LES MOYENS DE DOMINATION - LA MAGIE - Numilog

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D JULES REGNAULT LES MOYENS DE DOMINATION LA MAGIE EXTRAIT DE GRANDE ENCYCLOPÉDIE ILLUSTRÉE DES SCIENCES OCCULTES PUBLIÉE EN COLLABORATION SOUS LA DIRECTION DE D. N É R O M A N ÉDITORIAL ARGENTOR STRASBOURG 1937

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D JULES REGNAULT

LES MOYENS DE DOMINATION

LA MAGIE

E X T R A I T

DE

G R A N D E E N C Y C L O P É D I E

I L L U S T R É E

DES

SCIENCES OCCULTES

PUBLIÉE EN COLLABORATION SOUS LA DIRECTION

DE

D. N É R O M A N

ÉDITORIAL ARGENTOR • STRASBOURG 1937

S I X I E M E P A R T I E

LES MOYENS DE DOMINATION

La Magie

Introduction.

L'homme, en présence du monde extérieur, distingue avant tout le moi et le non moi. La sensation de l'effort fait pour produire un mouvement ou pour l'empêcher de se produire nous donne les idées de force et d'énergie nécessaire pour produire une force. La sensation de double contact nous permet de limiter ce que nous appelons notre corps, dans lequel nous avons conscience de mettre volontaire- ment en jeu l'énergie en cause.

Parmi les êtres qui l'entou- rent, l'homme a observé que les uns se déplacent spontanément comme lui et il les a considérés comme vivants.

Parmi les objets qui ne se déplacent pas spontanément, il en est qui se meuvent sous l'in- fluence du vent ou d'un léger souffle de l'observateur. On en a rapidement et très simplement conclu que la vie est due à un souffle intérieur (pneuma, spiritus, anima) qui produirait tous les mouvements du corps. La vie disparaît lorsque la respiration s'arrête et, encore aujourd'hui, on dit couramment d'un homme qui vient de mourir: «Il a rendu le dernier souffle ». La recherche des secrets.

Ces idées se retrouvent dans la Genèse, où Elohim, après avoir modelé un homme en argile, lui donne la vie et une âme en lui soufflant dans les narines.

La plupart des êtres vivants observés par les premiers hommes dégagent de la chaleur, tant qu'ils sont en vie, puis se refroidissent après leur mort ; ceux-ci ont pu croire que la vie était due à un feu intérieur ; c'est l'idée qu'on trouve chez les habitants de l'Inde et qui a été aussi fixée dans la légende de Prométhée ravissant le Feu du ciel pour animer le premier homme.

Enfin le sang entretient la vie, car la faiblesse ou la mort se produisent quand il s'écoule en grande quantité ; aussi chez divers peuples trouve-t-on le mythe de la formation du premier homme au moyen d'argile pétrie avec le sang d'un géant ou d'un dragon. Et, dans toutes les œuvres de Magie, qu'il s'agisse de rajeunir des hommes ou d'évoquer des esprits et de leur donner de l'énergie, c'est toujours le sang qu'on emploie.

Toutes les idées élémentaires que nous venons d'exposer se retrouvent dans les origines de la Magie, qui a eu pour but de dominer les autres hommes, de dominer les éléments de la nature considérés comme possédant une énergie, un esprit analogue à celui que l'observateur sent en lui-même.

Chez les peuples les plus primitifs, les « anciens « de la tribu faisaient profiter de leur expérience les jeunes qui les consultaient. Les traditions des premières connaissances ont été conservées dans certaines familles : ainsi sont apparus les sorciers, dont sont issus les prêtres, les médecins, les hommes de science.

Plus tard les notions acquises ont été conservées et transmises par initia- tion dans les temples ou des sanctuaires.

Des castes sacerdotales ont été constituées et elles ont voulu conserver jalousement secrètes les notions scientifiques, grâce auxquelles elles main- tenaient leur prestige, leur pouvoir et leur domination. Dans tous les pays elles ont poursuivi les autres sorciers, qui agissaient, d'une façon indépen- dante, en francs tireurs. Quant aux principales notions, elles les ont révélées, c'est à dire « recouvertes d'un voile », sous une forme symbolique ou mytho- logique à l'usage des profanes. Ceci peut expliquer comment les mythes de diverses religions se superposent les uns aux autres et cadrent avec les mêmes phénomènes naturels.

