LE SIGNE P'A - ENFERMANT LE BÉBÉ JAGUAR

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LE SIGNE P’A – ENFERMANT LE BÉBÉ JAGUAR Europe C. Mercier et Renato Cottini Giroldo Centre d’Investigations et Études du Sud-est Mésoaméricain 22 février 2015 Corrélation chronologique 584,285 ANTÉCÉDENTS Nous avions commenté dans le rapport L’EFFET DOMINO que la recherche des syllabes éjectives manquantes n’allait pas s’interrompre. Dans un court lapse de temps nous avons trouvé la p’i (LE SIGNE P’I ET LES PALANQUINS MAYAS), la p’e (LE SIGNE P’E ET LA MÈRE ÉLUE) et un certain nombre de logogrammes non identifiés avec certitude jusqu’à la date (les documents peuvent être consultés sur www.academia.edu). Les syllabes éjectives qu’il reste à localiser sont ch’u, p’a et t’i. Néanmoins, il manque encore l’identification de so, tso, wu, we, xe, et que la be est encore douteuse. Ce document est le résumé de la recherche de la syllabe p’a, dont nous avions déjà une idée de comment la localiser. ANALYSE En suivant la trace de la syllabe p’u il fallait considérer que la p’a allait se présenter dans des contextes similaires en relation avec des activités que sont habituellement représentées sur des contenants. La recherche s’est rapidement focalisée sur une série de vase qui a été surnommée « le bébé jaguar » où se répète une scène. Les intéressés pourront analyser la série sur le lien : http://research.mayavase.com/kerrmaya.html L’événement peint, avec quelques variantes minimes, est celui de la capture d’un bébé jaguar plus ou moins anthropomorphe (la vieille divinité de l’obscurité et des vices) par la divinité de la pluie (Chahk), armée avec une hache et un « golpeador » cérémoniel. La présence de la mort en tant qu’alter-ego du bébé complète la scène. Les textes peints se répètent et situent l’événement à différentes dates mythiques. Nous commençons par la date 7 ’U’ 7 K’aanasíy, une combinaison possible : K0521 (détail)

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LE SIGNE P’A – ENFERMANT LE BÉBÉ JAGUAR Europe C. Mercier et Renato Cottini Giroldo Centre d’Investigations et Études du Sud-est Mésoaméricain 22 février 2015 Corrélation chronologique 584,285

ANTÉCÉDENTS

Nous avions commenté dans le rapport L’EFFET DOMINO que la recherche des syllabes éjectives manquantes n’allait pas s’interrompre. Dans un court lapse de temps nous avons trouvé la p’i (LE SIGNE P’I ET LES PALANQUINS MAYAS), la p’e (LE SIGNE P’E ET LA MÈRE ÉLUE) et un certain nombre de logogrammes non identifiés avec certitude jusqu’à la date (les documents peuvent être consultés sur www.academia.edu). Les syllabes éjectives qu’il reste à localiser sont ch’u, p’a et t’i. Néanmoins, il manque encore l’identification de so, tso, wu, we, xe, et que la be est encore douteuse. Ce document est le résumé de la recherche de la syllabe p’a, dont nous avions déjà une idée de comment la localiser.

ANALYSE

En suivant la trace de la syllabe p’u il fallait considérer que la p’a allait se présenter dans des contextes similaires en relation avec des activités que sont habituellement représentées sur des contenants.

La recherche s’est rapidement focalisée sur une série de vase qui a été surnommée « le bébé jaguar » où se répète une scène. Les intéressés pourront analyser la série sur le lien :

http://research.mayavase.com/kerrmaya.html

L’événement peint, avec quelques variantes minimes, est celui de la capture d’un bébé jaguar plus ou

moins anthropomorphe (la vieille divinité de l’obscurité et des vices) par la divinité de la pluie (Chahk), armée avec une hache et un « golpeador » cérémoniel. La présence de la mort en tant qu’alter-ego du bébé complète la scène.

