J. Jambu, Un graveur « ordinaire » de la Monnaie de Caen au milieu du XVIIIe S : Olivier Laurent...

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JourNéeS NuMISMatIQueS CaeN 3-5 JuIN 2011 Bulletin de la Société Française de Numismatique 54 es Journées Numismatiques de Caen 66e année — n° 6 — juin 2011 Commentaire de la médaille en page intérieure. Prépresse : Cymbalum – Paris Imprimerie France-Quercy — Mercuès

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JourNéeS NuMISMatIQueSCaeN

3-5 JuIN 2011

Bulletin de la Société Française de Numismatique54es Journées Numismatiques de Caen

66e année — n° 6 — juin 2011

Commentaire de la médaille en page intérieure.

Prépresse : Cymbalum – ParisImprimerie France-Quercy — Mercuès

— 113 —

soMMaire

études et travaux

CoatIVY (Yves) — un triens mérovingien fourré . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .115rouSSeLLe (Pascal) — un nouveau type de triens mérovingien pour

avranches . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .116SCHIeSSer (Philippe) — Cinq triens bayeusains : un inédit et quatre

exemplaires conservés à la médiathèque de Bayeux . . . . . . . . . . . . . . . . .121MoeSGaarD (Jens Christian) —– Renovatio Monetae et la chronologie

des monnaies de richard Ier, duc de Normandie 942/945-996 . . . . . . . . .125GarNIer (Jean-Pierre) – une médaille de la renaissance italienne au nom

de roger Ier de Hauteville, comte de Sicile en 1072, grand comte deSicile de 1096 à 1101. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .133

WaCK (rené) — Les demi-francs et quarts de franc frappés à rouen sous le règne de Louis XIII. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .137

BottIN (Georges), JaMBu (Jérôme), MoeSGaarD (Jens Christian) —représentations de frappe monétaire dans la Manche. . . . . . . . . . . . . . . . .143

JéZéQueL (Yannick) — Plombs normands de l’industrie textile et de la fiscalité aux XVIIe et XVIIIe siècles. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .147

CHarLet (Christian) — Le comte de torigni, devenu prince de Monaco,grand numismate du XVIIIe siècle. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .155

JaMBu (Jérôme) — un graveur « ordinaire » de la Monnaie de Caen au milieudu XVIIIe siècle : olivier Laurent rocque. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .159

GarNIer (Jean-Pierre) — un Valognais célèbre, théophile-Jules Pelouze,président de la commission des monnaies et médailles en 1848. . . . . . . . .164

GuIHarD (Pierre-Marie) et LeVeSQue (Jean-Marie) — Le médaillier de laSociété des antiquaires de Normandie au musée de Normandie de Caen(Calvados). Premières approches. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .166

CorrespondanCesHoLLarD (Dominique) — Deux variétés inédites de sesterces de Postume

frappées en 261 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .174

BULLETIN DE LA SOCIÉTÉBULLETIN DE LA SOCIÉTÉ

FRANÇAISE DE NUMISMATIQUEFRANÇAISE DE NUMISMATIQUEPublication de la Société Française de Numismatique

66e année — n° 6 juin 2011

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CoatIVY (Yves) (1) — un triens mérovingien fourré.

Cette monnaie a été trouvée dans le département du Maine-et-Loire (49). Il s’agitd’un faux triens d’époque. La pièce est fourrée, dorée et ébréchée. L’ébréchure laisseapparaître la falsification : on peut voir nettement l’âme en métal gris et la dorure larecouvrant. elle pèse 0,64 grammes en l’état (Ø estimé = 13 mm). on voit à l’avers unprofil fruste regardant à droite et dont le buste habillé descend jusqu’au grènetis, avecpour légende : BoI (cette dernière lettre peut être le jambage d’une autre lettre et n’estpar forcément un I). Le revers porte une croix mais on ignore si elle a un pied ; on dis-tingue nettement les lettres rtoMo.

L’attribution de cette monnaie est difficile car les faux sont parfois fantaisistes et qu’enplus, la légende de cet exemplaire est amputée par les cassures du flan. Les lettresrtoMo peuvent être interprétées comme la légende de la cité de rouen, Rotomo civ.Si on retient cette attribution rouennaise, le type du revers est connu pour d’autres trientescomme celui illustré par J.C. Moesgaard (2) ou ceux reproduit dans l’ouvrage de a. Stahl(3). Par contre, si le nom de plusieurs monétaires commence par les lettres Bo, aucunne peut être rattaché directement à rouen. La présence du nom de la cité au revers plu-tôt qu’à l’avers est une autre curiosité dans le cas qui nous intéresse car habituellement,c’est le contraire. Mais il existe des exceptions assez fréquentes à cette règle à Bayeux,Sémilly, rennes (4), etc. L’autre possibilité est que les lettres Mo et rotMo soient lafin d’une légende avec le nom du monétaire, …rot Mo(netarius). Dans ce cas, leslettres Bo de l’avers seraient celles du début du nom de l’atelier monétaire, très diffi-cile à déterminer compte tenu de l’état de la pièce.

trois hypothèses sont plausibles pour expliquer l’existence de ce triens. Les deuxpremières sont tout à fait classiques : le faux pour servir, fabriqué pour être utilisédans la vie quotidienne. La deuxième solution est le faux produit par un monétaire et

1. université de Bretagne occidentale, Centre de recherche Bretonne et Celtique.2. J.C. MoeSGaarD, « Découverte d’un tiers de sou mérovingien près de rouen », BSFN,

mars 2005, p. 56.3. a. M. StaHL, Collections numismatiques. Mérovingiens et royaumes barbares (VIe-VIIIe

siècles). Fonds Bourgey, Paris, 1994, p. 70.4. Prou 283, 292 et 491.

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études et travaux

Fig. (X 2)

roNDe (andré) — À propos de deux monnaies byzantines . . . . . . . . . . . . . .177MoeSGaarD (Jens Christian), SINGer (andy), WooDHeaD (Peter) —

Les monnaies ducales normandes du trésor dit « Harim/Harenc » . . . . . . .179JéZéQueL (Yannick) — un denier de Guillaume VII, duc d'aquitaine,

retrouvé . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .183CHarLet (Christian) — Addendum (images) à CHarLet (Christian) et

HeNrY (emmanuel) — un demi-écu de Flandre au millésime 1685. . . . . .184

soCiétéCompte rendu des séances des 3 et 4 juin 2011 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .185

saMedi 1er oCtobre 201114 h 30

BnF Salle des Commissions

saMedi 12 noveMbre 201114 h 30

BnF Salle des Commissions

saMedi 10 déCeMbre 201114 h 30

BnF Salle des Commissions

saMedi 7 janvier 201214 h 30

BnF Salle des Commissions

ProCHaINeS SéaNCeS

Nous avons été avertis que la salle des Commissions était prise les 5novembre et 3 décembre. en conséquence, les séances prévues à cesdates-là sont reportées au samedi 12 novembre et au samedi 10 décembre2011.

iMportant

2. Le catalogue d’elsen, pour la description de cette pièce donne la lecture oBrVLFVS. Maisil nous paraît peu probable que le début du nom ne commence pas immédiatement après lacroisette, même à cette époque dite « barbare ».

3. « obrulfus » non plus.4. Op. cit. n. 1.5. a. eNGeL et r. Serrure, Traité de numismatique du Moyen Age, t. 1, Paris, 1891.6. J. LaFaurIe et J. PILet-LeMIÈre, Monnaies du Haut Moyen Âge découvertes en France (Ve-

VIIIe siècle), Paris, 2003.7. La liste de premiers évêques d’avranches, rédigée sans doute au XIIe siècle par robert de torigny,

est fort mal connue et pleine d’incertitudes. Voir, en dernier lieu, D. LeVaLet, « avrancheset la cité des abrincates : Ier siècle avant Jésus-Christ-VIIe siècle après Jésus-Christ. rechercheshistoriques et archéologiques », Mémoires de la Société des Antiquaires de Normandie, t. XLV,2010, p. 173-174.

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Personnage marchant à gauche tenant de la main droite une croix (longue oucourte ?) et oblique.

Poids : 1,43 g, Ø : env. 11 mm. axes des coins : 12 h.Particularité : trou à 10 h et amorce d’un autre trou à 11 h.références : Manque aux ouvrages de référence usuels – Vente J. elsen n° 107 (11

décembre 2010), lot 517.Provenance non connue. Collection privée.La pièce semble être en or de bon aloi et son poids est tout à fait convenable mal-

gré son trou ; elle a été utilisée comme bijou après avoir été percée de façon malha-bile puisqu’une première tentative de percement a dû être reprise sans même que l’ar-tisan ne réutilise la marque laissée par son premier essai. Cette utilisation en bijou alaissé les traces d’une certaine usure qui a estompé les détails de la gravure sans tou-tefois trop les abîmer. Par ailleurs, le trou réalisé occulte en grande partie la dernièrelettre du nom du monétaire, juste avant la croisette. Il semble cependant que l’onpuisse lire ou restituer un V (à la rigueur un o ?). Le nom du monétaire serait doncSoBruLF[V](s) (2).

Ce nom de Sobrulfus (3) n’apparaît pas dans les listes de monétaires que l’ontrouve dans les ouvrages de Prou (4), engel et Serrure (5), J. Lafaurie et J. Pilet-Lemière(6), etc. Il s’agit donc bien d’un nom de monétaire laïc, car il est très peu probable quece nom se rapporte à celui d’un évêque malgré la croix tenue par le personnage durevers (7).

Quant au type lui même, il appelle deux observations :– le nom du monétaire est associé à la tête radiée alors que, généralement, c’est

le toponyme qui entoure la tête ou le buste ;– il comporte surtout un type de Victoire dégénérée à gauche, ce qui n’est le cas

d’aucun des types connus à ce jour pour avranches qui sont tous de types à la croix.Ce dernier point nous conduit à situer chronologiquement ce modèle avant les autres

et à penser qu’il pourrait avoir été frappé vers 560-590 après J.-C.

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Fig. 1 (X 2)

on notera la qualité formelle de cette monnaie qui se rapproche des types officiels. Latroisième hypothèse, la solution saxonne est plus originale et se rattache à l’histoire dela région. alors que les rois mérovingiens se focalisent sur l’est et le sud de leurroyaume, ils tendent à négliger l’ouest et en particulier ce qui deviendra la Normandie.À l’inverse, d’autres populations songent à s’implanter par là : les Bretons sans doutemais aussi les Saxons. Fin Ve-début VIe s., on trouve dans la région des objets saxonspuis anglo-saxons jusqu’à la fin du VIe s. on sait aussi par la géographie linguistiqueque des Saxons s’implantent dans le courant du VIe s. dans le pays de Caux, la valléede la Seine, le Bessin et le Cotentin. Grégoire de tours s’en fait l’écho et rappellel’existence en 578 et en 590 des Saxons du Bessin (5). Longnon rapporte à leur sujetque «  les Saxons arrivèrent ainsi en auvergne où ils mirent en circulation de nombreusespièces de cuivre dorées qu’ils donnèrent pour de l’or et furent ensuite rétablis parSigebert dans le pays qu’ils avaient abandonné quelques années auparavant » (6).Peut-être cette pièce est-elle à rattacher à cet épisode de l’histoire des temps mérovingiens.

Il faut malgré tout rester très prudent car rien ne donne la date exacte de cette mon-naie qui peut très bien être postérieure à l’époque évoquée ici. Cela dit, le rapprochemententre la monnaie et cette belle histoire méritait d’être fait. Si l’on en croit les cataloguesdes marchands de monnaies anciennes, les faux mérovingiens fourrés d’époque sontrelativement fréquents sur le marché. une étude de synthèse serait très utile pour y voirplus clair.

5. Sur cette implantation saxonne et ses différentes traces, e. DeNIauX, C. LorreN, P. Bau-DuIN et t. JarrY, La Normandie avant les Normands, de la conquête romaine à l’arrivée deVikings, rennes, 2002, p. 261-269.

6. a. LoNGNoN, Géographie de la Gaule au VIe siècle, Paris, 1878, p. 175.

rouSSeLLe (Pascal) — un nouveau type de triens mérovingien pour avranches.

Les monnaies mérovingiennes d’avranches ne sont pas chose commune : lesouvrages de référence usuels (1) ne font connaître que neuf exemplaires de triens por-tant un nom de monétaire dont sept de types différents. L’apparition récente sur le mar-ché numismatique d’un nouveau type de triens, que nous avons eu la chance de pou-voir obtenir, méritait, nous semble-t-il, une courte présentation à notre Société dans lecadre de ces journées de Caen. Par ailleurs, un autre triens, d’un type déjà connucelui-là, nous a donné l’occasion de faire le point sur cette période du monnayaged’avranches.

Le premier triens, de type jusqu’alors inconnu, se décrit de la façon suivante :a/ +SoBrVLF[V] (le S initial est inversé)tête barbare radiée à droite.r/ + aBrINK[t]aS (les barres des a sont des chevrons inversés, le N et le S sont

inversés)

1. a. de BeLFort, Description générale des monnaies mérovingiennes, 5 vol., Paris, 1892-1895 (par la suite abrégé B). M. Prou, Catalogue des monnaies françaises de la Bibliothèquenationale : Les Monnaies mérovingiennes. Paris, 1892 (par la suite abrégé P). G. DePeYrot,Le numéraire mérovingien : L’âge d’or, II, Wetteren, 1998 (Moneta) (par la suite abrégé D).

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Le second triens quant à lui est d’un type et d’un monétaire déjà connus ; nous leprésentons cependant car il fait connaître un nouvel exemplaire. Il se décrit commesuit (10) :

a/ +aBrINCataStète radiée, barbare à droite au dessus de deux traits horizontaux, deux globules

devant le visage et deux derrière la nuque.r/ LeVDVLFVS (les L sont posés en Γet le S final est inversé)Croix latine soudée sur un globe, au dessus de deux degrés, cantonnée d’un glo-

bule aux 1 et 2, et d’une croisette aux 3 et 4.Poids : 1,39 g. Ø : env. 12,4 mm. axe des coins : 3h.références : Lelewel (11), atlas, IV, 19 - Conbrouse (12), atlas, II,4 - B 14 - D. 4.L’exemplaire Belfort 14 est celui du musée de Metz (pièce brisée et ressoudée). Le

dessin qui en est donné par Belfort est à retourner pour l’avers. au revers, les auteursdécrivent un croissant au 3 et une petite croix grecque au 4. L’ouvrage de Prou ne réper-torie pas ce type , mais une acquisition ultérieure, répertoriée sous le numéro 292 bisde la BnF, semble être de mêmes coins que cet exemplaire ; l’orientation des axes enest la même.

Liste des triens portant le nom d’avranchesCompte tenu des deux nouvelles monnaies présentées ici,la liste des triens méro-

vingiens portant le nom d’avranches (aBrINCataS, aBrINKtaS...) classée par ordrealphabétique du nom de monétaire s’établit, à ce jour, comme suit :

1- aDaLBertVStype : ?Poids : ?, axe : ?, origine : ?, Conservation : ?références : B9 (d’après Cartier) - D8 - e&S p. 119.

2- aLGISILVS Mtype : a/ aBrIIICKtaS Croix ancrée;r/ aLGISILVSM Croix, le pied soudé à un degré, cantonnée de quatre globules.

10. Je remercie M. Samuel Gouet de m’avoir fait connaître cette monnaie et de m’en avoir com-muniqué les caractéristiques.

11. J. LeLeWeL, Numismatique du Moyen-âge considérée sous le rapport du type, 3 vol. etplanches, Paris, 1835.

12. G. CoNBrouSe, Catalogue raisonné des monnaies nationales de France, I : Mérovingiennes.Paris, 1839.

— 118 —

Fig. 8 (X 2)

La consultation rapide des planches de l’ouvrage de Prou indique, d’une part queles tiers de sou avec nom de monétaire et Victoire dégénérée sont beaucoup moins fré-quents que ceux à la Croix avec leurs nombreuses variétés ; d’autre part que les des-sins qui se rapprochent de l’exemplaire ici présenté, c’est à dire un personnage mar-chant à gauche et portant ou s’appuyant sur un croix se trouvent dans des atelierssitués dans l’ouest de la France, c’est-à-dire relativement proche d’avranches.

Nous en trouvons ainsi à :

- Bayeux (Calvados) : P 280 (pl. V, 7), sur cette monnaie la croisette initiale (ou unF) se trouve placée au bout de la hampe;

- Beaucé (Ille-et-Vilaine, cant. de Fougères) : P 502 (pl. IX, 12);- Campbon (Loire-atlantique, cant. de Savenay) : P 549 (pl. X, 11);- Marcillé-robert ( Ille-et-Vilaine, cant. de retiers) : P 503 (pl. IX, 13);- orléans (Loiret) ; P. 618 (pl. XI, 21).Des dessins du personnage tout à fait comparables mais où la croix est remplacée

par une palme ou une haste se voient à :- rennes (Ille-et-Vilaine) : P 487 (cf. L & P-L 27.562.1);- un exemplaire DoMNraCIo : P 84, (pl. II, 17).