Bon nombre de phénomènes se rattachant à l'antique Magie, ont été peu étudiés : ils étaient niés a priori par les matérialistes ; leur étude était proscrite par les représentants de diverses religions, qui vo- yaient dans ces phénomènes l'œuvre de leurs divinités, quand ils les avaient eux-même provoqués, et l'œuvre du diable ou de mauvais génies, quand entrait en jeu un de ces concurrents qu'ils appelaient sorciers ou magiciens. Ainsi ont été constituées les « sciences occultes » ou « sciences maudites ».

Il est certainement difficile d'établir un choix parmi les faits rapportés dans ce domaine : il faudrait faire la part des illuminés, des charlatans et des escrocs.

Lieu d'origine de la Magie.

Il est impossible de préciser la région du monde dans laquelle s'est organisée la primitive Magie : est-ce dans le centre de l'Asie ? est-ce dans des continents aujourd'hui disparus, comme celui qui a laissé des traces dans le Pacifique, en particulier à l'Ile de Pâques ? Est-ce dans un continent effondré au milieu de l'Atlantique ? Est-ce chez les populations nordiques dont la migration vers le Sud aurait été commandée par l'invasion cyclique du froid ?

Les avis sont fort partagés. Il est possible que des civilisations analogues se soient développées presque simultanément en divers points de la Terre,

L'alchimiste dans son laboratoire.

n'ayant entre eux aucune communication : l'analogie des croyances et des symboles s'expliquerait parce que ces symboles s'appliquent à des phéno- mènes identiques révélés sous des symboles très peu différents.

Dans certaines cas il y a une identité telle qu'on est obligé d'admettre qu'il y a eu, dans les temps fort lointains, des relations entre les continents les plus éloignés, comme l'Asie et l'Amérique et comme l'Ancien Continent et le Nouveau Monde. Ceci était considéré comme impossible par divers auteurs en raison du faible tonnage des navires qu'on connaissait aux anciens. L'argument n'a plus de valeur depuis qu'Alain Gerbault a fait une fois et demie le tour du monde seul dans une barque, depuis que Marin Marie a suivi seul sur un très petit navire le trajet des transatlantiques.

D'autre part, tous les peuples n'ont pas évolué avec la même rapidité et nous retrouvons dans l'espace les diverses étapes qu'on eût sans doute pu observer dans le temps. Avec les documents de la paléontologie, avec ceux de l'ethnographie comparée actuelle on n'a presque pas à regretter l'absence de la machine de Wells à explorer le temps.

Partout on retrouve les étapes d'une même évolution : observation de la nature par les plus intelligents, accumulation des documents par cer- taines familles ou par certains groupements, apparition de sorciers ou de sorcières révérés et craints en raison des « secrets » qu'ils possèdent ou qu'ils sont supposés posséder; domination de ces sorciers non seulement en raison de leurs connaissances réelles, quelquefois très intéressantes, mais aussi, et, peut-être surtout, en raison du pouvoir de suggestion basé sur la supers- tition populaire.

Prenons la tribu nègre ou indienne la plus arriérée : nous y trouvons un chef militaire et, à côté de lui, un sorcier, dont le pouvoir réel est peut- être plus grand. Quelquefois le sorcier est lui-même chef de la tribu, alliant le pouvoir spirituel au pouvoir temporel : c'est ce qui existe pour le Grand Lama, c'est ce qui a existé en partie pour le Tsar de Russie, c'est ce qui a existé pour l'ancien Empereur de Chine, dont le rôle était avant tout d'établir ou maintenir l'harmonie entre le Ciel et la Terre, c'est à dire entre Iang et Yn, « forces » ou énergies positive et négative, d'en haut ou du Ciel et d'en bas ou de la Terre.

Dans quelques cas cette situation a pu donner lieu, chez des peuples primitifs, à des scènes du plus haut comique. Certain roi nègre est poursuivi par ses sujets révoltés ; il va être pris, lorsqu'il se rappelle en temps opportun qu'il est aussi sorcier. Il se retourne vers les poursuivants et se déclare « tabou ». On sait que personne ne peut toucher un tabou ou être touché par lui sans être exposé aux plus grands maux ; alors les révoltés s'arrêtent ; ils ne peuvent plus toucher le roi ; ils ne peuvent non plus être touchés par lui et... les rôles sont renversés : le roi « tabou » poursuit ses poursuivants, qui s'enfuient épouvantés ; il les fait ainsi se replier jusque dans les cases de leur village et tout rentre dans l'ordre.

