LIslam Et les Races - Forgotten Books

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DU MÊME AUTEUR

PI E RRE REDAN La Cilic ie et le Pro blème olioman . Paris ,Gauthier 10 fr .

P. J . ANDRÉ E tudes sur la C ilic ie .

1 ° Notes introductives à l ’étude des Ansarieh (pub lié par l

Asie française) .2° Le Sandjak de D j e b el—Bereket (Asie française) .

3° Caractères de la guerre en Cilicie (Asie française) .4° Les Tcherkesses et les Kurdes (en préparat ion) .

En collab oration avec J . CAMPARDOU

1 ° No tes introductives à l ’étude de la région de Taza(Maroc) .

2° Notes sur quelques m onuments anciens de Taza

(Afrique française , aoû t

En achèvement

Aux Confins du pays berbère.

CAPITA INE D’

INFANTER IE COLONIALE(PIERRE REDAN)

L’

I SLAM

ET LES RA CES

TOME SECOND

LES RAMEAUX

(MOUVEMENTS RÉGIONAUX ET SECTE S )

L IBRA IR IE OR IENTAL ISTE

PA U L G E U TH N E R

1 3,RUE JACOB PARIS

,1 922

L’

ISLAM ET LES BACES

LES HAMEAUX

(MOUVEMENTS RÉGIONAUX ET SECTES)

INTRODUCTI ON .

I l existe au sein de toute grande reli gi on une force

di ssolvante , celle même qui a servi le plus pui ssammentà la constituer d

ab ord a la place d ’ une autre : l ’ indé

pendance du j ugement individuel Cette force

dissolvante se fit sentir dés qu e les successeurs de Maho

met eurent oubli é son ascendant personnel, des que des

races étrangères converties à l’

Islam eurent apporté

leur esprit critique d ans l’

étude de la doctrine .

Les d iv is ions poli tiques . Le premier élément de

divi sion fut la raison politique . L’

Imam at avai t été

transmis , sel on les ort hodox es ottomans , des Arabes aux

Turcs par une séri e d’

usurpat ions qui rompirent l’unité

politique et religi euse de l’

Islam . Mahomet , en élevant

sa famille au premi er rang dans La Mekke , avait enlevé

le pouvoir à des clans riches et puissants qui , après

avoir d’

abord vai nement lutté contre lui , embrassé

rent la nouvelle religi on , les uns par conviction réelle,

(1 ) Guy an , L’

I rrélig ion de l’

a ve n ir, In t rod ., p . XV I I I .

2 INTRODUCT ION

l es autres par ambition raisonnée . Ces clans , semblables

à tous les co i s qui se partagent le monde arabe, tirèrentparti de toutes les occasions pour augmenter leur i n

fluence , finirent par s’ emparer du khalifat , au détriment

de la descendance naturelle du Prophète . Tels furent

les Om ey y ade s, t els furent les Abbassides .

Les familles dépossédées du trône s’

enfuy aient , al

laient chercher refuge dans une contrée éloignée ou dans

une provi nce qu i leur restait fidèle . L’

islam ism e , dans

son lib éralisme, n’ avait pas éteint les particularismes

lo caux chez les peuples soum is e t convertis . Les—fugitifsétaient accueilli s au mieux par ces peuples qu i pro fi

t aient de leur arrivée pour affi rmer leur vitalité, leurdésir d ’ indépendance , et , sous un prétexte de secours

à donner aux princes dépo ssédés , entraient en lutte

ouverte contre le pouvoir central . D es états dissidents se

formèrent ainsi ceux des Alides en Arabie, en Perse, ceux

des Om ey y ac‘e s en Afrique, en Espagne . En même temps,

a la faveur des rivalités et des luttes affaib li ssantes,les gouverneurs des provinces éloignées fondaient des

dynasties d ’ abord vassales , rapidement indépendantes .

Lorsqu’

enfin les Turco-Mongols vinrent porter le

dernier coup à l ’ empire abbasside, lorsque l’

Ot t om an

Sélim se fut emparé de l’

im am at , le pouvoir spirituel

et temporel des premiers khalifes ne représentait plus

qu ’un fantôme traditionnel . Les Ottomans se considè

r ent comme les héritiers du khalifat . Or en dehors de

toutes les dissi dences arab es , les Turco-Mongols lai s

sèrent aussi dans l’

émi e t t em ent du khanat, des grou

pem en t s musu lmans sur des terres j amais soumises aux

Ottomans . En Chine, en Afghani stan , en Russie, dansl’

Inde vivent des communautés musulmanes grandies en

dehors de l’ ob éissance directe à l

im am at . Dans l’

int é

INTRODUCT ION 3

ri eur même de l’ empire ottoman , le s Arabes refusent

au surplus le droit aux Turcs de se parer des trophées

de leur victoire militaire .

Il existe donc, en dehors de l’

im am at ot t oman,une

séri e d ’ évolutions particulières musulmanes,découlant

les unes de l ’ expansion arabe, les autres de l’expansion

turco-mongole .

Les d iv is ions par l’

e3pr i i et la cri tique . Les év éne

ments politiques né furent pas les seuls à rompre l ’unité,

à diminuer la valeur de l’

im amat . L’

Islam fut à l ’ori

gine une religion de nomades , faite pour des —nomades .

Lorsque des peuples sédentaires convertis se furent

introduits dans la communauté, lorsqu’

aux Sémitess’

ajout èrent des Aryens , Hindous , Persans ou Grecs , des

Egyptiens , des Berbères, l’ influence de l ’ esprit parti

culier des races se fit sentir . Les nouveaux venus sou

miren t à une critique approfondie les préceptes du Ccran ,

les adaptèrent à leurs propres concept ions . L’

ex

t rêm e simplicité des éléments constitutifs de la religi on

musulmane, son cadre v aste, flexible et mobile, permit

à chacun d ’y faire entrer sans le rompre, ses i dées , ses

convictions , ses espérances , sans trop les violenter,pourvu qu ’ elles ne tiennent ni de l

athéism e , ni de l’ ido

lâ trie

Les prem iers commentateu rs formèrent simplement

des écoles rivales les philosophes eux durent se sou

mettre à la discipline générale ; mais une aggravation

dans les différences de compréhension se produisit lors

que la critique se compliqua de questions de politique

ou de rivalités de races . I l est assez difficile souvent

(1 ) P. Hu gu eney , Chr is tus .

4 INTRODU CT ION

de les séparer les unes des autres . L ’ apport étranger

cause nécessairement dans ces conditions l ’ apparition

de sectes . Ou bien ces sectes sont une so rte de franc

maçonnerie, de mutualité , ou bien elles sont la mani

fest at ion extérieure d’

agit at ions politiques .

Qu ’ est devenue la civilisation dite arabe au mi lieu

de toutes ces divergences allant en s’

aggrav an t Sousle gouvernement des khalifes arabes , l

’ apogée de l’

em

pire fut marquée par le développement des études . Mais

l ’ étude des sciences étrangères et profanes , la diale c

tique , la casuistique marquèrent le commencement du

déclin . L’

Islam avait porté aux peuples soumis une

morale et une loi . L ’ indépendance reconquise garda

la do ctrine , mais dans chaque contrée, la civi lisation ,touj ours à base musulmane , devint une adaptation

à l ’ évolution générale des aspirations particulières de

la'

race . D e même qu’ il existe un art mauresque, un

art persan , un art égypt o—arabe , de même la pensée,les tendances politiques , ob éissent à un idéal local sous

le grand voile commun de la religion islamique .

PREMIÈRE PARTIE

LES SCHI SMES ET LES SECTES

CHAPITRE PREMIER

KHAREDJ ISME ET CHYISME

l . LE S D IVERGENCES ARABES .

Les théologiens musulm ans , d’

après un hadith de

Mahom et, indi quent l’

exi stence de 73 sectes . Ce chif

fre s erait une perfection v is—à-vis du christianisme quin ’ en aurait que 72, et du j udaïsme qui n

en aurait que71 Exact ou non , ce chiffre montre que de bonneheure les div isions furent nombreuses dans l ’ Islam . Le

monde musulman s ’ est touj ours divisé en deux grandsgroupes les orthodoxes , les schi smatiques . Déj à, avant

Mahomet, les Arabes se partageaient en deux races

ennemies : les Yém éni t es, parmi lesquels se comptent

les Médinois, et les Maadit e s . Les deux fractions por

t aient dans chaque régi on des noms différents en Syriep ar exemple, les représentants du parti y ém éni te s

ap

p elaient Kelb it es, les Caïsit es au contraire se récla

m ai ent de Maad

Dès les débuts de l’histoire musulmane, la discussion

(1 ) Dozy , Op . c it . , p . l96 . Dan s l e che lle de s religion s le sMusu lm an s placen t t ou j ours dan s l

ordre de v aleur a leurs y eux

l’

Islam , le Chr ist ian ism e , le Ju daïsm e .

(2) V . Piqu e t .

6 L’

I SLAM ET LES RACES

porta sur les droits d’

Ali à l’

héritage de Mahomet .

Maowiy a fut soutenu par les Kelb i t es qui , a Kairouan ,en Espagne, en S icile, rivalisèrent à toutes les époquesde l

’histoire avec les Caïsit e s . Ces derniers , appelés aussiCaïsani t e s, attribuaient à Ali et à sa descendance « une

science occulte surhuni aine , une connaissance qui, seule ,éclaircit le sens intime de la révélation divine , mais qui

exige de ses adeptes une foi aussi grande et une ob éis

sance aussi absolue aux dépositaires de ce savoir. qu’

à la

lettre du Coran Ces divergences furent l’ origine du

premi er schisme : tous les mécontents se groupèrent

autour d’

Al i trois fois évincé du pouvoir .

Mais à la suite de l’arbitrage qui donna le pouvoir

à l’

Om ey y ade Maowiya , un certain nombre des parti

sans d’

Ali se séparèrent de lui sous prétexte que ce

derni er avait remis à la décision des hommes ce qui nedevait apparteni r qu ’ à Dieu . Au nombre de en

viron , ils sortirent donc des rangs des Alides e t

furent appelés Kharedp t es, du verb e arabe kharadja

sortir .

I I ..

LE KHARED J ISME .

Les Kharedp t e s renient également les Sunni tes ou

Orthodoxes , et les Chy i t es ou partisans d’

Ali . Il s ne

reconnaissent comme khalifes que l es trois premiers

souverains de l ’ Islam et nient toute valeur à l’

imamat

héréditaire . Pour eux, doit être seul souverain e t pon

tife l’

élu de la communauté . Leur hostilité envers Aliles poussa même à déclarer qu ’un Musulman quelconque

pouvai t exercer l ’autorité religieuse sans qu ’ il lui i nt

(1 ) D e Boe r , op . c i t . , I I I . 2. 1 . V . plus loin , Ism aïlien s

KHAREDJI SME ET CHY I SME 7

nécessaire d ’

appartenir à la famille du Prophète . Ils se

divisèrent sur la question de l ’ unité de Dieu et de se s ju

gem en t s en sept sectes différentes Naturellement cha

que groupe de Kharedj it es en vint à reconnaître comme

imam des personnalités différentes dans le sud de l ’Ara

bie, dans les îles occ identales e t sur les côtes africaines

de l’

Océan Indien , en Afrique du Nord , régnèrent des

souverains kharedp t es . Ce schisme eut nettement desc auses politiques et se développa de même pour des

raisons politiques .

Le kharedj ism e , au début de son histoire nommé

aussi ouahb ism e qu ’ i l ne faut pas confondre avec

le wahab isme du Nedjd, comprit d ès l’ origine deux

sectes'

distinctes , la première celle des Ib adites , la deuxi è

m e celle des Safarit es, du nom de leurs chefs respectifs ,Abd Allah b en lb ad et Abd Allah ben Safar . Aprè savoir été en honneur dans les royaumes du Maroc , de

la Berb érie et de la Tripolit aine , le kharedj isme existe

encore à Dj erba , au Mzab , à Oman , Mascate et à Zan

zibar . Nous retrouverons son histoire en étudiant celle

des Musulmans dans l ’Océan Indien .

En Afrique du Nord la secte contrebalança longtempsl’

orthodox ie . Sous le khalife Hisham (724 les Ber

hères , conduits par les Kharedj it es émigrés chez eux .

se révoltèren t et empêchèrent les armées musulmanes

d’

aller venger l’

échec de Poitiers . Lors de la première

période abbasside, i l se créa dans les provinces afri

caines un certain nombre d’

Et at s indépendants pro

fessant les différentes formes de la doctrine dissidente

(l ) Azraqi t e s, Moakkim a, Baïha ssia , Nadjda t e s, Safari t e s, Ib ad it e s, Adj arida .

(2) Du n om d’

Ab d allah b en Ouahb , che f du m ouv em en t .

(3) En fai t , c omm e l’

a rem arqué M. Merc ier, c e m o uv em en t

représen t e b eau coup plus un e réac t ion du part icu larisme afri

8 L’

ISLAM ET LES RACES

Partout où ils se trouvaient, les Kharedp t es, qui assassinèrent Ali et tentèrent de faire disparaître Maowiya

et Amrou , traitaient les Musulmans avec plus de cruauté

qu ’ ils ne traitaient le s Chrétiens et les Juifs . Un Kha

redj it e tuait—il un porc, il payait le dommage, dit un

auteur arabe , mais il pouvait en toute liberté massa

crer femmes et enfants , réduire des Musulmans en é s

clav age , quoique la loi le défende absolument ! Enrevanche, Orthodoxes et Chyi t e s traquèrent, exécu

t è rent de tell e sorte les dissidents que les Kharedj it es

finirent par être chassés de leurs anciens domaines .Les restes de la communauté kharedj it e en Afrique

du Nord sont au Mzab sous l’

autorité française depuis1882 et font partie du cercle de Laghouat . Comme leurs

frères d’

Om an , les Mzab it es se donnent le nom d’

l b adis,

d’

après Abd Allah ibn Ibad qui vécut à la fin du Moyen

Age Leur territoire est divisé en paroisses avec aucentre une mosquée . Les douze paroisses sont dirigées pardouze azzab s, ou ermites , présidés par un cheikh . Trois

d’

entre eux sont chargés de l’

instruct ion ,_

un autre con

duit la prière, un autre appelle les fidèles à cette der

nière , cinq lavent les morts , deux surveillen t les revenusdes mosquées . Le cheikh rend la j ustice aidé de quatre

azzab s . La peine de mort n ’ existe pas . Les châtiments

consistent en amendes , en peines corporell es . L’

excom

municat ion est très redoutée, car elle implique le bannissem ent . Le pardon est accordé aux coupables , lors

que le conseil les j uge suffisamment venus au repentir .

Les Mzab it es, agriculteurs patients, on t su faire de la

ca in , b erb ère , c on t re le s c onqu éran t s arab e s , sém i t e s, qu’

un e

S im ple réb elli on de gou v ern eu r à su lt an . V . H i s to i re de l’

Ain

que du Nord .

(1 ) Henri D uv eyrier No te sur le s chism e i bahdite , B ulle t in

de la S oc iété de Géographie , 1 878, Sesérie, t om e XV I, p . 74 .

KHAREDJ I SME ET CHY I SME 9

région aride dans laquelle ils s e t aient réfugi é s, loin

de tout groupement, une série d’

oasis riches et fertiles .

En outre il s partent s ’ installer comme marchands dansles villes algériennes et sont réputés pour leurs aptitudescommerciales .

Le point caractéri stique de la doctrine est l ’at t rib u

tion à l ’homme du pouvoir d ’ agir Les théologi ens

de la secte exigent l ’ interprétation stricte du Coran ,condamnent les saints , les derviches , les ordres religieuxet le culte des tombeaux . Les Mzab it es reconnaissent

comme pontife souverain l ’ imam de Mascate .

En Tripolit aine , au Dj ebel Nefou ça , existait une assezimportante aggloméra t ion kharedj it e . Sous la direc

tion de Sliman el Barouni,ces Kharedj it es se rallièrent

aux Italiens pour échapper en Lybie aux persécutions

des Sunnites et des Senoussist es . Les Italiens laissère i1t

leurs ennemis massacrer ou disperser ces malheureux .

Les débris des Kharedj it e s essayèrent de passer en Tu

nisie . L ’entrée du territoire leur fut refusée par les Fran

çais . Les puissances européennes voulaient sans doute

ne pas déplaire aux Turcs et aux Senoussist es,tout au

moins ne pas créer de complications . Les Kharedj ia

errent maintenant en Tripolit aine , dispersés et l amen

tables . Il est curieux de les avoir vu se rallier aux Ita

l iens tandis que leurs frères en Algérie sont plutôt opposés aux Français . Il semble que ce cas est un des

rares où la politique musulmane italienne ait paruemeilleure que la nôtre

,et encore l ’ It alie n ’a pas en le

mérite de persévérer .

En Orient,les Kharedj it es ont fondé les imamats d e

Mascate et d’

Oman , les sultanats de Zanzibar et de la

(1 ) D epon t e t Coppolan i , p . 53.

1 0 L’

ISLAM ET LES RACES

côte orientale d ’

Afrique . Les Arabes e t les Souahélis

de ces régions sont auj ourd’

hui généralement o rtho

doxe s , mais beaucoup d’

entre eux sont encore lbadites

ou Bey azi (Abaz i) . Cette dernière secte tire son nom

de son fondateur Abdullah b en Yahya ben Abaz . Fumer

e st pour eux un péché,b ien que ce soit plutôt une croy an

ce wahabite . Mai s la divergence capitale entre eux et

les Sunnites consiste en leurs théories sur le libre arbi treils pensent qu ’un Musulman quelconque peut exercer

l ’autorité religieuse sans appartenir à la tri bu de Maho

met .

La négation de la transmiss ion de l’

imamat selon le

p rincipe du consentement général (orthodoxie) , la ré

cusat ion des droits d ’

Ali à l ’héritage du Prophète , con

d amnaient le kharedj isme à n ’ être qu’

une secte pro

t est at aire . Elle durerait aussi longtemps que se main

tiendrait le fanatisme de ses adeptes , c’ est-à-dire aussi

longtemps que demeureraient les causes de ce fana

tisme : or c ’ est une question de personne qui opposait

à l ’ origine les Kharedj it es aux autres Musulmans . Lors

que les personnalités en cause eurent disparu , la secte

n ’ eut aucune base pour construire , puisqu’ elle n ’ était

q u’

une négation et non pas l ’ affi rmation d ’ une oeuvre

de v ie . Elle n ’ est plus qu’une défense du premier Islam

cependant les liens secrets qui unissen t entre e lles les

d ifférentes communautés kharedj it es en font une secte

e ncore importante dans le monde musulman , mai s localisée dans un rayon d ’ action étroit . Ce rayon d

’ action

v a cependant du Mzab à Dj erba (Afrique du Nord fran

ça ise ) , du Dj ebel Ne fouça (Tripolit aine ) , à Masca te”

e t

à Zanzibar en passant par l ’Yém en . C ’ est pourquoi

malgré tout, l’ étude et la surveillance des Kharedj i tes

ne doi t pas ê tre négligée .

KHARE D J I SME ET CHYI SME 1 1

I I I . LE S AL ID E S .

Les Musulmans restés fidèles à Ali formèrent un groupement b eaucoup plus important que celui des dissi

dents kharedj it es . Ils s ’appe lèrent Chy it es, de Shi a par

ti sans . Ils récusent la légitimi té des khalifes acceptée par

les Sunni tes ou Orthodoxes . Les successeurs de Mahom et reçurent l ’ Imamat par suite de l

’ obéissance au prin

cipe d ’

ljma, ou consentement général . Mai s les Chy i t es

qui admettent encore la désignation d’

Ab ou Bekr comme

khali fe , parce qu’ i l récita la prière à la place du Pro

phè t e mourant, se basent sur l’

hérédit é féminine pour

reconnaître la souverai neté du fils adoptif et gendre

de Mahomet, Ali , écarté trois fois du pouvo ir par l’

am

bitiou des Om ey y ades . Le schi sme chy i t e a une origine

nettement politi que : les Chy i t es sont avant tout des

Alides .

Après l’

assassinat d’

Ali par les Kharedj it e s son

deuxième fil s Hossein se révolta contre l’

Om eyy ade

Yézi d mais perdit la v i e dans sa tentative pour

conquérir le trône . Ali et Hossein reposent en Mesopo

tam i e près de l ’ ancienne capitale alide de Koufa , à

Kerb elah et Nedj ef devenus les li eux saints du chy ism e .

Le parti alid e poursuivit son existence historique j us

que vers 1502 après J .—C. Il se ruina complètement

alors dans le royaume de Perse contre l’

Islam sunnite

Un des petit s—fils d’

Ali , Zai d , donna nai ssance à une

dynastie chy it e qui régna sur l’

Yém en à Saada de 893à 1300 après J .

-C . , date à laquelle le royaume fu t in

corporé à l’

Egy pt e . A partir de 1360 l a suzerai ne t é sur

(1 ) De Bo er , Op . c i t . , chap . I I I, 2 . 1 .

1 2 L’

ISLAM . ET LES RACES

la région fut exercée par les Turcs , l esquels ne s ’ en

sont j amais rendus maîtres réellement .

En dehors des Zaïdit es, nombreuse est la descendanced

Ali e t de Fatima , fille de Mahomet, à laquelle essaien t

de se rattacher toutes les grandes familles musulmanes

et les fondateurs des royaumes nouveaux D e s Fa

timides existent encore à La Mekke et à Médine dans

la région desquelles le fils aîné d’

Al i , trop faible pour

résister aux Om eyy ades, consenti t à se retirer en 66 1

moyennant une pension importante .

Le chy ism e domine auj ourd ’hu i dans l ’ Inde et surtout en Perse , où sa doctrine est religion offi cielle depuis1499 . Les Alides se prétendent là dans leur fief depuis

que leur famill e s ’ est uni e par mariage à celle de Yez

guerd , le roi de Perse chassé de son domai ne par l’

ex

pansion arab e des premiers âges . A l’heure actuelle , le

chy ism e a complètement disparu de l ’Afrique sur laquelle

ont régné longtemps des souverains fat imides, mai s sa

puissance s’

accroît en Orient .

IV . LE CHY I SME .

Le chy ism e récuse la légitimité des khalifes autres qu e

les Alides (2) par là même ne croit pas à l’

authenticité

des hadiths recueilli s par les souverains orthodoxes

mai s malgré ces négations il a une existence plus durabl eque celle du kharedj ism e . Il s

’ appuie sur l ’ imam at d’

Ali

et de ses héritiers . Auj ourd ’hui encore,le martyre du

(1 ) Il fau t n o t er qu’

une de sc endan c e fa t im ide e s t o r thodox e .

Nou s la re t rouv e ron s au Maro c .

(2) Om ar e t O thm an son t a in si récu sés . Ab ou Bekr , sans ê t re

posi t iv em en t r eco nnu , e s t c ep endan t adm is c omm e ay an t pré

sidé la prière à la pla ce de Mahom e t .

1 4 L’

I SLAM ET LES RACES

que le sunnism e . Il proscrit aussi l ’usage du vin et

la figuration des êtres v ivants , mais de fa çon moins

sévère, et sa diversité se montre dans la multitude de

s e ctes (1 ) qui sont issues de lui . Une des plu s curi euses

est celle des Ismaïliens .

Les I sma i liens . Les Ism aïliens ont une concepti on

spiritualisée de 1 1slam ism e . Ils prétendent descendre

d’

Ismai‘

l, frère de l’ imam Moussa , petit—neveu de Zaïd,

quatrième enfant de la li gnée d’

Hossein , fils d’

Ali .

Malgré son élasticité, le Coran leur semble être un

formulaire trop rigide . Ils ont alors doublé la doctrine

du Prophète d’

un enseignement plus épuré . D ’ après

eux, Mahomet reçut la révélation et la transmit aux

hommes . Mais à cô t é de lui se trouvait Ali qui donnait

à quelques initiés seulement la vraie signification des

principes émis ; il montrait à ses fidèles qu’ au-dessus

du Dieu adoré par le vulgaire, il existait une Essencedivine unique vers laquelle tendaient les hommes .

Les prophètes sont des hommes surgis à la volonté du

Tout—Puissant pour mener sur le chemin conduisantà Lui les hommes , qui , livrés à eux—mêmes , ne pour

raient et ne sauraient longtemps suivre la route v éri

table sans commettre d ’ erreur . Chaque envoyé aecom

plissait sa mission ; un nouveau mahdi lui succédai t

plus tard dès que le besoin se faisait sentir de sa pré

sence . Comme le Coran l ’ indique, le j udaïsme , le christ ianisme , l

’ i slamisme, sont autant d’ étapes vers la v ê

rité, autant de stations vers le progrès , le rapproche

men t de D ieu . Un nouveau mahdi viendra sans nul

(1 ) Le chy ism e se div ise en 3 sec t e s prin c ipale s : Ghou le t ,ou t rés ) , Ze 1dia e t Im am ïa ,

le s u e ls se sub div isen t à leu r t our enqun grand n om b re de groupem en t s .

KHARED J ISME ET CHYISME 1 5

doute accélérer la marche i déale vers le Bien . Cette

croyance au mahdism e au messianisme, répanduedans tout l ’Orient , dans toutes les reli gions o rientales,est encore sensible chez les Musulmans actuels .

La plus célèb re des dynasties ism aïliennes est cell e

de s Oub aîdis ou Fat im ides qui prétendaient descendrede Fatima , fille de Mahomet, épouse d

Ali . Cette dynastie régna en Egypte où d ès 769 elle fonda le Caire .Le code fat im ide ressemble assez à la doctrine ortho

doxe , mai s l a forme de chy i sm e qui est représentée

dans les principes contient des éléments mystiques

inhabituel s à l ’ Islam sunnite . Un l ong processus d’

ini

t iat ions dans la secte est graduellement imposé au néo

phyte à mesure qu’ il prouve sa valeur . Un des mystères

ismaïliens est que Dieu s’ es t incarné dans Ali lui —m ème

ou dans l ’un de ses descendants . Sur la donnée qu ’ untel per sonnage ne peut mourir, est née la doctri ne ç a

ract érist ique d’un imam caché, faussement cru mort,

mai s encore vivant, et prêt à reparaître pour remettre

l’

humanité dans le droit chemin vers Dieu . Cette croy an

ce s’

est répandue dans le monde chyit e , qui fête à cer

tai ns j ours la réincarnation d’

Ali , idée venue san s doute

de l’

Inde ou de la Perse, à moins que ce ne soit un

vieux reste de'

la mythologie égyptienne .

Le mahdi chy ite . Une curieuse mani festati on du

chy ism e fut le m ahdism e fat im ide . Dans tout l ’Ori ent

était répandue l ’ idée de la venue avant la fin du

monde d’

un souverain idéal , restaurateur de l’

Islam

Le Coran , empruntant la croyance j uive du messia

(1 ) Cf Jam es Darm e st e t er Le M ahdi depu is les or igines de»

l’I slam j usqu

à nos j ours . Paris, Leroux , 1885 .

1 6 L’

I SLAM ET LES RACES

nisme , indiquait aux orthodoxes qu’ un nouvel envoyé

de Dieu viendrait régénérer l’

Islam . Le chy ism e , lui ,avait admis une progression régulière vers Dieu grâceà la prédication successive de prophètes se succédant

sur la terre, le dernier étant touj ours supérieur à ses

prédécesseurs . La croyance à l’

imam caché, conservée

par les Alides, renforçait cette idée de l’

Env oy é promis

par Dieu , du Mahdi que les conceptions philosophiques

du soufism e (1 ) considéraient comme nécessai re à l’

ex

tension de l ’ adoration vers la nature divi ne . Orthodoxes

et Schismatiques attendent le mahdi . Mais , naturellement, tel qui est le Messie pour une secte ne sera pasreconnu par une autre ; et la réciproque est j uste . Le

monde musulman v i t ainsi surgir une quantité de faux

prophètes qui eurent leur moment de splendeur , mais

disparurent comme des étoiles filant es .

Un des mahdis les plus célèbres et les plus caract é

rist iques parce qu’ il indique nettement le caractère

politique du mouvement chyi t e fat im ide , fut Obeid

Allah . D ’ après la doctrine dite duodénarism e , les Chyi

tes comptaient douze imams depuis Ali . Le dernier,mystérieusement disparu , devait rev enir un j our pour

faire renaître la j ustice sur la terre . M . Piquet dit que

les Chyi t es, divisés en plusieurs sectes , avaient une

école ne comptant que -six imams , le septième désigné

pour succéder à son père, étant mort avant ce dernier .

Le troisième imam caché vivait à Salem ia en Syrievers la fin du IX e siècle . Son fils fut le mahdi qu i s

’ap

puya sur les Berbères d ’

Afrique pour créerun immense

empire qui s ’

ét endit des Syrtes au Maroc et fut l ’ origine de la dynastie fat imide qui régna plus tard en

(1 ) V . chapit re suiv an t Le Mys t ic ism e da ns l’

Is lam .

KHARED J I SME ET CHY I SME 1 7

Egypte . Ce mouvement, dont la vieill e prédiction Le

soleil se l èvera à l’

Occident ! préparai t l’

apparit ion ,eut un caractère uni quement temporel . Le schisme

chyi t e , dont l’ origine étai t politique, ne devait avoi r

des mahdis préoccupés de spiritualisme que dans les

viei ll es terres de la mystique, en Perse, dans laquelle

apparut beaucoup plus tard le mahdi el Bab .

Les Druses D e l a croyance à l’

imam caché

est i ssue la secte des Druses qui vivent au Liban dans

l’

attente d ’un nouveau prophète, n’ étant satisfai ts ni

par la Bible, ni par le Coran .

Les H aschichim .

'

Les Haschi chim (nom qui a donné

le françai s assassins , de l’

arab e haschi ch , chanvre, herb e)sont des Ism ai liens . Pour eux , le Vieux (2) de la mon

tagne, le Cheikh el Dj eb el, était un nouveau prophète

venu après Mahomet pour fai

re franchi r aux hommes

un nouveau degré vers Dieu . Le chef de la s ect e eni

v rai t ses séides avec l’

herb e magique qui leur donnait

l’

ex t ase et les mettai t au pouvoir complet du maître .

Ce derni er en profitait pour leur faire commettre lescrimes les plus sangui nai res . L

As ie Mineure fut terrorisée par les Haschi chim du X I e au X I I I e siècles .

Le duodenar isme . Le duodenari sm e est une des

formes du chy ism e qui refuse tout compromis avec

l’

orthodoxie . Douze souverains doivent être reconnus

après Mahomet, mais Ali est le seul qui ait réellement

(1 ) S . Re in ach , Orphe us .

(2) Che ikh sign ifi e à la fois che f e t v ie illard . Dan s la soc i é t é

pa t riarcale le s che fs son t le s v ie illards .

1 8 L’

I SLAM ET LES RACES

régné . Le douzi ème est encore inconnu , si bien que la

doctrine n’

at t aqu e pas en réalité le khalife régnant .

Les M otawilah. En Syrie , l es Mot awi lah , d’

o rigine

obscure et peu nombreux, pri rent le parti des Croisés

chrétiens contre les autres Musulmans . Il s p rétendent

être les descendants directs des personnages auxquels ,dans les premiers temps de l ’ Islam , fut donné le nom

de Shiah ou partisans d ’

Ali . Ils disent représenter la

plus ancienne forme de chy ism e , mais ne sont qu’une

secte sans importance .

Le chy ism e comprend ainsi une qu antité de sectes

presque infinie , car il peut s’ adapter à toutes les con

cept ions de l’ esprit humai n . La pensée libre chy it e a

même conduit certai nes fractions à une interprétation

vraiment singulière des textes islamiques . Nous citerons

comme exemple les sectes di tes de Mollah Zekki et

Rouehânia .

M ollah Z ekki . La secte de Mollah Zekki , souvent

confondue avec le soufism e , port e le nom de son grand

patron résidant à Kaboul . Ses membres pensent quetous les prophètes sont des imposteurs et toute rév é

lation nu conte fait à plaisir . Ils paraissent douter forte

ment d ’un état futur et même de l’

exi stence de Dieu

Leur exi stence remonte à une haute antiquité et leurs

dogmes représentent les i dées d’un vieux poète, nommé

Khe i‘

oum , don t les œuvres manifestent une grande im

piété . Khei‘

oum insiste particuli èrement sur l’ ex istence

du mal , accuse l’

E t re suprême d ’ en être la source, en

des termes difficiles à reproduire . Les sectateurs de

(1 ) V . Perrin , L’

Afghan is ta n .

KHARED J I SME ET CHY I SME 1 9

Mollah Zekki se rencontrent en A fgham st an : ils pro

fit ent habilement, dit M. Perrin , de leur incrédulité

et de leur absence de toute crainte de Dieu ou de l ’ enfer ,pour être le s scélérats les plus dissolus de tout le pays .

S ecie Rouehân ia La secte Rouehâni a fit grand

bruit en Hindoust an au XV I e siècle , mais est auj ourd’hui

à peu près éteinte . Elle eut pour fondateur, du temps

de l’

empereur mogol Akbar, Bay asid Ansari qui reçut

de ses adversaires le nom de Piri—Tarik , apôtre des té

nè b res, comme antinomie de celui de Piri—Ronchan ,apôtre de l a lumi ère, qu

’ i l se donnait à lui -même . Sadoctrine étai t celle du sou fi sme, mais , comme il y aj ou

ta it le princip e de la transmigration des âm es, il est

probable qu’

il avait puisé sa croyance chez les Yogisou philosophes hi ndous . Sur ses enseignements les Rouchâni ens ont greffé quelques doctrines : 1 ° la m ani fe s

tation la plus complète de la divini té s’

opère dans le s

saints personnages et d ’une mani ère toute particuli ère

en eux, R ou ehâni ens 2° tous ceux qui ne partagent

pas la foi de la secte peuvent être considérés comme

morts . En conséquence,leurs biens deviennent la pro

priét é des Rou ehâniens, qui seuls survivent . Ces demi

héritiers se croient donc autorisés à s’

emparer selon

leur bon plai sir des biens appartenant aux prétendus

décédés, et sans aucun égard pour ceux qui ont la pré

tention de vivre en dehors des décisions du Piri . Les

armées des Grands Mogols eurent facilement raison des

Rouehâniens . Cependant on en trouvai t encore quelques

uns vers 1850 dans les environs de Peshawer.

(1 ) D’

après N. Perrin , L’

Afghan is tan .

20 L’

I SLAM ET LES RACES

L ’ examen de ces deux derni ères sec t es mo ntre j us

qu ’ à quel point peuvent parvenir des adeptes du chy isme ,mais ce derni er s

es t réservé une part plus estimable

dans le domai ne de la pensée . L ’histoire de la Perse

contemporai ne est rempli e de la plus belle floraison du

mouvement chy i t e avec le b ab isme don t le mahdiatteint les plus hautes cimes de la réflexion et de l

i dée .

Dans les sectes , dit M . Guy au , on trouve en effet plus

de raisonnement, d’

induct i ons hardies , d’

élans actifs

de la pensée : hors du dogme , le meill eur de la v i e reli

gi euse se propage, lutte incessante des idées , mouvement e t progrès de l

esprit, non universalité des dogmes,mai s liberté des croyances . La pensée libre se retrouve

dans le chyi sm e non rituali sé , a in flué dans le dév eloppement des mouvements nationaux et régionaux par

l’

appariti on de tous ses mahdis , incarnations d’

Al i , s’

est

retrouvée même dans l’

orthodoxie officielle par l’

entrée

en ligne d ’

un mouvement phi losophi que commun au

sunni sme et au chyism e , le soufism e .

(1 ) V . M ouvemen ts rég iona uæ . La Perse .

20 L’

ISLAM ET LES RA CES

L ’ examen de ces deux dernières sec t es mo ntre j usqu ’ à quel point peuvent parvenir des adeptes du chy isme ,mais ce dernier s

’ es t réservé une part plus estimable

dans le domaine de la pensée . L’

histoire de la Perse

contemporaine est remplie de la plus belle floraison dumouvement chyi t e avec le b ab ism e don t le mahdiatteint les plus hautes cimes de la ré flexi on e t de l

i dée .

Dans les sectes , dit M . Guyan , on trouve en eff et plus

de raisonnement, d’

induct ions hardies, d’

élans actifs

de la pensée : hors du dogme , le meilleur de la v i e reli

gi euse se propage, lutte incessante des idées, mouve

ment et progrès de l’ esprit, non universalité des dogmes,

mais liberté des croyances . La pensée libre se retrouve

dans le chy ism e non ritual i sé , a influé dans le dév eloppement des mouvements nationaux et régionaux par

l’

apparition de tous ses mahdis , incarnations d’

Ali , s’

est

retrouvée même dans l ’ orthodoxie offi cielle par l’

entrée

en ligne d’

un mouvement philosophique commun au

sunni sm e et au chyi sm e , le soufism e .

(1 ) V . Mouvem en ts rég ionaux . La Perse .

CHAPITRE I I

LE MYSTIC ISME DANS L ’

ISLAM

SOUFISME ET CONFRÉR IES RELIGIEUSES

I . LE SOUF I SME .

L’

idolât re Oçaid, fils de Hoda1r el Ko taïb , fichesa pique en terre et s

assit z Que faut—il faire pour en

trer dans cet te religion , demanda-t -il à MoSsab ,fils

d’

Omaïr, qui venait de lui expliquer les principes fon

dam ent aux du Coran Te purifier avec de l ’ eau,

répondit Mossab , déclarer qu’

il n’

y a pas d ’ autre Dieu

qu’

Allah et que Mohammed est son prophète . Ainsi

se posèrent les premières bases de l’

une des plus grandes

religions qui se partagent l’

humanité

Depuis ces temps pri mitifs Où l ’ Islam n ’ avait besoin

ni de prêtre , ni de mosquée, la discussion et la spiri

t ualit é se sont introduits parmi la simplicité des dogmes .

Déj à,les lacunes nombreuses du Coran avaient permis

à de grandes écoles de se former dans l ’ orthodox ie par

la controverse . Les ri vali tés politiques avaient amené

des schismes importants . L’ in fluence des

Persans, des

Hindous , des Egyptiens, se manifesta à son tour dans

l’

Islam par un mysticisme inhabituel aux premiers âges

de la religion de Mahomet . Les Arabes , poètes et sen

suels, s’

emparè rent de ces i dées avec un enthousiasme

remarquable . Du Golfe Persique à l’

At lant ique , le mys

(1 ) D epon t e t Copp o lan i , Les Confrér ies relig ieuses musu l

manes . Alger , Jourdan , 1 897, Préfac e , p . 7 .

22 L’

I SLAM ET LES RACES

t icism e donna naissance à un courant (1 Idées dont l ’ in

fluence se fait encore sentir auj ourd’

hui , le soufism e .

Le mouvement eut peut— être son origine en Syriesous les in fluences chrétiennes qui prêchaient l

ascé

tisme et l ’ état monacal . Les purs nomades répugnent

assez à cet amoindrissement de la personne physique .

Néanmoins , il se trouva parmi les nouveaux convertis

sédentaires , parmi les illuminés , des gens qui dépassèrent

la volonté du Prophète . Malgré la défense de Mahomet

Pas de guerres dans l’

Islam , la guerre sainte e st

le monachisme de l’

Islam ! des Musulmans v ou

lurent se consacrer uniquemen t à Dieu dans un renon

cement absolu aux biens et aux j oies terrestres . Cette

tendance à l’

ascét ism e parvint à son apogée en Perse .

Ce fut vers l’ année 700 qu

une femme nommée Rab iâ

développa et mena à leur réali sation les idées de mona

chi sme dans l’

Islam , en un mouvement qui fut appelé

soufism e . Les Soufis , d’

après certains auteurs , tirent

leur nom de l’

arab e sont signifiant laine,avec laquelle

leurs vêtements sont fabriqués . D ’ autres auteurs veulent

voir dans le mot soufi l ’ équivalent du grec aoe oç sage ;la civilisation grecque avai t fort ement agi sur la Perse

et l’

Asie Mineure et il est possible que Soufi ait cette

derni ère origi ne, d’ autant plus que les prem i ers Musul

mans , partisans de l’

état monacal , se donnai ent à eux

mêmes la dénomination de Seddikia sages .

Quoi qu’

il en soit, le soufism e que de Wq appelle

la mystique orthodoxe (1 ) n’ est pas le fruit du Coran .

Il résulte des trois grandes in fluences indienne,néo

platonici enne , chrétienne, cette derni è re lui donnant

sa physionomie caractéristique l e but du soufism e

(1 ) D e Wulf, H isto ire de la Philosophie m édi é va le , 46 éd l i . ,

Paris , Louv ain , 191 2, p . 279 .

LE MYST IC I SME DANS L’

I SLAM 23

ou t essououof nom sous le quel le mysticisme s ’ est

introduit dans la langue arab e, est de mettre dans

la conscience de l’

homme l’

esprit caché de la loi en

accord avec la lettre e t d ’ arriver par de s pratiques pieu

ses a un état de pureté morale et de spirituali sme tel

que l’ on puisse voir Dieu face à face et sans voiles et

s ’unir a lui (1 ) L’

anéant issem ent de l ’ individu en

Dieu est la récompense promise le monde n ’ est qu ’ une

illusio n e t tous les efforts de l’

homme doivent tendre

vers l ’ ex t ase suprême . L ’ ensemble forme une doctri ne

idéali ste par laquelle l’

esprit sensuel et rêveur des Orien

taux se laissa facilemen t tenter .

Nous avons v u quelle influence le soufism e eut sur

les sectes chyi t es, telles que celle des Ism ailiens ou les

fameux Mollah Zekki . Mais ce ne fu t pas seulement

dans le schisme qu e se manifesta l’

l lm el Baqa ou el

Fana science de rester ou de périr, comm e l’

appellent

ses fidèles , c e fut aussi dans le monde orthodoxe

D’

abord , de nombreux ascètes se réfugièrent dans le

désert, comme aux temps de s prem iers chrétiens .‘ La

recherche de pratiques pieuses pour l’ accès à une pureté

morale plus parfaite séduisait l’ esprit de tous les pen

scurs . L ’

ascét ism e , la pauvreté , les prières , les morti

ficat ions, préparaient les âmes , émanations de Dieu , à

se rapprocher de plus en plus de la divini té par des

extases successives,à se réunir à lui par l ’ amour . Un

certai n nombre de philosophes musulmans célèb res,dont

Av erro è s, se rattachent au monde soufit e

Dieu absorb e tout . Autant que l ’ on peut en j uger

(1 ) Depon t e t Coppo lan i , op . c i t . , p . X , Préface .

(2) Le s prem iers soufis a ffirm a ien t leur carac t ère d ’

orthodox es,m ais l ’ éco le Rab iâ ét ait chy i t e .

(3) V . Les phi l0 3 0plæ 3 musu lm a ns , t om e I , chapi t re V I I I .

24 L’

I SLAM ET LES RACES

par les enseignements mystérieux du soufism e , les oh

j ets animés ou inanimés doivent être considérés comme

surnaturels . Il n ’ est qu’un être réel , Dieu , qui se ma

nifest e sous une foule de formes à l’ âme humaine , por

tion elle—même de l’ essence divine . Les idées spécula

t iv es des Soufis vont j usqu’ à l

exalt at ion . I ls admirent

Dieu en tout , et à force de méditer sur ses attributs ,de le poursuivre sous toutes ses formes , ils s

imaginent

parvenir à un amour inefiab le de la divinité , e t même

à une union intime avec sa substance La consé

quence de cette théorie est de les amener à considérer

les dogmes particuliers de toute croyance comme su

perflus, à n’

av orr aucun rite religi eux, à n’

at t acher que

peu d’ importance à la forme sous laquelle les pensées

se dirigent vers Dieu , pourvu que sa grandeur et sa

bonté puissent être contemplées .Cependant un fait curieux se présente . Cette indé

pendance , si large en apparence , n’

empêche pas l ’atta

chem ent sincère des Soufis à la doctrine de l’

Islam .

Souvent les prêtres persans , les Mollahs leur ont tendudes pièges pour le s amener à commettre des infractions

à la loi musulmane, mais ils n’

ont j amais réussi . Elphins

tone cite le cas d ’

un Soufi qui , après s’

être étendu avec

complaisance sur les mérites excellents de la règle sou

fit e et sur le caractère généreux et large des actions

humaines dont elle est le mobile , ne montra pas moins

d’

ardeur, quelques instants après et devant la même

compagnie , pour défendre chaque dogme de la religion

musulmane , e t repoussa avec horreur l’

idée d ’un doute

sur l’

éternité du feu de l’

enfer . Quant à la diffi culté de

concili er cette croyance avec l ’ idée que rien n’ existe

(1 ) Cfr . N. Perrin ,L

Afghan is tan , c i t an t Elphin st on e .

LE MYST IC ISME DAN S L ’

I SLAM 25

sinon Dieu,il dit que le système soufi était certainement

vrai,mais qu e l

’ existence du feu éternel de l’

enfer étai t

prouvée par les paroles de Dieu lui-même .

Il faut donc admettre que malgré leurs tendances

phi losophiques au panthéisme et au fatalisme absolu ,leur croyance au t ouhi d ou unité ab solue de Dieu

absorbant tout les Soufis sont de fervents musul

mans . Cependant l’

expansion trop considérable de

l eur mystique a causé dans le monde musulman , sun

ni te ou chy it e , une d éformation de l’

esprit religieux

des premiers âges de l’

Islam . Les ascètes , les moines ,ont été peu à peu remplacés par des individus appe

lés derouichs (derviches) , walis , lesquels errant de

ville en ville, de tentes en tentes , ont j oint à la m édi

tation la pratique d’

exercices religi eux qui à l ’ originedevaient servi r à donner l

ex t ase ; et plus tard n’ ont

souvent plus été qu’

un ritualisme d’

où l ’ imagination

a chassé la rai son . Tels sont les dervi ches hurleurs, tourneurs, et tous ces ascètes , fanatiques ou imposteurs quiont fait entrer dans la religi on des pratiques de j on

glerie qui n’ ont plus guère rien de religieux . En dehors

de ces derviches , les ascètes sont devenus des personmages religieux révérés des tribus voisines de leur re

traite . La seule noblesse de l’

Islam était celle représentée

par la descendance du Prophète, dont les membres s’ ap

pelaient cheurfa (chérif au si ngulier) en Occident, seyyiden Ori ent . Les personnages revêtus par leur entourage

d ’un caractère sacré , acceptés comme tels par le consent ement des tribus , ont en dehors des cheurfa pri s

une importance considérable dans l ’ Islam . Les zaouïas,en Turquie t ekki é, sortes de couvents , d

’ écoles,d ’ au

berges aussi , dans lesquelles ils habitaient, sont devenues

de véritables sanctuaires .

26 L’

ISLAM ET LES RACES

Les descendants du Prophète, les personnages sacrés

appelés marabouts , santons , ont en leur pouvoir un don

divin de bénédiction appelé baraka , lequel se transmet

de père à fils, et souvent même dans cer tains cas , de

marabout à tel homme de son entourage , j ugé plus

digne de la recevoir qu e sa parenté . A la mort de ces

nobles religieux , leurs tomb eaux reçoivent une sorte

de culte qui a quelque peu contribué à obscurcir les

dogmes corani ques . A l’

Islam ont été ainsi rattachés

un certain nombre de saints locaux qui j amai s n’ avaient

été Musulmans . En Afrique du Nord , le m arab ou tism e

a perm is la continuation de croyances antérieures à

l’

Islam .

C ’ est que le soufism e avait porté son influence dans tout

le monde musulman . En Afrique du Nord il se répandit

avec rapidité notamment au x rv ° siècle . L ’

ordre des

D erqaoua le propagea avec enthousiasme à la fin du

XV I I I e siècle ; le bey de Mascara lutta contre eux à

Tlemsen ; par contre , le sultan d’

lfriky a les reconnut à

Tunis C ’ est v raisemblablement le soufism e qui a

imprégné l’

Islam du fatalisme que l’ on reproche à tort

à l’

enseignement de Mahomet . Le système de Dieu ah

sorb ant tout devait mener à cette résignation que le

Prophète n ’ avait j amais admi se ai nsi . L’ idée fataliste

p réparait à l’ obéissance aux ordres des émanations de

la divinité .

En eff et tous les hommes ne peuvent arriver d ’ euxm êmes à l ’ ex t ase . Ils ont b esOin d ’ interm édiai res qui

l eur expli quent le monothéisme parfait . Le soufisme

était parvenu a une dualité de religion, simple pour le

c ommun des mortels , épurée pour les maîtres, pour les

( 1 ) V . Pique t , op . c i t . , p 1 97.

28 L’

ISLAM ET LES RACES

tissant de leur politique spirituelle ou temporelle se

marque par l ’apparition d’

env oy és spéciaux de la divi

mi té qui doivent réformer le monde islamique, chasser

à l ’ occasion l ’ Infidè le envahisseur ce sont les mahdis ,dont tout l ’Orient attend perpétuellement la venue de

puis les temps j udaïques j usqu ’ à nos j ours .

I l . LE S CONFRÉR IES REL IG IEUSES .

H ie rarchie des ordres Dans les premiers âges de

l ’ expansion islamique, on ne comptait pas moins de73 sectes ou ordres religieux se recrutant dans toutes

les classes de la société et se groupant autour de cer

taines familles religi euses . Auj ourd ’hui le monde mu

sulman est rempli des constructions faites par les or

dres religieux : les zaouïas de l’

Afrique du Nord , les

t ekkié de Turquie, les khanaks d’

Orient . Ce sont à

la fois des endroits sacrés qui renferment à l ’ occasion

le tombeau ou des reliques du saint, des lieux de réunion

pour l ’accomplissem ent des pratiques rituelles , de s écoles

d’

un degré plus ou moins élevé et des hôtelleries . Toute

cette organisation tisse une véritable trame sur le monde

islamique

Le superi eur de la confrérie, le cheikh, peu t résider

dans un autre endroit que la zaouïa . Il est le maître

absolu et ne consent à recevoir d ’ ordres que de Dieu .

On comprend facilement qu ’une telle conception ait

facilité la désagréga tion de la puissance temporelle de

l’

Islam . Le khalife ou vicaire est le coadj uteur du cheikh

et le remplace à toute o ccasion dans laquelle ce dernier

ne v ent ou’

ne daigne paraître . Le naïb ou intérimaire

remplit le s fonctions du khalifa sans en avoir le titre et

l’

investiture offi ciels . Le m oqaddem (au pluriel m oqad

LE MYST IC ISME DANS L ’

I SLAM 29

dim) est l’ agent du cheikh dans toutes les localités où se

trouvent des affi li és . C ’ est lui qui est chargé d’

adm inis

trer la zaouïa , de transmettre les ordres du mai tre , de

diri ger les exercices des frères , d’

in i tier les néophytes .

Les m oqaddim peuvent être remplacés par un nath,au pluriel naïoub . Enfin le s chaouch et rokkab sont

des plantons , des ém issai res , chargés des commissions

du m oqaddem .

Au-dessous de cette hi érarchi e sont les frères (khouan

en Afrique du Nord , derouich en Ori ent, foqra, de

fakir, pauvre , chez les Qadria , ashab , compagnons chez

les Tidjania) . Les femmes peuvent être admises dans

la confréri e . Ce sont les kh aouni‘

at (sœurs) . Les mem

bres des tri bus qui admettent l ’ autorité du sai nt sont

les Kh oddam . L’

aspirant à l’ i nitiati on est le mourid .

D e même que les mosquées du culte régulier, les zaouïa

possèdent des biens immobili ers . Ce sont les habous

dont les revenus servent à l ’ entretien des lieux saints .

Les dons sont admis par cession entière d ’une propriété,ou par fraction quelconque soit des terres , soit des res

sources du sol . Enfin tous les adeptes doivent payerla ziara , sorte d

’ impôt spécial , dont la somme dépasse

souvent de beaucoup les impositions offi cielles et que

pourtant j amais un khouan n ’ a refusé de payer .Telle est la hi érarchi e apparente de ces ordres reli

gieux qui se sont développés en grand nombre à mesureque s ’ étendait l ’ expansion islamique .

Organ isation de l’

ordre. Un ordre doit seulement,pour être reconnu , faire preuve d

orthodoxi e musul

mane et c ’ est là chose facil e : il suffi t que le fondateur

ait suivi l ’ enseignement d ’

un docteur orthodoxe connu .

Il étab lit alors une sorte de filiation ou chaîne mystique

30 L’

ISLAM E I‘ LES RACES

remontant j usqu ’ au Prophète lui—même ; l’ excellence

de la doctrine enseignée se trouve ainsi affi rmée . Les

ordres religieux principaux se réclament, soit d’un des

premiers khalifes , Abou Bekr ou Omar, soit directement

d ’une révélation div ine qui , en général , s’ est effectuée

par l’

entremise de Si di El Khadir, le prophète ElieCelui—ci , selon la croyance musulmane , a bu à la source

de la vie et a été ex empté de la mort . Sa personnalités’

est dédoublée : Elias erre sur la terre ; El Khadir v i tau fond de la m er . Un j our par an , les deux personna

lités se rencontrent pour se concerter, et El Khadirdevient l ’ intermédiaire entre Dieu et les hommes , leurdonne le pouvoir de faire des (2)Lorsque les plus parfaits d ’ entre les Soufis (3) se sont

purifiés du matérialisme humain , et que Dieu a daigné

leur déléguer une étincelle de son pouvoir divin , la b a

raka , ils peuvent alors servir d’ intermédiaires pour per

fe ct ionner les hommes ; ils groupent alors autour d’ eux

des disciples , appelés khouan , frères . Sous la haute aut orit é du cheikh , les aspirants (mouri d) à l

’ ordre doi

vent subir une initi ation progressive (ouerd) qui les

élève peu à peu vers le monde surnaturel . Ils ne de

viennent khouan qu ’après avoir fait leurs preuves . Le

cheikh communique à ses frères la formule que lui o nt

révélée Dieu ou bien El Khadir cette formule est le dikr,moyen infaillible d ’ atteindre l ex t ase et de parveni r

à l’

i dentification parfaite avec la nature divine . Le dikr

est le pivot réel du soufism e Il consiste en

une prière répétée un certain nombre de fois , d’une

cer taine manière, suivant les ordres , dont la répét i

(1 ) Mahom e t adm e t t a it le s prophè t e s an t érieurs à lu i .

(2) V . Piqu e t , Le s C iv ilisa t ions de l’

Afr ique du Nord, p . 48 .

(3) Originairem en t le ur nom ét a i t fokra , plurie l de fakir,,pa uv re

(4) D epon t e t Coppolan i , Op . c i t .

, p . 88 e t suiv an t es .

LE MYSTI C I SME DANS L ’

I SLAM 3 1

tion multiple doit amener la sat isfaction pleine et eu

t i è re du d ésir par la vert u mystérieuse et in effableattachée à cette oraison

Suivant son degré d ’

initi ati on , le khouan prononce

le dikr vocal qui est un simple énoncé sans valeur, ledikr d

adorat ion , lequel est prononcé avec une intense

conviction le dikr émi s avec le concours de tous les

organes , reservé aux seuls élus de Dieu . L ’ ensemble de

la baraka , de l’

ouerd et du dikr forme El Tariqa , c’ est

à—dire le chemin , l a règle de la vie, dont les pri ncipesfondamentaux spéciaux à chaque ordre reposent dans

l’

ouaçia . L’

oua çia est un recueil qu e p ossède le détenteur

de la Tari qa , le maitre , le cheikh de tout le groupe

ment . Le groupement des fidèles lui est dévoué corps

et âme ; en effet tout homme qui ne se fait pas con

duire par un directeur spirituel est coupable de ré

belli on envers Dieu , car il n e saurai t, sans guide , par

venir e u chemin du salut, possédai t—il, dans la mémoire,mill e ouv rages de théologie Ce dernier précepte in

dique l’

in fluence du cheikh sur les affi l iés auxquels il

peut faire accomplir toute espèce de besognes .

Les ordres . Les ordres religi eux nés de la diffusion

de l’

enseignement soufit e couvrent le monde musulman

enti er . Les cinq principaux sont : les Qadria , aux doc

trines humani taires remplies de pitié , d’

ab négat ion ,

de charité ; les Khelouat ia, contemplateurs et ex tat i

ques les Chade lia, spirit ualiste s ; les Naqe chab endia ,

éclectiques ; et les Saharaouardia, lesquels possèdent

les doctrines panthéistes les plus avancées . Ces cinq

ordres se sub divisent à leur tour en des branches mul

(1 -2) D epon t e t Coppolan i , Op . c it .; p . 86 e t su iv an t e s .

32 L’

I SLAM ET LES RACES

tiples qui , toutes , amènent leurs néophytes au féna ,

c ’ est—à—dire à'

l ’ union mystique avec Dieu .

Aux Indes , les ordres musulmans les plus importants

sont les Chischt iy a , les Madariy a, les Akhb ariya, les

Qadria . Au Turkestan , les Naqechab endia, ont suivi

l’

invasion mongole, ont pris Bokhara pour srege e t ont

fait porter leur propagande sur les races ouralo-alt aïques .

En Chine, l’ on croit que la société secrète Thien ti Hai ,

fondée au x v rr° siècle pour la restauration des Ming

contre les Ching , a une branche musulmane affi liée aux

ordres religieux ; en Turquie la secte des Bekt achiya

a une grosse in fluence . En Nubie , dans le Kordofan ,les Em irghaniy a sont une confrérie fondée par un dis

ciple d’

Ahmed ben Idriss , celui qui forma le fondateur

du senoussism e . Les Saadia , les Badasnia sont répandusau SoudanLorsque les ordres religieux perdent leur caractère

uniquement mystique, pour se mêler à la v ie politique ,il est coutume de leur donner le nom de « confréri es » . EnAfrique du Nord , parmi les confréries les plus connuessont les Qadria et leurs dérivés, les A1ssaoua , les Rahmania et les Tidjania, tous les deux sous-branches des

Khelouat ia, les D erqaoua venus des Chadelia , ainsi que

les Taïb ia et les Cheikhia, et enfin les Senoussïa issusdes Khadir

r‘

a .

Les Qadria . Les Qadria tirent leur nom de S iMohammed Abd el Qader el Dj ilani, né à Dj il (2) p rès

de Baghdad en 47 1 de l’

Hégire , mort en 56 1 (1079—1 166

ap . J . C’était un chérif qui resta touj ours pauvre

(1 ) Le Châ t e lie r, L’

Islam a u X IX€ s iècle . X . Le ro ux , Paris ,1 888.

(2) D’

où le nom de s adept es Dj ilala ou Qadria .

LE MYST IC I SME DANS L’

I SLAM 33

et se livra pendant toute son exi stence aux œuvres de

piété et de propagande reli gi euse . MM . Depont et Cop

polani (op . ci t . , p . 294) résumen t ainsi son enseignement

abnégation de l ’ être au profit de Dieu , mysticismeextatique aboutissant à l ’hystérie au moyen de pratiques enseignées dans des zaouïa ayant une certai ne

analogie avec les monastères chrétiens, pri ncipes phi

lanthropiques développés au plus haut degré, sans distinction de race ni de religion , une charité ardente, une

piété rigoureuse, une humi lité de tous les instants, et

par sui te une douceur d’ âme qui en ont fait le saint

le plus populai re et le plus révéré de l ’ Islam

L’

ouerd imposé par Si Abd el Qader Dj ilani conduitrapidement à l ’ ex t ase . Les affi li és portent leur tête alter

nativement de droite à gauche en répétant Allah , Al

lahou , Allahi , en augmentant à mesure la cadence du

hochement de la tête et la force des cris . A la fin une

sorte de congestion les frappe e t il s tombent extasiés .

Les Khouan deviennent de véritables illuminés qui se

croient réellement par moments absorbés en Dieu . Les

Qadria répèten t encore dans leurs réunions de véritables

litanies compo sées de versets du Coran .

Les Qadria sont répandus en Turquie , en Arabie, en

Extrême-Orient , du Turkestan aux Iles de la Sonde .

Ils progressent encore au Yun-nam . Leurs chefs de Tri

poli t ai ne et d’

Egypt e dépendent des Zaou i‘

as tunisiennes .

Les innombrables groupements qadria d’

Algérie , de

Tunisie, du Maroc semblent sans lien bien direct entre

eux . Les Moqaddim de Tunisie portent leur in fluence

j usque chez les Touareg, ceux du Maroc j usqu’

au Soudan e t dans l ’Adrar.

On peut dire que les Qadri a ex ercent depuis le'

x v ° siècle une grosse propagande pour l’

Islam dans le

34 L’

ISLAM ET LES RACES

Sahara et le Soudan . La fam euse Zaou1a de Kounta

forme des élèves qu i sont célèbres . Les Bakkala , bran

che des Qadria , ont dans tout le bassin du Niger et de

l’

Oued Noun , dans le Sahara occidental , le monopole del ’ enseignemen t . Auprès de tous les chefs noirs résident

des marabouts , des légi stes , des secrétaires, dont la

formation est qadrienne .

Le mahdi . L’

apogée de la puissance politique des

Qadria en Afrique fut atteinte vers 1880, date à laquell e

un dervi che du Soudan Egyptien fonda un éta t arabonoir et se proclama mahdi . I l souleva si bien l

enthou

siasm e guerrier des Soudanais que l’

Egypt e en perdi t le

contrôle sur le Soudan , la Nubie et le Haut-Nil (1883)L

Anglais Gordon pacha , celui qui avait combattu les

Taï Pings en Chi ne, périt à Khar toum où l ’ avait envoyé

le khédi ve contre les traitants arabes , marchands de

chai r humai ne . Il fallut la victoire britannique d ’

Om

durman pour que le général Ki tchener mît fin à f’ agita

tion des mahdistes

Le mahdi avait tenté une grande entreprise il savai t

l’

Arab e hostile au Turc auquel il refuse le titre de Mu

sulm an . Les lettrés arabes prétendent que le Turc , bien

plus que le Chrétien , est celui qui entrave le dévelop

pement de l’

Islam . Peut-être aussi les Arabes regret

tent-ils la disparition des khali fes remplacés par les

sultans ottomans . Le mahdi de Khartoum voulut le

réveil de l ’ i dée arab e : J’

at t est e devant Dieu et de

vant lê Prophète que j’

ai pris le sabre, non dans le but

de fonder un empire terrestre, ni pour amasser des ri

chesses , ou posséder un somptueux palais , mai s afin

(1 ) Cfr . Henr i Dehéra in , Le Souda n Or ie n ta l sous la dom ina

t ion madhis te,dan s E tudes sur l

’Afr ique (Paris, p . 73-106.

LE MYST IC ISME DANS L’

I SLAM 35

d’

aider et de consoler les Croyants de l ’ esclavage , à cause

de l’

esclavage dans lequel le tiennent les Infidè le s, etpour rétablir l

empire des Musulmans dans son ancienne

splendeur . Je suis donc décidé à porter ce sabre de

Khartoum à Berber . J ’ irai ensui te à Dongola , au Caire

et à Alexandrie, en rétablissant la loi et le gouverne

ment musulmans dans toutes les cités . De l’

Egypt e ,

j e me dirigerai vers la terre du Prophète afin d’

en chas

ser les Turcs dont le gouv ernement n ’ est pas meilleur

que celui des Infidè les et j e rendrai à l’

Islam l’

Arab i e

avec ses deux cités sai ntes : La Mekke et Médine . Fils

d’

l smai‘

l , vous pouvez vous attendre à m e voir bientôt

au milieu de vous , armé du sabre de la foi ! (1 )On retrouve dans les sentiments du madhi les idées

de S i Ab d el Qader Dj ilali , mai s passées dans le domaine des réalisations terrestres . Les Qadria ne furent

pas soutenus par les autres ordres religieux et ont perdubeaucoup dans cette entrepri se . Ils n ’ en restent pas

moins un groupement puissant, et si , dans leurs mani

fest at ions soudanaises , ils ont eu des agitations xéno

phob es, en Afrique du Nord ils n’ ont j amais cessé, d

ac

cord eu cela avec leurs doctrines humanitai res , d’

être

en de très bons rapports avec les autorités françaises .

Les A zssaoua . S i Mohammed ben Arssa naquit àMeknès au rx ° srecle de l

H égire et y mourut vers 1523

de l ’ ère chrétienne . Ce fut un grand voyageur qui , de

l’

Orient à l ’Occident , vi sita tous les centres , groupantautour de lui les mécontents . Grand my stique , than

mat urge , i l fonda un ordre qui ne cessa j amais d’

être

favorisé par les sultans marocai ns auxquels les Ai ssaoua

(1 ) Den is de Riv oyre . V . Bi bliographie .

36 L’

I SLAM ET LES RACES

semblent avoir touj ours été dévoués . Si Mohammed étaitun fervent adepte de s doctrines spiritualistes chade

b ennes , mais il fut vivement frappé par les pratiques

rituelles des Qadria . Il leur emprunta donc leur formule

qui donne l’

ex t ase . Aux yeux des simples , le cheikh

fini t par être une véritable incarnation div ine et son

tombeau à Meknès j ouit d’

un grand renom , sert de

lieu de pèlerinage pour les affi liés qui s ’y rendent de

toutes les zaouïa marocaines .

A certaines dates , les Ai ssaoua pratiquaient leurs cê

rém onies extatiques le long des rues . A Taza (Maroc)le cor tège se déroulai t au début du printemps , au m ili eu

de cérémoni es indescriptibles dans lesquelles s’

exal

t aient à tel point les spectateurs eux—mêmes qu’ ils ris

quaient de tomber dans l’

hystérie Peut-être faut-il

voir dans ces rites la survivance d’

ant iques saturnales ,des vieilles fêtes du renouveau ! Quoi qu ’ i l en soit

,les

Aïssaoua doivent désormais se livrer à leurs exercices

uniquement dans leurs zaou1as . C’

est à eux que se rat

tachent ces exaltés qui se percent d ’ aiguilles en pleine

chair, passent au mn ieu de tisons rougi s mais ces abou

t issant s hystériques ne doivent pas fai re oublier la doc

trine humanitaire qu i est à la base de l ’ enseignement .

En dehors de leurs exercices , les Aïssaoua sont généralem ent des gens calmes qui , au Maroc , ne semblent

pas faire d ’ opposition aux Français . Leur confrérie a

touj ours été fidèle au sultan reconnu .

Les zaouïa des Ai ssaoua se rencontrent en Algérie ,en Tripolit aine , en Egypte , de moins en moins nom

b reuses a mesure que l’

on s’

avance vers l ’Orient . A La

Mekke il n’

existe qu’

une hôtellerie—école de la confréri e .

(1 ) Pie rre Redan , A ux confins du pay s ber bère , Le s Ai ssa ou a .

LE MYSTI C I SME DAN S L ’

ISLAM 37

Les Rahman ia . Les Rahmania se rattachent à laconfrérie-mère des Khelouat ia qui apparu rent dans

le monde musulman envi ron un siècle après les Qadria .

Le fondateur de l ’ ordre n ’ était plus un chérif comme

chez ces derniers , mais un véritable ascète à la recherchede l

anéant issem ent corporel pour la plus grande puri

fication de l ’ âme . Mohammed el Khelouat i , le solitaire

persan , fut l’

inst iga teur du mouvement que développa

Omar el Khelouat i (mort en 800 de l’

Hégîre , 1397—98

ap . J . Le vieux panthéisme persan se retrouve sousle voile du soufism e épuré . Les tendances générales des

Khelouat ia sont : au point de vue temporel le ser

ment avec toutes ses vérités , l’ engagement sacré, le

pacte entre le cheikh et le néophyte , la connaissance des

sept noms de Dieu correspondant aux sept qualités

cachées de l ’ âme, et le secret absolu . D’

où, en morale

ob struction intellectuelle et asservissement de l’

huma

nit é ; et en politique : opposition systématique à tout

progrès, fanatisme exalté, et comme conséquences im

médiates , persécution à tout ce qui touche au pouvoir

temporel , d’ autant plus dangereuse qu ’ elle ne se mani

feste qu’

après avoir été longuement méditée dans le

mystère et les (1 )Les Rahmania sont issus des Khelouat ia . Leur fon

dateur fut un Kabyle d’

Algérie , S i Mohammed benAbderrahman , né à Aï t Smai l vers 1 126

qui fut él ève des Khelouat ia . Ce fut un thaumaturge

renommé qui voyagea au Soudan , au Hedj az , aux Indes ,en Turquie et revint faire du prosélytisme dans ses m oh

t agnes natales . La Kabylie et Alger furent l’ ob j et d

une

véritable propagande malgré les efforts des Turcs alors

(1 ) Depon t e t Coppo lan i, op . c it ., p . 373.

36 L'

I S I M ET LES RACES

semblent avoir to u jo u rét é dévoués . Si Mohammed étaitun fervent a de p t e doctri nes spiri tualistes chadeb ennes , mai s I l fu t émeut frappé par les pratiquesri tuelles de s Q ad n Meur emprunta donc leur formulequi donne l

e x t :… .\x yeux des simples, le cheikh

finit par être une u nab le i ncarnat ion divine et sontombeau à Mekne s i t d

un grand renom, sert de

lieu de pèlerinage pm les affi li és qui s ’y rendent detoutes les zaou ra m a rm ines .

A certaine s da t e s . l -Ai ssa oua pratiquaient leurscé

rémon ie s e xt a t iqu« s le mg de s rues . A Taza (Maroc)le co r tège se dé ro ula i t d éb ut du printemps , au milieu

de cérémonie s i l i t lem rrt ib les dans lesquelles s’

cxal

t aient à tel po int le s : t a t eurs eux—mêmes qu’ils ris

quaie nt de tombe r rl.m s’

hv st érie Peut—être faut—il

voir dans ces rite s la s ur vivance d’

anti ques saturnales,

des vieilles fête s du ve au ! Quoi qu’ il en soit, les

Aïssaoua doiven t ( li‘w —l l l iS se livrer à leurs exercices

uniquement dans le u rs 2 ) ufas . C’ est à eux que se rat

ta chent ces exaltés «,o u percent d ’ aiguilles en

chair, passent au mil i e u '. ti sons rougis

t issant s hystérique s ne dur ent pas

trine humanitaire qui e s'

En dehors de leurs e xe r

râ lement des gens ca

pas faire d ’ o

tou j ours étéLes zaouïa

en Trip

b reuse s

LE MYST I C I SME DANS 1 M M 37

Les Rahman ia . Les Rahm ani r rattachent à la

confrérie—mère des Khelouat ia q apparurent dans

le monde musulman envi ron un siè après les Qadria.

Le fondateur de l’ ordre n

était pl chérif comme

chez ces derniers , mais un véritable Q t e à la recherche

de l’

anéant issem ent corporel pour fins grande puri

fication de l ’ âme . Mohammed e l K o uati , le solitaiœ

persan , fut l’

inst iga teur du mouver e t que développa

Omar el Khelouat i (mort en 800 d’

Hégire , 1397-Œ

ap . J . Le vieux panthéisme per se retrouve M

l e voile du soufisrne épuré . Les t en c e s généralœ de

Khelouat ia so nt : au point de t emporel : le 38

ment avec toutes ses vérités , l e gement sacré.

pacte entre le cheikh et le néophy tsept noms de D ieu corre spondar

mité e t en politique : opposition sy émati

progrès , fanatisme exalté , et

médiates , persécution à tout

38 L’

I SLAM ET LES RACES

établis en Algérie . A la mort de S i Mohammed , lesOttomans

,voulant éviter que son tombeau dev int un

lieu de pèlerinage , un centre de rébellions , substituèrent

un autre corps au sien dans le catafalque d’

Ai‘

t Smai let enterrèrent le thaumaturge au Hamma , près d

Alge r .