Ce triens serait donc un jalon manquant entre les rares solidi au nom d’anastasemarqués des lettres a B que Jean Lafaurie affectait, avec prudence, à avranches (8) etles triens à la croix de différentes variantes, plus tardifs. L’atelier d’avranches n’a certespas eu une production importante ni continue dans le temps, mais son activité seserait poursuivie, avec des interruptions, du début du VIe siècle jusqu’à Pépin le Bref(9).

8. J. LaFaurIe, « Monnaies frappées en Gaule à l’époque de Clovis », dans M. rouche (éd.),Clovis, Histoire et Mémoire, I, Paris, 1997 p. 769-797.

9. Quoiqu’aucun denier d’argent mérovingien attribuable à avranches ne soit connu.

Fig. 2 : Beaucé Fig. 3 : Campbon Fig. 4 : orléans Fig. 5 : Bayeux

Fig. 6 : rennes Fig. 7 : avranches

— 121 —

références : B11 - D1 - P293 (pl. V, 15).

10- SoBrVLFVStype : a/ +SoBrVLF[V] tête radiée à droite;r/ +aBrINK[t]aS Personnage marchant à gauche tenant une croix inclinée.Pièce percée.Poids : 1,43 g. axe : 12h. origine : v. J. elsen 107/517. Cons. : Coll. privée.références : non connue.

11- WaDotrIDVNVStype : a/ +aBrINCataS Buste diadèmé à droite;r/ VVatrotIDVNVS Croix chrismée sur un globe accostée de deux étoiles.Poids : 1,42 g. axe : ? origine : v. Bourgey 2 XII 1964/1. Cons. : BnF r3513références : a.M. Stahl, Mérovingiens et royaumes barbares - Fonds Bourgey, 121.

Nous connaissons donc actuellement, pour avranches, 11 triens mérovingiens de8 monétaires différents. Parmi ces noms de monétaires, 5 ne sont pas connus parailleurs : algisulfus, Leubaste, Sepagiens, Sobrulfus et Watrotidunus. adalbertus est signalépour Maastricht (16) et un autre à Bâle (17) ; Berulfus est signalé à Vierzon (18) et àtonnerre (19). Leudulfus, pour sa part, se rencontre à Vancé (Sarthe) (20) et, selonnotre lecture, sur un triens de Belciaco (Beaucé, en Ille-et-Vilaine) conservé à la BnFsous le numéro 502 bis.

16. P 1188.17. B 804 et aussi vente Poinsignon n° 3.18. P 1710.19. P 162.20. VeNISCIaCo, BnF n° 556 bis, trouvé à Saint-Quay-Portrieux (Côtes-d’armor). À moins qu’il

ne faille localiser ce Venisciaco à Vains, en suivant le chanoine e.-a. PIGeoN, Vie des saintsdu diocèse de Coutances et Avranches, avranches, 1898, t. II, p. 165-166 ? en dernier lieu :Y. CoatIVY et J. NICo, « La monnaie mérovingienne de Veniscia », BSFN, 2007, p. 43-44.La question reste ouverte.

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SCHIeSSer (Philippe) — Cinq triens bayeusains : un inédit et quatre exemplairesconservés à la médiathèque de bayeux.

1. un triens bayeusain inédit

Fig. 1 : triens de Bayeux inédit (x 2)

Poids : 1,26 g. axe : 6 h. origine : Gercy (02) (13). Conservation : BnF 296références : B13 (coll. d’amécourt 56) - D7 (1,19 g ?) - P 296 (pl. V, 16).

3- BerVLFVStype : a/ +aBreN-KtaS Buste au diadème perlé à droite, étoile au-dessus ;r/ BeruL-FVSX Croix grecque sur un globe posé sur une ligne horizontale, 4 globules à l’exergue, étoile au dessus.Poids : 1,26 g (?) axe, origine : (??). Conservation : rouen 29références : B8 - D6 - e&S p. 119.

4- LeVBaS [Mo]type : a/ aBrINKtaS tête grossière au diadème perlé à droite ;r/ Croix grecque.Poids : 1,16 g. axe : 2 h. origine : Metz (57) (14). Conservation : BnF 295

5- LeVDVLFVStype : a/ +aBrINCataS tête radiée à droite sur deux degrés ;r/ LeVDVLFVS Croix latine sur deux degrés, cantonnée d’un globule aux 1 et 2,

d’un croissant (?) au 3 et d’une croisette au 4.Pièce cassée et recollée.Poids : 1,37 g (?). Conservation : Metzréférences : B14 - D4.

6- «type : même description que pour le n° 5 ( sauf une croisette au 3 du cantonne-

ment de la croix du revers).Poids : 1,37 g. axe : 3 h. Conservation : BnF 292 bis

7- «type : semble de mêmes coins que le n° 6.Poids : 1,36 g. axe : 3 h. Conservation : Coll. privée.

8- SePaGIeNStype : a/ aBrINKtaS Croix chrismée;r/ SePaGIeNS Croix grecque.Poids : 1,28 g. axe : 12h. origine : trésor de Bordeaux 11. Cons. : BnF 294références : B12 - D5 - P294.

9- «type : a/ aBrINKtaS tête laurée (?) à droite, regravée sur la croix chrismée du n° 8

ci-dessus (15) ;r/ identique au revers du n° 8 (même coin).Poids : 1,19 g. axe : 12h. origine : trésor de Bordeaux 10. Cons. : BnF 293

13. L. & PL. 2.341.1.14. L. & PL. 57.463.2.15. Comme l’a montré J.-P. GarNIer, « Changement de type par regravure d’une monnaie méro-

vingienne d’avranches », BSFN, juin 1995, p. 1086-1089.

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Il est entré après 1892 dans les collections de la Médiathèque municipale deBayeux car il est signalé dans la « collection de Cerville » dans le Belfort.

Le deuxième est inventorié sous le numéro 6 du Médaillier de la Médiathèquemunicipale de Bayeux et est le Belfort 6008, Depeyrot II n° 14 p 171 et Pl 53 (6).

a) BaIoCaS autour d’un buste diadèmé à droite.r) eomoNt [ ] autour d’un motif inidentifiable ou de lettres (mu ?) ; N et t liés,

un I pourrait leur être associé, il s’agirait alors de l’abréviation pour MoNItarius. Peutêtre s’agit-il d’une surfrappe ou d’un trèflage car les lettres centrales semblent seconfondre avec un motif.

La monnaie pèse 1,27 g et a un diamètre de 11 mm.une grande partie du médaillier conservé dans la médiathèque de Bayeux provient

du legs à la municipalité de la collection du numismate bayeusain François Doucet en1884 (7). Ce triens en provient probablement car il était signalé par Belfort dans les col-lections du « musée de Bayeux » en 1892.

Fig. 4 : triens de Béré numéro 5 (x 2)

un troisième triens est inventorié pour Bayeux sous le numéro 5 du médaillier dela Médiathèque municipale de Bayeux (8) mais doit être réattribué à Béré en Loire-atlantique car il est de même coin d’avers et de revers que le Prou n° 543 (9), DepeyrotIII n° 1 p 4 et Pl 1 (10).

rement à ce que sous-entendait J. Lafaurie en 1986 (p 50). on peut donc penser que le« denier » est un triens d’argent fourré qui aurait perdu sa dorure comme les Cahiers ernest-Babelon n° 8, n° 13.55.2.7 semblent l’indiquer (fautivement en « âme de cuivre d’un tremissisfourré »).

6. G. DePeYrot, op. cit. 7. J. JaMBu, « Les monnaies royales du médaillier de Bayeux », Numismatique en Normandie,

Actes de la journée d’étude de Bayeux du 17 Avril 2010, Paris, 2011 (recherches et travauxde la Société d’études Numismatiques et archéologiques n° 4), à paraître

8. Le « pré-classement », qui ne nous a pas été communiqué, n’a pas été pris en compte.9. Voir note 1.10. G. DePeYrot, Le numéraire mérovingien : L’âge d’or, III : Les ateliers centraux, Wetteren, 1998.

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Fig. 3 : triens de Bayeux numéro 6 (x 2)

Le premier exemplaire présenté ici est apparu sur un grand site internet de venteaux enchères. en voici la description :

a) +BaIoCaS autour d’une tête (casquée ?) à gauche. Début de légende à 8 h. Lesdeux a sont à l’envers du sens de lecture.

r) tINLoNaLDuS autour d’une croix sur un degré. Début de légende à 3 h. Le pre-mier L est à l’envers du sens de lecture (mais pourrait aussi être un G ; ou pour Prou(1) un F), le N et le a sont liés et le deuxième L apparaît sous forme d’une « apostrophe »abréviative. Le grènetis du revers semble « en arête de poisson », il n’est pas visible àl’avers.

La monnaie pèse 1,11 g et a un diamètre de 13 mm. elle est en or pâle. elle est main-tenant en collection privée.

Ce style de portrait ne se rapproche en rien des autres productions connues pourBayeux et ce monétaire est inconnu même pour d’autres ateliers.

2. deux triens bayeusains, un triens de béré (Loire-atlantique) et un triens deQuentovic (pas-de-Calais) conservés à la médiathèque de bayeux

Deux de ces triens étaient connus depuis le XIXe siècle par leur gravure dans le Belfort(2) mais ils sont présentés ici afin de continuer la publication des collections publiqueslors des journées de la SFN.

Fig. 2 : triens de Bayeux numéro 4 (x 2)

Le premier est inventorié sous le numéro 4 du médaillier de la Médiathèque muni-cipale de Bayeux et est le Belfort 609 découvert à Vaux-sur-aure (3).

a) BaIoCaS autour d’une croix ancrée et sur trois degrés. Le C est carré.r) aVDe [ra ] autour d’une croix cantonnée de 2 globules dont l’une des branches

est bifide.Belfort avait lu aVDeraNVS mais il semble difficile de s’avancer aussi loin (4). La monnaie pèse 1,11 g et a un diamètre de 11 mm. Cet exemplaire est celui

signalé comme non retrouvé par J. Lafaurie en 1986 lors de sa publication d’un denierde même type à 97% d’argent (5).

1. P. CXVII, M. Prou, Catalogue des monnaies françaises de la Bibliothèque Nationale, Les mon-naies mérovingiennes, Paris, 1892.

2. a. de BeLFort, Description générale des monnaies mérovingiennes par ordre alphabétiquedes ateliers, publiée d’après les notes manuscrites de M. Ponton d’Amécourt. Paris, 1892-95.5 volumes.

3. N° 14.732.1 J. LaFaurIe et J. PILet-LeMIere, Monnaies du Haut-Moyen Age découvertes enFrance (Ve-VIIIe siècle), Paris, 2003 (Cahiers ernest-Babelon n° 8).

4. Belfort 609, la monnaie est absente de G. DePeYrot, Le numéraire mérovingien : L’âge d’or,II : Les ateliers septentrionaux, Wetteren, 1998.

5. J. LaFaurIe, « Monnaie mérovingienne de Bayeux, trouvée à Marseille », BSFN, n° 5, mai1986, p. 49-51. Si l’on se base sur la couleur du métal, cet exemplaire est en bon or, contrai-

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MoeSGaarD (Jens Christian) — Renovatio Monetae et la chronologie desmonnaies de richard ier, duc de normandie 942/945-996 (1).

La chronologie des monnaies ducales normandes du Xe siècle est relativementbien connue, grâce à l’étude du trésor de Fécamp (Seine-Maritime) par FrançoiseDumas, publiée en 1971 (2). Dans son article de synthèse de 1979, Dumas donne desillustrations des types monétaires normands des Xe-XIIe siècle (3). Dans la présente note,je me limite aux monnaies antérieures au début du XIe siècle, lorsque les légendes devien-nent complètement corrompues (Dumas groupe a), c’est-à-dire le règne de richard Ier(942/945-996), débordant peut-être un peu sur le règne de son fils et homonymerichard II (996-1026). en regroupant quelques variantes, il s’agit de 10 types au nomde richard seul (Dumas pl. XV, 3-12, 14-15, XVI, 3-4), 2 types au nom de Saint-ouende rouen (Dumas pl. XV, 17-18), 4 types au nom de Saint-romain de rouen (Dumaspl. XV, 19-22, XVI, 1-2), 1 type attribué hypothétiquement à Hugues, archevêque derouen (Dumas XV, 23-24), et enfin 1 type au nom de l’énigmatique Hugues le Danois(Dumas pl. XVI, 5). Pour la plupart de ces types, Dumas propose des dates basées enpremier lieu sur leur occurrence dans les trésors monétaires, mais aussi sur leur style,l’orthographe, etc. Le corpus de Dumas n’est cependant pas complet. Depuis sonétude, un type inédit a fait son apparition (4), et des oboles correpondant à deux typesde deniers ont été publiées (5). Peut-être des nouvelles découvertes à l’avenir ajoute-ront des types aujourd’hui inconnus à la série.

Dans une étude antérieure, j’ai émis l’hypothèse de l’éventuelle existence du sys-tème de la renovatio monetae dans la Normandie ducale (6). Ce système consiste enl’introduction à intervalles réguliers d’un nouveau type monétaire, qui devient le seulautorisé pour les paiements. Les pièces anciennes ne sont plus autorisées à circuler. Lesdétenteurs doivent les échanger contre des nouvelles à un taux défavorable. ainsi lepouvoir émetteur se procure un profit, ce qui constitue, bien évidemment, tout l’inté-rêt du système (7).

Ce système n’est pas mentionné explicitement dans les sources écrites. en revanche,il est reflété par la composition des trésors monétaires, dans lesquels un seul typedomine habituellement, comptant pour au moins les deux tiers du trésor. Le pourcen-tage n’atteint que très rarement le taux de 100 %, car le pouvoir n’avait pas les moyensde faire respecter totalement le système. Cependant, la tendance est claire. Indirectementla multitude de types, comme c’est le cas en Normandie, constitue elle aussi un indicede l’existence de ce système. autrement, ce changement fréquent de type s’explique

1. Le présent travail a été effectué dans le temps libre de l’auteur.2. Françoise DuMaS, Le trésor de Fécamp et le monnayage en Francie occidentale pendant la

seconde moitié du Xe siècle, Paris, 1971.3. Françoise DuMaS, « Les monnaies normandes (Xe-XIIe siècles) », RN 1979, p. 84-140.4. tony MerSoN et Peter WooDHeaD, « Deux deniers rares ou inédits de richard I, duc de

Normandie (942-996) », BSFN 1997, p. 123-125.5. Michel DHéNIN, « une obole de richard Ier de Normandie (942-996) », BSFN 1995, p. 1089-

1090 ; Pierre Le roY et Jens Christian MoeSGaarD, « Monnaies normandes du Xe siècleinédites ou rares – le trésor de Saint-ours de Soleure (Suisse) », BSFN 1999, p. 142-145.

6. Jens Christian MoeSGaarD, « Renovatio monetae en Normandie à l’époque ducale ? », BSFN1998, p. 127-131, 206.

7. Bernd KLuGe, Numismatik des Mittelalters, Vienne-Berlin, 2007, p. 62-64.

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La légende en est :+BaIorate autour d’un buste diadème à droite. a et t liés.+aLaFIVS M autour d’une croix posée sur un globe.La monnaie pèse 1,24 g et a un diamètre de 11 mm.

Fig. 5 : triens de Quentovic numéro 7 (x 2)

Le dernier triens est de Quentovic, il est inventorié sous le numéro 7 du médaillierde la Médiathèque municipale de Bayeux, du type Depeyrot II n° 10 p 54 et PL. 13.

La légende en est :+VVICCo FIt autour d’un buste diadème à droite.+aNGLo moHet autour d’une croix sur deux degrés. Le premier N est inversé le

deuxième sous forme de H, e lunaire.La monnaie pèse 1,31 g et a un diamètre de 12 mm. elle a été percée au-dessus

de la tête à l’avers et sous le m du revers. elle est absente de l’inventaire fait par J. Lafaurieen 1996 (11) mais correspond à l’abondante série numérotée de 100 à 109 et serait ledouzième exemplaire de cette série.

Ces trois triens frappés à Bayeux représentent une part importante de la quinzainede monnaies mérovingiennes connues pour Bayeux et présentent un nouveau type etdeux exemplaires qui n’étaient connus que par leur gravure.

Le médaillier de la Médiathèque municipale de Bayeux conserve aussi une impor-tante collection de galvanoplasties de triens de Bayeux et environ 3 600 monnaies detoutes époques (12). Mais, pour paraphraser e. Babelon (13), ces triens sont les géné-raux de cette armée (14).