Les textes peints se répètent et situent l’événement à différentes dates mythiques. Nous commençons par la date 7 ’U’ 7 K’aanasíy, une combinaison possible :

K0521 (détail)

TRANSCRIPTION VII.U’-VII.TE’:a[K’AN]-ya.YAL:w(a)-K’AWIL:l(a)-VII.SIP:AL-YAX.AAL:AL-CHAK.xa.k(a):AL-

CHAT.TAN:WINIK TRANSLITTÉRATION PHONÉTIQUE ’Úuk ’U’ ’úuk K’aana[síy] yaaláw k’awiilÚuk Siipál, Yaaxaál chakxakál, chatanwínik TRADUCTION LIBRE « C’est le sept ’U’ sept K’aanasíy : Yaaxaál, grand pourvoyeur, personne qui arrose, est en train de

jeter k’awiilÚuk Siipál”. TRADUCTION LITTÉRALE « C’est le sept ’U’ sept K’aanasíy : Premier Mot, grand pourvoyeur, personne qui arrose, est en train de

jeter le jeune procréé sacré de la Dimension Obscure ». Nous trouvons déjà de nouveaux apports épigraphiques importants dans le premier texte :

• le nom de la divinité GI en tant que ’Aál, « Mot (de vie) », chose qui nous permet de traduire le glyphe

qui introduit la Séquence Primaire Standard d’un très grand nombre de vases en tant que ’aalíy, « reçut les mots (de vie) », et non pas le supposé ’aláy, dont la traduction est tentative et hypothétique ;

• le terme xakál en tant que « pourvoyeur » ; • le notoire terme chatanwínik en tant que « personne qui arrose », c’est-à-dire l’aspect suprême de

Chahk ; • la possibilité, en mettant en relation l’antérieur avec le titre des gouverneurs de Naranjo, Petén,

Guatemala, de translittérer ce titre par saakchatáŋ, « splendide arroseur ». En effet, le signe T520 (cha) porte toujours une ligne horizontale sur la partie supérieure, chose qui nous permet de le définir T520h et de le proposer en tant que CHAT. De plus, le glyphe du titre est aussi composé par la paupière qui entoure de deux côtés « l’œil du ciel qui pleure » (la pluie). Il est possible de l’apprécier de manière immédiate sur les « masques » de Kohunlich, Quintana Roo, Mexique. Finalement, il nous permet de nommer l’un des signes du cycle de 260 jours, appelé jusqu’aujourd’hui CHWEN de manière hypothétique. La date, la scène et le texte se répètent sur un deuxième puis troisième vase avec très peu de

variantes. L’emphase pour définir k’awíil le jaguar anthropomorphe nous laisse comprendre qu’il se traite du terme pour identifier une procréation sacrée de jeune âge, que nous pouvons traduire par « bébé » dans ce cas :

K1003 (détail)

TRANSCRIPTION VII.U’-VII.TE’:a[K’AN]-ya.YAL:w(a)-K’AWIL TRANSLITTÉRATION PHONÉTIQUE ’Úuk ’U’ ’úuk K’aana[síy] yaaláw k’awíil

TRADUCTION LIBRE « Le sept ’U’ sept K’aanasíy est en train de jeter le bébé ». TRADUCTION LITTÉRALE « Le sept ’U’ sept K’aanasíy est en train de jeter le jeune procréé sacré ».

K8680 (détail)

TRANSCRIPTION VII.UH-VII.a[K’AN]:si-ya.YAL:w(a)-K’AWIL-CHAK.xa.k(a):AL TRANSLITTÉRATION PHONÉTIQUE ’Úuk ’U’ ’úuk K’aanasíy yaaláw k’awíil chakxakál TRADUCTION LIBRE « Sept ’U’ sept K’aanasíy : le grand pourvoyeur est en train de jeter le bébé ». TRADUCTION LITTÉRALE « Sept ’U’ sept K’aanasíy : le grand pourvoyeur est en train de jeter le jeune procréé sacré ».

La deuxième date en relation avec l’événement est celle du 7 ’U’ 3 K’aanasíy, une combinaison cette

fois impossible :

K1644 (détail)

TRANSCRIPTION VII.U’-III.TE’:a[K’AN]-AL:ya.AJ TRANSLITTÉRATION PHONÉTIQUE ’Úuk ’U’ ’ooxte’ K’aana[síy] yaaláj TRADUCTION LIBRE « Le sept ’U’ trois K’aanasíy fut jeté ». TRADUCTION LITTÉRALE « Le sept ’U’ trois K’aanasíy fut jeté ».