D ’ où la légende de s deux tombeaux de S i Mohammedben Abderrahman surnommé Abou Qob rin (le père

de s deux tombeaux) . Au lieu de n ’ avoir qu’un seul centre

d ’ attraction,les Rahmani a en eurent deux ; cependant

la zaouïa du Dj urdj ura semble ê tre la zaou1a—mère par

excellence.

D e tous temps les Rahmania on t été les interprètes

du mouvement d ’ indépendance berbère , contre les Turcs ,contre les Européens , contre l es Français . Notammenten 1871 , le cheikh el Haddad (Si Mohammed Am ziam ) ,maître de la confrérie , _ fu t l

’ âme du soulèvement desKhouans du Tell et de Kabyli e après avoir réussi à

établir une entente avec les nobles (dj ouad) du MO

krani . Vaincu , avec ce dernier, le cheikh fut déporté

à la Nouvelle-Calédonie ,d’

où i l s’

evada . Et ab li aD j eddah

il obtint son pardon et mourut à Paris en 1895 .

La zaouïa-mère fut fermée par ordre supérieur et

les Moqaddim , en l’

absence du cheikh , se considérèrent

comme le s chefs de véritables petites principautés . Enmoins d ’un siècle les Rahmani a avaient englobé la plusgrande partie de la population indigène d ’

Algéri e , mais

à l ’heure ac tuelle , ils ne forment plus qu’une sorte

d’

église nationale divisée en plus de vingt diocèses ,avec ses maîtrises , ses évêques et ses vicaires ; mais

une église sans unité de direction , désagrégée , dont les

représentants sont séparés par des rivalités intes t ineset di rigent des chapelles indépendantes qui rivalisent

d’

audace et multipli ent leur moyen d ’ action pour attirer

40 L’

I SLAM ET LES RACES

de répétitions rituelles de mots ou de phrases sont toute

la liturgie . Le fait significatif qui se dégage de l’

ense i

gnem ent e s t que tous le s échelons mystiques des autres

confréries, qui faisaient transmettre la baraka à tra

vers les âges, sont supprimés . Le Tidj ani saute d’

un

bond à Mahomet et ses adeptes ne doivent p as recon

naître d’ autre loi que la sienne .

Le résultat est que les Khouans du Tidj ani , malgré

l ’ affiliation de leur maître à des voies extatiques , sont

plutôt les suj ets d’un souverain politique auquel il s

sont li es pa r l’ engagement . La doctrine est contenue

dans le bréviai re appelé El Kounnach . L ’ esprit généralde la secte est un libérali sme inhabituel aux autres confréries . Plus de pénitences, de macérations , de retraites

pénibles, mais seulement une loi simple qui se plie à

toutes les intelligences . La propagande de l’ ordre devai t

donc avoir de grands résultats .

Dès qu ’ il se crut investi de la confiance divine, lecheikh el Tidj ani agit en véritable successeur de Mahomet, convertit de nombreux ahb ab compagnons

qu’

il nomma ainsi en souvenir des fidèles du Prophète ,parcourut en soldat, beaucoup plus qu

’ en professeur,

le Touat, le Sahara et l’

Afrique du Nord . Il quitta Aïn

Mahdi à la suite de dissensions intérieures pour se

retirer à Fez , ville dans laquelle il eut une réussite consacrée par l

approbation du sultan Moulay Sliman . Il

mourut dans sa nouvelle zaouïa le 1 9 septembre 1815 ,

laissant une confrérie assez puissante pour inquiétersérieusement la puissance turque .Avant de mourir, le cheikh el Tidj ani , préoccupé

des intérêts de son ordre, en laissa la direction à sonplus habile m oqaddem , Si d El Hadj Ali b en El HadjAi ssa , originaire de Yambo (Arabie) et déj à grand-maître

LE MYST I C ISME DAN S L’

I SLAM 41

de 1 1mport ant e zaou1a de Temacin dans l’ oued Rhir .

Son testament portait qu ’ après la mort de son successeur, les chefs suprêmes de la confréri e seraient alter

nativement choisis parmi les membres de sa famille,alors composée de deux fil s en bas âge , e t ceux de la

descendance de son khalifa Si d E l Hadj Ali . D e là ,deux branches-mères ayant pour maîtri ses principales

Aïn Mahdi et Temacin L ’ unité de direction de

la confrérie fut rompue par cette clause du testament .

Néanmoins , sous des chioukhs remarquables , les Tid

j ania étendirent leurs ramifications de toutes parts, en

Afrique centrale, en Arabie . Ils se chargèrent de la pro

t e c t ion du commerce et des caravanes par leurs zaouïas

d’

Algérie et du Maroc avec Tombouctou par l’

Adrar,

amenant ainsi à la confrérie d ’ immenses richesses . De

1 830 à 1845 , leur Influence convertit de nombreux noirs

à l’

Islam . L’

enseignement de ses professeurs se déve

loppe, pénètre même en Asie, après avoir conquis le

continent afri cain . Du Maro c au Bornou , dan s tout le

pays des Touareg , le nom du Tidj ani est révéré

A dater de 1853 des rivalités entre Aïn Mahdi et Te

macin rompirent la cohésion de l ’ ordre . Les chefs spirit uels algériens furent débordés par les m oqaddim du

S oudan et du Maroc ;Fez devint un des centres directeurs de l a secte . Mais alo rs , avec le déplacement de

l’

influence, l a p oliti que changea . Les Tidjania aux do c

trines libérales avaient touj ours donné des marques

de sympathie à la France . Lors de la lutte avec l’

ém ir

Abd el Qader, peut—être par j alousie et rivalité avecles Qadria qui soutenaient ce dernier dont le père Ma

hi eddin était le représentant, les Tidjania furent par

(1 ) D epon t e t Coppolan i, p . 421 .

42 L’

I S LAM ET LES RACES

t i sans des Françai s . Après avoir soutenu des sreges vic

t orieux dans Ain-Mahdi et chassé l’

ém ir du Sahara ,les chefs de l

’ ordre nous aidèrent à occuper pacifique

ment Biskra , à soumettre les Larbaa et les Ouled Nay 1,à pénétrer chez les Touareg mais l ’ enseignement donné

à la zaouïa de Fez était nettement xénophobe .

Au Soudan , El Hadj Omar,Ahmadou Che ikhou étaient

Tidjania , m oqaddim de la zaouïa de Fez . Les pro i es

seurs . t idjania dominent encore dans les écoles du Son

dan . Les Maures , le s Peuhls sont acquis à leur influence .

Au Maroc même, les Branè s, les Tsoul et bien d’ aut res

sont en grande partie affi li és à l ’ ordre . Il est curieux

d ’ ailleurs d ’ étudier combien les Tidjani a algériens , nom

breux dans les rangs français, ont pu ai der la pénétra

tion au Maroc par leurs affil iations avec les Marocai ns .

Il est à souhaiter que les chefs spi rituels des Tidjania

qui ont touj ours fait preuve d’

un grand loyalisme pour

nous , reprennent la direction générale de la confrérie ,ce dont la France ne pourrai t sans doute pas avoir

à se plaindre

D erqaoua . Le prototype de la confréri e opposée

aux Français est celle des D erqaoua . Ce t ordre est peu

répandu en Algérie , mai s très développé au Maroc . La

plus grande maj orité de s villes du Protectorat chérifien

ont une zaouïa affi liée . Des corporations entières, no

tamment à Fez , appartiennent aux D erqaoua, lesquels

à Taza résident dans un quartier séparé des autres par

une muraille et des portes solides . Les D erqaoua repré

sentent en quelque sorte le parti avancé qui ne veut

supporter aucun pouvoir étranger, arabe, turc ou chré

tien . Naturellement les Berbères marocains se sont affi

l iés en grand nombre à cet ordre qui satisfai sait leurs

LE MYST IC I SME DAN S L ’

I SLAM 43

desidera ta . Les Ait Atta , les Ai t Izdeg, le s A i t Youssi ,les Beni Mguild, de l

At las, les Beni Suassem, les Gue

zennaïa , les Mtalsa , les Gb iata , sont en grande partie

Derqaoua ou soumis à leur influence . S i le roghi BouHamara réussit aussi longtemps dans ses entreprises ,c ’ est que , D erqaoui , il fut ai dé par la secte , ennemie

naturelle du sultan pui sque ce souverain représentait

au Maroc le pouvoir existant . D e 19 15 à 1 9 18, il est

possible que le fameux Abd el Malek qui opéra contre

nous sur le front nord de la trouée de Taza , aidé par

les agents et l’

or al lemand , ait réussi sa j onction avec

les Ghi at a habitant au sud de l’

Innaouen par l ’ inter

m édiaire des D erqaoua . En effet son grand-père Mahied

din était affi li é à la secte et lui—même, tirant parti de

la réputation de sa famille, put parvenir sur ces bases

à li guer contre l ’ env ahi sseur des tribus irré ductib l es

j usque-là . Au Touat, au Gourara , au Sahara j usqu’

à

Tombouctou , en Algéri e, en Tunisie, en Egypte , à LaMekke, les zaou1a derqaoua ont un e grosse influence .

L’

ordre des D erqaoua dérive de la confréri e—mère

des Chadelia . L ’ école mystique chadelienne a comme

doctrines un spiritualisme épuré, l’ abandon de l

être

au profit de Dieu , la pri ère à toute heure, en tous li eux,et en toutes circonstances , afin de vivre en union cons

tante avec la Divini té . C ’ est l ’ ét ernelle ex t ase ,'

m ais

l’

ex t ase sans transports mystiques , l’

ex t ase provoquée

par ce t arden t amour de la divinité, qui éloigne du

monde et pro cure des sensations inexprimables . Chez

les Chadeli a point de kheloua cellule souterraine

point de pratiques bruyantes, point de j ongleries la

vie errante et contemplative, avec, pour profession de

foi , l’

unité de Dieu (t ouahid) et pour enseignement, le

44 L’

ISLAM ET LES RACES

t e ssououof, ou science du spiritualism e ,qui doit conduire

le néophyte à vivre dans l ’ essence divineL ’unité de Dieu est si respectée chez les D erqaoua

qu ’ ils suppriment la seconde partie de la formule du

t ouahid I l n ’y a Dieu que D ieu , disent-ils , et ils n’ aj on

tent pas Mahomet est son prophète . Cette suppression

indique l’ esprit particulari ste de la secte .

Au Maroc,la science spiritualiste des Chadelia semble

s ’ être dispersée au profit du m arab out ism e local ; et

ce fait entre pour beaucoup dans l ’ énorme diffusio n

de son influence . Nombre de chorfa , de saints locaux ,

inféodés au Maghzen , ont conservé l’ enseignement, mais

un faqih , réputé dans tout l’ ouest africai n pour sa sain

teté et Ses études théologiques, Ab ou’

l’-Hassan Moulay

ali b en Abderrahman el Dj emal el Fasi , et son élève

Moulay el Arb i ben Ahmed el D erqaoui (X I I I e siècle del’

Hégire) , tombèrent dans un puritanisme étroit, fon

dè rent l ’ ordre des D erqaoua . Ce sont eux qui créèrent

ces dervi ches exaltés, lesquels n’

adm et t ent aucun j oug,prêchent une espèce de sociali sme en haillons et com

battent même les Musulmans non affi liés à leurs doc

trines rétrogrades .En Algérie, au Sahara , au Maroc, ils sont de toutes

les agitations et de toutes les ligues xénophobes . Les

Turcs eurent à souffri r de leurs attaques , les Français

à leur tour les retrouvent devant eux, comme les sultans

chérifiens les eurent autrefois . Il est possible que lorsque

l’

At las sera réduit , les dernières forteresses derqaoua

puissent être surveillées facilement mais à l’

heure

actuelle la secte représente un danger parce qu’

ayant

le prétexte de la guerre, elle a une grande action sur

(1 ) Depon t e t Coppolani, op . c it .

, p . 443 .

LE MYST I C ISME DANS L’

I SLAM 45

les populations . L’ influence des autres confréri es ne

suffit pas touj ours à les contrebalancer chez les Ber

b ères j aloux de leur particulari sme .

Taïb ia . L ’ ordre des Taïb ia (du nom de Moulay

Tayeb) est issu d’ un chérif qui , pour des motifs poli ti

ques, fit dériver des Chadeli a une branche purement

marocai ne . En effet le sultan du Maghreb el Aqsa , chériflui aussi descendant d

Idri ss, avai t b esoin d’

appui Spi

rituel e t temporel . Moulay Ab d Allah Ech chérif b enIbrahim ,

mort en 1879 de l’ ère chr étienne, et son petit

fils Moul ay Tayeb créèrent et développèrent la con

frérie qui eut pour but d’

être une sorte d’

égli se na

t ionale mettant son influence au service de la cour de

Fez ou la lui retirant selon les circonstances (1 ) Les

sultans reconnai ssent si bien l’

autori té spirituell e des

chéri fs t aïb ia qu e ce sont ces derniers qui leur donnent

en quelque sorte l’

investiture aux prem iers j ours de

leur règne . En échange , les souverains ont continuellement augm enté les privilèges des chorfas d

Ouazzan .

Ouazzan est le siège de l a confréri e . La zaouïa fut

fondée par Moulay Tayeb , qu i avai t d’

abord étudié à

Dar el A ’ lem (la mai son de la science) , créée par Idriss

et d ’ où sort ai ent les chorfa prédi cateurs qui allai ent

propager l ’ o rthodoxie musulmane dans tout le Ma

ghreb La mai son régnan te marocaine étai t ainsi

reconnue comme la seule orthodoxe en pays d ’

l slam

aux dépens des sul tans turcs de Constantinople . A la

suite d ’un rêve dans lequel Mahomet apparut à Moulay

Tayeb , ce dernier bâtit le Dar ed Dahman , la mai son

de la sécurité à Ouazzan . Dans la zaouïa , le spirituel

(1 -2 ) D epon t e t Coppolan i , Op . c i t .

, p . 484 .

46 L’

I SLAM ET LES RACES

et le temporel ont chacun leur chef particulier desquels

ressortent tous les habitants de la région d ’

Ouazzan ,

et dont les j ugements prononcés avec l ’ assistance du

tribunal des chorfas sont révérés dans la plus grande

partie du Maroc et même de l ’Oranie .

I l est inutile de rappeler avec qu elle continuité dans

l ’ action,les chorfas d

Ouazzan ont soutenu la politique

française en Afrique du Nord . D’

abord ils ont spon t a

ném ent mis leurs zaouïas algériennes et marocaines

sous la j uridiction éventuelle de la légation de Tanger

d ’une part, du gouvernement général de l’

Algérie , d’ au

t re part . Les voyages du chérif Ab dessclem en Algérie ,au Touat, les randonnées de leurs m oqaddim ont de

tous temps favoris é notre pénétration . En 19 15 encore

,ces chorfas se sont opposés aux agitations des

Abd el Malek payés par l’

Allem agne . Les zaouïas des

Taïb ia sont nombreuses en Oranie,où leur action est

considérable, et dans toute la zone comprise entre Fez

et la frontière oranaise . Parmi les tribus soumises , les

Hay a1na, les Ahl Meknassa , les Branè s, les Ahl Taza , les

Haouara , les Beni Snassen , les Zemmour, reconnai ssent

leur autorité parmi les tribus insoum i ses , les Ghiat a , Ma

ghraoua , Beni bou Yahi , Beni Ouaraïn ont de tous tempsrespecté les envoyés des chorfas d

Ouazzan . Au .mo

ment où l ’Allem agne souleva contre nous l’ esprit in

dépendant des tribus berbères , les Taïb ia , amis des

Français , perdirent sans nul doute un peu le contact

avec leurs affi liés de la montagne ; mai s leur prestige

religieux resté in tact put et peut servi r d Intermédiaire

le j our Où les irréductibles commencent à reconnaître

les bienfaits de la pénétration française et cherchent à se

rapprocher de nos postes . Enfin dans le Riff, en zoneespagnole, chez les Gellaïa , chez les Keb dana, les chor

fas d’

Ouazzan ont de nombreux adeptes .

48 L’

I SLAM ET LES RACES

b outique resta dans l ’ expect at iv e à notre égard , avec

une attitude semi-indépendante ; mais les oasis du sud

une fois occupés par nous, les Oulad S idi Cheikh se sont

franchement ralli és à nous et nous ont aidés dans la

pacification du Sahara et du Maroc - par leur influence

et par leurs armes .

Au Maroc notamment leur aide est appréciable . A

El Aïoun Sidi Mellouk se trouvait devant nous le fameux Bou Amama qui , de 1881 à 1 906 ,fut notre ennemi .

Né à Figuig vers 1840, le célèbre agitateur descendait

de Sidi Tadj , un des fils du grand Sidi Cheikh . En 1881i l sut se rallier les mécontents , au moment où les é s

prit s étaient surexcités en Oranie . A la soumission

des Oulad S idi Cheikh , il se réfugi a avec ses partisansà Figuig , d

’ où la colonne O’

Connor devait le débusquer.

C ’ est alors qu’ il vint s ’ établir à El Aïoun Sidi Mellouk

,

entre Oudj da et Taourirt . Ses partisans forment unesons-division des Che ikhia , appelés Amamia , comme

les Che ikhia eux-mêmes étaient i ssus des Chadelia . Les

Amamïa ont un dikr, un chapelet spéciaux, mais au

contraire de celle de leurs aïeux, leur doctrine prêche

la haine du Chrétien , à la manière du senoussism e .

A la mort de B on Amama qui fut enseveli à El Aïoun ,

son fils S i Tayeb hérita de la baraka , mais accepta bientôt de faire sa soumission aux Français . La Légion

d ’honneur l ’ a récompensé de son loyalisme . De 19 13

à 19 18, les Amam ïa, de même que les Oulad Si di Cheikhd

Algérie , on t fourni de nombreux contingents aux goums

et maghzens combattant sur la Moulouy a e t l’

Inna

ouen , et leur fidélité est restée aussi complète qu ’ il se

peut . Dès que le chef de ces confréries ou de ces aris

t ocrat ie s féodales s’ est rallié, ses fidèles le suivent avec

un dévouement complet, dans la paix comme ils l’

an

LE MYST IC ISME DANS L’

I SLAM 49

raient fait dans la guerre . S i Tayeb Bou Amama recueillela ziara auprès du tombeau de son père ; son influence

s’

étend j usqu ’ à Taza , chez les Branè s et chez les Tsoul .

Les S enoussïa . Les Senoussra sont un exemple

frappant des sectes issues de l ’ ent rev u e d ’un mystique

avec le fameux E l Khadir, le prophète E li e dédoublé .

Le chéri f marocain Abd el Aziz b en D eb b ahg fonda la

secte des Khadiria à Fez à la fin du xv1 1 ° siècle . Après

une séri e de transmissions de la direction spiri tuelle ,vers 1835 , en Arabie où s

’ était rendu le cheikh , les

Khadiria se scindèrent en deux branches : les Mirgha

nia et le s Senoussïa .

Les Senoussïa sont les disciples de S i Mohammed benAli b en Senoussi , lequel avait suivi son maître dansl’

Yém en . Le Senoussi était “

né en Algérie au douar

Thorch dans l ’ arrondissement de Mostaganem . A l’

âge

de trente ans , il avait quitté sa fami ll e pour suivre le

chef qu ’ il s ’ était donné . En 1848, en butte , comme cedernier, aux persécutions du clergé m aléki t e de La

Mekke, il se rendit en Tripolit ai ne dans le Dj ebel Lakh

dar, où il fonda une zaouïa . Sa réputation grandit et enmême temps que se développa son influence , s

élev èrent

les constructions de son ordre dans t out e la Tripoli t aine ,à Ghat, à Ghadam ès, à In Salah, en Arabie . Vers 1 855 ,il s

établit à D jaghb oub , à 15 j ours de marche dans le

sud à partir de Benghazi . Ses qualités et son ascen dantpersonnel furent si grands qu ’ aucun de se s fidèles ne

voul ut croire à sa mort en 1859 .

Le cheikh é s-Senoussi admet le rite m alékit e , mai s

o rdonne un puritani sme sévère . C’ est à ce titre qu

il

concurrence auj ourd ’hui le wahab ism e‘ dans le Nedj d .

Le rituel commande : « de 1 ° porter son chapelet et ne

50 L '

I SL ] ET LES RACES

pas le suspe ndre au e n ; 2° n’ avoir dans le s réunions

ni tambour. ni aucune spece d’

in strument de musi que ;

3° ne pas danse r : 4° 11 pas chante r ; 5° ne pas fume r ;

6° ne pas priser n : ras b oire de café (le thé est per

m is) (1 ) Tel qui v a entrer dans l a confrérie des Se

noussïa doit s’

_

v prep .e r par la prière , le j eûne e t l’

an

m ône . L’ usage de la so ici e s broderi es d

o r et d’

argent est

formellement interdit a néophy t e . S’

il se sert d’

une

montre , il faut que le v ouv ercles soient de cuivre , lachai ne en fer ou en ar r l

usage du pain trop cuit outrop brûlé , celui des hrssons al cooli ques , lui est aussidéfendu . L

ob ligation e comb attre les infidè les lui est

rappelée . et le ciel prr ri s s’

il succomb e dans la lutte .

S i le futur frère . s lr.e tment su rveill é du reste, ne s’

é

carte en rien de ce s «hposi t ions, le

cons cription le recoit olennellem en

p rend les mains du n dispsi ennes , lui rapp

deux autres que

entre les mains

les mains du

on com

50 L’

I S LAM ET LES RACES

pas le suspe ndre au cou ; 2° n’ avoi r dans les réunions

ni tambour, ni aucune espèce d’ in strument de musique

3° ne pas danser ; 4° ne pas chanter ; 5° ne pas fumer ;6° ne pas priser 7° ne pas boire de café (le thé est per

mis) (1 ) Tel qu i veut entrer dans la confrérie des Senoussïa doit s

y préparer par la prière , le j eûne et l’

au

m ône . L ’ usage de la soie ,des broderies d’

or et d’

argent est

formellement interdit au néophy te . S ’ il se sert d ’une

montre , il faut que les couvercles soient de cuivre , la

chaîne en fer ou en acier l’

usage du pain trop cu it ou

trop brûlé, celui de s boissons alcooliques , lui est aussi

défendu . L ’ obligation de combattre les infidéles lui est

rappelée , et le ciel promis s’ il succombe dans la lutte .

Si le futur frére , stri ctement surveillé du reste , ne s’

é

carte eu rien de ces dispositions , le cheikh de sa cir

conscription le reçoit solennellemen t . A cet effet , il

prend les mains du nouveau disciple , les serre dans les

siennes , lui rappelle les préceptes qui précédent et les

deux autres qu e voici : Que ton attitude en présence

du Cheikh soit celle de l’

esclave devant son roi . Soisentre les mains de ton cheikh comme un cadavre entre

les mains du laveur de morts qui le tourne et le retourne

à son gré ! Un certain nombre de formalités à

remplir dans la prière , de répétitions rituelles de mots

accompagnent l ’ enseignement . Rien qu ’ en Tripolit aine ,on comptait seulement , en 1880, vingt— deux zaouïas

senoussist e s e t leur nombre s ’ est considérablement accru

depuis . L’

influence de la confrérie s ’ étend sur toute

(1 ) Depon t e t Coppo lan i, p . 554.

(2) D r Pasqu a , Re v u e de géographie , Paris, av ril 1880, p . 285 .

Cfr . Hen ri D uv e y rier, La confrér ie m us ulma ne de S i d i, !Mohamm ed ben.

’a li es Senouss i e t son doma ine géographique en l

a n née

1300 de l’

hég ire 1883 de notre ère . (Bu ll . S oc . Géogr . ,1 884,

p . 1 45, av e c car t e . )

LE MYST IC I SME DAN S L’

} SLAM 5 1

l’

Afrique musulmane et même sur l’

Arab ie , où , dans le

Nedjd , le senoussism e commence à remplacer le waha

bisme . Le presti ge du Cheikh és—Senouss i est t el , qu’ un

Khouan ne verrait p eut—être aucun inconvéni ent à in

v oquer en vain le nom du Prophète , mai s n’

oserai t ja

mai s j urer, autrement qu’

en toute sincéri té, par celu

de Sidi Senoussi , le khalifa de D jaghb oub !Le se nou ssism e a un but réformateur : débarrasser

l’

Islam de toutes le s impuretés qui s’y sont int roduites

à travers les âge s . Par conséquent le s affiliés de la sect e

sont devenus les plus fermes soutiens du pani slafm‘

sme

arabe . L’

im am at des premi ers âges doi t être reconsti tué,aux dépens des Chrétien s sans dout e , mais aussi des

Turcs qui o nt usurpé le pouvoir islamique . Dans c e

sens , les Senoussïa ont tenté de fonder au cœur de l’

Afri

que un véritable état , refuge des vrai s Musulmans .

M . Le Chateli er pouvait écrire : Les dénominations

d’

empire théocrati que, d’

im ama t ,_peuv ent fort ex acte

ment s ’ appli quer au domaine africain du senoussism e .

Elles représentent beaucoup plus qu ’une figure , et , à

peu de réserves prés , sont d’une entière exactitude .

Il se produi t réellement une agglomération poli t ique,au sens i slamique du mot, des populations afri cai nes

de la zone sahari enne , so us la direction du grand maître

de la confrérie A ce t égard le senoussisme a pri s

en Afri que une organi sation commerciale . D es pos tes

servent de refuges aux caravanes qui sont protégées

par des affi li és . Des bandes tirent du pays toutes l es

ressources possibles . De là l’ opposit ion de la secte à

l’

avance européenne qui a fait ce ss er certains petitstrafics comm e la traite des noirs .

(1 ) Le Châ t eüer, L’

I s lam a u X IX e S t eele . Paris, Leroux .

2 L’

I SLAM ET LES RACES

La secte accumula des forces et un matériel de guerre

considérables au nord-est de l ’Afrique , dans le triangle

compris entre la Tripolit aine , le Ouadaï et le SoudanEgyptien . Le s Turcs finirent par ne plus ê tre considérés

comm e de s ennem ispar le s deux ñls du fondat eur de la sec t e ,

lesquels , en v ue des buts communs à atteindre , adop

t è rent une at titude conciliatrice à l’

égard de s O ttomans .

Pendant la guerre 19 14— 18, les Senoussis, âm e de la

résistance contre les Italiens en Tripoli t aine , crurent

le moment venu pour attaquer les Anglais en Egypte .Leurs premiers succès furent éphémères ; les revers

suivirent bientôt . Atteinte à travers les sables dans ses

repaires les plus éloignés par les auto-mitrailleuses b ri

tanni ques , la puissance militaire senoussïa fut écrasée,fin d ’un rêve d ’

empire

Malgré le dépar t du grand Senoussist e transpor t é en

Asie par un sous—marin allemand,la secte n e désarma

point,bien que forcée de revenir aux ag issements se

cre t s . En Cy rénaïque elle se reforma sous la direction

de Sidi Driss es Senoussi . Avec ce dernier,le s Italien s

ont réalis é leur théorie d ’amitié à tout prix avec les

Musulmans . Ils ont reconnu Si di D riss comme émir del a Cy rénaique . Ce prince e st en fait le souverain et le

maître du pays . Pour cette politique , les Italiens ont

abandonné leurs alliés kharedj i tes ; i l ne semble pas

cependant qu ’ ils aient tiré de grands pro fi ts de cetteméthode

,au contraire . Les Senoussist e s profitent de l a

situation pour se renforcer de nouveau ; en 1920 il s

semblent notamment favoriser l ’agitation en Egypte .

Ils agissent également en Asie

(1 ) Un e ét ude de s lu t t e s en t r e Angla is e t Sen ou ssis t e s a ét é

pu bhe e par Charle s S t ién on . Les campa gnes d’

Or ien t e t les in

térêts de l’

E n ten te , Paris, Pay o t , 1918.

(2) Les I t alien s v ienn en t (m a i 1 922) de reprendre la lu t t e

c on tre le s Senoussist e s e n Tr ipoli t ain e .

54 L’

ISLAM ET LES RACES

nant sur la surface des terres d’

lslam , ce khalife serait

peut—être assuré de l’ obéissance dans tous les pays

d’

Asie ou d’

Afrique . Quel levier alors pour le pantou

ranisme

Au début de l’année 1 922, le cheikh senoussis t e a

même été nommé par le gouvernement d’

Angora ma

rechal ottoman e t chargé du commandement des tribus

arabes de l’

Irak,lesquelles se libéreraient du j oug b ri

tannique . Sans doute aussi ce commandement visait

l a Syrie e t peut—être plus loin encore , pro fitant des agi

t at ions arabes au Levant et des tendances de certains

Africains du il ne faut pas oublier que Kém al

a prononcé en avril 1922 un discours dans lequel il réconnaissait somme toute aux Tunisiens le droit de s e

rendre libres de la Mais il semble que les affi

liés arabes reprochent eu ce moment au grand Semon ssist e d

inféoder une confrérie arabe à une politique tou

ranienne . Une fois de plus les rivalités de sectes et de

races empêcheraient ainsi de se parfaire l ’unité agis

sante de l ’ Islam .

En effet , heureusement , les sectes de ce genre ont desennemis hérédi taires , férocement j aloux de tout succès

chez leurs rivaux . En 1885 , les Senoussïa ne voulurent

pas soutenir à Khartoum le mahdi des Qadria de meme

ils refusèrent de soutenir les Ottomans contre les Russes . 11 est probable qu

à leur tour, les autres confréries

surtout si nous les aidons ne tiendront pas à

voir se développer l ’ influence des Senoussist es, ce qui ,naturellement, diminuerait leur influence parti culière

et leurs propres revenus .

LE MYSTIC ISME D AN-S L’

i SLAM 55

INFLUENCE DES CONFRÉR IES REL I G IEUSES .

Les confréries religieuses mus ulmanes sont les agents

le s plus actifs de la rénovation musulmane . Depuis que

les imams ont perdu le khalifat et que le panislamisme

ottoman n ’ a pu réussir à réunir les}

Musulmans sous

une seule autorité , ce sont ell es qui ont converti à la

doctrine islamique des milliers et des milliers d’

Asia

tiques et d ’

Africains . Dans le continent d ’

Afrique , Se

noussïa, Qadria , Tidj ania redonnent à l’

Islam une vita

lité nouvelle dans ses anciens foyers arabes , en allument

sans cesse de nouveaux chez les noirs . C’ es t une seconde

hégire . Mahomet regagne en Afrique tout ce qu’ il a

perdu en EuropeLa secte est un instrument de propagande redoutable

dont on retrouve les agissements dans toutes les agi

t at ions, dans toutes les dissidences . Le danger du se

noussism e , comme de tous les ordres similaires , est d’ être

une affi liation secrète , aux décisions sévèrement gardées, dont les mots de passe, les mots d

’ ordre , circulent

avec une rapidité inconcevable , avec une sûreté insoup

çonnée , par le couvert de frères voyageurs , de derviches ,de j ongleur s , de musiciens ambulants . Le cri d

’ alarme

est au besoin j eté de cime en cime, de dune en dune,par le trille d

un berger ; les rassemblements, les com

bats sont ordonnés par des feux allumés de hauteur

en hauteur, télégraphie rapide et sû re, que les an ciens

ont connue, que les Africains ont conservée .

Cependant cet instrum ent de propagande, qui auraitpu devenir une arme politi que excessivement dange

reuse, est resté sans effet, malgré d’

éphém ères succès

(1 ) De Vogu é, Les I ndes no ires , Revue des Deuæ-M ondes,nov em b re 1 890.

56 L’

i SLAM ET LES RACES

lo caux . En e ffe t si les Senoussia , les D erqaoua, les Rahmania se sont montré xénophobes , d

autres confrérie s

comme celles des Qadria restent dans l’

expe ct at iv e cer

taines encore , telles que les Che ikhia , les Taïb ia , les Tid

j ania et même les Aïssaoua , semblent s’

être ralli ées au

conquérant dans un but intéressé . Ces ordres se j a

lousent les uns les autres , « et si leurs khouans , sous

le costume de musiciens, de j ongleurs , de moines er

rants , s’ en vont recruter de s adeptes dans les douars

ou dans les ksours, leur propagande s’

exerce autant

contre l ’ activité des confréries rivales que contre l’ en

v ahisseur européen .

Il n ’ en reste pas moins vrai que les m v s térieux agis

sem ent s des confréries religieuses musulmanes doivent

être particulièrement surveillés . Les zaouïas , les con

vents , répandus dans tout le monde islamique , des côtes

du Pacifique aux rivages de l’

At lant ique , sont res tés

les lieux d ’ asile, les refuges non pas de la religion offi

cielle, mais d’un Islam adapté au particularisme local

des races . Des ordres nouveaux sont issus de s confré

ries-mères pour répondre à un besoin religi eux , politi

que , momentané ;d’

autres se forment encore pour s ’ adap

t er à de nouvelles aspirations .

Il est donc nécessaire , à qui veut commander en pays

d’

Islam , de se tenir au courant des agissements des

chioukhs, des m oqaddim et des khouans . C ’ est une

tâche rude , dangereuse même quelquefois , mais indispensable . Les chefs appelés à administrer des territoires

peuplés de Musulmans doivent connaître les tenants et

aboutissants des confréries sur leur zone d’

ac tion , m ém e

petite s ’ il s veulent ne pas être surpris a un moment

(1 ) Par ex em ple , e n Tu n isie , av an t de n omm e r u n fon c t ion

n a i re i n d i gèn e , i l fau t c onn aît re se s a ffi li a t i on s possi b le s e t c e lle s

de s m em b re s de sa fam ille .

LE MYST IC I SME DAN S L ’

i SLAM 57

donné par des agissements , des menées qu’ avec une

attention soutenue ils auraient pu prévoir . Mai s il ne

faut j amais intervenir dans l’

organisation , dans le choix

et la nomination des m oqaddim , ce qui pourrait blesser

la susceptibilité religieuse des adeptes , nous aliéner les

chefs de la confrérie . Une indifférence affec t ée , mais

vigi lante, semble être la meilleure ligne de conduite à

adopter ai nsi les m oqaddim ne prendront pas un relief

qu’

i ls n’

ont pas , et peut-être , par suite de l’

évolution

naturelle des cho ses , verrons-nous ces ordres religieux

se modifier, se transformer au bout de quelques géné

rations

La haine e t l ’horreur du nom chrétien , augmentéesà la suite de l ’ installation des Européens en Afrique,semble devoir faire place peu à peu à d

autres senti

ments . Les aumônes moins nombreuses dans les con

frérie s algéri ennes font peut—être prévoir le délaisse

ment de s ordres religi eux lorsque ce s derniers n’ auront

plus.

leur influence politique . Groupées autour de

chorfa , de marabouts , de santons , de personnages à

baraka locaux, ce sont de véritables asso ciations que

ces confréri es , et elles répondaient à un besoin . Ces

mutuelles existaient bien avant l ’ Islam , parmi les

caravaniers obligés à voyager, à trouver aide et assis

tance en des lieux très éloignés de leur demeure fami

liale . Les communautés sacerdotales de la Chaldee, dit

M . Poinsard , avaient ainsi créé une sorte de franc

maçonneri e pour encourager et soutenir les commer

cants et les transporteurs .Avec l ’ i slamisme apporté par un chamelier de La

Mekke, la tradition se continua puisqu’ elle était utile

(1 ) V . Te b e ssa , B ibl iographie .

58 L’

i SLAM ET LES RACES

et b onne . Mais , avec le développement des idées , ce s

associations ne furent\

plus se ulement des mutuelles.

Les personnages à baraka , devenus les centres des grou

pem ent s, continuèrent à ordonner l’

ent r’

aide entre leurs

affi liés , mais surtout au profit du cheikh, et leurs préoc

cupat ions d’ ordre politique entraînèrent la suite des

fidèles après eux . Auj ourd’

hui la sécurité établie permet

aux individualités d’

être libres e t de vivre suivant leurs

propres concepti ons , sans se rattacher obligatoirement

à une association puissante . Les mutuelles ont changé

de but de même l’

int ensifica t ion de l’

in struction donnée

a ouvert bien de s esprits qui ne veulent plu s être un

cadavre entre les mai ns du cheikh » . C’

est pourquoi si

les confréries religieuses musulmanes ont pu paraître

d angereuses à un mome nt do nné , elle s le so nt beaucoup

mo ins, et resteront inopérantes tant que leurs dirigeants

se ro nt rivaux le s uns de s autres .

IV . LE WAHAB I SME .

—Les manifes tations du mouvement soufit e eurent na

t urellem ent pour conséquence des réactions . U ne ten

t at iv e hardie pour ramener l ’ Islam à sa simplicité pre

mière fut l’

œuvre au XV I I I e siècle d’

Ab d ul \Vahab ,fondateur de la secte des Wahabites Née dans le

Nedj d en Arabie centrale, elle se rattache à la doctrine

hanbalite mais pousse le rigorisme à un degré

extrême . Les Wahabites sont convaincus que les com

(1 ) Il ne fau t pa s c on fondre le s Wah ab i t es du Nedj d a v ec le s

Ouahb i t e s , prem i e r n om de s Khare dj i t e s apnè s le schism e alid e .

Pour év i t e r de s c o n fus ion s, j’

em plo ie un e t ran scrip t ion différen t epo ur le s deux gro upem e n t s .

(2) V . t om e I, p . 121 .

LE MYST IC I SME D AN S L’

i SLAM 59

m enta t eurs du Coran l’

ont corrompu par et dans leurs

appréciations ; la do ctrine de Mahomet a été vici ée par

des al liages impurs des pratiques religi euses ordonnées

bien après le Prophète ont altéré son œuvre . Abd ul

Wahab,dit M . de Sai nt—Marün , résolut de ramener la

foi à sa simplicité premi ère et d’

arracher son pays aux

ténèbres de la superstition .

En même temps , le wahab ism e voul ai t mener une

active campagne contre le culte des tomb eaux de per

sonnages à baraka , contre celui des reliques . Le sou

fism e avait abouti à c es manifestati ons locales de la

religion ;mai s , par une curieuse rét ro—action , après avoir

permi s le développement de s i dées particularistes qu e

mettaient en œuvre les Wahabites , i l atti rai t mainte

tenant sur lui la fureur des nouveaux schi smatiques . La

nouvelle réforme qu ’ on a voulu quelquefois appeler

le protestantisme de l’

Islam , condamnait le luxe e t la

corruption des mœurs , interdisai t même le tab ac queMahomet sans doute aurai t condamné s

i l l’

avait connu

A cette doctrine sévère qui ne voulai t point d ’ inter

m édiaire entre l’homme e t son créateur, qui faisai t dé

pendre les tribus de Dieu seul , les Arabes du centre

de l’

Arab ie se ralli èrent avec un fanatisme rappelant

les prem iers âges de l’

Islam . Ils se réservaient le nom

sacré de Musulmans , traitant leurs ennemi s de Tur cs

impurs , d’

infidèles , de kafirs La hai ne des Arabes,race ari stocratique de la religi on islamique , intervenai t

contre les Ottomans usurpateurs du khalifat . Peut

être aussi , les croyances l ocal es , qui s’ étai ent mani

fest ées avant Mahomet dans les oas i s du Nedjd par

(1 ) Du m o t Kafir , in fidèle , es t v enu le nom des Ca fre s .

60 L’

i SLAM ET LES RACES

l’

adoration de l i d0 1é des Benou Bahia au temple deRodha , transportée ensu i t e à la Kaaba , ont—elles euune in fluence dans l ’ établissement d ’une doctrine sé

parat ist e .

Quoi qu ’ il en soit, les protestants de l ’ Islam en

trè rent en lutte vers 1800 contre les Ottomans , s’ em

parèrent de La Mekke , de Médine, renversèrent la Pierre

Noire , ruinèrent le tombeau de Mahomet . Il s rasèrent

de même les sanctuai res chy it es de Kerbela . Le sultan

de Constantinople, impuissant à réduire les Wahabites ,chargea de ce soin ” le vi ce-roi d

Egypt e Méhém e t Ali ,lequel y parvint en 1818 .

La doctrine a survécu aux visées politiques du Nedjd .

Elle subit même une curieuse et sensible renai ssance

vers 1900 . En 1913, le j eune émir wahabite , après avoirchassé du Hasa les gouverneurs turcs , s

offrit à payer

à la Porte un loyal tribut de vassalité . Le j ournal Le

Temps du 22 novembre 19 13 signalait que , si le sultan

repoussait les demandes du chef, il risquait de voir

lui échapper d ’ immenses territoires . I l serait curi eux

d ’ étudier les agissements de s Wahabites pendant les

campagnes des Alliés en Mésopotamie et en Syrie e t l eurs

relations avec le roi du Hi djaz . Il faut remar quer cc

pendant que depuis une vingtaine d’années s ’ était dressé

en Arabie centrale un nouveau rival du wahab ism e ,

le senoussism e , et que probablement les deux sectes

ont dû se nuire l ’une à l ’ autre .

En 19 16 et en 19 17 les Wahabites eurent une attitudeamicale v is—à-vis du malik Hussein Ils vinrent en

grand nombre au pèlerinage de j uillet 19 17,avec le fils

(1 ) Ce s ren se ign em e n t s m e son t fourn is par le Co lon e l Brém ond , chef de la m ission franç a i se près le r0 1 du Hidj a z, en1 91 6- 1 91 7 .

62 L’

i SLAM ET LES RACES

Antérieure , les Wahab ites restent , avec les Tur cs , les

seul s éléments forts et organisés capables réellement

de combattre (1 )Depuis

,les Anglai s ont su agi r sur les Wahabites .

L’

émi r du Nedjd a été reconnu sultan par le roi d’

An

gle t erre . Les deux souverai ns ont , en 1920 , échan gé

des messages très am icaux , ce qui n’

empêche touj ours

pas des partis wahabites d’

attaquer les vi llages soumis

aux Chérifie ns . La politique arabe inaugurée en 1909

par Lord Curzon , alors vice—roi des Indes , continue à

poursui vre ses buts avec une implacable rectitude . Le

colonel Lawrence, chargé de la question arabe , pe ut

être fier de son œuv re . Les Ar abes sont pour ai nsi dire

tous dans la main de l’

Angle t erre et garderont bien

la route terrestre de s Indes contre l’

Allem and et ses

serviteurs Jeunes-Turcs .

(1 ) De s essais d ’

en t en t e on t lieu en c e m om en t en t re Française t Wahab it e s .

CHAPITRE I I I

LES TRANSFORMATIONS MYSTIQUESDE L

ISLAM

Les conséquences premi è res du mouvement soufi te

furent sans tenir compte de l’

apparition des ordres

mystiques qui couvrent l’

Afrique et l’

Asie , sans tenir

comp te également de l’

actuelle propagande qu i convertit

le s noirs furent la décentralisation et l’

ém ie t t em ent

progressifs de l’

Islam . Sous le prétexte de Dieu ah

sorb ant tout le soufism e a favorisé l ’ éclosion de la

pensée chez l ’ indivi du , le développement de localisations

qui ont dirigé la religion vers l’

adaptation au particu

larism e de la race . Ce furent d’

abord les confréries,les

mahdism es, les révolutions qui , sous le couvert de prin

cipe s religieux, amenèrent le s peuples aux réalisations

temporelles . Ce sont les Wahabites du Nedj d, les Babis

tes de Perse , ce sont tous les mouvements régionaux

des sectes et des Mais c ’ est aussi , sous prétexte

de soufism e , la survivance des anciens rites , des reli

gions mortes , c’

est la survivance du paganisme dans

l’

Islam . L’

Islam primit i f a perdu sa pureté , s’ est trans

formé sous l ’ influence mystique du passé .

A Java , la vieille foi animiste populaire n ’ a,dans

la grande masse , rien perdu de sa force et le culte de la

nature , l’ adoration des esprits sont encore auj ourd’hui

en honneur chez les Jav anais qui le s pratiquent à l ’ abri

de l’

Islam En Arabie , les saints actuels sont pour

(1 ) E . Mon t e t , De l e ta t présen t e t de l’

a ven ir de l’

I slam , p . 40 .

Paris , Ge n thn er , 1 91 1 .

64 L’

i S LAM ET LES RACES

la plupart ceux du passé . Les Touareg ont gardé toutes

l es superstitions ant éislam iques ; ils croient aux mau

vais génies ce qui d ’ ailleurs fut emprunté par l ’ Islam

aux vieilles croyances d ’

Arab ie mais pour les co n

j urer ont recours comme les nègres fé t i chistes à la

musique,paient des art is tes indigènes pour le s éloi

guer Les Massalis de l’

Afrique centrale qui pra

tiquen t le cannibalisme n’ ont certes pas emprunté cette

pratique à l’

Islam . Alors que les Musulmans de Java

ont des arbres fétiches e t continuent à représenter la

figure humaine à la mode antique de l’

hindouism e , de

leur côté sur la côte orientale d’

Afrique , des Musulmans

somalis et hindous possèdent encore des images de la

Vache sacrée .

Sous un grand nombre de superstiti ons , de coutumeslo cales , ne pourrait—on pas retrouver la croyance mono

théiste de l a religion épurée des prêtres égy p tiens ; ou

bien encore la religion mystérieuse de Mithra , celle qui ,selon Renan , aurait sans doute conquis le monde si lechristianisme n ’ avait ex i sté Aux trois premiers siècles

après Jésus-Christ, l’

influence de Mithra , le Dieu solaire ,se retrouvait dans le monde : en particuli er le s initia

tions terribles des thauma turges m ithriat es on t peut

être serv i de modèles aux rites ini t iateurs des Soufi te s

et des chefs de confréries musulmanes .

Le culte antique du tonnerre se retrouve dans la

conception chy it e d’

Ali commandant aux éclairs ; le

vieux mythe solai re d ’

Adom s, du soleil mourant et

renaissant, du printemps succédant à l’hiver, c

’ est l ’his

toire d’

Hossein , fils d’

Ali , assassiné à‘

Kerbela , et dont

(1 ) A . Ko en en , Re v ue de l’

H isto ire des re l ig ions, t . 6, p . 28-29 .

Depon t e t Coppo lan i, p . 101 .

LES TRANSFORMAT IONS MYST IQUES DE L’

i SLAM 65

l e sang donne sa teinte pourprée au ciel crépusculaire .

C ’ est auprès de Kerbela , la mosquée du soleil cons

truite à l’ endroit où se trouvait Ali quand il arrêta

l ’ astre lumineux, tel le Josne de la Bible .

En Egypte se continue le culte des serpents sacrés ;de même en Oranie . Et ne faut—il pas voir dans laprédilection de cert ains ordres pour ces reptiles, la

continuité des anciennes conceptions A la côte

d’

Iv oire , d’ après le capitaine Adam , de 1

’ Infanteriecoloniale survivrait le culte du bœuf Apis , apport élà par les grandes migrations venues de l ’Est .

Le chat,dont ne parle j amais la Bible

,est un animal

révéré par les Musulmans . En Tunisie notamment (2)la multiplicité e t la confiance des chats frappe le nouvel

arrivant d ’

Europe . A Ben Gardane court la tradition

suivante : Le chat a une âm e comme l ’homme . Il est

musulman e t fait ses ablutions en se tournant vers

l’

Orien t ; s’ il se tourne d ’un autre côté

,ce n ’est qu

une

erreur de sa part . Le chat ne doit pas manger de porc,

et s ’ il en mange,le péché est pour son maître . Il ne doit

pas manger les souris,animal immonde

,et son maître

doit lui enlever les bêtes tuées pour lui éviter un péché

cependant en tuant les souris,le chat est agréable à

Dieu . Le chat est susceptible de prendre l a religion de

son maître aussi ne pourra-t -on faire cadeau à un B on

mi de j eunes chats que s ’ ils sont déj à bons Musulmans,

ce qui se reconnaît à ce qu ’ ils font leurs ablutions . S iun Roumi possède un chat trop j eune

,il est méritoire

de le lui prendre pour le faire élever par une chatte

(1 ) Con féren c e fai t e à l’

Ec ole c olon iale fran çaise de Neu châ t e l,o c tob re 1918.

(2) Je t ien s c e s rense ign em e n t s du m édecin -m aj or Mille t -Horsin , c orre 5pondan t du Muséum na t ional d ’

Hist oire Nat ur elle .

66 L’

i SLAM ET LES RA CES

musulmane . Les chats qu i v ivent à 1 etat sauvage sont

des infidè le s il est b on de les tuer , mais c’

est être agréa

b le à Dieu que de capturer les j eunes pour les élever

d ans la foi . Le s chats errants qui , trop vieux pour chas

s er , se réfugient dans un d ouar , sont les envoyés de Die u .

On ente rre le chat qui meurt ; on ne laisse pas le c a

dav re abandonné comme i l se fai t pour le chien

Les tirailleur s ne mangent j am ais les chats et Sidi Catous revient souvent dans le s ch ansons de marche des

contingents tun isiens . En Orie nt également le chat estvénéré .

La raison de ce respect des Musulmans pour le s chats

est que le Prophète ordonna de protéger ces an imaux

utiles pour prot éger les tentes contre les rongeurs e t

les s erpents . Peut-être faut- il voir encore en cette tra

dition une réminiscence du culte j adis rendu au chat

par les Egyptiens,vraisemblablement dans le même

but ut i litai re .

La survivance du passé se manifeste surtout dans

le culte des saints . Aux Indes , certains personnages

sacrés b rahmaniques se sont mués en saints musulmans .

Ce s manifestations sont diff érent es d e l ’ apparition des

ascètes et des santons , chefs de confréries . Les deux

mouvements p roc èdent l’un de l

’ autre et se son t ai dés

mutuellement, mais il est évident qu’ il y a dans ces

manifestations une survivance du polythéisme ancien

dans le monothéisme islamique . En Afri que du Nord ,le cu lte des saints est l ’ enveloppe sous laquelle les

restes survivants des religions vaincues se sont main

tenus dans l’ Islam C ’ est une des raisons pour les

(1 ) Le Do c t eu r Mi lle t a m êm e v u deux cha t s en t errés la pa t t e

dro i t e de d evan t le v ée en l’

air

(2) .Muhammedan ische S tudien, t . I I, p .

275—378, Halle , 1890

LES TRANSFORMAT ION S MYSTIQUES D E L’

1 5 LAM 67

quel les les m arabouts se sont si facilement implantés

dans ces régions . Le fétichism e anci en se retrouve,

en Afrique du Nord , «Où se rencontrent non seulement

des m arabouts—hommes , mais encore des marab outs

ch oses . Combien d’ arbres , de rochers , de sources, aux

quels les indigènes ont cons ervé leur caractère sacré

pré—islamique ! L’

Afrique du Nord e st ainsi rempli e

de kerkours .

Le kerkou r e st une e ncei nte de pi erres posées à même

le sol au cent re un a rbre ou mêm e quelque fois un pieu

auquel s ’ accrochent d e s ex—voto , chiffons , lan ières ,cheveux, br in s de lain e, e t c . Lorsqu

’une enceinte de

ce tte sorte contient une k oubba (peti te bâtisse à cou

po le) , elle prend le nom de haouit a . La légende veut

que le kerkour s oit hanté par des”

revenant s , fantômes

de gens ayant péri de mort violente . C es mauvai s gé

nies sont nuisibles à ceux qui les rencon trent Le

passan t doit j eter une pierre s ur le kerkour, car l’ en

tassement des caill oux empêchera le fantôme de sortir

du sol . L ’

am oncellem en t des offrandes faites ai nsi par

les voyageurs fin it par don ner une masse croulante qui

s ’ éta le , g agne sur l a Le passant s ’é cart e , conti

nue à j eter’

e st al ors le redj em

Ces kerkours, «ces arbres sacrés , ces sources, représentent

des reste s du paganisme ancien . De -même que le christia

ni sm e accepta a vec la qualit é d e saints les pers onnages

révérés des Bretons , en les rebaptisant, a insi l ’ Islam

donna le nom de mzara à ces endroits vénérés , les

toléra comme de s li eux que l’ on pouvait visiter; puis , après

E . Mon t e t , Le cu lt e des sai n ts m usu lm an s , p. 52 . Pari s, Ge n t hner,191 1 .

(1 ) V . Mauchamp, Sorceller ie a u Ma roc .

Consul t er'

le t om e I du M arra‘

kœh d’

Edm ond 'Dowt t é.

musu lm ane . L e s c ha qui v i

d e s infidè les il e s t l o de les

b l e à Dieu que de « pt nre r

d ans la foi . Les cha t ‘rrant s

ser, se réfugien t dan. u d oua

On enterre le chat

dav re abando nné en. m e

Les tiraille urs ne maqent

tou s revient souv e nt ans le s ch

contingents t un isie ns En Orient

vénéré .

La raison de ce re ! e t des Musul in

est que le Prophè t e « donna de prof

utiles pour pro . ( ge r s t entes contr

les serpents . Peut-i tu faut - il voir enc

dition une rén1inisce r.e du culte j adi .

par les Egyptiens , n isemb lab lem ent

but uti li t aire .

La survivance du l ssé se man ifestle culte des saints . Xx Indes , certai .

sacrés b rahmaniques sero nt mués en sa ir

Ce s manifestations son différentes de l’

.

ascètes e t des santons chefs de

mouvements proc è den

mutuellement , mai s il

manifestations une

dans le

le cu lte

restes s

tenus d

68 L’

i SLAM ET LES RACES

avoir converti les hommes , il accepta leurs croyances .

Le poisson est encore un signe traditionnel . Les Chré

tiens l ’ avaient pris comme signe de reconnaissance . Or

le poisson e s t le signe mystérieux d’

anciennes associa

tions e t d’ anciens rites . Ne retrouve-t —ou pas dans le

t ot ét ism e animal le poisson comme caractère distinctif

des confédérations Déj à les invasions qui envahirent

l’

Afrique noire , aux temps mystérieux de l’

histoire ,marchaient en avant, venues d

Asie , sous le signe : du

lamantin , du poisson ! Ne serait-ce pas l’

antique idée

chaldéenne,orientale, de l

’ élément marin , source de

toute vie et de toute civilisation ? En tout cas , le cultedu poisson , adopté par les Chrétiens , est passé chez les

Musulmans . En Afrique du Nord , on voit , à l’

entrée des

maisons indigènes , une queue de poisson dessinée sur

le mur, pour porter bonheur aux habitants . Et cettemain de Fatma , dans laquelle on a voulu chercher des

explications mystiques , philosophiques , peut-être serait

cc cette queue de poisson incomprise, transformée en

une main aux doigts j oints , au pouce

Rome avai t déj à accepté dans son Panthéon les div init és locales . Mithra avait in fluencé les croyances

locales . D ’ où que viennent les croyances solaires , im

portées d’

Asie , venues d’

Egypt e , ou nées dans le pays ,i l semble que le soleil , auquel Mahomet a peut—être

rendu hommage en ordonnant à son lever la prière du

fedj er, fasse encore quelque impression sur les indigènes

et comme souvent le culte des ancêtres semble uni a

celui du feu , germe de la v ie , créateur de la continuité

de l’

espèce , de l’

effort, peut—être les lieux sacrés (mzara) ,sur lesquels l

indigène vient trancher la gorge à quelque

mouton , à quelque poulet, déposer des ex-voto , servent

ils dans l’

Islam de prétexte à l ’ antique croyance de la

LES TRANSFORMAT IONS MYSTIQUES DE L’

i SLAM 69

terre fécondée par le soleil, des ancêtres nés et profitant de cette fécondation , transmission de toute forceet de toute v ie . D ’ ai lleurs , le culte du passé se retrouve

di stinct en certains points . Les ancêtres sont encorehonorés par les Mzab it es qui , à certaines époques , se

réunissent pour la zerda , sorte d’

agapes.

La zerda , réunion solennelle ayant un but religieuxaccompagnée d ’un repas se fai t en d

autres cir

constances de la v i e musulmane . Les saturnales , les

fêtes champêtres de l’ anti quité , exi stent encore sous

le voile islamique . Les réj ouissances à l’

occasion du

printemps ont dû être reconnues j adis en Syrie et enPerse par les khali fes , gardiens de l

orthodoxie . En Afrique du Nord , à l

’ occasion des semailles d’

automne , à

la fin des récoltes d ’ été, au solstice d’ été alors qu ’ en

France s ’ allument les feux de la St-Jean , vieux restedu culte du feu , ou de Mithra , à la nouvell e lune les

Arabo-Berbères s ’ offrent des repas plantureux, font

parler la poudre en des fantasias échevelées . D e même

à Taza (Maroc) , pour les premières roses, au début du

printemps, les habitant s de la vi ll e cessent tout travail ,et fleuri s des premières fleurs processionnent

Du même genre est la coutume qu ’ ont les bergers

arabes à la cani cule d ’ aller se baigner ave c leurs trou

peaux, à l a mer ou au premier fleuve v enu,fussent -ils

même distants de soixante à cent ki lomètres .

Le fameux carnaval des Ri ffains ne rappelle—t —il pas

les anti ques saturnales et la tradition suivante ne semblet —elle pas un souvenir des anciens mystères célébrés à

Rome ,en Grè ce ,dans l’

Inde A l ’ instar de peuples d’

Asie

(1 ) D epon t e t Coppolan i , op . c it . , p . 1 14, no t e 1 .

70 L’

iS LAM ET LE S RA C ES

Mineu re ayant subi l’

em pris e byzanti ne certain estribus maro cai nes p ratiq ue nt enc ore ce que leurs voisin es

nomment la nuit de l’

ho rreur . A un e certaine dat e de

l ’année et di t -on, ceci se passe encore dans un e casbah

voisine de Taza dont le s habit ants mangent . la chair du

porc, et sont mépr is és par les gens des autres frac tionshommes , femmes , enfa nts se réuni ssent dan s une

grand e salle . Des rites mystérieux se déroulent, à l’

issue

desquel s une sorte d’

hy sté ri e gagn e les fanaüques.Lorsque

les assi st ants , au milieu de hurlem ents , des danses mystique s, ont atteint le paroxysme de l a surex citati on,la nuit totale s e fait ; hommes e t femmes s

accouplent

au e t ,le lendem ai n, chacun retourne à se s oc cu

pati ons sans che rc her à reconnaître son associ é de la

veille . Du même genre sont les cérémonies réservées

aux seuls initiés , qui dans c ertai ne s sectes , livrent le s

femm es à l’

im pudic it é lubrique des affi liés so us le prétexte de donne r la m aternité aux infé conde s et autres

rai sons semblables. Mais ce n ’

est plus l’

Islam qui est

en cause ; il ne saurait être que stion de l’

at t aquer sur

de t els suje ts .

I l es t tentant de pense r qu’en Afrique du Nord no

tamment,les vieille s c royances ont lai ssé une emprein te

durab le . L’

Islam n ’a pas fail l i à la règle au lieu d’

êt re

modifié par le nouveau ve nu,le contin e nt africain a

réagi dans le moule où étaie nt ven ues déj à se pe rdre ,

se tran sfo rmer tan t de civilisations di fféren tes,l’

Islam

a ét é également obligé de sub ir l’empreinte de s tem ps

pass és .

Les gén ies . La superstition ne s ’ attache pas seule

(1 ) V . P.—J. André, Les Ansar ieh de C il ic ie, Bulle t in de l

As ie

fra nça ise, Paris, juillet -aoû t

LES TRANSFORMAT IONS MYST IQ UES DE L’

I SLAM 71

ment aux m ara , aux kerkour, redj em , arbres ,, source s

fétiches . Bie n que la sorcellerie soit nettement condam

née par le Coran Celui qui croit à la sorcellerie do nn e

u n démenti et fait affro nt à prophètes de

nombreuses pratiques se retrouve nt dans la médecine

les porte—bonheur les cuvo-û t em ent s, toutes choses qu e

le Moyen Age chretien connut, et que l’

instruction se ulefait p érir .

Le pouvoir des pointes se retrouve en Afrique du

Nord . On connaît le geste contraire à la j ettatura . Che z

les Musulmans , la corne de gazelle est un préservatif

contre le mauvais sort . L ’ enfant nouveau—né a un

p ouvoir presque surnaturel . S’

il est posé sur les genoux

d’

un humain sans que ce dernie r s’ en aperçoive , il ne

peut qu’

ac céder aux demande s de celui qui lui a con fié

le b ébé . La vieille croyance franç aise de l’œuf de coq

se retrouve au Maroc… Si un coq reste pendant sept ans

dans une basse-cour, il pond un œuf d’

or dont il faut

s’

emparer sans tarder car les génies le guettent ; avec

lui , les trésors amasses par ces derniers peuvent être

découverts par l ’homme possesseur de l ’œuf . Il n ’ auraqu

à le poser sur le sol ; S’

il y a des trésors en dessous ,la terre s ’ ouvrira .

Cette légende nous amène aux génies . Le Coran lui

même parle des anges , des génies mais les légendes

qui courent le monde sur les esprits , les dj inns , ont

continué à subsister dans l ’ islamisme . Les génies se

retrouvent dans tous les contes arabes,dans les pres

t igieuses Mille et une Nuits comme dans les derniers

récits populaires . - Il semble que cette croyance aux gé

nies soit un merveilleux épanouissement de l’

im agina

(1 ) Mauchamp , S orce ller ie a u M aroc .

72 L’

i SLAM ET LES RACES

tion orientale , qui aime à mêler le surnaturel à la v i e

de tous les j ours . Les génies font partie beaucoup plus

du folk—lore particulier à chaque peuple musulman que

de la théologie islamique et c’

est, semble— t -il, locale

ment qu’ ils doivent être étudiés .

L ’ intervention de toutes ces superstitions , sorcelleri es ,croyances , permet de com prendre ce que peut être

le fanatisme dans le monde musulman .

Ce fanatisme ne sera plus l ’exagérat ion d’un senti

ment unique , mais sera , dans les cas où il ex istera , un

mélange d ’ idées,de conceptions

,de suj étions souvent

très difficiles à déterminer . Ainsi que nous l’avons mon

tré déja,le fanatisme musulman se montre le plus sou

vent non dans les individualités,mais dans les foules .

Et ce résultat paraît bien être une des conséquences duparticularisme introduit dans l

Islam par les confré

ries religieuses e t par la survivance d ’un état mystique

dépendant des races,les quels ne peuvent guère se faire

j our que dans l’âme des foules .

CHAPITRE IV

LE FANATISME MUSULMAN

LA GUERRE SA INTE PEND ANT LA GUERRE M OND IALE

Le fanatisme a certainement existé aux débuts de

l ’ expansion islamique , mais pendant la guerre de 19 14—18,pourquoi la proclamation de la guerre sainte par les

Ottomans n ’ a—t —elle pas été suivie d ’un soulèvement

général

La lutte des Arabes contre les Turcs , l’accueil em

pressé fait par les habitants de La Mekke aux délégués

musulmans de l ’Afriqu e du Nord surprennent les non

initiés qui se demandent pourquoi l’ i slamisme , repré

sen té , semble—t -il, par le sultan ottoman de Turquie ,n ’ a pas réuni , dans un seul élan contre l

oppresseur,

tous les peuples soumis à sa loi . Bien plus , les Arabes

musulmans soutiennent une guerre acharnée contre les

Turcs, Musulmans comme eux . L’

islam ism e n ’ était

donc pas le Tout unique qui pouvait soulever l ’ arme

brandie séculairement contre les infidèles, la guerre

sainte A ces di ff érentes questions , voici ce que l’ on

peut répondre

1 ° Le sultan ottoman de Constantinople se considé

rait comme le souverain , le pon t ife , en un mot l’ imam

de tout le monde musulman . Ce titre , son ancêtre

Sélim I e r l ’ avai t acquis en 15 17 dans la ville du Caire

du dernier membre de la famille des Abbassides, autrefois maîtresse du khalifat arabe et réfugiée à la cour

74 L’

i SLAM ET LES RACES

de s rois m am eluks d’

Egypt e . L’

acquisition de l’

Imam at

devait,dans l ’ esprit de s Turcs , leur attrib uer le pouvoir

spirituel et tempo rel réservé j usque—là au khalife arabe .

Pleins de cette croyance surannée , les Allemands espe

rè rent sans doute , en entraînant les Ot t omans dans la

guerre mondiale, soulever à la voix de l’

imam , héritier

de Mahomet , toutes les populations musulmanes sou

mises à la France , à l’

Angle t e rre , à la Russie .

Pour donner plus de force encore à cette v oix , les

Allemands et les Jennes-Turcs , leurs fidèles , répandirent

dans tout le monde islamique une série d’

opuscule s et

de brochu res en turc , en arabe , en persan , en arménien ,en kurde , dont des millions d

’ exemplaires furent dis

t rib ués gratuitement en Asie et en Afrique, notamment

en Afrique du Nord , pour démontrer la néc essité de

combattre les ennemis du khalife , donc du sultan de

Constantinople , tout en ménageant les Alliés chrétie ns

de ce dernier .

Le 29 octobre 1 9 14, était publi ée à Constantinoplela fe t oua , ou texte sacré proclamant la guerre sainte

contre l’

infidè le . Quelques tribus répondirent à l’ appel ,comptant sur des butins prochains , mais en fait lemo nde islamique ne bougea pas . D

’ abord le parti j eune

turc, quoique à la tête du gouvernement, ne formait

qu’

une minorité ensuite les Arabes récusaient au sultan

la qualité d’

lm am .

2° Depuis une quinzaine d’ années les Arabes avaie nt

rep ris conscience de leur valeur, aidé s e n cela par la

propagande active de l ’Angle t e rre . Les généraux turcs

s’

épuisaien t à réduire les révoltes « qui faisaie nt la

tache d’

huile dans les dé serts, de l’

Yém e n aux rives du

Golfe Persique En 19 1 1 dans l’Yém en ,l ’ im am

(1 ) ev ue he bdomada ire , 18 j an v ie r 1913, L’

in térêt de la F ra nce,

76 L’

I S LAM ET LES RACES

d ’ autrefois avec les humiliations et la misère d ’

aujour

d’

hui sous le j oug ruineux de l’

Osmanli

Telles étaient les tendances arabes avant la procla

mation de la guerre sainte à Constantinople le 29 oc

tobre 19 14 . A ces mouvements politiques répondit im

m édiat em ent l’

appoint des chefs religieux

Les Arabes n’

ob éiren t donc pas au commandement

ottoman . S i l es sédentaires de l ’Et at turc furent obligésde fournir des contingen ts , le s nomades plus j aloux de

leur indépendance , plus difficiles aussi à atteindre, res

t érent indiñérent s à la fe t oua . La plupart des Arabes

se rallièrent complètement à l ’ action contre le s Os

manli s, se 10 1gn1rent aux Anglais et surtout à l’

ém ir

de La Mekke (3) qui représente , sinon le nouveau sou

verain spirituel de l ’ Islam arab e , tout au moins un

roi arabe opposé au sultan turc et grâce auquel les Bé

douins pensent continuer à vivre leur ère coutumière

d’

indépendance et de pillages .

S i ces Arabes , au fond peu croyants , comme s’

en

étaient rendus comp te eux—mêmes Mahomet et ses

successeurs , n’ avaient pas répondu à la fe t oua, peut

être é tait-ce la normale . Mais il existe dans l’

Islam

des sectes importan tes , des ordres religi eux au fana

tisme bien connu qu i auraient pu s’

ex t érioriser de

l’

antique querell e de races entre Ottomans et Arabes .

3° Intolérance e t fanatisme devaient d ’ après certains

être sinon les caractères dominants de l ’ Islam , tout au

moins ses conséquences naturelles .

On a souvent pris les Musulmans pour des fanatiques

(1 ) Ren é Pinon , c i t é par Han o t aux , Revue he bdomada ire .

(2) Vo ir t om e I , p .263, l’

étude sur la fe toua. du Che ik hu l I s lam .

(3) V . Jou rna l de Gen ève ,_

La gue rre en A ra b ie (28 j u in e t 3 j u ille t 1 918, signé L .

LE FANAT ISME MUSULMAN 77

aveugles poussés par leurs mahdis à n e rêver que sang

et massacres pour chasser l’

in fi déle du monde islami

que . Il faut comprendre _ que le Musulman a senti l’ im

possibilité de s ’ opposer à notre force ; il se contente

de ne pas permettre l’

empri se sur sa personnalité . Le

Musulman reste à côté de l’

Européen conquérant , mai s

si ce dernier ne touche pas à ses coutumes , à sa religi on ,le premier s

’ en remettra à Dieu qui a permi s la défaitetemporelle de son fidèle . Il est à remarquer que cette

conception tend à changer depuis l es succès diploma

tiques des Kém ali st e s sur les Françai s succès

que les Musulmans considèrent comme obtenus par la

force .

D ’ ailleurs à l ’ origine de la doctrine islami que les con

quérants musulmans n’

imposai ent même pas leur reli

gion aux peuples soumis . Les peuples rencontrés par

les arm ées , dit M . de Castries , étai ent mis dans la triple

alternative ou de se convertir au Coran , ou de garder

leur religion en payant un tribut, ou de s’ en remettre

au sort des armées . Le prophète Mahomet n ’ avait

d ’ autre but que de substituer le culte de Dieu uni que

à celui des idoles . Les détenteurs d’

écritures sai ntes ,Chrétiens e t Juifs trouvai ent grâce à ses yeux .

Le fanatisme pousse les adeptes d’

une religion à conver

tir de gré ou de force, par tous les moyens , ceux qui ne

croient pas comme eux : dans de telles conditions l’ is

lami sme est plutôt tolérant . M . E . Mercier reconnaît

que la tolérance est le fond de la doctrine islamique .

De nos j ours encore, les adorateurs d’un Dieu uni que

peuvent vivre en paix en terre musulmane arabe .

L’

Arab e se croit touj ours d’une race supérieure a toutes

(1 ) Le s Ju i fs furen t perséc u t és plu s t ard . Vo ir t om e I , p . 34,m ais le s t a t u t de s Ahl Ki t ab re s t a le m êm e .

78 L’

i SLAM ET LES RACES

le s autres , mais cette confiance en soi a une origine

politique , provient du temps où les Arabes é tai ent les

maîtres incont estés d’un monde .

Quant a la prétendue haine religieuse, au fana ti sme

auxquels certains ont voulu attribuer la responsabilité

de la rési stance et des révoltes que les Français par

exemple ont eu à supporter en Algéri e , M. Merci er fait

encore j ustement remarquer que ce n ’ est pas sur c es

cause s qu’ i l faut faire reposer l eclat des meurtres et

des guerres . Il faut en v oir l ’ origi ne dans les maladresses ,les ordres blessants , les fautes admi nistratives , igno

rants des coutumes séculai res , dans le s er reurs de tous

genres qui n’ ont pas manqué dans les débuts d

’une po

liti que non encore ad aptée aux besoins indigènes . Les

Anglais ont souvent eux aussi payé durement ces er

reurs, comme dans la révolte des Cipayes de l’

Inde .

A cause de ce s fautes , réelles ou imag inaires , pour

des raisons politiques ou personnelles à un agitateur

foll ement ambitieux , des mouvements restreints se

sont produits au moment de la guerre mondiale dans

les territoires musulmans, français ou anglais . Mais c e

ne furent que des agitat ions lo cales , l esquelles ne revê

t irent jamai s un caractère d’ ensemble . Ces explosi ons

sont naturelles chez des suj ets qu’ il est facile de t raiter

de fanatiqu es pour faire oublier ses propres erreurs ,leur propre parti cularisme et leur amour de l ’ indépen

dance . Ces explosions n’ ont pas une origine religi euse,

ne sont pas du fanatisme elles on t de s raisons presqueuniquement politiques . Vo ilà pour le monde arabe.

Il en est autr ement en Asi e Mi neure où , comme nous

l’

avons montré dans le t ome I , les'

I‘

urco—Mongols n’

ont

pas continué à observer la primi tive tolérance des Arabes .