11. J. LaFaurIe, « Vvic in pontio : les monnaies mérovingiennes de vvicvs », analyses de J.-N.BaraNDoN, RN 1996, p. 181-239, Pl. XXIX-XXXII.

12. Ces collections ont été en parties publiées : pour les monnaies gauloises par P.-M. GuI-HarD, Monnaies gauloises et circulation monétaire dans l’actuelle Normandie, Collection dela médiathèque municipale de Bayeux (Calvados), Caen, 2008 (Publications du Centre derecherches archéologiques et Historiques Médiévales) et pour les principales monnaiesroyales par J. JaMBu, loc. cit. note 7.

13. ernest Babelon disait que, comme toute armée qui nécessite des généraux, une collection néces-site des pièces hors du commun.

14. Nous remercions J. Jambu d’avoir eu l’amabilité de nous signaler la présence de ces monnaiesà Bayeux, le personnel de la Médiathèque qui nous a reçu de façon très courtoise et parti-culièrement Madame Lemagnen, conservateur de la Médiathèque municipale.

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moins forte et une concentration de liaisons de coins pour le type le plus récent. or iln’a pas été possible de faire l’étude par coins du monnayage au monogramme. Quantà l’usure, elle semble plus importante pour les deniers au fronton que pour ceux au mono-gramme, ce qui est compatible avec l’idée de deux émissions successives (14).

(4) Gaillefontaine (Seine-Maritime), enfoui vers 1000/1033. 63 au même type(Dumas XVII, 1) parmi les 106 pièces (59 %) (15). Ce pourcentage élevé doit être misen regard de la multitude de types monétaires ducaux répertoriés pour la période. enregroupant quelques variantes, Dumas donne une vingtaine de types monétaires dif-férents pour le seul premier tiers du XIe siècle (Dumas XVI, 6-XVII, 11, groupe a).Gaillefontaine est un trésor classique dans un système de renovatio.

(5) Southampton (Grande-Bretagne), enfoui vers 1000/1033. Ce trésor homogèneest manifestement une somme amenée directement de Normandie. Il consiste en 22deniers normands, dont 21 identifiables, parmi lesquels 20 pièces (95 %) au typeDumas XVII, 6 (16).

Plusieurs trésors attestent le maintien de ce système jusqu’au XIIe siècle (17). enrevanche, le trésor de Coudres (eure) montre que le système n’était pas encore mis enœuvre dans les années 920 (18).

Si l’on accepte l’hypothèse de l’existence de la renovatio monetae en Normandiedès avant le milieu du Xe siècle, la question de la chronologie des émissions se poseen de nouveaux termes. Les types se succéderaient à intervalles plus ou moins régu-liers ; et deux types n’ont pu être fabriqués en même temps. Chaque type est produitpendant un laps de temps limité. Le but du présent article est de ré-examiner la chro-nologie des émissions sous cet aspect. L’approche proposée ici permet également deformuler quelques hypothèses sur le statut des monnayages au nom de Saint-romainet de Saint-ouen.

Il s’agit ici d’une première approche, basée essentiellement sur le témoignage destrésors. ultérieurement, il faudrait répertorier soigneusement tous les exemplaires connuspour chaque type et approfondir l’analyse typologique, stylistique et pondérale.

La plupart des trésors du Xe siècle contenant des deniers normands proviennent desrégions hors des frontières du Duché : andalousie (espagne), enfoui (bien ?) après 950(19) ; turwia (Pologne), vers 955/967 (20) ; Soleure (Suisse), enfoui vers 960/965 (21) ;

14. DuMaS, Le trésor... op cit., p. 95, 97, cf. p. 81-87.15. Jean LaFaurIe, « trésor de deniers du XIe siècle trouvé à Gaillefontaine (Seine-Maritime) »,

Histoire et numismatique en Haute-Normandie, éd. Nancy GautHIer, Caen, 1980, p. 117-129, à compléter par trois pièces supplémentaires au Musée départemental des antiquités dela Seine-Maritime, inv. 63.1.1 à 3.

16. Michael DoLLeY, « the coins and jettons », Excavations in Medieval Southampton 1953-1969,vol. 2, Leicester, 1975, p. 315-331, voir p. 321, 326-328, nos C.1-22, pl. 134-135.

17. MoeSGaarD, « Renovatio monetae... », loc. cit. ; Jérôme JaMBu et Jacqueline PILet-LeMIere, « un petit trésor de deniers normands de la fin du XIe-début du XIIe siècle trouvéà Louviers », BSFN 2008, p. 68-74.

18. Jens Christian MoeSGaarD, « a Survey of Coin Production and Currency in Normandy, 864-945 », dir. James GraHaM-CaMPBeLL & Gareth WILLIaMS, Silver Economy in the VikingAge, Walnut Creek, 2007, p. 99-121, voir p. 116.

19. MerSoN et WooDHeaD, « Deux deniers rares... » loc. cit. Le trésor est mal documenté,et il y avait peut-être des pièces plus récentes.

20. Peter ILISCH, « Zum Schatzfund von turwia in Grosspolen », Moneta mediævalis, Varsovie2002, p. 81-87.

21. Le roY et MoeSGaarD, « Monnaies normandes... », loc. cit., avec bibliographie.

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difficilement. La renovatio est attestée en plusieurs endroits d’europe, par exemple enangleterre à partir de 973 (8), au Danemark à partir de 1060 environ (9), à Metz à par-tir du début du XIe siècle (10).

en Normandie, le petit nombre de trésors convenablement étudiés rend toutefoisdifficile toute certitude concernant le système monétaire. Cependant, les quelques tré-sors répertoriés suggèrent fortement la mise en œuvre de la renovatio monetae dès avantle milieu du Xe siècle. Pour la période précoce, il s’agit des trésors suivants :

(1) Mont-Saint-Michel (Manche), enfoui vers 940/943. trésor mal documenté, vrai-semblablement composé d’au moins 9 monnaies, dont 5 anglaises et 4 normandes. Laprésence des monnaies anglaises s’explique probablement par des circonstances poli-tiques particulières, comme le propose Dolley et Yvon dans leur publication du trésor.Sur les 4 monnaies normandes, 3 sont au type de Saint-ouen de rouen (Dumas XV, 16),soit 75 % d’un seul type (11), ce qui indiquerait l’existence du système de renovatio mone-tae. Cependant, le faible nombre de pièces et la carence de renseignements certainsconcernant ce trésor empêchent d’en tirer des conclusions trop définitives.

(2) évreux (eure), église Saint-taurin, enfoui vers 942/945. Sur les 58 monnaies bienrépertoriées de ce trésor, 38 sont au type frappé au nom de Louis IV, roi des Francs, pen-dant sa domination de rouen de 942 à 945 (Dumas XV, 2), soit 66 %. Neuf monnaiessupplémentaires mal-documentées seraient au même type, ce qui augmenterait lepourcentage à 70 % (12). L’interprétation de ces chiffres est difficile, car la situation poli-tique instable après l’assassinat de Guillaume Longue-epée en 942 rentre en ligne decompte. S’agit-il ici d’un effort de Louis, souverain extérieur, pour évincer les pièceslocales antérieures ? ou bien est-ce le résultat d’une émission massive qui en peu detemps inonda la circulation monétaire ? C’est possible, mais il est également envisa-geable d’y voir les effets d’une politique délibérée de renovatio monetae, déjà dans lesmœurs à l’atelier monétaire rouennais.

(3) Fécamp (Seine-Maritime), enfoui vers 980/985. Sur les 8584 pièces étudiés parDumas, 3239 sont à un seul type au fronton et au nom de richard (Dumas XV, 10-11)(38 %) et 2782 sont au type au monogramme attribué hypothétiquement à l’archevêqueHugues (XV, 23-24) (32 %). ainsi, ces deux types totalisent 6021 pièces, soit 70 % dutrésor (13). Si l’on accepte l’attribution à Hugues, on peut y voir deux émissions paral-lèles contemporaines par respectivement le duc et l’archevêque. on peut aussi y voirdeux émissions purement ducales consécutives, le trésor étant enfoui très peu de tempsaprès l’introduction du nouveau type. Dans ce cas-là, on se serait attendu à une usure

8. Ian SteWart, « Coinage and recoinage after edgar’s reform », Studies in Late Anglo-SaxonCoinage, dir. Kenneth JoNSSoN, Stockholm, 1990, p. 455-485.

9. Jørgen Steen JeNSeN, « the introduction and use of runic letters on Danish coins around theyear 1065 », Runes and their secrets, Copenhague, 2006, p. 159-168.

10. Kenneth JoNSSoN, « Coin Circulation in Viking-age Germany », dir. Stanisław SuCHoL-DoLSKI & Mateusz BoGuCKI, Money circulation in Antiquity, the Middle Ages and ModernTimes. Time, Range, Intensity, Varsovie-Cracovie, 2007, p. 109-126, voir p. 121.

11. Michael DoLLeY & Jacques YVoN, « a group of tenth-Century Coins found at Mont-Saint-Michel », BNJ 40, 1971, p. 1-16 ; cf. Jens Christian MoeSGaarD, « Les Vikings en Bretagned’après les monnaies », BSFN 2006, p. 131-139 ; Jens Christian MoeSGaarD, « Les deniersde Saint-ouen de rouen (Xe siècle) », BSFN 2009, p. 242-246.

12. Jens Christian MoeSGaarD, « Le trésor de Saint-taurin à évreux (Xe siècle) », CahNum158, décembre 2003, p. 23-40.

13. DuMaS, Le trésor... op cit.

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attesté dans les trésors se rattache typologiquement au type XV, 17. Le type BSFN1997, p. 124-125, au nom de richard, serait de cette période également. en tout, 5 ou6 types, en excluant le type énigmatique de Hugues le Danois et en considérant XV,7-9 et XV, 19 comme un seul type, et idem pour XV, 15 et XV, 17. Il y aurait donc eudes émissions parallèles au nom du duc et au nom d’un saint, mais aussi des émissionsau seul nom de Saint-romain (XV, 20-21). Il convient de se rappeler que l’attributiondu monogramme du type XV, 23-24 à l’archevêque Hugues est hypothétique.

Vers 985-vers 990/1000 : Dumas XV, 22, Saint-romain (Le Puy, 2 ex ; Dungarvan,1 ex. ; Kamieniec, 1 ex.) ; XVI, 1-2, richard marquis et Saint-romain (Klein roscharden,1 ex. ; Skäggs, 1 ex. ; « trouvaille russe », 1 ex.) ; XVI, 3, richard seul, comte ? (CoSen cantonnement) (Le Puy, 1 ex). Par la déformation des légendes, le type Dumas XV,18, au nom de richard et non attesté dans les trésors, est datable de la fin de la période.Dumas XVI, 4 est une variante du XVI, 3. en tout, entre 2 et 3 types, dont la plupartau nom de Saint-romain, parfois associé au nom du duc. XVI, 1-2 et XVI, 3-4 sont lemême type, mais avec des titulatures différentes.

en supposant que l’hypothèse de l’existence de la renovatio monetae en Normandieest correcte, que peut on déduire de ce qui précède ? tout d’abord, il convient de sou-ligner la part d’incertitude dans la documentation, due d’une part au nombre restreintde trésors et aux imprécisions des datations d’enfouissments, et d’autre part, à l’incertitudeconcernant le laps de temps entre la frappe d’une monnaie et son enfouissement. Il enressort néanmoins de l’analyse que le nombre de types attestés et leur répartition chro-nologique concordent assez bien avec un système de renovatio tous les 4 ans environ.

Le système semble bien organisé et fermement contrôlé par le duc. Par consé-quent, les monnayages au nom des saints ouen et romain ne doivent pas être consi-dérés comme des monnayages indépendants du duc ; bien au contraire, il doit s’agird’émissions sous contrôle ducal. Comme nous l’avons vu, il existe des monnaies asso-ciant le nom du duc à celui de l’atelier, d’autres avec le nom d’un saint et celui de l’ate-lier, ainsi que des monnaies avec la mention simultanée des trois noms. toutes ces mon-naies doivent être considérées comme ducales. La mention du nom du saint serait unsimple hommage au saint protecteur de la ville, et non pas le signe d’un monnayageecclésiastique indépendant. en effet, le nom d’un saint sur une monnaie ne suffit paspour en faire une émission ecclésiastique. rappelons que les Vikings installés enangleterre frappèrent monnaie au nom de Saint-Pierre, Saint-Martin et Saint-edmundsans qu’on puisse vraiment discerner s’il s’agit de monnayages laïcs ou ecclésiastiques.Cependant, dans l’absence de monnayage contemporain au nom des rois vikingsanglais, l’hypothèse de monnayages royaux semble la plus plausible (32). Le mon-nayage de Saint-Denis au type GDr est-il vraiment abbatial ? Les monnaies sont en tout– type, poids, titre – conformes à la réglementation royale. Peut-être sont-elles doncroyales, le nom de Saint-Denis ne signifiant que le lieu d’émission. Dans l’espace ger-manique, la mention de saints sur des monnaies clairement impériales ou royales estfréquente aux Xe et XIe siècles (33).

32. Mark BLaCKBurN, « expansion and control: aspects of anglo-Scandinavian Minting southof the Humber », dans Vikings and the Danelaw, oxford, 2001, p. 125-142 ; Mark BLaCK-BurN, « the Coinage of Scandinavian York », dans Aspects of Anglo-Scandinavian York, York,2004, p. 325-349.

33. Bernd KLuGe, Deutsche Münzgeschichte, Sigmaringen, 1991, nos 36, 60, 84, 90, 95, 114,121-124, 127, etc.

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Fécamp (Seine-Maritime, France), vers 980/985 (22) ; Iona (écosse), vers 985/990 (23) ;Vålse (Danemark), après 991 (24) ; Skäggs (Suède), après 991 (25) ; Klein roschardenII (allemagne), 996/1002 (26)  ; Le Puy (Haute-Loire, France), vers 998/1002 (27)  ;Dungarvan (Irlande), vers 1000 (28) ; « trouvaille russe », fin Xe ou début XIe siècle (29) ;Kamieniec (Pologne), après 1011 (30). Il n’y a pas assez de trésors pour établir une chro-nologie fine. Il faut se contenter de diviser le règne en trois tranches chronologiques :

Vers 945-vers 965 : Dumas XV, 3, richard (Soleure, 3 ex. ; Fécamp 1 ex.) ; XV, 5,richard (Soleure, 2 ex. ; andalousie, 1 ex.) ; XV,6, richard (Soleure, 4 ex. ; Fécamp 1 ex.) ;Dumas XV, 12 ? (31) richard (turwia, 1 ex.) ; XV, 14, richard marquis (turwia, 1 ex).Par son style, le type Dumas XV, 4, au nom de richard et non attesté dans les trésors,se rattache à cette phase. en tout, entre 5 et 6 types, tous au nom de richard.

Vers 965-985 : Dumas XV, 7-9, richard (Fécamp, 18 ex. ; Vålse, 1 ex) ; XV, 19, mêmetype, au nom de Saint-romain (Fécamp, 1 ex.) ; XV,20-21, Saint-romain (Fécamp, 2ex.) ; XVI,5, Hugues le Danois, Hvalcric (Fécamp, 2 ex.) ; XV,17, Saint-ouen (Iona, 3ex.). Fin de la période : Dumas XV, 10-11, richard (Fécamp, 3239 ex.) ; XV, 23-24,richard et Hugues ? (Fécamp, 2782 ex.). Le type XV, 15, au nom de richard et non

22. DuMaS, Le trésor... op cit.23. robert B. K. SteVeNSoN, « the Iona Hoard of anglo-Saxon coins », NC 1951, p. 68-90 ;

Michael DoLLeY & Karl F. MorrISoN, « Finds of Carolingian Coins from Great-Britain andIreland », BNJ 32, 1963, p. 75-87, voir p. 83, n° 21 ; SCBI, 6, edimbourg, nos 745-747 ;Michael MetCaLF, « the monetary significance of Scottish Viking-age coin hoards with a shortcommentary », The Viking-Age Gold and Silver of Scotland, dir. James GraHaM-CaMP-BeLL, edimbourg, 1995, p. 16-24, voir. p. 22 (cf. p. 147).

24. Christian Jürgensen tHoMSeN, « om de occidentalske Mynter i Vaalse-Fundet », Annalerfor Nordisk Oldkyndighed 1842-1843, p. 33-51, voir p. 41, 47, n° 13, pl. V, 40 (état à la décou-verte, légèrement ébréché) ; Jens Christian MoeSGaarD, « Monnaies normandes dans lesrégions baltiques à l’époque viking », RN 2005, p. 123-144, voir p. 134, avec bibliographiesupplémentaire, et pl. XI,3 (état actuel, cassé et incomplet) ; Mark BLaCKBurN et KennethJoNSSoN, « the anglo-Saxon and anglo-Norman element of north european coin finds »,Viking-Age Coinage in the Northern Lands, oxford, 1981, p. 147-255, p. 218, n° D22.