La troisième date est celle du 7 ’U’ 10 Saaksihoóm :

K1152 (détail)

TRANSCRIPTION VII.UH-X.SAK:SIH-YAL-VII.SIP:AL-YAX.AAL-YAX.HA’:AL-K’U:CHAT.TAN:WINIK:AL TRANSLITTÉRATION PHONÉTIQUE ’Úuk ’U’ lajuúŋ Saaksih[oóm] yáal ’Úuk Siipál Yaaxaál yaaxha’ál, k’u’[ul]chatanwinkál TRADUCTION LIBRE « Le sept ’U’ dix Saaksihoóm Yaaxaál de la première pluie, divine personne qui arrose, jeta ’Úuk

Siipál ». TRADUCTION LITTÉRALE « Le sept ’U’ dix Saaksihoóm Premiers mots de la première pluie, divine personne qui arrose, jeta le

Pécheur de la Dimension Obscure ». Gloses TRANSCRIPTION SAK.AJ:AL-WAY:AL-U.WAY:y(a)-b’a.ku TRANSLITTÉRATION PHONÉTIQUE Saakajál Waayál ’uwáay b’aák TRADUCTION LIBRE « Le rêve qui se fait splendide est la co-essence du jeune ». TRADUCTION LITTÉRALE « Le rêve qui se fait splendide est la co-essence du jeune ». Finalement, il y a une quatrième date, avec le jour 7 ’U’ cette fois unit au 6 Chaakát, une combinaison

impossible :

K1199 (détail)

TRANSCRIPTION XII.UH-CHAK:AT:t(a).VI TRANSLITTÉRATION PHONÉTIQUE Kalajuúŋ ’U’ wak Chaakát TRADUCTION LIBRE « Le douze ’U’ six Chaakát ». TRADUCTION LITTÉRALE « Le douze ’U’ six Chaakát ». Sur d’autres vases la date est celle du 7 Kib’, nous permettant d’arriver au point de notre document.

K2208 (détail)

TRANSCRIPTION VII.KIB’-IV.a[K’AN]:si-nu.p’a:n(a)-TSAK.AJ-K’AWIL-VII.SIP-YAX.AAL-CHAK.xa.k(a).AL TRANSLITTÉRATION PHONÉTIQUE ’Úuk Kib’ káaŋ K’aanasí[y] nup’áŋ tsakáj k’awiilÚuk Siíp Yaaxaál chakxakál TRADUCTION LIBRE « Sept Kib’ quatre K’aanasíy : Yaaxaál, le grand pourvoyeur, en train d’enfermer Úuk Siíp le bébé

capturé ». TRADUCTION LITTÉRALE « Sept Kib’ quatre K’aanasíy : Premier Mot, grand pourvoyeur, en train d’enfermer l’attrapé jeune

procréé sacré Pécheur de la Dimension Obscure ». Le troisième glyphe du texte est formé par la séquence nu-p’a-na dont le terme nup’áŋ est construit.

Dans le dictionnaire de Bolles nous trouvons les définitions suivantes, auxquelles nous avons changé les lettres (en accolades) afin qu’elles puissent être comparées avec l’épellation épigraphique :

{Nup’} Nupp : fermer, trouver, résister. (cam) {Nup’-aj, -e} Nupp.ah,e : le fermer, le trouver, le résister. (belms) {Nup’-aj, -ub’} Nupp.ah,ub : recouvrir en fermant ou mettant dans une cage, ou fermer en refermant

ou mettant dans une cage. (mtm) {Nup’áŋ} Nuppan : chose refermée, fermée, ou mise en cage, jointée ou mise ainsi avec une autre. ¶

nuppan v mac v cuchil çabac : l’encrier est refermé. ¶ Vnde : nuppan in çacal : mon tissu est fini d’être tissé. ¶ nuppaan v çictabal na : la maison de paille est finie d’être recouverte. ¶ nuppan v chi : a la bouche fermée ; ils l’ont fait taire. (mtm)

De fait, le jeune jaguar s’est fait capturé et a été enfermé (mieux dit, jeté). Où ? Dans un encensoir

effigie comme il en est fait le récit sur deux vases :

K2213 (détail)

TRANSCRIPTION VII.KIB’-III.ti.a[K’AN]:si-ya.YAL:w(a)-b’a:AL.TUN:AL-VII.SIP:AL TRANSLITTÉRATION PHONÉTIQUE ’Úuk Kib’ ’ooxti’ K’aanasíy yaaláw b’aaltunb’a’ál ’Úuk Siipál TRADUCTION LIBRE « Sept Kib’ trois K’aanasíy : ’Úuk Siipál est en train de se faire jeter dans le contenant en pierre ». TRADUCTION LITTÉRALE « Sept Kib’ trois K’aanasíy : on est en train de jeter Péché de la Dimension Obscure dans le contenant

en pierre ». Glose dans la partie droite TRANSCRIPTION SAK.AJ:AL-a.KAM:AL T’E’:u.NE TRANSLITTÉRATION PHONÉTIQUE Saakajál ’aKaamál T’e’ ’une’ TRADUCTION LIBRE « La Mort qui se fait splendide ». « L’enfant est levé ». TRADUCTION LITTÉRALE « La Mort qui se fait splendide ». « L’enfant est levé ».