Pour des raisons politiques, ils vont voulu écraser les

LE FANAT I SME MU SUI .MAN 79

parti cul ari sme; qui les gênai ent ;ils ont soul evé alors le

fanati sme int oléraut de leurs p euplades farouches contre

les Arméniens , les Syri ens , les Maronites .

4° De 1 900 à 19 10 , on a souvent fai t un épouvantai l

du fanati sme musulm an . M . Dicey de Londres écri

vai t (1 ) Des Anglai s ont fini par ouvrir les yeux et

par reconnaître que les neuf dixièmes des fellah s d’

E

gypt e se lèverai ent contre eux s’

ils avai ent affaire au

sul tan , comme cela a fai lli se produir e lors d e l’

o ccu

pati on d’

Akab a . Tout le bien qu e l’

Angle t erre a pu

fair e au pays sera compté pour ri en le j our où l’

Islam

commande ra . Le B ulle1în de la S ociété de géographie

d’

A lger sign alai t : Il faut j et er un rapi de coup d’œil

sur le monde musulman , en particulier sur l’ évolution

qui s’

y manif este, évoluti on dont la grasi t é n’ est pas

soupçonnée en F ran ce . En eff et , un chef à Stamboul ,un cœur bien fi xa nt à La Mekke , la vi ll e sainte, des

essaims d ’

adept e s v igoureux e t pro lifiques dans tous

les pays du m onde , une reli gion bien vivante , un fana

ti sme poussé à la folie , fai san t luire aux yeux des

Croyants l’

espoir que le Coran d ev iendra la loi des

mondes , voilà l’

Islam !

Dans ces derni ères année s , l’ on a fai t j usti ce de ce t

épouv ant afi suranné du fanatisme musulman e t du

soulèvement général du Croi ssant contre la Croix . Dans

tout l’

islamisme , sous l’

appareut couvert de dogmes

int angibles, il exi st e une mul ti pli cité de sectes , un dé

v eloppem ent ex cessif de’ confréri es reli gieuses rival es

qu i ont perdu de v ue le but religi eux primiti f pour

n’

être plus en réalité que des associati on s politi ques .

Que chacun e d’

entr e ell es so nge à reprendr e un pou

voir temp orel sous un prétexte religieux, c’

e st possihhe t

(1 ) Bu lle t in de la Soc iété de géographie d’

Alger , sem e s t re .

80 L’

i SLAM ET LES RACES

Il est même probable que les aspirations lo cales sontsoutenues par la confrérie l ocale . Mais cette extensionmême des sectes , l

’ apparition du culte des sa1nts locaux,des marabouts , ont tué l

’unité primitive de l’

islamisme ,unité qui ne se reformera sans doute plus à la voix

d e quelque imam génial , puisque celui-là même sera

contre-battu par les chefs des ordres rivaux . Mahomet

avait prévu le danger lorsqu ’ il avait interdit les moineset les santons . Le m arab out ism e a dispersé les efforts

de l’

Islam en outre, les puissances européennes j ouent

des ambitions opposées des hommes saints , et maintien

nent ainsi dans leurdiv ision lesMusulm anslesplus croy ant s .

Et les masses populaires suivent bien plus les ordresde leurs santons qu ’ elles ne se préoccupent des dogmes

originels du Coran . Ce ne sont plus des fanatiques aux

quels l’

on a affaire, mais ce sont des hommes soumis

à toutes les passions politiques de l ’heure . Le vrai

croyant musulman ne parle j amais de religion , mépriseuniquement ceux qui ne croient à rien , d

’ accord en

cela avec les préceptes coraniques ; les lettrés , les gram

mairiens peuvent discuter à l ’ ombre des mosquées ou

des zaouïas sur quelque point subtil de grammaire ,commenter quelque verset douteux, ce ne sont pas eux

qui pousseront les masses à la rébellion . L ’ ambition

et l’

esprit de domination seuls p oussent certains au

simulacre du fanatisme .

5 ° On a souvent pris pour du fanatisme ce qui n’

est

au fond que la tendance moderniste des Musulmans

à prendre part eux—mêmes aux discussions adm inis

t rat iv es qui les touchent . Depuis que le Président Wilsona émis ses fameux principes , si les Musulmans ne récla

ment pas encore partout le Self government les

gens instruits qui ne manquent pas dans l ’Afrique du

LE FANATI SME MUSULMAN 81

Nord française revendi quent une plus large part dans

la gestion de l eurs intérêts sans perdre leur statut spé

cial de Musulmans vivant sous la loi française . Ils v en

lent se man er, hériter, etc . , comm e l’

ordonne leur loi

religieuse,intim ement uni e chez eux à la loi civil e . Or la

loi française, cell e qui fait le citoyen français , a ses ori

gines profondes dans la morale chrétienne,dissemblable

souvent des ordonnances coraniques . Dans ces condi

tions,il faut comprendre que les Musulmans cherchent

à trouver la meill eure formule pour vivre en harmonieavec ceux qu i leur ont apporté un bien-être et un

progrès diff érents de leurs conceptions primi tives .

La hai ne existe certainement encore chez les'

Turco

Mongols ralli és par les Jeunes—Turcs . Peut-être existe—t —il

encore dans les âm es musulmanes arab es ou berb ères

un vieux levain de hai nes contre le Chrétien conquérant,mais il faut avouer que ces indigènes afri cains qui ont

versé sans compter leur sang sur tous les champs de

bataill e de la guerre mondial e, ont bien droit à quel

ques compensations , à un véritab le crédit de loyalisme .Aussi l ’ année 19 18 a-t -elle vu l

’ appli cation d ’un grand

programme de politique indigène destiné à récompenser

les Musulmans algériens de leur concours loyal et cons

tant à la Métropole envahi e Ce geste de la France

reconnaissante efface toutes les espérances conçues par

l’

Al lemand , in stigateur de la guerre sainte, et prépare

pour l’

aveni r une seconde France industrieuse et fé

coude , dans l ’ ombre chaude de l’

Islam Et les nouvelles entrepris es des Communistes , des Bolchevistes ne

(1 ) V . Le Temps , Raymond Recou ly , j u in 1918 .

Le Jou rna l de Ge nève , La F ra nce e t l’

Algér ie , Ren é Pay o t ,1 1 ju ille t 191 8 ; Le Journa l de s in ternés fra n ça is , n°8 1 8 e t 20 ,L

Afr ique du Nord e t la gue rre , Luc ien Broche . Neu châ t e l, 1 91 8 .

6

82 L I‘

. I ET L£S RACES

pourr ont -aire oub lie : ax Arab es que leu r réel in térêt

se trouv e dans une r r m a tio n étro it e ave c la France.

f ïC LUSI ON .

Le fana t isme n’

a pu re rév eillé dans la guerre sainte

par sui te de s s lami que s . Le khan d’

Afgha

nis tan a e ssav è e n 19L Ï e ravi r au sul tan de Stamboul

son titre de Command des Crov ant s.

Mai s il ne faut pas fo ndre pani sl ami sme,idée po

li t ique ,ge rmano -b ok h i ko—kém alist e

,avec l

Islam,

i d ée reli gieuse ne com ' t an t plu s l’

unité polit iq ue .Les

concessions répétée s nous avo ns fai tes aux Kéma

li st es,e t qui le s on t lt rement amenés à se considérer

comme nos vainqueurs . n t co ntri

po li t ique pani slam ique wi menace

b oul à Madra s,de Tun i à Rab at

de Rabat en 192 1 . on

Nous avons lai ssé se

Angora qui fini ra it

pas la rés olution d

est pour nous une

mes ai dés par

L’

Islam n’

a

divis ent dcroya

ment

mun ,bien

82 L’

i SLAM ET LES RACES

pourront fai re oublier aux Arabes que leur réel in térê tse trouve dans une collab oration étroite avec la France .

CONCLUS ION .

Le fanatisme n’

a pu être réveillé dans la guerre sai nte

par suite des divisi ons islamiques . Le khan d ’

Afgha

ni stan a essayé en 1920 de ravi r au sultan de Stamboul

son titre de Commandeur des Croyants .

Mais il ne faut pas confondre panislamisme,i dée po

lit ique , germano-b olchev îko—kémalist e,avec l

Islam,

idée religieuse ne comportant plus l’

unité polit ique .Les

concessions répétées que nous avons faites aux Kéma

l istes,e t qui les ont logi quement amenés à se considérer

comme nos vainqueurs,ont co ntrib ué à développer la

politique panislamique qui menace auj ourd’hui de Ka

boul a Madras,de Tunis à Rabat : même au Maghzen

de Rabat,en 1 921

,on évoquait l

Egy pt e et Fouad I“ .

Nous avons lai ss é se constituer le bloc Berlin—Moscou

Angora qui finira it par nous écraser si nous ne prenions

pas la résolution de le briser et de le dissocier,ce qui

est pour nous une nécessité absolue . En cela nous sommes aidés par l ’ Islam lui—même .

L’

Islam n ’ a pas échappé aux rivalités économiques quidivisent depuis longtemps l

Europe et l’

Amérique . La

croyance au Coran peut touj ours permettre à un m o

ment donné une union éphémère contre un ennemi com

mun , mais les rivalités et les dissensions reparaîtront

bien vite,car elles sont fondamentales .

Les schismes qui ont séparé l ’ Islam en des branches

diverses ont diversifié la doctrine, ont atteint qu ’ ils le

veuillent ou non l ’ intégrité du dogme . Sous le couvert d

orthodoxi e , le soufisme a orienté les âmes vers

LE FANAT ISME MUSULMAN 83

les plus dangereux ennemis de l’

unité islamique,vers

les confréries reli gieuses devenues des associations dontles membres sont plutôt les esclaves de leurs chi oukhs

que les fidèles ob servateurs de la loi du Prophète .

Comme le spirituel et le temporel sont intimement

unis dans l ’ Islam , tous ces groupements religi eux eurent

des vi sées politiques . Ils ont aidé, favorisé l’ éclosion

des mouvements nationaux chez les races converties .

Les particularismes locaux se sont aidés des prétextes

religieux pour revendiquer leur autonomie ; les aspiration s lo cales se sont fait j our à l

ai de des m ahdism e s,

des o rdres , des confréries . C’

est pourqu oi l ’ étude des

schismes devait précéder cell e des mouvements régio

naux .

CHAPITRE V

LA QUESTION ARAB E (1 )

Nous avons v u dans l e tude de l’ expansion turco

mongole combien les Tourani ens (2) avaient peu soumis les Arabes à leur suzeraineté . A partir de 1879,

Sultan Abd ul Hamid chercha à trouver en Asie lescompensations aux pertes subies p ar la Turquie en Europe . Il inaugura en Turquie et en Arabie la politique

dite des chem ins de fer L’ état ottoman est à base mi

lit ari st e : le s voie s ferrées doivent servir à porter rapidement les troupes de l

Empire sur les li eux où des

minorités menacent l ’ intégrité du sultanat . Bien que

construit sous le prétexte de conduire plus facilement

les pèlerins v ers . La Mekke et Médine , le chemin de fer

du Hedj az étai t une arme de l’ impériali sme ottoman

contre les révoltes p erpétuelles des Arabes . A l’

inst iga

tion de l ’Allem agne , le sultan avai t organi sé la Turquieen corps d

armées ; le 6° eut son siège à Baghdad , le

7° devait teni r Sanaa dans l’Yém en . L’

All em agne pré

parait par ces moyens l ’ o ssature du Baghdad-bahn con

t re l’

Anglet erre .

Le gouvernement b ritanni que avait depuis longtempsprévu ces tentatives germano-turques . Dé j à

,en 1812, des

relations avaient été nouées avec les chefs arabes de la

(1 ) Lire la rem arquab le ét ude du Co lon e l E . Brem on d L’

in ter

ven t ion a ra be et chér ifienne da ns la gue rre 19 1 4—1 91 5 . Paris , 1 920 .

(2 ) To uran che z le s écriv a ins ara b e s se di t par oppo si t ion àIran e t signi fie t o ut c e qu i se t rou v e au no rd de l

Iran . C’

est

une anc ren ne t erm i n ol ogie persa ne .

88 L’

i SLAM ET LES RACES

péninsule . Des voyageurs britanniques avaient parcouru l ’Arab ie . Lord e t lady Burton atteignirent même

les oasis fermées des Wahabites au Nedjd . Depuis la

défaite russe en Mandchourie l’

Angle t erre ne

craignait plus dans le Proche Orient que l ’Allemagne

appuyée sur la Turquie . Dès cette époque , la Grande

Bretagne essaya d ’ organi ser les Arabes d’

Arab ie contre

les Germano—Turcs .

Déj à l ’ém ir wahabite Ibn Saoud s etait alli é au cheikhde Kouwe i t , alli é du Gouvernement des Indes . Cet émirfonda cônt re les Ottomans dès 1904 un empire des con

fins de la Mésopotamie à ceux de la Syrie . En 1905

d’

autre part les Yém énit es infligeaient aux Turcs des

défaites sévères . Les garnisons de l’

Assy r et du Hedj az

furent bloquées par les Arabes .

A cette époque , se poursuivit un véritable réveil national arabe , appuyé par des publications en Europe . L

An

gle t erre soutenait sans doute en dessous le mouvement ,car de cette époque , datent en t re elle et la Turquie

poussée par l ’Allemagne les incidents de Kouwe i t dans

le Golfe Persique et de Tabah sur la Mer Rouge .En 1 907 , se produisit une accalmie . Le sultan de

Stamboul reçut la délégation du Yémen et promit dene laisser que quelques garnisons dans le pays . Les Ot

tomans ne devinrent d’ ailleurs pas plus libres de cir

culer . Les révolutions j eunes—turques de 1908 a l 909

ne comblèrent pas le fossé entre Ottomans et Arabes .

Les députés arabes firent touj ours bloc avec les non

Turcs, soutenant la politique des petites nationalités .

Les Jeunes—Turcs saisirent bien vite cette mentalité des

Arabes;et reprenant la politique d’

Ab dul Hamid , cher

chérent à t urquiser l’

Arab ie ; ils interdirent de leur

mieux les fonctions publiques aux Arabes, e t t ent è ren t

90 L’

I SLAM ET LES RA CES

3° Attribution aux Arabes d ’

un certain nombre

de sièges de députés et de sénateurs .

Naturellement les Jeunes—Turcs manquèrent encore

une fois à leur signature . Aussi ne faut—il pas s ’ étonner

si les Arabes marchèrent aux côtés des Alliés contre

l’

Allemagne et la Turqui e dans la guerre 1914—18 . La

guerre pour eux ne faisait que s’ étendre .

Le gran d chérif de La Mekke, Hussein, était en fonc

tions depuis 1909 . Pour bien mon trer la mentalité isla

mique , laquelle n’

est j amai s satisfai te d’

une victoire de

Chrétiens sur des Musulm ans , i l est b on de sig naler que

cet Hussein apprenan t l ’ entrée des Ang lais à Baghdad

s’

écria C ’ est un désastre Hussein n’ a j amais été

t urcophob e . Il s ’ est montré ennem i des Jeunes—Turcs ,

mai s a touj our s témoigné la plus v i ve adm ira tion pour

Abd ul Hamid .

C’

est autour de cet Hussein que se concentra la ré

sist ance arabe . La Grande—Bretagne fut représentée près

de lui à D j eddah par le li eutenant— colone l Wilson , gou

v erneur de la province de la Mer Rouge (Red—Sea à

Port- Soudan) , qui était venu en cette ville comme chefdu Pilgrimage office . Le colonel Lawrence

, qui s’

atta

cha si fortement à la politique arabe et devi nt célèbre

depuis,étai t un profes seur d

Oxford qu i avait depuis

de longues années ex écuté de s fouille s archéologiques

à Palmyre . I l y reprenait les traditions de Lady Stanhope (1 ) et s

’étai t lié avec les Arab es,en particulier avec

Fay sal . Lawrence s’est montré francophobe , ou plutô t

très colon ial anglais . Il n ’ avait aucune sympathie pour

sir Mark-Sykes,le meilleur connaisseur de la Turquie ,

(1 ) Lady S t anhope , sœ u r de Pi t t , s e t a it in s t alléc au Lib an , e t

s e t ait v e rs 181 2— 13 créé une gr o sse in flu en c e dan s la r égion . Elle

fi t éche c à La sca ris , l’

env oy é de Napo léon 1er

e n Orie n t pourouv r ir la ro u t e de s Indes .

LA QUEST ION ARABE 9 1

riche financier francophile,dont les égards pour l a

France étaient mal vus de ses compatr i otes coloniaux .

L ’

emir Hu s sein,malgré les avances faites par les Bri

tanniques , lesqu els payaient davantage et étaient sur

place,montra touj ours à la mission française une sym

pathi c profonde,cherchant ainsi à maintenir son inde

pendance par une attitude égale envers les grandes

puissances . Le colonel Bremond,chef de la mission

françai se,en profita pour prendre sur l emir une réelle

influence,et fit ex écuter avec succès par nos ressortis

sants le s pèlerinages à La Mekke de 1 9 16 et de 1 9 17 .

Enver pacha craignait la valeur de l ’ émir Husseinaussi fit -il à Constantinople nommer contre lui Grand

Chérif de La Mekke , le chef de la famille chérifienne

de s Aoun , rivale d’

Hussein , Ha1dar pacha , complète

ment rallié aux Germano—Turcs .

Le 10 j uin 19 1 6 les hostilités commençai ent of ficielle

ment . Les Turcs étaient obligés d ’ évacuer le Hedj az ,mais avaient montré le peu de développement de leur

sens religieux en b ombardant la kaab ah de La Mekke .

Par contre les Ottomans se maintenaient à Médine .

Le grand chérif de La Mekke lançait des proclama

tions dénonçant les tromperi es et la mauvaise foi des

Jeunes—Turcs . Pour répondre aux aspirati ons des Arabes ,il se faisai t pro clamer malik el arab , roi des Arabes .

L’

Anglet erre lui reconnut ce titre de malik après de lon

gues négociations,mais lui refusa la qualification de

D je llala , maj esté . La France accorda satisfaction au Ma

lik sur les deux points ;mais le s deux puissances eu

ropéennes lui dénièrent la qualité de roi des Arabes

et ne lui reconnurent que celle de Roi du Hedj az .

Les troupes arabes conduites par l emir Faysal ne

menère nt évidemment pas la grande guerre contre le s

92 I SLAM ET LES RACES

Ottomans ; cepenant elles génè rent considérablement

les Germano-Turc par leurs raids e t leurs razzias .A la conclusion l e l

’ armistice avec la Turquie (octobre Fay sa l

*

eçut au même titre que le s Anglais

et les Françai s n e zone des territoires turcs occupésà administrer : c c furent les gouvernements de Damas

et d ’

Alep, t oujo us sous le haut commandement du

maréchal Allenb y (l 9 l 9) . C’

est de cette époque que

datent les prem iè r fri ctions entre Françai s e t Chérifiens .

Les Arabes comt aien t sur la formation d’

un

arabe, allaient reme j usqu’ à r

sous le prétexte qe ce pay

bre des leurs (ansäeh)bri tanniques ne

mettre de l’

huil

le malentendu d

les promesses

de 19 1 6 , qu’

n

1920 , le gêné

trônait Faysa

Les Anglais

testèrent

politique

le monde

et le nom

frère Abd

que le

vint ai

92 L’

I SLAM ET LES RACES

Ottomans cependant elles génèrent considérablement

les Germano—Turcs par leurs raids et leurs razzias .

A la conclusion de l’

armistice avec la Turqui e (octo

bre Faysal reçut au même titre que les Anglai s

et les Françai s une zone des territoires turcs occupésà administrer : ce furent les gouvernements de Damas

et d’

Alep, touj ours sous le haut commandement du

maréchal Allenby C ’ est de cette époque que

datent les prem i ères frictions entre Françai s et Chérifiens .

Les Arabes comptaien t sur la formation d’un Etat

arabe, allai ent même j usqu’ à revendiquer la Cilicie

sous le prétexte que ce pays comprenai t un grand nom

bre des leurs (ansarieh) Il est probable que les agents

bri tanniques ne se montrèrent pas touj ours disposés à

mettre de l’

huile dans les rouages ; touj ours est—il que

le malentendu devint tel entre les Chérifiens rappelant

les promesses fai tes et les Français forts des accords

de 19 16 , qu’une colonne fut j ugée indispensable . En

1920, le général Gouraud marchait sur Damas et dé

trônait Faysal , lequel venait de se fai re nommer roi .

Les Anglai s avaient laissé faire la colonne mais protestèrent contre l

expulsion de Faysal . Fidèles à leur

politique implacable de dresser le monde arabe contre

le monde touranien , lesBritanniques recueillirent Fay sal

et le nommèrent roi de Baghdad . En même temps sonfrère Abdullah recevait la Transjordanie . I l est certain

que le mouvement arabe si bien disposé pour nous de

vint ainsi francophobe .

Or si l’

on considère une carte du monde musulman ,i l est facile de constater que nous sommes dans l

’ axe

du monde arabe, et que le mouvement turc n’ est pour

nous qu ’un mouvement périphéri que . Entre l ’ amitié

(1 ) Sur le s Ansarieh v oir P . J . André, Les Ans ar ieh de C il ic ie,dans l

A s ie fra n ça ise , ju ille t -aoû t 1 921 .

LA QUEST ION ARABE 93

turque et l’

am i t 1 e arabe, il semblait préférable de choi

sir l ’ amitié arab e . L’

host ili t é chérifienne a eu commecontre—coup immédiat de fermer aux Musulmans fran

çai s le pèlerinage de La Mekke , car le roi Hussein a

naturellement pri s fai t et cause pour son fils . Cette

situation ne saurait se prolonger sans danger pour nous,

car le pèlerinage est indispensable aux Musulmans .

Les Britanniques ont cherché à pousser plus loin leur

politique d’

emprise ; il leur apparut désirable de re for

mer le khalifat arab e au détriment du khalifat otto

man institué par droit de conquê te . Mais ce n ’ est pas

chose facile : d’ après les principes islami ques, l

’ ijma

ou consentement universel est nécessai re pour la dési

gnat ion du khalife dans la f amille du Prophète en l’

ab

sence de tout facteur héréditai re . C ’ est pourquoi fut

essayée la réunion d ’un Congrès islamique à La Mekke

pour désigner le khalife arabe . Cette tentative a l ’ air

d ’ avoir échoué , car les Musulmans ne peuvent supporter

une immixtion étrangère dans les aff aires religieuses .

Il est à remarquer d ’ai lleurs que Moustafa Kémal n ’ a

pas mieux réussi dans sa réunion de Congrès islami que .

La situation est tell e : quoique déconsidéré , le sul

tan ottoman reste le khalife, parce que la Turquie est

le dernier grand Etat libre musulman . Sa déconsi

dérat ion se montre en ce sens qu ’ en Afghani stan

comme en Arabie , les princes tentent de rev iv ifier le

titre de Commandeur des Croyants . Gardons-nous d ’ agi rdans un sens ou dans un autre . Les Musulmans seuls

ont qualité pour désigner leur khali fe ; toute action de

notre part dresserait vraisemblablement contre nous

même nos ami s d’

Islam . Bornons-nous à constater l ’hos

t ilit é entre Turcs et Arabes , et l’ éveil des part icula

ri smes nationaux dans tout le monde musulman .

CHAPITRE V I

L’

ÉGYPTE ET LA TR IPOLITA INE

I . L’

ÉGY PTE .

L’

Egyp te pharaonique , romaine, byzantine, fut une

proie facil e pour l’

Islam . En 639 , un des lieutenantsdu khalife Omar

,Amrou ibn el A s, pénétra dans la vallée

du Nil . L ’

Egypt e était alors un pays mal administré,ravagé par les discussions religieuses , ruiné par les exac

tions des légats impériaux byzantins . Aussi , comme

en Syrie, la population accueillit favorablement lesenvahisseurs . La conquête fut rapide : les Arabes se

mirent immédiatement à l ’œuvre ; i ls apportaient en

effet avec eux une civilisation o riginale . La lettre par

laquelle Amrou fit hommage de sa conquête au khalife

est une pure m erv eille .La j ustice avec laquelle les Arabes

administrèrent le pays et le relevèrent de ses ruines

déterminèrent de nombreuses conversions à l’

Islam ,

rallièrent les Egyptiens à leur domination , tant et sibien que l

Egypt e prit le caractère complet d’un pays

arabe . La langue arab e devint sans heurts la langue

de tous elle-même s’

arab isa . ll est vrai

(1 ) Le s Copt e s chrét iens, de scendan t s des an cien s Egypt ie n s,on t con se rv é la lan gu e pharaoniqu e ju squ

au c omm en cem en t

du X IX° siècle ; ils la parlaien t enc ore en par t ie à l’

époqu e de

Bonapar t e c’

es t c e qu i a pe rm is à Cham po ll ion de déchiffrerle s hiéroglyphes en u t ilisan t leur v ocab u laire . Ac t u ellem en t le s

Copt e s parlen t arab e , leu r langu e propre n’

ay an t plus que le

cara c t ère de la langue sacrée . Dan s le m ouv em en t ac tu el les

Copt es chrét iens se son t unis aux Musulm ans, quo iqu’

av ec peu

d’

ardeur .

96 L’

ISLAM ET LES RACES

v erneurs, l m capacit é et la faiblesse des khalifes dans

leur capitale de Baghdad d ’ où ils assistaient impassibles

à la préparation des invasions turco—mongoles , empê

chérent la concentration des Musulmans contre les

Croisés . Cependant à part la prise de Damiette par

saint Louis en 1250, les Chrétiens ne purent cependant

pas grand’

chose contre l ’Egypt e .

En 1254 la dynastie mam eluk remplaça la dynastie

eyy oub i t e . Les sultans mam eluks rendirent un grand

service au monde occidental en écrasant à plusieurs

reprises les Mongols qui envahissaient l ’Afrique à son

tour . Sous les Mam eluks, l’

Egypt e reste une grande puis

sance commerciale mais au début du XV e siècle le

sultan Bours b eg interdit à ses suj ets le commerce des

produits de l ’ Inde Son but était de faire un monopole d ’ état afin de tirer de ce commerce de s bénéfices

plus considérables . Il tarit par cette imprudence la

source la plus claire de ses revenus . Les négociants

francs limitèrent en effet leurs achats au strict néces

saire . Ce fut le début de la décadence de l’

Egypt e comme

puissance de transit entre l ’Orient et l’

Occident . La

découverte de la route des Indes par le Cap de Bonne

Espérance fi t le reste . Sur le conseil des Vénitiens j alouxdes Portugais , les Mam eluks envoyèrent des flottes dans

l’

Océan Indien,mais furent battus .

Vaincus sur mer par les Portugais,les Mam eluks le

furent sur terre par les Turcs,héritiers de s Mongols .

Toman b ey fut écrasé par Sélim I e r qui en 15 12 fit de

l’

Egypt e une province ottomane . A cette époque comm ençèrent la désorganisation et l

appauv rissem ent de l ’E

gypt e les b eys et les fonctionnaires turcs ne cherchant

qu’

à faire rapidement fortune, laissaient les canaux

s’

ensab ler et le pays sans travaux publics . L ’

adminis

L’

ÉGYPTE ET LA TR IPOLITA IN E 97

trati on turque ne réussit pas à l’

Egypt e qui perdit en

peu de temps les résultats de la sage organi sation arabe .

En s’

emparant du Cai re Selim I er trouva à

la cour des Mam eluks le derni er descendant des Abbas

sides . En effet, lorsqu’

Oulagou Khan se fut emparé

de Baghdad et eut fai t étrangler le derni er Ab basside

régnant , un descendant de l’

avant—derni er souverai n

éta it all é chercher refuge au Cai re ;Sultan B eïb ars l’ avai t

accueilli et fait proclamer kh alife sous le nom d’

El Mos

tamsir . Se s successeurs , au nombre de seiz e, héritèrent

de ce titre illusoire e t restèrent sans in fluence en Egypte .

Sultan Sélim , réalisant la pensée de Tam erlan , s’ empara

du khalife qu ’ il emmena avec lui , et lui acheta son ti tre .

C ’ est ai nsi que le khalifat passa des Arabes aux Otto

mans . Les Turcs prirent par la force la qualité héré

di t ai re d’

im am réservée à la descendance du Prophète .

Malgré le transfert du dernier khalife , le Cai re, après

la conquête turque, resta le centre de l’

enseignement

théologique musulman avec la mosquée d’

Al Ahzar,tandi s qu e Constantinople prenait sa place et celle deBaghdad comme capital e

'

politi que de l ’ Islam

Depuis lors , l’histoire de l

Egypt e fut celle d’

une pro

vince turque . L ’ expédition de Bonaparte chassa un

instant les Ottomans de la vallée du Nil , mai s en 1801une armée anglai se restaura les Turcs . Les querelles

qui sui virent se terminèrent par l ’ arrivée au trône d’

un

Albanai s , Méhém et Ali Cet aventurier de génie , par

des guerres successives , voulut reformer un empire

d’

Orient puissant, soutenu par la France , et ce fut laun

(1 ) Il e st u t ile de rappeler la présence de Seb ast ian i à Constan t in ople en 1 805 , e t qu e l

in sistan c e des Anglai s à v ou lo ir

rest er en Egyp t e am ena la rupture qu i fu t le d éb u t de la for t un e

du Mam eluk alb anais Méhém e t Ali .

98 L’

I S LAM ET LES RACES

cé lèbre épisode de la Question d’

Orient . L’

Anglet e rre et

la Russie tenaient au maintien de la Turqui e la Francedut abandonner son protégé . Malgré les victoires de

son fi ls Ibrahim qui parvint devan t Constanti nople ,Méhém e t Ali d dut se contente r du khédivat d ’

Egypt e .

L’

Egypt e redevenait du moins un Etat .Le successeur de Méhém e t Ali , Ismai l pacha , fit appel

à la France et à l ’Anglet erre . L ’ on peut di re même que

la France avait une situation priv il égi ée en Egyp te,où se s éducat eurs , ses savants tenai ent la première place .

Mai s en 1882, l’

Anglet erre fut seule à fourni r au khédive

régnant l ’ appui de ses troupes contre des insurrecti ons

depui s , les soldats b ritanni qu es n’

ont plus quitté l’

E

gypt e peu à peu les Anglai s ont remplacé les Françai s ,si bien qu ’ en échange de la reconnai ssance de se s droits

sur le Maroc la France a dû admettre en fai t le

protectorat de l’

Angle t erre sur la vallée du Nil .

Depuis 19 14 , date à laquelle Abbas H ilmi resta à

Constantinople près des Turcs , il n’

y a plus de khédiv e

en Egypte , mai s un Sultan . Le Sul tanat d ’

Egy pt e fut

pro clamé pour rendre défini t ive la rup ture po li tique e t

dissoudre les li ens entre le khalif a t e t l ’Egypt e . Le sul

tan fut Hussein Kemal I“ ;le prince régnant actuel es t

Fouad l e r

Cependant il ne semble pas que les Anglai s aie nt

réu ss i à s ’ attache r les sympathi es égypti ennes . L’ accueil

ré servé par les Egypti ens aux Senoussistes pendant la

guerre mondial e, la néces si té pour les Anglai s de rem

placer le khédive , les émeutes d’

Alexandrie et du Cai re

sont autant d ’ indi cations contrai res . Il ne semble pas

non plus que les Egyptiens aient be aucoup pardonnéaux Britanniques les Labour Corps où des mill i ers

d’

Egypt iens ont travai llé sous le fouet pen dant la guerre .

En outre le président Wilson en écrivant les q uato rze

98 L’

I SLAM ET LES RACES

cé lèbre épisode de la Question d’

Orient . L’

Anglete rre et

la Russie tenaient au maintien de la Turquie la Francedut ab andonner son protégé . Malgré les vi ctoires de

son fils Ibrahim qui parv int devant Constantinople,Méhéme t Alid dut se contenter du khédivat d

Egypt e .

L’

Egypt e redevenait du moins un Etat .Le successeur de Méhém et Ali , Ismai l pacha , fit appel

à la France et à l ’Anglet erre . L ’ on peut dire même que

la France avait une situation privilégi ée en Egypte,où ses éducateurs , ses savants tenai ent la première place .

Mais en 1882, l’

Anglet erre fut seule à fourni r au khédive

régnant l ’ appui de ses troupes contre des insurrecti ons

depuis , les soldats britanniques n’

ont plus quitté l’

E

gyp t e peu à peu les Anglais ont remplacé les Français ,si bien qu ’ en échange de la reconnai ssance de se s droits

sur le Maro c la France a dû admettre en fait le

protectorat de l ’Anglet erre sur la vallée du Nil .

Depuis 19 14 , date à laquell e Abbas Hilmi resta à

Constantinople près des Turcs , il n’y a plus de khédiv e

en Egypte , mais un Sultan . Le Sultanat d ’

Egy pt e fut

pro clamé pour rendre défini t ive la rup ture po litique et

dis soudre le s li ens e ntre le khal ifa t e t l’

Egypt e . Le 1 e r sul

tan fut Hussein Kemal I er ;le prince régnant actuel est

Fouad I e r

Cependant il ne semble pas que les Anglai s a ient

réussi à s ’ attacher les sym pathies égyptiennes . L’ accueil

ré servé pa r les Egyptiens aux Senoussist es pendant laguerre mondiale, la nécessi té pour les Anglai s de rem

placer le khédive, les émeutes d’

Alexandrie et du Caire

sont autant d ’ indications contraires . Il ne semble pas

non plus que les Egyptiens aient b e aucoup pardonnéaux Britanniques les Labour Corps où des milliers

d’

Egypt iens ont travaillé sous le fouet pe nd ant la guerre .

En outre le président Wilson en écrivant les q uatorze

L’

ÉGYPTE ET LA TR IPOL ITA INE 99

points de'

son proj et de pai x n ’ avait sans doute pas

prévu quelle arme il donnait au monde musulm an , et

les plénipotentiaires alliés n ’ avai ent sans doute pas

prévu en les acceptant,quelles conséquences allaient

découler de cette utopie généreuse évidemment, mai s

peu en harmonie avec les réalités présentes . Le progrès

doit découler d’

une évolution , et dans le monde colonial

doit être la résultante d ’un bienfait du gouvernement

mais non pas un apport de l ’ extéri eur .

Quoi qu’

il en soit, le nouveau khédive d’

Egypt e , ap

puye par tout son peuple,sut faire comprendre au gou

v ernem en t b ri t ann1que que le pays réclamait son au

t onom ie . Le maréchal Allenby, commandant les forces

alliées en Sy rie-Cillcie£rentra au Caire en 1 9 19 , a lasuite de l

accord franco-anglais au suj et du Levant, et

remplaça sir ReginaldWingate comme Haut-Commissai reen Egypte . Une commission spéciale fut envoyée d ’

An

glet erre sous la présidence de lord Milner (19 1 9—20)pour étudier les moyens de faire concorder les aspira

tions locales avec les besoins du Royaume-Uni . Cettecommi ssion termina ses travaux (août 1920) sans grandsuccès . Mais quand bien même une entente serait ac

t ue llem en t réalisée, i l n’ en reste pas moins vrai que la

suprématie anglo-saxonne a ét é touchée . I l est prob able

que les Egyptiens sont encouragés par les Allemandset les nationalistes turcs . I l est à noter également que

Fouad I°r est offici er italien et fut candidat au trône

d’

Alb anie pour le compte de l’

It ali e ; même li vrés à eux

seuls , i l est hors de doute que l’ autonomie locale sera de

plus en plus réclamée par les Musulmans lo caux et qu’

ils

obtiendront leur self government L’

emprisonnem ent

du leader égyptien Zaghloul pacha et les démonst ra

tions qui suivirent ont montré que tout le peuple égyp

1 00 L’

I SLAM ET LES RACES

tien s ’ est rangé derri è re ses chefs . Les Anglais se main

tiennent par la force,mais en terre d

Islam la force est

bien, a condition de n

’ être qu’

une sanction . La force ne

doit pas empêcher la po litique d’

entente . Comment les

Anglais sortiront-ils de cette situation dangereuse , sur

tout maintenant que les prétendues victoires de Mous

tafa Kém al ont redonné confiance à l’

Islam Beaucoup

de sang sans doute coulera avant que la question égy ptienne ne soit réglée . Nous avons tout intérêt à ce

qu ’ elle le soit rapidement, car notre monde musulman

suit d ’un œil attentif ce qui se passe dans le Proche

Orient .

Cependant la politique avisée du maréchal Allenby

semble avoir rétabli provisoirement la paix : le m aré

chal a pu faire reconnaître par le Gouvernement de

Londres la constitution en Egypte d ’une sorte d’

E t at

indépendant,Etat dont les Britanniques gardent le

contrôle au point de vue militaire et économique . La

politique implacable de l’

Angle t erre dans le Pro che

Orient s ’explique facilement : le sol de l’

Angle t erre ne

produit pas suffisamment pour nourrir les Anglai s ;pour ce s derniers la route des Indes représente l a

route du b oulanger quiconque se dressera sur cette

route devra être écarté . S i l ’on veut bien se rappeler

ce concept,ou s

expliquera facilement les apparentes

contradictions de l a politique anglaise en Orient et

leurs conséquences .

I I . LA TR IPOLITA INE

Les Italiens sont débarqués à Tripoli en automne 19 1 1

(1 ) Je r em erc ie le Colon e l Brém ond d’

av oir b ien v ou lu m e

c on fi e r s e s n o t e s sur la Tripolit a in e e t t ien s à r endre homm ageà c e par fait c onna isseur de s cho se s m usulm ane s .

102 L’

ISLAM ET LES RA CES

On se trouve à présen t dans la situation suivante

En Cy rénaïque le souverain e st Seyyid Idris,grand

cheikh des Senoussia,qui va à Rome fréquemment.

En Tripoli t aine , les Musulmans arabes ont détruit

les Berbères ibadites du Dj ebel Ne fouça ,qui s ’ étaient

alliés aux Italiens : les Ital iens n’

ont a peu près ri en

fait pour les en empêcher .

Il s ’est réuni à Garian un congrès arabe (les Berbères

en sont exclus,c ’est—à-dire la maj orité de la population)

qui a eu une attitude peu amicale pour les Italiens .

Ceux—ci n’

oc cùpent que Tripoli , avec Tadjourah e t

Aïn Zabra comme avancées,Homs et Misrat a

,lequ el

vient d ’être réoccupé . La garnison de Garian a été ri se

(150 hommes) et vient d’

être rendue moins 12 officiers

gardés comme otages .

L’

It alie semble vouloir reveni r ces temps- ci à la m a

nière forte,et a fait réoccuper Mi srat a-Marine .

L’

It ali e n e veut pas faire la conquête de la LYb I Û ,

trop pauvre . Elle laisse toute lib erté aux chefs indigènes,

avec le droit de se servir du drapeau itali en,bien qu

’elle

n ’ait aucun moyen de contrôle ou d ’action ; ce q ui

amènera de s difficultés évi dentes avec le s Françai s de

Tunisie ou du Tchad et le s Anglais d ’

Egy pt e .

Elle se propose par cet acte de lib éralisme,qui mar

que son impuissance , d’

attirer à elle toute l ’opinion

musulmane .

Le député G . Sanarelli (I llustrazione Colon iale , août1919) écrit

L’

orgue il de race des Anglais et des rançais ne

leur permettra j amai s de concevoir quelque chose de

semblable à la tutelle de la liberté arab e que nous avons

promise en 19 1 1 et qu ’auj ourd ’hui fi nalemen t nous

avons commencé à réaliser (après 8 ans

L’

ÉGYPTE ET LA TRIPOL I TA INE 103

Ce qui devra unir les deux nations italienne et arabe,c e

sera le programme politique vraiment islamique de l alutte contre le désert au moyen de grands travaux hydrauliques consistant à dériver vers le Nord par un

nouveau Nil,l ’eau des lacs équatoriaux

L’

It alie espère des compensations orientales ; s o n

rêve est de se faire la servante du panislamisme e t d’

e n

tirer sans frais les profits .

La France a montré dans l’

Afrique du Nord la vraie

politique à suivre . Elle s ’est laissée entraîner en Orientpar l ’exemple de l ’ It al ie . Lionello de Benedetti a ré

pondu à ces rêves illogiques : Comment les indigènes

peuvent—ils croire que nous soyons les défenseurs qua

lifiés des droits des Musulmans dans le monde des na

tions,alors que nous n

arr ivons pas seulem en t à nous

fa ire respecter d’

eux—m êm es dans notre propre colon ie,

dans un terri to ire soum is à la souvera ineté i talienne

(Lo Statuto dell a Tripolitania e della Cirenaica) .Le danger des rêveries ital iennes

,c ’est qu

’elles sont

basées sur la fin de s colonies européennes en pays m u

sulman à bref délai . Au premier soulèvement,d ’ailleurs

,

tout l eur château de cartes s’

écroulera,puisqu

’ ils sont

hors o.

ét at,de propos délib éré

,de se d éfendre . C ’est l e

retour pur et simple à la situation des puissances chrétiennes vis-à-vis des pirates barbaresques ou ottom ans

avant 1815 on sait ce qu’elle a été . L

It alie elle-mêmes’

en rend compte et maintenant que sa désorganisationsociale s

at t énue,ell e recommence à sentir la nécessit é

de faire senti r sa volonté en Tripolit aine : ce qu’elle y

a fait de 1 9 15 à 1 921 est un simple défi au bon sens,

et ell e y a gaspill é en utopies des sommes plus élevées

(1 ) Un e M iss ion en Tr ipoli ta ine, par Cam ille Fidel .

1 04 L’

I SLAM ET LES RACES

que celles qui auraient été nécessaires pour obtenir un

résultat sérieux

Actuellement,l’

Agence Reuter publieMalte

,22 mai 1922 .

Les Italiens ont déclanché en Tripolit aine une grande

offensive contre les Arabes rebelles . Les forces italiennes

sont composées principalement,semble—t — il

,de levées

locales,d

Ery thréens , renforcés par quelques régiments

italiens . Le s opérations sont sous la direction du général

Badoglio . Les Italiens emploient de nombreux avions

de bombardement et infligent par ce moyen de lourdespertes à l ’ennemi .

Tôt ou tard,une réaction semblable devra se faire

en Orient,e t il faut rendre ce tte j ustice à la politique

anglai se qu’

elle aura été la seul e à ne j amais se laisser

leurrer par d ’autres espoirs .

(1 ) Il e st à n o t er qu e le che ikh Idriss, grand che f apparen t

de s Sen ou ssis , su it t ou j our s le s dire c t iv e s du Gran d Sen o ussipar ti en Turqu ie pendan t la gu erre m ondiale e t ac t u ell em en t en

lia ison dire c t e av e c Moust a fa Kem al e t Env er pa cha .

1 06 L’

ISLAM ET LES RACES

Afriky a ou Ifriky a , les territo i res dépendants d e l’

an

cienne Africa . L’

l frikya des auteurs musulmans com

prend d’ après les dénom inations actuelles , les ré

gences de Tripoli et de Tunis , la partie orientale de

l’

Al gérie j usqu’ à Miliana , l

Egypt e dont l’histoire est

unie à celle de l’

Asie Mineure , restant à part . Le Maroc

actuel,ou Maghreb el Aqca , c

est-à-dire le Couchant le

plus éloigné, ne fut j amais soumis par les Arab es et

resta la forteresse de la race berbère .

LA NATI ON BERBÈRE AV ANT LÎ SLAM I SM E .

1 0 E thnographie et religion . Quelle est cette race

b erbère dont le renom d’

indépendance, de fierté, d’

oe i

niât ret é, s’ est conservé j usqu ’ à nos j ours Quelle est

cette nation dont l ’histoire , d’

après Ibn el Khaldoun,

est celle de l ’Afrique du Nord , cette race qui , sur les

pentes de l’

A t las marocain , s’

oppose encore à l’

avancée

de nos soldats

On ignore trop souvent dans le public quels sont les

groupements ethniques qui se sont fondus dans le creuset

de l’

A frique du Nord .Pour ceux qu i ne se sont pas livrés'

un peu à l’

étude desMusulmans d’

Af ri que , Turcs , Arabes,Berbères , Maures , sont des désignations sans valeur pro

pre , alors qu’ au contraire ces dénominations recouvrent

des types , dés peuples bien différents . En dehors deconquérants musulmans arabes , turcs , bien d

’ autr es

envahi sseurs les ont précédés , les ont accompagnés, les

ont suivis dans le bassin méditerranéen . Passant rapi

dement comme un flot destructeur, ou s’

inst allant dans

les régions conquises , ces peuples o nt laissé des traces

en Afrique du Nord .

L ’AFR IQUE DU NORD ET L’

I SLAM 107

S Il existe une région dans laquelle les mouvementsmigrateurs ont agi sur l

ethnographi e locale, c’ est sans

nul doute en Ifriky a, au Maroc , où se rencontre une

mosaïque de types ethni ques , résultant de la juxt aposi

tion e t du contact des races .Jusqu ’ à nos j ours , on a basé l

étude de l ’ e thnographi e

sur les div ersificat ions des types physiques , crânes plus

ou moins allongés , arrondis , poils , cheveux de diffé

rente couleur, pigmentation , structure et autres ca

ract ères purement matéri els . Ces bases étaient sans

nul doute suffisantes à la limite de la préhistoire et de

l ’hi stoire , lorsque les ty pes ne s’

étai ent pas encore m e

langés, lorsque les cerveaux de l’

humani té apprenaient

encore à penser, bégayaient en des embryons de phrases

des embryons d’

i dées . Mais à l’

heure actuelle, il serait

peut être nécessai re d’ appliquer une autre classification ,

tenant compte du m oral,du mental pour la création d’

un

nouveau type ethnique . En effet les idées, les mœurs,les

coutumes, la langue, la religi on , m odifient lentement,mai s inéluctablement, un type déterm iné , lo rsqu

il se

trouve en contact avec un autre type plus avancé que

lui en civili sation .

C’

est ainsi que l’

e thnographie de l’

Afrique du Nord

a é té modifiée par un élément extérieur, par la religio n ,l’

islamisme . Jusqu’ à l ’ expansion du musulmani sm e dans

le bassin occidental de la Méditerranée, les invasions

successives des armées venues d’

It alie ou d’

Asie , le s

hordes venues d’

Espagne , de l’

Europe nordi que , avai ent

conqui s le Maroc, l’

Ifriky a , mai s n’

avaient eu qu’

une

influence relat ive sur les races aborigènes . Au con traire

l’

Islam”ni veleur, égalitai re, après s

’ être imposé par l a

force des armes avec son code religieux, politique, so

cial , a pénétré peu à peu les populations , les a modi

108 L’

I SLAM ET LES RACES

fiée s plus ou moins sensiblement dans leurs habitudes ,leurs coutumes , l eurs mœurs . La communauté de reli

gion , de convictions profondes ou superficielles , a per

mis aux Sémites , Arabes et Syriaques , de se mêler plus

facilement aux Berbères , aux Romano—Berbères de l’

Afri

que du Nord . L’

Islam a fondu ainsi dans un même

creuset tous les restes des migrations passées , a réussi ,mieux que le christianisme , à la formation d

’ un type

nouveau qui , s’ il ne présente pas un type réellement

ethnographique, est néanmoins nettement caractérisé

le Musulman de l ’Afriqu e du Nord .

Comment s ’ est faite la création de ce nouveau type

La désignation de l ’ Ifriky a par les auteurs musulmans

nous donne la marche à suivre pour l’

étude hi storique

de ces régions . Nous devrons étudier l’

Egypt e séparé

ment, puis l’

l friky a avec la Tripoli t aine disputée entre

elle et l’

Egypt e , le Maroc dans ses luttes avec l’

Ifriky a ,

le Maroc auquel par suite d’une série de circonstances

politiques , doit se rattacher l ’Espagne .

20 Les or ig in es de la race berb ère . L’

Ifriky a et le Ma

roc, qui dans l’

Ouest continuent l’

Egypt e et la Tripoli

taine, sont les fiefs de la race berbère . Il est diffi cile de

connaître les origines de la race berbère . Qu ’ elle ait été

formée de deux groupes humains , l’un venu du Sahara

vers le nord , l’ autre de L‘Eur ope méridionale vers l e

sud qu ’ elle ait été modifiée sur les pent esse pt en

t rionales de l’

At las par un apport de blonds partis du

nord de l ’Europe , par des Ibères , il n’ en reste pas moins

(1 ) V . Tisso t , Gé0 graphie compa rée de la prov ince roma ine

d’

Afr ique , 1 888, t . I , p . 402 .

1 10 L’

I SLAM ET LES RACES

les peuples de leur race . Sédentaires , semi —nomadesou nomades , célèbres dans l

antiquité par leur aptitude

au commerce et leur esprit de négoce , ils se divisai ent

en tribus dont les rivalités j oi ntes à celles des clans

(co i s) , aux ambiti ons particuli ères des chefs locaux ,

empêchèrent de tous temps l ’ établissemen t d ’une gran

de nationalité indigène (1 )En e ffe t , les Berbères , monogames , ont le sentiment

de l’

individuali sme poussé au plus haut degré . S ’

ils

acceptent, pour la court e durée d’

expédit ions de guerre

ou de pillage, l’ autorité précaire autant que tempo

raire de chefs désignés par le choix (amrars) , il s rev ien

nent bien vite à leur état anarchique de trib us , de clans ,de familles , divisés à l

’ infini , très fermés , j aloux les uns

des autres , soumis quand il leur plaît à l’unique direc

tion d’

assemb lées bruyantes , appelées dj em aas .

L etat social anarchique des Berbères a causé le succès

des conquérants qui se succédèrent en Afri que du Nord ,Carthaginois , Romains , Byzantins , Vandales , Goths,Musulmans . Cependant le particularisme, le caractère

de la race sont tels que j amais les Berbères n’ ont été

réellement entamés par les envahisseurs . Devant ces

derniers , ils refluaient dans les montagnes diffi cilement

accessibles , se reformaient derrière l ’assai llant par un

retour offensif, maintenant leur indépendance par un

mouvement perpétuel de flux et de reflux . C ’ est p our

quoi , s’ il s ’ es t créé sous la domination latine un type

romano—berbère c ’ est moins par méti ssage que par

(1 ) V . Poin sard, op c it . , t . 1, Las Ber bères .

(2) V . Le S t A ugus t in d e M. Lo uis Ber t rand (Fay ard ,

po ur un e b e lle r e co n st it u t ion de la v ie so ciale rom ano -b erb ère .

J . Campardou e t P.-J . André, Notes his tor iques sur Taza , dans

le Bulle t in de l’

Afr ique frança ise , sept em b re 1 91 5 .

L ’AFR IQUE DU NORD ET L’

I SLAM 1 1 1

une influence de l’

esprit latin chrétien sur le Be rbère ,prenant dans la civili sation offerte ce qui lui semblait

convenir à ses goûts . Il n’

est pas b esoin que les sangs

soient mélangés pour que l’ influence d ’une race sur

une autre se mani feste l’

esprit d ’une civili sati on influe

sur la race la moins civi lisée . C’

est en ce sens qu’

exi sta

une modification du Berbère autochtone par la ci v ili

s ation romai ne . Massinissa déj à avai t rendu sédentairesses nomades d

ailleurs en dehors de son influence mo

ral e , Rome envoya des colons . On a évalué arbitrairement l a population romaine pure en Afrique à 4 mi l

lions d’

âm es au moment de l’ invasion vandale . Il est

à noter qu’

act u ellem ent les Européens du Nord: Afri quefrançais sont plus d

un million en face de 9 millions

d”indigè nes et forment ainsi en moins d

’un siècle le

dixi ème de la population . Le Berbère , cependant,conserva sa manière de vivre, ses mœurs , ses coutumes

sous la domination romaine, et réagit contre elle dès

qu ’ il lui fut possible de le faire .

40 Les B erbères et le chr istian ism e La preuve en

fut donnée lorsque l’

autorité des Césars commença à

décroître aux derniers siècles de l ’ empire . Le s Berbère s

s ’ étaient convertis au christ ianism e ,m ais leur obéissance'

aux dogmes ne fut j amais par faite . Ils embrassèrent

surtout les doctrines hérétiques du donatisme (1 ) et de

(1 ) D ona t isme ,du n om de l é v êq ue de Car t ha ge Dona t 80 11

hérésie s’

ab a t t i t presqu e ex c lusiv eme n t sur l’

église d’

Afr iqu e e t

fu t c on dam n ée a u c on c ile d’

Hippon e . Elle fu t c om b a t t u e par S t

Au gu st in , e n 400 . Le s Don a t is t e s se fa isa ien t de l’

Eglise une n o

t ion e x clu siv em e n t sub j e c t iv e . L’

Eglise n’

a d’

ex is t e n c e rée lle qu e

dan s l’

âm e d e s Just e s . L’

e ffic a ci t é de s sacrem en t s dépen d des dis

posi t ion s d e c e lu i qu i le s donn e . Tou t péche ur n e fai t pa s par t ie del’

Eglise . Le s Don a t ist e s form èren t d e s b ande s fana t iqu e s (Circo nee llion s ) qu i m iren t la prov in ce d e Car t hage à fe u e t à sange t furen t réprim és av e c la dern i ère rigu eu r (Edit s de 414-428)

1 12 L’

ISLAM ET LES RACES

l’

arianism e c etait un moyen d ’ affirmer leur parti

cularism e , leur désir d’ autonomie , d

’ indépendance , par

opposition aux enseignements officiels des gouvernants .

Il serait intéressant de vérifier si le concile d ’

Hippone

(330 ap . J —C. ) n'

a pas conservé les noms des 70 évêques

chrétiens d ’

Afrique du Nord pour savoir si en partie

leurs évêchés ne coïncideraient pas avec des dj em aas

berbères Des chrétiens indigènes résidèrent à Tunis

jusqu’

â l epoque de Charles—Quint . Un évêque chré t ien

(1 ) Ar ia n ism e . Du n om de l é v êqu e Ariu sf On lsav a i t pa r lesliv re s sac rés, par l

his t o ire , que Jésu s-Chris t 1 0 e s t homm e ;2° e s t fils de D ieu . Beau c oup d

hérésie s son t n ée s au déb u t du

Chris t ian ism e , de la t en t a t iv e de c on c ilier , d’

expliqu er c e t t e an t in om ie e t de form u ler le do gm e .

1 ° Le s Pho t in iens disaie n t Jésu s e s t n é homm e , m a is e n su i t eD ieu l

a adop t é e t ain si i l e s t de v en u Chris t e t F ils de D ieu . »

D’

où a t t aqu e s v iv e s de s Père s . Alors le s Arien s e ssay èren t deprendre u n e n ou v e lle e t m e illeure po si t ion .

2° Le s Ar ien s c on cèden t qu e le Fils de D ieu a ex is t é av an t

l’

in c arn a t ion , m ais seu lem en t c omm e un e créa ture prem ière e t

supérieure e t par qu i d’

a ille urs t ou t le re s t e eu t ét é c réé

(Théo logie dogm a t iqu e de Christ ian Pe sch . 8 . J . D e ver boinca rna to D e personae div ina e e t na tu ra e humana e in Chr istoun ione . )3° Con t r e le s Arien s , le s polém iqu e s de S t Athan ase , de S t Ba

sile , de S t Grégoir e de Na z ian z e am èn en t la form u le o r t hodox e

Un ion de s de ua: na tu res , div in e e t hum ain e , m a is e n une se ule

person ne div in e , la 2° pe rsonn e de la Sain t e Trini t é .

(2) Le s re s t e s du chris t ian ism e sub sis t ère n t dan s le s m on t a

gn e s de l’

A t las ju squ’

au règn e d’

ldriss (v ers 804 ap . J .-C. ) e t

m êm e au de là . Ib n e l Khaldoun parle de s Chré t iens b e rb ère s,m a is nous n

av on s pas de donn ée s précise s (V . No tes his tor iquess ur Ta za , Afr ique fra n ça ise , sep t em b reAu m om e n t où le s Fa t im ide s fonden t le Ca ire , il ex ist ai t en

Ifriqy a c inq év êqu e s en fon c t ion s . El Calaa ét ai t peuplée dechrét ien s Berb ère s . Au X i e siècle les Hamm adi t e s en t rèren t en

re la t ion s av e c le Sa in t —Siège pour a t t irer che z eux le s comm e r

can t s chrét ie ns .

Somm e t ou t e le s m auv aise s re la t ion s de la Berb érie av ec lachrét ien t é sem b le n t da t er de s a t t aqu e s por t ugaise s e t e spagn olese t de l

arr iv ée de s Turc s en Afriqu e .

1 1 4 L’

I SLA M ET LES RACES

villes de la Tunisie actuelle, mai s il s furent rapidement

absorbés dans cette contrée par les mas ses qui les en

t ouraient .

Tout autres furent les Byzantins . C’

est un e curieuse

histo ire que celle de cette ville où se réfugi èrent les

derniers re stes de l’auto rité de s empereurs latins . Lors

que Rome fut tombée sous les coups des Barbares, la

ville où s ’ était consacré le double de la divinité césa

rienne, la Rome orientale , la fastueuse Byzanceresta l ’unique héritière de la domination impériale .

Placée comme un brise- lames en face de la marée

asiatique, elle résista tour à tour à tous le s remous , a

tous le s flux , à tous les reflux , à tous les flots mon

tants partis de l’

Asie centrale, tenta même de main

tenir les droits de la Rome antique sur le bassin medit e rranéen . La tradition impériale explique les tenta

tives fai t es par les Byzantins pour reconquér ir le do

maine afri cai n des Césars . Mai s cet essai louable de

résurrection de l’ impéri ali sme latin ne réussit qu ’à main

tenir des gouverneurs , des soldats un peu plus long

temps dans les places fortes de l’

Afrique du No rd .

Lorsque les Arabes , après s’

être heurtés au nord à l’

im

prenable Byzance, détournèrent leur flot envahi sseur

ve rs l ’Ouest , ils n’ eurent aucune pe ine â chasser d

Afri

que les faibles force s des comtes byzantins qui n’

avaient

eu ni le temps, ni l’ autorité nécessaires pour affermir

leurs relations avec les Berbè res .

En résumé, la nati on berbère reçu t de Rome la civilisation chrétienne qu i ne put se maintenir, se deve

lopper en Afrique du Nord par suite de la dég énères

cenc e de l ’ emp ire romai n , de l’

aflaib li ssem ent du pou

(1 ) Ku r t’

n , H is to ire de la Civ il isat io n , Byzance .

L ’AFR IQUE DU NOR D E T L’

I SLAM 1 15

v oir ce ntral, des schismes du chr istiani sme . E nfin la

ruée des Barbares , qui dét ruisit le cerveau directeur,favorisa le réveil de l

indépendance des Berbères ; ce s

de rni ers rev inrent â leurs anciennes croyances qu’ ils n ’

a

v ai ent pas eu le temps ni le voul oi r d’ oublier p endan t

le court règne du christianisme . Ils retr ouvèrent na

pi dem ent leur état anarchique antéri eur, sans être

c apables de créer une grande nationali té indigène . Mais

d e cet te époque troublée de c es invasions, de ces

guerres se succédant sans répit , da te la ruine , le dé

peuplement de cette province rom aine j adis si

pro spère, état lamentable dans lequel elle est rest ée

ju squ’ à nos jo urs .

LA CONQUÊTE MUSULMANE V ER S L ’ OUEST .

1 0 La conquête ara be en I fr ikya Au moment où

le s Arabes envahissaient la Cy réna1que , la Tripolit aine

e t att eignai ent la Tunisie actuelle, les Byzantins avaient

ramené leurs garnisons dans les villes de la côte, les

Berbères étaient divisés en états indigènes ayant cha

cun leur organisation propre . Le christ ianism e ,qui avait

domin é à la fin de l’ occupation latine , se perdait dans

les discussions stériles de l’

arianism e et du donatisme

Le premie r rai d arabe dans le sud de l’

Ifriky a eut

lieu en 647 ap . J .-C . (25 de l

Hégire ) . La conquête de

Il e s t à rem arquer q ue l’

arian ism e fu t alo rs la form e d om i

.n an t e du chris t ian ism e . C’

e s t Clov is, le j er e n Gaul e , qui s e fi t

chrét ien rom ain pour se c on ci lier les év êqu e s . Burgondes , Go ths,V and ales, Lom b ards, Berb èr e s, ét ai ent ar iens . C

e st c e q ui e x

pliqu e le su cc ès de l ’ Islam qu i , re connaissan t Jésu s c omm e un

proph è t e , n’

appor t ai t av ec Mahom e t qu’

un pr 0phè t e de plu s,un e r eligion sim pl ist e e t un m oyen de la t t e c on t re les dom in a t eurs .

1 l6 L’

I SLAM ET LES RACES

709 à 713 n ’ eut rien de désordonné comme l m v asion

qui suivit au x re siècle . Elle fut eff ectuée par de v éri

tables armées bien organisées , bien commandées , en

v oy ées par les khalifes , souverains alors incontestés

de l ’ Islam . En 669 , Abdallah parcourt l’

Est de l’

Ifriky a,

fonde Kairouan . Sous des généraux tel s que Sidi Okbaben Nafi, célébré encore auj ourd

’hui dans les légendes

algériennes et marocaines , Moussa b en Nou‘

ir ou Nou

sai r, les troupes des khalifes refoulèrent les autochtones

dans la montagne , détruisirent sans peine les faibles

forces des comtes byzantins . Les Berbères , sous le com

mandement de Koce ila , chef de la tribu des Aoureb a,furent défaits , et se convertirent à l

Islam , obligés par

le glaive de se soumettre à la loi du Prophète de La

Mekke . En 705 , Hassan , gouverneur de l’

Egypt e , con

quier t définitivement la B erb érie , prend Carthage dont

la chute marque la disparition de la domination b y zan

tine en Afrique du Nord . Les Berbères luttèrent encore

quelque temps , notamment dans l’

Aurè s sous le com

mandement de leur reine restée fameuse, la Kahenah ,

mais ce fut sans succès .

2° Con tinuation de la conquête d’

Espagne . Enl’

an 665 , Abdallah , poussant son cheval dans l’

At lan

tique, s’

était écrié : Tu le vois , 6 Dieu , la mer seule

m’

arrête En 706 , Moussa prit Tanger . Pour renforcer ces contingents , le général profita de l

e3pri t

guerrier des indigènes , de leur amour du butin , pourenrôler les Berbères marocains sous les ordres d ’un

nommé Tarik . La trahison du comte Julien à Ceuta

(1 ) V . Ro is ca tho liques , d’

Isa belle ! re à Philippe I I . Par is ,Grassar t , 1895 , p . 1 4 .

1 18 L’

I S LAM ET LES RACES

v asion arab e, afi aib li t les forces musulmanes en les

détournant de la conquête par la nécessité de soumet tre

le s révoltés et sauva sans. doute l’

empire des Francs

contre lesquels les khalifes ne purent envoyer des

renforts , des généraux , pour venger l’

échec de Poitiers .

Les Arabes n’

insist ai ent j amais sur un premier re

vers, ne s

acharnaient pas s’

ils voyaient le succès im

mé diat impossible , revenaient en arrière pour repartir

plus forts et rompre la résistance sous le nombre e t la

valeur . La tactique hab ituelle ne put être employée

en Gaule par suite de la révolte berbère ; cependant

pendan t de l o ngues années , les Sarrasins se m ain

tinrent dans le m idi de la France actuelle , remontèrent

la vallée du Rhône j usqu’ au département de l

A in (1 )d ’ auj ourd ’hui , livrèrent aux chevali ers chré ti ens des

combats sans nombre dont les récits emplissent le s lê

gendes, les chansons de geste des temps moyenâgeux .

Ayant échoué par la tr ouée de Poitiers,les Musul

mans de la Sept imahie remontèrent la vallée de la Saôneon les vit a Dij on et a Lyon qui fut pris e t brûlé .

Charles—Mar tel reprit Avignon , rempo rta une victo ire

sur la Berre,mais échoua devant Narbonne (735 Les

Arabes reconquirent Arl es en 737 et oc enpèrent la Pro

vence . Charles—Martel et le ro i de s Lomb ards,Lu i tprand ,

l es b attirent en 739 . Mais le royaume de Fraxine t,près

Saint-Tropez,se mai

ntint indépendant ; en 942 ces

Musulmans s ’emparaient encore de Fréj us et de Te ulon

(1 ) Pon t -de—Vau x a c omm e arm e s u n c roi ssan t d’

arge n t sur

fond d’

a zur . Fau t il v o ir dan s c e fai t un e in flu en c e sarrasin eAprès Po i t ie rs , de s Mu su lm an s se fix è ren t au ssi , paraît

—il, dan s la

région de Chât eauro ux . Ils se c on v er t ire n t plu s t ard au ca tholi

c i sm e e t fondèren t l ’ab b ay e de Deals . Dan s le pay s le s ha b i t an t sde ce t t e sor t e so n t e n c ore con sidérés c omm e de sc endan t s de s

Arab e s e t appelés Tu rqa in s

L ’AFR IQUE DU NORD ET L’

i SLAM 1 19

e t pénétraient j usqu’en Suisse où arrivaient les Hon

grois par l’

Est .

A l ’ orient de l’

Europe , Byzance avai t arrêté la ruée

arabe , avait forcé l’

Islam à trouver une autre route

pour so n expansion à travers le monde . Les Musulmans

avaient alo rs reflué en Afrique, avaient atteint de nou

ve au l’

Europe à l’

Occident par un chemin détourné

le l ong de la Médite rranée . Mais leur passage à travers

des peuplades belliqueuses afi’

aib lirent l eur puissance

guerrière , les livrèrent loin de leur base, diminués , et gênés

déj à par leurs conquêtes m êm e s,à l

’ effort d ’un peuple na is

sant , plein de valeur et de loi dans sa destinée . Mais

qu e se serait-il passé si la vague islamique ne s’

était

pas heurtée de 673 à 7 17 à la digue byzantine si

l’

env e loppem ent dé l ’Europe tenté par l’

Est et pa r

l’

Ouest avait réussi La Germanie qui eu t tant de mal

à se débarrasser de l ’ in fluence byzantine conquise,

aurai t eu encore plus de mal à se lib érer de l’

emprise

musulmane . L ’histoire du monde était changée . Les

Byzantins , les Francs de Charles-Martel ont donc un

rôle égal dans l’

endiguem en t de la grande poussée islamique . Les uns et les autres ont permis à la civilisation

chrétienne , moderne, de devenir ce qu’ elle est dev enue .

LUTTES POUR L’

INDÉPENDANCE BERBÈRE .

1 0 Le prétexte religieux .— L elan arabe une fois rompu

p ar suite de l’

arrêt général de l ’ expansion en Occident et

e n Orient, les Musulmans manquèrent du souffle nécessaire pour reprendre la conquête de nouveaux pays .

(1 ) Le s Turcs prir en t b ien By zan c e , m ais à c e t t e ép oqu e l’

un i t é

islam i qu e é t ait rom pu e .

(2) V . Ku r th, H is to ire de la Civ ilisa t ion . Byzanc e . Les Germa ins .

120 L’

ISLAM ET LES RACES

Guerriers,nomades par nature , pas assez nombreux

pour organiser,adminis trer les régions soumises , ils

ne purent longtemps mainteni r leur domination sur

des populations aussi particularistes que celles de l’

Afri

que du Nord . Les Berbères se laissèrent un instant en

traîner à la suite des Arabes par l’

amour du pillage e t

du butin , mais , même convertis à l’

Islam , revinrent

bien vite à leur chère indépendance .

Comme dans tout le monde musulman , l m fluence

d ’une race va s ’ imposer à l’

islamisme , l’

ent raîner dans

son évolution particulière . Dès que les Berbères com

m encèrent à réagir contre le pouvoir central des kha

lifes , l’histoire de l

Afrique du Nord , comme dit Ibn el

Khaldoun , n’ est plus que celle des tribus qui tour à

tour s ’ emparent de l’

autorité .

Les mouvements politiques eurent d ’ailleurs presque

touj ours comme prétex tes des agitations religieuses .

De même qu ’ ils avaient opposé à l ’ orthodoxi e chré

tienne les doctrines hérétiques de Donat et d ’

Arius,

de même, les Berbères opposèrent a l’ orthodox ie m u

sulm ane de leurs vainqueurs les allégations dissidentes

du kharedj ism e d ’ abord , du chy ism e ensuite , moyens

de ne pas reconnaître l’

autorité temporelle de s khalifes ,en récusant leur pouvoir spirituel . Comme l

imam at

consiste en la réunion de ces deux pouvoirs en un seul ,les Berbères avaient une ex cuse, une base toute trouvée

pour revendiquer leur indépendance à la faveur de

l’

añaib lissem ent du pouvoir des Souverains Pontifes del’

Islam .

20 L es révoltes con tre les gouverneurs arabes . Jus

qu’

en 1’

année 800, la Berb érie fut soumi se à l’

autorité

précaire de gouverneurs arabes , nommés par les kha

1 22 L’

i SLAM ET LES RACES

dans la région aprè s le passage de s armées musulmanes

organisées . La race indigène, dont les révoltes sans nom

b re contre les gouverneurs des —khalifes indiquaient

l ’ agitation profonde , tendait à recouvrer son antono

m ie . Cette réaction eut son aboutissant dans le mou

vement fat im ide devant lequel disparut en 909 le de r

nier des Aghlabites .

3° Les‘

F ai im ides . Le troisi eme imam caché chyi

t e vivait au IX e siècle en Syrie (1 1 1 e et I v e siècle de

l’

Hégire ) . Son fils Ob éid Allah résolut de lutter contre

les orthodoxes p our reprendre l ’ autorité souve raine

usurpée par les khali fes aux dépens des descendants

d’

Ali . De tous temps , les Berb ères d’

Afrique avaient

reçu avec enthousiasme les membres de s grandes i a

milles arabes en rébell ion con tre le s khalifes , Om ey yades

ou Idrissid‘

e s . Il en fut de même lorsqu’

Ob éid Allah ,descendant du Prophète par sa fille Fatima et son

gendre Ali , d’

où le nom de Fat im ide s donné à la dynastie , vint au x e siècle prêcher la guerre contre les

Orthod ox es au nom du chyi sm e . Les Berbères ne man

qu èrent pas cette fois encore l’ occasion offerte de chas

ser les Arabes de l’

Afrique du Nord , sous le prétexte

de lutter contre l ’ orthodox ie

La B erb érie croyait à la venue d ’ un mahdi . Ob ei d

Allah devint l ’ apôt re des Berbères qui , groupés sous

les ordres de son lieutenant Abou Abd Allah, oommen

c è rent par résister victorieusement aux Aghlabites de

Kairouan, finirent par les renverser du trône sous la

condui te du mahdi arabe . Le mouvement fat im ide ,

a ppuyé sur la tribu berbè re des Ketama, représente

(1 ) v . v . Pique t , op . c i t . , p . 95 e t 1 02 .

L ’AFR IQUE DU NORD ET L’

I SLA 3I 123

une réa ction de l’

indépendance b erbè re , défendue par

des soldats berbères , contre le conqu érant oriental .

Dès lors,l’

Ii riky a fut gouvernée par des princes d’

on

gin e arab e sans doute , mais de tendances franchement

berbères . Ce fait explique les luttes continuelles que les

Fat imi des berbères chy it e s engagèrent contre le s kha

lifes de Baghdad , arabes et sunni tes . On di rait que la

Berb érie à peine délivrée du j oug de l’

env ahi sseur n’

o se

pas encore confier ses destinées à des chefs de son sang .

Ses hésitations , son manque absolu de foi en se s ran

des fam illes, lui font prendre un moyen terme : avoir

des princes arabes à tendances poli tiques berbères , j us

qu ’ à ce que—par la force de s choses , la Be rb érie puisse

se diriger avec ses propres forces .