25. MoeSGaarD, « Monnaies normandes dans les régions baltiques... », op. cit., p. 135-136,avec bibliographie, pl. XI,4.

26. Hermann DaNNeNBerG, « Der Zweite Fund von Klein-roscharden », Zeitschrift fürNumismatik, 15, 1887, p. 281-290, voir p. 287, n° 35 ; alfred von SaLLet, « Die erwerbungendes Königlichen Münzkabinets », Zeitschrift für Numismatik, 16, 1888, p. 1-32, voir p. 16 ;Peter BerGHauS, « Die Münzen von Klein-roscharden », Oldenburger Jahrbuch 51, 1951,p. 196-206, voir p. 199, n° 24 ; DuMaS, « Les monnaies normandes... », loc. cit., p. 107,n° 6 ; SCBI 36, Berlin, p. 14, n° 6.

27. Jean LaFaurIe, « Le trésor monétaire du Puy (Haute-Loire) », RN 1952, p. 59-169, voirp. 125, 2-4, et pl. III,2-4.

28. DoLLeY & MorrISoN, « Finds of Carolingian Coins ... », loc. cit., p. 83, n° 23 ; DuMaS,« Les monnaies normandes... », loc. cit., p. 106, n° 3.

29. Voir annexe 1.30. Hermann DaNNeNBerG, « Der Fund von Schoeningen », Zeitschrift für Numismatik, 11, 1884,

p. 253-263, voir p. 263, n° 31 et pl. XI, 31 ; émile CaroN, « a propos de deux deniers duXe ou XIe siècle publiés par M. Dannenberg », ASFN 9, 1885, p. 158-163 ; DuMaS, « Lesmonnaies normandes... », loc. cit., p. 107, n° 5 ; pour la date d’enfouissement : Bernd KLuGe,« Das angelsächsische element in den slawischen Münzfunden des 10. bis 12. Jahrhunderts.aspekte einer analyse », Viking-Age Coinage in the Northern Lands, oxford, 1981, p. 257-327, voir p. 296.

31. Voir annexe 2.

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(43), il fut accepté par Potine en 1965 (44) et, sous réserve, par Dumas en 1979 (45).or ce rapprochement pose problème, car selon les comptes rendus disponibles, ce

trésor aurait été découvert en 1847, soit 6 ans après la première mention de la mon-naie de richard (46). Sa composition précise n’est pas connue ; on sait qu’il contenaitaussi bien des monnaies anglo-saxonnes que des allemandes, mais nous ignorons laproportion de chacun des groupes. on a pu fixer sa date d’enfouissement après 1034(47). Si une majorité de monnaies d’Æthelred II n’est pas formellement exclue à cettedate tardive, elle reste néanmoins peu vraisemblable.

Par conséquent, il y a deux possibles interprétations de ces données : soit Carondisposait de renseignements fiables, affirmant l’appartenance de la monnaie au trésorde Zvenigorod, soit il se trompait. Dans le premier cas, la date de découverte rappor-tée par Köhne doit être considérée comme fausse. Dans le second cas, il convient dese demander de quel trésor il s’agit alors. Si l’on regarde le répertoire de trésors moné-taires russes contenant des pièces d’Æthelred II, seules les trouvailles de totemskijrajon/Streleckij Prihod et de Velikij ust’ug sont antérieures à 1841 (48) et peuvent pré-tendre à être la source de la monnaie au nom de richard. elles sont toutefois malconnues. or, à l’époque de Köhne, la Finlande, les pays baltes et une partie de laPologne appartenaient à la russie. aucun trésor provenant de ces régions cependantne remplit les critères du trésor décrit par Köhne en 1850 (49), peut être à l’exceptionde celui de Põltsamaa en estonie (50).

en conclusion, je pense qu’il faut rester prudent et stipuler comme provenance « tré-sor russe (frontières XIXe siècle), lieu précis inconnu, découvert avant 1841, composéessentiellement de monnaies anglaises du règne d’Æthelred II (978-1016) ».

annexe 2 : Le trésor de turwia et l’hypothétique type dumas xv, 13L’histoire mouvementée du trésor de turwia a récemment fait l’objet d’un article

de synthèse par Peter Ilisch (51). Découvert vers 1846 à tureff/turwia (aujourd’hui en

43. N. Bauer, « Die russischen Funde abendländischer Münzen des 11. und 12. Jahrhunderts »,Zeitschrift für Numismatik, 39, 1929, p. 1-187, voir p. 179-180, n° 126.

44. V. M. PotINe, « Deniers français et italiens des Xe-XIe siècles dans les trésors russes et le com-merce de la russie médiévale », Congresso internazionale di numismatica, vol. 2, Atti, rome,1965, p. 617-621, voir p. 617.

45. DuMaS, « Les monnaies normandes... », loc. cit., p. 110, n° 17.46. B. de KÖHNe, « Über die im russischen reiche gefundenen abendländischen Münzen des

X, XI und XIIten Jahrhunderts [première partie] », Mémoires de la Société d’Archéologie et deNumismatique de St. Pétersbourg, 1849, p. 352-448, voir p. 368-369. De surcroît, les piècesde ce trésor seraient conservées dans la collection du comte Stroganoff, mais ce collection-neur a très bien pu faire un échange avec reichel ou bien une vente.

47. KLuGe, « Das angelsächsische element...  », loc. cit. p. 312, n° r13. SCBI 50, St. Pétersbourg,p. 11, n° 6.

48. KLuGe, « Das angelsächsische element.. », loc. cit., p. 311, n° r1 ; Bauer, « Die russischenFunde... », loc. cit., p. 168, nos 79-80 ; KÖHNe, « Über die im russischen reiche ... [premièrepartie] », loc. cit., p. 369, n° 11. Voir également tuukka taLVIo, « the ‘russian Find’ of anglo-Saxon Coins in the British Museum », BNJ, 60, 1990, p. 134-135.

49. KLuGe, « Das angelsächsische element.. », loc. cit.  ; BLaCKBurN et JoNSSoN, « theanglo-Saxon and anglo-Norman element ... », loc. cit. ; listes des trouvailles dans SCBI 25(Finlande), 36 (Berlin), 37 (Pologne), 45 (Lettonie), 50 (Saint-Pétersbourg) et 51 (estonie).

50. SCBI 51, estonie, p. 9, n° 2.51. ILISCH, « Zum Schatzfund von turwia in Grosspolen », loc. cit., avec références complé-

mentaires.

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Peut-être le monnayage au nom de Saint-ouen de rouen vers 940 doit-il êtreconsidéré sous le même angle, à savoir comme une émission purement ducale. Dansce cas, nous avons deux types successifs pendant le règne de Guillaume Longue-epée : le type au nom de Guillaume (Dumas XV, 1) et le type au nom de Saint-ouen(XV, 16) (le statut du type au titre breton (34) est incertain – s’agit-il d’une émission localebas-normande ?). Le système de renovatio serait donc introduite dès ce règne, vers930/935, ce qui concorde bien avec nos observations sur le trésor du Mont-Saint-Michel, cf. ci-dessus.

Que l’introduction du système date de 930 ou de 950, cette hypothèse fait de laNormandie le premier pays à avoir introduit la renovatio monetae, autrement dit, soninventeur. D’où venait l’inspiration ? Peut-être des renouvellements de la masse moné-taire effectués dans l’empire carolingien en 793/794, 813 (?), 816, 822/823, 864 (35)et en angleterre vers 852, 862,866, 875, 885 environ (36). Mais l’idée de le faire sou-vent et à intervalles réguliers en exploitant le potentiel fiscal à fond était nouvelle.

Il est fort à espérer que de nouvelles découvertes monétaires permettent de testerla validité des hypothèses formulées ici.

annexe 1 : le denier dumas xvi, 1 et le trésor de ZvenigorodNous connaissons un seul denier de richard Ier découvert en russie (frontières du

XIXe siècle). Il s’agit de l’exemplaire illustré chez Pa pl. IV, 4, et Dumas pl. XVI, 1. Ilappartenait à la collection de Jakob reichel à Saint-Pétersbourg. La première mentionconnue date de mars 1841 dans une lettre du numismate danois Christian Jürgensenthomsen à reichel (37). La pièce est publiée en 1842 avec une illustration sous formede gravure dans le catalogue de la collection reichel (38), puis republiée par Longpérieren 1843 (39), par Köhne en 1850 (40) et par Poey d’avant en 1858 (41). La gravure ducatalogue reichel (reprise par Köhne) et celle de Longpérier (reprise par Poey-d’avant)varient un peu sur les détails, mais il n’y a aucun doute qu’il s’agit d’un seul et mêmeexemplaire. Seul l’article de Köhne donne une provenance : un trésor russe, sans pré-cision, composé en majorité de monnaies d’Æthelred II, roi d’angleterre (978-1016).en 1893, Caron identifia ce trésor avec celui trouvé à Zvenigorod, à une cinquantainede km à l’ouest de Moscou (42). Si, en 1929, Bauer passe ce rapprochement sous silence

34. DoLLeY et YVoN, « a group... », loc. cit.35. Voir travaux de Simon CouPLaND, Carolingian Coinage and the Vikings, aldershot, 2007.36. Philip GrIerSoN & Mark BLaCKBurN, Medieval European Coinage, vol. 1, Cambridge, 1986,

p. 307-309.37. Jørgen Steen JeNSeN, « Christian Jürgensen thomsen og Jakob reichel – en numismatisk og

etnografisk brevveksling mellem København og Sankt-Petersborg 1821-1855 [deuxième par-tie] », Danske Magazin, série 9, volume 1, fascicule 4, 2004, p. 541-607, voir p. 550, n° 40.

38. Die Reichelsche Münzsammlung in St. Petersburg, vol. 7, 1842, p. 341-342, n° 2053, etp. 371 (vignette).

39. a. de LoNGPerIer, « Monnaies normandes », RN 1843, p. 52-62, voir p. 57-58, pl. V, 3.40. B. de KÖHNe, « Über die im russischen reiche gefundenen abendländischen Münzen des

X, XI und XIIten Jahrhunderts (Zweiter artikel) », Mémoires de la Société Impériale d’Archéologie,1850, p. 34-109, voir p. 105-106, n° 392, vignette (= illustration du catalogue reichel).

41. Faustin PoeY D’aVaNt, Monnaies féodales de France, vol. 1, Paris, 1858, n° 118, pl. IV,4(= illustration de Longpérier).

42. émile CaroN, « répertoire chronologique des principales trouvailles monétaires intéressantla numismatique française », ASFN, 17, 1893, p. 341-356, voir p. 345 (le renvoi à la RN 1862ne concerne pas la pièce normande).

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étant donné la rareté des pièces en question, il est improbable que Cappe ait possédéun Dumas XV, 12 provenant d’une autre source. enfin, pourquoi aurait-on négligé deprendre une empreinte de l’hypothétique Dumas XV, 13, si cette pièce existait ?

en conclusion, je pense que le trésor de turwia contenait un Dumas XV, 12 et unDumas XV, 14. Le type Dumas XV, 13 – très proche typologiquement du XV, 12 –n’existerait donc pas en réalité : il ne reposerait que sur une description imprécise dansla publication de Köhne, et est à supprimer de la série des monnaies normandes.

1. Maison Varesi (Pavie, Italie), Vente aux enchère du 21-22 novembre 2007, lot n° 428. Danscette vente, c’est le premier lot d’un chapitre intitulé  : « une intéressante collection demédailles commémorant des évènements, lieux ou personnages du sud de l’Italie ». Descriptionet traduction du catalogue : Sans date. – roger de Hauteville Grand Comte de Sicile (XIe siècle)diamètre 29 mm, ae, fonte du XVe siècle. extrêmement rare. accompagné du commentairesuivant : Manquant dans la bibliographie consultée, probablement inédite. roger de Hauteville,dit le Normand, libérateur de la Sicile, qui vainquit et expulsa les musulmans et à loccasionde la libération de la ville de Piazza armerina fut réalisée cette medaille, qui commémoredonc l’évènement. C’est le début de l’histoire moderne de l’île.

2. G. MaLaterra, De rebus gestis Rogerii Calabriae comitis et Roberti Guiscardi ducis fratriseius (introduction, traduction et notes de V. Lo Curto), Cassino, 2002. J. DeuVe, L’épopéedes Normands d’Italie, LIeu ?, 1995.

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GarNIer (Jean-Pierre) — une médaille de la renaissance italienne au nom deroger ier de Hauteville, comte de sicile en 1072, grand comte de sicile de 1096 à1101.

en novembre 2007, une médaille apparement inédite était proposée aux enchèrespubliques (1) à Pavie en Italie. Le côté exceptionnel de cette médaille se trouve dansle personnage qui y est célébré. roger Ier de Hauteville comte de Sicile.

rappel historique (2)en l’an 1016, une quarantaine de pèlerins normands revenant de terre Sainte,

débarquent à Salerne, près de Naples, alors que dans le même temps la cité était atta-quée par des pirates sarrazins. en effet, la Sicile voisine était dominée par les musul-mans. Les Normands se rangent aux côtés des milices locales et font fuir les Sarrazins.Le prince de cette région, Guaimar IV, les remercie en les couvrant de présents et lessollicite pour qu’ils aillent en Normandie recruter des volontaires (on dirait aujourd’huides mercenaires) pour venir chez lui organiser la défense de sa principauté. C’est ledébut de l’implantation normande en Italie.

en janvier 1043, les Normands, ayant pris le parti de rome, sont engagés contreles Byzantins. Ils décident alors de conserver les régions d’apulie qu’ils ont conquiseset créent le comté de Melfi dont les fortifications initiales on été érigées par roger Ierde Hauteville. en 1047, Dreux ou Drogon, l’un des fils de tancrède de Hauteville, devientduc de Pouilles et de Calabre. Quelques années seulement après leur implantation enItalie, les Normands y règnent et sont considérés au même rang que les plus anciensprinces lombards. Les Hauteville qui sont originaires du Cotentin, viennent du villageéponyme, situé à 13 kilomètres au nord-est de Coutance.

roger dit Bosso, dernier fils de tancrède de Hauteville, a eu 11 frères nés des deux

Pologne, à l’époque en allemagne), il entra dans la collection de H. Ph. Cappe àBerlin, collection dispersée depuis. aujourd’hui, le trésor n’est connu que par lespublications faites par B. Köhne en 1850 et 1851 (52). Köhne se basa sur les notes deCappe, lesquelles, malheureusement, semblent peu fiables dans le détail.

Ce trésor contenait entre autres deux deniers ducaux normands qui sont docu-mentés par la description qu’en donne Köhne en 1850. Si l’une des pièces se laisse sansdifficulté identifier comme Dumas XV, 14 (= Pa IV, 3 d’après un exemplaire de la col-lection Lecarpentier, aujourd’hui à la Bibliothèque Municipale de rouen, cat. Lec.1322), l’autre n’est connue par aucun autre exemplaire, si l’on se fie à la descriptionqu’en donne Köhne, si bien qu’elle est illustrée sur les planches de F. Dumas (XV, 13)par un dessin construit « d’après description de la publication ».

Il s’avère que la Collection royale des Monnaies et Médailles du Musée Nationaldu Danemark possède des empreintes en papier aluminium de deux deniers normands(deux empreintes de chaque monnaie), provenant, d’après l’étiquette, de la collectionCappe à Berlin. elles représentent un denier du type Dumas XV, 12 (= Pa IV, 2 d’aprèsun exemplaire de la collection Lecarpentier, aujourd’hui à la BM de rouen, cat. Lec.1320) (fig. 1-2) et un autre du type XV, 14 (fig. 3-4). Même si, malheureusement, lesétiquettes taisent la provenance archéologique, il s’agirait selon toute vraisemblancedes deux pièces de turwia. en effet, le type XV, 14 y était représenté. De surcroît,

52. B. de KÖHNe, « Über die im russischen reiche gefundenen abendländischen Münzen desX, XI und XIIten Jahrhunderts (Zweiter artikel) », Mémoires de la Société Impériale d’Archéologie,IV, 1850, p. 34-109, voir p. 107 ; B. de KÖHNe, « Der Fund von tureff », Mémoires de la Sociétéimpériale d’Archéologie, V, 1851, p. 241-248.