Combien de grands monarques modernes pourraient envier le pouvoir de ce pauvre roitelet nègre...

Dans des civilisations plus avancées nous trouvons la science et la Magie entre les mains de castes, qui utilisent leurs connaissances positives pour développer leur puissance suggestive et assurer leur domination non seulement sur le peuple, mais sur les guerriers ou les nobles et même sur les rois. Ceux-ci en arrivent à se faire consacrer ou couronner par les représen- tants des sciences mystérieuses pour établir ou renforcer leur prestige près du peuple.

De peuple à peuple on essaie d'établir la domination par les pouvoirs occultes : les prêtres de chaque peuple ou de chaque religion établissent de véritables concours de prodiges ou de « miracles », en prenant ce mot dans son sens étymologique : « choses qu'on doit admirer ».

Cela valait peut-être mieux que de faire massacrer des milliers de soldats en ce temps là où la vermine humaine n'était pas encore trop abondante sur le globe ; d'ailleurs cela n'empêchait pas de temps à autre une bonne petite guerre ou un bon massacre...

Dans un même peuple des rivalités s'établissaient entre des prêtres officiels et des dissidents, mais elles étaient assez rares dans leurs manifesta- tions, parce que la hiérarchie était bien établie, la discipline et la discrétion des initiés était assurée du fait que leur instruction était progressive et que

la suppression des dissidents ou des indiscrets était rapide : elle était attribuée à la colère des puissances supérieures..., dont les autres initiés étaient les fi- dèles exécuteurs...

Cependant des irréguliers opéraient avec une certaine indépendance, mais étaient considérés comme des sorciers agissant grâce à l'aide des puis- sances inférieures. On ne niait pas leur puissance puisque la pierre de Thèbes porte ces mots célèbres :

Ce qui est en haut est comme ce qui est en bas et ce qui est en bas est comme ce qui est en haut pour faire des miracles d'une même chose.

On est amené à distinguer plusieurs espèces de Magie : la haute Magie qui a généralement un but élevé, et la basse Magie qui a, le plus souvent, un but égoïste et est appliquée pour faire le mal.

CHAPITRE I

La Haute Magie

Origine du mot Magie.

L'origine du mot « Magie » se rattache à la science des Mages. Ces der- niers, dont le nom vient du mot babylonien Magoush, formaient une caste sacerdotale chez les Iraniens. Ils menaient une vie très austère. Après avoir reçu une instruction de longue durée, ils étaient répartis en plusieurs classes, dont trois avaient des fonctions bien spécialisées, celle qu'on appelle des sor- ciers et qui serait mieux nommée des « physiciens », qui avait un rôle actif ; celle des devins ou interprètes de songes, enfin celle des docteurs de la Loi.

Ils ne connaissaient qu'un souverain être, dont le feu était le symbole. Cette religion s'est continuée dans le Magisme existant encore chez les Guèbres ou Parsis.

Chez les Mages primitifs le culte développait ses cérémonies en plein air et il était interdit de faire des idoles ou images de la Divinité. Il en fut autrement chez des hérétiques, les Mages de Cappadoce, qui faisaient des images représentant le feu, les portaient en procession et leur offraient des sacrifices dans des temples.

Le mot « Mage » a été conservé jusqu'aux temps modernes dans cer- taines sociétés d'occultistes : le mage de la Rose Croix est celui qui a reçu le suprême degré de l'initiation magique. Ce grade n'est accessible qu'à des personnes très intelligentes et douées d'une mémoire prodigieuse, car l'enseignement est oral et il est interdit de l'écrire : on doit se contenter de symboles dont l'explication est donnée plus ou moins complète suivant le degré initiatique.

Le mot « Magie » eut un sens plus extensif chez les Grecs et les Romains, et, plus tard, dans les langues occidentales on l'applique aux sciences occultes et à l'art de produire des choses impossibles aux hommes ordinaires.

On a distingué diverses formes de la Magie : Magie naturelle et Magie divine.

On définit quelquefois encore aujourd'hui le but de la haute Magie : connaître et dominer les forces matérielles et spirituelles de la Nature.

Cette définition a dû être donnée au temps où on a commencé à faire des distinctions subtiles entre la matière et l'esprit, au moment où se dessinait