Obeid Allah reçut la soumissi on de toute la B erb érie ,cell e de la région de Fez où régnai ent les Idrissides

Les successeurs du mahdi , après avoir lancé leurs tribus

fidèles sur le Maroc révo lté , soum i s le s rois de Sij ilm asa ,

Tiharet , se retournèrent vers l’

Ori ent , soumi rent l’

E

gypt e où El Moezz transporta le siège de son gouverne

ment , l oin de l’

orthodoxe Kairouan , dans une nouvell e

vill e qu ’ il nomma El Kahera , la Triomphante, le Cai re .

Le Fat im ide laissai t le commandement des tribus b er

b è res aux chefs des tribus soumises , comme faisaient

déj à les Romai ns . L ’

Ifriky a échut en lot au Sanhadj a

Bologuin ben Ziri . Le s Berbères , sous les Fat imide s, ré

gnai ent dans leur pays : mais avec le nouveau régime

c ’ est une autre tribu que celle des Ketam a , la tribu

des Sanhadja , qui prend la suprématie en l ffiky a et

donne nai ssance à la dynastie nouvelle des Z i r ides .

4° Les Z irides . Ce Bologuin étai t le fils d ’un mara

bout vénéré , Ziri b en Menad , qui a donné son nom à la

1 24 L’

I SLAM ET LES RACES

dynastie des Ziride s . Gouverneur de l’

Ifriky a pour le

compte des Fat imide s résidant en Egypte, le Sanhadj iessaya naturell ement d

’ établir son indépendance . Les

Fat im ides suzerains étaient Chy it es . Bologuin et ses

successeurs tirèrent parti de l’

opposition religieuse pour

grouper autour d ’ eux les indépendants b erbères . Ils

se posèrent en soutiens de l’

orthodoxie contre le chyi sm e

fat imi de . Rapidement se j oigni rent aux Zirides, les Berhères qui , pour retourner à leur indépendance, par hai ne

de l’

étranger, ai dèrent les nouveaux champions de la

foi sunnite à se séparer des souverai ns du Cai re .

Le chy ism e disparut ainsi de l’

Afrique du Nord . L ’ or

t hodoxi e resta seule maîtresse de ces régions . En effet ,dans les siècles qui suivirent, les Berbères n

’ eurent à

lutter qu e les uns contre les autres , comme avant l’

Is

lam . Quand les Turcs apparurent , les indigè nes n ’ eurent

pas b esoin de se baser sur une secte dissidente pour

j ustifier la guerre : les Turcs avaient rompu la trans

mission légale de l’

im am at , leur sultan n’ était même

pas reconnu comme imam par la maj orité des Sunni tes .Ils ne pouvaient donc se poser en soutiens de la foi ,en souverains légaux de tous les Musulmans . Avec le

chy i sm e éclairé des Fat im ides, disparut de l’

Afrique

du Nord la tolérance envers le s Chrétiens . L ’

int olérance

devait apparaître plus tard , après les combats avec les

Portugais , avec les Espagnols , s’

affirmer après l ’ arrivee

des Turcs .

Les Sanhadja , devenus les maîtres de l’

Ifriky a avec

les Zirides, fondèrent deux royaumes celui du sud avec

Kai rouan et El Mehdia , celui du nord avec El Q elâaet Bougi e . Le royaume du sud disparut bientôt sous

les coups des Normands de Sicile et des Arabes venusd

Orient .

126 L’

I SLA M ET LES RACES

e t du sang berbère, d’

une façon plus ou moins complète

suivant les régions, action sensible surtout dans les

plaines . En même temps , les mœurs , les coutumes des

Arabes dont le code éta it l’

Islam , s’

in troduisiren t da

vantage par cette fusion dans la nation berbère , favo

risant s inon sa pénétration , tout au moins son islamisa

tion . Certains groupes berbères s’

arab isè rent , mais , par

contre , cer taines tribus arabes , au contact d’

au t och

tones plus nombreux , se b e rb érisè rent , tout en influant

sur leurs voisins .

S i les autochtones firent d’

abo rd le vide devant les

envahisseurs , se réfugièrent dans les montagnes inac

cessibles à la cavaleri e de s nomades , ils te ntèrent, une

foi s le premier choc le plus néfaste évité, des

retours o ffensifs vers les plaines qu i se traduisirent par

l a formation d’

îlo t s d e ra ce a rabe au mili eu du flot

berbère .

L ’ in fluence des deux races l’

une sur l ’ autre se ma

nifest a surtout à la périphéri e de ces îlots , facilitée par

la communauté de religion , laquelle avait déterminé

un régime social assez semblable . L’

Islam , religion de

nomades , de semi—nomade s , de semi-s édentaires , con

venait aux Berbères qui t rouy ai ent dans les dogmes

coraniques la tolérance, la lib erté , nécessaires au libre

développement de leur particula risme . L’

Islam , de son

côté , favorisa la fusion ethnographique et so ciale. Il

s’

établit bientôt une espèce d ’ équilibre dans leque l trou

v è rent peu à peu leur place le s anciennes tribu s cou

pees , séparées les unes des autres d’ abord p ar la

ruée hilali enne , ensu ite par le retour offensif berb ère,équilibre maintenu à grand

peine par le tassement de

cette mosaïque de familles , de clans , de tr ibus , origine

de l’

anarchie actuelle de la Berb érie , impossible a com

L’

A FRi Q UE DU NORD ET L’

I SLAM 127

prendre sans l e t ude de ces grands mouvements de

peuples .

La deuxi ème conséquence de l’

i nvasion des Hilal et

des Sole im est d ’ avoir transformé l ’hi stoire poli ti quede l

Afrique du Nord . L’

éparpillem ent , le morcell eme nt

des tribus déterminèrent naturell ement l ’ anarchie po

li t ique . Les Hilal , les Soleim , venus par le sud , causère nt

la rupture de l ’ ancien ordre étab li , précipitèrent les

tribus berbères les unes contre les autres jusqu’ à ce

que chacune d ’ ell es eû t trouvé sa place , son territoire,ses terrains de parcours , ai t fait respecter, reconnaître

le nouvel ordre essayé . Mai s ces poussées successives

provo quèrent de grandes migrations qui renversèrent

les dynast i es régnantes , établi rent de nouveaux trônes

sur le s rui nes de s anciens .

L’

amour d es Berbères pour leur in dépendance, les

prétex tes religieux qu’ i ls invoquèrent pour les luttes

politiques ont donc ab outi à une transformation pro

fonde de l’

Afri que du Nord qu i s’ est islam i sée plutô t

par sui te de l’agitation berbère qu e par l

’ action directedes Ar abes . L ’

i nvasion hi laii enne est un événement

capital dans l ’hi stoire de la B erb érie , mai s cette entrée

en ligne d’

Arab es pil lards ne réussit cependant pas à

empêcher les Berbères de régner sur leur co ntrée . D e

nouvelles tribus deviendront souve raines , mais en som

m e , elles profiteront de l’ anarchi e pour établir de s

empires plus pui ssants qu e ceux qui av aient jusque-là

exi sté dans la B erb éri e .

LE S G RANDES DYNA STIES BERBÈRES .

1° Les dynasties de l’

Ouest. Le passage des pre

miè res armée s arabes réguli ères n’

avait fait subi r

28 L’

ISLAM ET LES RACES

aucune transformation à l’

Afrique du Nord . L i slam i

sation des Berbères se poursu iv it ,m ais avec une absence

de continuité déterminée par l’

action du kharedj ism e

et du chy ism e . L ’ invasion des Hilal , des Soleim , mo

difia profondément l’

état existant en Afrique du Nord .

Ce n ’ est pas que les Berbères se soient arabisés en grand

nombre ils b erb érisèrent plutôt les Arabes au point

de v ue ethnographique mais la poussée des nomadesdisj oignit, sépara , dislo qua le s groupements établis ,facilitant l ’ introduction des coutumes islamiques dans

le monde indigène . La religion , la langue même des

Arabes se sont ainsi introduites solidement en Afrique

du Nord ; de nouveaux groupes ethniques ont été for

m ês, mais l’ esprit b erbère e s t resté le même .

Les Hilal , les Soleim furent moins des acteurs quedes spectateurs dans les luttes pour la souveraineté .

Ce sont touj ours des Berbères , sans prête-nom arabe

cette fois, qui veulent diriger la nation berbère, et s’ ils

cherchent à prendre des titres des noms de charge,de fonctions , j usqu

’ alors réserves aux seuls khalifes de

race arabe, c’

est que l’

islam isat ion est devenue assez

profonde en Afrique du Nord , pour que les souverains

se servent de ces noms faisant touj ours impression sur

les Musulmans , pour affermir leur autorité . Que le B er

b ère soit superficiellement ou profondément croyant,convaincu de la vérité de l

Islam , le chef parvenu au

trône cherchera touj ours à se rattacher par une filiation

spirituelle ou par des liens du sang à quelque grande

famille arabe, aristocratie de l’ islamisme .

Les dynasties berbères du Maroc, de Tlemsen , de

Tunis , brillèrent par leur éclat, favorisèrent les arts,les sciences , eurent une puissance réelle, mais conser

v èrent dans l ’ Islam les défauts des anciens Berbères

0 L’

I SLA 3 I ET LES CES

pour,en 1025 , être chassée du t rôn par la grande poussée

berbère marocai ne .

Une nouvelle dynastie était a} arue en effet dans la

B erb érie de l’

Ouest . Les Alides : v olt és à La Mekke

contre les Abbassides avaient ét massacrés , mai s un

descendant de l ’ époux de Fatim . :éussit à s’

enfui r au

Maroc, s’ établit à Oulili , l

ancî m e Volubili s . Avec

l ’ appui des Berbères touj ours prêt à embrasser les doc

trines dissidentes , I driss fonda u royaume kharedj it e

puissant qui,de 788 à 971 , s

ét e . it sur tout l’

Ouest

de l’

Afrique du Nord . La hai ne 3s Abbassides pour

suivit Idriss j usque dans son em]‘

e . Le souverai n fut

empoisonné,parai t-il, sur l

ordn du khali fe Haroun

al Raschid , et enseveli au D j eb c Zerhoun . I driss est

devenu le plus grand saint du - r‘

oc e t son tombeau

un li eu de pèlerinage . Son fi l s p : rhum e , I driss I l , né

d ’une femme berb ère, lui succéda . t fonda Fez en 808.

A ce tte époque , la dynastie fat izide était puissante .

Elle fit un louable effort p our aniser l ’Afrique du

Nord , fut amenée à combattre ar Iaroc . Le s Chy it es

fat imi des de Kairouan s’

appuy è rer. sur la grande tribu

des Meknassa , qui habitaient la ré; .n de la Moulouya,

pour essayer d’

afferm i r leur aut or ê dans la contrée.

L’

empire idrisside , en 9 10 , était dor. attaqué à la fois par

les Fat im ide s et par les Om ev v ade .

’Espagne . Ces der

niers amenèrent à l eur cause les l\ xnassa ,qui proc la

m èren t leur autori té à Fez en 9412 Dès lors , le s Fati

mides, dans une politique d’

équilzre , cherchèrent à

maintenir les souverains idrissides aour fai re contre

poids aux Omeyy ade s . Mais les Id .ssides reconnurent

eux—mêmes la suzerai neté des souv rains de l’

Espagne

musulmane . Ce fut une è re de tem s troublés où les

Berbères , partagés entre les divers p1 t endant s au trône ,

L A l"

restèrent au for

puyait uniqu em

reconnaître um

ficace .

Après les t e 1 l

des Ziride s , le

tion om eyy ade

obéissance dar

demeuraient cn

princes de race

purement b e rl

LesM usulma:

le sud saharien

Lemt ouna , Gu e

tenant à la far

région du Nig

portants , de v i t

b ouct ou ,est rest

Quand les Fa i'

le siège de leu r

rouan réagit

dala adop ta

revi nt fonde1

négal

Le marabou

leur do ctrine

des armes . Ils

(1 ) Tran script iles gen s du rb a

(2) V . V . Piqu «

(3) On a chere ]

fa ire v en ir de S

de le rappor t e r

DU NORD ET L’

ISLAM 13 1

t ent ifs à cette politique qui s ’ ap

ar tell e ou telle tribu pour faire

Eté souvent plu s nominative qu’

e f

pagno le dev enu e usu e lle pour El Mrab t in ,

o . c i t . , p 1 29 .

t ym o lo gi e du m o t Sén égal qu’

on a v ou lu

adj a . Il sem b le rai t plus logique peu t -êt remmde t rib u Zénaga .

s des Chy it e s Fat im ide s arabes ,c b el Aqsa resta sou s la dominamb le n

avoir pas obtenu une réelle

le pays . La plupart des tribus

touj ours indépendantes,et l es

firent bientôt place aux dynasties

comme en Ilriky a .

Sénégal .Les A lmorav ides (l ) . Dans

Arab es , les Berbères , nomades

des Sanhadja (2) au litham appar

Zénéit e — s’

ét aient étendus vers la

vaie nt fondé des groupements im

le s royaumes dont la capitale , Tom

1 signe irrécusable de leur puissance .

es chy it e s transportèrent au Caire

ve rnem e nt , et que l’

ort hodoxe Kai

leur influence , un notable des Gue

ette vill e les doctrines sunnit e s,puis

ouv ent (rbat) de ce rite sur le Sé

ses adeptes déci dèrent de répan dre

urit anism e austère par la force'

ert irent d’

abord les noirs du Haut

130 L’

I SLAM ET LES RACES

pour,en 1025 , être chassée du trône par la grande poussée

berb ère marocaine .

Une nouvelle dynastie éta it apparue en eff et dans la

Berb érie de l’

Ouest . Les Ali des révoltés à La Mekke

contre les Abbassides avaient été massacrés , mais un

descendant de l’ époux de Fatima réussit à s ’ enfuir au

Maroc s ’ établi t à Oulili , l’ ancienne Volubili s . Avec

l ’ appui des Berbères touj ours prêts à embrasser les doc

trines dissidentes , I driss fonda un royaume kharedj it e

puissant qui , de 788 à 971 , s’

ét endit sur tout l’

Ouest

de l’

Afriqu e du Nord . La hai ne des Abbassides pour

suivit Idriss j usque dans son empire . Le souverain fut

empo isonné, paraît—il, sur l’

ordre du khali fe Haroun

al Raschid , et enseveli au Dj ebel Zerhoun . Idri ss est

devenu le plus grand saint du Maroc e t son tombeau

un lieu de pèlerinage . Son fi ls posthume , Idriss I l , néd ’une femme berbère, lui succéda , et fonda Fez en 808 .

A cette époque , la dynastie fat im ide était puissante .

Elle fit un louable effort pour organiser l ’Afrique du

Nord , fut amenée à combattre au Maroc . Les Chy it es

fat im ide s de Kairouan s’

appuy è rent sur la grande tribu

des Meknassa , qui habitaient la région de la Moulouy a ,

pour essayer d ’

affermi r leur autorité dans la contrée .

L ’ empire idrisside , en 9 10 , était donc attaqué à la fois par

les Fat im ides et par les Om ey y ade s d’

E spagne . Ces der

niers am enèœ n t à leur cause les Meknassa , qu i proc la

m è rent leur autorité a F ez en 942 . Dès lors , les Fati

mides , dans un e po litique d ’ équilibre, cherchèren t à

maintenir les souverains i drissides pour faire contre

poids aux Om eyy ades . Mais les Idrissid‘

es rec onnure nt

eux-mêmes la suzeraineté des souverains de l’

Espagne

musulmane . Ce fut une ère de temps troub l és où les

Berbères , partagés entre les divers prétendants au trô ne ,

1 32 L’

I SLAM ET LES RACES

Sénégal , remontèrent vers le nord , s’

emparè rent du

Tafilel t , apparurent enfin en 1056 dans le Sous , sous lecommandement de Ibn Tachfin qui fonda Marrakech

en 1062 . En 1084 la secte nouvelle , celle des Almoravides

,avait conquis le Maroc en 1090 , elle s

était emparé

de l’

Espagne . La belle civ ilisation andalouse , qui avait

fl euri dans ce dernier pays sous l’

hab ile protection des

khalifes om ey y ades de Cordoue , s’

ét e igni t avec eux .

Youssef ben Tachfin écrasa Al phonse VI de Castille àla bataille de Zallarca , mais fut rappelé au Maro c par

le s révoltes habituelles .

L ’ invasion almorav ide,comme toutes celles qu i sui

v i rent,y compris les tentatives de Ma el Aïn in

,e l Hiba

,

Me r eb i R eb b o,représente un phénomène normal

,

semblable en Asie aux mouvements des Araméens,des

Nab at éens,des Mongols

,des Arabes de Faysal vers

Damas et Baghdad : les déserts sont des centres de ré

pulsion ; à leurs lim ites , sans cesse , se présentent des

mouvements vers la périphérie . Encore auj ourd ’

hui,

au Maroc,les Beni Mguild poussent les Beni Mtir qui

poussent les Beni Hassen qui poussent enfin les Gharb

vers le nord .

A l’

Ouest , les Almoravides se heurt èrent aux Zirides

de Bougi e . Les malheureuses régions de l’

Afrique du

Nord , du Maghreb central , déj à ravagées par les inva

sions , furent dès lors le théâtre des luttes entre les sou

v erains du Maghreb el Aqca et ceux de l’

Ifriky a .

Les Ziride s s’

ét ab lirent à Tlemsen . Néanmoins , vers 1 1 1 ,les Almoravides étaient à l ’ apogée de leur puissance

Youssef b en Tachfin prit le titre d ’

Emir el Moum enin,

Commandeur des Croyants La division de l’

em

pire musulman était marquée par la présence de trois

commandeurs des Croyants, le l e lt à Baghdad , le 2e au

L ’AFR IQUE DU NORD ET L’

I SLAM 133

Caire (chy it e ) , le 3e à Fez . Il semble que ne recon

naissant plus l ’ autorité du souverain pontife de l ’ Islam ,

les Musulmans tendaient cependant à se grouper autour

du titre j adis si respecté par le monde islamique tout

entier . De leur côté , les souverains cherchaient à pro

fit er du prestige religieux pour afferm 1r leur autorité

poli t ique , si grande est dans l’

Islam l’union des deux

principes .

Cependant, la dynastie’

almoravide avait apporté

avec elle, du Sahara , les tendances polythéistes des Berb ères superficiellem ent islamisés . En eff et, surtout auMaroc , où les compartiments montagneux conservaient

mieux que partout ailleurs le particularisme local , l’ i s

lamism e ne se présentait plus , en Berb érie , comme auxpremiers temps de la conquête . Les réactions contre

le conquérant ne prenaient plus la forme d’une hérésie

classée comme le chy isme ou le kharedj ism e . Les pré

cept es coraniques avaient été adaptés plus ou moins

vaguement aux croyances des tribus dont la plupart

av aient leur prophète particulier, même leur Coran

rédigé en langue berbère . L ’

Islam se transformait ainsi

peu à peu dans son essence et dans sa forme . Les Be

hères , qui avaient si bien réagi contre l’ in fluence ethni

que des Arabes , étaient en train de modifier suivant

leur propre concept les i dées venues d’

Orient . Une

réaction devait se produire . Ce fut celle des Almohades

ou Unitaire s (1 )

4 0 Les Almohades . Rena issance de l’

I slam . Le mou

vement almohade représente encore une réaction poli

tique sous un prétexte religieux . Une tribu du grand

(1 ) Transcript ion espagnole dev enu e usuelle pour El Mouhaiddin .

1 34 L'

I S I A.\I ET LE S RA CE S

Atlas, cell e des Masm ouda s

empara du pouvoir , don

nant rai son à la théori e (1 Ib n el Khaldoun : l’

his t oi re

de l’

Afrique du Nord e st cell e des trib us qui t our à tour

y prirent le p ouvoi r . L'

n Berb ère des Masm ouda , nomm é

Ib n Toumert, après avoir voyagé dans le monde mu

sulman de Tunis à Cordoue, se déclar a le mahdi

certi fie être le 129 imam caché, e t comme, en c es régio ns ,un agi ta teur trouve facil em en t des par tisans , groupe

autour d e lu i assez de monde pour s’

att aquer à l’

em

pi re alm oravide . Ib n Toum ert , qui avait subi l’

in fluence

soufit e , commence par prêcher en montagne leurs doc

trines mysti ques . Hab il e poli tique en même temps,

profitan t de l’

exemple de l a tribu des B eghouata qui

avai t tradui t le Coran en tam azir t, il fit écrire en

berbère les préceptes qu’

il en seignai t, fla t ta nt ainsi

le

particular i sme de s e s fr è res . Ce s dern i e rs formèrent la

secte di te El Mouahedoun par tisans de l a doctrin e

de l’

un i té de Dieu, d’ où l ’ on a fai t Almohades .

Le dis ciple d ’ ib n Toum ert , Ab d el Moum en ( i l 30—52"

se débarras sa défini tivem ent des Almorav i des en 1 137,leur fai sant sub i r un e défai te complèt e, puis il recon

qui t l’

Espagne en 1 132 . Ce fils de poti er reforma l’

em

pi re des Alm orav i des en rédu i sant l ’ Iiriky a , prenant

Bougi e en 1 1 60 . La dynasti e des Hammadi t e s Zirides

di spar ut avec l a pri se de leur capital e .

Abd el ‘. .Ioum en , que l’

on a souv ent appelé le Char le

magn e de l’

Afri qu e du Nord , fit partout régne r l’

ordre

(1 Le RRo gui e n 1 9 '9 de v ai t suiv re la m êm e fil ière . Ro gui e s t

le n om d’

un prét endan t de la tr ib u des Se fb an (Gharb ) en 1862qui appar t e nai t à la frac ti on des Ro uga, Dj elil er Ro gu i . Ilpéri t a

s sa ssin é au Dj eb e l Ze rhoun sous Sidi Mohamm ed . Depu islors , to u s la: a gi ta t eurs on t é t é dési gn és par le Ma ghz en e t ses

part isans sous le nom de Rogui , pour indiqu er comm en t l’

on

env i sa ge la fin de le ur a v en tur e . Te l fut le cas d’

aifl e 11 ’S en 1939du Ro

c

gui Dj e lali b en Dris s .

134 L’

i SLAM ET LES RACES

Atlas,celle des Masm ouda , s

empara du pouvoir, don

nant rai son à la théori e d’

Ib n el Khaldoun : l’

his t oire

de l’

Afrique du Nord est celle des tribus qui tour à tour

y prirent le pouvoir . Un Berbère des Masm ouda , nommé

Ibn Toum e rt , après avoir voyagé dans le monde mu

sulman de Tunis à Cordoue , se déclara le mahdi

cert ifia ê tre le 12 9 imam caché, e t comme , en ces régio ns ,un agita teur trouve facilement de s partisans , groupa

autour de lui assez de monde pour s’ attaquer à t

em

pire almoravide . Ibn Toumert, qui avait subi l’

influence

soufit e , commença par prêcher en montagne leurs doc

trines mystiques . Habile politique en même temps ,profitant de l

exemple de la tribu des B eghouat a qui

avait traduit le Coran en tamazirt, il fit écrire en

berbère les préceptes qu’ i l enseignait, flat t ant ainsi le

particulari sme de ses frères . Ces dern iers formèren t la

secte dite El Mouahedoun partisans de la doctrine

de l ’unité de Dieu , d’ où l ’ on a fait Almohades .

Le disciple d’

Ib n Toumert, Abd el Moumen ( 1 130—5223)se débarrassa définitivement des Almoravides en 1 137,leur faisant subir une défaite complète , puis il recon

quit l’

Espagne en 1 132 . Ce fils de potier reforma l’

em

pire des Almoravides en réduisant l’

Ifriky a , prenant

Bougie en 1 160 . La dynastie des Hamm adit e s Zirides

disparut avec la prise de leur capitale .

Abd el Moumen , que l’ on a souvent appelé le Charle

magne de l’

Afrique du Nord , fit partout régner l’ ordre

(1 ) Le B ogu i e n 1 900 de v a i t su iv re la m êm e fi lière . Rogu i e s t

le n om d’

un prét e ndan t de la t rib u des Seflîan (Gharb ) e n 1862,qui appar t en a i t à la frac t ion de s Ro uga , Dj e lil er Ro gui . Il

périt a ssassin é au Dj eb e l Zerhoun sou s Sidi Mohamm ed . Depuislors, t ou s le s agi ta t eurs on t é té désign és par le Maghzen e t ses

part isan s sou s le n om de Rogu i , pour indiqu er c om m e n t l’

on

env isage la fin de le ur av e n t ure . Te l fu t le c as d’

a ille i rs en 1 909du B ogui Dj e lali b en Driss .

L ’AFR IQUE DU NORD ET L’

I SLAM 1 35

et la sécurité . Ce fut en Afrique du Nord une véritable

renaissance de l’

Islam uni .

Ses successeurs , Abou Yacoub YoussefYacoub el Mansour furent aussi de grands

souverains . Le derni er se rendit célèbre par se s con

quêtes en Espagne où il éleva comme au Maro c de

splendides monuments . C’

est de cette époque qu e datent

la Kou t oub ia de Marrakech , la Giralda de Séville , l atour Hassan de Rabat, nouvelle cité fondée par le sultan .

La décadence des Almohades se fit bientôt sentir .

Les derniers Almoravides dispersés par El Mansoursoulevèrent les Arabes du sud de l ’ Ifriky a contre les

Almohades . El Mansour reconquit le pavs j usqu’

à Ga

b è s, mais les Arab es , j aloux des Berbères , continuèrent

à mener une agitation néfaste en Afrique du Nord . Le s

Chrétiens attaquaient violemment en Espagne l ’ autorite des sultans marocains . En 12 12 , le pouvoir ma

ghréb in recevait une atteinte sensible à la bataille de

Las Navas de Tolosa . Enfin , l’ arrivée par la trouée de

la Moulouy a d’une nouvelle famille, celle des Beni Merin

ou Merinides, précipita la chute des Almohades , dans

le déclin desquels se détache la personnalité d’

El Ma

moun . D e même que les Almohades avaient chassé les

A lmoravides , de même les Almohades furent chassés

à leur tour par lesMérinides ,v enus eux aussi du Sahara .

Encore plus que chez le s Turcs , où les traditio ns b yzant ine s avaient déformé le gouvernement, tou t rappe

lait au Maghzen la vie sous la tente : m ême dans le

Dari

e l Maghzen, les sultans vivaien t comme en me .

halla (armée) tous les fon ctionnaires sont ceux dont on

a besoin quand on campe .

Le sultan devait être avant tout un soldat pour main

te nir son autorité sur des suj ets turbulents . Les chefs

136 L’

I S I.AM ET LES RACES

des grandes dynasties berbères durent perpétuellement

monter à cheval pour réduire les révoltés , les fomenta

teurs de troubles . Dès que le souverain devenai t trop

faible , un nouveau conquérant, prétextant la religionpour se rallier des adeptes , le remplaçait , cherchait àreconstruire l ’ empire désagrégé dans lequel le s tribus

tiraient parti de toutes les occasions pour refuser de

payer l ’ impôt e t partir en dissidence . L’ empire ne pou

vait s ’ organiser, s’

adm inist rer, il devait perpétuellement

être conquis . Dans ces conditions , une dynastie ne pou

vait durer sur le trône du Maghreb . Tel fut le sort des

familles régnantes qui se succédèrent en Afrique du

Nord .

Deux tribus nomades b erbères , qui avaient l’habitude

de venir chaque année se ravitailler dans le Tell , remon

t è rent en même temps du Sahara vers le nord , cel lesdes Béni Mérin et des Abd el Q uad . Les premiers ,profitant de l ’ anarchie constante , s

’ installèrent à Fez

en 1 248 avec Abou Yahya , et dix-huit ans plus tard àMarrakech où ils furent appelés par les Almohades eux

mêmes , qu’

ils devaient supplanter en se réclamant des

Hafsides de Tunis ; les seconds se fixèrent à Tlemsen .

Dès lors , trois royaumes se fondèrent sur les ruines de

l’

empire maghrébin , avec Tunis , Tlemsen et Fez pour

capitales respectives (XI I I e siècle) . Dans l’

Afrique du

Nord commencent ainsi à se dessiner la Tunisie , l’

Al

gérie , le Maro c actuels , ayant chacun leur histoire par

t iculi è re . La nation berbère, malgré ses tentatives rép _

é

t è e s, n’

a pu réussir à s’

unifier d’une façon durable sous

une autorité unique . Fat im ides, Zirides, Almoravides,Almohades , . sont autant d ’ acteurs qui marquen t les

aspirations du peuple berbère .

Les Berbères n’

en ont pas moins eu , au Maroc et en

138 L’

i SLAM ET LES RACES

tôt de la souveraineté Ce fut Abou Youssef Yakoub ,deuxième successeur d

Ab ou Yahya , qui leur enleva

Marrakech et battit au Telagh le s Abd el Q uad com

mandés par le célèbre Yaghm orasen fondateur

de l’ empire de Tlem sen .

Sous les Mérini des, des luttes incessantes s’

engagè rent

entre les trois empires de Tunis , de Tlemsen , de Fez ,sans qu

’ aucun des souverains parvint à établir sa supé

riori t é sur les autres de façon durable . Au Maroc , le s

successeurs les plus fameux d’

Ab ou Yahya (1248Abou Youssef (1258 Abou Yacoub (1286Abou Hassen (1331 Abou H eïnan (1350

Ab d el Aziz (1367 passèrent leur règne à sou

mettre les tribus révoltées , à mettre le siège devant

Tlemsen , à reprendre et à perdre l’

Espagne , d’

où les

Mérinides furent définitivement chassés en 1492 . A ces

luttes entre Berbères s’

aj out a , au x v e siècle et au début

du XV I e siècle , l’ entrée en ligne des Chrétiens notam

ment des Por tugais , qui s’

é tab lirent sur les cô t es maro

caines et lancèren t dans l’

intérieur des coups de sonde .

C ’ est l 'origine des for teresses-comp toirs commerciaux

semblables au Bastioun (3) de Taza . Ces Portugais

héritiers des Punique s,semb lent avoir parfai tement réuss1

dans leurs entrepri ses de pénétration marocaine .

Enfin les derniers souverains berb ères du Maroc disparurent sous les coups des agitateurs chérifiens, tou

(1 ) Le s de rn ie rs Alm ohade s se réfugièren t dan s la m on t agn e

du Tin e Me lle l , b e rc e au de leu r pu issan c e o ù plu s t ard 115 fu re n t

m is à m or t (V . Pi q u e t , p .

(2) L’

appari t ion de s Cas t illan s sur le s c ô t e s du Maro c da t e

de 1 263, da t e à laqu elle Alphon se X de Ca s t ille prend Safi . En

1 399, Enriqu e I I I pre nd Tét ouan ; on 1414, le s Por t ugais prennen t Mazagan .

(3) V . Bulle t in de l’

Afr ique fra n ça ise , sept em b re 1 91 5 . No t essur qu elqu es m onum en t s de Taza .

L ’AFR IQUE DU NORD ET L’

I SLAM 1 39

j ours nomades v enant du sud , de s Saadiens qui devaient

inaugurer au Maghreb el Aqsa , le régime de l’ autorité

de quelques Arabes descendant du Prophète sur la

masse berbère . Jusqu ’ à cette époque ,des mahdis avaient

surgi de la montagne , entraînant les Berbères à la lutte

contre le s envahi sseurs à quelque race qu’

ils appar

tiennent ; les grandes tribus b erbères du sud étaient

remontées vers le nord à la conquête des régi ons plus

riches que celles qu’

ils parcouraient, avaient fondé des

empires puissants , mais peu durables . Le caractère du

Berbère est instable en politique . Le s divisions de clans ,

de fam illes , de tribus , intervenaient bien vite pour faire

renaître l ’ anarchi e dont devaient à la fin profiter quel

ques ambitieux arabes . Cependant la masse berbère

restera inaccessible dans ses montagnes , jusqu’

au mo

ment de la pénétration française .

6° Tlemsen . Les A bd el Ouadites Au déb ut

du xm e siècle , les Abd el Q uad , Zénè t es comme les

Beni Méri n, s’ é taien t installés en tre la Moulouy a et le

Zab , puis se confinèrent après l’ invasion hilalienne au

près du Tafilelt . Les Almohades les chargèrent de com

battre les Beni Mérin menaçants . En échange de leursservices , les Abd el Q uad reçurent le droit de percevoir

l ’ impôt (kharadj ) sur un certain nombre de villes e t de

peuplades du Maghreb central . En 1227, ayant contribuéà réprimer la révolte de l ’A1m orav ide Ibn Ghamya , le s

Abd el Q uad reçurent des Almohades la région de Tlem

sen . l ls s ’y établirent de façon stable ; vers 1 240 , le chef

de la tribu , Yaghmorasen ben Zeyam, faisait de Tlemsen

le siège d ’un empire qui devait devenir célèbre par sa

pui ssance, ses luttes contre Fez et Tunis .

(1 ) V . V . Piqu e t , Op . c it . , p . 1 69 e t su iv .

140 L’

ISLAM ET LES RACES

Battu par les Hafside s de Tunis en 1242, Yaghmo

rasen reconnut la suzeraineté de ces princes et con

serva son royaume . D e concert avec les Mérinides , i l

battit l ’A1mohade Es Sa id qui s’

enfuit à Taza . Mai s

cette victoire permit aux Beni Mérin de devenir les

maîtres du Maghreb el Aqsa ; dès lors , les deux tribus ,Abd el Q uad et Beni Mérin , devaient entrer en conflit

pour la souv eraineté . Ce fut là l’

origine de ces guerres

sans nombre qu i j alonnèrent de combats et de meurtres

la route des sultans Tlemsen , Oudj da , Taza , Fez ,par la trouée de l ’ Innaouen . Aucun succès ne permit

aux rivaux d’

obtenir l ’ avantage , et chacun des souv e

rains ennemis s’

occupa bientôt de réduire simplement

ses ennem i s particuliers .

Mais,pri s entre les Hafsides et les Mérinides, les Abd

el Q uadit es s’

afiaib li rent et finirent par succomber de

vant les Espagnols apparus en Orani e au début du

XV 1 e siècle . L ’histoire des Abd el Q uad est caract éris

tique de l ’histoire des grandes tribus de l’ époque .

7° Tun is . Les H afs ides . Lorsque les Almoravides

chassés par les Almohades perdirent l ’ empire de la Ber

b érie , au XI I I e siècle entièrement entre les mains des

Almohades , un membre de la famille dépossédée , Ibn

Ghany a, se réfugia dans le sud tunisien . Le khalife

almohade En-Naser, fils d’

El Mansour, vint le pour

suivre j usque dans ces régions . Vainqueur, le sultan

m‘

aghrébin laissa comme gouverneur en Ifriky a un

nommé Abou Mohammed , fils d’

Ab ou Hafs . Mais ,a la

suite des défaites subies en Espagne, du relâchementde l

autorité almohade qui s’ ensuiv ît , les Hafsides s’

éri

gèrent en souverains indépendants avec Abou Zekeria (1236) ,qui pri t le titre d

ém ir. Les Hafsides devinrentb ientôt puissants, étendirent au XI I I e siècle leurs pos

L ’AFR IQUE DU NORD ET L’

I SLAM 14 1

sessions de l ’ Ifrikv a j usqu a Ceuta , Tanger et Sij ilm essa .

Ce furent des souverains éclairés , qu i favorisèrent les

art s , les sciences , le commerce , traitèrent avec Frédéric

Barberousse d ’

Allem agne , demandèrent à la papauté

des artisans chrétiens pour introduire leur art à Tuni s .

Ce fut cependant contre l’

Hafside Abou Abd Allah el

Most anser que fut dirigée l’

expédition de Sai nt—Louis àCarthage .

A ce moment , comme dit Ibn el Khaldoun , le kha

lffat de l’

Ori en t et de l’

Occident v enai t de succomber

L’

Espagne chrétienne avai t enlevé Cordoue , Valence

et Sévill e . Baghdad venai t d’

être pris par les Mongols .

Le chérif de La Mekke reconnut alors El Most anser

comme sultan de l’

Ifriky a . Les Almohades de Marra

kech dirent la prière au nom du Hafside , les cheikhs

m érini des de Fez en firent autant . Le roi des noirs,souverain de Kanem , seigneur du Bornou , lui envoya

des présents . L ’unité de l’

Islam s’

était rompue avec

la chute du pontife de Baghdad . Dans l ’ Inde , en

Perse, en Ifrikya, au Maroc , les souverains essayai ent

de la reformer à leur profit en s’

emparant du titre

d’

ém ir el Moum enin . Mai s l’

hi stoire ne peut reveni r

en arri ere : chaque race ay ant embrassé l’

Islam avait

apporté avec ell e son caractère et ses aspirations pro

pres son évolution s’

était particularisée dans le coin

du monde où elle régnai t .Le caractère général de l’

Islam

ne pouvai t plus être invoqué par l’

une de ces races . Le

titre de souverain pontife musulman pourra être saisi

par les souverains d’

Af rique ou d’

Asie , il ne correspon

dra plus dans l ’ Islam à la signification ancienne du

mot khalife , alors que les premiers imams successeurs

du Prophète lançai ent leurs armées de Croyants à la

conquête du monde infidèle . L ’

évolution générale de

142 L’

I SLAM ET LES RACES

l’

Islam s ’ est transformée en une série d ’ évolutions par

t iculiè res .

Les révoltes des Arabes en Ifriky a , l’ accès au pou

voir des Mérinides, puis l’ entrée en ligne des Chrétiens ,

cell e des Corsaires turcs , affaiblirent la monarchie b af

side qu i , s’ appuyant tour à tour sur ses ennemis de la

veille, finit par succomber en même temps que l’ in

fluence des Espagnols , ses derniers sou tiens en Afriquedu Nord à la fin du x v re siècle .

80 Les grandes dynasties berb ères . Ainsi ,aprè s avoir

victori eusement résisté à la conquête arabe , puisque ,s ’ ils acceptèrent l ’ Islam , les Berbères du mo ins réus

sirent à conserve r leur indépendance , les peuples de la

Berb érie ont cherché la formule de gouvernemen t la

plus favorable à leur caractère . Divisés en tribus rivales ,les Berbères furent donc en proie aux luttes de ces

tribus qui tour à tour cherchèrent à s ’ emparer des t er

rit oires les plus riches , de l’ autorité suzeraine que cette

possession comportait . L’

hi stoire des Berbères est celle

de leurs tribus qu i se succèdent au pouvoir . D ’ abord

des princes arab es dissidents furent acceptés comme

les plus capables de résister au conquérant .

Mais dès que le danger fut disparu , dès que les kha

lifes eurent renoncé à se faire obéir en“

Afrique du nord ,les gouverneurs dénouèrent les liens qui les attachaient

au suzerain , les grandes familles berbères fondèrent des

dynasties régnant de l a Tri polit aine à l’

Espagne . L’

em

pire conquis à cheval ne peut se gouverner à cheval .

Or le sultan , obligé de perpétuellement soumettre les

t ribus perpétuellemen t dissidentes à mesure que le souverain allait plus loin , n

’ av ai t pas le temps d’

organiser,

d’

administrer . S ’ appuyant sur une tribu pour régner,

1 42 II SLAM ET LES RACES

l’

Islam s’ est t ranæ rm ée en une série (1 evolutions par

t iculiè res .

Les révoltes de Arabes en Ifriky a, l’

accès au

voir des Mérinide =puis l’

entrée en ligne des C

celle des Corsaireäzurcs, affaiblirent la monarchi

side qui , s’

appuyant tour à tour sur ses ennemis

veille , finit par secom b er en même temps

fluence des ses derniers soutiens e

du Nord à la fin a XV I e si ècle .

8° Les grande s dnas i ies ber bères . Ai '

victo ri eusement n'

ast é à la conquête

s’

ils acceptère nt l’

i l am , les Berbères

sirent à conse rw \ur indépendanceBerb érie ont che 1 é la formule 6

plus favorable à leu caractère . D iv

les Berbères fure n donc en prf

tribus qui tour a t ar cherchè re

rit oire s les plus ric hs ,de l ’ aut

possession comport zt .

de leurs tribus qu ise

des princes arabes

les plus capables d

Mais dès que le

lifes eurent

les gouv ern

L ’AFR IQUE DU NO )

sa dynastie ne pouvait durer

puissance de la tribu . Mais , en

par suite des migrations , de n

touj ours un territoire , des 1

s ’ établir . Ces tribus , guerrière

par remplacer le clan au pouv .

Almoravides, Almohades , Mé

Mais quand , dans l a Berb é1

entre Tunis,Tlemsen et Fez,

gé en Afri que du Nord . Ce

b érie * les migrations arab e s ,Soleim, les randonnées des

donné naissance à une ethnog

LE S CON SEQUENCE S DE L'L’

ETHNOGRAPH I E

em

i l f o

.n po l

c i t .

, t . I .

aure s av e

Sénéga l e t

144 L’

ISLAM ET LES RACES

A cette répartition physique correspond une alter

nance ethnique . Dans le sud , aux confins du Saharaou dans le désert, des Berbères nomades , Touareg , Mau

rét aniens, errent avec leurs troupeaux au hasard des

pâturages . Plus au nord , ou in tercalées avec les précé

dents , des tribus arab es mènent la même v ie nomade .

Les Hilal, les Soleim vert us par le sud,laissè ren t derrière

eux des familles , des clans qu i régularisèrent peu à peu

leurs transhumances , sub sistèrent sur place en rapports

amicaux ou hostiles avec les autochtones . Le l ong des

cours d ’ eau souterrains , des îlots de verdure, les oasis

sont occupés par les sédentaires , ksouriens, de race métissée par les croisements avec les nomades ou les è s

claves noirs venus du Soudan . Sur les hauts plateaux,dans les montagnes aux pics neigeux dépassant parfo i s

comme au Maroc mètres , dans les compartiments

séparés par les chaînons escarpés , vit la pure nation

berbère, le plus important des groupes ethniques de

l’

Afrique du Nord , avec ses forteresses naturelles du

Maroc, de la Kabylie et de l’

Aurès, pendant que dans

les sahels vit la population composite et mêlée des régions côtières de la m e r.

2° Les B erb ères . Malgré les invasions , l’

islam isa

tion, m algré l

arab isat ion des groupes périphériques,

la nation b erb è re ,t ouj ours divisée en clans indépendants ,reste dans ses forteresses naturelles inat t eint e , à peine

entamée . Chez elle , le Coran , à pe ine lu , n’ a guère trans

formé les mœurs . Les sectes successives , les schi smes

de l’

Islam , ont montré aux Berbères , dès le début, la

valeur négative de la foi musulmane qu 115 estiment

cependant comme un voile commode pour leur indé

pendance .

146 L’

IS LAM ET LES RACES

Mais nomades et sédentaires , Arabes ou Berbères , errant

avec leurs troupeaux , enfermés dans les alvéoles de

leurs montagnes,purent sans doute trouver sous leur

tente , dans leur v illage , pendant un certain temps , l’ in

dust rie , les matières premières nécessa ires à la fabri

cation de tous les obj ets dont ils avaient besoin . Avec

le mélange des civilisations , par le contact de l’

Ori ent

et de l ’Occident , avec le développement du progrès , de

la civilisation sen sibles chez ces peuples , par la force

même des grandes migrations , par suit e des guerres

entre le Maghreb , l’

Espagne , l’

Ifriky a , l’

Egy pt e , les

b esoins grandirent , nécessitèrent l’ appariti on d ’ un non

v el organe social , sédentaire , rempli ssant les foncti ons

incompatibles avec la v ie nomade, surtout depuis l’

ap

parit ion , le développement des nouveaux beso ins .

D e même que dans la v ie nomade primitive, les K sou

riens remplirent ce rôle , furent les dépositaires des grains ,le s gardiens des richesses diffi ciles à transporter, dans

leur enceinte, forteresse—refuge ; de même il se dév e

loppa , dans les cités où j adis vécurent les RomanoBerbères , un nouveau type de commerçant , de négo

ciant , appelé à tirer parti des ri chesses naturelles de

l’

Afrique du Nord , le Maure .

4° Le M aure . Les Maures , qu’

il ne faut pas con

fondre avec les Maures connus des Romains (nomade sprimitifs du sud) , sont le produit du métissage de toutes

le s races qu i traversèrent la B erb érie , Romains , Vandales , Arabes , Chrétiens renégats ou esclaves , avec les

autochtones . Les mélanges de race ont déterminé un

type ethnique très reconnaissab le , au teint blanchi par

les occupat ions sédentaires dans les échoppes minus

cules , l’

exi stence paisible au milieu de murs protecteurs

L ’AFRI QUE D U NORD ET L’

I SLAM 1247

du so le il . Le s Maures musulm ans, généralemen t fort

lettrés , spécialisés dans la petit e fabrication , le pe t it

comm erce, eu rent p our rôle , dans la civilisation islam i

que parvenue j usqu’

à nos j ours , de fourni r d’ obj ets de

première nécess ité (l‘

y leur voi sin age imm édi at et les

marchés pé riodiques qu i se tiennent à intervalles rap

prochés , par exemple chaque semai n e , dans tous les

centre s , ou bien en pleine campagne, au croisem ent de s

pistes , au confluent des cours d’ eau . D ans ces so rt es

de foires se rencontrent montagnards , sédentaires , qui

profitent de l ’ occasion pour s’

ent re t enir des affaires de

la région , au b eso in discuter de la paix ou de la guerre .

Peu à pe u ,cert ains Maures ont étendu leur comm erce ,sont devenus de vérit ables négociants en gros . C ’ est à

leur instigation sans doute que les souverains de Tunis

entrèrent en rapport s avec la papauté pour déve lopper

les rapports commerciaux avec la chrétienté.’

A la fin

du X IX e siècle , beaucoup de Maures se renda ient en

France , en Angleterre , avaient des comptes courants

dans les banques de ces pays , princ ipalemen t à Mar

seille et à Manchester , sans que pour cela leur état

d ’ esp rit musulman fût entamé par l’ influence chrétienne .

Poussés par l ’ espri t d’

int rigue , de politi que avi sée

qui les distingua de tous temps , en mêm e temps que

leur intelligence et leur sens art ist ique‘

fac i lem ent dév e

loppé par la vie rêveuse et calme du sédentaire , le s

Maures , en relations constantes avec les tribus par le s

marchés, les Maures intermédiaires obligés , après ê tr earriv és dans les vi lles à former de véritab les clans , se

di sputèrent la directi on politi qu e, soit dans les affaire s

(1 ) V . Po in sard , Op . c i t . , t .

- l , Les M a ures . Il n e fau t pas c on

fo ndre n on plu s c es Maure s av e c le s pe uplade s qu’

il e st c onv enu

d’appe ler Maur es au Sén éga l e t en Maurit an ie .

148 L’

I SLAM ET LES RACES

locales,soit dans le gouvernement central lui-même .

Les Maures , qui dirigèrent l’

Espagne , font encore à la

cour des sultans marocains un cercle de fins lettrés , à

la politique subtile , habile à tirer parti des textes et des

paroles pour maintenir l ’ autorité du souverain au mi

lieu de la turbulence des tribus , des attaques des Chré

tiens, eu s

’ appuyant sur telle ou telle tribu pour réduire

les autres , politique qui a reçu de nos j ours le nom de

politique maghzen .

5 ° Les J uifs . Aux Berbères , aux Arabes , aux

Maures , il faut aj outer en Afrique du Nord un certain

nombre de Juifs , race méprisée , tenue à l’

écart , obligée

par une ordonnance des Abbassides à porter un couvre

chef spécial qu i les distingue des bons Musulmans .

Il serait curieux d ’ étudier comment les communautés

j uives sont venues s’

infiltrer en Afrique du Nord .

Il semble qu ’un certain nombre de tribus berbères ,avant l ’ islam isat ion , aient embrassé le juda1 5m e . Les

premiers Juifs. seraient apparus en Tunisie au I I e siècle

après Jésus—Christ, venant de la Cy rénaïque , chassés

par les persécutions . Le j udaïsme paru t aux Berbères

de cette époque, supérieur au christianisme , qui était

mal connu par eux, et surtout dans sa forme b y

zant ine . Les Berbères qui semblent avoir eu de tous

temps une tendance monothéiste, se rallièrent donc engrand nombre au j udaïsme . La nouvelle re ligion s

im

planta assez solidement’

en Berb érie , tellement qu’ au

moment de la conquête arab e ,la résist ance la plus farouche du particularisme berbère fut cell e de la Kahena (1 )de l

Aurè s,qui était j uive (V I I I e siècle ap . J . L’

Islam

(1 ) Ce n om n’

e st —il pas d’

o rigin e j u iv e . Kahena , Kohen , si

guiñe prê t re en héb reu .

L ’AFR IQUE DU NORD ET L’

I S LAM 1 49

fit rapidement disparaître de la Berb érie le juda15m e

qui se maintint cependant en certains points Enfin,

après la chute du royaume de Grenade en 1492, de

nombreux Juifs se réfugièrent d’

Espagne sur la côte

africaine, surtout au Maroc où ils formèrent à Fezmême une colonie . La grosse émigration j uive d ’

Espa

gne date de Phi lippe I I I (expulsion des Mouiscos) .

Le type ethni que héb ra1que n’ est pas pur en Afrique

du Nord il va du négroïde au sémite par suite du

contact de toutes les races avec le j udaïsme . Les Juifsvivent en communautés sédentai res , sont généralement

petits artisans et colporteurs . Certains , dans ce cas ,vivent sous la tente avec les nomades . Les Arabes, les

Berbères sont souvent la proie des Juifs usuriers . Par

contre , ces derniers sont souvent pillés par les premiers

qui rétablissent ainsi l ’ équilib re de la fortune .

Les Juifs au Maroc se répart issent en deux cat égo

ries

1 ° les auto chtones , habitant dans les m ellahs, ou

convertis à l ’ Islam

2° les émigrés d’

Espagne et de Portugal hab itanthors des m e llahs . En avri l 1922 on évaluait les Juifs aunombre de

Maro c , Algérie , Tunisie ,Turquie d

Asie , Palestine,

6° Turcs . Coulouglis . Conclus ion . On voit Combien

différente de l’ ancien ne Berb érie , de la Berb érie romaine ,

est l’

Afrique du Nord après la conquête arab e, l’ invasion

(1 ) Le Juda 1sm e e st c on sidéré par le s Mu su lm an s c omm e in fé

rieur a u Chr is t ian ism e . Le ju if qui se c on v e r t i t à l ’ Islam doi td

ab ord se c onv e r t ir au Chr ist ian ism e . Cependan t le cas n’

e s t

pas sign alé à m a connaissan c e au Maroc e t en Algérie .

150 L’

I SLAM ET LES RACE S

des Hilal et des S olenn , les mouvem ents de peuples

causés par l ’ étab li ssement des grandes dynas t ie s b er

bères. Après l’ apparition des corsaires turcs , la mosaïque

de races deviendra encore plus r ich e. Le métissage des

Turcs avec les sédentai res des villes donnera les Co u

louglis, différents des Maur es , lesquels seront les alli és

des Fran ça is La complex it é de la question afr icaine

de no s j ours provient de cett e j uxtapositio n , de cette

pénétrati on de races si différentes , éta nt donné surtout

qu e l e brillant de la civ i li sation maure, l’ éc lat du noma

disme arab e empêchère nt long temps les Européensd

apercev oir e t d e comprendre s ous les multiples aspects

de l’Afrique l a grande masse berbère qu i reste touj ours

le fond de la population de l’

Ifriky a et du Maghreb .

L’

OCCUPATION TURQUE EN ALGER IE .

Dans leurs luttes avec la chrétienté,les sultans otto

mans avai ent lancé leurs flottes en Méditerranée . Les

Espagnols s’

emparèrent de 1504 à 15 10 des côtes de

l’

Algérie . En 1 5 10 , les habitants de Bougie , fatigués

du j oug des étrangers , appelèrent les Turcs à leur se

cours . Alger fit de même . Les plus fameux amiraux

ottomans , les deux frères Barberousse rép ondirent à

l’

appel , pour échou er d’ abord devant Bougi e . Mais

Khair ed din Barb erousse s’

installa à Alger,fît pendre

Sélem b en Temi , prince régnant , s’ empara du pouvoir

avec ses corsai res,b at t i t l es Espagnols et établi t ainsi les

(1 ) Cav a ignac par ex .aTlem sen t in t av e c l ’ a ide de s Cou lou glis .

(2) D’

ai lleurs les Barb e rou sse , pa s plus qu e Dragu t , ou la plu

par t de s corsa ire s t urcs , n’

ét a ie n t de v éri t ab le s t u rc s, ma is b iendes re n éga t s chr ét iens . De m êm e les fam eux arab e s qui du Maroc parv inren t au Niger éta ien t de s E spa gno ls ren éga t s .

152 L’

ISLAM ET LB RA CES

pédit ion de 1664 commandée par le duc de Beauforts ’ empara de Dj idj elli , mai s renta aussitôt en France ;en1683, celle de Duquesne , maleé un premier succès

, ne

réussit pas m ieux à cause du muv ai s temps . En 1685 et1686 , d

Est rées et Tourville omb ardè rent Alger. LesEspagnols

,en 1 775 , furent mis complète déroute par les

Barbaresques , de même en 1 79 . En 1815 , les Etats

Unis ne réussirent pas m ieu En 1816 l’

Angleterre,chargée par l

Europe de répm er l ’ es clavage, envoya

une flotte formidable contre 3 Barbaresques, réussit

à'

détruire leurs bâtime nts . n is dut se reti rer aprèsque l

amiral anglais eu t fa it si;_ er au dey des conditions

de paix illusoires , car dès l‘

a nnée suivante les navires

corsaires reconstruits grav e ai de des

Marocains et des Tums ie ns . i umaient

mers . La puissance b arl »are squ « tait telle

l’

Espagne , la Hollande , la Suè r

avaient accepté de payer un i but

leurs vaisseaux de commerc e pussent

la Méditerranée .

Après 18 15 , l’

Europe parvin à rép irat erie

grâce à son union d t m ' Cette n’

avaitduré j usqu

alors que pa r la m is tente des euro

péennes qui cherchaient se concili onnes

grâc es des pira tes à l’

c lusu et au détriment desautres puissances . Dès que l

m on se fit,la piraterie

disparut . Sidi Mohamm e d l a «‘

e

i v oua officiellement au

Maroc en 1820 . Ce t t e situ . l ion e l’

Europe devant lesCorsaires pourrait u t i lu n e n t c omparer à celle des

puissances de l’

En t en te inv an l Gouvernement d ’Angora (1920

Pendant que les marins en r res se fais aient ainsiredouter

, l’

Odjak étendait so n uv o ir dans l’ intérieur.

L ’AFR IQUE D I ) RD ET L ’ I S I.AN 53

Des expéditions suivies rent par établi r des b eys

vassaux à Constantine , l\ :ah , Tlemsen e t enfin Oran,

abandonné en 1 790 par Espagnols .

CONQUE RANÇA I SE .

Cette situation ne pou durer . Les deys devenaient

de plus en plus insolent Hussein—dey , arrivé au pou

voir en 1818, avait de trè auv aises dispositions envers

la France . En 1 793, des 1m erçant s i sraélites d’

Alger

av aient ,par l’ entremise d e maison de Marseille , fourni

des céréales au gouv ern ent français . Des diffi cultés

de payement s ’ étaient p 1 ites , car l’

E t at barbaresque

réclamait pour lui—mên suivant la coutume locale,

une somme rondelette , c est ée naturellement . Le j our

du Beïram les consuls é 1gers se rendirent au palais,

selon l ’hab itude , pour ce lim ent er le dey . Hussein ln

t erpella M . Deval , repré ant de la France, avec v éhé

mence, lui reprochant d e pas lui apporter une lettre

de son souverain . Le s’

oub lia j usqu’

à frapper le

consul au visage avec so c asse-mouche (30 avril

En juin ,une escadre ut devant Alger sans p ouvoir

tirer réparation de cet trage , malgré un blocus ri

goureux . Le gouv ernem français proposa au vi ce—roi

d’

Egypt e ,Méhém e t Ali , ( :hâtier les pirates e t de s’ em

parer des troi s régence… e vice—roi adhérait à ce plan

à la condition de gouv r er au nom du sultan ; l’

Eu

rope acceptait la com] 1 ison , mais l’

Anglet erre s’ op

posa avec une tell e fe r au proj et que la France dut

se faire j usti ce elle—m é

Le 1 4 j uin 1830 , la fl e de l’

amiral Duperré déb ar

qua l ’ armée du comte lourm ont à Si di Ferruch , près

d’

Alger . Le dey Husse capitula peu après la prise

1 52 L’

I SLAM ET LES RACES

pédit ion de 1664 commandée par le duc de Beaufort

s ’ empara de Dj idj elli , mais rentra aussitôt en France en

1683, celle de Duquesne , malgré un premi er succès , ne

réussit pas m ieux à cause du mauvais temps . En 1685 et1686 , d

Est rées e t Tourville bombardèrent Alger . Les

Espagnols,en 1775 , furent mis en complète déroute par les

Barbaresques , de même en 1779 . En 1815 , les EtatsUnis ne réussirent pas mieux . En 1816 l

Angle t erre ,

chargée par l ’Europe de réprimer l’

esclavage, envoya

une flotte formi dab le contre les Barbaresques , réussit

à détruire leurs bâtiments , mais dut se retirer après

que l ’ amiral anglai s eu t fait signer au dey des conditionsde paix illusoires, car dès l

’ année suivante les navires

corsai res reconstru i ts grâce à l ’ aide des Ottomans , des

Marocains et des Tuni siens , écumaient à nouveau les

mers . La puissance barbaresque était telle que la France,l’

Espagne , la Hollande, la Suède , l’

Anglet erre et Naples

avaient accepté de payer un tribut au dey pour que

l eurs vai sseaux de commerce pui ssent traverser en paixla Méditerranée .

Après 1815,l’

Europe parv int à réprimer la piraterie

grâce à son union dans ce but . Cette piraterie n ’avai t

duré j usqu ’alors que par la mésentente des nations euro

péennes qui cherchaient toutes à se concilier les bonnes

grâc es des pirates à l ’ex clusion et au détriment des

autres puissances . Dès que l ’union se fit,la piraterie

d isparut . Sidi Mohammed la désavoua officiellement auMaro c en 1820 . Cette situation de l

Europe devant les

Corsai res p ourrait utilement se comparer à celle des

puissances de l’

En t ent e devant le Gouvernement d ’

An

gora (1920

Pendant que les marins corsaires se faisaient ainsi

redouter, l'

Odj ak étendait son pouvoir dans l’ intérieur.

154 L’

I SLAM ET LES RACES

du Fort l ’Empereur et fu t autorisé à gagner Naples

e t Livourne avec sa famill e.Tous les Turcs partirent d ’

Alger à ce moment : l’

opi

nion publique le s vit s’en aller avec j oie . Il ne reste

rien d ’eux sinon quelques mosquées Où se réunissent

les quelques Hanéfit e s de l a région,l ’ensemble de l a

Berb érie étant m alékit e . Une de ces mosquées existe

à Constantine . Elle était misérable en 1902 .

Ainsi préluda la conquête de l’

Algérie qui devait don

ner à la France une de ses plus belles province s .

Nous ne suivrons pas le développement des campagnes

françaises en Algéri e,ni celle de Tunisie , ni la péné

tratio n du Maroc le but de notre travail était

d’

amener notre lecteur du début de l ’ Islam isme à l’

étude

des questio ns actuelles . Nous avons exposé comment,

de la conquête arabe primitive de l ’Af rique du Nord ,sont sorties l a Tuni sie

,l’

Algérie et le Maroc nous av ons

déterminé la complex ité de l’

e thnographi e en ces ré

gions et insisté sur le caractère permanent,inéb ran

lable de la race berbère,à peine touchée par les influen

ces étrangères e t gardant malgré toutes les pressions

son caract ère parti culariste et pe rsévérant .

Nous n ’avons pas l ’ intention maintenant de soulever

les grave s questions politico— sociales qui se posent à

l’

heure actuelle en Afrique du Nord française,mais

qu’

il nous soit perm i s de fai re un vœu,au moment où

la propagande j eune—turque,bolchevis te

,l’

éb ranlement

moral e t social causé par l a guerre mon diale , troublent

de trop nombreux esprits . Le dév oûm e nt avec lequel

les Musulmans français se sont battus contre l ’Alle

magne méri te récompense les lettrés musulmans rêventl’

auton omie ; mais le seul terrain d’entente peut être

trouvé d an s une coopération ab solue . Le cit oy ennat

L ’AFR IQUE DU NOR D ET L’

I SLAM 1 5 5

français est o uv ert aux Algéri ens qui ne pro fite nt guère

des avan tages proposés , car il s craignent de perdre le

statut musulman qui le s régit social ement . Notre vœu

serai t qu ’une formule soit tro uvée pour que , tout e n

étant citoyens français politiquement , le s Musulmans

puissent cons erv er leur st atut personnel civil et reli

gieux . I l s erai t peut—être b on encore que s i les Africains

du Nord arrivent ai ns i à la réali satio n d ’une v ie poli

tique réelle , un parlement africain soit créé , avec comme

résultante l ’ étab lissement d ’un régime genre Domi

nion qu i donne satisfaction à toutes les aspirations .

Plus l ’ élément musulman s’

inst ruira e t voyagera,plus

il tendra a réaliser ses aspirations particulières ;… e t pour

l es atteindre,plus il adhérera au mouvement général

islamique , s’ il ne trouve pas dans la Métropole la v o

lon t é ferme d’une coopération étroite . D e leur côté les

Musulmans doivent être persuadés que les concessions

de la Métropole seront le résultat d e leur l oyali sme,et

non celui des agitations . Les bienfaits doivent provenir

non de l ’extérieur,mais de l

intérieur . Et nous qu i avonsv u en étudiant l

Islam et les Races la diversité dumonde islamique , nous devons être persuadés de la né

ce ssit é d’encourager

,en dehors du panislamisme

,les

tendances particularistes des Musulmans qui doivent

contribuer en ce qu i le s concerne à la prospérité de la

plus grande France .

Ainsi que l’

a indiqué M . Millerand,président de la

République , dans son récent voyage en Afrique du Nord ,rien n e peut se faire sans le temps . L ’

Islam,par suite

de son caractère fermé,est resté en dehors du mouve

ment de la civi li sation moderne ; il se trouve actuelle

ment dans la situation de l a chrétienté au Moyen Age

ses peuples ne conçoivent pas ou à peine l’

organisation

154

du Fort l’

Emp e t fut

et Livourne av sa fam ill e.Tous les Turd parti ren t d

Al

nion publique vit s ’en all er

rien d’

eux s in…uque lques

les quelque s l l ‘ éfit es de l a

Berb érie é lan l mlékiœ. Une

à Constantine . l ib éta i t m isérAi nsi préluda bœ nquêt e d e

ner à la France une de ses plus

Nous ne suivm

françaises en Al

tration du Ma

d’

amener no t

des quest

de la

sont 5

156 L’

ISLAM ET LES RACES

c ivi le indépendante de la religi on mis brusquement en

contact avec le monde moderne,malgré les frictions

inévitables,les peuples musulmans seront obligés d ’en

venir à cette conception,mettant l ’ i dée de nation avant

l ’ i dée de rel igion . I l nous appartient de ne pas créer

de malentendus irréparables et d ’aider les Musulmansdans cette transformation qui n ’est en somme qu ’uneapplication nouvelle du principe des nationalités .

CHAPITRE V I I I

L’

ISLAM CHEZ LES NO IRS

INTR ODUCTI ON .

L ’ expansion de l ’ Islam vers le centre de l ’Afri que a

suivi deux routes principales . La première part de Zanzibar et fut suivie par les trai t ants arabes , marchands

de bois d’

éb ène qui , à la recherche d’

esclaves, pour en

fourni r l ’Asie e t le nord de l’

Afrique , n’

oub lièrent pas

la propagande recommandée par le Coran . Après deux

années d ’ absence Stanley constatai t l ’ env ahi ssem ent du

Congo par les associés et les coreligionnaires de TippooTib , le fameux commerçant arabe, sultan réel ayant

sous ses ordres une véritable armée que l’

on nomma ,ne pouvant s

en débarrasser, gouverneur du Congo

belge . M . Trivier est encore plus formel : L ’ invasion

des Arabes s ’ accentue chaque j our davantage au trai n

où ils vont, ils seront loin bientôt et plus loin Les

avi s qui m ’ avaient été donnés j usqu’

à ce j our, de pro

v enance blanche, j aune ou noire, étaient tous les mêmes

sur l ’ env ahi ssement du pays par les Musulmans . EtM. Triv i er ne compte plus les villages traversés p ar lui ,commandés par des Arabes . Les randonnées des trai

tants dans le centre de l’

Afrique avai ent abouti à la

créati on de véritables royaumes musulmans , dont lefanatisme accru par les qualités mi li taires de chefs tels

que Ahmadou et Samory, nous a donné beaucoup demal dans notre avance du Sénégal au Niger, au Tchad .

156 L’

ISLAM ET LES RACES

c ivi le indépend t e de la religion ;mi s brusquement encontact ave c lc monde moderne

,malgré les frictions

i névitab le s .s euple s musulmans seront obligés d

en

venir à ce t t e m œpt ion ,mettant l

’idée de nation avant

l ’ i dée de r:-l ig i « Il nous appartient de ne pas créer

de malentendu rréparab les et d’

aider les Musulmansdans cette t ranmrmat ion qui n ’est en somme qu’uneapplication Ile du principe des nationalités.

158 L’

i SLAM ET LES RACES

La deum eme route suivie par l’

Islam dans sa propa

gat ion à travers le continent africain , le blad e s—soudan ,le pays noir, part du nord . Les confréries religieuses t e l

les que le senoussism e et la secte des Kadry a , avaient

retrouvé l ’ ardent esprit de prosélytisme des compagnons

du Prophète . Leur volonté de restaurer l ’ empire des

khalifes au centre de l’

Afrique , l oin des Chrétiens et

des Turcs , avait causé entre la Tripo lit aine et l’

Ouadaï

le rassemblement de groupes fana tiques prêts à porter

le glaive de l’

Islam sur les lnfidè les . L’

av ance momen

t anée des Italiens vers Ghadam è s et l’ action énergi qu e

des Gentil , des Lamy , d es Mol] en Afrique oc cidentale ,au Ouadai , avaient encerclé les Senoussist e s dans une

zone limitée . Mais leur action politique touj ours aussi

puissante s ’ est retrouvée dans tous les mouvements

dissidents de Tunisi e , du Soudan , et en général de l’

A fri

que du Nord .

Comment expli quer que les noirs fétichistes adoptent

avec tant de facilité la croyance de ceux qui les ont

tant persécutés Il est hors de doute que le s races noires

subissent à l ’heure actuelle un éveil confus , un lent be

soin d’

ascension à des échelons de v ie supérieure

Or le musulm anism e, qu i demande si peu à ses néo

phy t es, répond suffisamment à c e besoin . Sauf en cer

tains po ints , par ex emple dans l’

Ouganda et peut—être

au Zamb èze , la propagande chrétienne n’ obtient que

peu de résultats , et en core sont—ils peu durables , quand

elle agi t seule dans un milieu noir . Partou t où elle

do it lut ter avec l ’ expansion islamiq ue , ses gains sont

nuls ; ceux des Musulmans rapides et considérables .

C’

est un fait que l’

on ne peut nier . Les colonies euro

(1 ) De Vogüé, Le s I ndes no ires . Re vue des D e ux—M on dœ .

L ’ 1 5 LAM CHEZ LES N O IRS 9

péennes, ditM . de Vogüé, ne font pas exception au SierraLeone, où il n

’y a pas trente ans on n ’

eû t pas trouvé un

Musulman , on en compte auj ourd’hui D e même

au Lib éria . l l n ’ est si pe t it e bourgade de la côte de Bénin

qui n ’

ai t sa mosquée aux lieux où trônaient naguère

encore les di eux fétiches . Les nègres sont de grands

enfants , menés par deux passions : les femmes et la

boisson . Le Musulman leur interdit l ’ alcool , mais il leur

accorde la polygamie . Le Chrétien permet l ’ al cool , mai s

il prohib e le harem . Les pauvres noirs sont fort em

b arrassés ; l’ événement prouve qu ’ ils penchent vers le

harem .

A ces plaisirs sensuels , il faut aj outer la simplicité

de la doctrine monothéiste de l ’ Islam , facile à compren

dre pour les cerveaux primitifs du continent noir . A la

persuasion s’

est aj outée la force . Le prosélytisme mu

sulm an s’

est exercé autant par le fer qu e par la parole,et ce que l

Islam tien t , il ne le lâche plus . En Afrique ,plus de 59 mi llions de croyants sui vent l

’ enseignement

islamique . Les conversions sont de plus en plus nom

b reuses, malgré les efforts de s missions chrétiennes à

qui d ’ ailleurs il est quelquefois interdit, comme au Soudan égyptien , de prêcher les populations musulmanes

et permis seulement de se confiner aux fétichi stes e t

aux pay ens (d’

après Margoliou th) .

Le souffle puissant qui animait autrefois l’ immense

vague des Arabes qui , comme un vol de sauterelles , se

répandit sur l’

Asie et le bassin de la Méditerranée , est

venu , semble—t —il , v iv i fier les fanatiques affi li és aux

confréries religieuses de l’

Afrique tropicale pour les

animer d ’un esprit ardent de prosélyt isme .

160 L’

I SLAM ET LES ACES

A .L ’AFR IQUE NO IR FRANÇAISË .

L ’Afrique noire françai se a sb i l m f1uenée arab e

que,puis de l’Afrique du Nord , afin de Zanzibar aux

époques relativement récentes .

Parties d’

Egypt e , les tribu s araes remontèrent d’

une

part le Nil j usqu’

aux source s (1 grand fleuve, essai

mant de loin en loin leurs co lonie, se mélangeant avec

les populations indigènes ;quand lu s tard les traitantsarabes partirent de Zanzibar et e Dar Es Salam sur

les traces des grandes inv asion.< hynüañ tœ , ils trou

v êrent la région des Grands Lacs oute préparée à leur

propagande par cette p remière uva cee venue d’

Egypte.

D ’ autre part,d ’ au t res trib us part i s d

Egypt e suivirent

le Bahr el Gazal vers le Ouada i t le Baghirmi .

Ces dernières tribus t rou v è re n dans ces régions, et

dans les régi ons voisines , un dou le élément, l’

élément

berbère et l ’ élément noir . Les Benè res méditerranéens

avaient naturellemen t essaimé v e r le centre du conti

nent Tout comme les Arab es, i avaient de grandes

tribus nomades guerriè res qui as. rv issaient les séden

taires . L ’ action arabe musulm an se porta d’

abord,

semble—il, sur les éléments noirs . . e mélange des nou

veaux venus avec ces derniers dana les Choua l’

ac

tion fut moins facile sur les Be rb ce s .

Les Berbères sont très part icula st es et ne subissentl’

env ahisseur que par la force . Les‘

ouareg, les Tib bous,

(1 ) Le s Berb ères form èren t , sem b le — b i] la popula t io

t e au d’Auv ergne . Cer

t a :n s au t eurs pré t enden t que le s Be rb ère v e naien t du Sud, mais0

mon n es t m 0 1 n s cer t a i n

160 L’

I SLAM ET LES RACES

A . L ’AFR IQUE NO IRE FRANÇA I SE .

L’

Afrique noire française a subi l m fluence arab e

venue d’

Egypt e aux premiers âges de l’

époque islami

que,puis de l ’Afrique du Nord , enfi n de Zanzibar aux

époques relativement récentes .