Fig. 1 et 2

Fig. 3 et 4

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pape Nicolas II (4), après le concile de Melfi, avait offert à roger, en s’engageant à luidonner l’île de Sicile, s’il réussissait à la conquérir et à en chasser les sarrazins. Par recon-naissance envers les habitants de Piazza, roger leur aurait offert la bannière afin qu’ellesoit vénérée dans le grand autel de leur cathédrale. au revers du même bronze, figurecette évocation de la Vierge à l’enfant Jésus, avec comme légende MarIa MaterDNI ou « Marie mère du Seigneur ».

observations sur le revers de la médailleon peut traduire la légende Plutia Piatia Deinceps, par « Plutia, Piatia ensuite »,

confirmé par deux éminents latinistes : Marc Bompaire, ici présent, et Michel Dhénin.en effet, en latin Plutia est l’ancien nom de la ville (5) et Piatia, l’actuel, dont le nomitalien est Piazza, plus précisément Piazza armerina, car l’histoire nous dit que cetteville de Sicile située dans la province d’enna, près de la célèbre et très grande villaromaine du Casale (IIIe siècle), a été « la place d’armes de l’armée normande » (6). ence qui concerne le triskèle, le nom italien de trinacria vient de trinakrie, du grec « trêisàkrai », qui signifie « trois pointes » ou « trois promontoires ». C’est Homère qui auraitsurnommé ainsi l’île de Sicile en raison de ses trois caps : Peloro, Passero et Lilibeo.on remarquera que la traditionnelle tête de Méduse ne figure pas au centre du triskèle,mais qu’elle a été remplacée par une sorte de disque percé en son centre et ressem-blant à un moyeux de roue.

origine connue de la médailleDans le catalogue de vente où figure cette médaille, le rédacteur mentionne

« Mancante nella bibliografia consultata, probabilmente inedita. » en réalité, aprèsquelques longues recherches et surtout de la chance, nous avons pu retrouver la traced’une médaille similaire décrite et reproduite en 1725 par Joannes-Georgius Graevius(7) (fig. 3).

Il y a une grande différence dans l’interprétation de la médaille par le graveur dela planche, ce qui est très fréquent au début du XVIIIe siècle. Cependant, en compa-rant l’original de notre médaille avec le dessin de la planche, et en nous reportant autexte correspondant à la description de cette partie de la médaille, lequel nous dit « cumcapite armato superius » nous pouvons identifier « l’objet ovoïde » placé au dessus dutriskèle, à savoir « une tête en arme » c’est à dire une tête casquée présentement tour-née à gauche. La forme du casque rappelle bien sûr les casques normands.

4. Gérard de Bourgogne, évêque de Florence depuis 1046, est élu pape à Sienne le 6 décembre1058, jour de la Saint-Nicolas. Godefroy le Barbu chasse de rome l’antipape Benoît X.Nicolas II est intronisé par le concile de Sutri le 24 janvier 1059. anecdote : C’est sous sonrègne, au synode de Caen en 1061, qu’il fut décidé qu’on sonnerait chaque soir l’angélus pourinviter les fidèles à la prière et qu’ensuite ils devaient rentrer chez eux et fermer leur porte.

5. F. SaBBatHIer, Dictionnaire pour l’intelligence des auteurs classiques, grecs et latins, Paris,1788, t. 34, p. 375 : « PLutIe, Plutia, ville de Sicile. Il n’est fait mention de cette ville quedans Cicéron, qui la range parmi celles qui éprouvèrent les vexations de Verrès ».

6. aujourd’hui encore dans cette ville, on peut assister au Palio des Normands, qui est unecourse de preux chevaliers en costumes du Moyen-Âge, pour commémorer l’entrée dans laville du comte roger de Hauteville. Cette fête qui dure trois jours a lieu chaque année au moisd’août lors des célébrations de la Vierge.

7. J.G. GraeVIuS, Thesaurus Antiquitatum Historiarum Siciliae..., Lugduni Batavorum (Leyde,Pays-Bas), 1723, vol. XII, p. 44, pl. 3, fig. 2.

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épouses successives de son père. Il est arrivé en Italie en 1057 pour aider son frère robertdit Guiscard dans la conquête de la Calabre et de la Sicile, dominées par les Byzantinset les Sarrazins. La même année il devient comte de Calabre, puis en 1072 il est comtede Sicile et enfin, en 1096, grand comte de Sicile, jusquà sa mort en 1101.

La médaille en voici la description (fig. 1) :

au droit : roGerIVS – CoMeS, le comte roGer de Hauteville à cheval à gauche,portant un étendard sur l’épaule droite.

revers : PLVtIa – PIatIa – DeINCePS, le triskèle (ou la trinacria), emblème de laSicile depuis l’antiquité, réprésenté par trois jambes fléchies comme saisies en pleinecourse. Le triskèle est surmonté par un élément indistinct, que nous évoquerons plusbas, ainsi que son centre qui n’est pas orné par la traditionnelle tête de Méduse.

Diamètre : 29 mmPoids : 14,60 gMétal : Fonte en alliage de cuivre

Fig. 2

observations sur le droit de la médailleLe graveur de la renaissance a manifestement transposé sur son œuvre le type du

célèbre trifollaro de bronze de roger Ier frappé à Mileto en Calabre (fig. 2) (3), sur lequelfigure un cavalier normand à gauche (roger) portant un étendard sur l’épaule droite,accompagné de la légende roGerIVS CoMeS. L’étendard qu’il porte sur l’épaule faitallusion à la bannière ou vexillum à l’image de la Vierge et de l’enfant Jésus, que le

3. BNF 1972/14, diamètre maximum 30 mm (don de madame Nadia Kapamadji). remerciementà Jean-Yves Kind qui a bien voulu me laisser consulter ces monnaies.

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WaCK (rené) — Les demi-francs et quarts de franc frappés à rouen sous le règnede Louis xiii.

L’atelier monétaire de rouen a régulièrement frappés des demi-francs et quarts defrancs au début du règne de Louis XIII de 1611 à 1619, puis plus épisodiquement en1623 et en 1626 et 1627 (1). Les années de frappes 1637 et 1641 signalées par un auteurnous paraissent très hypothétiques (2).

Cet atelier se singularise par une grande variété d’effigies, de croix, de présence oud’absence de grènetis, de légendes de droit et par le nombre de globules cantonnantla lettre L au revers. Cette grande diversité est particulièrement frappante pour l’année1615, année au cours de laquelle furent frappés 300 851 demi-francs et quarts par équi-valence, soit la frappe la plus importante toutes années confondues après celle d’unautre atelier normand Saint-Lô, qui cette même année a frappé 558 126 demi-francset peut être de quarts par équivalence (3). alors que l’atelier monétaire de Saint-Lô connaîtune grande uniformité des frappes, celui de rouen est très inventif, ayant pu recenserà ce jour plus de vingt variétés et associations différenciées de coins de droit et de revers.

Les livraisons de matrices et de poinçons d’effigie par les graveurs parisiens (livrai-sons en mars 1614 de poinçons d’effigie de demi-franc et quart de franc par Pierreregnier , puis les 6 et 12 juin 1615 de poinçon d’effigie et de matrice de demi-francpar Nicolas Briot) (4) ne peuvent à elles seules expliquer cette grande variété qui esttrès probablement due au graveur local Henri regnault et à une utilisation extensivede tous les coins disponibles étant donnée la très forte activité de l’atelier. À titred’illustration nous pouvons signaler l’utilisation en 1615 de la croix fleuronnée non fleur-delisée au revers qui était d’usage sous le règne d’Henri IV alors que pour les annéesantérieures de 1611 à 1614 la croix feuillue et fleurdelisée était utilisée.

Les archives mentionnent une dernière livraison de poinçons d’effigie et de matricespour les demi et quart de franc en décembre 1626 et janvier 1627 (5) mais nous igno-rons à quel type, aucune monnaie de cette période n’ayant à notre connaissance étéretrouvée et ce bien qu’il y ait eu des frappes en 1626 (2456 demi-francs et peut êtrequarts par équivalence) et en 1627 (3070 demi-francs et peut être quarts par équiva-lence) (6).

Pour illustrer cette diversité de l’atelier de rouen nous allons présenter dix-huit mon-naies frappées entre 1611 et 1623 comprenant treize demi-francs et cinq quarts defrancs (7).

1. F. DrouLerS, Répertoire général des monnaies de Louis XIII à Louis XVI (1610-1792), Larochelle, 2009 ; editions GaDourY, Monnaies royales françaises (1610-1792), Monaco, 2001.

2. F. DrouLerS, Répertoire général des monnaies de Louis XIII à Louis XVI (1610-1792), Paris,1987.

3. DrouLerS, op. cit., GaDourY, op. cit.4. arch. Nat., Z1b 348a.5. arch. Nat., Z1b 348a.6. DrouLerS, op. cit., GaDourY, op. cit.7. toutes ces monnaies proviennent de collections privées. Nous remercions très particulière-

ment M. Joël Holoubek, numismate professionnel parisien, qui nous a permis de présenterle quart de franc de 1614.

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Quelle a pu être la raison de célébrer par une telle médaille, probablement au XVesiècle, le comte roger Ier et la ville de Piazza armerina. Nous ne pouvons répondreà cette question, mais la ville était la « place d’armes de l’armée normande » et noussavons que roger, par dévotion et reconnaissance envers les habitants de cette ville,leur offrit la bannière de la Vierge à l’enfant Jésus, afin qu’elle fût vénérée dans l’au-tel majeur de la cathédrale. Nous savons aussi que la reconnaissance des habitants del’île envers leurs libérateurs ne s’est jamais démentie. aujourd’hui encore à Piazzaarmerina se déroule chaque année le Palio des Normands, qui est une course de che-valiers en costumes du Moyen-Âge, qui commémore l’entrée dans la ville du comteroger de Hauteville. Cette fête a lieu chaque année depuis 1952, les 12, 13 et 14 août.

encore un peu d’histoireQuand roger Ier meurt en 1101, ses deux fils roger et Simon sont encore mineurs,

mais Simon meurt en 1105 et roger reste le seul héritier. C’est seulement en 1112 queroger II devient grand comte de Sicile, puis en 1127 duc de Pouille, de Calabre et deSicile. trois ans plus tard en 1130, il se fait couronner à Palerme et devient alors le pre-mier roi de Sicile, il meurt en 1154. La domination normande dans la région est alorstellement importante quelle occupe tout le sud de l’Italie, depuis la frontière sud desétats pontificaux, et bien sûr toute la Sicile.

ConclusionLa découverte de cette médaille, bien que nous n’en connaissions pas son auteur,

nous a permis de revenir sur un épisode glorieux de l’histoire de ces princes partis deNormandie pour conquérir, pacifier, mais aussi pour construire et structurer de étatsasservis. Je terminerai par cette citation de rené Herval, historien de la Normandie, dis-paru en 1972 (1890-1972) : « Moins de cent ans après qu’une poignée de pèlerins nor-mands écrasa sur le rivage de Salerne une troupe de corsaires musulmans, un splen-dide royaume, prototype de nos états modernes et porte-flambeau de la civilisationcontemporaine, était normand. » (8).

8. J. DeuVe, op. cit., p. 113.

Fig. 3

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descriptions1. Demi-franc 1611 (fig. 1) diamètre 27 mm, poids 6,71 g.a/ (lég. à 6h) LVDoVICVS.XIII .D :G.FraNC.et.NaVa.reX. couronnelle (8).Petit buste enfantin lauré, cuirassé avec fraise dessous B, point 15e sous le G.r/ (lég. à 12h) croix échancrée SIt.NoMeN.DoMINI.BeNeDICtVM.1611L cantonné de 4 globules au centre d’une croix feuillue et fleurdelisée, point 15e

sous le B.remarques : le portrait d’effigie est identique à celui utilisé par l’atelier de toulouse

de 1611 à 1627 ; le point placé sous la 15e lettre est une survivance de l’ancien pointsecret attribué à l’atelier de rouen ; ce type est également connu pour les années1612, 1613 et 1614.

2. Demi-franc 1614 (fig. 2) diamètre 27 mm, poids 6,96 g.a/ (lég. à 6h) LVDoVICVS.XIII.D.G.FraNC.et.NaVa.reX trèfle croisé en queue (9).Grand buste enfantin, lauré, drapé et cuirassé avec fraise dessous B point 15e.r/ (lég. a 12h) croix échancrée SIt.NoMeN.DoMINI.BeNeDICtVM 1614L cantonné de 4 globules au centre d’une croix feuillue et fleurdelisée, point 15e remarque : le type de portrait de cette monnaie est très particulier et ne se rencontre

pas dans les autres ateliers qui frappaient à cette période, il s’agit probablement de l’uti-lisation du poinçon d’effigie du demi-franc envoyé à rouen par Pierre regnier.

3. Demi-franc 1615 (fig. 3) diamètre 26 mm, poids 7 g.a/ (lég. à 6h) LVDoVIC .XIII .D :G .FraN .et .NaVa .reX couronnelle (10).Buste identique à celui de la fig. 1 dessous Br/ (lég. à 12h) croix échancrée SIt. NoMeN.DoMINI.BeNeDICtVM. 1615L cantonné de 4 globules au centre d’une croix fleuronnéeremarques : ce type a été distingué pour la première fois pas M. Jean Duplessy dans

le trésor de Vauclair (11) ; il est à noter qu’au droit le r de FraN n’a pas de trait enbas (r sans pied) : s’agit-il de la marque utilisée par le graveur Henri regnault en1615 ? Cette particularité n’est pas signalée à notre connaissance (12).

4. Demi-franc 1615 (fig. 4) diamètre 28 mm, poids 7,08 g.a/ identique à la monnaie précédente (fig. 3) avec r sans piedr/ (lég. à 12h) croix échancrée SIt.NoMeN.DoMINI.BeNeDICtVM.1615L cantonné de 8 globules au centre d’une croix feuillue et fleurdelisée dans un grè-

netis intérieur

5. Demi-franc 1615 (fig. 5) diamètre 27 mm, poids 6,95 g.a/ (lég. à 6h) LVDoVIC.XIII.D :G.FraN.et.NaVa.reX couronnelle, r sans piedPetit buste adolescent lauré, drapé et cuirassé avec fraise dessous B dans un grè-

netis intérieurr/ identique à celui de la monnaie précédente (fig. 4)

8. Marque du maître Michel Duval.9. Marque du maître thomas Boucher.10. Marque du maître Michel Duval.11. J. DuPLeSSY, « un trésor monétaire à l’abbaye de Vauclair », Cahiers archéologiques de

Picardie, n° 6, 1979, p. 189 n° 406.12. F. arBeZ, J. VIGourouX, « Les différents de la Monnaie de rouen de 1610 à 1715 »,

CahNum, n° 188, juin 2011, p. 47-54.

remarque : au droit le F de FraN qui n’a pas de trait en bas (F sans pied) est lamarque attribuée au graveur Henri regnault (15).

11. Demi-franc 1616 (fig. 11) diamètre 28 mm, poids 6,92 g.a/ (lég. à 6h) .LVDoVIC.XIII.D :G.FraN.et.NaVa.reX. couronnelle, F sans piedBuste adolescent lauré,drapé et cuirassé avec fraise dessous B, point 13e sous le Gr/ (lég. à 12h) croix échancrée SIt.NoMeN.DoMINI.BeNeDICtVM 1616L cantonné de 4 globules au centre d’une croix feuillue et fleurdelisée, point 15e

sous le B.

15. F. arBeZ, J. VIGourouX, loc. cit.

— 140 — — 141 —

remarque : nous connaissons plusieurs variétés de ce type de monnaie avec le Bbrochant ou non, le grènetis au droit et avec le L cantonné de 4 ou de 8 globules aurevers.

6. Demi-franc 1615 (fig. 6) diamètre 29 mm, poids 7,09 g.a/ (lég. à 6h) LVDoVIC.XIII.D :G.FraNC.et.NaVa.reX couronnelle, r sans piedBuste identique à la monnaie précédente (fig. 5) dessous B, point 13e sous le G.r/ identique aux fig. 4 et 5.remarque : le surprenant point 13e sous la lettre G résulte probablement du fait

que la légende du droit ayant été abrégée de LVDoVICVS à LVDoVIC et que le pointétant par habitude placé sous la lettre G il se trouve être 13e au lieu de 15e.

7. Demi-franc 1615 (fig. 7) diamètre 28 mm, poids 6,99 ga/ identique à celui de la fig. 5.r/ (lég. à 12h) croix échancrée SIt.NoMeN.DoMINI.BeNeDICtVM point 14e

sous le Iremarque : le surprenant point 14e bien visible sous le second I de DoMINI

résulte très certainement du trèflage intervenu lors de la frappe de la monnaie.

8. Demi-franc 1615 (fig. 8) diamètre 27 mm, poids 6,84 g.a/ identique à celui de la fig. 6 avec le point 13e sous le G et le r sans pied.r/ identique à celui de la fig. 3 avec la croix fleuronnée.