K4056 (détail)

TRANSCRIPTION VII.KIB’-VI.TE’.a[K’AN]:si.y(a)-u.YAL:w(a)-B’AL.b’a:a-VII.SIP:AL-YAX.AAL TRANSLITTÉRATION PHONÉTIQUE ’Úuk Kib’ wakte’ K’aanasíy ’uyaaláw b’aalb’a’ ’Úuk Siipál Yaaxaál TRADUCTION LIBRE « Le sept Kib’ six K’aanasíy Yaaxaál jeta ’Úuk Siipál dans le contenant en pierre ». TRADUCTION LITTÉRALE « Le sept Kib’ six K’aanasíy Premier Mot jeta Péché de la Dimension Obscure dans le contenant en

pierre ». Gloses TRANSCRIPTION YAX.HA:AL-CHAHK-# SAK.AJ:AL-a.KAM:AL TRANSLITTÉRATION PHONÉTIQUE Yaaxha’ál Chahk # Saakajál ’aKaamál

TRADUCTION LIBRE « Chahk de la première pluie # ». « La Mort qui se fait splendide ». TRADUCTION LITTÉRALE « Chahk de la première pluie # ». « La Mort qui se fait splendide ».

Revenant à la syllabe p’a, le mot nupáŋ se répète sur deux autres vases même si le texte est dépeint :

les K1370 et K1815. Afin de ne pas nous répéter, la scène et le même texte se trouvent aussi sur les vases K1768, K2207, K3201, K4011, K4013, K4385 et K4486.

CONCLUSIONS

La syllabe p’a trouvée, nous la situons en tant que variante « brisée » du signe T504 (AK’B’AL) et nous la numérotons T504e, comme de coutume.

p’a

Il est évident, à cause des caractéristiques du signe, que le détail qui indique le son éjectif est la

double boucle supérieure en émersion du signe. Effectivement, la racine étymologique provient du terme

{P’a’} Ppa : s’ouvrir la terre, bois, &. (cam) {P’a’} Ppa : v.a. ouvrir la bouche, séparer deux choses ensemble, unies ou fermées. (jpp) Enfin, il faut mentionner l’urgente nécessité d’appliquer la nouvelle syllabe éjective trouvée dans les

contextes dus, premièrement dans le Glyphe-Emblème de Yaxchilán. Comme nous l’avons déjà commenté, c’est un travail qui touchera tous les épigraphistes.

Œuvres citées

Aulie, H. Wilbur y Evelyn W. de Aulie 1978 Diccionario ch’ol. Vocabularios Indígenas 21. Instituto Lingüístico de Verano. México. Barrera Vásquez, Alfredo (Director) 1995 Diccionario Maya. Editorial Porrúa. México. Bolles, David 2012 Combined Mayan-Spanish and Spanish-Mayan Vocabularies. Milford, Connecticut, EE.UU. Hurley Vda. de Delgaty y Agustín Ruiz Sánchez 1978 Diccionario tzotzil de San Andrés con variaciones dialectales. Vocabularios Indígenas 22. Instituto Lingüístico de Verano. México. Keller, Kathryn C. y Plácido Luciano G. 1997 Diccionario chontal de Tabasco. Vocabularios Indígenas 36. Instituto Lingüístico de Verano. México.

Lacadena, Alfonso and Søren Wichmann 2004 On the Representation of the Glottal Stop in Maya Writing. The Linguistics of Maya Writing. Søren Wichmann, ed. The University of Utah Press. Salt Lake City. EE.UU. Laughlin, Roberto 1975 The Great Tzotzil Dictionary of San Lorenzo Zinacantan. Smithsonian Contributions to Anthropology No. 19. Smithsonian Institution Press, Washington D.C. EE.UU. Martínez Hernández, Juan (Editor) 1929 Diccionario de Motul Maya-Español atribuido a Antonio de Ciudad Real y Arte de la Lengua maya por Fray Juan Coronel. Talleres de la Compañía Tipográfica Yucateca. Mérida, México. Slocum, Marianna C., Florencia L. Gerdel y Manuel Cruz Aguilar 1999 Diccionario tzeltal de Bachajon, Chiapas. Vocabularios Indígenas 40. Instituto Lingüístico de Verano.

México.