Parties d’

Egypt e , les tribus arabes remontèrent d’

une

part le Nil j usqu’

aux source s du grand fleuve, essa imant de loin en loin leurs colonies , se mélangeant avec

les populations indigènes ;quand plus tard les traitantsarabes partirent de Zanzibar et de Dar Es Salam surles traces des grandes invasions hym iari te s, ils trou

v èrent la région des Grands Lacs toute préparée à leur

propagande par cette première avancée venue d’

Egypt e .

D ’ autre part , d’ autres tribus parties d

Egypt e suivirent

le Bahr el Gazal vers le Ouadaï e t le Baghirmi .

Ces dernières tribus trouvèrent dans ces régions , et

dans les régions voisines , un double élément, l’ élément

berbère et l ’ élément noir . Les Berbères méditerranéens

avai ent naturellemen t essaimé vers le centre du continent Tout comme les Arabes , ils avaient de grandes

tribus nomades guerrières qui asservissaient les séden

taires . L’ action arabe musulmane se porta d

’ abord ,semble—il, sur les éléments noirs . Le mélange des nou

veaux venus avec ces derniers donna les Choua l ’ ac

tion fut moins facile sur les Berbères .

Les Berbères sont très particularistes et ne subissent

l’

env ahisseur que par la force . Les Touareg , les Tib b ous,

(1 ) Le s Berb ères form èren t , sem b le- t -il, la popula t ion au t o ch

t one hab i t an t du N il (Berb erah) au pla t eau d’

Auv e rgne . Cert a ins au t eurs prét enden t qu e les Berb ère s v enaien t du Sud, m a isrien n

e s t m o in s ce rt ain

L’

I SLAM CHEZ LES NO IR S 1 6 1

chez lesquels se retrouvent encore les ves t iges des au

ciennes dj emaas (assemblées) berbères , livrèrent desluttes terribles aux envahisseurs . Il fallut des vagues

renouvelées d ’

Arab e s pour faire brèche dans les îlots

berbères , et encore maintenant dans les pratiques islam iques des plus fanatiques de ces peuples , peuvent se

retrouver les anciennes croyances ou superstitions ber

hères .

La rapidité avec laquelle l’

Islam étendit (1 ) son do

maine spirituel sur l ’Afrique du Nord et sur le Soudan

est remarquable . Dès la première invasion d ’

0 kb a en

Afrique du Nord (vers les Berbères du Saharaoccidental Sanhadja et Lem t ouna étaient touchéspar la propagande islamique . Les Sanhadja se firent à

leur tour les propagateurs de la nouvelle religion . Dès

le X e siècle après J .

-C . (IV 9 de l ’Hégire) ,ils avaient fondé

entre Tagant et Oualata un empire commandant à dix

huit royautés nègres . Il s furent rej etés dans le désert

par les Soussous, mais il s avaient apporté en ces régi ons

la civilisation islamique .

L ’ empire senhadj i fut remplacé par l’ empire noir de

Tombouctou . Au V I I I e siècle après J —C. , le célèbre voya

geur arabe Ibn Bat out a signale un grand Etat mu

sulman à Mellé . Le roi Koukou Moussa se rend à La

Mekke , entretient des relations avec les khalifes d’

E

gy pt e et les émirs du Maroc . Son empire comprenaittrois grandes provinces divisées chacune en douze sul

t anat s . Les chroniqueurs musulmans s’ accordent à v an

ter les richesses de l ’ empire soudanais , à célébrer com

(1 ) Po ur l e t ude de l’

Afriqu e n oire fran çaise , j e su is l’

ou v rage

du Ct O . Mey n ie r , L’

Afr iqu e n o ire . Paris , Flam m arion , 1 91 1 , e t

De lafosse , Les No irs de l’

Afr ique , Collec t ion Pay o t , Paris, 1922.

162 L’

ISLAM ET LES RACES

bien les lettres , les sciences et les arts ont une place

importante dans les préoccupations de l ’E t at . M . Le

Chât elie r veut réserver surtout aux Berbères et aux

Arabes venus du nord , qui form aient la classe élevée

de la société la gloire de cette civilisation , mai s il

est probable qu en Afrique noire, comme dans les autres

terres d’

Islam , les aspirations particulières des peuples

se sont fait j our sous l ’ égide islamique . Le x 1v € si ècle

marqua au Soudan comme en Afrique l’

apogée berbère .

Les savants soudanais rivalisèrent alors de science avec

les docteurs musulmans . De cette époque datent en ar

chit ec t ure les mosquées de Gao et de Tombouctou .

Au XV I e s1ecle les Songha1 avec comme villes Gao,Tombouctou et Dienné s ’ emparent du pouvoir. ElHadj Mohammed, chef de la lignée des Askia , prend

l’

Islam comme un nouveau moyen de domination , en

courage ainsi que ses successeurs la diffusion de l’

Islam .

Une civili sation éclatante répondit aux efforts des chefs

et des savants songhaï . L ’ empire s ’ étendait du Tchad

a l’

At lant ique ; le commerce était florissant . Parmi les

écrivains soudanais , Abderrahman ben Abdallah , au

teur du fam eux Tarikh es Soudan , mentionne lon

guem ent les mérites des savants , pieux commentateurs

du Coran,marabouts éminents , j urisconsultes , histo

riens qui à son époque faisaient la gloire de Dienné,

de Tombouctou e t de Gao

Pendant que l’

Islam florissait ainsi entre le Sénégalet le Niger sous l ’ impulsion des Berbères convertis par

les successeurs d’

0 kb a , la religion musulmane , sous l’

im

pét ueuse poussée des Hilal et des Soleim , prenait en

Afrique du Nord une extension considérable . Les sul

tans marocains cherehèrent naturellement à s’

étendre

1 64 L’

I SLAM ET LES RACES

pachaliks marocains . Segou Sikoro devient leur capitale Le bassin du Sénégal , qui avait v u se

succéder plusieurs civilisations , quelques—unes pro s

pères,était envahi par les hordes maures (ainsi que

nous appelons les Arabo—Berb ères qui nomadisent entre

ce fleuve et le Maroc) . Là aussi les ruines s’

accumu

laient ; le désert , continuant sa route victorieuse vers

le sud , semblait devo ir avec les nomades arriver j us

qu ’ au golfe de Guinée .

Dans le Soudan oriental , le Bornou , quoique moins

riche , moins prospère que naguère , conservait encore

son rang de monarchie organisée . mais contenait à grand

peine les efforts des Le Baguirmi , le

Ouadaï, le Darfour atteignaient ou étaient sur le point

d ’ atteindre le plus haut degré de prospéri té . Seules , lesguerres les empêchaient de former des sociétés aussi

civili sées que celle des anciens Songha‘

i . Les sultanats

de l’

Est vivaient séparés de tous le s autres , s’

av ilisSantde plus en plus par la traite de s esclaves .

C ’ est alors qu’

apparurent les Peuhls ou Foulb è s . Dans

le courant du XV I I I e siècle l ’ Islam s’

int roduisit au Fouta

D jalon , berceau des Peuhls . L’

Alm am y (1 ) Abd el Qader

fonde un Etat musulman duquel découlera le grandempire d

El Hadj Omar . Les Peuhls s’ attachent à l ’ étude

des textes coraniques et deviennent un peuple ex t rê

m em ent religieux . Au début du X IX e siècle , Othman

Dan Fodie, véritable prophète mystique , soulève les

Peuhls au nom de l’

Islam et proclame la guerre sainte .

Ce fut un enthousiasme délirant chez les Peuhls . Un

immense empire , du Bornou au Mossi , du désert à

l’

Adamaoua compris , récompensa leurs effor ts .

(l ) Alm any e st une al téra t ion de l’

arab e Il Im am .

L’

I SLAM CHEZ LES NO IRS 1 65

Malheureusement, la guerre sainte ne civili se pas les

populations , elle les exterm ine ou les réduit à l ’ état

d ’ esclaves . Othman Dan Fodi é,v ie illi , partagea son em

pire entre ses fils , mais aucune idée créatrice ne permit

de construire sur ses ruines . L’

Empire foulb é subit le

sort de tous les empires du Niger ; il se désorganisa

bientôt en une poussière de principautés .

Sokoto déclinait déj à lorsqu ’

un nouveau prophète se

révéla chez les Peuhls de l’

ouest, le fameux El HadjOmar . Ce nouvel imam fut rej eté vers l ’ est par le géné

ral Faidherbe . Il se vengea sur les royaumes noirs , en

1855 s ’ empara de Tombouctou et étendit son empire de

Tombouctou au golfe de Guinée , du Sénégal à Sikassoet au Mossi . El Hadj Omar, avant tout guerrier, ne sutpas construire . Son neveu Tidiani prit une partie duterritoire . Son fils Ahmadou Cheikhou régna sur Segou .

Le D j ihad prit le caractère de razzias d’

esclaves contre

lesquelles combattirent les Français du Sénégal .Les nomades maures ou touareg profit èrent encore

de l ’ anarchie pour avancer vers le fleuv e ;Sam ory com

mence ses conquêtes . Depuis 1886 , les eff orts des mar

souins français nous ont valu la conquête du Soudan .

Moins que partout dans le monde , l’

Islam avai t réussi

en pays noir à fonder une civ i li sati on stable . Les Ma

rocains n ’ avaient fait que passer . La religion de Maho

met était, il est vrai , parvenue au Soudan , par l’ inter

m édiaire de pillards et elle avait sans doute perdu ainsi

de sa force civ ilisat n ce .En Perse , dans l’

Inde , en B erb é

ri e , les conquérants avaient appo rté l’

Islam , mais les ci

v i li sat ions locales avaient continué leur développ ement

propre sous le voile islam ique .Ainsi s ’ explique la florai so n

incomparable des diff érents peuples sous l’

Islam a rabe .

Au pays noir la civi lisation a laissé des traces, mai s

1 64 L’

I SLM ET LE S RACES

pachaliks marocains . Segou S ikoro devient leur capi

tale Le ba in du Sénégal , qui avait vu se

succéder plu sieurs v i lisat ions , quelques—unes pros

pères , était envahi ar les hordes maures (ainsi que

nous appelons les Arb o—Berbères qui nomadisent entre

ce fleuve et le Man u) . Là aussi les ruines s’

accumu

l aient ; l e déser t , w inuan t sa route vi ctorieuse vers

le sud,semblait de i r avec l es nomades arriver jus

qu ’ au golfe de Guin

Dans le So udan d ental , le Bornou , quoique moins

riche,moins pro spè : que naguère , conservait encore

so n rang de mo nan l e o rganisée , mais contenait à grand

peine les e ffo rts d Le Baguirmi, le

Ouada i , le Da rfo u r t t e ignaie nt ou étaient sur le point

d ’ atteindre le plus l u t degré de p ro spéri té . Seules, les

guerres les em pu'h e nt de fo rmer des sociétés aussi

civili s ées que c e lle e s anciens Songhaï . Les sultanats

de l’

Est viva ie nt h t arés de tous les autres , s’

av iliSsant

de plus en plus p la traite des esclaves .

C ’ est alo rs qu’

a…rure nt l es Peuhls ou Foulb ès. Dans

le courant du x v m *siè c le l'

Islam s’

int roduisit au Fouta

D j alo n ,berce au d.Pe nnls . L

Almamy (1 ) Ab d el Qader

fonde un E ta t in u lman duquel découlera le grand

empire d’

El Had ] b ar . Les Pe uhls s’

attachent à l’

étude

des textes co rq° S et dev i ennent un peuple extrê

m em e n t re ligieux \u début du x i x e siècle, Othman

Dan Fod ié , v (—n l . le prophète myst ique ,soulève les

Pennls au nom « le I slam et pro clame la guerre sainte

Ce fut un e n t ln a sme d éli rant chez les Peuhls. Un

immense empi h . u Bornou au Mossi , du désertà

l’

Adamaoua c om ; 5 , récompensa leurs effor ts .

—\lm s nv e s t u n téra t ion de l’

arab e Il Im am .

166 L’

I SLAM ET LES RACES

les noirs n eta ient san s dout e pas encore aptes à as si

miler à l’

Islam leur s conceptions propres du monde .

Peut—être faut-il expliquer ainsi que des sociétés certai

nement supérieures comme celles des Songhaï, n’ aient

laissé aucun Etat fermeme nt organisé avec l ’ aide del’

Islam .

Au point de v u e colonial françai s, peut—être vaut—i l

mieux que les événements se soient passés ainsi,car

,

si le Soudan avait été entièrement et profondéme ntislamisé , nous aurions pu nous fai re aimer, servir de

c onseillers et de guides , mais j amais nous n’ aurions pu

aussi bien assimiler à no tre patrie ces populations non

mu sulmanes qui sont notre souti en le plus soli de . L’

Is

lam crée une diff érence entre Musulmans et Chrétiens .

Quoi qu ’ on fasse , la civi li sation chrétienne et la civilisa

tion islamique procèdent de bases différente s , et tout

en étant en excellents termes avec les Musulm ans , i l

est facile de const at er ,en pays noir, que l es populatio n s

fétichistes par exemple Se donnent plus entièreme nt à

nous que les islamiques .

Somme toute,après une période d

engouement i sla

m ique,qui nous avait porté à favoriser le développement

de l ’ Islam en Afrique , il a fallu reconnaître qu’une erreur

p olitique étai t peut-être comm ise . Le noir n’

adopt e que

les formes extérieures de la religi on mais devenu Musul

man,il tomb e entre les mai ns de dirigeants qui peuvent

facilement devenir défavorables à notre cause,alors que

les dirigeants chrétiens ou non—musulmans ont au co ntraire intérêt à s ’appuyer sur notre autorité .

Jusqu ’ à présent , en Afrique Occidentale Française ,l e panislamisme n

a guère été inquiétant L’

action

(1 ) M. Dela fo sse , Les po in ts s om bres de l’

hor izon en Afr iqu eOcc iden ta le F ra nca ise .Bzd ie t in de l

’A/r ique F ran ça is e, juin 1 922 .

L’

I SLAM CHEZ LES NO IRS 167

d es marabouts locaux a été et sera sans doute encore

beaucoup plus puissante qu’ un mot d ’ ordre venu de

Constantinople ou de La Mekke , ou de quelque autre

métropole lointaine de l’

Islam sur le noir b e auco upplus éc lectique en religi on que le musulman blanc . Ce

pendant l ’ esprit de national isme créé dans l ’ Islam pa r

le mouvement d’

Angora mène à un panislam isme pol i

tique qui peut devenir dangereux à un moment donné .

C ’ est pourquoi la mentalité des marab outs et les menées

des Senou ssist es , propagandistes de ce panislamisme ,doivent être étroitement surveil lées .

B . LE CENTRE DU CONTINENT NO IR

L ’ expansion isl amique dans le centre du continent

afri cain se fit par l’

intermédiaire des traitants arabes

de l ’Océan Indien . En plus du commerce d e s épices ,ces marchands fai sai ent surtout la trai te des noirs . Eneffet, si la Turquie et le monde musulman réclamaient

encore des eunuques , des femmes et des travailleurs ,surtout, l

Amérique , manquant de bras pour ses plan

t at ions, demandait à tout prix des noirs esclaves . Il

exista des contrats entre les gouvernements européens

et des compagni es privées formées dans ce but . Un

contrat aurait été ainsi signé en 15 17 entre Charles

Quint et l ’un de ses compatriotes des Flandres .

La traite se fai sai t par les ports autour de l ’A frique .

Mais l’

Angle t erre la proscrivit en 1807, les Congrès de

Vienne (1815) et de Vérone (1822) sanctionnèrent 1 1nt erdict ion . La conférence géographique de Bruxelles e n

(1 ) D ‘ Hinde , The fa ll of the Con go a ra bes ; Ren é Du b reucq ,A trave rs le Congo belge . Brux e lle s , j u i lle t 1909 , sou s le pa t ronagede l

Expan sion b elge ; A . J. Wau t ers, L’

E ta t indépenda n t duCongo . Bruxe lle s, Falk fils , 1899 .

1 68 L’

I SLAM ET LES RACES

1876 e t la conférence de Berlin la renouvelèrent . Enfinl’

Eney clique du 5 mai 1888 de Léon X I I I , adressée aux

évêques du Brésil , la condamnait formellement . L’ ac t ion

religieuse se montrait également sous une forme active

avec le cardinal Lavigerie , évêque de Car thage .

Ces dispositions de l’

Europe , accompagnées d’

e ffi

caces croisières de guerre contre les navires négriers ,fermèrent b ient ô t à la trai te les ports de l

A t lan t ique . La

question fut plus diffi cile à résoudre dans l’

Océan Indien ,en raison de l

existence sur les côtes d ’

E t at s arabes ta

v orab les à la traite .

D e Khartoum , sur le Haut—Nil , partaient ainsi au

nuellement des expéditions armées vers les bassins de

l’

Uele et du Bahr el Gazal . Ces expéditions installai ent

des postes (zeribas) portant le nom du chef, réduisaient

les indigènes par la force à l’

état d ’ esclaves . Il fallut

toute la campagne anti—esclavagi ste du général Gordon

pour mettre fin à ces agissements mais ce ne fut réel

lement qu’

e n 1878, que Gessi pacha put réellemen t sup

primer la traite au sud de Khartoum .

Le véritable centre esclavagiste fut Zanzibar . Vers

1830, les Arabes de ce sultanat, parcourant l’

Afrique

à la recherche de l’

iv oire , arrivèrent dans l’

Uny any em b e

et s’

ét ab li rent à Tabora . Dix ans plus tard ils é taient

au Tangani ka (à Udj idj i) . En 1868 le mét i s D ougemb is’

ét ab lissait à Nyangwe, bientôt suivi d’ autres trai

tants . Livingstone en 1871 trouva cette colonie arabe

très prospère . Stanley raconte longuement les horreurscommises par elle dans le Manyema .

De 1830 à 1872,1e commerce de l ’ iv oire et celui des

esclaves deviennent inséparables , car les t rait ant s ayant

besoin de porteurs pour amener les défenses à la côte,trouvent très pratique d ’ amener en même temps un

170

d’

Udj i d ii . L’

aeti

patio u belge du

En oc t ob r

des partis

kandi . Par

le capitaine

Des chefs indigèm

prit bientôt un ca1

fallait en finir . La

par l ’ offensive de

colonne congolaise

indigènes du Haut

e t marcha vers les

bats , i l chassa les

Lualaba , franchit

14 j anvier 1894 , à

infligea à Rumaliade la déroute p our

j oint de Dhanis ,tale de l

Et at . P

t orit é belge aux

t orieusem ent la

pagne arabe dur

incontestée des

biles politiques .

dispersés . L

En mêmecelle des

l’

Océan

Les tr

routes

a m

son

es,sou s le com

tête de sol da ts

lés par te rre

appo r

la mo

l’

in di

o nt

d'

arm es

MAND E .

t la

rb e sui

and o n

lacs se

la sup

lemands à

à l’

autorit é

d e commercees so nt passée s

nnent p our rai

car chez be au

t considérées commeant Bührer

,le nom

li t en 19 13 à environ

ce t t e c ampa gn e le rem ar

b rer, L’

Afr ique or ien t a le'aris, 1 922.

ipit re I I I .

170 L’

I SLAM ET LES RACES

d’

Udj idn. L ’ action de la soc 1 e t é se termina par l ’ occu

patiou belge du Manyema .

En octobre l 89 1,1e capitaine Pont hier se heurte à

des partis arabes qu’

il défait au confluent du Bomo

kandi . Par cont re ,en avri l 1892

,Sultan Rum aliza b at

le capitaine Jacques à Towa . Les confl its se multiplient .

Des chefs indigènes se rallient aux Arabes . La lutte

prit bientôt un caractère de guerre à outrance . Mais il

fallait en finir . La question arabe fut promptement réglée

par l’ offensive de Dhanis . En 1892, à la tête d

’une

colonne congola ise , appuyée par les puissants chefs

indigènes du Haut-Sankuru , Dhanis partit de Lusamboet marcha vers les bomas arabes ; après maints com

bats, il chassa les esclavagi stes de l

'

Ent re-Lomani et

Lualaba , franchit le fleuve en face de Nyangwe et le

14 j anvier 1894, à deux j ours au sud-est de Kasongo ,infligea à Rum aliza un échec décisif . Ce fut le signal

de la déroute pour les esclavagiste s que Lothaire , l’ ad

j oint de Dhanis , poursuivit j usqu’

à la frontière ori en

tale de l ’Et at . Pendant ce t emps ,Chalt in affirmait l’ au

torite belge aux St anlev’

Falls et Jacques occupait vic

t orieusem ent la rive Ouest du Tanganika . La cam

pagne arabe dura 1 9 mois e t se termina par la victoire

incontestée des Belges , lesquels s’

étaient montrés ha

biles politiques . Tous le s chefs arabes étaient tués o u

dispersés . Le vieux Tippo—Tib s’

inst allait à Zanzibar .

En même temps l ’ installation des Anglais à Mombassa ,celle des Allemands à Dar Es Salam fermaient dansl’

Océan Indien la route des esclaves .

Les traitants ont ouvert à la pénétration européenne le s

routes du continent noir . L’

Islam dans le centre Afrique

a mo ins été civ ilisateur qu’

explorat eur mais néanmoins

son rôle fut considérable et mérite d ’ être signalé .

1 72 L’

I SLAM ET LES RACES

âme s ; Dar es Salam ,considéré comme très

islamisé,ne comptait qu

’enviro n de Musulmans .

Cependant,l ’ influence arabe se retrouvait en c e sens

que dans chaque v illage il était bien rare que l’

on ne

trouve pas un ou deux indigènes parlant l ’arabe ou le

souahéli ; on peut dire en somme que le souahéli étaitcompris partout .

Une remarque intéressante e st à faire sur la politique

suivie par les Allemands à l’égard de leurs su j ets mu

sulmans . Alors qu ’en Turqu ie , les Allemands se posaien t

en défenseurs du Croissant,au contraire dans leurs pos

sessions est—africaine s,ils semblaient s ’eff orcer de limiter

la propagande islamique . Cette tendance se découvre

dans une circulaire du gouverneur Schnée adressée à

tous ses chefs de poste .

L’

Islam représente évidemment un progrès pour les

fétichistes et les pay ens en ce sens son prosélytisme

serait à encourager ; en outre l’

Islam donne l’autorité

à quelques individualités qu’

il est plus facile pour un

chef de po ste de surveiller et de diriger . Mais l ’ Islam

représente une arme à deux tranchants : l ’ Islam im

prime aux masses un esprit particulier , des tendances ,contre lesquels il n

’est plus possible de réagir . Le chris

t ianism e fait des noirs des hommes moins guerriers peut

être,mais plus m aniables . Le gouverneur allemand avait

sans doute saisi ces nuances ; c’

est pourquoi il essaya

de limiter l’expansion islamique .

En tout cas il est utile de remarquer que si les Allemands eurent dans l ’Est africain de nombreux désert eurs

,c ’est le seul point où ils a ient trouvé un réel

concours parmi les indigènes : la raison est donnée enc e sens que le s Allemands faisaient du soldat la caste

supérieure e t que l eurs ashris étaient réellement con

vaincus de leur supériorité sur le res te des noirs .

CHAPITRE IX

L’

ISLAM EN ABYSS INIE

L’

A byss in ie . Le développemen t de la conquête

musulmane ne fit qu’

e ffleurer l’

Ab y ssini e . La grande

ruée arab e vers l’

Egyp t e et l’

l friqy a (Afrique du Nord

moins l’

Egypt e) toucha bien le massif montagneux ,

mais ne put y pénétrer . Les hordes nomades de cava

l iers furent nécessairement entraînées par le déroule

ment des plaines vers l’

Ouest .

L’

Ab y ssm 1e , j adis appelée Nigritic ou Ethiopie,a

touj ours été une réunion d’

états féodaux pratiquement

indépendants les uns des aut res,don t Gondar et Choa

sont les plus importants . La population , de type très

mélangé,depuis le blond , le cuivré, j usqu

au nègre crépu ,parle de nombreux dialectes dont les plus répandus ,ceux d ’

Amhara et de Tigré, semblent sortir du même

idiome que celui des inscriptions des ruines d ’

Axum .

Autour du massif montagneux grav 1 t ent au Sud et àl’

Est les tribus errantes des Gallas et des Somalis , tandis

qu ’ à l’

Ouest , les frontières restées incertaines entre l’

E

gypt e et l’

Ab y ssinie lai ssent les tribus nomades de la

région livrées aux pillages des guerriers de l ’un et de

l’

autre pays .

L’

A byss in ie chrétienne en A ra b ie . Dans l ’ anti

quité abyssine apparaît, légendaire , la figure des vieux

rois d ’

Axum mi—Césars, mi-pontifes , auxquels le Moyen

Age avait decerné le nom de Prêtre Jean D e race

caucasique comme leur peuple, les rois d’

Axum ,ville

1 72 L $LAM ET LES RACES

300 000 âme s ; D . es Salam,c onsid éré comme très

islamisé,ne compt zt qu

enviro n de Musulmans.

Cependant,l

inflence arabe se retrouvait en ce sens

que dans chaque Mage il était bien rare que l’

on ne

trouve pas un ou eux indigènes parlant l’

arabe ou le

souahéli ; on p eut ire en somme que le souahéli était

compris partout .

Une remarque inâressan t e e st à faire sur la politique

suivie par les Alle ands à l’

égard de leurs suj ets mu

sulmans . Alors qu’

. Turquie ,le s Allemands se posaient

en défenseurs du (‘

n issant,au contraire dans leurs pos

sessions est—africairs,ils semblaient s ’efforcer de limiter

la propagande islmique . Cette tendance se découvre

dans une circulaire du gouverneur Schnée adressée“

à

tous ses chefs de pst e .

L’

Islam représe n : évidemment un progrès pour les

fétichistes et les païens ; en ce sens son prosélytisme

serait à encourager en outre l’

Islam donne l’autorité

à quelques indiv iduli t és qu’ il est plus facile pour un

chef de poste de srv e iller et de diriger . Mais l’

Islam

représente une arm à deux tranchants : l’

Islam imprime aux masses u esprit partien

contre lesquels il n'

st plus po

t ianism e fait des n

être,mais plus m

sans doute saisi il’

essaya

I'M rxr «.e s RACES

ul luM drum ln province de'

l’

igre, à l’

orient du fiere

(« fuie n t enco re puissants à l'

époque des C)'i

umlm. l .…n‘

a suppo rts av e c les Grecs d’

Alexandrie , aec

l ‘empire rmnuln lui-mômo,nv aient été suivis de l’ea

« lu e ln‘ls l lnnisnie en ces régions . En cet

depu is plus de qunlo rze siè c les , le peuple abyssin IQferme un rlle enl lm lique o rie ntal , o ù

\‘tl llll t i l

l tl uvr e ln e lu‘éli e tnlé . par su it e de l’

…un. i l laisse péné t re r l‘

ure t‘ superstit ions coptes, g

rc

ques . j udaïques. e l uu’

uue force pratiques pay enrîesml'

N leb lsles. ee chris tianis me bâtard qui fut i nta

par les lill l1iopie us en Arab ie

dominat ion de plusiems siè cle s . Il n a maiheureusemüt

M ure nu\ eouuuuu:m lœ e lmét ienues du Yémen que e

h‘

uisil la co nquê te musulumne . L æs r ois

par les Amie—rm s ram fort e .

due tts—n q…s‘

asduuls œ pe udau

su uns—à

»i «: Muh cimmw‘

. au: « su m mmäm Je:

tent. qbewhe r :mugp mmv s à :De tente ! mins—i «i

mîleum n… m,un les nes—secu

\Q i t;t æ2n… .;îl i i

L’

I SLAM EN ABYS S IN IE 175

leurs croyance s , revinrent plus tard à La Mekke à la

uv e lle de l’

entente survenu e entre Mahomet et ses enne

I s . Les Arabes avaient déj à en maille à partir avec les

ay ssins, lorsque les rois d’

Axum avaient conquis l ’Ara

e Heureuse La Mekke ou Baccah et son Dieu Allah

a ient acquis une grande renommée par leur surna

relle résistance à une expédition éthiopienne dont

but avait été la destruction du culte .

Les Musulman s avaient effl euré le bloc abyssin en

mv ert issant à leur foi l es tribu s nomades de l a p éri

nérie ; maîtres de l’

Egypt e , il s livrèrent sans grand

1ccè s de nombreux combats aux montagnards . L’

Islam

e put conquérir l’

anc ienne Nigritic , mais l’ invasion

e la vallée du Nil eut une influence désa streuse sur les

es tinées religieuses de s Abyssins : l’

Eglise copte d’

E

ypt e fut oppri mée par les Musulmans . Or , de cette

erniè re dépend hiérarchiquement l’

Eglise d’

Ab y ssin ie .

L’

ab ouna (notre père en arabe) , chef religieux de

Ab y ssini e , devant canoniquem ent recevoir l’

inv e st i

ure du patriarche alexan drin , et le grand régulateur

e l’

Eglise abyssine au X I I e siècle , saint Thecla Harma

Iot , ayant décidé que l’

ab ouna serait touj ours un ét ran

er probablement pour év iter le népotisme des gran

les familles féodales il en résulta une situation facile

prévoir . Le clergé abyssin , généralement docte , cu

i eux d ’ études théologiques , qui aurai t inventé la scho

ast iqu e si ell e n ’ avait pas exi sté , se trouva sub ordonné

à des moines ignorants et hautains , sortis des tri stes

ouv ent s coptes où l’

on façonnait encore , il y a cin

quante ans de s eunuques pour les harems mu

sulmans . Sept siècles durant , l’

Ab y ssinie fut stérilisée ,notamment dans la théologi e , le droit et l

histoire na

tionale . Les Port ugais , qui , dès le début de

n u m-M n n rla e'ÎRÊA

174 L’

ISLAM ET LES RACES

située dans la province de Tigré , à l’

orient du fleuve

Takazzé, étaient encore puissants à l’ époque des Croi

sades . Leurs rapports avec les Grecs d’

Alexandrie , avec

l ’ empire romain lui-m êm e,av aient été suivis de l

ét a

b lissem ent du christianisme en ces régions . En effetdepuis plus de quatorze siècles , le peuple abyssin pro

fesse un rite catholique oriental , où l’ interruption des

rapports avec la chrétienté par suite de l ’ essor musul

man , a laissé pénétrer force superstitions coptes , grec

ques , j udaïques , et même force pratiques pay ennes ou

fétichistes . C ’ est ce christianisme bâtard qui fut intro

duit par les É thiopiens en Arabie Heureuse lors de leur

domination de plusieurs siècles . Il n ’ a malheureusement

pas lai ssé de traces , ayant simplement donné nais

sance aux communautés chrétiennes du Yémen que dét ru isit la conquête musulmane . Les roi s d

Axum furent

renversés par les Amharas , race forte , dure et belli

queuse , qui s’

assim ila cependant au peuple subj ugué et

l’

union se fit dans la lutte contre les grands Etats islam ique s qui attaquaient le massif abyssin à l

Est et au

couchant , ainsi que contre les Danakil s e t les Gallas ,d

abord païens , ensuite musulmans , qui le débordaien t

au midi .

M usulmans et A byss ins . Les premiers rapports

historiques entre les Musulmans e t les Abyssins eurent

lieu vers 6 15—1 6 , quand , à la suite des vexations con

t inue lles de l ’ aristocratie m ekkoise envers les partisans

de Mohammed , un certain nombre de ces derniers du

rent chercher refuge auprès du Négus d’

Ab y ssinie . Le

potentat refusa d ’ ailleurs la demande d’

ex t radit ion faite

par les persécuteurs . Quelques—uns des réfugiés se con

v ert irent au chris tianisme, mais la plupart, restés fidèles

176 L’

IS LAM ET LES RACES

l eurs cro isières , avaient fréquenté les marchés abyssins

en t enant leurs expéditions secrètes et avaient au

XV I e siècle sauvé la monarchie éthiopienne , essayèrent

bien au trefois d’

introduire dans le pays les Jésuites ,mai s ces derniers furent rapidement chassés à cause de

leurs cruautés .

L’

I slam con tempora in . Malgré la christianisation

de l ’Ab y ssinie , un certain nomb re de Musulmans habi

t aient le pays . En 1843, l’

Edin burgh Rev iew signale à

Gondar et dans les villes frontières des marchands —m u

sulm ans et étrangers , mêlés aux commerçants coptes

ou Juifs . En plus , d’

après G . Lej ean , un certain nomb re

de cités de l’

intérieur étaient musulmanes , soit en

totali té comme Derita , Em fras, Alit iou-Amba , Haoussa ,soit en partie comme Gondar ou Mahdera—Mariam . Ces

Musulmans occupaient en ces régions exactement la

même situation subalterne que les Chrétien s en Orient

dan s les é tats soumis à l’

Islam . Restés depuis des

siècles étrangers au métier des armes , ils n’ avaient j a

mais pris par t aux troubles de l’

empire , et se contem

t aient de s’ enri chir par le commerce qu ’ ils avaient en

partie monopolisé . Il est à remarquer d ’ ailleurs que la

moralité privée de ces Musulmans était généralement

supérieure à celle de la population chrétienne . D e même

les villes habitées par eux sont plus riches , plus indus

trieuses . Le commerce s’

y fait avec plus d ’ équité, les

transactions y sont plus sûres et les engagements plus

respectés . Cette supériorité intelligente et morale , dit

l’

Ed in burgh Rev iew de 1843 , leur a acquis la confiance

du gouvernement abyssin qui leur aff erma le revenu

des villes . Cependant par un décret d’ avril 1864, Théo

dore l I proscrivit l ’ islamisme dans toute l ’ étendue de

L’

I SLAM EN ABY S S IN I E 1 77

l ’ empire et déclara rebelles tous les Musulmans qui

n’

apost asiera ient pas en mangeant des viandes signa

lées connu e impures par le Coran .

Il faut voi r, s ans doute, dans cette attitude, une me

sure de représailles contre l’ action offensive des Egyp

tiens, qui de tous temps , s’

e fforcèrent d’ agir sur la péri

phérie du massif et même sur la côte de la Mer Rouge .Quoi qu ’ il en soit, les Musulmans , en apparence du moins ,se soumirent à Théodore I I . Il n

en reste pas moins

vrai qu’ ils reprirent rapidement leur c ondition d ’ au

t refois et le commerce musulman est encore florissant

en Ab y ssinie . Comme on le voit, l’

Islam n’

influa pas

b eaucoup sur les destinées de ce pays . I l n ’ en était

pas moins intéressant de mentionner la protection que

les potentats éthiopiens avaient accordée aux premiers

Musulmans et les luttes farouches qu i suivi rent la con

quête arabe de l ’Egypt e , luttes terribles qui se sont

poursuivies j usqu ’ à nos j ours .

Pendant la guerre de 19 14- 19 18,les Allemands tenté

rent d ’opérer eu Ab y ssinie : Ils avaient noué des rela

tions avec le s Musulmans du pays . Le Négus,Jésus

,

faible,dissolu

,se fit Musulman à leur instigation ; une

mission germano-turque se rendit auprès de lui . Mais

u ne réaction chrétienne se produisit et mit sur le trône

l a fille du Négus Menelik,qui restaura la religion chré

tienne . Avec le concours des Français et des Britanni

ques,notamment grâce à la surveillance des navires

de guerre,la mission allemande fut dispersée

,prise ou

tuée . L ’ex—négus Jésus dut s ’enfuir chez les Gallas ; i l

a été tué,dit-on

,dans un combat en 1 920 . Un Turc e t

s a femme,laiss és à Hodeïdah avec un code secret pour

communiquer avec les Al lemands d ’

E thiopie , revinrent

12

1 78 L’

ISLAM ET LES RACES

en 19 15 avec la compagnie de déb arquement de l’

Em

den et regagnèrent Const ant i 11 0 ple avec les marins de

von Mucke . Cette simple histoire permet de constater

avec quel soin les Allemands avaient tendu leur trame

autour des puissances de l’

En t ent e .

CHAPITRE X

LES SULTANATS DE L ’OCEAN IND IEN

De même qu ’ il existe une civilisation,une mentalité

méditerranéenne,il exi ste une unité dans l’Océan Indien

de l’

Oue st le s mêmes in fluences se retrouvent à D j eddah ,

à Souakim ,à Mascate

,à Oman

,à Bombay et à Zanzibar .

La mer réunit le s peuples que les distances terrestres ont

séparés j usqu’ à la construction d es routes e t des chemins

de fer .

Prem iers apports arabes . Malgré des traces d ’ in

fluence égyptienne et chi noise, les chronique s s’

accor

dent à attribuer la fondation des villes de la côte

aux Arabes et aux Persans La j uxtaposition de ces

deux noms n ’ a rien d’

étonnant, car tout l’

Orient est

rempli des conquêtes accomplies par ces deux peuples

unis pour la propagation de l ’ Islam , ou luttant entre

eux pour la suprématie . Dans l ’Afrique de l’

Est , les

Arabes sont les plus nombreux ; mai s la présence de

vrais Persans est établie . Burton a découvert une de

leurs inscriptions près de Tanga des monnaies de mêmeprovenance on t é té trouvées à Mélindi . Bien que ce ne

soit pas une preuve , car les Arabes originaires du sudde l

Arab ie auraient bien pu introduire avec eux l’

art

persan , il faut aussi signaler que les mosquées anciennes

(1 ) Le Gre c Pt olém ée v e rs 1 50 av an t J .-C. appelle l

Es t a fricain Azu ana e t c i t e le c ap Zin gis . A rappro che r du n om a rab e de

la c ô t e zan y , plurie l zunuy , sem b la b le au persan zang qui sign ifi en o ir (Lan e Po ole ) .

1 80 L’

I SLAM ET LES RACES

de la contrée sont , d’ après Eliott, d

architecture pe r

sane et non arabe . La tradition indique Makdishu

comme le plus vieil établissement construit sur la côte

ensuite Kilwa puis un ou deux siècles

plus tard Mombassa , Kilifi, Mélindi , les établissements

de l ’ archipel Lamu , Pate ou Pat t ak , S iu, Faza et Lamu .

Les premiers venus de race sémitique furent les H i

m y ari t es . I l existait, avant l’ ère musulmane , dans l

Ara

b ie méridionale , une population pastorale , convertie

en partie au j udaïsme e t hostile au christianisme : les

Himyarites . Chassés de leur pays à une date inconnue ,sans doute par une de ces révolutions intérieures si

fréquentes en Orient, ils avaient émigré tout le long

d e la côte afri caine . Ce sont peu t —être eux encore , di t

M . Lane Poole, qui construisirent Zymb ab ie et le s autres

cités auj ourd ’hui ruinées de la Rhodesia . Les habitants

d’

Oman , ville arabe de l’

Arab ie du sud , convertis au

musulmanisme , suivirent les traces de ces voyageurs .

Oman et Mascate, villes et terri t oires sur la mer,devant un hinterland désertique , ne pouvaient subsister

que par l’

Océan .

Les Om anais u t ilisèrent,comm e refuges , les baies les

mieux situées de la côte . Leurs plus vieux comptoirsfurent ainsi , dit-on , établis par les Emm ozéideS (Ammû

Saïd) d’

Oman . Badger citant le Fut ûh el Buldan ,

raconte que Sa1d et Sule ïm an, chefs d’

Om an , résistèrent

à El Haj j aj , gouverneur de l’

Irak , qu i attaqua leur

pays en 684, mais qu’

à la fin , il s furen t vaincus . Ils s’

em

b arquèrent alors avec leurs partisans pour la Terre

de Zanj où ils fondèrent un royaume musulman . La

(1 ) V . Krapf, Tra vels a ndM iss iona ry la bours , p . 252 Badge r,! mam a nd S ey y ids of Oman , p . XI I Huar t , H is to ire des A ra bes .

182 L’

i SLAM ET LES RACES

mais le Portugais , à tort ou à raison , soupçonna une

perfidie ,et inaugura la longue suite de querelles e t de

meurtres qu i devai t former l’

histoire des relations des

nouveaux venus et des Musulmans de la Ville de la

Guerre : Vasco eut quelque difficulté à entrer dans le

port, son vaisseau fut abordé par celui qui venait der

rière , et les pilotes confessèrent sous la torture qu’

ils

avaient reçu l ’ ordre de couler la flotte .

Le fond de cette aventure est diffi cile à expliquer .

Gama raconte que les pilotes furent mis à la torture .

On leur fit tomber sur la chair nue des gout telet tes de

graisse bouillante : il s avouèrent alors qu e des ordres

avaient été donnés de nous capturer dès notre entrée

au port Correa (1 ) raconte que le cheikh de Mozam

bique avait envoyé un coureur prévenir le sultan de

Mombassa de l ’ arrivée des Portugais,l’

inform ant q ue

Vasco était un brigand . Il est probab le que les Euro

péens, suivant leur habitude en ces temps d’ aventures ,

avaient commis quelques déprédations à Mozamb ique ,

e t que le cheikh avait prévenu ses voisins de se tenir

sur leurs gardes .

Cependant Correa aj oute que, après le départ de la

flotte portugaise de Mombassa , le roi , pour dissimuler

sa perfidie se prit de querelle av e c le s pilotes en la

présence d un Européen resté sur le rivage et ordonna

que ces marins soient battus de verges Le Portugais

qui apparaît dans cette relation était un condamné de

dr oit commun nommé Diaz qu i rej oignit plus tard

les comptoirs indiens de sa na t ion . Il faisait partie de

ces forçats envoyés avec Gama pour être aventurés dans

(1 ) Correa , Leuda s da India , t radu c t ion S tan le y pour la Hakluy t

Soc ie t y , 1879, p . 1 05 .

LES SULTANATS DE L ’OCEAN IND IEN 183

les endroits dangereux où l’

on avait besoin de savoirdans quelle mesure on pouvait se risquer .

S i la relation de Correa e st ex acte , il est difficile de

comprendre pour quel motif le sultan se serai t déclaré

sincèrement navré de ce qu’

il avai t désiré . Il n ’ avai t

aucune raison de dissimu ler sa perfidie ,e t si sa première

intention avait été d’

attaquer Gama , il aurai t proba

blement fait disparaître Diaz . Le fait que le roi de Mé

lindi reçut les Portugais avec autant d’

empressem ent

montre que les indi gènes ne leur étaient pas foncière

ment hostiles . En réalité, quand il se crée des malen

tendus entre Européens et Orientaux, la faute en est

généralement aux premiers .

En tout cas , Vasco da Gama, trouvant que nullerevanche n ’ étai t possib le ,c ingla vers Mélindi ou le sultan

du lieu le reçut avec empressement . Mais il ne voulut

pas toucher terre , par méfiance sans doute , et continua

sa route vers l ’ Inde , piloté par des navigateurs arabes

dont le plus célèbre fut Abd ul Medj id A son ré

t our,l’

année sui vante, il ne s’

arrê ta pas à Mombassa,

mais à Mélindi où il érigea une colonne de pierres en

rem ercîm ent d’ avoir échappé à la perfidie du sultan .

Camoens décrit l’

expédition de Gama dans ses Lus iadœ,

livres I I-V . Dans son livre I I il raconte l ’ essai de

trahi son du roi de Mombassa dont, grâce aux avi s

de Mercure, Vasco fut délivré . Dans les livres I I I-V ,

le navigateur fait au roi de Méli ndi un récit prolix e de

son voyage et de l’

état de l’

Europe . D ’ autres rense i

gnem ent s in diqueraient que les marins arabes qui pilo

t èren t Gama vers l’

Inde lui furent donnés par le sultan

(1 ) V . la remarquab le é t ude de M. G . Fe rrand , I bn M edj id,Pilo te de la m er . Geu thn er , Paris , 1 921 .

mai s le Portugais ,

perfidie et i

port, son vai

fi ère, et les pi

avaient re çu 1’

Le fond de ce t t

Gama raconte que

On leur fit tombe r

graisse b ou illante

avaient été donnés

au port Co rrea

b ique avait envoy

Mombassa de l’ anVasco étai t un b

péens , suivant le

av aien

184 L’

I SLAM ET LES RACES

de Mélindi qui esp érait, en se déb arrassant ainsi des

Européens , ne les voir j amais revenir de l’

Inde .

De nouvelles flottes portugaises suivirent celle de

Vasco da Gama et se m irent à conquéri r le pays pen

dant que d ’ autres continuaient l’

œuvre entreprise dans

les régions indiennes . C’ est ainsi que peu d

’ années après

le passage de Vasco , Mombassa eut à payer durement

l’

accident survenu au vaisseau portugais . La ville fut

mise à sac en 1 500 par Cabral , en 1 505 par Francisco

da Almeida , le premier vice-roi portugais de l’

Inde , en

1528 prise et brûlée après un siège de quatre mois par

Da Cunha , soutenu par le sultan de Mélindi . Vinrent

ensuite une cinquantaine d’ années paisibles pendant

lesquelles Mombassa et les autres villes de la côte purent

sans doute se reconstruire et redevenir prospères,mais

on ne possède pas de renseignements bien précis sur

l’

histoire de cette période .

S uprém atie portuga ise . Le contrôle de la côte

o rientale de l’

Océan Indien n’

en étai t pas moins passé

des mai ns des Arabes entre celles des Portugais . Lesultane deMom b assa était devenu leur vassal ainsi que

les princes de Mozambique, de Zanz ibar, de Kilwa , de

Sofala , de Barawa et de Lamu . En 157 1 , le vaste empireportugais en Orien t était divisé en trois gouvernementsle Gouvernement central , du cap Gardafui à Ceylan

,

avec Goa comme capitale ; le Gouvernement de l’

Est ,

du Pégou à la Chine, av e c Malacca comme capitale enfin

celui de l’

Ouest , comprenant la côte de l’

Afrique de

l’

Est , adminis trée de Mozambique

A ce moment, les Musulmans d’

Egypt'

e s m qu1e t è rent

(l ) Just u s S t rande s , D ie Por tug iesenze it von D e us tch—und

E ngl ish—Os t Afrzka . Berlin , D . Re im er, 1899.

LES SULTANATS DE L ’

OCEAN IND IEN 185

de l ’ avance portugaise . Depuis la plus haute antiquité,

la route de l’

Europe aux Indes passait par l’

Egypt e .

Les marchands romains avaient été des familiers de la

ligne Méditerranée—Mer Rouge-Côte de Malabar . Mai s

l ’ occupation de l’

Egypt e au V I I e siècle par les disc iples

de Mahomet avait coupé les communications com

m erciales entre l’

Europe et l’

Inde de l ’Est les échanges

ne purent se faire que par l’

entremise des Musulmans .

En Occident, les Vénitiens avaient le monopole de cecommerce de transit . La papauté avait défendu toutes

autres relations avec les Infidè les . Aussi dès le x v e siècle,

les Européens cherehè ren t-ils une au tre route par le

Cap de Bonne—Espérance , afin d’

échapper à l ’ emprise

islamique . Et si , en 1487, Bart holomeu Diaz de Novaesdoubla la pointe méri dionale de l

Afrique , si Mombassa

et les autres villes de la côte furent soli dement occu

pées, si en 15 10 Albuquerque s’ empara de Goa , ce ne

furent que des épisodes de la lutte séculaire m édit erra

néenne des Chrétiens et des Musulm ans, qui trouvèrent

en ces mers lointaines de nouveaux champs—clos .

Maîtres des mers , depuis le Cap de Bonne—Espérancej usqu

’ en Chi ne, les Portugais j alonnèrent les côtes de

forteresses , qui interdirent le passage,

à tout navire non

muni d ’un passe-port fourni par eux . Les voyageurs

arabes aussi bien que les commerçants européens éssay èrent en vain de chasser les envahisseurs et de ré

prendre leurs anciens privilèges .

Le dernier sultan mameluck d’

Egypt e Kansuh el

Ghuri , furieux de voir lui échapper le monopole du

transit entre l ’Europe e t l’

Inde , essaya d’ intervenir

i l résolut d e chasser les Portugais de la Mer Arabe

Ses appels à la papauté et ses traités avec ell e n ’ ayant

donné aucun résultat, il recourut aux armes . Les Ma

184 L’

ISAM ET LES RACES

de Mélindi qui e spérrt , en se d éb arrassant ainsi desEuropéens , ne les v u j amais revenir de l

Inde .

De nouvelles flot i s portugaises suivi rent celle de

Vasco da Gama et s mirent à conquérir le pays pen

dant que d ’ autres co t inuaient l’

œuvre entreprise dans

les régions indiennes . l’

est ainsi que peu d’

années après

le passage de Vasco , .Vl omb assa eut à payer durement

l ’ accident survenu vaisseau portugais . La ville fut

mise à sac en 1 500 pr Cabral , en 1 505 par Francisco

da Almeida , le prem r vice-roi portugais de l’

Inde , en

1528 prise e t brûlée près un siège de quatre mois par

Da Cunha , soutenu ar le sultan de Mélindi . Vinrent

ensuite une cinquanaine d’

années paisibles pendant

lesquelles Mombassa c les autres villes de l a côte purent

sans doute se recons uire et redevenir prospères , mais

on ne possède pas renseignements bien précis sur

l’

histoire de cette péo de .

S upre'

matie porlug ise . Le contrôle de la côte

orientale de l’

Océan adieu n ’ en était pas moins passédes mains des Arab c entre celles des Portugais . Le

sultane deMomb assa tait devenu leur vassal ainsi que

les princes de Mozam ique , de Zanzibar, de Kilwa , deSofala , de Barawa et e Lamu . En 1 571 , le vaste emportugais en Orien t et it divisé en trois

le Gouvernement cenral , du cap

avec Goa comme cadale ; le Gouverne

du Pegou à la Chine, ae c Malacca comme c

celui de l ’Ouest , com renant la côte de

l’

Est , adminis trée de Mozambique

A ce moment, les Msulm ans d’

Egyp

(1 ) Ju st u s St rande s , ll:€ Por tug iesenze it

E n gl ish—Os t Afrika . Berli. D . Re im er, 1899.

186 L’

IS LAM ET LES RACES

m eluks ma in tinrent longtemps une flotte de guerre

dans la Mer Rouge , mais furent définitivement vaincusen 1509 par d

Alm e ida . Ce fut la fin du commerce de

transit par l’

Egypt e .

Plus tard,les Turcs cherchèrent à reprendre la m ai

t rise des mers orientales . Pendant qu’

en Méditerranée ,Barberousse battait Doria , le sultan Solin1an I I I fit

construire sur la Mer Rouge par Solim an,pacha d

Egy pt e ,

80 vaisseaux pour dominer l’

Arab ie e t menacer les

Indes . Ces navires prirent Aden , ravagèrent le s comp

t oirs portugai s de l’

Inde et rentrèrent a Suez chargésde dépouilles , mais ce ne fut là que des rai ds . Les Por

tugais restèrent les maîtres de la situation . Toutefo is le

v ainqueur portait en lui la germe de son déclin . Les

établissements portugais qu i , depuis le Cap de Bonne

Espérance j usqu’ en Chine , j alonnaient le s mers , n

’ étaient

que des forteresses et des comptoirs commerciaux d’ où

les conquérants ne cherchaient nullement à sortir pour

colon iser dans l ’ intérieur .

Cependant si l ’ on considère qu’ au Maroc

,les Portugais

ont eu une politique indigène remarquable , quand on

constate ce qu’ ils firent avec des moyens m isérab les

,i l

est diffi cile d ’ admettre qu ’ ils ne surent pas établi r dans

l’

Océan Indien une méthode politique suffisante pourpénétrer le pays

,surtout si l ’ on tient compte de

l epoque : XVe siècle

,fin de la guerre de Cent ans . Sans

doute,les Portugais

,attirés par l

Inde et par la Chine,ne

considéraient les côtes de l ’OcéanIndien que comme lieu

d’escales

,ou bien encore les Arabes et les Européens qui

leur succédèrent avaient— ils intérêt à leur faire la réputa

tion de cruauté e t d ’ incapacité qu’ i ls ont conservée dans

ces régio ns

Quoi qu’ il en soit

,un pouvoir uniquement basé

LES SULTANATS DE L ’OCEAN IND IEN 187

sur la force ne peut ê tre maintenu que 3 11 empêche

toute puissance ennemie de se développer auprès de

lui ou de l ’approcher . Les Portugai s , menacés en Europe, trouvant sur les mers des rivaux comme les

Hollandais , les Espagnols , les Français et les Anglais ,n e pouvai ent conserver la mai trise de l

Océan Indien

que tan t ces régions resterai en t à peu près inconnues en

Occident . Mais en Orient aussi ils trouvaient un redou

table ennemi , l’

Islam . Sur l a côte oriental e de l’

Afrique ,

les Port ugai s virent les Musulmans essayer de retrouver

leur pui ssance .

L es Turcs . Le grand mouvement t ure, q u i

,en

Asie Mineure, rev i v ifia l’

Islam endorm i, n’

eut pas d ’ in

fluence sur les destinées de la côte E st . Le contre-coup

s ’ en fit cependant sentir vers la fin du XV I e siècle par

l ’ apparition de corsaires qui vinrent j ouer leur par ti e

dans le drame monotone du pillage de la côte . En 1 585 ,arriva dans la région un nommé Mirale Beque ou

Ali B ey qui imposa un tribut à Mombassa , Lamu , Faza

et Jumbo (Kismayu) , au nom du sultan ottoman . I l

chassa le s Portugais d’

un grand nombre de leurs établis

sem ent s, et quand il s’

en retourna dans la Mer Rougel ’ année suivante , il y emmena avec lui cinquante captifs

portugai s et environ six cent mi lle livres de butin . Le

vice—roi de l’

Inde envoya de Goa une fl otte qui,ne trou

vant plus les Turcs , brûla Mombassa sans doute pour

la punir d ’ avoir été brûlée par Mirale Beque .

Cette même année arriva du sud du Zam

b èze une tribu de féroces guerriers les Zim b as . On

possède peu de renseignements sur cette tribu . On dit

(1 ) Il sem b lerait qu e le s indigèn e s aie n t pris p our un n om

l’

appe lla t ion hon orifiqu e de c e che f de m e r am ira l b ek

188 L’

I SLAM ET LES RACES

que Madagascar fut envahi et occupé, avant l’arri vée

des Malais, par une tribu appelée Vazimba ou Bazimb a

qui peut être le même peuple .

De 1586 à 1589, ces Zim b as parcoururent l’

Est afri

cain e t atteignirent Melindi . Ils commencèrent par s ’ em

parer de Kilwa dont les habitants furent massacrés .

Après quoi , il s s’

en allèrent assiéger Mombassa . Pen

dant qu’ i ls s

y occupaient , campés à Makupa sur la

terre ferme, Ali Bey et ses Turcs revinrent en 1588 .

Ces derniers s’

installèrent à Bas Serani , à l’

extrémité

de l ’ île de Mombassa , et y construisirent un fort .

Quelque temps après , en mars 1589 , Thomas da SuzaCoutinho s ’ en vint à son t our dans ces parages avecvingt navires . Dès lors , il y eut, les uns à côté des autres ,trois rivaux assiégeant plus ou moins la Cité de la

Guerre Il semble que les Zimb as firent d ’ abord cause

commune avec les Portugais pour attaquer les Turcs .

Ali Bey et un certain nombre de ses compagnons furent

pris, les autres chassés .

Les Portugais combattirent alors les Zimb as avec

l ’ aide de la tribu noire des Wasegeju . Les Zim b as furent

entièrement e t à j amais défaits . Les Européens mirentà sac Kilifi

, qui ne s’ en releva pas et aussi encore une

fois Mombassa . Ahmad—Cheikh de Me li ndi fut nommé

roi de cette dernière ville à la place de Shaho ben Misham

, le dernier sultan de la vieille dyna stie

Les Portugais , reconnaissant l’

importance de Mom

bassa,y nommèrent un gouverneur européen et y cons

t ru isirent le fort ou citadelle qu i donne encore sa phy

sionom ie particulière à la ville . Commencé en 1 593, cet

ouvrage fut appelé fort de Jésus . Un blockhaus fut élevé

à Makupa contre la tribu des Wany ika .

188 L’

1 sAM ET LES RACES

que Madagascar fuænv ahi et o ccupé, avant l’arrivée

des Malais,par une i b u appelée Vazimba ou Bazimb a

qui peut être le mene peuple .

De 1 586 à 1589 , es Zimb as parcoururent l’

Est afri

cain e t atteignirent le lindi . Ils commencèrent par s’

em

parer de Kilwa do t les habitants furent massacrés .

Après quoi , ils s’

e r allèrent assiéger Mombassa . Pen

dant qu ’ i ls s’

y occo aient , campés à Makupa sur la

terre ferme,Ali Be et ses Turcs revinrent en 1588.

Ces derniers s’

inst ahrent à B as Serani , à l’

extrémité

de l ’ île de Momb ass et y construisirent un fort .

Quelque temps ap‘

as , en mars 1589 , Thomas da SuzaCoutinho s ’ en vint son t our dans ces parages avec

vingt navires . Dès lœ, i l y eut , les uns à côté des autres,troi s rivaux assiègent plus ou moins la Cité de la

Guerre Il semble ne les Zimbas firent d’ abord cause

commune avec les ort ugais pour attaquer les Turcs .

Ali Bey et un certai nombre de ses compagnons furent

p ris , les autres chases .

Les Portugais cr 1battirent alors les Zimb as avec

l ’ aide de la tribu noie. des Wasege ju . Les Zimb as furent

entièrement et à j al ais défaits . Les Européens mirentà sac Kilifi

, qui ne e n releva pas et aussi encore unefois Mombassa . Aln ad-Cheikh de Melindi fut

roi de cette derniè reville à la place d

ham , le dernier sulln de la vieill e

Les Portugais,reon

bassa , y nomm èr

t ruisirent le fort

le fugitif causa de grands e r:

faisant la guerre de co urse .

ces travaux,l ’ autre relatant cd de la ;

i : æ :r

en 1595 .

188 L’

I SLA ET LES RACES

Les traitants et l es v rageurs arab es qui avaient propagé l ’ Islam parmi les t ribus noires de l

intérieur en

allant chercher auprès Pelle s les esclaves et le s pro;

duits précieux de la fo t équatorial e, avaient pu con

t inuer leur commerce v ec les Portugais , mais ces der

niers , en faisant leurs achanges directeme nt avec lesnoirs

,avaient porté a tt u t e aux intérêts des Musulmans

qui , d’ un autre côté

,o aissaie nt avec peine aux Chre

tiens . En commerçan t l es Arabes propageaient leurfoi ; il s profi t è rent de la rem i è re occasion pour secouer

le j oug de leurs oppm seurs disséminés tout le long

d’

un empire maritime l ) p étendu pour eux, menacé de

tous côtés et dans lequ à cause de leurs cruautés, ils

n’

avaient pu se rallie r moun indigène

L’

imamal local . man et Mascate formaien t

alors un seul roy aume , ;uv erné par la famille des Yo

rubi (2) (Yu’

rab i ou Y arub ah) , qui combatt it avecsuccès contre les Pers 5 e t fi t même des incursionsauprès de Bombay . Cet famille appartenait à la secte

musulmane des Ibadhi u Bay azi . D’ après cette secte,

un homme pieux peu atteindre la haute situationd

imam sans qu ’ il lui n t nécessai re d ’ appartenir à la

tribu du Prophète ain . que l ’ ex ige le rite orthodoxe .

En vertu de cette doct ris que certai ns sul tans de l’

Inde

proclamèrent aussi de ur côté,et que les Sunnites

considèrent comme hér ique , les dirigeants de Mas

cate annoncèrent qu’

ils « v aient être pontifes aussi bien

que souverains . Leur t re séculaire était seyyid (0 11

(1 ) Pourt an t on re tro… la t ra ce d’

alli an c e s por t uga isesav e c de s ro i s ou des t rib u ndi gè n e s, m ais il sem b le qu e 0 6 5

a ll i an c e s n a i en t é t é qu e M wora ire s .

(2) V . Badge r , ! ma ns .: r Seyy rds of Om a n , p . 93 .

188 L’

I S I M ET LES RACES

Les traitants et les oy ageurs arab es qui avaient pro..

page l’

Islam parmi 1 tribus noires de l’

intérieur enallant chercher aupr«î d

elles les esclaves et les pro;

duits précieux de la i rêt équatoriale , avaient pu cou

tinner leur commerce vec les Portugais , mais ces derniers , en faisant leu r échanges directement avec lesnoirs

,avaient porté at inte aux intérêts des Musulmans

qui , d’

un autre côt é.b éissaie nt avec peine aux Chré

tiens . En comm ercan les Arabes propageaient leur

foi ; i ls pro fit è re n t de l prem i ère occasion pour secouer

le j oug de leurs opprsseurs disséminés tout le long

d’

un empire mari time rop étendu pour eux, menacé de

tous côtés et dans leqe l, à cause de leurs cruautés, ils

n’

avaient pu se rallie aucun indigène

L’

imam al local . Oman et Mascate formaient

alors un seul royaume gouverné par la famille des Yo

rubi (2) (Yu’

rab i ou qui combattit avecsuccès contre les Pe rs ns et fi t même des incursions

auprès de Bombay . Cc e famille appartenait à la secte

musulmane des Ib adb ou Bay azi . D’ après cette secte,

un homme pieux pe atteindre la haute situation

d’

imam sans qu ’ i l lui fi t nécessaire d’ appartenir à la

tribu du Prophète ah que l’ ex ige le rite orthodoxe .

En vertu de cette doc1 1 e que certai ns sul tans de l’

Inde

proclamèren t aussi de eur côté , et que les Sunnitesconsidèrent comme hé3t ique , le s dirigeants de Mas

cate annoncèrent qu’ ils ev aient être pontifes aussi bien

que souverains . Leur tre sécul aire était seyyid (0 11

(1 ) Pour t an t on re tro n e la trac e d’

allianc e s port uga i ses

av e c de s ro i s ou de s t rib u indigène s, m ais il sem b le que 0 6 5

alli an c e s n’

ai en t ét é qu e t I poraire s .

(2) V . Badge r, ! m a n s S ey y ids of Oma n , p . 93 .

LES SULTANATS DE ! JEAN IND IEN

moins correctement serd) , p D ou chef . Les ouv e r

tures de la députation des s de la côte ori ental e

d’

Afrique furent nat ure llem e i e n accueillies par cette

famille amb it ieuse ,e t le sey y'

l lt an ben Saïf qui avait

déj à chassé les Portugais de mate , envoya une fl otte

considérable contre leurs p s ion s afri caines .

Entre 1660 et 1690 , de D reux combats furent

livrés pour la prise des ville la côte qui furent in

cendiées suivant la formule l uelle , pendant que les

cités de l ’ archi pel Lama cha a i ent plusieurs fo is de

maîtres . Cependant l’

av anta resta aux Arabes qui ,le 15 mars 1696 , entrèrent s le port de Kilindini

et s’

e fforcèrent d’

enlever lhassa . Ce siège dura

trente—trois mois . Les Eur ns et deux mille ci nq

cents indigènes , parmi lesqu e ro i de Faza , se réfu

gièrent dans le fort Jésus , t 3 que les Arabes occu

paient la ville , Makupa , la c ell e de Nossa SenhoradasMerces au Ras Serain _ l e fort Saint-Joseph à

Ki lindiniLes Musulmans empêcher d

entrer au por t quatre

navires portugais qui se s ent è rent a Noel ; en

janv ier , la situation pénible assi égés fu t encore ag

gravée par une épi démie de t e . Tous les Européensmoururent, le commandant, d Antonio Mogo da Melho ,le dernier de tous ; en sep bre 1697, le fort étai t

seulement défendu par le ro e Faza et une poignée

d’

hommes . Juste à ce momen des renforts du Mozam

bique arrivèrent et parv inr à débarquer . Le siège

en fut prolongé de plus de nze mois , mai s la résis

tance fut vaine . Les Arabe énét rè rent dans le fort

le 12 décembre 1698,e t pa vent au fil de l

épée le s

(1 ) D’

après Elio t t .

188 L’

ISLAM ET LES RACES

Les traitants et les voyageurs arabes qu i avaient pro

pagé l ’ Islam parmi les tribus noires de l’

intérieur en

allant chercher auprès d ’ elles les esclaves et les pro

duits précieux de la forêt équatoriale , avaient pu con

tinner leur commerce avec les Portugais , mais ces der

niers , en faisant leurs échanges directement avec les

noirs,avaient porté atteinte aux intérêts desMusulmans

qui , d’un autre côt é

,ob éissaient avec peine aux Chré

tiens . En commerçant, l es Arabes propageai ent leurfoi ils profit è rent de la première occasion pour secouer

le j oug de leurs oppresseurs disséminés tout le long

d’

un empire maritime trop étendu pour eux, menacé de

tous côtés et dans lequel , a cause de leurs cruautés , ils

n’

avaient pu se rallier aucun indigène

L’

imamai local . Oman et Mascate formaien t

alors un seul roy aum e, gouv erné par la famille des Yo

rubi (2) (Yu’

rab i ou Ya ’

arub ah) , qui combatt it avec

succès contre les Persans et fi t même des incursions

auprès de Bombay . Cette famille appartenait à la secte

musulmane des Ibadhi ou Bay azi . D’ après cette secte ,

un homme pieux peut atteindre la haute situationd

imam sans qu ’ il lui soit nécessaire d’ appartenir à la

tribu du Prophète ainsi que l ’ ex ige le rite orthod ox e .

En vertu de cette doctri ne que certai ns sul tans de l’

Inde

proclamèrent aussi de leur côté , et que les Sunnitesconsidèrent comme hérétique , les dirigeants de Mas

cate annoncèrent qu’ ils devaient être pontifes aussi bien

que souverai ns . Leur titre séculaire était seyyid (ou

(1 ) Pourt an t on re t ro uv e la t race d’

alliance s por t uga ise sa v e c de s ro i s ou de s t rib u s indigèn e s, m a i s Il sem b le qu e c e s

a lli an c e s n’

a ien t é t é qu e t emporaire s .

(2) V . Badge r, ! m ans a nd Seyy ids of Oma n , p . 93 .

188 L’

ISLAM ET LES RACES

Les traitants et les voyageurs arabes qui avaient pro

page l’

Islam parmi les trib us noires de l’ intérieur en

allant chercher auprès d ’ elles les esclaves et les pro

duits précieux de la forêt équatoriale, avai ent pu con

tinner leur commerce avec les Portugais , mais ces der

niers , en faisant leurs échanges directement avec les

noirs,avaient porté atteinte aux intérêts de sMusulmans

qui , d’ un autre côté

,obéissaient avec peine aux Chré

tiens . En commerçant, les Arabes propageaient leurfoi ; i ls profit è rent de la premi ère occasion pour secouer

le j oug de leurs oppresseurs disséminés tout le long

d’

un empire maritime trop étendu pour eux, menacé de

tous côtés et dans lequel , a cause de leurs cruautés , ils

n’

avaient pu se ralli er aucun indigène

L’

imam al local. Oman et Masca te formaien t

alors un seul roy aume, gouv erné par la famille des Yo

rubi (2) (Yu’

rab i ou Ya’

arub ah) , qui combattit avec

succès contre le s Persans e t fi t même des incursions

auprès de Bombay . Cette famille appartenait à la secte

musulmane des Ibadhi ou B ay azi . D’ après cette secte,

un homme pieux peut atteindre la haute situationd

imam sans qu’ il lui soit nécessaire d

appartenir à la

tribu du Prophète ainsi que l’ ex ige le rite orthodox e .

En vertu de cette doctrine que certains sul tans de l’

Inde

proclamèrent aussi de leur côté , et que les Sunnitesconsidèrent comme hérétique , les dirigeants de Mas

cate annoncèrent qu ’ ils devaient être pontifes aussi bien

que souverains . Leur titre séculaire était seyyid (ou

(1 ) Po urt an t on re t ro uv e la t rac e cl’

aHi an c e s por t uga ise sav e c de s ro is ou de s t rib u s indigène s, m a i s Il sem b le qu e c es

allian c e s n’

aien t ét é qu e t em poraire s .

(2) V . Badger , ! ma ns a nd S eyy ids of Oma n , p . 93 .

LES SULTANATS DE L ’

OCEAN IND IEN

moins correctement se1d) , prince ou chef . Les ouv e r

tures de la députation des villes de la côte oriental e

d’

A fri qu e furent naturellement b i en accueilli es par cette

famille amb it ieuse , e t le seyyid Sultan ben Saïf qui avaitdéj à chassé les Portugais de Mascate , envoya une flotte

considérable contre leurs po ssessions africai nes .

Entre 1660 et 1 690, de nombreux comb ats furent

livrés pour la prise des villes de la côte qui furent in

c endiée s suivant la formule habituelle, pendant que les

cités de l ’ archi pel Lamu changeaient plusieurs fois de

maîtres . Cependant l ’ avantage resta aux Arabes qui ,le 15 mars 1 696 , entrèrent dans le port de Ki li ndini

et s’

e fforcèrent d ’ enlever Momb assa . Ce siège dura

trente-trois mois . Les Européens e t deux mi ll e cinqcents indigènes , parmi lesquels le roi de Faz a , se réfu

gièrent dans le fort Jésus , tandis qu e les Arabes occupaient la vi lle, Makupa , la chapell e de Nossa Senhoradas Merces au B as Seraîn

,e t le fort Sai nt—Joseph à

Ki lindini

Les Musulmans empêchèrent d ’ entrer au port quatre

navires portugai s qu i se présentèrent à Noël ; en

j anv i er , la situation pénible des assi égés fut encore ag

gravée par une épidémie de peste . Tous les Européensmoururent, le commandant, don Antonio Mogo daMelho ,le dernier de tous ; en septembre 1 697, le fort étai t

seulement défendu par le roi de Faza et une poignée

d’

hommes . Juste à ce moment, des renforts du Mozam

bique arrivèrent et parvinrent à débarquer . Le siège

en fut prolongé de plus de quinze mois , mai s la résis

tance fut vai ne . Les Arabes pénétrèrent dans le fort

le 12 décembre 1698,e t passèrent au fil de l

’ épée le s

(1 ) D’

après Elio t t .

18/Ï L’

I SLAM ET LES RACES

derniers survivants de la garnison , soit onze hommes

et deux femmes ! Une fl otte portugaise arriva de Goa

deux j ours après , mais l’

amiral voyant flotter sur le

fort de Mombassa l’

ét endard de l’

Islam , j ugea inutile

d ’ essayer de débarquer et se retira .

Les Arabes occupèrent alors Pemba , Zanzibar et Kilwa

et parvinrent en fait à chasser le s Portugais de toutes

leurs colonies de l ’Est afri cain , sauf de Mozambique .

Des walis ou gouverneurs furent placés par eux dans

les principales villes . Mombassa fut confiée à Nasir ben

Abdallah el Mazrui , chef de cette célèbre famille qui

devait j ouer un si grand rôle dans les destinées politi

ques de la côte lors de la révolte Mazrui en 1895,sous

la domination anglaise .

La prise du fort de Momb assa en 1 698 marque en

réali té la disparition du pouvoir des Portugais au nord

de Mozamb ique . Ils parvi nrent cependant à reprendre

la suprématie pendant deux ans de 1 727 à 1 729 après

plusieurs expéditions malheureuses , ils profit è ren t d’une

querelle entre le s Walis de Zanzibar et de Mombassa

pour réoccuper cette dernière ville ainsi que Pate . Mais

en 1729,1a population de Mombassa rappela les Arabes

qui chassèrent les Portugais pour la derni ère fois .

Une flotte dépêchée par le vice-roi de l’

Inde fut dé

truite par un ouragan . Une expédition envoyée de Mo

zamb ique pour reprendre Mombassa j ugea plus pru

dent de s ’ en retourner sans toucher terre .