9. Demi-franc 1615 (fig. 9) diamètre 27 mm, poids 7,09 g.a/ (lég. à 7h) .LVDoVIC. XIII. D :G.FraN.et.NaVa.reX à l’exergue B. couronnelle,

r sans piedGrand buste juvénile tête nue, drapé et cuirassé avec fraise dans un trois-quart de

grènetis intérieur.r/ (lég. à 12h) croix échancrée SIt.NoMeN.DoMINI.BeNeDICtVM. 1615L cantonné de 8 globules au centre d’une croix feuillue et fleurdelisée dans un grè-

netis intérieurremarques : ce type d’effigie à la tête nue est connu en début du règne pour les

ateliers de Paris (a), rouen (B), Saint-Lo (C), Lyon (D), tours (e), angers (F), Dijon (P)(13), (troyes (S), amiens (X) et rennes (9) ; pour rouen il s’agit très probablement del’utilisation du poinçon d’effigie envoyé à cet atelier par Nicolas Briot, graveur géné-ral, en juin 1615 ; il est à signaler que tous les ateliers cités ci-dessus ont tous reçu despoinçons d’effigie de demi-franc envoyés par le graveur général en 1614 et ou 1615(14).

10. Demi-franc 1616 (fig. 10) diamètre 29 mm, poids 6,98 g.a/ (lég. à 6h) LVDoVIC.XIII.D :G.FraN.et.NaVa.reX. couronnelle, F sans piedPetit buste adolescent lauré,drapé et cuirassé avec fraise dessous B dans un grènetis

intérieurr/ (lég. à 12h) croix échancrée SIt.NoMeN.DoMINI.BeNeDICtVM 1616L cantonné de 4 globules au centre d’une croix feuillue et fleurdelisée dans un grè-

netis intérieur

13. BSFN, juin 2009, p. 136-140.14. arch. Nat., Z1b 348a.

— 143 —

r/ identique à la monnaie précédente mais le L central n’est cantonné que de 4 glo-bules.

18. Quart de franc 1617 (fig. 18) diamètre 34 mm, poids 3,28 g.a/ (lég. à 6h) LVDoVI XIII.D :G.FraN.et.NaVa.reX couronnelle, F sans piedPetit buste adolescent lauré, drapé et cuirassé avec fraise dessous B, point 12e

sous le Gr/ (lég. à 12h) croix échancrée SIt.NoMeN.DoMINI.BeNeDICtVM 1617L cantonné de 4 globules au centre d’une croix feuillue et fleurdelisée dans un grè-

netis intérieur.remarques : la graphie LVDoVI du droit est très inhabituelle et nous ne connais-

sons pas d’autres ateliers ayant utilisé cette graphie sous le règne de Louis XIII ; le point12e très singulier sous le G au droit peut également s’expliquer par la diminution deslettres de la titulature royale et du fait que, par habitude, le point secret a continué àêtre placé sous la lettre G devenant ainsi 12e au lieu de 15e ; la marque du graveurHenri regnault à savoir le F sans trait en bas de FraN est présente.

1. Lucia traVaINI, « Le zecche illustrate: iconografia e interpretazione », Conii e scene diconiazione, rome, 2007, p. 259-299.

2. Nous tenons à remercier arnaud Clairand et Jean-Pierre Garnier pour leurs conseils.

— 142 —

BottIN (Georges), JaMBu (Jérôme), MoeSGaarD (Jens Christian) —représentations de frappe monétaire dans la Manche.

Les scènes montrant des monnayeurs à l’œuvre sont relativement rares dans l’artmédiéval et moderne. récemment, Lucia travaini a dressé un état de celles que nousconnaissons (1). Cependant, deux exemples provenant du département de la Manchefont défaut à son catalogue. Le but de la présente note est d’attirer l’attention desnumismates sur ces deux documents méconnus (2).

La première représentation figure sur un chapiteau de l’église Sainte-Croix de Saint-Lô (Manche, ch.-l.-dép., INSee 50-502) (fig. 1). L’église date primitivement du XIIesiècle, mais elle fut quasiment reconstruite lors d’une restauration en 1860 ; seulsquelques éléments de l’ancienne église survécurent grâce à l’intervention de ProsperMérimée. De nouveau touchée par les bombardements de 1944, l’église fut restauréeaprès la guerre. au Moyen age, la nef servait d’église paroissiale, tandis que le chœurabritait un collège de chanoines.

Parmi les éléments décorés du XIIe siècle se trouve, dans la nef, un chapiteau en pierrecalcaire qui pourrait être de Caen ou de Valognes, représentant sur sa face principalel’enfer, et sur l’une des faces latérales la Crucifixion. Sur l’autre face latérale se trouveune scène réputée montrer saint éloi forgeant, ou bien le saint en monnayeur. on y voitun personnage à gauche assis sur une chaise, frappant de sa main droite avec un mar-teau sur un outil tenu par sa main gauche ; cet outil est posé sur un autre, lui-même posésur une enclume ou un ceppeau. Cet outil biparti pourrait bien être une paire de coins,ce qui accréditerait l’hypothèse du monnayeur. Cependant, le rendu très stylisé de la scène,ainsi que son état de conservation, empêchent toute certitude. en effet, le chapiteau dansson état actuel présente un aspect récent qui est probablement le résultat de retouches,

remarques : la chevelure ainsi que les lauriers de l’effigie ont été retouchés, ce « per-ruquage » a probablement été effectué, comme c’était la « mode », alors, dans les annéestrente.

12. Demi-franc 1617 (fig. 12) diamètre 28 mm, poids 6,27 g.Les droit et revers sont identiques à la fig. 11, date 1617 mais le portrait n’est pas

retouché et présence de la marque du graveur.

13. Demi-franc 1623 (fig. 13) diamètre 27 mm, poids 6,99 g.a/ (lég. à 6h) .LVDoVIC.XIII.D :G.FraN.et.NaVa.reX. triangle sur croissant, F

sans piedPetit buste adolescent lauré, drapé et cuirassé avec fraise dessous B.r/ (lég. à 12h) croix échancrée SIt.NoMeN.DoMINI.BeNeDICtVM 1623L cantonné de 4 globules au centre d’une croix feuillue et fleurdelisée, point 15e

sous le Bremarques : absence de point secret au droit ; le point en triangle dans un petit crois-

sant est la marque du maître abraham Lasnier et le F sans trait en bas (F sans pied) estcelle du graveur Hubert regnault (16).

14. Quart de franc 1614 (fig. 14) diamètre 24 mm.a/ (lég. à 6h) LVDoVICVS.XIII.D :G.FraNC.et NaVa.reX trèfle croisé en queue

(17).Petit buste adolescent lauré, drapé et cuirassé avec fraise dessous Br/ (lég. à 12h) croix échancrée SIt.NoMeN.DoMINI.BeNeDICtVM 1614L cantonné de 4 globules au centre d’une croix feuillue et fleurdelisée, point 15e

sous le B ?

15. Quart de franc 1615 (fig. 15) diamètre 23 mm, poids 3,51 g.a/ (lég. à 6h) LVDo…………..I.D :G Fr….et.NaVa.reX couronnelle (18).Petit buste adolescent, lauré, drapé et cuirassé avec fraise dessous B.r/ (lég. à 12h) croix échancrée SIt.NoMeN.DoMINI.BeNeDICtVM. 1615L cantonné de 4 globules au centre d’une croix fleuronnée.remarques  : la légende du droit est en partie illisible et la croix fleuronnée au

revers est identique à celle des demi-francs des fig. 3 et 8 ; comme sur les demi-francsde 1615, on constate l’absence de trait en bas du r de FraN.

16. Quart de franc 1615 (fig. 16) diamètre 23 mm, poids 3,43 g.a/ (lég. à 7h) .LVDoVIC.XIII.D :G.FraN.et NaVa.reX à l’exergue B. couronnelle,

r sans pied.Petit buste adolescent lauré, drapé et cuirassé avec fraise dans un grènetis intérieurr/ (lég. à 12h) croix échancrée SIt.NoMeN.DoMINI.BeNeDICtVM. 1615L cantonné de 8 globules au centre d’une croix feuillue et fleurdelisée dans un grè-

netis intérieur.

17. Quart de franc 1615 (fig. 17) diamètre 23 mm, poids 3,43 g.a/ le droit est identique à la monnaie précédente et l’absence de trait sous le r de

FraN est bien visible

16. F. arBeZ, J. VIGourouX, loc. cit.17. Marque du maître thomas Boucher.18. Marque du maître Michel Duval.

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car l’outil biparti tenu par la main de ce bras constitue le principal argument en faveurde l’hypothèse d’un monnayeur plutôt que celle d’un forgeron. Le rendu du chapeauet de la chaise diffère lui-aussi entre la gravure, montrant l’état avant restauration, et lechapiteau tel qu’il se présente aujourd’hui (3).

au XIIe siècle, il n’y avait pas de fabrication monétaire à Saint-Lô. Seul rouen estattesté comme atelier monétaire dans le duché de Normandie à cette époque. Le choixdu sujet est donc difficile à expliquer et doit être lié à l’iconographie du saint, telqu’on le voit sur le célèbre chapiteau de l’abbatiale de Saint-Georges à Saint-Martin-de-Boscherville (Seine-Maritime) (4). Le chapiteau a peut-être été commandé par lesorfèvres de la ville. Notons cependant que les monnayeurs semblent avoir eu unevénération particulière pour la Sainte Croix, à laquelle l’église est consacrée. Plus tardau Moyen age, les monnayeurs du Serment d’empire se réunirent en parlement géné-ral lors de la fête de la Sainte-Croix au mois de mai (5). Peut-on imaginer que les mon-nayeurs de rouen, seul atelier en activité dans le duché, aient témoigné de leur dévo-tion envers la Sainte Croix en offrant un chapiteau à la lointaine église de la Saint-Lô ?

La deuxième représentation se trouve sur la pierre tombale du monnayeur saint-loisPhilippe des Hayes, mort en 1649 à l’âge de 70 ans (6) (fig. 3-4). Cette pierre se trouve

3. John Sell CotMaN, Architectural Antiquities of Normandy, Londres, 1822, vol. 2, p. 104-107et pl. 88 (nous tenons à remercier Jacques Le Maho pour avoir attiré notre attention sur cetouvrage) ; rené LeCLerC, « Monnaies et monnayeurs à Saint-Lô », Annuaire des cinq dépar-tements de la Normandie, congrès de Saint-Lô 1930, 98e année, Caen, 1931, p. 85-148, voirp. 83-84 ; Claudine BIHeL, « art roman dans la région de Saint-Lô. Monographies », Art deBasse-Normandie, 98, 1989, p. 35-39 pour la notice sur Sainte-Croix de Saint-Lô ; Maylis BaYLé,« La sculpture romane dans la région de Saint-Lô », ibid., p. 50sq. ; Charles de GerVILLe,Voyage archéologique dans la Manche (1818-1820), édition annotée par M. Guibert, vol. II,Saint-Lô, 2000, p. 257-313.

4. Lucien MuSSet, La Normandie romane, vol. 2. La Haute-Normandie, 2e éd, Sainte-Marie dela Pierre-qui-Vire, 1985, fig. 67.

5. Henri roLLaND, Monnaies des comtes de Provence, Paris, 1965, p. 51-52. Nous remercionsMarc Bompaire pour avoir attiré notre attention sur ce fait.

6. Les registres paroissiaux (baptêmes, mariages, décès) ne sont conservés qu’à partir de 1692pour cette paroisse, http://recherche.archives.manche.fr/?id=recherche_etat_civil sous la com-mune Mancellière-sur-Vire (La).

— 144 —

Fig. 3

voire d’une recomposition lors des travaux de l’église de 1860. Son état primitif estdocumenté par une gravure, malheureusement peu précise dans le détail, publiée en1822 par l’artiste anglais John Sell Cotman (fig. 2). Sur cette gravure, on ne voit que lebras droit tenant le marteau. L’autre bras fait défaut. or le manque de détails et le renduschématique de la gravure nous empêchent de savoir si l’absence du bras gauche faitpartie de l’œuvre à l’origine, ou bien si elle est la conséquence d’une dégradation sur-venue au cours des siècles. Cependant, force est de constater que le bras gauche dansson état actuel est le résultat de la restauration du XIXe siècle. Ce constat pose problème,

Fig. 1

Fig. 2

— 147 —

d’une représentation stéréotypée exécutée, selon ces canons de l’époque, par un sculp-teur local qui n’a peut-être jamais rencontré le défunt.

À cette époque, la Monnaie de Saint-Lô connaissait un surnombre de monnayeursdont se plaignait la communauté d’habitants puisque cela faisait autant de privilégiésexemptés d’impôts : 112 en 1611, chiffre record de 150 en 1615, réduction drastiqueà 24 par richelieu en 1625 qui ne semble avoir conservé que les chefs de lignage, entre70 et 80 en 1634 quand les mauvaises habitudes de nommer tous les membres desfamilles sont reprises (11).

(Photos : Guy De Gand.)

11. Cf. JaMBu, op. cit., p. 114-116.

1. Je remercie particulièrement M. Daniel Slowik qui m’a communiqué les photographies desplombs de sa collection.

2. a. SaBatIer, Sigillographie historique des administrations fiscales, communautés ouvrièreset institutions diverses ayant employé des sceaux de plomb (XIVe-XVIIIe) : Plombs historiésde la Saône et de la Seine, Paris, 1912.

— 146 —

JéZéQueL (Yannick) — plombs normands de l’industrie textile et de la fiscalité auxxviie et xviiie siècles (1).

La longueur de cette communication et l’abondance des illustrations dépassant lesusages de publication du Bulletin de la Société, on trouvera ici un large résumé du sujet.

Le propos est de redonner aux plombs pour sceller la place qu’ils occupent dansl’histoire de l’industrie et de la fiscalité d’ancien régime. un nombre assez importantsde ces plombs ayant été retrouvé pour la province de Normandie, les journées numis-matiques de Caen ont semblé appropriées pour les remettre à l’honneur.

Les bulles en plomb, qu’elles soient royales, papales ou seigneuriales ont très tôtsuscité l’intérêt des chercheurs alors que les autres scellés restaient dans l’ombre. en1884, adrien Blanchet publie un premier article dans les annales de la SFN sur un plombd’entrée de la douane de rouen et quelques numismates, théry, affry de la Monnoieou Maxe-Werly recueillent quelques plombs qui sont aujourd’hui au Cabinet desmédailles. Mais il faut attendre 1912 et la publication du travail très documenté du doc-teur lyonnais antoine Sabatier (2) pour disposer d’un ouvrage de base. Cette remarquableétude sera suivie de quelques rares communications à la SFN, et puis plus rien pen-dant près d’un siècle...

Les plombs pour sceller n’appartiennent pas vraiment au domaine de la numis-matique, mais il existe quelques liens de parenté suffisants pour attirer l’attention desnumismates :

- ils sont frappés avec des coins sur les flans préparés,- un certain nombre de ces coins a été gravé par la Monnaie,- dans de nombreux cas, des légendes permettent d’identifier l’émetteur, le lieu d’émis-

sion comme sur les monnaies,- les plombs officiels font, comme les monnaies, l’objet d’un texte légal fixant leur

utilisation.

à l’église de La Mancellière-sur-Vire (Manche, arr. Saint-Lô, cant.Canisy, INSee 50-287) (7). en gra-nit, elle est située dans le sol de lanef et mesure 1,81 x 0,47 m. Dansson centre se trouve un cartoucheavec, sculpté en bas-relief, un per-sonnage élégamment habillédebout à gauche. Il porte une épéeau côté gauche et tient un marteaude la main droite, tapant sur unepile qui représente probablementune paire de coins stylisée (8). De part et de l’autre du cartouche

se trouve l’inscription mortuaire circulaire : / ICI rePoSe Le / CorPS De M[aItr]e PHI-LIPe DeSHee, VIVaNt M / oNoYer a / S[aIN]t-Lo, DeCeDe Le 4 aVrIL 1649 aGeDe 70 / aNS, LeQueL / a DoNNe Par SoN teStaMeNt 40 / LIVreS / De reNte aL’eGLIZe Pour Ce / LeBre[r] La MeSSe MatINaLe au DIMe / NCHe et 4 oBI[t]ZeS 4 teMPS. /

L’atelier monétaire royal à Saint-Lô fonctionna de 1351 à 1656. Philippe des Hayesest attesté comme monnayeur à Saint-Lô en 1617. en 1634, il y avait un autre Des Hayesmonnayeur à Saint-Lô, peut-être un neveu, nommé Gilles, fils de feu Jean (9). or il nes’agit pas d’une grande ou illustre famille de monnayeurs saint-lois ; aucun Des Hayesne figure dans les sources à la Monnaie avant le début du XVIIe siècle (10).

L’appellation « maître » est typique pour qualifier un notable qui ne soit pas nobleen Normandie à l’époque moderne. Beaucoup de monnayeurs usaient par ailleurs dece titre dans le royaume. on remarquera également que Philippe des Hayes se fait repré-senter avec l’épée au côté, mise très en évidence : le privilège de son port pour les mon-nayeurs comble le manque de noblesse, à qui il est habituellement réservé, d’unhomme qui veut pourtant se faire identifier parmi les élites.

