q u e c h o s e » et , d u m o m e n t q u ' i l s s o n t « a r r i -

v é s », i l s n e p e n s e n t q u ' à s u p p r i m e r n o s b a g u i , e m p ê c h e r n o s s e r v i c e s , i n -

t e r d i r e n o s d a n s e s . A u s s i , l o r s q u ' o n n o u s a p p e l l e m a i n t e n a n t , n o u s v e n o n s ,

m a i s s e u l e m e n t p o u r n o u s a m u s e r u n p e u et , s u r t o u t , p o u r f a i r e q u e l q u e s t r a i t e m e n t s i n d i v i d u e l s a f i n d e r e n d r e s e r v i c e à d e s m a l a d e s . . .

— N ' y a - t - i l p a s u n m o y e n d e f a i r e a u t r e m e n t ? — S a n s d o u t e . . .

— L e q u e l ?

— J e m ' e n r é f é r e r a i à G r a n d - M a î t r e et , l o r s q u e j e v o u s r e v e r r a i , n o u s e n r e c a u s e r o n s .

L e p l u s h a u t s o m m e t d e l a l u t t e R o m e - O u m ' p h o r s e m b l e ê t r e , t o u t e f o i s ,

l ' a v e n t u r e h i s t o r i q u e d u r o i H e n r i C h r i s t o p h e .

C h r i s t o p h e , d i t H e n r i Ier, r o i d e l a p a r t i e N o r d d ' H a ï t i e n t r e 1806 e t 1820,

é t a i t u n f e r v e n t p r a t i q u a n t d u v o u d o o , q u o i q u e m e n a n t , d a n s les d é b u t s ,

u n e p o l i t i q u e a s s e z a s t u c i e u s e a v e c le c l e r g é e x o t i q u e , e s s a y a n t a d r o i t e m e n t

d e s u b o r d o n n e r l e s p r ê t r e s r o m a i n s à s o n a u t o r i t é p o l i t i q u e p e n d a n t q u e

c e u x - c i e s s a y a i e n t d ' e n f a i r e a u t a n t p o u r l ' a m e n e r d a n s le g i r o n d e R o m e .

C e p e n d a n t , l es p r ê t r e s r o m a i n s a l l è r e n t s i l o i n d a n s l e u r s c r i t i q u e s c o n t r e

l a f i d é l i t é d u m o n a r q u e a u x m y s t è r e s a f r i c a i n s q u e le r o i s e p r o m i t d e t r a -

c e r u n e x e m p l e p u b l i c q u i l e s f î t c e s s e r ; il s e r e n d i t d o n c à l ' é g l i s e c a t h o -

l i q u e d e L i m o n a d e et , p e n d a n t q u e le p r ê t r e c r i t i q u a i t o u v e r t e m e n t l a c o n - d u i t e « v o u d o o » d e l a m o n a r c h i e , m ê l a n t s a h a i n e d u v o u d o o à d e s c o n s i -

d é r a t i o n s s u r l ' a d m i n i s t r a t i o n p o l i t i q u e p r o p r e m e n t d i t e , H e n r i Ier s e l e v a

d e s o n t r ô n e , et , c r a v a c h e e n m a i n , se d i r i g e a v e r s l a c h a i r e . . . M a i s , d i t - o n ,

a u m o m e n t o ù il a l l a i t l e v e r le b r a s p o u r f r a p p e r le p r é d i c a t e u r , il f u t t e r -

r a s s é p a r u n e p u i s s a n c e i n v i s i b l e q u i le p r o j e t a a v e c u n e f o r c e e x t r a o r d i -

n a i r e c o n t r e l a p a r o i d u b â t i m e n t . Il s e b l e s s a , m a r q u a n t le m u r d e s o n s a n g c h a u d .

O n v o i t e n c o r e u n e l a r g e m a c u l e r o u g e f a i t e a u m u r e n q u e s t i o n (*) . L e s

p r ê t r e s d u c l e r g é c a t h o l i q u e a u r a i e n t , p a r a i t - i l , v o l o n t a i r e m e n t o m i s d e

l a v e r c e t t e t a c h e d e s a n g q u i r e p r é s e n t e , à t r a v e r s le t e m p s , u n e d e l e u r s

v i c t o i r e s s u r le c u l t e v o u d o o , e t i l s o n t p l a c é , e n t r e l a p o r t e d e l a s a c r i s t i e

e t le c o i n d u m a î t r e - a u t e l , u n e i n s c r i p t i o n .

L a p r o p a g a n d e c a t h o l i q u e r o m a i n e n e m a n q u e p a s d ' a j o u t e r q u e le r o i

C h r i s t o p h e , à l a s u i t e d e c e t t e s c è n e t r a g i q u e , r e n t r a a u p a l a i s d e S a n s -

S o u c i , à Mi lo t , p o u r m o u r i r , p e n d a n t q u ' é c l a t a i t l a r é v o l u t i o n q u i d e v a i t r e n v e r s e r l a m o n a r c h i e .

(*) D'autres disent que c'est à l'église du Cap. La vérité historique est que le 15 août 1820, il devait assister à la messe au Cap, mais il se ravisa et se rendit à Limonade.