Les Arabes , somme toute, n’ eurent guère de diffi 4

cult és à remplacer les Portugais sur la côte orientale

d’

Afrique . Ces Européens , comme touj ours tyranniquese t brutaux envers le s indigènes , étaient détestés par

eux . Il faut cependant signaler que souvent des naturels

contractèrent de s alliances avec eux , et que , non seu

194 L’

I S I .AM ET LES RACES

qu ête arabe en ces régions ne présente plus le caractère

de guerre sainte pour la propagation de la foi qui l ’ ani

mait en Afrique du Nord ou dans l’

Inde , il n’

en reste

pas moins vrai que les Arabes avaient un esprit env a

hisseur que ne connaissai ent pas les Portugais .

Les marins de Mascate et d ’

Om an étaient accout u

m és à parcouri r ces mers connues par leurs ancêtresdepuis des siècles . Le petit nombre des Arabes étai t

compensé par leur union et par l’ adaptation imm édiate

des nouveaux convertis à l ’ Islam . Ils ne se bornèrent

pas à s ’ installer sur la côte, mai s bien armés , pene

t rè rent sans crainte dans les forêts et les brousses de

l ’ intérieur, accaparant la direction des caravanes , le

commerce des esclaves , as suj et tissant parfoi s les tribus

lointaines en fondan t des royaumes de leur foi , po rtant

dans l ’Afrique séculairement ignorante, l’ écriture cora

nique , première apparence de civi li sation pour la pri

m it iv it é des noirs .

En dehors de la tentative, dont nous avons parlé ,des Portugais pour réoccuper Mombassa , une partie du

XV I I I e siècle se passa sans événement notable . Il y eut

naturellement de petits comb ats, mais sans plus d’ im

portance que d ’habitude . Ce fut une pério de d’

indépen

dance arab e sur la côte occidentale de l’

Océan Indien .

Mais comme on pouvait s ’y attendre en pays musul

man , suivant la similitude dans l’ évolution qui a régi

le s peuples ralli és à la foi de l ’ Islam , les li ens de vassa

lité qui unissaient la côte à Mascate se relâchèrent de

plus en plus j usqu’ en l ’ année 1740 . Alors Othman ben

Mohammed , le gouverneur Mazrui de Mombassa , et le

roi Nab ahan de Pate se déclarèrent indépendants . Non

moins natu rellement,les rebelles se mirent à lutter

entre eux pour la suprématie sans qu ’ il y eût de résultatappréciable .

LES SULTANATS DE L ’OCEAN IND IEN 1 95

Cette séparation co i ncida,sans doute

,avec une rév o

lut ion à Oman , révolution qui eut une grande impor

tance sur les destinées de l’

Est africain . Les Yorub i

furent remplacés sur le trône par les Bou Saïdi ou Ahl

Bou Sai di (ah] signi fi e famille) ,dont descendent , à l’heure

act uelle,les sultans de Zanz ibar . D

ab ord , ces Bou Saïdi

n e s’

occupèrent pas plus de leur domaine que ne l’ avaient

fait les Yorub i , mai s en 1785 , l’ imam Ahmad ben Saïd

se rendit à Mombassa e t força les Mazrui à le recon

naître comme souverain . Par la suite, les sultans eurent

sans doute en Arabie un certain nombre de difficultés

diffi ciles à résoudre , car Saïd b en Soltan , cinquième dela lignée , prit la résolution décisive de transférer sa

capitale à Zanzibar . Cette déterminati on eut pour pre

mier résultat d ’ accroître l ’ importance de l’

Est afri cain

en général , et de Zanzibar en particulier .

CHAPITRE X I

LE SULTANAT DE ZANZ IBAR ET MADAGASCAR

I . ZANZ IBAR .

Jusqu a cette époque , 1 11e de Zanzibar n’

avait j oué

qu ’ un rôle minime dans l’

histoire de la côte . Son nomSouahéli est Unguj a ou Terre des Noirs . Zanz ib ar estune variation de Zang ou Zanj en dialecte arabe . L ’ île

est très fert ile,m ais par malheur n

a pas de bons ports

et est très malsaine .

Zanzibar fut d ’ abord conquis pour le compte desPortugais par le corsaire Rav asco en 1503, puis défi

nit iv ement par da Lamos,six ans plus tard . En

réalité , les Portugais ne se soucièrent pas d ’y résider .

En 1 635 , le sultan de l’ île se rendit indépendant

,quoi

que en bons termes avec les Européens . Les Chrétiensfurent d ’ abord tolérés par lui dans ses possession s

,

mais vers 1 660, ils furent chassés ou massacrés .

Après la conquête de Mombassa par les Yorub i , Zan

zibar tomba aussi entre leurs mains et fut gouverné

par des walis envoyés d’

Arab ie . Au moment où SeyyidSaïd ben Soltan décida d ’y établir sa capitale , il n

’y

avait là , dit-on , qu’

une rangée de huttes en guise de

ville . Le prince fut sans doute guidé dans son choix

par l’

i dée que dans cette île négligée , il ne trouverait

pour le gêner dans son autorité aucune vieille famille

de dirigeants , comme les Mazrui . de Mombassa,ou les

grands de l’

archipel Lamu . De plus , la situation de

198 L’

ISLAM ET LES RACES

nale . Ne pouvant en finir par 1la force, il employa l a

ruse . L e gouverneur Mazrui et vingt—six des membresles plus importants de son parti furent attirés par de

faux serments sur le pont d’

un navire,et condui ts au

Golfe Persique sur les rivages duquel il s périrent en

exil . lCe t t e perfidie‘

brisa la puissan ce d es Mazrui,e t l

o n

n’ent endit presque plus parler d’ eux j usqu ’ en 1895

ils quit tèrent Momb assa . La branche aînée s ’ ét ablit 'à

Gas'

i au sud,=et la c adett e à Takaungu ,

au nord .

La dernière partie du règne de Saïd se passa à opérerdans ‘les îles d e l ’ archipel Lamu

,»où l

o ccupè rent une

suite i ninterrompue d ’ alliances compliquées , d e que

relle s —e t de gue rres peu claires . «Les habit ants d e l ’ ar

chipel , l’ aristocratie Nab ahan ,

les Somali s et Sard,furent

continuellement en guerre les uns contre les autres . Enparticulier, les gens de Pat e , qui avaient rappelé l e sul

t an à leur aide c ont re ceux de Mombassa , s e révolt èrent

contre lui . Pat e e t Siu ne se soumirent à Zanzibar qu ’

en

1866 .

Sai d mourut en mer,—eu 1 856 . dans u ne croi si ere près

des î les Seychelles . *Ce fut sans aucun doute , dans l’

Est

africain,l’

Arab e le plus éminent «des temps modernes .

Int elligent, brave , tolérant puisqu’ il protégea les mis

sions chréti ennes , disposé à e ncourager le c ommerce ,il montra pendant son règne de réel les qualités dechef d

Et at encore qu’

ent achéesp arfois de perfid ie . Sontestament divisait son empire Oman était «donné a s on

fils a îné , Seyyid Twain ou Thuwayni ; Zanzibar et lacôte restaient au plus j eune de ses fils , Medj i d . Les de ux

frères entrèrent en rivalité et recoururent à l ’ arbitrage du

v i ce—roi de l‘ Inde , lord Canning, qui reconnut la validité

du t est am ent,e t déclara Zanzibar indépendant d ’

Oman .

L"arb it rage de lord Canning e t la division de l ’ em

LE SULTANAT D E ZANZIBAR ET MADAGASCAR 199

pire de Saïd marquent la date du déclin de la pui ssance arabe en Océan Indien . Le s Musulmans

,qui avaient

pu repousser les Portugai s et résister aux attaques des

Européens aux XV I I e e t XV I I I e siè cles,v ont pe rdre le

pouvoir temporel devant les grandes nations occide n

tal es modernes .

La pénétration europ éenne commença,vers le mi

lieu du X IX e siècle,par la série de grandes exploration s

qui ouv rirent aux Européens l ’ accès du conti nent noir .

De la côte orienta le d’

Afri que partirent les pionni ers

qui soulevèrent le voile dont furent si lo ngtemps revêtus

les Grands Lacs et les Sources du Nil . De hardis géographes e t missionnaires su iviren t les traces —des m ar

chauds d’

escl aves arabes en partant du p ays ci—de vant

allemand . Ce furent en 185 7 l’

Al lem and Krapft , les

Anglais Burton et Speke , Grant et Baker en 1864, en1882 le docte ur allemand Fishe r, e nfin en 1887 le

Hongrois Tleki . Et j e ne parle pas des Livingst one,des Slatine pa cha

,des Cameroun qui s

imm ort afisè rent

par leurs hardis voyages .

Ces explorations attirèrent l’

attention des gouverne

ments europée ns sur la côte e t en 1885,1’

Aflem agne ,

soucieuse d’

inaugure r une politique coloniale, profita

des traités que les marchands germai ns avaient signé

avec des chefs indigènes . Une charte de protec tion fut

accordée à la Société de coloni sation allemande quiavait acquis le dro it d

’user de ces traités .

D e son côté , l’

Angle t erre ne restai t pas inact ive . En1872, sous la suzeraineté de la v i ce— royauté de l ’ Inde ,la British India Steam Navigat i o n Company avai t

établi une ligne de navigation entre l ’Europe , Zanzibar

et l’

Inde . Cette Société fini t par obtenir du sultan une

conc ession de t errito ire . Le gouve rnement britannique ,

200 L’

ISLAM ET LES RACES

dit Eliott, ne fut pas d’

abord favorable à cet arran

gement . Cette même année 1877 vit la suppression de

la traite , acte gros de conséquences pour les Musul

mans de la côte .

En effet un des plus gros revenus du Seyy id était latax e imposée aux marchands d

esclaves , et ces derniers ,Arabes pour la plupart, formaient la plus grande partiedes riches influents de l

E st africain . La suppression de

la traite causa des troubles sans nombre dans la région ,mai s la victoire demeura à la cause de l

humanité . Il n ’ en

reste pas moins vrai que si les croisières des navires deguerre empêchèrent l ’ enlèvement des noirs sur une aussi

grande échelle qu ’ auparavant, Zanzibar resta pendant

longtemps encore un important marché d ’ esclaves , et

que sur la terre ferme, l’

esclavage sub sist e j usqu’

en ces

derni ères années .

L’

Angle t erre avai t fait , en 1875 , des représentations

à l ’Egypt e qu i avait inauguré une politique de conquête

en ces régions . Le khédive Ismai l Pacha , celui qui essaya

d ’ envahi r l’

Ab y ssinie et remplaça les soldats turcs

par les siens dans les postes de la côte africaine de laMer Rouge, voulut annexer la région nord de l

Est afri

cain e t y envoya quatre navires sous les ordres d’un

Ecossais du nom de Mac Ki llop Pacha . Cet officier dé

b arqua des troupes à Ki smayu et occupa la bouche du

Juba pendant environ trois mois . Mais devant les représent at ions de la Grande—Bretagne, l

Egypt e rappela ses

émissaires .

Les visées de l ’Anglet erre se firent bientôt j our, et

en 1886 fut signée avec l ’Allemagne , suivant l a poli

que d’

expansion conseillée par Bismarck,une conv e n

tion pour le partage de la côte .

Les possessions du sultan , c’ est-à-dire Zanzibar, Pem

202 L’

I SLAM ET LES RACES

Les Anglais , les Allemand s e t le s Italiens , s etant ai nsi

partagé les dépouilles des Sey y ids, n’

eurent plus qu’

à

s ’ organi ser en ces pays musulmans cédés à leur influence .

A la suite du meurtre de dix Allemands à Witu à la

fin de 1890 , une expédition britannique o c cupa les li eux .

Des missionnaires ouvrirent la route de l’

Ouganda qui fu t

bientôt occupée par la Briti sh East Afri ca CompanyEn 1893 , à la suite de l

’ expédition de sir Gerald Portal ,la Compagnie passa ses privilèges au gouvernement bri

tannique . En 1894 le protectorat fut proclam é , e t un

chemin de fer,comm encé en 1895

,atte ignit les Grands

Lacs en d écembre 1 901 . Il allait d e Mombassa à Port

Florence .

De mêm e la « Deutsch Ost Afrikanische Gesellschaft

v u les difficultés soulevées par l ’hostilité des trib us noi

res guerri ères , étai t b ientôt remplacée par l’

Et at alle

mand . D eux chemins de fer étai ent rapidement pous

sés : l’

un de Dar es Salam atteignait le Tanganika,et

l’

autre de Tanga le Kilimandj aro .

Mais les Musulmans avaient essayé de réagi r . Les

Mazru i et leurs partisans n ’ avaient que diffi cilementsupporté l

intrusion des Européens . L ’ activité mal com

prise des mi ssionnaires chrétiens servit de base aux

haines soulevées par la venue des étrangers , exacer

bées par la suppression de la traite . U ne révolte éclata .

Les Mazrui avai ent touj ours foi en la grandeur de leur

famille . Ils ne craignirent pas de lutter .

En 1895,Rachid ben Selim fut nommé par les An

glais wali de Takaungu , résidence de la b ranche ca

dette des Mazrui . Mai s les Arabes qui désiraien t comme

chef son parent,Mbarek de Tafaungu , candidat par

droit de primogéniture , prirent le s armes . Le soulève

ment dev int particulièrement grave quand la b ranche

LE SULTANAT DE Z ANZIBAR ET MAD AGA SCAR 203

a înée des Mazrui , celle d e Gasi , se j oignit :aux dissi

d ents . Mbarek de Gasi fut vaincu en 1896 par les An

glais,et Mb arek de Tafaungu se réfugia e n territo ire

allemand .

La rébellion d es Mazrui est un fait capi tal de l ’ b i s

t oire musulman e en ces régi ons . A la suite de leur v ie

toire sur les chefs indigènes , les Européens prirent tout el ’ influence j usqu

’ alo rs réservée aux Arabes . Avant ces

événements , la côte formait un Etat musulman protégé

c e ne fut ensuite qu’

une série de colonies divers es .Cette même année 1896 , Zanzibar étai t en p roie à la

guerre . A la m ort de Sultan Hamid b en Twain, son

parent Khalid usurpa le trône et s’

empar a du palais

a vec des forces armées . Il ne voulut pas se re ndre aux

représentations anglaises : la ville fut b omb ardée par

la flott e britannique Khalid s ’ enfuit au c onsulat

d’

Allemagne , et de là sur le territoire d e l’

Afrique ger

manique . Sultan Hamid fut placé sur le trône . A sa

m ort, il fut remplacé par son fils Ali qui avait été élevé“à Harrow en Angleterre .

En 1 897,eurent lieu les dernie rs événements m ili

t aires q ui intéressent l’

Islam . Le mouvement mahdiste,

qui fut ar rêté à Khartoum par lord Kit chener , a v ait

gagné l’

Ouganda . Emin Pacha avait laissé des fo rcesdans c ette région pour lutter contre les Mahdistes . Ces

troupes mal payées se révoltèrent . Les rois d’

Ouganda

e t d’

Ouny oro se j oignirent à elles . La guerre de répres

si on ne fut terminée qu ’ en 1899 . Ce fut le dernier effort

m usulman

(1 ) On v oy ai t e n c ore e n 1 912 à Zan zib ar, l e s t rac e s du b omhardem en t e t e n rade le s m â t s d

u n b â t im en t‘

c ou lé .

(2) Le pro t e c t ora t an glais sur Zan zib ar a ét é é t ab li e n 1890 .

Le pro t e c t ora t sur la cô t e e t l’

Ouganda dan s le s lim it e s a c t u elle se n 1 902.

204 L’

I SLAM ET LES RACES

A l ’ heure actuelle , il ne reste plus rien de l’ ancien

empire de Mascate et d ’

Oman . Le sultan est bien tou

j ours à Zanzib ar,m ais il règne dans un palais délabré

sous la surveillance de l’

Angle t erre . Les traitants arabes

e t les marchands,hindous venus s

installer dans l’

île ,n ’ en avaient pas moins réussi à faire de l ’ île le plus

grand entrepôt de l’

Océan Indien occidental . Cette su

prém at ie commerciale s’ est gardée souveraine j usqu ’ en

c es dernières années,où l

activité allemande a réussi

par des services directs entre Dar es Salam et Hambourg à échapper au contrôle du vieux port arabe . S iles marchands musulmans ne font plus dans l ’Afrique

équatoriale de ces longues randonnées qui aboutissaien t

à la ruine de régions entières ou à la création de v éri

tables royaumes , Si les caravaniers arab es ne ramènent

plus à la côte les ivoires,les plumes , les gommes et les

épices , leur activité est cependant restée entière . L ’ in

dust rie de l’

Islam n ’ est pas morte en c es contrées . Elles ’ est transformée : les Arabes ne sont plus les maîtres .

Mais ceux qui en Ab y ssinie ont su conquérir le contrôle

du marché sous un gouvernement hostile à leur foi ,ont, sous l

’ autorité bienveillante de l’

Europe , continué

à commercer et leurs efforts sont marqués de succès .

Au point de vue reli gieux, l’

Islam progresse encore

en Afrique équatoriale où il est en compétition directe

avec le christianisme . On a remarqué en effet que si

ce dernier fait de grands progrès dans les tribus qui

n’

ont encore reçu aucune foi monothéiste , i l lui est di ffi

cile d’

entamer les adeptes de l’

Islam . Les Arabes et

les Souahéli s sont généralement dans l’

Est africain de la

foi orthodoxe (Sunnis) , mais certains sont Ib ahdis

(1 ) Cfr. Badge r, ! ma ns a nd S eyy ids of Om a n,Appendic e B .

206 L’

I SLAM ET LES RACES

la côte , Ram inia et sa sœur seraient venus de La Mekk e

à Madagascar à la suite de la défaite des Alides au

V I I e siècle . Ils auraient laissé sur place une j arre en

terre et un animal en pierre qui renfermerai t des ma

nuscrit s arabes . En tout cas , semble—t —il, au XV I e siècle

le pays des Ant em oros était peuplé de ces Zafy Raminia .

Les Ant emoros conservent le Sorabe (probablem entcon traction de Sourate et de bé grand) , texte sacrémalgache de prières et de légendes écrit en caractères

arab es . Ils ont des amulettes avec sen tences écrites en

arabe .

Les Arabes Zafy Ram inia e t Zafy Kaz im ando , les

quels , d’

après la légende , vinrent plus tard de La Mekke

ou de l’

Est afri cain,s’

alli èrent aux femmes noires du

pays . Admettant la pluralité des épouses , ils créèrent

ainsi une race métissée . Dans l ’ extrême sud de l ’ îl e ,habitèrent les Anosy, rameau détaché des Zafy Ram inia .

S ’

il entre une grosse part de légende dans ces récits ,il est certain que les croisières de Mascate et d

Om an

touchèrent les Comores etMadagascar ,e t l’

Islam vint avec

elles . L ’

Islam se répandit facilement dans ces îles aux

populations métissées d ’arabe . Il faut sans doute at t ri

buer aux Omanais de la première époque la const ruc

tion de ces villes auj ourd ’hui disparues , dont les rui nes

ont été récemment signalées , notamment dans le Sumbirana (côte ouest) .

Madagascar et surtout la côte Ouest sont peuplés de

nombreux Anj ouanai s et C'

om oriens musulmans et

même d ’

Hindous chy i t es , dont les cérémonies ri tuelles

notamment pour l ’anniversaire de la mort d’

Ho ssein

sont caractéristiques en ces parages .

La loi du 12 j uillet 1912 a déclaré les îles Comores

LE SULTANAT DE ZANZIBAR ET MADAGASCAR 207

colonie française . Le sultan des Comores , Sa i d Ali , sev i t assigner comme rési dence Tananariv e où il habite

avec sa cour près de la mosqué e . Décoré de la Légion

d ’honneur, i l est pensionné par la France et groupe au

tour de lui un noyau musulman .

L ’ influence arab e a également touché la race conqué

rante des Hovas . C ’ est ainsi qu’ en langue hova , les j ours

de la semaine ont une appellation venue de l ’ arab e

H ova

Ala hady

Ala t sinanyAla talata

Ala robia

Ala kani syAla zoma

Ala sabotsy

Ala signifie j our en hova , i oum a le mêm e sens en

arabe . Les noms arabes désignant le zodiaque ont formé

également les mots hova indiquant le s lunes ou mois .

De même,quant it é d

’ expressions qu ’ il serait oiseux d ’

énu

m érer ! Un mot , baraka , le don divin de b énédiction

des Arabes , est passé en hova avec le sens de conside

ration ! Cette influence linguistique arab e avait été

déj à remarquée dans l’

Hindoust an où l’

urdu , langue

créée de toutes pièces pour servir de li en entre les dif

férent s peuples de la p éni nsule, fut formé de mots ara

bes,persans et hi ndous .

Les Hovas ont dans leur rite la circoncision , em

ploient la même coupe de cheveux que les Musulmans .

Il serai t infiniment intéressant d ’ étudier la Magie dans

la religion à Madagascar pour y rechercher les in

A ra b e

l oum el had .

l oum e t -tni ne .

l oum e t —tlata .

l oum el arba .

l oum el khemis .

l oum el j emaa .

l oum es— sebt .

208 L’

IS LAM ET LES RACES

fluences islamiques . I l serai t également curieux de

déterminer les apports réciproques des Musulmans

a rabes et des Musulmans hi ndous,nombreux dans l

île .

CONCLUS ION .

Tels sont les aboutissants de l ’ expansion arabe dans

l’

Océan Indien . L ’ étab lissement des nations européennes

sur les ruines de l’

empire des Seyy ids a déçu les espoirs

des Musulmans de la côte orientale qui , dépossédés de

toute influence politique, ont transformé leurs énergies

guerrières en énergies commerciales . Zanzibar, Dar es

Salam furent les points de départ des intrépides traitants arabes vers l

intéri eur du continent noir . Or,l’

ab out issant d’

une société composée d’

explorat eurs,

c ’ est le choix par ceux-ci du mode d’

exploitation le plus

commode et le plus rémunérateur (Prév ille) . Ce fut

l’

ab outi ssant des sultanats arab es de l’

Océan Indien

auxquels les Européens vinrent disputer les routes comm erciales dans la Croisade des Epices

2 10 L’

I SLAM ET LES RACES

des marins intrépides allaient chercher au fond de la

Me r Noire , sur les rives de laquelle les apportaient les

caravaniers mystérieux de terres ignorées, que des voya

geurs entreprenants achetaient en Egypte , sur les bordsde la Me r Rouge ou du Golfe Persique , figuraient les

épices , les aromates , inestimable cadeau que l’

Ori ent

faisait à l’

Occ ident , et dont ce dernier ne pouvait plus

se passer

VEN I SE . LE M ONOPOLE DES ÉP ICES .

Ven ise . Les deux zones d echange entre l ’Orient

et l’

Occident étaient donc la Mer Noire et la Mer Rouge,

trait d ’union entre l’

Europe et la Chine ou l’

Inde loin

t aines .Byzance , Alexandrie , au débouché des deux rou

tes commerciales , étaient les centres du marché . Mais

le monde latin n’

existait plus , la période antique avait

fai t place à l’

âge médiéval : l’

empire d’

August e avait

disparu sous les coups des Germains ; seul subsistait

celui des Byzantins , lequel étendait à l’

Ouest ses do

maines j usqu’

à l’

Adriat ique . Dans cette disparition des

pouvoirs établis par Rome , l’héritière du grand com

merce méditerranéen fut la seigneuri e de Venise, fondéevers 813 après Jésus—Christ .

Vassale de Byzance , Venise échappa à toutes les vi

(1 ) L’

Egy pt e pha raon iqu e av ait e u déj à sa cam pagn e des

épic e s . Le s scu lp t ure s du t emple de la re in e Ha t shopsi t o u àThèb es r eprésen t en t le pay s de Poun t duqu el un e e sc adre de

cinq n av ires lui rapport a 31 a rb re s à en c ens. de s m on c eaux d e

gomm e s arom a t iqu e s, de l’

éb èn e , de l’

iv o ire , d e l’

or v er t , de s

b o is préc ieux , d e la poudre d’

an t im o in e , de s singe s, de s lév rie rs ,des pen i x de léopard .

Ce t t e énum éra t ion , quinze siècle s av an t no t re è re , définit le sépic es m ais oub lie la soie . Le pay s de Poun t é ta i t e n Afriqu ee t serait prob ab lem en t l

Ab y ssin ie ou un t e rri t o ire plus au su d

LA CRO ISADE DES EPICES 21 1

cissit udes politiques des royaumes d ’

Oc cident . Cha r

lem agne , aprè s l’

avoir soumise, dut la resti tuer à l’ em

pire gree , et la se igneurie sut bient ôt s’ aff ranchir de la

tutelle byzantine . Ma lgré la rivali té de Pise et de Gênes ,Venise , de par sa situation maritime priv i légi ée , e t par

le génie de ses doges , se créa une influence preponde

rante sur les relations commerc ia le s d e l ’Europe avecl’

Orient . Par les tra ités de l ’an 992, signés avec les

Byzantins , Venise devint l’ intermédiaire obligé des

achats et des ventes .

S on m onopole comm ercial. Le dével oppement de

l’

expansron musulm ane vint troubler cette situation

un ique . L’

interdiction fut souvent donn ée p ar la pa

pau té de nouer des relations avec le monde islam i que .

Mais Veni s e, orientée vers Byzance par sa première

vassali té , brava la d éfense des Pap es de la mani ère

la plus catégor ique,e t resta t ouj ours dan s une po si

tion intermédi aire qui lui permi t de continuer à en

voyer se s navi res , ses marchands, ses ambassadeurs ,dans les ports et les vill es conquis p ar l

Islam . D es

conventions passées au mil ieu du av ec les

princes d’

Europe , notammen t avec les em per eu rs a lle

ma nds , lu i assuraient l e comm erc e continental de s épi

ces . L ’

in fluence politique de la Se igneu rie, ses conquête ssur les côtes d

Europe et d’

As ie , ses bases navale s

dans le s île s de la Méditerranée, lui donnai en t le

contrôle de la me r. La papauté dut recon naître à

Veni se , dan s son in terdiction de n ouer de s relation s

ave c le monde islam ique, le droit, le mono pole ex clusif , de

con tinuer av ec l es Musulmans les échanges accoutumés ,

tellemen t l ’Occident avait besoin des épices et des aromates .

2 12 L’

I SLAM ET LES RACES

Les routes des ép ices . Les conquêtes des Arabes

en Asie Mineure , en Egypte, interposèrent peu à peu

l’

Islam comme un écran entre l’

Orient bouddhique et

l’

Europe chrétienne Constantinople tenait touj ours ,

mais les deux grandes routes commerciales par les

quelles arrivaient à la Méditerranée les produits de la

Chine et de l’

Inde étaient fermées .

Les combats , les luttes , les révoltes qui se succédèrent

en Asie antérieure pour la chute des anciens empires

et la formation de nouveaux peuples , interdirent le

passage aux convois de commerçants . La route du Pé

Lou , ou Pent apole , celle du Nan—Sou , ou Hexapole ,

devinrent définitivement impossibles à fréquenter, lors

qu’

au X I I I e siècle les khanats de Transox iane se déve

loppèrent . La voie fut rouverte un instant par l’

orga

nisat ion méthodique des souverains mongols, successcurs de Gengis-Khan , pour se refermer de nouveau

lorsque les Khans , ayant opté pour la Chine bouddhi que,allèrent résider à Pékin , . abandonnant les régions nes

t orienne , musulmane, de l’

Occident de leur empire .

Restait la rou te de la Mer Rouge et du Golfe Persique par l

Egypt e . Les Arabe s, j adis caravaniers par

nécessité et par habitat, connaissai ent la val eur des

importations , celle des exportations , savai ent encore

mieux l’

importance considérable du transitaire, l’ in

t érêt à tirer de leur situation d ’ intermédiaire . Les Vé

mitiens , libres , par suite des privilèges de 1082 , d’

ache t er

et de vendre sur tous les territoires de l’ empire grec

sans payer aucun droit, cherchaient le moyen de s’ in

t roduire complètement dans l ’Orient musulman que

pénétraient déj à leurs marchands , allant àDamas, à A1ep,

(1 ) Lou is Au b er t , Pa ix j apona ise , Colin , Paris, 1 906 .

LA CRO ISADE D ES Ép rc r: s 2 15

l’

Occident , la République de Venise, se heurtait dansle développement de ses a ffaires à des d iffi cultés sans

nombre . Le s Hongro is éta ient arriv és qui at t e igni

rent l a Suisse et les Alpes à l’

Adriat ique , occupaient

Zara (1 170) les Allemands, sous l’

impulsi on d’

H enri VI ,fils de Barberousse , formaient le rêve presti gi eux d

’une

Allemagne oc cupant Thessalonique , Constanti nople et

la Terre sainte les Pisan s faisaient une concurrence

acharnée sur les routes maritimes , combattaient sans

répit les flottes des doges ; les Byzantins , après avo ir

été les protecteurs de la République , n’

avaient plus

qu’

injures et dédains pour elle les Arabes , d ivisés par

l ’ abaissement du khalifat en monarchi e selj oucide ,n ’ ex istaient en Méditerranée que sous l

autorité des

s ouverains d’

Egy pt e . Veni se devait donc, pour ouvrir

à nouveau la route de s épices , se débarrasser des Hou

grois , abaisser Constan tinople , diminuer l’

in fluence des

Egyptiens . La seigneuri e y employa tou tes se s forces hab ilem ent dirigées par le doge Dandol o (1 192 Sonacti on fut particuli èrement int éressant e dans la qua

t rièm e croisade .

Le pape Innocent I I I avait prêché la qua trrem e croi

sade à laquelle s’

étaient ralliés Philippe—Auguste de.

France , Richard Coeur de Lion d’

Angle t erre , Otton IV

d’

Allemagne . La mort du fils de Barbe rousse avait l‘

ait

disparaître avec lui son plan de dominati on universelle

et le nouvel empereur allemand avait promis son cou

cours . L’appa i des Vénitiens , maîtres à nouve au de la

m e r par leurs récentes vic toires sur les Pisans , étai t né

c e ssaire aux Croisés pour passer en Asie . En 120 1 , la

Seigneurie sut persuader à leurs chefs que les clefs de

Jér usalem étaien t à Constanti nople‘

et au Cai re .

En réalité , le fait était exac t . Les derniers Abbas

2 14 L’

i SLAM ET LES RACES

Le moment de la prédication était bien choi si . La

chrétienté avait vécu dans l’

attente de l’

anéant issem ent

général qui devait survenir en l’

an 1000 . La j oie de se

re trouver vivant aprè s , la date fatidique détermina

chez lesp euples d’

Oc c ident une explosion de sentiments

qui se manifestèrent par une renaissance des lettre s,des arts

,un réveil expansif de la foi A cet instant

pr écis , la nouvelle des cruautés commises en Terre

Sai nte pa r le troi sième souverai n fat imide d’

Egy pt e ,

El—Hakim , oub lieux de la tolérance hab ituelle musul

mane,proc -a ra aux souverains—pontife s le moyen de

fournir au monde chréti en le dérivatif nécessaire à sa

nouvelle activi té . La papauté crut le moment venu dereprendre à l

Islam les Lieux saints du christiani sm e .

C ’

étai t en: mêm e temps l ’ occasion de détourner de

l’

Europe vers l’

Asie la féodalité franque e t germanique

dont les princes ,. d’

une religion sans doute profonde mai s

irrespectueuse , ne craignaient pas d’ attaquer l a sou

v erai ne t é temporell e et même spirituelle de s successeurs

de Saint Pierre Si donc les premières Croisades, lacolonisation de la Syrie qui suivit, furent de s mouvemen ts dus à l ’ enthousiasme reli gieux, il n

’ en reste pas

moins vrai qu elles eurent des causes politiques e t éco »

nom iques impo ss ibles à nier, et qu’ entre autres rai sons ,

l’

influ ence de Venise ne fut pas étrangère à leur dév e

loppement .

I nfluen ce de Ven ise sur les Croisades . En effet ,la maîtresse du commerce de s épices entre l

Orient e t

(1 ) V . Du ruy , H is to ire de F ra n ce .

(2) Les Cro isés n e t rouv èren t pas dev an t eux l’

E t a t selj ouc 1de déj à dét ru i t , e t le s Egypt i en s furen t souv en t leurs alliés .

Ils euren t donc des crrc on s tan ces t rès fav orab les à leur a c t ion .

216 L’

i SLAM ET LES RACES

sides n ’ avaient a Baghdad qu’

une autorité spirituellebien diminuée les armées de l

Islam n’

é taien t plus

à craindre . L ’ empire byzantin , malgré les attaques

musulmanes , malgré ses dissenssions intestines , mal

gré les ruines amoncelées à l ’ intérieur par un régimefiscal déplorable qui épuisait les provinces au profit

de l’

Et at et de la plèbe, amante des seuls j eux du

cirque et des distributions de vivres qui les suivaientl ’ empire byzantin était encore assez fort pour tenir une

partie de l’

Asie Mineure . D ’un autre côté, les Fat im ides

d’

Egypt e , très puissants à cette époque, occupaient la

Syrie suivant la loi inéluctable qui rendait j adis la possession de cette province ind ispensable à qui voulaitla sécuri té de la vallée du Nil . Pour tenir solidement

la Terre sainte , i l était donc nécessaire de prendre Cons

t ant inople et le Caire . Où l’

habileté politique de Venise

éclatait, c’ est que la possession , ou tout au moins la

neutralité de ces villes, était indispensable pour que le

commerce des épices , les échanges consécutifs à ce trafic, reprissent toute leur splendeur . Byzance , bien que

du rite orthodoxe grec, était cependant chrétienne . Le

débarquement en Egypte fut donc plus facilement accept é par les Croisés moyennant inarcs d ’ar

gent, la cité de Saint-Marc s’

engageait à transporter

en Egypte l ’ armée des Croisés et à la ravitailler pendant un an (2)Le doge Dandolo profita de la diffi culté qu

avaient

les Barons à payer la somme fixée pour s ’ assurer en

payement le concours de l ’ armée contre Zara qui fut

prise . Les Vénitiens s’

ent endaient encore —avec le s Egyp

(1 ) V . G . Kur th , Les Or ig ines de la c iv ilisa t ion modern e . Lou

v a in , 1886, t . I , By zanc e .

(2) Diehl, Op . c i t . , p . 49 .

LA CRO I SADE D ES ÉPICES 2 17

tiens qui avaient les mêmes intérêts qu ’ eux au point de

v ue commercial , préférai ent donc une action contre leurs

ennemi s byzanti ns plutôt que contre les Fat im i des

Malgré l ’ opposition du pape Innocent , le doge mit alors

en év i dence un j eune prince grec, Alexis , qui s’

offrit

à conduire les Croisés à condition qu’ ils rétab lirai ent

sur le trône son père Isaac l ’Ange qui en avai t été pré

cipit é (1203) La Combinai son réussit : Byzance

fut prise le 18 j ui llet 1203. Veni se triomphait . En 1204,la République de Saint—Marc ét ait

,sans cont est e

,la maî

tresse du commerce des épices , parvenai t au fond de l a

Mer Noire,où elle échangeai t ses produits avec les Ta

tars,envahisseurs de la Russie, concluait des traités

avec les Turcs d ’

Iconium , premi ers rapports annon

ciat eurs des commerces futurs avec les Ottomans .Quoi qu

il en soit, des croisades ressortirent la victoire ,la puissance , la grandeur de Veni se qui devait accaparer

le commerce des épices e t des aromates j usqu ’ à l ’ entrée

en ligne du Portugal . L ’ ouvert ure défini tive de la routedes Indes par le Cap de Bonne—Espérance n ’

eut lieu

qu ’ à la fin du x v e siècle . Jusqu ’ à cette époque, Venise,direct rice

,sinon instigatrice des croisades telles qu

’ elles

se firent, sut m anœuv rer de telle sorte en Orient qu’

elle

reprit auprès des Musulmans l’

in fluence et l ’ importance

que les anciens traités lui accordaient . Et dans sa riva

(1 ) L’ idée d ’

a t t aqu er la Sy rie par Le Caire fu t reprise par

Sain t Lou is, roi de Fran c e (1218 L’

échec de La Man so u

rah in t erdit l ’Egy p t e aux Croisés . Mai s le s Fa t im ide s originairesde la Tun isie ac t uell e d

où ét ait par t i le Mahdi Ob e id Allah,

fondat eur d e la dyn ast ie , ét a ien t wulnérab le s à l ’ ou e st de leurem pire . Le roi de Fran ce t en t a don c la cro isade de Tuni s, m a issan s succ ès .

(V . Pique t , Les”

C iv il isa t ions de l’

Afr ique du Nord, chapit re V I I,p . 94 e t

(2) Duruy ,H is to ire de France .

2 18 L’

I SLAM ET LES RACES

lité avec le Po rtugal , la République de Saint-Marc futbien plus l ’ alliée des pay ens ses associés , qu e celle

des Portugais chrétiens , parti s pour une nouvelle croi

sade commerciale .

VÉN ITIENS ET PORTUGA I S . LA LUTTE POUR LE

M ONOPOLE DU COMMER CE D ES ÉP ICES .

La cr ise économ ique . L’

Europe souffrai t du

contrôle économique de Venise et des Egyptiens sur lecommerce de s épices . La route de la Mer Rouge étaitseule ouverte aux m archands

, par suite du développe

ment des khanats turcs en Asie antérieure . Les transi

t aires savaient profiter de la situation ; les sultans , les

soudans de l’

Egypt e appliquaient des droits de douane

énormes sur les produi ts importés , fai sant ainsi renché

rir la valeur des marchandises au Caire et à Alexan

drie : Le s Vénitiens , payant fort cher les épices , les aro

mates , le s revendaient nécessairement plus cher encore

e n Europe . D ’ où un malai se économique persistant

sur la soci été chrétienne en pleine renaissance, à la

quelle le poivre , le gi ngembre , la cannelle, la noix muscade, la noix de galle , l

or, les pierres précieuses , res

t aient indispensables . Il ne fallait pas songer à aller

concurrencer les navires de la République de SaintMarc aux échelles du Levant les traités passés par elle

avec les prin ces grecs et les souverains musulmans lui

garantissaient une situation privilégiée, affermie par

l’

existence de co lonies marchandes vénitiennes essai

m ées dans toutes les villes importantes de l’

Asie Mi

neure et d’

Egy pt e ; la papauté reconnaissait en plus à

la Seigneurie le monopole ex clusif du commerce avecles Musulmans .

220 L’

I SLAM ET LES RACES

celles de la péninsule indienne, poursuivirent leur navi

gat ion aventureuse j usqu’ au détroit de Malacca et dans

les mers de Chine , véritable croisade à la conquête desrichesses de l ’Orien t , toison d

’ or promise aux Argo

nautes de l ’Océan In dien .

La lutte pour le m onopole des épices . Par ces ten

t acules j etées au delà des océans sur les pays fabuleux

d’

où venaient les épices , les Por tugai s tiraient de leur

vaste empire colonial toutes les précieuses denrées dont

ils inondèrent bientôt l ’Europe . On s’

ému t à Venis e

de telle sorte que des émissaires furent envoyés à Lis

b onne (1 ) pour recueilli r des informations précises sur

la route nouvellement découverte , des ambassadeurs

accrédités auprès du sultan d ’

Egypt e pour lui repré

senter le désastre financier menaçant à bref délai son

trésor et celui des doges , si le Portugal détournait ainsi

le commerce des épices des voies anciennement tracées .

La situation était d ’ autant plus grave que les Ottomans

menaçaient la vallée du Nil . Venise risquait de perdre

les privilèges commerciaux acquis par elle en Orient ;les Portugais , de leur côté , tenaient à - se réserver le

monopole ex clusif du marché de l ’ Inde , tout en offrant

aux Vénitiens de les approvisionner à leur tour .

Les représentations des doges à la cour des sultans

mame luks d’

Egypt e ne furent pas inutiles . Les Musul

mans souffraient, eux aussi , de l’ arrivée des Portugais

dans l’

Océan Indien . Sans rappeler la destruction desEtats arabes

.

de la côte orientale d ’

Afrique , Mozam

bique, Mombassa , Melindi , Kilwa et Zanzibar, de l a

soumission des royaumes islamiques de la côte des Ma

(1 ) V . D iehl, op . c it ., p . 189 .

LA CRO I SADE DES ÉPICES 22 1

lahars , la situation fai te par les Chréti ens aux marchands

arabes dans ces régions devenait impossib le . É tablis

sur des bases côti ères , embusqués dans la position stra

t égique des îles , les navires p ortugai s pourchassaient

toute embarcation marchande qui se risquait au trafic

de ces mers . Dès 1502, les Portugais , avec une part i e

de la flotte de Vasco da Gama , fermai ent le débouché

méridional de la Mer Rouge, s’

emparai ent en 1 506 de

l’

île de Socot ora, interdisant ainsi aux Egyptiens , et parconséquent aux Vénitiens

,la route des Indes .

En trée en ligne des M usulmans . Les souverains

m am eluks décidèrent d’

intervenir par la force des armes .

En 1504, sur le conseil de Venise, ils avaient bien songéà faire percer l ’ isthm e de Suez , mai s le proj et ne futpas poursuiv i . Leurs représentations , celles des doges

auprès de la papauté , rappelant les trai tés passés au

t refois et réservant le monopole du transit des épices ,n ’ ayant eu aucun succès , le sultan Kansuh el Ghuri

résolut de chasser les Portugais de la Mer arabe

Depui s longtemps, les Mam eluks maintenai ent une flotte

de guerre dans la Mer Rouge . L’

ami ral Husain fut eu

v oy é , en 1508,sur les côtes du Guj arat, province de

l’

Inde septentrionale, avec une flotte bien équipée, mont ée par des marins qui avaient souvent combattu les

Chrét iens en Méditerranée . Il fut ralli é dans ces parages

par la flotte du roi musulm an de Guj arat, commandée

par le gouverneur de D in , en dépit des efforts du capi

tai ne Lourenço d’

Alm ei da . Les Musulmans de l’

Inde ,

menacés dans le nord de la péninsule par l’ expansion

portugaise , profit ai ent de l’

occasion pour essayer de

rej eter l’

env ahi sseur.

222 L ’

15 LAM ET LES RA CES

Victo ire des Portuga is Les deux flottes réuni es ,supéri eures en nombre à celle des Chrétiens , la vai n

quiren t près du po rt de Chaul , aprè s un combat de

deux j ours , dans lequel péri t le fils du célèbre vice-roi

d’

Alme ida . Le 2 février 1509 , i l fut vengé par so n père,don Francis co , qui vainquit les flottes alli ées d

Egypt e

et de Guj arat L’

année suivante , le ro i de ce dernier

pays offrait à Albuquerque le port de Diu où fut ins

tallé un comptoir . La défaite de sMusulmans consacrai t,

pour un temps , le monopole des épices aux commerçants

portugais . Le retour offensif de s Musulmans vers l’

Afri

que, lorsque les Sey y ids de Mascate et d’

Om an reprirent

Mombassa et fondèrent le sultanat de Zanz ibar , eut beau

rej eter les Portugais d ’un grand nombre de leurs pos

sessions , la route des Indes par le Cap de Bonne-Esperance n ’ en restait pas moins ouverte .

D ’ ailleurs,Venise n

était plus assez puissante à ce

moment- là pour tirer parti de l ’ off ensive musulmane .

Les Ottomans s’

étaient emparés de l’

Egypt e (15 1 7)l es Turcs , maîtres de l

Asie , s’

é te ndaie nt en Europe ;l a République avait assez à faire pour défendre ses etab li ssem en t s en Méditerranée . Dès 15 10 , Lisbonne com

m e nçai t à approvisionner l’

Allem agne au débu t

du XV I e si ècle, le monopo le du commerce O rient éta it

nettement passé aux mains de s Portuga i s si la Medi

t e rranée éta it encore le centre du monde civili sé,le

cadre de c e mo nde était bi en agrandi .

La Croisade des épices avai t donc e u pour résultat

de faire abandonner la voie diffi c ile de terre pour une

route sans doute moins courte , mais plus pratique par

(1 ) Mo rse S t e phe n Alb reque ryrw . V . H is tory 0 / the M edia e va l

! n d ia .

222 L ’

15 LAM ET LES RACES

Victoire des Portuga is Le s deux flottes réunies ,supérieures en nombre à cell e des Chrétiens , la vain

quiren t près du port de Chaul , aprè s un combat de

deux j ours , dans lequel périt le fils du célèbre vice—roi

d’

Alm eida . Le 2 février 1509 , i l fut vengé par son père,don Francisco , qui vainquit les flottes alli ées d

Egypt e

et de Guj arat L’

année suivante , le roi de ce dernier

pays offrai t à Albuquerque le port de Diu où fut ins

tallé un comptoir . La défaite desMusulmans consacrait,

pour un temps, le monopole des épices aux commerçants

portugais . Le retour offensif de s Musulmans vers l ’Afri

que , lorsque les Sey y ids de Mascate et d’

Om an reprirent

Mombassa et fondèrent le sultanat de Zanz ib ar , eut beau

rej eter les Portugais d ’un grand nombre de leurs pos

sessions , la route des Indes par le Cap de Bonne-Espé

rance n ’ en restai t pas moins ouverte .

D ’ ai lleurs,Venise n

éta it plus assez puissante à ce

moment-là pour tirer parti de l’ offensive musulmane .

Les Ottomans s’

étai ent emparés de l ’Egypt e

l es Turcs , maîtres de l’

Asi e , s’

ét endai ent en Europe ;la Répub li que avait assez à faire pour défendre ses étab li ssem e nt s en Médi terranée . Dès 15 10 , Lisbonne com

m ençai t à approvisionner l’

Allem agne au déb u t

du XV I e siècle , le monopo le du commerce d Orient était

nettement passé aux mains des Portugai s si l a Médi

terranee était encore le centre du monde civili sé,le

cadre de ce monde était bien agrandi .

La Croisade des épices avait donc eu pour résultat

de faire abandonner la voie diffi ci le de terre p our une

route sans doute moins courte , mais plus pratique par

(1 ) Morse S t ephen s , Albuque rque . V . H is tory of the .Mediae val

I n d ia .

LA CRO I SADE 13 1—: s ÉP ICES 223

le sud de l ’Afrique surtout elle avait aff ranchi l’

Europe

de l’

intermédiai re des Musulmans, ouvert l’

Océan I n

dien , les m ers de Chine , à l’ activité industrielle et com

mercante des Espagnols,des Hollandais , des Françai s

et des Anglais , rivaux, héritiers et successeurs des Por

t ugais .

LA CRO I SAD E D E S ÉP ICES CONTEMPORA INE .

La croisade des épices ne persiste-t -elle pas encore

au xx e siècle La Seigneurie de Veni se avait proj etéle percement de l

isthm e de Suez , rêve conçu’

par les

Pharaons et les Grecs dès les âges les plus reculés . Au

jourd’

hui , d’

énormes navires de charge traversent la

mer des Arabes , doublent le cap qui fut celui des Tem

pètes , et qui n’ est plus , grâce à la vapeur , que celui de la

Bonne—Espérance du gain et des profits . N ’ est—ce plus

donc cette croisade des épices qui a poussé l ’Angle t erre ,la France , l

Allemagne , l’

It alie , à rivali ser de hardiesse,à lutter politiquement, diplomatiquement, pour s

ét a

blir sur toutes les côtes où j adis les Vasco da Gama ,les Almeida, les Albuquerque, établissaient d es points

d ’ appui . Aux Dupleix, aux La Bourdonnaye, aux Sur

cou i , ont succédé les explorateurs , les marchands , l es

officiers , marins , soldats , des flottes de guerre, des trou

pes coloniales , qui ont développé les connaissances sur

ces régions , planté le pavillon de leur patrie sur les

vieux comptoirs des épices .

Ce ne sont plus seulement le poivre, la cannelle, le

gingembre, l a cardamone, la noix muscade, l a noix de

galle, la vanille, le muse et le benj oin qui sont l’

attirance de ces mers où tant de sang coula pour l e li bre

224 L’

i SLAM ET LES RACES

trafic de s épices et des aromates ; mais ce sont encore

le coton, le j ute , les fi b res , le rafi a , les arachides , le

manio c,la canne à sucre , le riz , tous les produits de

l’

Afrique équatoriale , de Madagascar, de l’

Inde ou de

la Chine, aussi précieux maintenant que les perles , les

pierres précieuses , les diamants de la Colchide ou de

Golconde ; c’ est tout ce que le commerce et l ’ industri e

peuvent tirer de la richesse infinie des pays nouveaux

qui attirent là-bas les peuples occidentaux ; ce n’ est

plus seulement le monopole exclusif de transport, de

vente qui alimente et dé termi ne la rivalité des grandes

puissances , mais aussi la colonisation , la découverte de

nouveaux débouchés pour l’

Europe pléthorique . C ’ est

maintenant la re cherche du pétrole indispensable à la

v i e moderne

La croisade des épices s’

est élargie en un essor mon

dial , entraînant dans l’

orb e de s forts tous ceux qui

n’

ont pas le degré de civili sation e t de puissance né

cessaire à la résistance . Les besoins de l ’Europe se sont

centuplés depuis le temps où Venise accaparait le com

merce des épices , luttait avec le Portugal ; depui s le

siècle où Henri V I , fi ls de Barberousse , rêvait la marche

vers l ’Orient d’une Allemagne victorieuse . Les besoins

se sont centuplés depui s la première croisade des épices

l’

Occident veut tirer de l ’Ori en t tout ce qui est indis

pensable à son bien—être , à sa richesse , à son luxe

forcer les peuples indigènes à tirer par t i de s ressources

inexploitées de leur pays , les inonder en échange de ses

produits manufacturés .

(1 ) La Comm ission d’

enquêt e des E t a t s-Un is signale en 1922

qu e le m onde e st m e nacé de m anque r de pét ro le av an t v ing tan s si la c onsomm a t ion ac t u elle con t inu e e t s i de n ouv ell es

poches ne son t pas t rouv ée s de là c e s lu t t e s polit iques implacab le s pour la possession des t errains pét rolifère s .

TROIS IEME PAR TIE

LES MOUVEMENTS RÉGIONAUX I SL ÂLHQÙ ES I SSÎ SDE L ’EXPANSION TURCO—MONGOLE

Chapitre x i i i .

XVI I .

QUATR IÈME PARTIE

CONCLUS IONS GÉNÉRALES . IMPRESSIONS svn

L ’ISLAM ET SES TENDANCES ACTUELLES

L’

Islam en Extrême—Orient .

1 ° L’

Islam en Chi ne .

2° L’

Islam en Inde—Chi ne .

30 L’

Islam au Japon .

L’

Islam en Russ i e .

L’

Islam dans l’

Insuli nde .

L’

Inde musulmane .

La Perse , l’

Afghani sta n, le

Bélouchi stan .

CHAPITRE X I I I

L’

ISLAM EN EXTREME—OR IENT

I . L ’ ISLAM EN CH INE .

Les Arabes . Ce fut sous le règne du khali fe Wa

li d' I e r (705-715) que l’

Islam atteignit, pour la première

fois,les frontières de la Chine . Un des gouverneurs du

souverain , Al Haj j aj , envoya de l’

Irak (Chaldée) , v ers

71 1 , un général arabe, nommé Kout aïb ah , vers les ré

gions tatares . En même temps Al Haj j aj ordonnai t àson cousin Mohammed ben Kasim de marcher sur l ’Him

doust an . Walid n’

aut orisa ces expéditions lointai nesqu ’ avec une extrême répugnance, mai s fut convaincupar son gouverneur, lequel détermina ai nsi l

’ expansion

de l ’ Islam en Asie orientale

Les étendards musulmans furent portés de Samarcande à Kashgar de 71 1 à 714 à travers le Tian—Chan .

Les nomades tatars furent convertis de gré ou de force .

Kout aïb ah reçut même dans ses nouvelles conquêtes

une députation de l’ empereur de Chi ne lui demandant

des renseignements sur la religion qu ’ il professait . Les

historiens arabes rapportent que , v ers 715 , le général

envoya au Fils du Ciel des délégués qui exposèrent au

(1 ) La Chin e , du m oin s son n om , n’

ét ai t pas in connu e de Maho

m e t . N’

av ai t il pas di t . Cherche z la sc i en c e ju squ e dans laChin e ! Cependan t quand il adre ssa de s m e ssage s à t ou s le s

s ou v e ra in s pou r qu’

ils se c on v e r t isse n t , il Il’

en v oy a rien à l ’Emp e r c u r de c e pay s . Ye sgu erd I I I (ou Ye sdegu ert ) , s ouv erain de

Pe rse b a t tu par les Arab e s, fu t a ssassin é en 652, en e ssayan t des e réfugier prè s de l

Empereur chinois Taït song Ier

232 L’

ISLAM ET LES RACES

sion islamique fut fortement favorisée pa le mariage

de Turcs Oïgours avec des femmes chinoise. Le métis.

sage a donné naissance aux D oumganes, ont le typeethnique se rapproche du Chinois , et qui parlent la

langue chinoi se .

Gengis—Khan , en ouvrant à l’

Islam la ante de la

Chine,fut la cause de nombreuses conv æ ions dans

les provinces de l ’Est . La tolérance religieue du grand

conquérant poussa les Musulmans à se rence en grand

nombre en Extrême—Orient, où ils se marirent e t fer

mèrent un peuple i sl amique de race mélagée . Parmi

les émigrants furent de nombreux Persansqui apport èrent avec eux leur langue , devenue depu: la langue

savante des Musulmans de Chine . C’

est msi que les

manuels religieux sont publiés en persan et on en chi

nois . L’ arabe est seulement connu par le Cran qui ne

doit être traduit dans aucune langue , et pr des for

mules religieuses mécaniques . Sous les empreurs mongols , les Musulmans occupèrent les plus b ancs charges

dans l’

E t at et vécurent librement .Les récits de l

histoire musulmane dans les sœcles

qui suivirent sont généralement apocryphes . ependant ,

le célèbre voyageur arabe Ibn Bat out a trouva u XIV e siè

cle des Musulmans en de nombreuses régions e la Chine .

Des villes entières étaient converties à la fr de Mahomet . Ces fidèles avaient l ’habitude de paye l

’aumone

ordonnée par la religion et recevaient hospit lièrement ,suivant la loi coranique

,les voyageurs v enat des pays

d’

Islam , ce qui semblerait indiquer une cot inuit é et

une facilité de relations considérables avec le mondemusulman .

Lorsque furent tombées du pouvoir le dynaS’

ties

mongoles , l’

Islam n’

eut plus le même sucer parmi la

30 L’

ISLAM ET LES RACES

souverain et à ses ministres la doctrine du Coran e t le s

traditions fain iliè re s aux disciples de Mahomet . Eff rayépar les peintures guerrières que lui firent ces Musul

mans , l’

empereur aurait fait porter à Kou t aïb ah le tribut

demandé par ce général

Les premières relations des Musulmans et des Chinois ,le développement de l

Islam en Chine sont très peu con

nus . Néanmoins,il y eut des rapports continus entre

les deux mondes . L’

empereur avait,sans doute

,gardé

un souvenir vivace de l’ esprit militaire des guerriers

de Kou t aïb ah, car en 755 après J .-C . , menacé par le

rebelle An—Ln-Shan , Su Tsung demanda secours auxMusulmans . Un corp s de quat re mille hommes lui fut

envoyé par le khalife Mansour . Le souverain victori eux ,afin de montrer sa gratitude à ces soldats qui lui assu

rèrent la victoire, leur p ermit de se fixer à leur guise

dans les grandes villes de son empire . Ces Musulmans

se marièrent avec des Chi noises , mai s gardèrent leur

religion . Ils formèrent ainsi le premier noyau de l’

Islam

en Extrême—Orient .Un mouvement similaire de p énétration se poursui

vai t par m er . Des marins arabes , et surtout des navi

gat eurs persans , partis de Siraf dans le Golfe Persique ,vinrent de bonne heure, en longeant les côtes , fonder

des colonies sur les rivages de la Chine, par exemple

à Canton . Les Arabes de s ecours , envoyés par

l’

Ab b asside Mansour, se rendirent très probablement

par mer auprès de l’ empereur . Dans les siècles suivants ,

le courant d’

immigration de l’

Ouest vers l’

Est se pour

suiv it sans arrêt . Les foyers d’

Islam se renforcèrent ,mai s restèrent lo cali sés . La véritable pénétration futconsécutive à l

expansion des Turc o—Mongols .

(1 ) D’

après Mangoliou th.

L’

I SLAM EN EXTRÊME-OR IENT 231

Les Tun e-M ongols . A la disparition de Gengis

Khan et de Tam erlan, les Turcs ottomans reprirent les

proj ets grandioses des grands chefs de guerre, tandis

qu e les souverains mongols , après l’

usurpat ion de Khou

b ilaî, devenai ent une dynastie purement chinoise, celle

des Youen . D’

aill eurs les Youen furent év incés plus

tard du trône de Pékin par les lignées locales ou mand

choues . Les tribus mongols perdirent bientôt toute .in

fluence sur les sédentaires chi nois . Il ne reste plus à

l ’heure actuelle que des nomades soumi s à la Chine ou

à la Russie . Il n’ existe plus que le souveni r d

’une épo

pée grandiose et, au point de vue islamique, des îlots de

Musulm ans .

Nombreux ils Sent encore auj ourd’hui dans la régi on

de Hia-hin—Tse et de San-Tao-Ho,au nord du pays des

Ordos , sur les confins du désert de Mongoli e . Ces Mu z

sulm ans sont très redoutés ce furent eux qui,en 1900 ,

massacrèrent deux prêtres belges : profitant des trou

bles,l es Musulmans avaient acheté des femmes chré

tiennes chi noises que les Mi ssionnaires , paraît-il , voulu

rent à tout prix retrouver, d’ où le conflit .

La plus grande partie des Tatars musulmans est ac

t uellem ent soumise à la Russie . Au début de 19 17, les

Mongols russes ont demandé au gouvernement provi

sc ire, nommé par les révolutionnaires de Petersb ourg,leur autonomi e , dans un congrès de tous leurs princ e s

réunis à Irkout sk . Depuis l ’ intervention des Maxima

li stes , les Musulmans mongols ont suivi les différents

courants politiques en cherchant touj ours à rester indé

pendants .

La Chin e musulman e . La première mosquée côns

t rui te en Chi ne le fut dans le Chan-Si en 742. L’

expan

232 L’

I SLAM ET LES RACES

sion islamique fut fortement favoris ée par le mariage

de Turcs Oïgours avec des femmes chinoises . Le métis

sage a donné naissance aux D oumganes, dont le type

ethnique se rapproche du Chinois , et qui . parl ent la

langue chinoise .

Gengis—Khan,en ouvrant à l

Islam la route de la

Chine , fut la cause de nombreuses conversions dansles provinces de l ’Est . La tolérance religieuse du grand

conquérant poussa les Musulmans à se rendre en grand

nombre en Extrême—Orient, où ils se marièrent e t fe r

m èrent un peuple isl amique de race mélangée . Parmi

les émigrants furent de nombreux Persans qui apport è rent avec eux leur langue , devenue depuis la langue

savante des Musulmans de Chine . C ’ est ainsi que les

manuels religieux sont publiés en persan et non en chi

nois . L ’ arabe est seulement connu par le Coran qui ne

doit être traduit dans aucune langue, et par des for

mules religieuses mécaniques . Sous les empereurs mongols , les Musulmans occupèrent les plus hautes charges

dans l ’Et at et vécurent librement .Les récits de l

histoire musulmane dans les s1ecle s

qui suivirent sont généralement apocryphes . Cependant ,le célèbre voyageur arabe Ibn Bat out a trouva au x rv ° sie

cle des Musulmans en de nombreuses régions de la Chine .

Des villes entières étaient converties à la foi de Mahom et . Ces fidèles avaient l ’habitude de payer l

’ aumone

ordonnée par la religion et recevaient hospit aliè rem ent ,

suivant la loi coranique, les voyageurs venant des pays

d’

Islam , ce qui semblerait indiquer une continuité etune facilité de relations considérables avec le monde

musulman .

Lorsque furent tombées du pouvoir les dynasties

mongoles , l’

Islam n ’ eut plus le même succès parmi la

234 L’

I SLAM ET LES RACES

similaire . Ces derniers , bien qu’ au courant de tout c e

qu i se passe dans le monde islamique , ont échappé

j usqu ’ à présent , semble— t —il , à la formule ottomane .

Capables d ’ amélioration , au moment où une Chine nou

velle cherchait à s’

adapter aux progrès de la civilisation

européenne , ils ont profi té des mouvements j eunesrévolutionnaires pour revendiquer leurs dro its politiques

et sociaux .

Le gouvernement dut combattre durement contre

les D oumganes . En 1818,une première insurrection avait

éclaté déj à dans le Yun-nam , d’autres avaient suivi en

1856 qu i ne furent réprimées qu’ en 1872, au Chan- S i

de 1862 à 1878, au Turkestan en 1864 . C ’ est contre les

Musulmans Ta i —Pings que le colonel anglais Gordon

prêta son concours au gouvernement chi nois : il devait

succomber plus tard en Egypte à Khartoum , sous les

coups des Musulmans soudanais . En 1900, dans le ChanSi , au Turkestan , au Yun-nam , les adeptes du Coran

proñt è rent à nouveau des troubles pour affi rmer leur

vitalité . Beaucoup d’ entre eux ont péri dans les guerres ,

mais leur nombre grandit vite à nouveau : les Musul

mans achètent même, paraît—il, les enfants abandonnés

dans les famines par les Chinois , les élèvent dans leur

foi et repeuplent les territoires dévastés par les fl éaux ,

comme au Kouan-Toung

Il est assez difficile de les dénombrer . Les statistiques

varient assez fortement . Les Musulmans semblent être

une trentaine de millions en Chine . A Pékin même, o n

en compterait familles avec 13 mosquées . L’

isla

m ism e gagne de plus en plus en Chine par le nombre

de ses enfants et par le prosélytisme . Le grand principe

enseigné dans les brochures publiées en chinois , en per

(1 ) D’

aprè s Har tm ann .

L’

I SLAM EN EXTREME—OR IENT 235

san , en arabe, imprimées sur des b locs de bois et ré

pandues à des milli ers d’

exemplaires , e st : Allah veut

que l’

Islam triomphe à travers e t par la Chine ! (1 )Il est à remarquer qu ’ en Extrême-Orient, les Musul

mans représentent l ’ élément remuant e t turbulent . Leur

évolution historique est une de c es manifestations quifont comprendre l ’ impossibilité de l

enten te universelle

des Musulmans , trop divisés en sectes différentes , de

races trop diverses pour être dirigés vers un but com

mun . Chaque race a adapté l’

Islam à son caractère par

t iculier .

I l . L’

ISLAM EN IND O-CH INE .

Les généraux mongols assurèrent aux Khans l ’ au

t orit é sur le Yun—nam et le Tonkin . A la suite des sol

dats turco—mongols , l’

Islam pénétra en Indo—Chi‘

ne,m ais

à l ’heure actuelle on n’

y rencontre plus de Musulmans .

M . Dout t é pense cependant que les Chams , d’ origine

malaise , semble—t il, qui fondèrent l’ ancien empire de

Champa (Annam actuel) , et qui , chassés par le s Chinois ,les Cambodgiens , le s Annami tes , subsistent çà et là

en Inde -Chi ne e t au Siam , sont les derniers restes de

ces Musulmans retournés aux croyances primitives

MM. Russier et Brenier (3) disent : Un certain

nombre de Chams sont Musulmans . On les appelle Bani

(de l’

arabe beni , fils de l’

Islam ) . Les autres sont brahma

niques , mais leur islamisme ou leur brahmanisme est

(1 ) D’

après Har tm ann .

(2) D’

apr ès Margoliou t h .

(3) Ru ssier e t Bren ier , L’

I nde -Chin e fra n ça ise . Paris , Co lin ,

19 1 1 , p . 1 57 e t 1 58 . Une m o squée ex ist erait , m e dit —on ,a

Han 0 1 .

236 L’

I SLA ET LES RACES

très corrompu et se rédit presque uniquement aux con

t um es funéraires . Les ams b rahm anist es brûlent leurs

morts,les Chams mns mans le s enterrent .

An S iam on signale rue sur 6 mi lli ons d’

habitants,

un milli on est auj ourd ui musulman . Une immigrationvenant de Chine et l

archipel malais aurait causé

cette islam isation rap e .

I SLAM AU JAPON .

La prise de la Co r par les Mongols , la possessionde la Chine , perm ire n aux missionnaires musulmans

de p énétrer au Japnn . l. enr action est encore sensible

dans les îles,pu isqu

e 1 907 seulement on comptait

dans ce pays troi s mill e s de conversions à l’

islamisme .

Ce fait n’

était pas igm du monde islamique . M . Dicey

(Londres , 1908) raco n t que , pendant la guerre russe

j aponaise , tous les pen te s musulm ans , même ceux des

sources du Nil , ét a courant des

kado . Et l ’ on r croyance :

m ism e aura p m onv em

Quoi qu ’ i l e

p armi les pe

Japonais

sulmane .

doit êt

236 L’

I SLAM ET LES RACES

très corrompu et se réduit presque uniquement aux cou

t um es funéraires . Les Chams b rahmanist es brûlent leurs

morts , les Chams musulmans les enterrent .

An Siam on signale que sur 6 millions d’

habitants ,

un milli on est auj ourd ’hui musulman . Une imm igration

venant de Chine et de l’ archipel malais aurait causé

cette islam isation rapide .

L’

ISLAM AU JAPON .

La prise de la Corée par les Mongols , la possessi on

de la Chine, permirent aux missionnaires musulmans

de pénétrer au Japon . Leur action est encore sensible

dans les îles,pui squ ’ en 1 907 seulement on comptait

dans_cc pays trois millions de conversions à l

’ islam isme .

Ce fait n ’ était pas ignoré du monde islamique . M. Dicey

(Londres , 1908) raconte qu e , pendant la guerre russe

j aponaise, tous les p euples musulmans , même ceux des

sources du Nil , étaient au courant des victoires du Mikado . Et l ’ on rappelait la croyance : le réveil de l ’ islam ism e aura pour cause un mouvement de l ’Orient !

Quoi qu ’ il en soi t , l a doctrine de Mahomet se répand

parmi les peuples de race j aune , et fait plus grave, les

Japonais veulent jo uer un rôle dans la politique mu

sulmane . Grande puissance , le Japon estime qu’ il

doit être représenté dignement auprès de la SublimePorte . Constantinople est un bon point d ’ où observer

la politi que russe et l ’ intérêt que les Japonai s portent

à l’

Islam les rapproche du Commandeur des Croyants .

Ils entendent exploiter le prestige que leur a donné

dans le monde musulman comprimé par l ’Europe leur

victoire sur une nation chrétienne d’

Europe . Des en

v oy és j aponais étaient à La Mecque ces années der

L’

I SLAM EN EXTREME-OR IENT 237

meres . Des fils de Musulmans indiens vont s m st ruire

au Japon . Les Musulmans d’

Egypt e et de l’

Inde ont

rêvé de convertir le Japon qui , bien que peu di sposéà les écouter, ne les décourage pas . Les 30 mi lli ons de

Musulmans de la Chi ne ne serai ent pas des alli és m épri

sables . Le titre de protecteur de l’

Islam en Asie peut

être utile au mi kado et à son peuple . Le sultan,j usqu ’ ici ,

n ’ a pas accordé aux Japonais leur ambassade la Russi eet l ’Allemagne s

’y opposent, d’ autre part , les pays re

présentés à Constantinople par des ambassadeurs ont

droit aux Capitulations et le gouvernement turc cherche

à restreindre et même à abolir les privilèges d’ écoles ,

de missions , de cours consulaires qu’ il j uge contrai res

à la digni té d ’ un souverain indépendant

Ces lignes furent écrites en 1 908 ; de puis , la guerre

mondiale a changé bien des choses et le Japon n ’

a plus

les mêmes rai sons d ’ être au Bosphore pour surveiller

la Russie en pleine anarchie .

Cependant le Japon a un Haut—Commissaire à Const ant inople au même titre que les au t res puissances del’

Ent ent e . De même il s ’est intéressé à l ’existence desCapitulations que Moustafa Kemal a supprimées . Mais

les gouvernements intéressés contestent cette suppres

sion e t avai ent même étendu le régime à la Serbie , à laRoumanie et à la Yougo-Slavic . Le rôle du Japon auxcommi ssions de la Société des Nations ne permet plusde le considérer comme négligeable dans le règlement

des questions concernant le Proche Orient . L’

Allem agne ,

qui v isait pour son propre compte le protectorat mu

sulm an , n’ est plus là pour s

opposer aux menées

(1 ) Lou is Aub er t , Amér ica ins e t Japona is . Paris , Colin , 1 908.

Préfac e , p . 1 7 .

238 L’

ISLAM ET LES RACES

j aponaises . Les envoyés nippons qui , en 19 12, visitai ent

l e Caire , avaient de longs conciliabules avec les ét u

diant s d’

Al Ahzar, qui visitaient les groupements isla

m iques épars dans l’

Océan Indien , ont dû con tinuer

leur œuvre d ’ attrac t ion des Jeunes Musulmans afri cains

e t indiens vers les centres d ’ études j aponais . L’

Islam

est heureusement très divisé, mais il ex iste là un danger

pour l’

Ex t rêm e-Orient . Les Japonais peuvent appuyer

leur poli tique d’

in fluence sur les Musulmans asiatiques ,notamment en Chine Où ces derniers représentent l ’ élément avancé et remuant .

L ’amitié j aponaise devrait p articulièrement at tirer

l a France . En eff et depuis Charlemagne,depuis Fran

cois l a France a touj ours cherché en Orient une

alliance pour renforcer sa puissance . De ce princip e

découle la politique traditionnelle de la France en Tur

quie,l ’alliance avec la Russie . A mesure que les moy ens

de communication deviennent plus rapides,les peuples

alliés d ’

Ori en t peuvent être plus lointains . L ’ intérêt

de la France ne serai t—il pas de chercher au Japon les

sympathies et les alliances qui pourraient servir de

contre-poids au développement des puissances germa

niques L’ intérêt que le Japon porte aux choses d

Islam

indiquerait qu ’en ce qui concerne notamment l ’ équilib redu monde musulman

,nous ne saurions y perdre . La

création du bloc Berlin-Moscou—Angora,germano—russe

touranien,la signature du traité de Rapallo et sa con

vention militaire secrète,font voir la nécessité pour la

France de s ’ intéresser à la suggestion d’

une entente

avec le Japon .

Jusqn a présent on ne signal e aucune islamisation

de l’

Aust ralie ni de l’

Océanie . Par contre les Moluques,

L ’ I SUM ET

j aponaises . Les env ovs

le Caire , avaient de

diant s d’

Al Ahzar, q

m iques épars dans 1

leur oeuvre d ’

at t rac ti

et indiens vers les

est heureusement trpour l

Ex t rêm e—O

l eur politique d ’ inotamment en Cment avancé e

L ’amitié j apl a France . Ecois I“

,la

alliance po

découle la

quie,l ’all

'

de comn

alliés d

de la I

symp

W ASE 243

onques et lui envoyai ent

11t ernat iv es de suc

les Tatars de Cri

1 . Le sultan de Tur

héritier de l’

imamat ,

ais l’

avait p ratique

Il reven

e religieuse . Ça

fl mion de la Crimé e à

984 l a p ressi on de la

t l’

annexion à la

du nb an .

se co h na contre les peuples—ion d empire des tsars . Enwait a pied sur la Caspienne

De 1 786 819 , 1e Daghestan fut

s malgré d arouche rési stance de

1800 , ce f tl e tour de la Géorgie .

et Bakou ,1878 , à la fin de la

i e , Kars , Ba m , Ardahan sont oc

i scov i t es . D e 83 à 1876 , eut li eu la

des Russes v e ’

Orient qui leur livraTranscaspienn e s conduisant au mi

,

i es d ’ où l’

Ouzb egTam erlan avait j adi s

68, Sam arcande , l i lle célèbre de l’

Islam ,

e en 1876,1e Khokad annexé au Turkes

si le tsar Blanc v omit recueill i r l’

héritage

e Boiteux .