Sa tenue est quant à elle caractéristique du début du siècle, du règne d’Henri IV(1589-1610) ; or notre homme meurt au milieu du siècle. Là encore, rien d’étonnant,mais une habitude que l’on relève souvent : celle de se faire représenter dans l’époquede sa pleine réalisation (de la fleur de l’âge !) ou dont on est nostalgique (et les Saint-Lois furent particulièrement fidèle à Henri IV). Notons également qu’il n’était pas habi-tuel que les vieilles personnes soient « à la mode » et cela leur conférait une certainesagesse que de revêtir le costume de leur passé. Bien entendu, il s’agit certainement

7. Voir le site de la Conservation des antiquités et des objets d’arts de la Manche (Caoa)http://objet.art.manche.fr/xml/caoa.asp?xml=variable&xsl=Ficheobjet.

8. GerVILLe, op. cit., p. 126-128.9. LeCLerC, loc. cit., basé sur les notes du fonds Lepingard conservées aux archives de la

Manche. aucun des documents d’époque sur lesquels il a pu s’appuyer n’a survécu à la des-truction des archives en 1944.

10. Sur les « dynasties » cf. Jérôme JaMBu, Production et circulation monétaires en Normandieoccidentale à l’époque moderne (milieu du XVe-fin du XVIIIe siècle), thèse de doctorat,université de Caen-Basse-Normandie, 2008, 2 tomes, 850 p., voir p. 97-99. (Cette thèse esten cours de publication aux Pur.)

Fig. 4

— 149 —— 148 —

Plombs à plateaux

Plomb à tunnel

Plomb en aumonière

Planche I

Ces plombs ont des formes variées selon l’usage qui en est fait. Pour les plus fré-quents, on distingue trois types avec des variantes (voir planche I).

Le plomb à plateau, toujours fixé (on dit à l’époque « happé ») sur les piècesd’étoffe, est constitué de deux rondelles reliées par une languette. L’un des plateauxporte un ou deux trous et l’autre un ou deux ergots en saillie qui passent dans le troulors du pliage sur l’étoffe et qui sont écrasés lors de la frappe du sceau.

Le plomb à tunnel est frappé sur un flan assez épais pour être percé diamétralementd’un tunnel, qui peut être simple, double ou en Y. C’est généralement un plomb d’em-ballage dans lequel passent les liens du ballot.

Le plomb en aumonière dont le type ne s’est rencontré que pour les plombs de tabacet qui semble d’un usage très limité dans le temps. Il comporte un seul plateau avecun système d’attache plus complexe.

Quelques plombs normands permettent de donner un aperçu de la très grandevariété de ces scellés de plomb. on distinguera ceux qui sont propres à la Normandie,plombs de fabricants, et ceux qui sont présents sur l’ensemble du royaume et ne se dif-férencient que par le nom de la ville d’émission.

Depuis le Moyen-Âge, l’industrie la plus répandue en France est celle du textile,et très tôt, on a vu apparaître une appellation d’origine attestée par le plomb, le nomde la ville sur une face, les armes sur l’autre (amiens, arras, Lille...). La Normandie,où l’on produit laine, lin et chanvre, n’échappe pas à la règle.

Le plus ancien plomb normand que je connaisse est probablement celui deMontivilliers, dans la banlieue du Havre, célèbre dès le XIVe siècle pour ses draps (II.1) :

- armes de Montivilliers, église à trois clochers, un lézard au-dessous (3).- VILL sous un tilde pour VillarisØ : 22 mm

un autre plomb médiéval qui a connu une grande longévité, celui de rouen poursceller les draps de qualité supérieure, ceux que l’on appelait les « draps du scel ». Ceplomb, décrit dès 1451, « a pour empreinte d’un côté la figure d’un agneau, et de l’autreune S et une r (4) couronnées accompagnées de deux fleurs de lis; lequel poinçon nedoit être mis que par un des boujonneurs (5), et seulement sur les draps de la fabriquede rouen » (II.2) :

- Sr sous une couronne, un lis de chaque côté.- L’agneau pascal la tête nimbée et contournée, portant une bannerette.Ø : 24 mm

Pour les fabricants qui utilisent un sceau « au 4 de chiffre » ou simplement un cœur,l’identification est difficile. L’ancre marine utilisée par un fabricant rouennais en est unevariante. (II.3) :

- (..)HueY a roVeN, ancre marine accostée de deux cœurs.- revers illisible.Ø : 17 mm

Il faudrait, pour chaque plomb de fabricant, disposer d’un document écrit, acquisà caution ou dépôt des marques, mais ces documents ont très souvent disparu. tous

3. La présence de l’animal s’éclaire si l’on sait que Montvilliers est situé dans la vallée de la Lézarde.4. Sr pour Sigillum Rotomagi.5. Les boujonneurs sont les jurés du corps des drapiers.

— 151 —

les plombs utilisés devaient faire l’objet d’un dépôt, au greffe de la cour des aides oudes élections du lieu d’émission, qui faisait foi en cas de litige. Malheureusement, ledépôt n’était pas toujours effectué, et surtout, nombre d’archives ont disparu à la révo-lution ou à la suite d’incendie. toute identification devient alors une enquête dont lesrésultats sont très incertains.

Les plombs posés par les gardes de la profession, comme celui de la manufacturede Lisieux, ont le mérite d’être généralement localisés et datés (II.4) :

- Ma(NuF)aCtur(e) De (LI)SIeuX en quatre lignes dans le champ.- I(...) rDIe(...) 1764, en trois lignes dans le champ.Ø : 23 mm (Coll. D. Slowik)

Les tissus devaient, pour être proposés à la vente, satisfaire à certains critères de qua-lité. appelés jurés, gardes, esgards, boujonneurs, les élus de la corporation posaientun plomb sur les étoffes jugées conformes. Le plomb de contrôle était en principeposé sur les étoffes de la ville (ou région). Le plomb de visite sur les étoffes venues del’extérieur (II. 5, 6) :

- armes de Lisieux- CoNtro(Le) (lis) De (lis) . LISIeuX 175(.) en quatre lignes dans le champ.Ø : 25 mm - uILLe (...)eN, armes de rouen dans un écu ovale.- (...) taPISSIerS en légende circulaire, et 1750 VISIte en deux lignes dans le

champ.Ø : 18 mm

Il faut ajouter les plombs posés à l’occasion des nombreuses manipulations des étoffes,foulage, aulnage, apprêts, ou teinture, tel ce plomb de Lisieux (II, 7) :

- (au)GuSte (...)Nau (...) en deux lignes dans le champ, une volute au-dessous.- Gra(ND) et B(oN) teINt (L)ISIe(uX) en quatre lignes dans le champ.Ø = 26 mm

Les règlements draconiens des corporations imposaient une stricte observance desmatériaux, du nombre et de la qualité des fils utilisés. Les lettres patentes du 4 juin 1780établirent une certaine liberté de fabrication qui fut dès lors « réglée », c’est-à-direconforme au règlement, ou « libre ». Sur ces derniers plombs seul change le nom dubureau, on en trouve d’identiques sur tout le royaume. Deux plombs furent ordonnésà partir de 1786, l’un pour les produits conformes aux règlements (Manuf. réglée), l’autre,portant la mention «fabrication libre» pour les étoffes qui se libèrent des règlements,ces deux plombs sont issus de coins gravés par Nicolas Gatteaux (II. 8) :

- écu royal entouré des colliers de Saint-michel et du Saint-esprit.- (Bureau) De LISIeuX dans un grénetis, MaNre réGLée dans le champ en deux

lignes, un lis au-dessus, un a cursif (pour la généralité d’alençon) entre le sceptre etla main de justice croisés au-dessous, le tout dans un ruban tortillé quarante-six fois.

Ø : 20 mm

Ceci donne un aperçu de la variété typologique des plombs. Pour ce qui est de laquantité, on ne peut que l’estimer par un exemple : au XVIIIe siècle, la généralité derouen a une production annuelle d’environ 35 000 pièces d’étoffes sur lesquellesétaient posés trois ou quatre plombs (fabrication, aulnage, éventuellement teinture,contrôle), soit plus de 100 000 plombs par an, donc, peut-être quelques trois millionspour les 36 généralités du royaume, rien que pour le textile.

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Planche II

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Planche III

Il faut aussi signaler des plombs trouvés en Normandie et provenant de l’étranger,il s’agit essentiellement de scellés russes sur des sacs de semences de lin qui arrivaientà rouen depuis des ports de la mer Blanche ou de la Baltique. Ces plombs nous ensei-gnent que la traçabilité, si le mot n’existait pas encore, était bel et bien pratiquée. Lesinscriptions donnent de nombreuses indications codées : lieu, produit, producteur,qualité, nom du contrôleur (6) (II. 9) :

- L..D.a.SoLSouKI H45 *- * NP * aC12H * 1799 *Ø : 21 mmLes initiales en tête du droit donnent en principe le port d’embarquement (ici LD,

port inconnu). La qualité des graines était estimée par un officier contrôleur (a. Solsouki)et le lieu de l’inspection figurait sous celui du contrôleur (H 45).

au revers, les initiales NP (?) et dessous le type (aC) et la qualité (12H) des graines.enfin la date qui est celle de la récolte des graine : 1799.

Les plombs des fermesau XVIIIe siècle, la Ferme générale qui gère les traites et le commerce du sel et du

tabac est probablement la principale émettrice de plombs. Pour les traites et le sel, ils’agit de gros plombs qui portent toujours au droit les armes royales entre les colliersdes ordres de Saint-Michel et du Saint-esprit, et au revers, généralement les armes dela ville dans un cartouche.

Pour les douanes intérieures, un plomb du bureau de rouen posé sur un ballot sor-tant (II. 10) :

- FerMeS SortIe, écu royal couronné entouré des colliers de Saint-michel et duSaint-esprit.

- FerMeS Du roY . roueN, armes de la ville dans un cartouche.Les deux trous sur le flan sont destinés au passages de chevilles en plomb qui blo-

quent les liens (à partir de 1737).Ø : 33 mm

Le nom de la traite peut figurer dans la légende comme pour la « romaine » du Havre(III. 11) :

- roMaINe Du HaVre, écu royal couronné entouré des colliers de Saint-michelet du Saint-esprit.

- FerMeS Du roY HaVre, armes de la ville dans un cartouche.Ø : 33 mm

D’autres fois, c’est la destination, ici, la marchandise reste dans la provinces descinq grosses fermes (III. 12)

- Pour LeS 5 GroSSeS FerMeS, écu royal couronné entouré des colliers deSaint-michel et du Saint-esprit.

- Bureau De roueN, armes de la ville dans un cartouche.Ø : 34 mm

autre domaine de la ferme, les taxes sur le sel, la gabelle. Là, comme ailleurs, laferme est minutieuse et surveille les déplacement du sel pratiquement du lieu de pro-

6. J. SuLLIVaN, « Lead seals of russian origin in Fife », Tayside & Fife Archaeological Journal,vol. 6, 2000.

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CHarLet (Christian) — Le comte de torigni, devenu prince de Monaco, grandnumismate du xviiie siècle.

Le 24 juillet 1714, le roi Louis XIV accorde au comte de torigni (torigni-sur-Vire,écrit alors thorigny), qui était également baron de Saint-Lô, Jacques-François-Léonorde Gouyon-Matignon, un brevet par lequel ce grand seigneur normand (malgré lenom breton de Matignon) est appelé à recevoir, lors de son prochain mariage avecMademoiselle de Monaco, le duché de Valentinois accompagné de la pairie deFrance (1).

Le comte de torigni en effet épouse la princesse héritière de Monaco, Louise-Hippolyte Grimaldi, le prince antoine 1er son père n’ayant pas d’héritier légitimemasculin (2). Le mariage a été entièrement arrangé entre Louis XIV et antoine Ier afinde conserver dans la descendance Grimaldi le duché de Valentinois et la pairie qui nesont pas transmissibles par les femmes. Ces titres et les terres attenantes avaient été don-nés à Honoré II de Monaco par Louis XIII en exécution de l’article 9 du traité dePéronne (14 septembre 1641), pierre angulaire des relations multiséculaires franco-moné-gasques : ils doivent donc rester un bien Grimaldi. D’où ce mariage avec un princeconsort français, qui prendra le nom de Grimaldi à son mariage bien qu’issu d’une grandefamille aristocratique française (3).

Le comte de torigni, dont la famille possède le duché d’estoutteville (4), convientparfaitement, les mariages précédents des souverains monégasques ayant été contrac-tés dans des conditions prestigieuses par antoine Ier avec Marie de Lorraine-armagnac,fille du grand écuyer de France, et pour son père Louis Ier avec Marie-Catherine-Charlotte de Gramont, fille du maréchal, duc de Gramont, gouverneur du Béarn, négo-ciateur du mariage de Louis XIV auprès de Philippe IV d’espagne.

La famille du comte de torigni est également illustre, comptant en son sein plusieursmaréchaux de France. De surcroît, elle est très riche et antoine Ier vient de faire de grosses

1. « Brevet qui assure à M. le comte de thorigny (sic) le duché de Valentinois, en considérationdu mariage qu’il doit contracter avec Mademoiselle de Monaco », H. MetIVIer, Monaco etses princes, La Flèche, 1862, tome second, pièces justificatives n° 3, p. 417-420.

2. antoine Ier n’avait qu’un fils, mais naturel. Sous le nom de « Chevalier de Grimaldi », il admi-nistra la Principauté de Monaco (avec, alors, Menton et roquebrune) pendant environ un demi-siècle, pour le compte des princes Jacques Ier et Honoré III qui l’avaient nommé puis confirmégouverneur de la Principauté.

3. La Principauté de Monaco étant d’origine italienne, on n’y a jamais appliqué la « loi salique »,exception française créée au moment de la guerre de Cent ans pour écarter du trône de Francele roi d’angleterre. en 1714, Louis XIV et antoine Ier ne faisaient qu’appliquer une règle envigueur à Monaco depuis le XVe siècle et déjà mise en pratique par Lambert Ier et Claudine(1457), conformément au testament de Catalan Ier.. Il en sera de même en 1920 lorsque lecomte Pierre de Polignac, appartenant à la famille des princes de Polignac, épousera la prin-cesse héritière de Monaco, Charlotte Grimaldi. Pierre de Polignac prendra alors le nom deGrimaldi, prince Pierre de Monaco. Il aura de Charlotte deux enfants : la princesse antoinettequi vient de décéder à l’âge de 90 ans (avril 2011) et le prince rainier III (1923-2005), pèrede l’actuel prince souverain albert II.

4. Voir à ce sujet l’ouvrage de référence de MerIaDeC De GoÜYoN, Les Gouyons Matignon,Mayenne, 2007. Les Gouyon Matignon voulaient devenir ducs et pairs de France par succes-sion des orléans-Longueville au duché d’estouteville. Ils n’en furent que les seigneurs mais, parle mariage monégasque, Jacques-Léonor de Gouyon-Matignon devint duc de Valentinois et pairde France. Jusqu’à une date très récente, les Gouyon-Matignon étaient appelés Goyon-Matignon.

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duction à l’assiette. Quelques plombs normands en témoignent, l’un posé sur les sacsà la sortie des salines à destination du dépôt (III. 13), l’autre du dépôt de Dieppedale,près de rouen, est posé pour le transport fluvial par la «voiture d’eau» vers les greniers(III. 14) :

- (...) roueN, écu royal couronné entre deux palmes.- SaLINe De roueN, un poisson à gauche devant un bouquet (?).Ø = 30 mm - VoIture DeS SeLS, écu royal couronné entre deux palmes.- DéPotS De DIePPeDaLLe, deux L cursifs entrecroisés sous une couronneØ : 31 mm

en consultant les comptes de la ferme en 1790, on peut constater que le dépôt deDieppedale consomme près de 9 tonnes de plomb dans l’année, à environ 40 g la pièce,cela représenterait quelques 225 000 plombs qui nécessitent pour la frappe 12 mar-gottes (7). Le nombre des bouterolles est généralement une fois et demie plus élevé.Signalons que le dépôt de sel de Dieppedalle fournissait par voie fluviale les généra-lités de Paris, de Soissons, de Champagne et une partie de la Bourgogne. Soit 100 gre-niers qui recevaient quelques 40 000 tonnes de sel.

enfin, la ferme du tabac a elle aussi ses plombs posés sur les ballots de tabac entrele bureau et les détaillants, ce sont des plombs triangulaires à tunnel en Y. Pour laNormandie ont été rencontrés à ce jour ceux de Caen, Dieppe, rouen et Granville. Cesont des plombs posés à la pince à sceller (Les textes disent tenailles). Les légendes don-nent généralement le bureau d’émission et le nom de l’adjudicataire de la ferme du tabac,dans ce cas, la datation est facile. D’autres sont anonymes et leur datation ne peut êtrefaite que grâce aux dépôts, d’empreintes aux greffes des cours des aides, malheureu-sement, peu de ces dépôts subsistent.