Icée lente et continue a peuple russe depui s

tion de Moscou au X I siècle , son expansio n

forêt, dans la terre ne dans la prairi e, sui

e colonisation e t d’

unemi se en val eur immé

CHAPITRE XIV

L’

ISLAM EN RUSS IE ET AU CAUCASE

La Horde d’

or . A la mort de Gengis-Khan (1227)une des hordes (ordon , troupe) qui composaient l

’ armée

de l ’Empereur Inflex ib le s’

était établie en Occident,

sur les territoires soumis aux Mongols , du Dnïepr

à la Caspienne . Le fils de Gengis Khan,Dj Où di , fut le

premier souverain régnant sur ces territoires . Puis

l e terrible Baty (mort en qui avait ravagé la

Russie , la Silésie , la Hongrie , devant lequel avaittremblé l ’Europe , avait constitué la Horde d

’ or en un

puissant empire qu ’ il dirigeait de sa capitale Saraï (leChât eau) , const ruit e sur un des bras de la Basse-Volga .

En 1260, lorsque l’

usurpat eur Khonb ilaï alla s’ établir

e n Chine , brisant ainsi avec les traditions de l’ empire

turco—mongol , la Horde d’ or rompit les li ens de vassalité

qui l’

unissaient au Khan, mais se démembra bientôt

sous le règne des successeurs de Baty qui l’ avait voulue

unie et puissante . La dernière tentative de rénovation

eut lieu au X IV e siècle sous le grand chef Ouzb eg , Ta

merlan,qui redonna une seconde période de prospérité

à la Horde, en rassemblant sous son autorité toutes

les tribus de sang turco—mongol .

L ’ invasion des Asiatiques convertis à l’

Islam faillit

avoir de graves conséquences en Russie . Les peuples

tatars firent connaî tre l ’ i slam i sme à la Russie païenne .

Le tsar Wladimir (972— 1015) souffrait alors de la crise

religieuse que traversait son royaume entier . Suivant

242 L’

I S LAM ET LES RACES

Crimée , pour acc omplir le rassemblement de la terre

russe Dès Ivan le Terrible (1462 ce se ra la ré

v anche du christianisme sur l’

islamisme . Pendan t que

dans un effort pa rallèle, l’

Au t riche e t la Hongrie arrê

taient les O ttomans , songeaient à les refouler, de même,un moment subj uguée par les Tatars , la Grande Russie,noyau de la Russie moderne , s

affranchit du j oug mon

gol , comm e les provinces danub iennes le firent du des

pot ism e turc . Depuis 1480 , date à laquelle Ivan battit

le khan Akhmet sur les bords de l’

Oka, la Russie, limitée à l ’Oue st par la Pologne, s

ét endit vers l’

Orie nt

j usqu ’ à la Caspienne e t l’

Oural , recueillan t les popu

lutions slaves qui fuyai ent les Tatars coloni sant

avec elles tout le bassin de la Volga , et vengeant dans

les luttes contre les princes de race mongole, toutes les

huniiliat i ons subies par leurs ancêtres .

D es truction de la puissance musulmane en Russ ie .

Ivan le Grand réunit bientôt à sa couronne Kazan et

les peuples turco—tatars qui en dépendaient D ’un

autre côté , en 1502, le khan de Crimée , alli é au tsar

contre ses frères de race , anéan tit si complètement ce

qui restait de la grande Horde , que Saraï, la capitale

de Baty dans laquelle les princes russes avaient rampe

devant les Mongols , est , depuis ce temps abandonnée

aux reptiles . A son tour , en 1521 , le khan de Crimée

fut assassiné par le khan des Nogai‘

s . En 1 523, Astrakhan tombait entre les mains du tsar Ivan dont Ba

hour, le Grand Mogol , descendant de Tamerlan , re cher

chait l ’ amitié , pendant que le conquérant de l’

Egypt e ,

(1 ) D’

aprè s Bourge ois .

(2) Tchérém isse s , Mordv e s , Tchouv ache s , Vo t iaks, Bachkyrs.

L’

I SLAM EN RUSS IE ET AU CAUCASE 3

Sélim I e r, le roi de France , Fran çœs I e r, lui envoyai ent

des ambassades .

Des luttes sans nombre avec des alternatives de suc

c è s et de revers s’

engagèrent entre les Tatars de Cri

m ée et les tsars successeurs“

d’

Iv an . Le sultan de Tur

quie avait acquis , en sa qualité d’

hérit ier de l’

imamat ,

le pouvoir temporel sur la Crimée , mais l’ avait p ratique

ment perdu par le traité de Kaïnardj i Il reven

diquait cependant encore la suprémati e religieuse . Ç a

therin e I l en 1 783 prononça la réunion de l a Crimée à

la couronne , mais il fallut en 1784 la pressi on de la

France pour que le sultan reconnût l’ annexion à la

Russie de cette contrée et du Kouban .

La croisade orthodox e se continua contre les peuples

islamiques pour l ’ extension de l’ empire des tsars . En

1722, Pierre le Grand avait pri s pied sur la Caspienne

à Derbend et Resht . De 1786 à l 819 , 1e Daghestan fut

soumi s par les Russes malgré la farouche résistance deSchamy I

- Imam . En 1800 , ce fut le tour de la Géorgie .

En 1806 , Derbend et Bakou , en 1878 , à la fin de la

guerre russo—turque, Kars , Batoum , Ardahan sont oc

cupés par les Moscov i t es . D e 1863 à 1876, eut lieu la

grande poussée des Russes vers l ’ori ent qui leur li vrale Turkestan , la Transcaspienne , le s conduisant au mi

lieu des steppes d ’ où l’

Onzb eg Tam erlan avait j adi s

surgi En 1868, Sam arcande , la ville célèbre de l’

Islam ,

était o ccupée , en 1876 ,le Khokand annexé au Turkes

tan , comme si le tsar Blanc voulait recueillir l’héritage

du Terrible Boiteux .

L’

av ancée lente et continue du peuple russe depui s

la fondation de Moscou au x 1n ° siècle, son expansio n

dans la forêt, dans la terre noire, dans la prai rie, sui

vi es d’

une colonisation e t d ’une —mise en valeur immé

244 L’

I SLAM ET LES RACES

diat e s des régions conquises sur les Mongols , laissées

incultes par ces derniers , ont démontré par ce qu’

en

ont fait les Russes , l’

inapt itude desa co—Tatars à créer

un empire durable . Les hordes , v enues d’

Asie s’

établi r

en Europe , imposèrent aux populations soum ises une

domination rude et dédaigneuse , les ont exploitées

par une sorte de servage sans issue , mais leur ont laissé

leur organisation familiale et communale, leur langue,leur religion , en un mot leur indiv i dualité sociale (l ) .

La réaction s ’ est produite dès que le caractère guerrier

des successeurs de Gengis—Khan se fut affai mais

l ’ emprise islamique importée par les Turco-Mongols estencore sensible en de nombreuses régi ons de la Russie .

L’

I slam dans la Russie con tempora ine . Les Mu

sulmans de Russie peuvent être estimés au nombre deseize millions d ’ âmes environ . Leurs agglomérations lesplus denses se rencontrent dans le bassin de la Volga ,autour de la Caspienne , en Crimée, dans le sud du Cau

case , au Turkestan . En Europe même, les Musulmansrusses se divisent en Tatars de Kazan , Nogaïs, Cri

méens On en rencontre encore en Lithuanie où

des Tatars disséminés , ayant co nservé la religion mu

sulmane mais adopté le costume polonais , subsistentencore Le noyau le plus important est celui de

la vieille ville tatare de Kazan sur la Volga Où exi ste

un centre scolaire musulman important ; à Tiflis se

groupent les Caucasiens ; enfin les 27 millions d’

he c

(1 ) Po in sard .

(2) Le s Noga 13 e t le s Cau casie n s du Nord m u sulm an s son t

év a lués par Vam b éry , 1 905 , à indiv idu s ; les Bachky rsde Kaz an , le s Ta t ars du Vo lga , à âm e s .

(3) V . Bérard, Relig ions m usulma n es , Le Pro blèm e russe , I l ,Revue de Pa r is , 1 5 m a rs 1905, p . 429 .

244 L’

I SLM ET LES RACES

diat es des régions coquises sur les Mo

incultes par ces déra ie s , ont démontré

ont fait les Russes , l’

inp t itnde

un empire durable . Ll hordes , venues d’

en Europe, imposè ren aux populations

domination rude et edaigneuse , les 0

par une sorte de servas sans issue , mais 1

leur organisation fami ale et communale, le’

leur religion , en un m o leur individualité sof

La réaction s ’ est prod 1t e dès que le caract è

des successeurs de Ge gi s—Khan se fut aff

l ’ emprise islamique im prt ée par les Tumo-l‘

encore sensible en de ombreuses régions d

L’

I slam dans la Buste con temporaine .

sulmans de Russie pencut être estimés auseize mil lions d ’ âmes e viron . Leurs agglon

plus d enses se rencontm t dans le bassin

autour de la Caspienne e n Crimée, dans le

case , au Turkestan . E 1 Eur0 pe même, les

russes se divisent en’

atars de Kazan ,méens On en renent re encore en Li

des Tatars disséminés , yant conservé lasulmane mais adopté cos

encore Le noy

la vieille v ille tatareun centre

groupent 1

L’

ISLAM EN RUSS IE U CA”…249

tares de Bokhara et de Kh forment

provinces musulmanes son t ori té de

gènes,vassaux de la Russie .

Russie

observé est le rite sunnite , e au

Tatars de Crimée restent c chers

mans russes . Le gouv ernem de

un grand mufti appointé à tête

groupements , subventi onnai b couventsù

les écoles et les confréries .

D’

après les voyageurs , le s na rs de Run e

gens sobres , pacifiqùes, trav. a ra, gén&a

artisans, petits commerçant onciergœ.

des , garçons de café , tandis e ceux d‘…

rnit e sesont nomades se hv rent à

asie ellespêche . Tous sont ferm emen royants, m qui j erésistance énergique à l ’ aet i des grandestiens orthodoxe s , font même

lux revorable auprès des habitants st ep de“ cut e proqu

eux .

tous lesJusqu

en ces dermères anu s, pétition ,ne portaient pas omb rage le n o 60

conse nt 1.laignaient

246 L’

I SLAM ET LES RACES

les moyens Cette tyrannie a causé de nombreux

mouvements d emigration vers la Turquie . M. Vam

b éry estime qu’

un demi—million de Musulmans a fui la

Russie par sui te de la persécution religieuse .

Au point de v ue social , l’

expansion du peuple slave

déterminai t un changement dans les conditions de la

v ie tatare . Par des expéditions répétées, les Russes ontobligé de proche en proche les nomades à se cantonner

dans un espace déterminé au lieu de parcourir librement

la s teppe . Cette contrainte amena les Tatars de l’

U

kraine et du Don , pu i s les Bachky rs de l’

Onral a une

t ransformation sociale . Les ressources de ces pasteurs

étaient diminuées par le rétrécissement de leur aire de

parcours . En Russie, se posait la même question qu’ en

Algéri e après la conquê t e française . Le nomadi sme devait laisser libres se s terrains de transhumance pour

l ’ installation de colons nouvellement venus . Les Slavesforcèrent les Tatars à restreindre leur vie pastorale .

Pour les empêcher de mourir de faim , le gouvernement

les employ a comme gardes f rontières , leur allouant une

solde en nature ou en argent . On leur facilita la cons

t ruc tion de demeures fixes , au moins pour l’hiver, l

’ ac

(1 ) Dan s un ar t icle de la Rev ue de Pa r is , 1 5 m ars 1 900 ,Le Pro blèm e russe , I l , Na t ion a li tés e t Rel ig ion s, M. V . Bérard

défend la poli t iqu e de s t sars qu i fu t t ou j our s t r ès t oléran t e , di t -il .Il av o u e c epe n dan t qu e la sain t e Russie n

a persécu t é qu e c er

t ains Tar t ar e s du Vo lga , le s Kérachin e s , qu i ,après c onv ersion àl’

o r thodox ie re t ourn a i en t aux pra t iqu e s m u su lm an e s Ils

a v aien t san s dou t e é t é t r ès m al c onv er t is . M . Bérard indiqu e en

ou t re qu e ls serv ic e s le s t sars on t su t irer de s agen t s m u su lm an s

en Perse , en Chin e , au Ca uca se c omm en t c e s dern iers v an t aien t

la puissan c e du t sar b lan c e t faisaien t de la propagande pour lu i ,e t c om m en t les Anglais, don t la polit iqu e en Arab ie e t en Egypt et ouj ours ét é si su iv ie , on t su pro fi t e r des plain t e s de s Ta t ars

ru sse s pour faire imm édia t em en t r e lev er le gan t par le s j ournaux

m usu lm an s du Caire .

248 L’

ISLAM ET LES RACES

tars . Les lois de l’

Islam , dit—il sont facilement

appli cables aux nécessités de la v ie moderne . L ’ arrêt

chez nous e s t uniquement dû aux mollahs qui se son

cient seulement de la lettre , et n’ ont j amais pénétré

l ’ esprit philo sophique de Nous resterons dans

cet état , ta nt que nous ne nous serons pas débarrassés

de ces prêtres fanatiques ; et tant que nous n’ aurons pas

obtenu pleine possession de la liberté de conscience,nous serons incapables d ’ avoir une religion vraie , une

politique vraie ! Les Musulmans des j ours actuels ne

vivent pas en vertu des prescriptions envoyées par Dieu ,mais d ’après les lois faites par les mollahs , v enues des

t emps ç passés . Il existe chez nous des hommes de Dieu

très pieux et très instruits , mais la grande maj orité est

composée de derviches Comme la plu

part d’entre nous ne savent pas l ’ arabe (langue dans

laquelle est écrit le Coran qui ne doit pas être traduit)nous ne lisons pas le Coran pour le comprendre en son

esprit, mais nous en récitons les versets comme des

Nous aut res Musulmans vi vons encore au

Moyen Age

Nos lois religieuses et ordonnances au suj et des fem

mes sont j ustes et libérales , mais elles sont mal appli

quées par les hommes d’ auj ourd ’hui . L ’

Islam n’

ordonne

pas la polygamie , mais la permet seulement sous certaines Actuellement nos femmes sont igne

rantes de leurs droits ; leurs époux, sans instruction ,sans frein , les considèrent comme de s esclaves , agissentauprès d

elles en tyrans contre l ’ esprit de l’

Islam . Notre

religion commande aux femmes de se v oiler la figure

(1 ) D’

après t radu c t ion anglaise du Professeur A . Vam b éry .

Budape s t , Un iv ersi t é, j an v ier 1 905 . Paru , Londre s, Nine t e en t hCen t ury , fév rier 1905 .

L’

I SLAM EN RUSS IE ET AU CAUCASE 249

et les mains , mai s ne leur défend pas de fréquenter leséc oles , les collèges , de professer, de se rendre aux m os

quées d ’ écouter les sermons , de dire la prière, de

visiter les marchés et d ’y commercer, de cultiver les

arts , d’

écri re même, enfin de prendre part aux guerres

et de se distinguer dans toutes les circonstances de la

v i e . Jadis de nombreuses Musulmanes ont été célèbres

comme poètes , artistes , musiciennes , comm erçantes

étudiantes , etc . Et l ’ auteur aj oute : La condition

de nos femmes est, malgré tout, plus heureuse que celledes Européennes en général , car les veuves et les vieillesfilles sont extrêmement rares chez nous

Ces aspirations de la classe musulmane instruite seretrouvent dans tous les pays d ’

Islam . En Russie ellesont coïncidé avec les transformations sociales qui j e

t èrent un grand nombre de déracinés dans les grandes

cités méridionales . Ces éléments se j oignirent aux rév o

lut ionnai res de 1 905 et publi èrent une véhémente pro

testation exprimant les griefs et les désirs de tous les

Musulmans vivant en Russie . Sous forme de pétition ,l eurs revendications paru rent au Caire dans le n° 60

du j ournal Le Turc . En résume les Tatars se plai gnaient

que la liberté de pensée, adm l se partout auj ourd’

hui ,leur soit refusée , que les droits précédemment accordés

(1 ) En c er t a in e s m osqu ée s de l’

Afriqu e du Nord, il ex ist e . un

em plac em en t réserv é aux femm e s .

Il n’

e st pas inu t il e de rappeler la no t e 4 de la soura t e XX ,

v erse t 24, de la t raduc t ion du Coran par Kazirmi ski . Ce t t e no t e

s’

appliqu e su iv an t la Sunna à une b elle femm e qu i priait auprèsdu Prophè t e à la m osqu ée , e t qu e c ert ains a t t endaien t pour la

v oir sort ir .

(2) Khadidja ,l epou se du Prophè t e , ét ai t n o t amm en t un e

c omm e r çan t e av i sée .

(3) V . à c e su j e t , Conférences franco-m a roca in es .

250 L’

ISLAM ET LES RA CES

par les tsars soient continuellement réduits par l’

aug

mentation constante de l a tyrannie gouvernementale ,en plein milieu du xx e siècle dans lequel règne l

esprit

d ’humanité . Après avoir énuméré les privilèges ai nsi

abolis,montré la propagande orthodoxe russe pour la

conversion des Tatars à la religi on officielle, la suppres

sion des tribunaux et écoles islamiques , les Musulmans

terminai ent leur pétition par un vibrant appel aux

grandes pui ssances européennes pour qu’ elles inter

cèdent en leur faveur, déclarant que si eux—mêmes

gagnerai ent en sat isfact ion , ] e tsar y gagnerait en sé

enrit é Cet appel fut remis en 1 905 au tsar, au sultan ,

aux puissances européennes .

Le gouvernement russe dut tenir compte du réveil

de ses populations musulmanes . Le droit de vote leur

fut accordé . Dans le s provinces Où les Musulmans de

m inaient par le nombre, ils purent élire à la Douma

une quantité de députés fix ée et garantie par l ’ autorité

centrale . A la Chambre siégèrent ainsi hu it ou dix dé

légués de leur foi . Ayant en principe des droits poli

t iques égaux à ceux des Chrétiens , les Musulmans ser

v aient dans l’ armée au même titre que ces derniers ,

étaient admis aux plus hauts grades sans qu’ il fût tenu

compte de leur religion . Cependant, par suite des an

ciennes conventions , les Tatars de Crimée continuèrentà former un régiment spécial de cavalerie .

La Révolution russe de 1917 a déterminé les Musulmans à rechercher leur unit é et leu r autonomie pa rti

cu liè re s, comme le firent a Irkont sk les pri nces mongols .

Bien que le gouvernement provisoire leur eût prom is

nu délégué à l’

Assem b lée constituante (j uin les

Tatars de la Volga , aussi bien que les Caucasiens et les

Transcaspiens , envoyèrent des dépu tés à la Conférence

252 L’

I SLAM ET LES RACES

républi ques de guerriers , lesquels , avec un peu d’aide , au

raient pu vivre et fournir de loyaux défenseurs à la cause

de l a j ustice . De même que les Arméni ens du Caucase,de même que les Assy ro-Chaldéens d

Ourmiah que le

Père Lazariste Decroo a conduits avec succès à la lutte

aux confins de la Perse et du Kurdistan , j usqu’ à la

liaison avec l ’ armée russe, de même les Géorgiens , demême les Tcherke sses, lesquels avaient préféré la mort

ou l ’ exi l plutôt qu e la servitude russe , de même lesTatars , ne reçurent des Alliés aucune assurance soli de

pour la reconnaissance de leurs droits .

Et pourtant le général Lüdendorff dans ses souv e

nirs (pages 238—39) reconnaît que la rupture des

communications pour l ’ envoi des p étroles entre Bakouet l ’Allem agne , par suite des entrepri ses arméniennes ,fut une des causes déterminantes de la défaite alle

mande . Pourtant les Musulmans du Caucase semblaient,après la défaite de la Turquie , disposés à cré er au Cau

case des états indépen dan ts .

Pourtant,pendant la guerre mondiale

,les Chrétiens

du Caucase avaient j oué un véritable rôle militai re en

ces régions : Les Arméniens et les Assy ro—Chaldéens

avai ent bravement combattu dans les rangs de l ’armée

russe à la débâcle qui su iv i t,en décembre 19 1 7

,1’aban

don du front par les troupes russes du Caucase,

le

gouvernement de Transcau casie,avec l ’aide des mis

sions alliées de Tiflis,décida de former des troupes

nationales pour se défendre con t re l ’inv asion turque ;les

corps arménien,géorgien

,et tartare furent fondés

(1 ) A. Poideb ard . Rôle m ili ta ire des A rmén iens s ur le fron t duCa uca se , après la défec t zon de l

a rm ée russe , dans la Revue des

E tudes armén iennes , 1920, t . I, fase . 2. Paris, Gen thner .

r.’

rsr. a sr EN RUSS IE ET AU CAU CAS E 253

Mais la Géo rgie,sentant l

incapacité des al li és d ’

ai der

les peuples caucas iens,se retourna bientôt

,au prin

temps,vers l ’All emagn e et la Rus sie b olcheviste ; les

Tatars,Musulm an s très t ravaill és par les agents

touraniens,

firent rapi dement cause comm une avec

les Turcs ; ils s’

eñ orcè rent d empêcher le rav ita i ll e

ment des Arméniens venan t de Perse et coupèrent le s

communications avec Tifli s . La Géorgie où les Tatar s

étai ent nombreux,ne les empêcha pas d

0pérer ainsi .

Le s Arméni ens restèrent seul s

L Arm ée arméni enne comprenai t trois divi sions

1 r e Divis ion à Alex andropol,général Are chefi’ .

2e à Erivan,général Silik oñ .

39 mobil e,général Andranik .

Brigade de cavalerie,co l onel Korganof .

L ’ensemble étai t commandé par le général Naz ar

b ékofî . Au sud,aux con fi ns de Perse e t de Turqui e ,

opérai ent les troupes assy ro-chal déennes comprenant

La brigade chal déenne,agha Petros

,

nestorienne Patri arche Marshim oun,

un bataillon arménien St éphan i an ;

ces troupes étai ent dirigées p ar un état maj or russe .

Mais ces derni ers soutiens de l’

indépendan ce du

Caucase étai ent bien peu dev ant l’ennem i à fin m ai

1 9 18,les Allemands débarquèrent qu inz e m ille hommes

a Poti pour teni r la ligne Batoum—Bak ou . Déj à

Turcs avai ent formé la Grande Armée caucasiennede l

Islam qu i , composée des div i sions venues de

Pal esti ne appuyée par le s irréguli ers Kurdes et Tatars ,finit par avoir rai son de l

héroîque résistance des Armé

niens . Ces derni ers résistèrent cinq mo is,de j anvier à

(1 ) He nry Barb y, Les er lra va ganœs bolchev iquæ et l’

épopée

a rmén ie nne . Paris , Alb in Miche l .

254 L’

i SLAM ET LES RACES

mai 19 18 . Ourm iah tomba le 5 août 19 18 , Bakou le

15 septembre . Une petite brigade anglaise,venue de

Perse,sou s le s ordres du général Dunst ervi lle

,parut

à Bakou du 5 au 17 août,trop tard cependant pour

sauver la ville .

Depuis,les peuples caucasiens ont essayé de vivre à

l etat libre en profitant de l ’ anarchie régnant aussi bien

en Turquie qu’ en Russie . Mais très vite le besoin

d’

aide se fit sentir, surtout que grandirent bientôt les

Bolchevistes d ’une part,les Kém alist es de l

autre . Le

Caucase est actuellement le point où se rej oignent

l ’ impérialisme moscovite et l ’ impérialisme touranien ,alliés pour une cause commune , la destruction de l

’ en

tente des puissances européennes .

Les Russes des Soviets semblent avoir repris pourl eur propre compte le rêve allemand de l

Islam au ser

vice des pangermanistes , mais cette fois pour la plu sgrande domination des Bolchevistes . D e 19 19 à 1920 se

multiplièrent les voyages des Commissaires du peuple,en Crimée, au Caucase , en Asie centrale , en Asie Mi

neure, en Perse , en Afghanistan , en Sibérie, peut-êtremême en Chine pour rallier les peuples musulmans autour des Soviets . Ceux qu i combattaient recevaient subsides e u or, munitions , m at ériel . A Kazan , sur la Volga ,

où résid e le grand Mufti des Musulmans de Russie ,Trotsky faisait fonder dès 1 920 une école militaire des

t inée à former des officiers musulmans de toutes nations .

Moustafa Kémal envoya à cette école un certain nombrede ses o f ficiers . A Kazan les élèves ne recevaient pas seu

lement une instruction militaire,mais ils étaient encore

spécialement instruits dans les doctrines b olchevistes

et dans la haine due à l’

Anglet erre et à la France . Dans

l’

armée étaient créés des régiments de chaque nationalité

256 L’

I SLAM ET LES RACES

Kemal paraît partout où ce dernier négocie . Enver afait aboutir les négociations kémalist es à Berlin

,à Mos

cou,au Turkestan

,en Afghanistan ; son titre actuel

de Président du Caucase musulman soviétique

lui permet en ce nœud vital des races,des rel igions

,

qu ’est le Caucase,d

agir dans tout l’

Orient,et de mettre

ce t Orient à la disposition de ses patrons . Kemal craintEnver et Enver

,s ’ il n ’avait pas une meilleure situa

tion,pourrait songer à renverser Kemal ; mais ces

hommes sont tous au service des mêmes ambitions etdoivent se supporter . Le paysan turc est foncièrement

hostile aux principes anarchiques,mais encore le b ol

chev isme est assez souple pour ne pas heurter de front

ceux dont il a besoin . D ’ailleurs la transformationrécente des Soviets en gouvernement autocratique e t

c apitaliste s ous la direction des Allemands ne fait

nullement prévoir la possibilité d ’une rupture Moscou

Angora,au contrai re . Le bloc puissamment outillé

de l’

Allem agne , de la Russie , de la Turquie , est à craindre .

Pour ces raisons,il est indispensable de suivre les

agissements des Soviets dans le monde musulman e t

l’

évolution des groupements islamiques en Russie etau Caucase . La nomination du Cheikh Senoussi

,comme

Président du Comité panislamique de Moscou,de ce

cheikh qui a déj à reçu le titre de maréchal d ’

empire

turc commandant les tribus arabes contre le s Francais et les Anglai s

,de ce cheikh contre lequel combat

tent les Italiens en Tripolit aine et qui a une si grosse

influence en Afrique,doit particulièrement attirer

l ’attention .

Au Caucase gît,semble—t -il

,le nœud de l a question

o rientale . Supposons que tous les groupements chré

L’

i SLAM EN RUSS IE ET AU CAUCASE 7

tiens puissent se rassembler,lutter

,être soutenus

,

qu’

au t our d ’eux'

s’

un issent les tribus musulmaneshostiles aux Turcs ce qui se f ait déj à

,le pantou

ranisme sera étouffé dans l ’œuf si les Grecs d’

Asie

Mineure agissent de même dans l ’Oue st,il est certain

que le bloc Angora—Moscou sera dissocié et la puissance

germanique affaib lie .

Crimée . La Crimée qui fut le dernier refuge de

l m dépendance musulmane en Russie a obtenu au débutde l

année 1922 la reconnaissance de son indépendance

par les Soviets . Le gouvernement de Moscou a ratifié

les 24 articles proposés par le Congrès national tatar

criméen comme devant servir de base aux institutions

de la nouvelle république . Cette république avait déj à

été votée par le Kourilt aï (assemblée de et prend

maintenant consistance .

Les langues officielles de la Républi que sont le tataret le russe . Sous le régime des tsars , les Tatars formaientun régiment de cavalerie indépendante . Le nouvel Etataura son armée à part avec des instructeurs russes .

Il est à noter que les Tatars de Crimée ont maintes

fois prononcé leur attachement au sultan khalife otto

man e t qu’ en Turquie existent de nombreux groupe

ments de Tatars crim éens partis de leur pays pour avoir

préféré l’

exi l à la servitude aux Moscov it es .

Kemal paraî

fait aboutir les nego

cou,au Turkest an ,

de Président du

lui permet en ce n

qu ’ est le Caucase,d

cet Orient à la disposit

Enver et Enver , s’

il 1

tion,pourrait songer

hommes sont tous au

doivent se supporter .

hostile aux principes

chev ism e est assez son

ceux dont il a besoi

récente des Soviets e r

capitaliste s ous la di

nullement prévoir l a p

Angora,au contraire .

de l ’Allemagne , de la I l

dre .

Pour ces raisons , il

agissements des Sov ietl’

évolution des groupe

au Caucase . La nomina

Président du Comité

cheikh qui a d éj à re ç 1

turc commandant lescais et les Anglais

,de

tent les Italiens en Tr

influence en Afrique

l’

attention .

Au Caucase gît,sem

o rientale . Supposons

CHAPITRE XV

L’

ISLAM DANS L ’ INSULINDE

L’

I SLAM I SAT ION .

Les Iles de la Sonde comprennent auj ourd ’hui plusde trente—six millions de Musulmans . Les groupements

les plus importants se trouvent à Java , Sumatra e t

Madura . Bornéo est islamisé sur tout son pourtour .

Les marins arabes et persans qui allaient en Chine, pas

saient par le détroit -

de Malacca , faisai ent escale dans

l’

Insuli nde . Ces navigateurs laissèrent dans le s îles de

n ombreux missionnaires qu i finirent par s’ installer dans

l ’ archipel malais . Les auteurs arabes indiquent que dès

l’

année 850 après Jésus—Christ, les Musulmans pénét rèrent dans ces régions , mais la véritab le expansionislamique n ’ eut lieu que beaucoup plus tard .

L’

Islam pénétra dans Sumatra vers 1 1 70, grâce à depuissantes missions venues de l ’ Inde

,A Java, le premier

missionnai re musulman , Malik Ibrahim , mort en 14 19,fut suivi de B aden Rahmat (1467) Les deux hom

m e s venaient de la côte du’

Malabar, région dans la

quelle régnait le rite shafe it e ce fut par suite ce sys

t èm e qu i fut introduit à Sumatra et à Java . Les mis

sionnaires, suivant l’ enseignement donné par le Coran ,

employèrent d ’ abord la persuasion , puis la force, dès

que leurs disciples furent assez nombreux pour imposer

leur volonté aux incrédules .

(l ) Har tm ann , der I slam ; Margoliou th, M ohammedan ism .

L’

I SLAM DAN S L ’

INSUL IND E 259

Des royaumes musulmans se fondèrent dans les îles .

Ibn Bat out a , dès 1436 ,signale l ’un d ’ entre eux sur la

côte septentrionale de Sumatra en 1 500, celui de Me

nang Kabau fut célèbre . Enfin en 1 5 18, les Hindous

qui étaient les maîtres du pouvoir en Insulinde , furent

chassés et remplacés par les Musulmans comme ils le

furent pareillement en Hindoust an . L’

Islam devint la

religion dominante au sud et au nord de Java , à Su

matra , gagna la périphérie de Bornéo , les Moluques,

les Philippines , les Soulouques, sans que les Hollandais

puissent arrêter cette islamisation .

I I . LE S EUR OPÉEN S EN IN SU L 1ND E .

La croisade des épices qui s etait poursuivie le long

des côtes orientales de l’

Afrique et de l’

Inde avait amené,

à la suite des Portugais , les Hollandais j usque dans

l’

Insulinde . Ces derniers atteignirent les îles de la Sondevers le mili eu du XV I e siècle , fondèrent Batavia en 16 10 .

En 1749 , un des princes indigènes ab diqua en leur i aveur ; la compagnie hollandaise de s Indes de l

Est , mai

tress e du privilège d’ exploitation dans l ’ archipel , essaya

d’

administrer la région , mais ne put tirer parti des avan

tages obtenus j usqu ’ en 1 758, date à laquelle, après de

violents combats,l es Hollandais réussirent à imposer

l eur autorité à toute l ’ île de Java . Se réservant le gou

v ernem ent direct de toutes les provinces°

côtières du

nord , ils rest aurerent dans l’ intérieur et dans les dis

t rict s méri dionaux,les princes indigènes qui furent

déclarés indépendants En 181 1 Java fut occu

pée par les Anglai s , mais restituée aux Hollandais par

le traité de Paris . D epuis ,cet t e époque , les Néerlandais

administrent les îles de la Sonde .

260 L’

I SLAM ET LES RACE S

I I I . LES MUSULMANS DE L’

INSUL IND E .

Le nombre des Musulmans dans l’

Insulinde augmente

annuellement . Le but commercial , politique , religieux , des

premières expéditions avait eu pour résultat le mariage

de nombreux Musulmans avec des femmes indigènes ,et par suite l

’ apparition de métis attachés au pays .

C ’ est par eux que l’

Islam a pri s un caractère spécial

dans ces régions . En raison dé leur énergi e , de leur for

tune bientôt gagnée, de leurs esclaves , les disciples de

Mahomet, au m ilieu d’une population native douce et

facile, acquirent bientôt une grande consideration et

l’

Islam avec eux . En conséquence , la persuasion j ointeà la force causa le succès de la nouvelle religion dans

l ’archipel malais .

Aux missionnaires venus de l’

Inde , à leurs deseen

dants , aux natifs convertis , s’ aj oute auj ourd ’hui un

nouvel élément, l’ élément purement arabe . A Java les

Arab es sont représentés le plus souvent par des émigrés

venus du Hadramaou t , province d’

Arab ie . l ls sont

à Java , dans les possessions extérieures

Ces Arabes sont avant tout des commerçants,venus

dans l’

archipel pour s ’ enrichir, et tiennent à retournerdans leur pays aussitôt que possible . Cette situation

les détermine à suivre une poli tique spéciale v is—à-vis dugouvernement . Malgré leur zèle religieux réel, ils cherchent

à ne pas se rendre défavorables les Hollandais dont ils

ont b esoin pour leurs affaires . Dans tous leurs actes , ils in

v oquent les préceptes coraniques qui peuvent leur ser

vir, mais même ceux d’ entre eux qui ont acquis sur les

(1 ) J . Cha ille y-Bc r t , Ja va e t ses ha b i ta n ts . Co lin , Paris, 1 900,

p . 1 04 .

262 L’

i SLAM ET LES RACES

représentations qui ne sont guère conformes au Coran .

Le climat est pour beaucoup dans cet amolli ssement d e

l’

ardeur musulmane . Les métis d’

arab es et de natif s

serai ent sans doute plus portés à se grouper, mais ce

serait sans doute pour des revendications poli tiques .

Une constatation se fait cependant : les naturels ont

le plus grand respect pour tous ceux qui ont approché

La Mekke et pour tous ceux qui proviennent des régions

voi sines de l a patri e du Prophète . Les Arabes du Ha

dram aout , pourtant éloignés du Hedj az , ont ainsi un

ascendant réel personnel sur les indigènes de l ’ archi

pel

Quoi qu’ il en soit, l

’ on peut dire que les Musulmans

ont, dans le s îles de la Sonde , accepté, après un certainnombre de révoltes , la domination hollandaise . Le fana

tisme musulman n’ existe pour ainsi dire pas , malgré

quelques explosions , dans l’

archipel mal ais . Peut—être

l’

Islam , au terme de sa course , n’

av ait -il plus assez de

force expansive pour soulever les nouveaux convertis

Peut—être encore, le climat amolli ssant, qui dans l’

Inde

avai t fai t perdre aux farouches conquérants nordiques

leur vigueur premiè re , le climat dévorateur d’ énergies ,

qui a créé,dans ces régions

,une race douce et facile

,

sauf quelques rares ex ceptions , peut—être le climat e st -i l

la cause de la fai blesse , de l’

inefil cacit é de l’

Islam en

ces régions

(1 ) D’

aprè s Chailley —Be r t , Op . c it .

— Le n om b r e de s pèler in saugm en t e e n ra ison de la fac ili t é de s m o y e ns de t ran spo r t .

Ann ée Jav a e t Madoura Po sse ssion s Ex t érieure s1 890 2 257 pèlerin s 3 528 pèlerins189 1

1 892 .

1893 . 4 . 766

1894 .

1 895 .

1 896 .

L’

i SLAM DANS L ’

1N SUL IND E 263

Les tendan ces modern es . Cependant,vers 1900 et les

années précédentes , on signalait aux îles de la Sondeune action plus v ive des confréries religieuses , une ré

crudescence du nombre de pèlerins se rendant à La

Mekke . Le panislamisme de l ’Ot t oman Abd ul Hamid

avait—il touché ces régions

Il semble qu ’ il se soit produit là un mouvement sem

b lab le à ceux qui se sont produits dans les autres pays

musulmans . La politique des ordres religieux s ’ est opposée

un peu partout à l’

occupation européenne de la fin du

X IX e siècle . Les moyens de transport étendus ont en même

temps facilité les voyages . Or les habitants de l ’ Insu

linde tiennent beaucoup au rite extérieur, à la conside

ration que proèure le titre de hadj i . Il ne faut sans

doute pas voir dans cette recrudescence de pèlerins une

conséquence du panislamisme ottoman . Chez les mét is

plus attachés aux revendications , chez les naturels let

t rés, ce mouvement indique sans doute comme ailleurs

les premières tentatives vers un essai de self—control

Mais il ne semble pas que le s indigènes arrivent de long

temps à un ré sultat tangible .

Pendant la guerre mondiale,i l y eut aux îles de l a

Sonde une sérieuse agitation d’

origine allemande,

laquelle a causé des appréhensions sérieuses au gouv er

nement hollandais . Il y eut d’

ailleurs à cette époque

des pourparlers importants entre le représentant des

Javanais a La Mekke, qui est un algérien , et le Consul

de Hollande à D j eddah . Cette influence hollandaise

par les Musulmans n ’était pas favorable à l’

Ent en t e,

et en particulier hostile à l’

Angle terre .

Les Hollandai s sont solidement établis dans l ’ Insu

linde . Ils ne pourraient en être chassés que par une

puissance militaire et navale considérable . Les Arabes

264 L ’ 1 5 LAM ET LES RACES

seuls sont impuissants . D’

ailleurs le gouvernement n ’ a

maintenu qu e très peu de princes musulmans e t sur

veille de très près ceux qui restent . Il possède en

M . Snoucke—Hurgronjc un islamisant des plus distingués

qui connaît à fond le s mouvements de l’

âme musulmane

et qu i connai t cette âm e la possède, l’

empêche de nuire ,et peut la diriger dans le sens le plus convenable aux

intérêts de la métropole . Cependant les progrès de

l’

Islam dans les Indes hollandaises sont considéra

bles . Il s ’y imprime des j ournaux en arab e . Dès 1 910,

le sultan marocain,Moulay Hafid recevait de c e pays

de s lettres,des j ournaux

,des télégrammes approuvant

sa répression de la révolte du Rogui Bou Hamara ,répression que l

Europe au contraire avait j ugée bar

bare e t féroce . Les pèlerins de Java constituent,à La

Mekke,le plus fort des groupements

,celui qui apporte

le plus d ’argent et dépense avec le plus de somptuosité .

Une colonie j avanaise importante demeure à La Mekke

et à Médine Pendant la guerre de 19 14-1 8,ell e n ’a

point dissimulé ses affinités germaniques . Le gouv er

nement hollandais . d’

ailleurs,comme celui de s Indes

anglaises,a marqué vis-à-vis des groupements musul

mans dépendant de lui une condescendance qui les

a enhardis,et en 1920 a causé de légitimes inqui études

,

(1 ) Le con sul de Hollande à Dj eddah, por t de La Mekke , ypossède , du fai t de l

im por t an ce de s capit aux impor t és par se s

r e ssor t issan t s, un e s it ua t ion de prem ier plan , qu i cau sa pendan t

la gu e rre des appréhension s asse z for t e s a u gouv ern em en t b rit ann iqu e pour qu e c e c on sul , capit ain e de frégat e en c on gé, a i t ét é

m i s dans l’

ob liga t ion de n e corre spondre av e c son gouv ern em e n t

qu’

en t 1 an çais e t san s se serv ir de c ode s chiffrés . Il de v a it e n ou t re

rem e t tre au Lieu t enan t -Co lonel b ri ta nniqu e Dj eddah c opie dec e qu

il écriv ait e t de c e qu’

il re c ev ai t,d e s précau t ions de v aien t

d’

ailleurs ê t re prise s au Caire pour répare r le s om i ss ions qu’

il

au ra i t pu c omm e t t re .

CHAPITRE XV I

L ’ INDE MUSULMANE

L’

Inde actuelle compte environ trois cents millions

d ’habitants dont plus du sixième e st musulman , soit

environ 50 millions de Musulmans . Neuf cents ans au

parav ant . l’

l slam n’ avait pas un adepte à l ’Est de l ’Hin

dus ; auj ourd’hui

,le roi d

Angle t erre possède plus de

suj et s musulmans que n’ en ont le sultan de Turquie

et le shah de Perse réunis .

Certains hi stori ens ont voulu voir dans la conquête

de l’

Inde par l ’ Islam ,moins une expansion voulue par

les chefs musulmans , que le résultat d’

un de ces cou

rants séculai res qui poussent de temps à autre les

trib us de l’

Asie centrale, Huns , Mongols ou Turcs , vers

l’

Europe ou la Chine . L’hi stoire démontre le contraire .

Si les conquérants arabes ne firent qu’

efileurer la terre

des radj ahs , leurs successeurs turcs , eux , firent de l’

Inde

un empire musulman , suivant une volonté rai sonnée .

Prem iers con tacts de l’

I slam et de l’

Inde . Les A ra

b es . Les marins arabes étaient des familiers des ports

hindous . L ’

Islam leur donna le prétexte de raids vers

les villes côtières , d’

où ils rapportèrent de grandes ri

chesses . Ai nsi sous le khali fe Omar, en 637, Tana (Bom

bay) fut pillé . Mais ces expéditions maritimes ne furent

guère que des aventures de corsaires : les Arabes cher

ehè rent la voie de terre par l’

Afghanist an actuel pour

atteindre les Indes . Ils furent longtemps retardés par

L ’ INDE MUSULMANE 267

la constitution physique du sol . En effet, si au v u e s1 e

cle , les Sarrasins bri sèrent presque toutes le s ré

sist ances humaines , ils furent souvent obligés de s’

arrê

t er devant le s ob s tacl es naturels . C‘

est ainsi que les

hautes cimes de l ’Hindou-Kousch sauvèrent longtemps

l’

Hindoust an .

Les attaques arabes dans l’

Est eurent lieu relative

ment tard car les Musulmans furent occupés par les

Berbères (1 Afri que j usqu’ à la fin du V I I e siècle . Cinq ans

avaient suffi pour soumettre la Syrie, d eux pour l’

E

gypt e , sept pour la Perse , mais Carthage dura plus d’

un

demi-siècle et les Berbères furent en perpétuelle révolte .

Aussi le s khalifes envoyaient-il s plutôt dans l ’Ouest leurs

forces disponibles . Cependant au . v 1 1 e siècle le Bélou

chist an (Makran) fut occupé, et en 664 Kaboul en Afgha

nistan fut enlevé . D e nombreuses conversions à l ’ Islam

suivirent la conquête .

Le premier succès arabe dans l ’ Inde com cida avec

deux autres succès importants d es Musulmans en des

régions opposées du globe . L’

Espagne gothique fut écra

sée en 7 10 à la batai lle du Guadale t e . Les étendards de

l’

Islam furent portés en 7 1 1- 1 4 de Sam arcande à Kashgar,dans le Turkestan chinois actuel . La vallée de l

Hindus

fut envahie en 712 . Ces trois succès marquent l ’ apogée

de la puissance omm ey y ade .

Le même Al Haj j aj , gouverneur de Chaldee (Irak) ,qui envoya vers le nord Ku t aïb ah porter l ’ Islam sur les

frontières tatares , chargea vers la même époque son

cousin Mohammed beri Kasim de marcher sur l’

Inde .

Cette continuité de v ues contre lesquelles d’ ailleurs le

khalife marqua quelque répugnance, prouve la volonté

de l’

expansion islamique vers l ’Hindoust an .

Mohammed ben Kazim conquit rapidement la vallée

26 3 L’

I SLAM ET LES RACES

de l’

Hindus . Les peuples soumis furent si bien traités

que la mémoire du général arabe est longtemps restée

populaire . Malheureusement Mohammed ben Kazim

périt victime d’

in t rigues de cour . Al Haj j aj lui—même

étai t mort . Les Arabes conquérants du S ind (7 14ne reçurent aucun renfort . Ils fondèrent alors des dy

nasties indépendantes dans la vallée de l’

Hindus . Ma

sondi vers le X e siècle signale leurs groupements .

Ainsi se termina la tenta tive d’

Al Haj j aj vers l ’ Inde .

L ’ affaire fut reprise trois siècles plus tard .

L es sultans de Ghazn i . Les armées de Moham

med ben Kazim étaient composées d’

Arab es . Les con

quérant s de l’

Inde furent de race turque c’ est de l

Af

ghanist an que partirent ces Turcs musulmans .

La chute de la dynastie ommey yade , le déplacement

de la capitale de Damas à Baghdad par les Abbassides ,furent suivis d ’un afflux d

influences persanes . Le dépla

cement de la capitale de Damas à Baghdad marqua la

reprise de la prédominance asiatique sur la civilisation

hellénique . Les Persans , plus souples , moins rudes que

les Arabes , remplacèrent ces derniers dans la plupart des

postes ; comme le pouvoir central devenait de plus en

plus faible, l es gouverneurs de provinces éloignées se

rendirent pratiquement indépendants du khalifat . Ils

fondèrent même de véritables dynasties dont la plus

puissante fut celle des Samanides dans la région de l’

Oxus .

En même temps , les khalifes s’

ent ourè re nt de prétorien s ,j eunes enfants turcs capturés sur les frontières nord—est

de l ’ empire et dressés au métier des armes . Les sultans

ottomans devaient plus tard reprendre cette institution en

créant les Janissaires, qui au lieu d’

être de j eunes enfants ,de race turque, furent de j eun e s Chrétiens recrutés de

270 L ’

1 5 LAM ET LES RACES

Les sultans de Ghor et de Ghazn i . Le frère cadet

du prince de Ghor fut placé sur le trône ruiné de Ghazni

(1 173 I l fut appelé sultan Mu izz cd-din ou encore

Mohammed de Ghor . De 1 1 75 à 1 187,ce prince soumit

Moult an , le Sind et Lahore . Le sultan voulut s ’ engager

dans les riche s provinces de l’

Inde supérieure il fut

d ’ abord vaincu par les Radjpout s hindous , mais en

1 193,s’

empara de Delhi e t de B enarè s, en 1 196,de

Gwalior, en 1203 de Kalanj ar . Ce dernier succès com

plét ait la soumission de l’

Inde supérieure .

Vainqueur, Mohammed de Ghor , qui avait succédé

à son frère en 1203,retourna à Ghazni et tourna ses

armes vers le nord . Il fut vaincu dans le Khwarizm

(Khiv a) ,e t se born a a son empire . Rappelé dans l ’ Inde ,

en 1205 , par la révolte des Khokars, Mohammed noya

l’

insurrection dans le sang,mais fut assassiné au retour

par un fanatique (mars

Avec Mohammed de Ghor, l’

occupation de l’

Inde

par les Musulmans devint eff ective et permanente . Sansdoute le souverain fut touj ours un Afghan aux yeux

aussi bien tournés vers l ’Oxus que vers l’

H indus, mais

il laissa dans l ’ Inde un vice-roi . Ce vice—roi donna nai s

sance à la fameuse dynastie des Rois Esclaves delaquelle part cette longue suite de souverains musul

mans qui,de D e lhi , on t gouverné l

Inde j usqu’ à la dé

sast reuse révolte des Hindous contre les Anglai s . C’

est

ainsi que par Mohammed de Ghor se fait la liaison

entre le khalifat islam ique et l’

Inde musulmane .

L es sultans turcs de D elhi Les Rois Esclaves . Le

vice-roi laissé dans l ’ Inde par Mohammed de Ghor fut

le général Malik Kout b cd—din Ibak . Né dans le Turkes

tan , il avait été achet é comme esclave par le prince dé

L ’ INDE MUSULMANE 27 1

funt . Ses victoires éclatantes lui valurent de la part dusultan Ghiyas ed din ,successeur de Mohammed de Ghor,l ’ envoi du titre de sultan , avec Delhi comme capitale .

Il ne faut pas s ’ étonner de voir un esclave parvenir

aux plus hautes dignités . L ’

Islam est égalitaire : l’ es

clave fait partie de la famille à laquelle il est tout dé

voué . Dans l’

empire sedj ou cide les esclaves j ouèrent

un rôle important . La garde m ameluk de l ’ empereur

Malik shah fut une école de gouverneurs capables .

En ces temps- là le prince , faute de fils , désignait

souvent un esclave comme général ou comme gonyer

neur . Avoir été esclave de Malik shah constituait alors

un véritable titre au respect . Les grands vassaux es

claves des Sedj oucides furent aussi loyaux que les Bâ

t ards du Moyen Age . Quand ils assumè rent à leur tour

le pouvoir royal , ils t ransm 1rent à leur lignée les hautes

qualités de leur seigneur e t maître ai nsi que les tradi

tions de la maison princière . Quelqu’un déplorait devant

Mohammed de Ghor que ce prince n’

eû t pas d ’ enfant

mâle : N ’ ai-j e pas des milliers de fils en mes esclaves

turcs ! Aussi,n e trouva-t —ou ri en d

ex t raordinaire à

c e qu e Ghi yas ed din envoyât le titre de sultan au

général Kou t b ed din , le plus célèbre des esclaves du

Ghori . D’

ai lleurs il est possible que les Sultans pré

fè rent employer leurs esclaves plutôt que des gens de

grande famille : les grands,surtout les princes , font

touj ours figure de prétendants à un moment donné .

La facilité‘

avec laquelle les Musulmans montèrent

sur le trône de Delhi n ’ a,non plus , rien d

ex t raordinaire .

La hi érarchie des castes dans l’

Inde avait préparé les

habitants à se soumettre au pouvoir ex i stant . Il y eut

seulement une caste de plus , cell e des Musulmans . LesHindous reconnaissai ent avec la même résignation le

270 L’

I SLAM 3T LES RACES

Les sultans de Ghor de Ghazn i .

du prince de Ghor fut plcé sur le t rôn

(1 1 73 Il fut appelé ultan Muizz

Mohammed de Ghor . D 1 1 75 à 1 187 ,

Moult an , le Sind et La ] re . Le sultan

dans les riche s province de l’

Inde

d ’ abord vaincu par le sRadjpout s

1 193 ,s ’ empara de Del l et de Be

Gwalior, en 1203 de K anj ar . Ce d

plét ait la soumi ssion d l’

Inde supé

Vainqueur, Mohamm d de Ghor , quià son frère en 1203 . rmurna à Ghazni

armes vers le nord . I l'

ut vaincu dans

(Khiv a) ,e t se born a sn empire . Rappelen 1205 , par la révolte 1€S Khokars,

l’

insurrection dans le sag ,mais fut ass

par un fanatique (mar

Avec Mohammed 111 Gh0 r, l’ occupation

par les Musulmans (le—“it eff ective et permandoute le souverain full ouj ours un Afghan

aussi bien tournés v er: ’ Oxus qu e

i l laissa dans l’

Inde un i ce-roi . Ce

sance à la fameuse dnast i e des

laquelle part cette lonue suite demans qui

,de Delhi . on tgouv erné l

Inde

sast reuse révolte des I h dous contre les

ainsi que par Moham re d de Ghor . se

entre le khalifat islanÿ ue et l’

Inde

L es sultans turcs de DM

vice—roi lai ssé dans l’

Iri e p

le général Malik Ke nt

tan , il avai t été achet

272 L’

I SLAM ET LES RACES

souverain quel qu ’ il fût, Radjpout e , Musulman , Mon

gol , sans se laisser , d’ ailleurs , entamer dans leurs mœurs

et dans leurs croyances . Dupleix et ses Françai s , puis

les Anglais furent également acceptés plus tard avec la

même facilité,comme représentant une caste supérieure .

Les sultans musulmans de l’

Inde furent complète

ment indépendants des khalifes , bien qu’

ils aient ré

connu leur suzeraineté . Les rois de Ghor et Ghazni re

çurent le titre de sultan de même , les sultans de Delhi

recevront avec j oie e t vénération l ’ investiture du Com

mandeur des Croyants,mais pratiquement les souverains

de l’

Inde eurent touj ours une politique et une action

indépendantes . Les princes musulmans de l’

Inde régné

rent surtout par la force les armées ne l eur firent pas

défaut ; en effet, ils savaient — pouvoir touj ours trouver

dans le nord des guerriers de leur foi susceptibles de

s ’ engager le cas échéant dans leurs armées . Dès lors

c ommence véri tablement l ’histoire de l’

Inde en tan t

qu’

E t at islamique .

En peu de temps,Sultan Kout b ed-din , aidé par son

général Mohammed Bakhtyar, un Turc encore, assura

s on autorité de l ’Hindus au Bengale . Le fil s du sultan

parut incapable de lui succéder : ce fut un de ses è s

c laves turcs , Ilt ou tm ish, qu i fut placé sur le trône par

les chefs de l ’ armée

Ilt ou tm ish combattit d ’ abord ses frères esclaves ;le Turkes tan , la Perse, l

Afghanist an , l’

Inde furent à ce

m oment-là ébranlés par l ’ invasion mongole de Gengis

Khan . Les trônes s ’

écroulaient , les princes et les peu

ples fuyaien t vers l’

Inde . L’

ém ot ion fut pro fonde dans

toute la péninsule, mais le Fléau de Dieu renonça

à sa première idée de revenir en Mongolie par la vallée

d u Gange et l ’Assam . Ilt outm ish sortit de la tempête

plus fort que j amais . Ses rivaux di sparurent .

L ’ INDE MUSULMANE 273

Ilt outmish atteignit l’

apogée de sa puissance en 1 229,quand le khalife de Baghdad le reconnut comme sultan

de l’

Inde . Il mourut dans toute sa gloire en 1236 . D es

princes 1n5 1gnifiant s lui succédèrent . Enfin , en 1246 , Nasired-din Mohammed , roi fainéant, prit comme maire du

palais un Turc esclave,du nom de Balban .

D’

abord ministre, puis sultan à la mor t de son maître,Balban reforma l ’ empire musulman , combattit les

raids incessants des Mongols vers l ’ Inde où se réfu

giaient tous les fugi t ifs de l’

Asie centrale . Balban mou

rut en 1287 .

Les fameux esclaves héritiers d ’

Ay b ek n’ existaient

plus Balban s’

ent oura à son tour d’ esclaves khalj is

d’

Afghanist an . Son fils Kaïkob ad fut déposé par ces

esclaves qui élevèrent au trône un des leurs , D j elal ed

din

L es ro is Khalj ou Khilj i . D j e lal ed-din eut en

core à lutter contre les Mongols . Fort avancé en âge,il laissa la direction de l ’ empire à son neveu et gendre ,Ala ed-din . Ce dernier fut le premier qui porta les ét en

dards de‘

l’

Islam dans l ’ Inde méri dionale Le

butin fait dans ses conquêtes permit à Ala cd-din de

gagner le peuple de Delhi . l l fit assassiner D j elal cd—din

e t monta sur le trône

Sous le règne de ce prince , les Mongols parvinrent

j usqu ’ à Delhi , mais la v igoureuse résistance des Mu

sulmans leur permit de refouler l ’ env ahi sseur. Ala e d

din vainqueur j ugea ne pouvoir se fier aux Mongols

convertis à l ’ Islam ,lesquels habitaient un quartier spé »

cial . Un massacre général eut lieu en 1297 .

De 1302 à 131 1 , un général du sultan , Malik Kafour,

plaça des gouverneurs musulmans dans l ’ Inde du sud18

274 L ’ 1 5 LAM ET LES RACES

j usqu’ au Malabar et su r la côte de Coromandel . D rm

menses trésors furent apport és à D elhi . Ala cd— din mou

rut en 13 16 , maître de l’

Inde entière .

Les intrigues du harem , une réaction hindoue , le s

querelles intestines succédèrent à l’

ordre établi par Al a

cd—din . Aussi en 1320, las de s troubles , les nobles of

frirent-ils le trône à Ghazi-Khan Toughlak, gouverneur

du Pandjab , qui vingt—neuf fois avait mis le s Mongolsen déroute .

La dynastie Toughlak . Ghazi-Khan prit le nom

de Ghiyas ed-din . Lui-même était un esclave de Balb an .

I l semble que , dans toutes ces dynasties , un souverain

énergique épuise toute les facultés d’

une fam ille Les en

fauts sont incapables de recueillir sa succession .Sans doute

le climat meurtrier de l’

Inde , le luxe , les plaisirs sen

suels détruisaient rapidement les qualités héréditaires

d es montagnards ; sans doute les plaines de l’

Hindous

tan étaient fatales aux quali tés physiques et aux fa

cult és morales des guerriers venus du nord-ouest . Peut

être aussi , les Sultans élevaient-ils leurs enfants dans lamollesse et dans l

ignorance pour n ’ avoir rien à craindre

d ’ eux . C ’ est en tout cas une constatation qui se vérifie

depuis le début de l’

histoire de l’

Inde .

Ghiyas cd-din fut remplacé en 1325 par son fils ,Mohammed ben Toughlak, l equel , suivant la loi tradi

t ionnelle , porta à son plus haut degré de puissance

l ’ empire des Toughlak , que ses successeurs laissèrent dé

e llner . Le prince , pendant son règne de vingt— six an

nées , aspira à la renommée universelle de conquérant .

Après avoir soumi s à nouveau , les unes après les autres ,toutes les provinces de l’Et at , i l réunit une grande ar

276 L’

1 SLAM ET LES RACES

Sous son règne,commença à prévaloir le système de s

présents annuel s au sultan , système qui devin t plus

tard une taxe onéreuse sous l’

empire mogol . Les v as

saux durent envoyer des esclaves , des chameaux , des

chevaux , de l’ or et de l

’argent : le p rince qui envoyait

les présents les plus considérables é tait naturellement

le plus estimé . La cour de Delhi devint a insi riche et

opulente .

Mais Firoz , homme j uste , comprit que le système

d ’ impôts employé par son prédécesseur ne pouvait être

maintenu . Les paysans étaient soumis aux taxes les

plus dures . Sur l ’ avis du vizir hindou Makhonl , la dettedes agri culteurs fut annulée . Les taxes furent ramenées

au taux fixé par le Coran et les exactions furent sév è

rement punies . Naturellement cette mesure rendit le

prince populaire .

Pour la première fois depuis l ’ arrivée au pouvoir des

Musulmans dans l ’ Inde , le sultan associa des Hindous

au pouvoir . En effet, le recrutement des esclaves turcsdans le nord étai t tari : les souverains de Delhi , en se

civilisant, avaient d’ ailleurs perdu tout contact avec

leurs montagnes natales . C ’ est alors qu’

apparurent les

Hindous dans le gouvernement ; il semble d’ ailleurs que

leur entente avec le s Musulmans ait donné d’ excellents

résulta ts .

L’

Islam n ’ en fu t pas oub l1e pour cela . Firoz resta .

avant tout , un prince musulman . Fervent Sunni , i l fit

brûler des schismatiques e t des idolâtres . En dévot orthodoxe

,i l organisa des prières et des fêtes publiques .

A la prière du vendredi , i l ordonna de prononcer l’

in

vocation à Dieu au nom de ses prédécesseurs les plus

renommés , au nom du khalife qui l’ avai t consacré sul tan ,

et au sien propre . Cette mesure mon tre de quelle ma

L ’ INDE MUSULMANE 277

mere les Musulmans indiens comprenaient leur attache

ment au khalifat : grand respect traditionnel et moral

du khalife im ais compréhension parfaite de leur valeuret de leur autonomie .

Le pro sélyt isme islam ique se dév eloppa sous Firoz .

Les Hindous furent encouragés à embrasser l’

Islam .

En même temps que les brahmanes étaient imposésce qui ne s

’ étai t j amais fait les nouveaux convertisétaient exemptés de la Capitation (Dj izy a) . Naturelle

ment nombre d’

Hindous se convertirent . D’ailleurs

le prince interdisait la construction de nouveaux tem

ples hindous sous prétexte que le peuple ne devait pas

prendre de telles lib ertés dans un pays musulman

Malgré tou t,Firoz fut aimé de tous ses suj ets . Mal

heureusement, à sa mort aucun prince ne fut

capable comme lui de maintenir l’

entente entre Mu

sulmans et Hindous ; une anarchie terrible régna dans

l ’ empire . Tout le monde fut mis d ’ accord par l’

inv a

sion des Mongols de Tamerlan .

Le Terrible Boiteux ravagea la vallée du Gange . Mu

sulman fervent, il n’

épargna pas ses coreligionnaires de

l’

Inde , sous prétex te que leur foi était dégénérée . Maître

de Delhi d ’ où s ’ était enfui le dernier Toughlak , le Khan

mongol , en partant pour l’

Occiden t , laissa le pouvoir

dans l ’ Inde à Khizr-Khan , un Seyy i d ou descendant

du Prophète chef de la famille la plus in fluente de

la capitale .

Vice—roi de Moult an , le Seyyid eut d’ abord a com

battre le dernier Toughlak ,Mahmoud touj ours

de nom sultan de Delhi . Ce dernier mourut en 14 13sans héritiers .

Les dynasties sayy id et pathan . Khizr Khan

278 L’

I SLAM ET LES RACES

mourut en 1421 , après sept ans de guerres continuelles .

Prudemment , i l ne s’ était considéré dans l ’ Ind e que

comme le représentant de Tamerlan . I l conserva ce

rôle même quand il assuma le pouvoir suprême en 1 4 14 .

Se s successeurs,lim it és comme in flence au seul vo i sinage

de Delhi,régnèrent sans gloire . Le derni er, Ala ed—din ,

fit appel , en 145 1 , à un noble afghan ,Bahlol Lodi, lequel

remplit une fois de plus l’

offi ce de maire du palais

Son fils , Sultan Sikandar, agrandit le royaum eMusulman fanatique, il détrui sait tous les. temples

hindous qu ’ il rencon trait . Il mourut en 1 5 17 après

un règne prospère de vingt—huit ans .

L ’ empire avait été trop ébranlé par l m v asion mon

gole . L ’ autorité royale n ’ étai t plus respec t ée . D e con

t inuelle s révoltes dévastaient l ’Et at . A la fin , le gou

v erneur du Pandjab , Daoulat Khan Lodi , appela à son

aide contre le sultan de Delhi , un Mongol ,Bab our, roi

de Kaboul , lequel saisit l’ o ccasion d ’ envahir l

H indous

tan . En 1 526 , à Panipat, Bahour fit subir à Ib rahim

le dernier des sultans turcs de De lhi , une cruelle dé

faite qui co ûta à ce dernier le trône e t la v ie .

Les Mon gols arriv a ie nt à leur t our à la souveraineté

dans l ’ Inde . Ils la trouvaient déj à habituée au j ougmusulman . Sans dou te la maj orité de la population re s

tait hindoue , mais les com ersions à l’

Islam étaien t de

plus en plus nombreuses . En outre les conquérants turcset afghans avaient amené très peu de femmes avec eux ,s’

étaient mariés dan s le pays : la conquête des sultansturcs de D elhi avai t ainsi abouti à la création d

une

véritable nation musulmane dans l’

Inde . L’

Et at

musulman fut développé par l ’ organisation mongole,qui dans l

Inde comme en Asie antérieure et mineure

eut un rôle prépondérant.

280 L’

I S LAM ET LES RACES

Le long règne d’

Akb ar (1506- 1605) marque le début

de la longue période de splendeur qui carac t ér1 se la sou

veraineté des Grands Mogols . Le prince mit vingt an

nées à soumettre l’

H indoust an ; même à sa mort , d’ ail

leurs,la soumission n

était pas complète .

Akbar essaya d’

appliquer à l’

Inde l es grands prin

cipe s de tolérance qu’ avaient j adis mis en honneur les

Khans mongo ls , lesquels faisaient offi cier devant eux

de s prêtres de toutes les religi ons . Akbar tenta de réa

liser la fusion entre Musulmans et Hindous . Dans la

neuvième année de son règne, il aboli t même la D j izy a

imposée par la loi de l’

Islam aux non Musulmans , c’

est

à—dîre aux seuls Hindous qu i formaient la maj orité de

la popula t i on . Il épousa une princesse radjpou t e et fit

contracter à ses cousins de semblables mariages .

Akbar supprima les tax es appliquées aux pèlerinages

hi ndous , disant qu’

il ne fallait me ttre aucun obstacle

entre un homme et son Dieu . Cependant, tout en ac

cordant ces faveurs aux Hindou s , le sultan interdit

dans leurs coutumes tout ce qui lui paraissait devoir

offenser l’

humanité . Il interdit le mariage des enfants ,les épreuves du j ugement de Dieu , les sacrifices d

’ ani

1 aux . Il permit aux veuves de se remarier, interdit

formell ement leur holocauste sur le bûcher de l ’ époux

défunt . Le prince insista également pour que le con

sent em ent des fiancés fût requis avant le mariage ;i dée toute nouvelle dans l ’ Inde où les parents mariaient

le urs enfants sans les consulter .

Il semble que,malgré ces restrictions

,les Hindous

répondirent à l’

appel d’

Akb ar . Le souverain eut des

contingents hindous dans ses armées , et même des géné

raux radjpout es, ce qui ne s ’ était pas encore vu . Le

financier le plus renommé de l ’ époque fut un Hindou ,

L ’ INDE MUSULMANE 28 1

Radj a Todal Mal , lequel organisa le budget de l’ empire

en se basant sur les revenus du sol ; toutes les terres

furent imposées,sauf cell es accordées en récompense

de services militaires .

Ces réformes ne plurent naturellement pas aux Ma

sulm ans. L ’ écrivain Badaoui attaqua violemment le

sultan dans ses écrits . Les Orthodox es d’

l slam ne pou

v aient évidemment pas accorder leur confiance à un

souverain qui ne faisait aucune différence entre Croyants

e t Hindous . Les Sunnis reprochaient également à Akbarde ne pas suivre aveuglément l ’ enseignement coranique

et de subir des in fluences étrangères .

En effet, Akbar, très curieux de s problèmes religieuxcomme ses ancêtres m ongols,se fit expliquer leur différen

tes doctrines par desHindous,des Jains et des Musulmans .

Il écouta même les explicati ons des Jésuites , mais ne vou

lut se prononcer pour aucune religion . Les Khans mon

gols avaient j adis fait de la religion un instrument de

domination : i l semble qu’

Akb ar, souverain d’un pays

où les religions diverses se partageaient le peuple, ait

voulu régner impartialement, à la manière des Gengis

Khan , sans se préoccuper des croyances populaires au

t rem ent que pour les connaître .

C ’ est vraisemblablement pour faire admettre dans

l etat cette égali té religieuse, qu’

Akb ar, en 1579 , pro

mulgua que l’

Islam ne disait pas la vérité . Il voulaitsans doute abattre l ’ idée ancrée chez les Musulmans

que l ’ Islam seul était j uste e t donnait tous les droits

dans l ’ état aux seuls croyants . Dans le même ordre

d ’ i dées,en 1579 également, Akbar obligea les t héolo

giens musulmans à affi rmer officiellement que le sultanavait le droit de statuer sur les questions religieuses

e t que nul ne pouvait se soustraire à sa décision reli

282 L’

1 S LAM ET LES RACES

gieuse . Le Sultan devenait ainsi le maître de la foi , unis

sant en fai t le pouvoir spiri tuel et temporel . Il es t pro

bable qu’

Akb ar voulait ainsi renforcer son autorité e t

empêcher toute immix t ion étrangère dans l’ empire .

L’

Islam devenai t ainsi dans l’

Inde une religion localisée .

Comme lors de sa mort, Akbar professa ouvertement la

religion musulm ane , il semble que dans toute cette cam

pagne, il ait voulu agir suivant la raison d’

E t at .

Comme naturellement les Musulmans obéi ssaientdifficilement, le sultan ne mainti nt pas avec eux sa to

lérance primitive envers tous . Des chefs religieux furentexi lés à La Mekke ; l es prières publiques furent in

t erdi tes ainsi que le Ramâdan e t le pèlerinage . Akbar

fit même une déclaration de chy i t e panthéiste : pour

t enter d’

unir l ’ empire dans une mêm e croyance, il vou

lut créer une nouvelle religion basée sur l’unité de Dieu ,

l a Divine Foi (Din-i— l llahi ) , sorte de panthéisme

éclectique où les concep t ions brahmaniques voisinaient

avec les i dées des missionnaires portugais , et dans la

quelle le soleil représentait le créateur . Cette nouvelle

religi on n ’ eut aucun succès .

Akbar, souverai n aux idées larges et généreuses qui

dépassaient son époque, avait voulu politiquement e t

religi eusem ent fusionner l’

Inde . Il échoua car les Mu

sulm ans conquérants ne voulai ent aucune compromis

sion avec: les in fidè le s,e t . ne purent pardonner au sultan

les atte intes portées à la foi qui n ’

adm et t ait aucune

vé rité en dehors d’ elle .

Nous ne suivrons pas les souverains m ogols,qui , après

Akbar , régnèren t sur l’

H indoust an avec des alternatives

de puiSsance : et de déclin . L’

Islam et la lignée issue de

Bab our reprirent tout leur éclat de 1568 à 1707 avec

Aurangzeb .

284 L’

1 SLAM ET LES RACES

Une armée persane désola le Pandj ab et saccagea Delhi .

Dans les champs de Panipat où se j ouent d’

o rdinaire les

destinées de l ’ Inde supérieure , Persans et Afghans réu

nis forcèrent les Mahrattes au combat Mis en

pleine déroute , ces derniers retournèrent en grande hâte

dans le D ekkan ; ils avaient perdu la seule occasion

qu ’ il s eussent eu e de fonder un empire hindou . Quand ,

quelques années plus tard , ils s’

av en turèrent à retourner

dans l ’ Inde du nord , une nouvelle puissance était sur

venue‘

.

Au début de l’ année 1 600 , avec la permission du gou

v ernem ent mogol , les Anglais , à la suite des Portugais

e t des Hollandais , s’ étaient établi s sur différents po ints

de la côte indienne . Dans cet épisode de la croisade

des épices , Portugais et Hollandais se b ornèrent aux

comptoirs côtiers les Français au XVI I I ° siècle s’

ét a

b liren t dans le D ekkan , les Anglais , eux , eurent aff aire

aux Musulmans du Bengale et aux derniers Grands

Mogols de Delhi à la puissance bien déchue . Ce n ’ est

pas le lieu de décrire ici les diff érentes étapes de la lutte

entre Français et Anglais pour la suprématie aux Indes .

Il est à remarquer simplement que le s Français s’

ap

pnyè rent plutôt sur les Hindous et les Anglais sur les

Musulmans . Pourtant Dupleix,avant les Anglais

,eut

affaire au Grand Mogol duquel il reçut le titre de

Soubah souverainLa Compagnie des Indes orientales (East India Com

pany) , association de marchands londoniens , devint

une véritable organisation politique , militaire e t navale

pour développer ses comptoirs contre les indigènes hos

(1 ) Duple ix en t. sa polit iqu e ex t érieur e à l’ Inde . Il fit ain sio c cuper Moka par une garm son e t en v oy a une. m 1ssron à Sanaa

pour s’

a ssurer le comm erc e du ca fé.

L’

1ND E MUSULMAN E 285

tiles et les Européens rivaux . La supériorité maritime

britannique et le résultat des guerres d’

Europe can

sèrent la ruine de la puissance française aux Indes . Envain

,Dupleix , sa femme la Bégum Jeanne , son lieut e

nant de Bussy , furent-ils aimés des princes hindous ,créèrent—il s des armées , des revenus locaux, des conté

dérations de princes , sans secours , sans renforts et qu i

plus est , attaqués à Paris même, ils durent renoncer à

la lutte Les méthodes politiques de Dupleix seraient

intéressantes à comparer avec celles des Galliéni et des

Lyautey , car elles procèdent du même point de départ

la compréhension parfaite des b esoins physiques , poli

tiques e t moraux de l ’ indigène . Quoi qu ’ il en soit , le

désastreux traité de Paris signé par Louis XV ,

nous fit perdre le résultat de tant d’ eff orts . Plus tard ,

Napoléon I e r fit de gros efforts pour secourir l’

Inde

contre les Anglais,en passant par Maurice et la Réu

nion , mais le temps étai t passé, pour la repris e d’

un

empire français en ces régions .La Compagnie anglaise des Indes , en 1756 , fit marcher

ses contingents européens et indigènes contre le nabab

du Bengale qui avait ordonné des massacres . Le nab ab ,

vaincu à Plassey,v i t passer ses Etats sous le contrôle

de la Compagnie . En 1764 , le nabab d’

Oudh , autre vas

sal de la cour de Delhi , fut ba ttu à Buxar ; le Grand

Mogol fugitif , réclama la protection de la Compagnie,

lui accordant en retour l ’ administration du Bengale .

Dès lors , les Anglais tendirent de plus en plus à recueillir

l’

héritage des empereurs de Delhi .

Quelques années après Plassey , la Compagnie soutint

(1 ) Lire Malleson , Les F ra n ça is dans l ’ Inde a u XVI I I e s recle ;G . A . Mar t in e au ,

D uple ix e t l’

I nde fra n ça ise .

286 L’

1 SLAM ET LES RACES

de vives luttes contre les chefs pillards , contre les aven

t uriers, pour la plupart anciens offi ciers de l’

Et at mogol

qui cherchaient à créer des royaumes ou tout simple

ment â piller . Les Anglais eurent surtout à combattre

les Mahrattes . Le danger grandit quand le plus puissant

des princes du Dekkan , Scindia , chargea des offi ciers

français d’

inst r uire e t de commander ses armées ; à lafin du siècl e il possédait une armée supéri eurement or

ganisée . Dans le sud du D ekkan , le roi musulman de

Mv sore , Tippoo Sahib , formait également des troupesso lides à l ’ aide d ’ offi ciers français . Napoléon en

guerre avec l’

Anglet e rre , pensait que la possession de

l’

Orient fai sai t l a fo rc e de l’

Em pire b ritannique ; auss i

rêvait—il l ’ alliance avec le tsar de Russie pour chasserles Anglais d

Orien t . Napoléon s’

e ff orça d’ ouvrir la route

des Indes par t erre ; en Perse , en Afghanistan aus s i

bien qu ’ aux Indes , o n suit la trace de ses agents de se s

offi ciers dont le plus célèbre fut Lascaris .

En 1798, alors qu e la guerre faisait rage entre la

France et l ’Angle t erre , le marquis de Wellesley dev int

gouverneur général » de la Compagnie anglaise des

Indes o rientales , avec pleins pouvoirs en H indoust an .

En cinq années,Tippoo Sahib e t ses Musulmans furent

écrasés , les Mahrattes vaincus et obligés d’ abandonner

à la Compagnie un grand nombre de leurs terri toires .

Par une s éri e de traités , les princes indigènes furent

obligés de subir le contrôle britannique , de fou rnir de s

contingen ts auxiliaires et de restreindre leur pol itique

extérieure . Depuis ce temps la Compagnie est

restée le plus fort pouvoir de l’

Hindon st an

Dans cette lu tte acharnée contre les Musu lmans et

(1 ) D’

aprè s Peop les a nd Pro blem s of I ndia , par Sir T . W . Ho l

de rn e ss . London , William s and No rga t e .

288 L’

TSLAM ET LES RACES

mais leur in fluence temporelle ; les Hindous reprirent

le j ong . Cependant ces événements avaient fait du brui tpour en éviter le retour, en 1858, par un acte du Parle

ment anglais, la Compagnie dut céder ses droits dans

l’

Inde à la Couronne britannique .

L’

adm in istration anglaise aux Indes . Dans 1 1m

m euse empire des Indes , les Anglais ont employé diffé

rents systèmes suivant les peuples à administrer . La

politique les forçait à tenir compte de l ’ extrême v a

riét é de religi ons et de races qui divisaient la péninsule .

Suivant qu ’ ils avaient affaire aux Hindous , aux Musul

mans , aux Sikhs etc . , les Britanniques ont appli qué

des méthodes differentes dont l ’ origine se retrouve dans

l ’ étude de l ’histoire . Suivant la forte expression d ’unauteur contemporai n , les Anglais sont devenus les constables de l

Hindonst an .

Les radj as hindous , dont le loyali sme n ’ a pu être sus

pect é, ont été maintenus dans un état pratique d’

indé

pendan ce , plus ou moins grand suivant les cas . Ces

princes ont leur armée personnelle, leurs impôts par

t iculiers ; seulement un Commissaire britannique se

trouve auprès du souverai n , théoriquement à titre ho

norifiqne , en réalité dans un but de surveillance . Un

précepteur anglai s est chargé de l’

éducation du prince

héritier .

L’

Angle t erre a imposé le régime de l’

administration

directe aux Etats dans lesquels des mouvements insurre ct ionne ls pourraient être craints . Les Musulmansreprésentent dans l ’ Inde l

’ élément combatif et rév o

lut ionnaire . Avant la grande révolte de 1857, le Grand

Mogol de Delhi avait conservé titre et résidence impé

riale . Après les troubles , les Musulmans perdirent tonte

L ’ INDE MUSULMANE 289

i ndépendance dans l’

Inde supérieure . Cependant,par

u ne politique habile , les Anglais se sont servi des Mu

sulm ans pour tenir les Hindous .

En résumé , les Anglais , au contraire des Français quipratiquent une politique d ’ assimilation pratiqué

rent une politique de fédération Alors que le peu

ple français est avant tout un peuple éducateur, l’

An

glais est dominateur . Avec l’

économie pour eux de forces

et de dépenses la plus grande , ils veulent dominer un

pays pour en tirer le plus grand parti possible au point

de v ue économique . Comme les Anglais connaissent

merveilleusement leurs indigènes , le système de fédé

ration leur permet de satisfaire les aspirations des peuples soumis vers la liberté , en leur dosant leurs libertés

suivant leur'

loy alism e , les nécessités du moment , et les

ressources purement anglaises dont les maîtres pour

raient avoir besoin le cas échéant . De là,dans l ’ Inde

cette mosaïque d’

Et at s, de principautés , de territoires

régi s directement, sans compter encore les provinces

frontières du nord—ouest . Ces dernières régions , transi

tion entre l ’ Inde et les Etats indépendants voisins , ontnécessairement un régime de marche-frontière qui

permet de passer insensiblement de l’

ex térieur à l’

in

t érieur. Dans ces provinces , les chefs indigènes adm i

n ist rent directement sous le contrôle de l’ autorité mi

li t aire britannique .

Un tel système fédératif, aux nuances et aux combi

naisons poli tiques infinies , nécessite un personnel admi

nist rat if de choix . C ’ est ce que représente l ’ Indian Civil

Service . En principe , le concours d’ admission au Servi ce

e st ouvert à tous les candidats, mais les élèves des

Universités d’

Oxford et de Cambri dge j ouissent à l’ exa

men de grands avantages . Les officiers de l’

armée peu49

290 L’

1 SLAM ET LES RACES

vent être autorisés à entrer dans les Services Civ ils,

mais diffi cilement . Les postes où leur expérience mili

taire peut être mise à profit leur son t généralement

confiés . Le Service des Renseignements de l ’ Inde est merv e illeusem ent organisé . Il suffira de li re le roman célèbre

de Rudyard Kipling, Kim (l ) , pour en avoir une idée . Au

sommet de tous les organes administratifs , est le vi ce

roi des Indes lequel part d’

Anglet e rre avec un program

m e fixé par le Conseil des Ministres qui le nomme . Ce

vice—roi a pleins pouvoirs dans l’

Inde .

Le gouvernement indien a sa politique personnelle,

même en dehors de l’

Inde . En étudiant la questionarabe, nous avons vu lord Curzon , vice-roi des Indes ,créer un véritable front arabe , dès avant la guerre mon

diale . Pendant et après la guerre de 19 14- 18, 1e gouverne

ment des Indes , en Mésopotamie , en Turquie cen trale,au Lev an t , en Cilicie , a en ses agents , lesquels , comme

ceux d ’

Egypt e d’ ailleurs , ont pu faire constater parfo is

l’

ant agonism e politique exi stant entre les coloniaux

anglais et les Anglais d’

Angle t e rre . Notamment dansleurs relations avec les Français , les Anglais qui avaient

passé par le front de France se sont touj ours montrés

d ’une correction impeccable, alors que les Coloniaux

ont manqué parfois de mesure . D ’ailleurs , les dissenti

ments étaient chaque fois effacés par le s chefs, mais il

convenait de noter l ’ ex istence de ces faits .

L’

Inde musulman e con tempora in e. Malgré le régime

de surveillance auque l ils sont astreints , les Musulmans

n’

ont pas abdiqué dans l ’ Inde . L’

Islam“

comprend au

jourd’

hui dans la péninsule,soixante-six millions six

(1 ) Lire égalem en t Le Prophè te a u M an tea u Ver t . Collec t i on

Nelson .

292 L’

1SLAM LES RACES

a longtemps désiré une Um ersit é musulmane aux Indes .Le Co llège d

Aligahr l‘

n t m dé en réponse à cette ten

dance,il y a enviro n 35 1 11 5 . C

était un simple collège,

mais il a pro spè re e t il e s devenu une véritable univer

si t é . Dè s 1 9 1 1 l‘

ae th i le le la Ligne s’

étendait dans

tous les domaines e t pe r e t t ait même la création de

filiales e n Anglete rre .

Les mouvemen t s d’

i d 1 remuées p endant la guerre

de 19 14- 18 on t affec t é le Indes . D e même qu’ en 1789

et en 1848 la Révo lution rançaise avait transformé lestendances intellect uelle l e l

Occident , de même la

guerre de 19 14- 18 a éb r:né le s assises fondamentales du

monde,et préc ipit é le d e 10 ppemen t des idées et des

tendances . Le gouv e rn… nt anglais , fidèle à son sys

t èm e de. fédéra t ion . ne pavait ignorer ce mouvement .

Aussi dès le 9 j uillet 19 1e J ournal de Genève pouvait

p ublier l’

ar t icle suivan t

Les p ropo si t io ns pm la réforme constitutionnelledu gouvernement de l

l 11é constituent un événement

histo rique de p remie r u n e Le but que vise cette ré

fo rme est d’

éduqne r le cuple hindou aux formes du

gouvernemen t re spo nsa l n Le problème est év idem

ment colo ssal c t d i ffic i l1 , tant données la profonde igno

rance de la 111 aj o ri té de. population et les différences

de cas t es soc iale s et reli 5 , ainsi qu

nelle hos t ilit é Bien que

ac t uelles de l ’ l

cons t itutionnel

et prévenirl’

autonomie .

la cause

touj ours

lutte

232 L ’ 1 5 LAM ET LES RACES

longtemps désiré une Université musulmane aux Indes .

Le Collège d’

Aligahr fut fondé en réponse à cette ten

dance, il y a environ 35 ans . C

était un simple collège ,mais il a prospéré et il est devenu une véritable univer

sité . Dès 19 1 1 l’

activité de la Ligue s’

étendait dans

tous les domaines et permettait même la création de

filiales en Angleterre .

Les mouvements d ’ i dées remuées pendant la guerre

de 19 14-18 ont aff ecté les Indes . D e même qu’ en 1 789

et en 1848 la Révolution française avait transformé lestendances intellectuelles de l ’Occident , de même la

guerre de_

19 14— 1 8 a ébranlé les assises fondamentales du

monde,et précipité le développement des i dées e t des

tendances . Le g ouvernement anglais , fidèle à son sys

t èm e de fédération , ne pouvait ignorer ce mouvement .

Aussi dès le 9 j uillet 19 18, 1e J ournal de Gen ève pouvait

p ublier l’

article suivant

Les propositions pour la réforme constitutionnell e

du gouvernement de l’

Inde constituent un événement

historique de premier ordre . Le but que vise cette ré

forme est d ’

éduquer le p euple hindou aux formes du

gouvernemen t responsable . Le problème est év idem

ment colossal e t difficil e , étant données la profonde igno

rance de la maj orité de la population et les différences

de castes sociales et religieuses , ainsi que la tradition

nelle hostilité entre les races . Bien que le s conditions

actuelles de l’

Inde ne rendent pas urgente une réforme

constitutionnelle , l’

Angle t e rre veut prendre le s devants

et prévenir tout mouvement politique en faveur de

l’

autonomie . La fidélité avec laquelle l’

Inde a épousé

la cause anglaise pendant la guerre et la conscience

touj ours plus claire des principes fondamentaux de la

lutte mondiale actuelle ont poussé le gouvernement

294 L ’ 1 5 LAM ET LES RACES

aux Indes . En effet,le s Hindous avaient été atteints

par l ’ évolution des idées consécutive à la guerre mon

diale le s Musulmans depuis 1 9 19 ne furent pas les seuls à

réagir contre le gouvernement les Hindous eux—mêmes

se sont mis en action . Un véritable ascète , M . Gandhi ,a pris la tête d

’un mouvement considérable con tre l’

ét ran

ger il préconise la méthode dite de non coopération

Nulle marchandise de provenance anglaise ne doit être

achetée ; la désob éissance civile est le seul moyen

civilisé et effectif qui puisse remplacer la rébelli on armée

lorsque tous les autres moyens ont échoué de vant le

gouvernement En même temps les frères Ali , LaradjPatrai , conduisaient les Musulmans vers des résistances

plus effectives .

Le résultat de cette campagne unifiée des Musulmans

et des Hindous ne s ’ est pas fait attendre l’

Inde,

d ’ administration directe , à la fin de 1921 , a accueilli le

passage du prince de Galles par des grèves e t par des

manifestations (1 ) en même temps , le 30 décembre 1921

s’

es t ouvert â Ahm edab ad la session annuelle de la Ligu e

musulmane . Il est nécessaire de citer le passage suivant

de l’

E cho de l’

I slam qu i relate les travaux de la Ligue

A la Ligue musulm an e .

La session annuelle de la Ligue musulmane indienne s’

estouverte le 30 décemb re à Ahm edab ad .

Parm i les personnes présentes se trouvaient M . Ghandi e td ’autres personnalités notab les .Le président a préconisé une répub lique indienne qu i seraitdénommée Eta ts-Uni s de l ’ Inde e t qu i serait proclamée le1 er janvier 1922.T0us le s moyens possib les devraient, selon lui ,

(1 ) Au con t rair e , le s souv erains indiens, sen t an t l’

orage m on

t er au ssi c on t re eux , appu i e n t le s Angla i s de t ou t e s leurs force s

e t on t fa 1 t u n acene 1 l en thou sms t e au Pr1nc e de Ga lles .

L’

1ND E MUSULMANE 295

être employés , y compris la guerre de guérillas , dans le cas

où on proclam erai t la 10 1 marti ale .

Le président a en outre inv ité M . Ghandi à étab lir de son

côté,le l e ? j anv ier , un gouvernement parallè le , ayant son

propre Parlement et ses propres armées , b ien que ce gony ernem ent ne puisse pas être maintenu par des moyens pacifiques , attendu que le gouvernement b ritannique de l

Inde a

recours lui-mêm e à la v iolence et aux mitrail leuses .Le président a exprimé l

avis qu’ il fallait recourir à la v io

lence . Il a déclaré , pour calmer les appréhensions des H indous

, que l’

Inde appartenait égalem ent aux H indous e t auxMahom étans .Il a aj outé que l

év acuation de Smyrne par les Grecs et leretour de la Thrace à la Turquie ne satisferont pas les musulmans

,lesquels ne seront contents que lorsque tout leur terri

toire aura ét é soustrait aux influences qu i ne sont pas islam iques . Enfin il a déclaré que le s Musulmans soutiendraient lesHindous jusqu

au b out dans la lutte pour l’ indépendance de

l’

Inde .

Le congrè s national indien poursuit ses travaux . Au coursdes séances

,un memb re du congrès ayant suggéré qu

il seraitpeut-être utile de prov oquer une c onférence où les représen

tants de l ’ Inde seraient présents en même temps que ceux dugouv ernem ent b rit annique , M . Gandhi

,le leader nationaliste ,

s ’ est nettem ent opposé à cette proposition ; il a donné pourm otifs que l

attitude intransigeante du gouvernem ent e t le

fait qu e la dignité du congrès serait atteinte si l’

on s ’adressaitau gouv ernem ent en ayant l ’air de demander une conférenceau m om ent m êm e où le v ice-roi annonce que la politique derépression do it continuer , empêchent que l

on fasse cettedém arche . Cependant , a aj outé M. Gandhi , la porte n

’estpoint fermée aux négociations, pour peu que le gouv ernem entse montre disposé à les fav oriser . Je suis un homme de paix ,

mais non de paix à tout prix .

La comm ission spéciale du congrès a approuvé l’

attitude duleader nationaliste .

L’

assem b lée a ensuite voté une motion où on lit entre autres choses Le congrès déclare que le pays a fait de form idahles progrès en ce qui concerne le respect de so i—m êm e etl’esprit de sacrifi ce , que le m ouv em ent de non-c0 0 pérat ion a

sérieusem en t atteint le prestige gouv ernemental , que l’

Inde

év olue rapidem ent v ers un gouv ernem ent autonome, qu

’elleest déterm inée à déployer une v igueur encore plus grandejusqu

’ à ce que soit étab lie cette autonom ie et que le contrôledu gouvernem ent passe aux m ains du peuple . La désob éissancec iv ile est le seul moyen c iv ilisé et effectif qu i puisse remplacerla réb ellion armée, lorsque tous les autres moyens ont échoué

296 L’

I SLAM ET LES RACES

devant le gouvernem ent ; c’est pourquoi tous les efforts du

congrè s doiv ent être concentrés v ers la désob éissance civ ile .

M . Gandhi a prononcé en outre cette parole m enaçanteNous disons au gouv ernement Prenez garde à ce que

v ous faites e t craignez de faire de 320 m illions d’

H indous v osennemis éternels .

E cho de l’

I slam, j anv ier 1 922.

Les Anglais ont beau réprimer dans le sang l ’ insur

rection des Moplah ,comm e ils ont réprimé en 1 92 1 les

émeutes du Pandjab , la situation aux Indes reste sé

rieuse . Pour la première fois , Musulmans e t Hindous se

sont unis pour réclamer l ’ autonomie de l’

Inde sans les

Anglais . Les extrém istes ne se cachent pas de vouloir

rej eter , coûte que coûte , les Britanniques à la m er, fau

drait-il quarante ans pour le faire . Hindous et Musul

mans réclamen t leur indépendance entière,en dehors

de tout Dominion . Ils réclament le droit de pouvoir

fabriquer dans le pays les obj ets manufacturés que les

Anglais leur revendent très cher après les avoir fabri

qués en Angleterre avec les matières premières venues

de l’

Inde . Ils réclament le droit de ne plus payer les

douanes trop fortes qui imposent toutes les entrées dans

l’

Inde . Il semble enfin qu ’ il y ait dans l ’Hindoust an une

volonté unanime de s’

affranchir de la domination an

glaise . Les Hindous réclament déj à des techniciens pour

assurer le fonctionnement de leurs futures usines, car,

disent—ils , nous ne voulons plus des Anglais comme

guides Il est à craindre que l’

Allemagne ne trouve

en ces régions un nouveau moyen de combattre l ’Entente .

Au point de v ue i slamique, les Musulmans reprochentd

avoir fait combattre des Musulmans les uns contre

les autres en Turquie , d’ avoir séquestré le sultan khalife,

d’

avoir démembré la Turquie, dernier E ta t lib re de l’ l s

lam . Leurs dirigeants , les frères Ali , ont été emprisonnés .

296 L’

I SLA 1\ET LE S RACES

dev ant le gouvernement pourquoi tous les efforts ducongrès doivent être concet rés vers la désob éissance civile .

M . Gandhi a prononcé n outre cette parole menaçanteNous disons au gouv nement Prenez garde à ce que

vous faites et craignez de ire de 320 millions d’

H indous v os

ennemis éternels .E cho de l

I slam, j anv ier 1922.

Les Anglais ont b eat réprimer dans le sang l’

insur

rection des Moplah ,corm e ils o nt réprimé en 1 921 les

émeutes du Pandjab , situation aux Indes reste sérieuse . Pour la prem iè r( o is, Musulmans e t Hindous se

sont unis p our réclame rl’

au t onom ie de l’

Inde sans les

Anglais . Les extrémist e ne se cachent pas de vouloir

rej eter,coûte que coûte es Britanniques à la mer, fau

drait-il quaran t e ans par le faire . Hindous et Musul

mans réclamen t leur idépendan ce entière , en dehors

de tout Dominion . Ils éclam ent le droit de pouvoirfabriquer dans le pays ls obj ets manufacturés que les

Anglais l eur revendent rè s cher après les avoir fabri

ques en Angleterre av e cles matières premières venues

de l’

Inde . Ils réclam eni le droit de ne plus payer les

douanes trop fortes qui nposent toutes les entrées dans

l’

Inde . Il semble enfin q il y ait dans l’

Hindoust an une

volonté unanime de s’

a ranchir de la domination an

glaise . Le s Hindous réclment déj à des techniciens pourassurer le fonc t ionnemat de leurs futures usines, car,disent-ils , nous ne vo lons plus des Anglais comme

guides Il est à crain re que l ’Allemagne ne trouve

en ces régions un nouvau moyen de combattre l’

En

tente .

Au point de vue islam;ue , les Musulmans reprod

avoir fait combattre es Musulmans les uns

les autres en Turquie , d voir séquestré le sultan

d’

avoir démembré la Trquie , dernier E ta tIam . Leurs dirigeants

,

L ’ IND E MUS I ! NE 297

Gandhi lui—même a été con nné . Beaucoup de zèles

ont ét é'

refroidis par la répr on anglai se . Depuis que

la politique britannique e ev enue plus sévère , l a

situation s’

est améliorée au ‘ des . E lle reste sérieuse ,car la volonté anglai se s ’ im par la force ; dans les

révoltes précédentes de l’

In la force anglaise a touj ours fini par avoir le dern

'

mot,car la révolte ne

dépassait pas le s l imites de i de . A l’

heure actuelle ,

la question est plus grave ; est devenue mondiale ;

les métropoles peuvent son -r d ’avoir à éparpiller

leurs forces . Dans l’

Inde bo v ersée par la guerre de

1914—19 18,qui

,comme la F olut ion de 1789, pré

cipit é des ferments dans 1 onde,les pri ncipes Wil

soniens ont rappelé aux peu * le droit d’

avoir à dispo

ser d ’eux —mêmes ; or l’

lnd rusulmane a fourni un

terrain tout préparé aux snt s pantouraniensqui

ont su faire vibrer la corc‘

slamique . L’

Islam ,une

fois de plus,sert à une r; ambitieuse de moyen

de combat . Le combat est igé par l’

Allemagne , le

Bolchevisme,l a e la France et l

Angle

os terrains de la lutte ;ndra de la coopération

glet erre .

CHAPIT RE XV I I

LA PERSE . L’

AFGHANISTAN

LE BÉLOUCH ISTAN

I . LA PERSE .

La Perse est un des pays les plus anciennement con

quis par les Musulmans , qui défirent la dynastie sassa

nide régnante (642 dans une brève campagne . La

Perse avait été, dans l’ antiquité, le berceau d

empires i a

meux et renommés : dans l’

Islam , ce pay s joue encore un

rôle considérable . Les Alides dont nous avons v u l’

his

toire, s’

unirent par mariage à la famill e de Yesguerd le

dernier roi de Perse sassanide, chassé de ses Etats par lapremière épopée arabe i slamique . La Perse constitua

pour les Alides une sorte de fief dans lequel se dév e

loppèrent , mieux que partout ailleurs , leurs théories etpar suite , le chy ism e , surtout après la mort d

Ali e t

d’

Hussein , traîtreusement assassinés par les Sunnis .Le gendre et le fils adoptif du prophète Mahome t de

vinrent e n Perse les obj ets d’ un culte spécial dont Ker

bela et Nedj ef furent les lieux saints . Ces deux localités

en ruines sont situées en Mésopotamie, près de

Baghdad . Les Britanniques , profitant de la guerre de l 9 l 4

(1 ) Ou Ye sdeguerd (634 Il fu t sou t enu c on t re le s Arab es

par l’

em pereur chin ois Taï -t song Ie r . \”e 3de gu erd écho ua en co re

sur l’

Oxu s, après se s défait e s précéden t e s, par suit e de la t ra

hison de s Turcs . Il fu t a ssassin é en e ssa y an t de se réfugier prèsde Taï— t song . Le s Arab e s furen t arrê tés à l ’Ox ns e t au Cauca se

par le s Hun s e t le s Turc s .

300 L’

I SLAM ET LES RACES

autorité , mais encore établi t le chy ism e en Perse comme

religion d ’ état . Bien que les dynasties persanes n’ aien t

eu que peu de stabilité , les choses en sont restées ai nsi

j usqu’ à nos j ours .

Il serait fastidieux d enumérer la longue suite de

dynasties qui se succédèrent en Perse . Le plus grand

monarque persan fut Abbas I er (1557 qui monta

sur le trône en 1 586 , bat tit les Ouzb egs à Herat

les Turcs en de nombreuses rencontres (1 601

chassa les Portugais d’

Orm uz en 1622 avec l ’ aide de s

Anglais,et posséda un empire qu i s

ét endit du Tigre

à l ’H indus . Sa capitale était I spahan .

La dynastie actuellement régnante des Kaj ars fut

fondée par Agha Mohammed Khan en 1794 . Le début

du x x e siècle a été marqué par une tentative faite pour

intro duire le gouv ernement constitutionnel en c e pays .

Le bab ism e . Le fait qui domine incontestablementl ’hi stoire musulmane de la Perse , qui domine même

l ’ établi ssement du chy ism e en ce pays , et la création

du soufism e , est l’

apparition du b ab isme .

Un nommé Ali Mohammed , né à Chiraz en 18 12,

Seyy i d, c’

e st -à-dire descendan t du Prophète par Hus

sein , fils d’

Ali , avait longuement étudié les Evangiles ,discuté avec les Israélites de Chi raz , étudié les Guèbres ,naturellement poussé à fond les études corani ques e t

visité les lieux saints de l ’ Islam . Il était le continuateur

de la secte dite Cheikhsm e surtout répandue chez

les savants . Or en Perse comme dans le monde entier,la Révolution française de 1789 avait ému les esprits .Devant les ex actions de s princes et des gouverneurs ,et surtout en rai son du caractère conservateur et ré

t rograde des mollahs chy i t es, le m écont ent em ent était

LA PER SE,L’

A FGHAN I STAN,LE BÉLOUCH ISTAN 30 1

g énéral dans le peuple . Ali Mohammed apparut dans

c e monde alid e comme le nouveau mahdi chargé dec onduire les hommes à un nouveau progrès vers Dieu .

S es causeries , ses prêches , son exemple lui donnèrentu ne armée de partisans . Il fut bien tôt appelé le Bâb

la porte par laquelle on arrive à Dieu Nokt eh ,

la pointe , le créateur et la manifestation de la vérité

divine et il reçut enfin la qualification d’

Alt esse Sublime .

La doctr in e du bâbysm e . Le b âb ism e admet ,co mme l ’ Islam , l

’unité e t l ’ éternité de Dieu ; mais son

Dieu n e vit pas séparé du monde , il es t v ivan t et agis

san t ; il y a des rapports inin terrompus entre le créateur

et la créature par l ’ in termédiaire des prophètes ; à la

fin des temps , les bons , les purs se réuniront à Dieu

et vivront en lui , participant à ses perfections e t à

ses féli cités ; les méchants seront anéantis . La morale

du b âb y sme est aimable et douce ; ell e prescrit le dé

v e loppement des sentimen ts d ’ affection , de l’hospitalité ,

de la sociabilité, de la politesse et de la charité ; elle

condamne la polygamie , le divorce , l’usage du voile ;

elle répudie le célibat, resserre les liens de la famille ,relève la condition de la femme dont elle fait l

égale

de l’homme, se préoccupe de l

éducation et de l’

inst ruc

t ion des enfants , prohibe les punitions corporelles . Le

b âb y sm e n ’ est pas une sec te communiste , i l ne re com

mande point le partage égal des propriétés ; i l glorifie

les arts , l’ industrie, le commerce et n

’ est pas hostile au

luxe, mais il fai t de l’

aum ône un devoir essentiel , et

ordonne aux riches de se considérer comme les préposés

de Dieu pour le soulagemen t des pauvres Quant à la

forme du gouvernement, le Bâb ne la discu te pas , par

(1 ) Lire Cte de Gob in e au , Les Rel ig ions e t le s Philosofl zies

dans l’

As ie cen t ra le , i i i 1865 , chap . V I e t X I I .

300 L’

I SLA : ET LES RACES

autorité,mais encore ét 3 1i t l e chy i sme en Perse comme

r eligion d ’ état . Bien qu les dynasties p ersanes n ’aient

eu que peu de stabilité . ss choses en sont restées ainsi

j usqu ’ à nos j ours .

I l serait fastidieux énumérer la longue suite dedynasties qui se succé rent en Perse . Le plus grand

monarque persan fut Abas I“ (1557 qui monta

sur le trône en 1586 , b . ai t les Ouzb egs à Hérat

les Turcs en de nom euse s rencontres (1601

chassa les Portugais d'

rmuz en 1 622 avec l ’ aide des

Anglais,et posséda un mpire qui s

ét endit du Tigre

à l ’H indus . Sa capit ah : tait I spahan .

La dynastie ac t ue llu e nt régnante des Kaj ars fut

fondée par Agha Moha med Khan en 1 794 . Le début

du x x e siècle a été mar ré par une tentative faite pourintro duire le gou v e rnemnt constitutionnel en ce pays .

Le ba b ism e . Le fa . qui domine incontestablementl’

histoire musulmane la Perse,qui domine même

l’

établissement du chyi n e en ce pays , et la créationdu soufism e , est l

appz…t ion du b ab isme .

Un nommé Ali Mohmmed , né à Chiraz en 1812,

Sey y id , c’

e st —à-dire de scndan t du Prophète par Hus

sein , fils d’

Ali , avait lc guem ent étudié les Evangiles ,di scuté avec les Israélit c de Chi raz , étudié les Guèbres,

naturellement poussé afoud les études coraniquesvisité le s li eux saints de ’

Islam . Il était le

de la secte dite Cheihsm e su rtout ré

les savants . Or en Pers comme dans

la Révolution française l e 1789 avaitD evant les exactions ds p rince

et surtout en rai son (1 cara

t rograde des mollahs chi t es,

m ents les plus nobles du

a t i on même du despot isme

moins aux princip es de

gueur l’

orgueil et'

sc ucite e t les vi ces des

rfrav és des pm grès.

le faux prophète à

: .mm ed nm t æ t a auprès

mr iiscu t er à Téhéran

n neuple contre tous les

soumettre humb lement

es rois . Le gouvernement

i l li ant clergé, dont il re“t .l d

interdire aux deux“

e cuire s sur les doctrines

u l « le sor ti r de sa mai son.

leurs di s cussions t héo

se s disciples , les Bâb ys,foi nouv elle ,e t allèrent

les pe rsécutions conti

La doctrine se propageait

z ouîe . En 1848 ,ce fut une

i csola la Perse . Bien que

:rmr t e t exécuté, son sup

L'

n nouveau Bâh

Les persécutions con les Bâb ist e s redoublèrent

à la suite d’

une tenta t iv assassinat manquée contre

le souverain . Les plus s pages du christianisme

martyr furen t égalées p manière dont moururent

dans les suppli ces des e rs de Bâb ist e s, hommes ,femmes et enfants .

Depuis 1852 , le b âb is’

a plus causé en Perse de

troubles sérieux . Cependa l’

at rocit é des supplices ne

l ’a pas empêché de faire nouveaux progrès . Le b â

bisme s’

est transformé e nfrérie secrè te . Parmi les

Bâb istes semblen t se cac t ous le s dissidents de l’

Is

lam ; si ce fait se v érifi beauté de la do ctrine du

Bâb , à l’

origi ne très dou très b elle , pourrait servi rde base à des re v e ndica B farouches .

Il serait intére ssant d nnaît re l’

attitude des sec

tat eurs du Bâb pendant erre de 19 14- 18,et surtout

pendant les années qui s rent .

La Perse e t l’

E urope . ) ans la pério de contempo

raine, la Perse a servi d arche entre l’

empire russe

et l’

empire des Indes . Av que l’

expansion moscovite

ait été nettement arrêtée le Japon dans les plaines

mandchoues,le gouverner t des tsars et celui de Lon

dres se sont âprement disput és politiquement les po ints

d’

appui qui pouvaient d’

u : ôté perme t t re aux Russesde descendre le plus loin ible vers le sud , de l

autre

côté,aux Bri t annique s , de é t endre l

accès des passes

menant aux Indes .Les visées politi ques de Russi e vers l ’Ori ent , et en

particuli er vers les In des lt e rm inè rent , dès l’

ab ord,à

pousser de Merv un emb chemen t du Transcaspien

Ve rs le sud, amorc e d'une ne vers Téhéran . Les An

glai s protestèrent. Les En se, à la recherche de la m er

02 L’

i SLAM ET LES RACES

prudence ; mais la doctrine tou t enti ere , qui repose

sur les aspirations et le s sen t iments le s plus nobles du

cœur humain , est la condamnation même du despotisme

ori ental .

Ali-Mohammed s’

at t aquai t moins aux prin cipes de

l’

Islam qu’

aux formes ex térieures e t à l’ in terprétati on

du culte of ficiel ; i l fl étrissait avec vigueur l’

orgue il et

la corruption des mollahs , la rapacité et les vi ces des

fonctionnaires , le relâchement de s mœurs publiques et

privées . Les prêtres du Farsist an , effrayés des progrès

rapides du b âb y sm e , dénoncèrent le faux prophète à

Téhéran .

—De son côté , Ali-Mohammed protesta auprès

du shah de la pureté de ses intentions , de la nécessité

d’

une réforme morale, offrit de venir discuter à Téhéran

en présence du souverain et du peuple contre tous les

mollahs de l ’Empire , et de se soumettre humblement

ensuite à la volonté du Roi des rois . Le gouvernementcentral , sourdement hostile au haut clergé, dont il ré

doutait l’

influence, se contenta d’ interdire aux deux

partis les conférences contradictoires sur les doctrines

nouvelles , et défendit au Bâb de sor t ir de sa mai son .

Les mollahs irrités continuèrent leurs discussions t héo

l ogiques ; le Bâb obéit, m ais ses disciples , les Babys ,devinrent alors les apôtres de la foi nouv elle ,e t al lèrent

la prêcher partout (1844)Malgré la soumission du Bâb , les persécutions conti

nuèrent contre se s partisans . La doctrine se propageait

d ’ ailleurs avec une rapidité inou1e . En 1848,ce fut une

véritable guerre religi euse qui désola la Perse . Bien que

le Bâb eût été condamné à mort et exécuté , son sup

plice ne fit qu’

augm ent e r sa gloire . Un nouveau Bâb

fut nommé,lequel s

’ établit à Baghdad

(1 ) Lanier, L’

A s ie fra n ça ise , Paris, Belin , 1” Part ie , La Perse ,

pages 544 e t 545 .

304 L’

i SLAM ET LES RACES

libre , pensaient devoir la trouver dans le Golfe Persique

et la mer d’

Oman par les por ts de Bonchir et d’

Ab b as .

La Compagnie de Navigation d’

Odessa avait même

décidé la création de musées commerciaux à Bonchir

et à Bassorah , pendant que ses navires , dès 190 1 , at t e i

gnaien t le sud de la Perse et que par le nord , le com

merce russe se répandait dans le pays . A la cour des

shahs de Perse , les agents diplomatiques de laRussieet de la Grande—Bretagne se sont disputés la suprématie

j usqu’ en 1 9 14 où un nouveau concurrent, pour la pre

mière arrivée au fond du Golfe Persique avec le Berlin

By zance-Baghdad-Bassorah , j eta le poids de son épée

dans la balance .

Pendant la guerre de 19 14-18, la Perse servit de champ

de bataille aux Russes et aux Anglais contre les Turcs .Lorsque les Soviets eurent remplacé le tsarisme , lesAnglai s se crurent d

ab ord les maîtres . Mais les temps

avaient changé . Les principes Wilsoniens ont permis

aux petites nationalités de revendiquer hautement leur

patrimoine ; les Soviets aidés par les Turcs ont repris

les i dées impérialistes des tsars . Les Anglai s ont dû

reculer . D’ ailleurs l

Angle t erre s’ intéresse surtout à la

Perse côtière , où se trouve du pétrole exploité par

l ’ Anglo—Persian C0 et o ù se trouvent ses troupes

indiennes reli ées par mer à l ’ Inde .

D ’ accord avec Moscou , sans doute aussi avec Berlin ,un Turc, D jémal pacha , qui se distingua en Syrie pendant la guerre , a été nommé commandant du front per

san et caucasien . C ’ est la lutte contre l’

Angle t erre et

contre les Alliés qui continue . Le Shah de Perse aenvoyé en 1922 des étudiants dans les écoles de France

et est venu lui—même à Pari s par Bombay . Il semble que

la Perse,menacée au nord par le Bolchevisme

,ait

LA PER SE,L’

AFGHAN I STAN,LE BÉLOU CH I STAN 305

c ependant cherché à garder son autonomie . En 1 921des traités d ’ alliance ont été conclus entre Téhéran

,

Angora et Mo scou ; mais la Perse manque d’

argent ;elle est en pleine voie de réorganisation . Elle paraît en

tout cas être nette ment influencée par les Soviets , qui ,déj à , au Congrès de Bakou , préc o nisèrent l

’ o ccupation

par les Bolchevistes de s t erri t oires du nord de la Perse .

Cette action est évi demment dirigée contre l ’Angle t erre .

I l . L’

AFGHAN I STAN .

L’

histoire de l’

Afghanist an est intimement unie à

celle de la Perse et à celle de l ’ Inde . Sa position géographique en a fait un lieu de passage continuel entre

les deux pays . Les invasions successives traversèrent

l’

Afghanist an sans que ri en de bien intéressant se soit

passé au point de vue islamique . La vill e de Ghazm ,

d’

où partirent des peuplades turques à la conquête de

l’

Hindoust an , était située dans les montagnes afghanes .

La création d ’une nation afghane n ’ eut lieu que très

tard . L ’ établissement du royaume d ’

Afghanist an est

généralement attribué à Mir Wa ’ iz , qui , en 7 19, fonda

une dynastie indigène dont les princes furent assez forts

p our envahir la Perse,mais furent absorb és par les con

quêtes de Nadir Shah . Ahmad shah , le chef du contin

gent afghan de ce sultan , affirma, après l’

assassinat de

son souverain , l’ indépendance de la contrée Un

de ses descendants Mahmoud shah fut détrôné par la

famille de son vizir , Fathi-Khan Un des fils

d e ce vizir, Dost Mohammed , s’ empara du pouvoir en

1835 et prit le titre d’

Am ir al Moum enin , Commandeur

des Croyants .

Les Afghans sont Sunni s cette différence de secte

avec les Persans a fortement gêné les relations entre20

306 L’

I SLAM ET LES RACES

les d eux peuples , surtout depuis que le chy ism e est

d evenu la religion officielle de la Perse .

Les visées politiques des Russes vers l’

Inde am e

n èrent la Grande—Bretagne à défendre l’

accès des passes

d e Kandahar, porte de l’

Hindoust an . Dès 1838, une

première expéditio n anglai se était di rigée c ontre l’Af

ghanist an . Le but en ét ait de détrôner Dost Mohammed

qui aurait engagé des pourparlers avec les Russes et dele remplacer par un descendant anglophile d

Ahm ad

Shah . Par le traité de Gandam ak (26 mai le sou

verain promit d ’ agir touj ours diplomati quement en

liaison av ec la Grande—Bretagne . D e son cô t é,la Grande

Bretagne garantissait l ’ immunité du territoire afghan

contre toute agression étrangère .

Jusqu ’ à la guerre de 19 14—18, l’

Afghanist an est prati

quement resté sous l’

in fluence anglaise ; cependant il

est à remarquer qu e le brigandage n’ a j amais cessé

dans les montagnes , ni aux frontières de l’

Inde . Le

gouvernemen t indien a dû maintenir dans c es régions

des forces de police iinport ant es ,trè s souvent employées .Pendant la guerre , les Afghans enrégimentés dans l

ar

m ée britannique ont fait merveille mais après la guerre ,sous la pression des Soviets russes , sous l

’ action éner

giquem ent poussée des Enver, des Dj emal et d’ offi ciers

ottomans continuateurs de la lutte allemande contre

l’

Anglais, les forces indiennes ont dû reculer .

L’

Afghanist an fut ainsi une cause de soucis pendant

toute la guerre . Il fut maintenu dans l ’ alliance anglaise,

ou à peu près , par l’ in fluence personnelle du précédent

Emir, qu i fut assassiné aprè s la défaite allemande , trop

tard heureusement .

Depuis , la princesse régente d’

A fghanist an semble en

1920 avoir voulu reprendre les proj ets ambiti eux de

308 L’

i SLAM ET LES RACES

I I I . LE BÉLOUCH ISTAN .

De même que celle de l’

Afghanist an , l’

histoire d u

Bélouchist an e s t intimement unie aux destinées de

l’

Inde e t de la Perse Le pays fut la proie des conque

rants successifs . Au x v re siècle , la région fut annex ée

par Akbar à l’

empire mogol . En 1 738, Nadir Shahconquit le Bélouchist an

,mais laissa sur le trône le

prince indigène, se contentant de le réduire à la vassa

lité . A la mort du chef , Abdallah Khan se rendit inde

pendant . Eu 1838,l’

expédition d’

Afghanist an mit les

Anglais en contact avec les Bélou chi s . Un traité signé

fut violé par les indigènes : une colonne anglaise en

profita pour occuper Kelat en 1839 . Par le traité d ’ oc

tobre 1841 , le Khan fut déclaré vassal de l’

Am ir d’

Af

ghanist an e t dut suivre les directives données par un

résident b ritannique . En 1854,fut signé un accord , rati

fié en 1876,par lequel le Bélouchi st an acceptai t le con

t rô le britannique sur ses relations diplomatiques avec

l’

étranger (d’ après Margoliouth) .

Pendant la guerre de 19 14—18, les Bélouchis ont fourni

des troupes so lides aux Britanniques . Depuis la guerre,i ls semblent avoir, comme les Afghans , causé de grossesdiffi cultés au gouvernement de s Indes .

Les Bélouchis sont Sunnis . Une bonne partie d’

entre

eux appartiennent aux sectes les plus fanatiques . Au

nombre d’

un demi-million , les B élouchis n e sont guère

civilisés encore et représentent plutôt une population

de sauvages guerriers .

(1 ) L’

his t oire m usulm ane de la Pe rse , de l’

Afghan is tan e t du

Bélou chis t an a ét é résum ée dan s les m ou v em en t s rég ionaux issus

de l’

e xpan sion t urc o —m ongole , c ar si le s prem i ère s in fl uen ce s

islam iqu e s e n ce s régi on s fure n t arab e s , il apper t que leur dév e

loppem en t m oderne e s t plu t ô t t u rco-m ongol .

QUATR IÈME PARTIE

CONCLUSIONS GÉNÉRALES . IMPRESSIONSSUR L

ISLAM ET SES TENDANCES ACTUELLES

Nous qu i v ou lons t ou joursgarder ra i son

(Max im e de s Rois de Fran c een poli t i qu e ét rangère . )

L’

Islam apparaît, dès le début de son histoire , comme

une réaction politique des Arabes contre les Perses,les

Byzantins,les Abyssins . Le Prophète Mahomet fit de

l’

Islam une religion qui a sa valeur , mais il semble que

cette empreinte politique première ait à j amais marqué

les destinées de l ’ Islam . Dès la mort du Prophète,nous

avons v u comment les discussions et les rivalités politi ques ont fait de la foi une arme au servi ce des indi

vidus,des clans

,des familles et des races . L ’

Islam s ’est

diversifié suivant les races qui l ’ont embrassé .

Les premiers et extraordinaires succès du prosély

t isme musulman s’expliquent non seulement par l

’état

d’

aff aib lissement des peuples voisins,mais encore par

la supéri o rité relative et la simplicité dogmatique de

ce système , dans sa facilité morale , qui con siste bien

plus le mot d’ordre étant admis dans un ri t ua

lism e tout extérieur que dans l a poursuite intérieure e t

constante du règne de Dieu et enfin dans l ’ardeur

guerri ère des premiers Musulmans attirés vers la guerre

L’

i SLAM ET LES RACES

sainte par l’attrai t du nouveau et l

appât du b u t…. Les

schi smes religieux qui ont diversifié l’

Islam su ivant les

races,représentent une réaction des familles contre le

pouvoir central . afin d e s’

emparer du trône,au besoin en

modifiant le monothéisme primitif de l’

Islam,suivan t

les conceptions traditionnelles lo cales . Les discussions

relatives à la transmission de l’

Imamat serv irent ainsi

bien de s amb iti ons personnelles .

L’

Islam recrute actuellement la plupart de se s adeptes

chez le s païens d’

Afrique , gagne sur les religi ons de

l’

Inde,de la Chine et du Japon , mais n

atteint pas le

Christianisme . En échange,bien que dans l

Aurè s,en

Kabylie,sur le Chéliff il existe quelques villages d

arab es

chrétiens,l ’on peu t dire que le Christianisme est ino

pérant contre l’

Islam . S i,phi losophiquement

,on poussait

au fond des choses,il semblerait qu

au train dont m ar

chent les événements actuels,le Christianisme et l ’ Isla

m isme devraient à un m oment donné se partager le

monde . Et toutes le s agitations politiques de l ’heureprésente ne sont- elles pas pour un peu ,

toutes choses

é tant égales d ’ailleurs,la résultante du choc de c es deux

grands courants d ’ idées,tous deux actifs

,et agissant

directement ou indirectement sur l’

immensité des peu

ples . Cependant,l’

Islam manque de cohésion , souff re de

l ’absence d ’une direc tion unique ; les schismes p olitico

religieux ont détruit le prestige de l ’ Im amat .

En tant que religion,l’

Islam apporta avec lui une

civilisation qui f souv ent , fut très belle , mais cette civi

lisation né fut pas unique dans ses manifestations elleprocéda touj ours des peuples antérieurs à elle

,et se

développa dans les diff érents pays d ’

lslam suivant les

formules locales . Marquée par l’

hellénisme,cette civi

lisation,d

arabe devint bientôt persane,égyptienne

,b e r

312 L’

I SLAM ET LES RACES

re commence à agir,cherche avec ses penseurs

,les textes

et les commentaires qu i peuvent servir de base , non

pas à une évolution religi euse,mai s à l

action en rapport

avec les nécessités de l’heure présente . N

est—ce pas là,

d ’ailleurs,un semblant

,un commencement d

évolution

L’

Islam,comme le monde entier

,subit une crise

trop longtemps,l ’âme islamique a servi de prétexte à

des ambitions politiques . Actuellement,le monde se

transforme politiquement et économiquement ; les Mu

sulm ans ne peuvent échapper au mouvement . Les ten

dances religieuses de l ’ Islam ne pourront être clai rement

soudées que l orsque ses peuples auront retrouvé leur

quiétude ; cependant , si l’on veut bien songer qu ’au

X IV e siècle,paraissai t inébranlable le Christianisme

,lui

qui ne subissai t pas alors le contact d’

une civilisation

agi ssante comme l ’ Islam subit maintenant celui del a civilisation moderne

,si l ’on veut bien songer que

le Christianisme subit alors simplement le retour d’

in

fluence de la vieille civi lisation gréco—latine,un instant

étouffée,il pourra être admis que l

Islam ne restera pas

immuable et se transformera,comme tout ce qui existe

sur la terre . L’

Islam,si l ’on date suivant son è re

,est

actuellement en 134 1,en retard sur nous de six ou sept

siècles c ’est sur cette base qu e l’observateur doit rai

sonner e t j uger .

La France a touj ours é té une puiss ance curieuse

d ’expansion politique aussi bien que sci entifique . Ellea touj ours eu dans le monde ori ental ou extrême-orien

tal,des savants

,des consuls

,des officiers

,des agents

,qui

CONCLUS IONS GÉNÉRALES 313

ont su voir et comprendre,1 ame en apparence immobile

,

immuab le,en réalité tenace dans ses buts lointain s et

ses méthodes touj ours les mêmes,de tous ces peuples

,

blancs,j aunes ou noirs qui ont embrassé l ’ Islam . Sans

parler des agents e t des émissaires qu’

eurent les Roisde France

,il est b on de rappeler que Napoléon I e r

s’

intéressa de tous temps au monde musulman,à la

route des Indes dont la possession devai t lui permettre

d’

ab at t re l’

Anglet erre . En 1807,le capitaine Bure] est

auprès du Sultan marocai n ; en Orient , Lascaris réussitdès 18 12 à ouvrir par terre la route des Inde s

,m ais

mourut en 1813 en plein succès (1 ) le capitaine Boutin,

après avoir reconnu en 1808 l a Régence d ’

Al ger , celle

de Tunis,la côte de Tripoli

,finit par être assassin é en

Asie Mineure après avo ir parcouru la Syri e et le Liban .

Mais il semble que la conquête de l ’Algérie ait rétréci

notre champ de vision depuis lors,les Français pa

rai ssen t ne plus connaître que le Musulman turc ou

nord—afri cain ; le dernier sursaut de notre action sur le

monde musulman lointain fut vraisemblablement l ’aban

don de notre droit de pavillon sur les b outres de Mascate

et d ’

Om an Il est certai n que nous ne pouvons dis

perser nos eff orts e t devons concen trer nos ressources

(1 ) Se s papiers renv oy és en Fran c e furen t capt u rés par une

fréga t e anglaise e t n’

on t j am ais reparu . Lascaris eu t à lut t erc on t re Lady S t anhope , sœur de Pit t , qui , in st allée au Lib an ,

s’

é ta it créé u n e si t ua t ion priv ilégi ée dan s le pay s . Lascaris

réussit à réc on c ilier le s Anazeh e t le s Wahab it e s e t à leu r faireconclure un t rai t é fav orab le à Napoléon

(2) Au m om e n t où le s Anglais ét aien t t rès em b arrassés par

la gu erre de s Afridis, le c on sul de Fran c e à Masca t e ét an t

M. Laron ce , le s b arqu e s de Masc a t e e t d’

Om an firen t un e grossec on treb ande de gu erre e t n e po uv aien t ê t re arrêt ée s pu isqu

e lle s

b a t t aien t pav illon fran çais . En échan ge de la re con naissan c e

de n os dro i t s sur Madagascar par lÎAngle t erre , la Fran ce ab an

donna c e dro it de pav illon .

3 14 L’

I S LAM ET LES RACES

sur notre empire colonial,mai s il est nécessaire de ne pas

pe rdre de v ue le reste de l ’ Islam qui compose en fai t

la plus grande partie du monde islamique,et dont cha

cune de s manifestations a chez nous ses contrecoups

apparents ou cachés .

La guerre de 19 14— 18 a démontré que l a France était

l a digue continuatrice de Rome en politique coloni ale .

L’

experrence vien t de démontrer que les popula t ions

asiatiques ou afri cai nes françai ses ont ét é plus loya

l istes envers leur métropole que c ell es des coloni es an

glaise s . Rome adoptait toutes les crov ance s de ses administ rés

,et latinisait l ’au t ocht one en même temps qu

’elle

le colonisait par l’admiration que la Ville suscitait

chez lu i . Nos méthodes,dérivées de celles de Rome

,

développées par les Dupleix ,les Montcalm

,les Gallieni

,

les Lyautey,appliquées par tous ces Fran çais obscurs

que les Français ignorent e t dont le s indig ènes gardent

le souveni r,se son t démontrées b on nes

,malgré des

erreurs inévitables et des expériences trop souvent ré

nouv elées qui auraient pu être évitées par la leçon du

passé . Il n ’est pas besoin aux Françai s d’

env ie r à tel

autre pays sa méthode coloniale ; la nôtre a fourni ses

preuves . É tudions l ’étranger pour tirer parti de ce qu’

il

fait,mais ne prenons pas modèle sur lui pour l ’ étude et

la m aî trise de s populations d’

Afrique ou d’

Asie,ne

prenons conseil que de notre cœur Nous intéresser,

aimer,voilà les mei lleures manières d ’ intéresser et d ’être

aimé . L’

ind‘

igène aime qu i Et nous,s i nous

con naisso ns son histoire,si nous respect ons ses mœurs

,

si nous l’

éd‘

uquons , nous nous l’

at t acherons . La France

d oit être avant tout éducatrice et no n dominatrice.

3 1 6 L’

I SLAM ET LES RACES

n ’ont pas épargné l’

Islam . La guerre a tout remué °

hommes et pensées . Le calme reviendra forcément un

j our,mais les êtres et les choses ne seront plus ce qu

’ils

étaient auparavant ; en cinq ans , plusieurs siècles on t

passé . De 19 19 à 1922,profitant de toutes les fautes

,

l’

Islam s ’est ressai si dans ses particularismes locaux

issus de l a sou che arabe et de la greffe turco—mongole .

D ’acco rd avec la tradition de sa race depuis Tamerlan ,

le Turco-Mongol le Touranien cherche à grouper

autour de sa dictature militaire , à peine dissimulée par

le prétexte fall acieux d’une apparente lutte religieuse

,

toutes les aspirations de liberté,d

idéologism e,des par

t icularism es musulmans . Loin de nous la pensée d ’

incri

miner le peuple turc lequel , comme ses victimes , est

souvent la victime de se s meneurs toutefois il ne faut

pas cacher que le meneur turco-mongo l , allié des gensde Moscou et de Berlin

,tend à r allie r vers lui toutes les

oppositions au monde chrétien,représenté en l ’occurrence

par la France et par l’

Angle t erre . S i cette tendancetouranienne était acceptée par l

’ensemble du monde

musulman,elle devrait le soulever à nouveau dans une

vague immens e du Croissant contre la Croix . En AsieMineure

,le s luttes religieuses ont conservé une acuité

que ne connaît guère plus l ’Afrique du No rd , plus reli

gieuse sans doute , mais mo ins fanatique . En Afriquedu Nord

,les oppositions de races

,bases des querelles

religi euses,sont mo ins violentes qu ’en Asie où se heur

tent la race j aune,la race blanche

,e t tous leurs métis

sages ; en Afrique du Nord également , l’

instruction pri

maire franco—arabe,l ’activité agri cole et commerciale

ont déterminé une sécurité que ne connaît pas encore

l’

Asie turque,ignorante

,dans laquelle chaque race

conserve sa place de caste e t son rôle social par ticulier .

CONCLUS IONS GENERALES 31 7

Les intérê ts économiques communs lient les peuples ;le fait se vérifie entre Françai s et Arabo-Berbères il ne

se réalise pas encore en Orient entre Musulmans et

Chrétiens,parce que les premiers sont restés des no

mades dans l ’état e t parce que les derniers sont divi sés .

Ce déséquilibre économique et social du monde musul

man cause l a crise e t empêche son union .

De même que les Arabes , la plupart des peuples isla

miques veulent maintenir leur vitalité en dehors de

l ’influence t urque après avoir été un grand unifica

t eur d ’énergies au temps de l a conquête,l’

Islam se

prouve un grand dissociat eur parce que la foi col

le c t iv e des premiers âges créatri ce de fanatisme,s ’est

transformée chez chaque peuple en une série d’

égoïsm es

nationaux . Ces égoïsmes nationaux peuvent se rencon

trer quelque j our dans un intérêt commun , s’allier alors

toutefois l ’alliance durera seulement tant que l’ intérêt

commun subsistera . Il en est de l’

Islam comme du

Christianisme comme ce dernier,l’

Islam doi t peu à peu

céder le pas aux nationalités,puis au pouvo ir laïque ;

il se débat à l’heure actuelle dans cette dernière trans

formation . Eu l a plupart des cas,l’

Islam a dû subir le

pouvoir l arque des Européens parce qu’ il se montrait

incapable de l e t ab lir lui —mêm e ; le s dirigeants musul

mans réagissent à l’heure act uelle

, pour, sans toucher au

Coran,laïciser l ’E t at ; certains ont échoué , d

’autres

ont progressé en affi rmant cependant l ’int angib ili t é de

la loi-dogme ; quoi qu’ il en soit

,l a tendance semb le

s’

amplifier . Ces crises où se débat l ’ Islam,la diversité

des climats et des habitats,empêchent

,malgré la religion

commune,la formation d

’un intérêt commun musulman .

L ’uni on ne peut se fai re que pour un certain temps

contre un ennemi déterminé ;mai s faute de base reli

3 1 6 L’

I SLAM ET LES RACES

n ’ont pas épargné l ’ Islam . La guerre a tout remué °

hommes et pensées . Le calme reviendra forcément un

j our,mais les êtres et les choses ne seront plus ce qu ’ ils

étaient auparavant ; en cinq ans , plusieurs siècles on t

passé . De 19 19 à 1922,profitant de toutes les fautes

,

l’

Islam s ’est ressai si dans ses particularismes lo caux

issus de l a souche arabe e t de l a greffe turco-mongole .

D ’acco rd avec la tradition de sa race depuis Tamerlan ,

le Turco—Mongol le Touranien cherche à grouper

autour de s a dictature militai re , à peine dissimulée par

le prétexte fall acieux d ’une apparente lutte religieuse,

toutes les aspirations de lib erté,d

idéologism e,des par

t icularism es musulmans . Loin de nous la pensée d ’

incri

miner le peuple turc lequel , comme ses vi ctimes , est

souvent la victime de ses meneurs toutefois il ne faut

pas cacher que le meneur turco-mongo l , allié des gens

de Moscou et de Berlin,tend à rallie r vers lui toutes les

oppositions au monde chrét i en,représenté en l ’occurrence

par la France et par l’

Angle t erre . S i cette tendancetouranienne était acceptée par l

’ensemble du monde

musulman,elle devrait le soulever à nouveau dans une

vague immense du Croissant contre la Croix . En AsieMi neure

,les luttes religieuses ont conservé une acuité

que ne connaît guère plus l ’Afrique du Nord , plus reli

gieuse sans doute , m ai s moins fanatique . En Afrique

du Nord,les oppositions de races bases des querelles

religi euses , sont moins violentes qu en Asie où se heur

tent la race j aune,l a race blanche

,e t tous leurs métis

sages ; en Afrique du Nord également , l’

instruction pri

maire franco-arabe,l ’activité agricole et commerciale

ont déterminé une sécurité que ne connaît pas encore

l’

Asie turque,ignorante

,dans laquelle chaque race

conserve sa place de caste e t son rôle social particulier .

3 18 L’

I SLAM ET LES RACES

gieuse sol ide , l’alli ance n

’est pas durable des peuples

aussi di vers que ceux de l’

Islam,par leurs origines

,

leurs sectes,leurs schismes

,aussi oppo sés par leur genre

de vie,ne peuvent avoir l ongtemps d ’intérêts communs .

Pour que l’union soit durable

,il serait nécessaire qu

’un

peuple musulman s’

imposât aux autres la Perse,

l’

A fghanist an l’ont tenté l a Turquie de Kemal cherche

à s ’impo ser,en donnant comme pré texte la lutte à

mener contre le Français et l’

Anglais , destructeurs du

Khalifat .

Livrés à eux -mêmes,les Turcs ne parviendraient sans

doute pas à prendre la tête du monde isl amique ainsiunifié

,car le Turc a montré son incapacité à gouverne r

partout où il est passé ; les particularismes nationaux

reprendraient comme autrefois b ien vite leur exi stence

propre . Mais le Kém alist e reçoit l ’ inspiration bo lche

viste et l’

inspiration allemande . I l existe un mouvementislam ique comparab le toutes choses étant égales

d ’ai lleurs à celui du monde catholique à la chute des

Etats de l ’Egli se ; celui— là n’est pas dangereux ; mais

il s ’est formé un mouvement panislamique politique

ant ifrançai s et ant ianglai s , lequel cherche à se faire

confondre avec le premier ;le dernier e st très dangereux ,car il forme bloc avec le pangermanisme et le bol

che v ism e . Ces deux courants n ’ont de commun que les

apparences il ne faut pas le s confondre . Il est à remar

quer d ’ailleurs que les peuples islamiques ralliés au

courant anti—ent e nt ist e sont pour ai nsi dire tous des

islamisés issus de l ’expansion musulmane turco-mon

gole le fait se passe de commentaires . Au lieu de pren

dre Moustafa Kemal pour le chef de l ’ Islam,i l aurai t

été plus conforme à la tradition politique musulmane

françai se de développer l ’i dée du maréchal Lyautey

CONCLUS ION S GÉNÉRALES 319

le khalifat de l ’Afrique du No rd au Maro c ; de suivre

l ’ idée franco—britannique de 19 16,le khalifat arabe de

La Mekke ; e t pour l’

e nsemble du monde islami que ,de reconnaître que le Sultan khalife est touj ours à

Co nstantinople où i l attend qu’on ut ilise son prest ige

touj ours très grand sur les masses .

La plus grande partie des peuples musulmans ralhes

à l’ idée d ’un mouvement panislamique anti—e nt ent ist e

sont des islam isés datant de l ’expansion turco—mongole

Pendant des siècles,Byzance fut le musoir où vinrent

se heurter,se diviser

,s e briser

,les flots montants de la

marée asiatique , à l’

autre bo ut de l a Méditerranée,les

Francs,le s Berbères

,formèrent la digue où vi nrent

s’

user les flots arab es e t Gcs la De i per F

Ainsi,pendant le Moyen Age , la Chrétienté fut sauvée

la Croix et le Croissant eurent dès lors leur dom aine

respectif . Dans la période contemporaine,la Croix

pren ant à son tour l ’o ffensive,a délivré du j oug asi ati que

turc un certai n nombre de peuples chrétiens , a repri s

pie d dans l ’Asie elle—même . Depu is 19 19,les Asiatiques

se sont ressaisis à l’appel de Moscou

, qui , durant toute

son histoire,a hésité entre l ’Europe et l

Asie . Le mou

vement turco-mongol reprend vers l ’Ouest ; il peut

(1 ) Je dis exprès la Cro ix pour sy n thét ise r t ou t un e ns em b le

d’

idée s . En réali t é, l’

Eu rope , le Ba ghdadb ahn , c’

e s t la civ ilisa t ion , la rou t e des Inde s, le c omm e rce . Je n e v oudra is pa s

u t iliser l ’ idée chré t ie nn e comm e le pan islam ism e u t ilise l ’ Islamj e dis exprès la Cro ix , car aux y eux de s Musu lm an s, n ous somm e s

t ou j our s le chrét ien , quo i qu e n ou s fassion s . E t le Chrét ien po ureux représen t e sinon l ’ e nn em i, t ou t au m o in s l

ê tre in férie ur e t

dan gereux qu i risque de fa ire pe rdre par sa civ ilisa t ion sa qua

li té de b on Croyan t au Musulm an .

320 L’

i S LAM ET LES RACES

réussi r avec les cadres allemands qui font de ce mouve

ment,un mouvement nettement germanique ; il est , en

tout cas,inquiétant . Le nouvel éveil asiatique serait

réellement dangereux si un peuple j eune,moderne

,en

prenait la direction or il est certain que le Japon s’est

intéressé et s ’ intéresse au monde musulman,dont tant

de j aunes font partie .

La France,au cours des âges

,a cherché des alb es à

l’

Orient de ses ennemis parmi c es alliés furent ainsi

les Suédois,les Turcs et les Russes . A mesure que les

communications deviennent plus faciles et plus rapides,

les alliances peuvent être cherchées plus loin . Le Japon

nous a touj ours donné des marques indéniables de sym

pathie . Pourquoi ne pas chercher dans ce peuple guerrier

le contrepoids qui nous est nécessaire à l’ orient de nos

ennemis,et ne serait—cc pas le meilleur moyen d

’ en di

guer un mouvement islamique j aune,touj ours p os

sibl e,b ien plus dangereux

,sans doute , qu e s on avant

garde, l e mouvement pant ouran ien ? Les Musulmans

croien t à leur salut,lequel viendra , disent— ils , d

Ex

t rêm e—Orient . Précédons-les dans cette voie . Bien que

l ’ entente franco-anglaise soit une nécessité pour la paix

générale , notamment p our la sécurité du Levant, l’

al

liance j aponaise serait une garantie contre la mainmise

anglo-saxonne sur le monde . Le Japon n’

a rien à

craindre de nous ;nos intérêts sont communs sur b eau

coup de points ; il nous appartient de savoir fai re esti

m er par lui notre force et no tre valeur .

Nous qui voulons touj ours garder raison disaient

les Rois de France,dans une de leurs maximes fav orites

en affaires é t rangères Garder raison . c’est ne pas

TABLE DES MATIERES

TOME I I

LE S RM IEAUX

(MOUVEMENTS RÉGIONAUX ET SECTES )

INTROD U CTION

L IVRE SECOND . PREMIÈRE PART IE

Les Schismes et les Sectes .

CHAP ITRE Ier_ Kharedj isme et Chyisme 5

I . Les div ergen ces arab e s, 5 . I I . Le Kharedp sm e , 6 . I I I.Le s Alide s, 1 1 . IV . Le Chy ism e , 12.

Ca n n e s 1 1 . Le Mysti cisme dans l ’Islam . Soufi sme et

Confréries religi euses 21

I . Le Soufi sm e , 21 . I I . Le s Con frérie s religieuses, 28. I I I .Influ enc e de s c on frérie s religieu ses, 55 . IV . Le Wahab ism e ,

58 .

CHAPITRE I I I . Les transformations mystiques de l’

Islam 63

CHAPITRE IV . Le Fanatisme musulman 73

La gu erre sain t e pendan t la guerre m ondiale , 73 .

LIVRE SECOND . DEUX IÈME PART IE

LesMouvements régionaux issus de l’

expansion arab e .

CHAP ITR E V . La questi on arabe

324 TABLE DES MAT IÈRES

CHAPITRE V I . L’

Egypte et la Tripolitaine

I . L’

Egy pt e , 94 . I I . La Tripolit ain e , 1 00 .

CHAPITRE V I I . L’

Afrique duNord et l’

Islam 105

In t rodu c t ion . L’

Afriqu e , 105 . La n a t ion b erb ère av an t

l’

Islam , 106 . La c on quêt e m u su lm an e v ers l’

Ou est , 1 1 5 .

Lu t t e s pour l’

indépen danc e b erb ère , 1 19 . Le s grande s dyn as t ie s b erb ères, 127 . Les con séqu en c e s de l

in v asion m u

sulm an e sur l’

e thn ographi e en Afriqu e du Nord, 1 43. L’

oc

cupa t ion t urqu e en Algérie , 1 50. Con quê t e fran çaise , 1 53 .

CHAPITRE V I I I . L’

Islam chez les noirs 157

In t rodu c t ion , 1 57. A . L’

Afr iqu e n oire fran çaise , 1 60. B .

Le c en t re du Con t inen t n oir, 167. C. L’

ancienn e Afri queorien t al e allem ande , 171 .

CHAPITRE IX . L’

Islam en Abyssinie

CHAPITRE X . Les Sultanats de l’ocean Indien

CHAPITRE X I . Le Sultanat de Zanzibar et Madagascar 1 96

I . Zanzib ar, 196 . I l . Madagascar, 205 .

CHAPITR E X I I . Lutt es commerciales de la Croix et du

Croissant 209

La Cro isade de s Epic es, 209 . Veni se . Le m on opole de s

épice s, 210. Véni t iens e t Port ugai s . La lu t t e pour lem on opole du c omm erc e de s épices, 218. La Croisade de sépice s c on t emporaine , 223.

L IVRE SECOND . TROIS IEME PART IE

Lesmouvements régionaux issus de l’

expansion turco-mongole .

CHAPITR E X I I I . L’

Islam en Extrême-Orient

I . L’

Islam en Chin e , 229 . I I . L’

Islam en ludo -Chin e , 235 .

L’

Islam a u Japon , 236 .

CHAPITRE X IV .— L

Islam en Russie et au Caucase

324 TABLE r s MAT IÈRE S

CHAPITRE V I . L’

Egypte et Tripolitaine

I . L’

Egypt e , 94 . I I . La '

] ipoli t ain e , 100.

CHAPITRE V I I . L’

Afrique 0 Nord et l’

Islam 105

In t rodu c t ion . L’

Afriqu e , 05 . La na t ion b erb ère av an t

l’

Islam , 106 . La conque m usu lm an e v ers l’

Ou est , 1 1 5 .

Lu t t e s pour l’

indépendanc b erb ère , 1 19 . Le s grandes dyn ast ie s b e rb ère s, 1 27. I s con séqu en c e s de l

’ inv asion mu

sulm an e sur l’

e thnographie .n Afrique du Nord, 1 43. L’

oc

cupa t ion t urque en Algéri 1 50. Conquêt e fran ç aise , 1 53.

CHAPITRE V I I I . L’

Islam en les noirs 1 57

In t roduc t ion , 1 57. A . L’ fr iqu e n oir e fran çaise , 1 60. B .

Le c en t re du Con t inent n r, 1 67. C. L’

ancienne Afriqu eorien t ale allem ande , 1 71 .

CHAPITR E IX. L’

Islam en .byssinie

CHAPITRE X . Les Sultana de l’

ocean Indien

CHAP ITRE X I . Le Sultanade Zanzibar et Madagascar 196

I . Zanzib ar, 196 . I l . Madgascar, 205 .

CHAP ITR E X I I . Luttes cmmerciales de la Croix e t duCroissant 209

La Cro isade de s Epic e s, 20 Veni se . Le m on opole desépice s , 210 . Véni t iens t Por t ugais . La lu t t e pour lem onopole du comm erc e ds épice s, 218. La Cro isade desépice s c on t emporain e , 223

L IVRE SECOND . TROIS IEME PART IE

Lesmouvements régionaux sus de l’

expansio

CHAPITR E X I I I . L’

Islam Extrême-0

I . L’

Islam en Chin e , 229 .— I I . L’

Islam

L’

Islam a u Japon , 236 .

CHAPITRE X IV . L’

Islam « Russie

TABLE MAT IERES 325

CHAPITRE XV . L’

Islam l’

Insufinde 25 5

I . L’

Islam isat ion , 258 . s Européens en Insulinde , 259 .

I I I . Les Musulm ans Isul inde , 260.

CHAPITRE XV I . L’

Inde !mane

CHAPITRE XV I I . La P L’

M ghanistan . Le Bélou

chistan

I . La Perse , 298. I l . L gan is t an , 305 . I I I . Le Bê nchist an , 308.

L IVRE SECOND . QUATR IÈME PARTIE

Conclu sion s générale s . e ssions sur l’

Islam e t ne:

t endance s ac t u elles