La Normandie offre, ce qui est rare, une séquence quasi complète de ces plombs,du début du XVIIIe siècle jusqu’à 1768, date à laquelle l’usage du plomb semble dis-paraître au profit d’étiquettes de papier.

Ces plombs utilisés sur les ballots de tabac sont en général triangulaires. Des pre-miers plombs datés avec certitude au début du XVIIIe siècle à 1744, le triangle est sobre,simplement marqué par un grènetis (III. 15) après cette date et jusqu’en 1768, un car-touche triangulaire ornementé apparaît, modifié à chaque nouveau bail (III. 16) :

type de plomb utilisé avant 1744. adjudicataire, Guillaume Fils (1715-1718).- (lis) FerMe (lis) GeN Du (lis) taBaC(lis), fleur de lis dans le champ.- (lis)BaIL De (lis) G. FILS(lis) DIeP.(lis), visage (?) rayonnant.Côté : 17 mm type de plomb utilisé après 1744. adjudicataire thibaud Larue (1744-1750).- Bureau De DIePPe, lis ornementé dans le champ, le tout dans un cartouche tri-

angulaire.- tHIBaut Larue taBaC, trois couronnes opposées en triangle, le tout dans un

cartouche triangulaire.Côté : 18 mm (origine des illustrations : D. Slowik, 2, 4, 5, 6, 7, 8, 10, 12, 13, 14, 15, 16 ;

Y. Jézéquel, 1, 3, 9, 11.)

7. La margote est la pile ou coin dormant, le coin mobile étant la bouterolle. À partir de ces don-nées, on peut évaluer l’usage d’une margote à environ 18 750 frappes, et 12 500 pour la bou-terolle.

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de Françoise de Doillon du Lude, épouse d’un de ses ancêtres, le célèbre maréchalJacques II de Matignon (1525-1597) (9).

a torigni, à l’hôtel Matignon ou encore dans sa nouvelle propriété de Passy quiaccueillera plus tard Benjamin Franklin, le duc de Valentinois s’occupe de ses remar-quables collections qu’il ne cesse d’augmenter, notamment celle de monnaies etmédailles. Par des achats judicieux chez les antiquaires parisiens il acquiert de nom-breuses monnaies antiques, en or et en argent, auxquelles il ajoute des monnaiescontemporaines, françaises et étrangères, parmi lesquelles nombre de piéforts en or.C’est ainsi qu’il achète pour 240 livres et 192 livres respectivement les multiples d’orcréés par Jean Warin dits « 10 louis » et « 8 louis », le premier en deux exemplaires.Il thésaurise également le louis au bandeau de 1740 ainsi que des monnaies d’ormonégasques d’Honoré II et de Louis Ier : doppia de 1648, 1649, 1661, 1662 et raris-sime double doppia de 1664 … monnaies dont certaines aujourd’hui ne se trouventplus que dans les collections royales et impériales de rome et de Vienne (10). Des inven-taires dressés en 1746 puis en 1751 à sa mort ainsi que de nombreuses factures d’achatspermettent de suivre les mouvements de cette belle collection de plus de 1000 mon-naies, médailles et jetons d’or et d’argent.

Le Cabinet des Médailles de la B.N.F est aujourd’hui en possession de deux joyauxprovenant des collections du duc de Valentinois : d’une part, une bulle d’or de LouisXII présentée à notre Société par Michel Dhénin en 2002 et exposée à Monaco endécembre 2008 à l’occasion de la manifestation « Monaco numismatique » dont le fleu-ron était l’exposition consacrée aux 2500 ans de Monaco racontés par les monnaies ;d’autre part, un magnifique ouvrage relié en maroquin rouge à ses armes, contenantdes ordonnances monétaires du règne de Louis XIII (11).

Le fils aîné de Jacques Ier, le prince de Monaco Honoré III, ne laissera que peu detraces dans la numismatique, malgré son très long règne (60 ans), avec seulementl’émission de quatre monnaies locales de billon et de cuivre en 1734-1735, peu aprèsson avènement (12). Mais il fera, comme ses frères, honneur à la grande tradition mili-taire des Gouyon-Matignon : les trois fils du duc de Valentinois, ex-Jacques Ier deMonaco, combattront pour le roi Louis XV avec bravoure, tous les trois, dont HonoréIII, finissant avec le grade de général de l’armée française. Le plus valeureux seraimmortalisé par Voltaire dans son poème sur la bataille de Fontenoy : « Monaco perdson sang et l’amour en soupire ». Ce frère plus jeune d’Honoré III, qui épousera la petite-

9. Cf. le communiqué du Palais de Monaco (service de presse) en date du 25 avril 2011. Le princealbert II a inauguré le 27 avril à Saint-Lô, dont le Musée des Beaux-arts compte plus d’unesoixantaine d’œuvres provenant des collections de Jacques Ier de Monaco, l’exposition « LaNormandie des Princes de Monaco ». À cette occasion a été exposé le buste de la Maréchalede Matignon acquis par la Principauté de Monaco en 2010. Par ailleurs, une plaque com-mémorative a été dévoilée sur le château de torigni-sur-Vire, ancien château des Grimaldiet aujourd’hui mairie de la commune. Le buste provient du mausolée funéraire érigé en1601 à torigni et détruit lors de la révolution.

10. Certaines de ces monnaies furent exposées au Musée des timbres et des Monnaies deMonaco, en décembre 2008, à l’occasion de l’exposition consacrée aux « 2500 ans deMonaco racontés par les monnaies » dans le cadre de la manifestation internationale MonacoNumismatique.

11. M. DHéNIN, « La bulle d’or de Louis XII, roi de France, de Naples et de Jérusalem, duc deMilan », BSFN, juin 2002 p. 107-110 (Journées de Blois). un autre ouvrage, aux armes duduc de Valentinois, figure dans l’exposition précitée du Musée de Saint-Lô (arch. dép. de laManche).

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dépenses pour se protéger des attaques savoyardes pendant la guerre de successiond’espagne (5).

Le mariage est célébré dans les mois qui suivent, à l’automne 1715, et Jacques-François-Léonor devient Grimaldi, duc de Valentinois et pair de France, tout en restantcomte de torigni, baron de Saint-Lô, etc.

Louise-Hippolyte succède à antoine Ier en février 1731 mais elle décède le 27décembre de la même année, victime de la variole. Jacques-François-Léonor règnealors sous le nom de Jacques Ier de Monaco. À son avènement, il fait frapper au prin-temps 1732 trois jetons au millésime 1715 et au titre de duc de Valentinois (6). Nonaccepté par les Monégasques, objet des intrigues du roi de Piémont-Sardaigne et du car-dinal Fleury, premier ministre de Louis XV, il abdique le 24 novembre 1733 en faveurde son fils aîné, lors de la majorité politique (13 ans) de celui-ci qui prend le nomd’Honoré III (7).

Jacques Ier reprend alors son titre de duc de Valentinois et se retire dans son châ-teau de torigni ainsi qu’à Paris dans le magnifique hôtel de Matignon que son père afait bâtir. Il exerce alors pleinement ses fonctions de lieutenant-général pour le roi enBasse-Normandie, ici même à Caen, et de gouverneur des villes de Cherbourg, Granvilleet Saint-Lô près de laquelle il possède de vastes terres. Il embellit le château familialde torigni où il se plaît beaucoup. « Le séjour de torigni, c’était la vie tranquille à lacampagne loin des fracas de la Cour » écrit Meredith Martindale (8).

Il transmet à son troisième fils François-Charles le titre de comte de torigni qui luiest revenu à la mort de ce dernier à l’âge de 17 ans. aujourd’hui, le titre de comte detorigni appartient au prince albert II de Monaco, généreux mécène vis-à-vis du buste

5. Ces dépenses, à savoir des fortifications entourant l’actuelle « rampe major » qui monte auPalais princier, furent couvertes par une émission exceptionnelle de monnaies d’argent (écude 1707-1708 et divisions) pour laquelle antoine Ier fit fondre sa vaisselle à l’instar de ce quise passait alors en France.

6. Cf. ma communication à la SFN en février 2002, « un jeton inédit du prince Jacques Ier deMonaco gravé en 1732 », BSFN, 2002, p. 27-30.

7. toutefois, bien que politiquement majeur depuis cette date (1733), Honoré III devra subir latutelle civile de son père, ex-Jacques Ier, jusqu’à la mort de ce dernier (1751). Honoré III avaitalors 31 ans, il était général de l’armée française mais soumis aux caprices de son père quiavait, de surcroît, confié le gouvernement de la Principauté à son « oncle » le chevalier deGrimaldi.

8. M. MartINDaLe, « Le Duc de Valentinois : un prince philosophe à Passy au XVIIIe siècle »,Annales Monégasques, Revue d’histoire de Monaco, n° 7, 1983, p. 141 et suiv. (notamment 144).

Monnaies de billon et de cuivre (3 sols et 3 deniers) frappées en 1735 au nom du prince HonoréIII, sur décision et sous la tutelle de son père le comte de torigni, Jacques Ier de Monaco, duc deValentinois.

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JaMBu (Jérôme) — un graveur « ordinaire » de la Monnaie de Caen au milieu duxviiie siècle : olivier Laurent rocque.

un inventaire après décès comme sourceon a déjà eu plusieurs fois l’occasion, au cours de nos publications, de présenter

le graveur de la Monnaie de Caen olivier Laurent rocque, qui œuvra tout au long dela première moitié du XVIIIe siècle, soit près de 50 ans sur les 80 que fut ouvert l’ate-lier à l’époque moderne (1). Baptisé le 15 mai 1675, rocque fut pourvu de son officeà Versailles le 1er juillet 1703 et installé à Caen le 28 avril 1704 à l’âge de 28 ans. Ilétait le gendre du graveur thomas Bernard par sa première épouse, Marie Bernard, quilui avait apporté la charge en dot (2) ; il mourut le 20 ou le 21 août 1752 dans sa 78eannée alors qu’il exerçait toujours (3). Pour identifier son monnayage, rocque utilisa

1. « une histoire de la Monnaie de Caen à l’époque moderne (1693-1772) », RN 2010, p. 509-536 ; « Les monnaies « au bandeau » frappées à Caen, 1741-1771 », CahNum, n° 168, juin2006, p. 51-59.

2. Contrat de mariage passé au Châtelet, à Paris, le 7 mai 1703.3. arch. nat., Cour des monnaies, provisions d’offices, Z1b 575, 31 décembre 1703 et 22

octobre 1704 ; a. CLaIraND, Monnaies de Louis XV. Le temps de la stabilité monétaire,1726-1774, Paris, 1996, p. 25.

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fille du célèbre duc de Saint-Simon, sera, comme son père l’ex-Jacques Ier, lieutenantgénéral du roi de France en Basse-Normandie et gouverneur des villes de Cherbourg,Granville et Saint-Lô.

C’est pourquoi, comme vient de le rappeler fort opportunément le prince albert IItout récemment le 27 avril à Saint-Lô, les Gouyon-Matignon devenus Grimaldi n’ontjamais oublié cette Normandie qui compte aussi parmi leurs origines. Par ailleurs, jevoudrais aussi, en conclusion, souligner leur profond attachement envers la numis-matique. avant Jacques Ier, Honoré II, le « Louis XIV monégasque » avait été lui aussiun remarquable collectionneur de monnaies. en outre, tous les princes de Monaco depuisqu’ils battent monnaie, c’est-à-dire depuis 1640, se sont attachés à faire graver debelles monnaies, de grande qualité, par les meilleurs artistes de leur époque, souventfrançais : Jean Warin, Claude Warin, vraisemblablement Joseph roettiers, rogat, HubertPonscarme, oscar roty, emile Lindauer, Lucien Bazor, Pierre turin, Louis Maubert, rogerBaron, émile rousseau, Pierre rodier, etc.

Quant aux derniers souverains monégasques, rainier III et albert II, personnen’ignore qu’on leur doit, en 1996, la création du Musée des timbres et des Monnaiesde Monaco, en plein essor, lequel abrite la prestigieuse collection de monnaies moné-gasques des Princes, la plus belle du monde avec celle du roi d’Italie à rome, et que,par ailleurs, le prince albert a honoré le Musée de sa présence en 2006, 2008, 2009et 2011 rejoint par sa sœur la princesse de Hanovre en 2010.

évoquer la numismatique en même temps que les Grimaldi de Monaco est doncaussi naturel que trouver chaussure à son pied.

12. Ces monnaies furent émises en 1734 et 1735 selon ordonnances de Jacques 1er, tuteur deson fils Honoré III, et du chevalier de Grimaldi. Il s’agit d’une « pezetta » et d’une « demi-pezetta » en billon, d’une « dardenna » en cuivre au motif de Sainte-Dévote et d’un « liardo »en cuivre. elles sont répertoriées dans mon ouvrage (en collaboration avec le Pr. J.-L. CHar-Let), Les monnaies des princes souverains de Monaco, 1997, Monaco. elles le sont égalementdans les différentes éditions du « Gadoury rouge », Monnaies françaises (depuis la Révolution).

4. arch. dép. Calvados, Monnaie de Caen, minutes d’audiences, 12 B 19, 27 décembre 1715.5. arch. dép. Calvados, Monnaie de Caen, essayeurs, graveurs, monnayeurs et ajusteurs, 12 B

118, 9 septembre 1752. 6. Pour une présentation complète de ces personnages et des précisions sur les notes suivantes,

voir J. JaMBu, Production et circulation monétaires en Normandie occidentale à l’époquemoderne (milieu du XVe-fin du XVIIIe siècle), thèse de doctorat, université de Caen-Basse-Normandie, 2008, 2 tomes, 850 p.

7. Contrat de mariage passé devant Sabine, notaire à Falaise, le 13 juillet 1740.8. Déclarés « bénéficiers » de la succession par lettres de la chancellerie de rouen du 30 août 1752.9. Dunoyer procureur par acte passé devant notaire à rouen. requête déposée au notariat le 4

août et présentée à la Monnaie le 5. 10. arch. dép. Calvados, Notariat de Caen 2, 8 e 2783, 26 décembre 1739. 11. Les officiers commencèrent la réunion en abordant un problème récurrent mais totalement

hors propos : celui de leur assiduité ! en effet, le substitut du procureur ne manqua pas desouligner que l’inventaire n’avait pas pu avoir lieu plus tôt en raison de l’absence du juge-garde, ce dont celui-ci se justifia immédiatement.

12. Patronyme homonyme avec lequel il ne semble pas qu’il y ait de lien de parenté. Bernard arrivacependant avec une demi-journée de retard, ce qui ne manqua pas d’ajouter de la tension à laréunion.

d’abord comme marque, de 1704 à 1715, un petit rocher composé de trois pierres, s’amu-sant ainsi avec son nom ; il le remplaça à partir de 1716 par un autre différent parlant,à savoir un pion d’échiquier et plus précisément une tour dans sa forme héraldique quisymbolisait le roque du jeu d’échecs (4).

on a retrouvé dans le fonds de la Monnaie de Caen, conservé aux archives dépar-tementales du Calvados, l’inventaire après décès de ses biens dressé dans son appar-tement de l’hôtel des Monnaies entre le samedi 9 et le mercredi 13 septembre 1752.Il se présente sous la forme d’un petit cahier de 22 feuillets dont 41 pages sont manus-crites (5). on y découvre où et comment vivait le graveur ainsi que ce dont il dispo-sait comme matériel de travail et biens personnels. C’est un document rare qu’il nousa semblé utile de porter à la connaissance des numismates tant il donne corps à unefonction que nous ne connaissons habituellement que par les monnaies. afin d’enprésenter l’essentiel on a rapproché les objets de même nature, simplifié les appella-tions et présenté seulement quelques ensembles d’objets révélateurs de son état, à lafois officier du roi, graveur de province et bourgeois caennais.

Cet inventaire à la Prévert fut réalisé par Louis Fouquet, juge-garde de la Monnaiede Caen (1750-1771), à la requête des héritiers du graveur et de sa première épousedéfunte, en la présence de thomas trochu du Pont-Morel, substitut du procureur de laMonnaie (1748-1762) et sous la plume de thomas Sohier, greffier de l’établissement (6).Ce fut non sans une certaine tension entre la veuve de rocque, Marie Loriot – qu’il avaitépousée en secondes noces en 1740 (7) –, ses héritiers directs Benoît et Guillaumerocque – vraisemblablement des frères ou des neveux (8) –, François Dunoyer, procu-reur au bureau des finances et fondé de pouvoir de son neveu par alliance thomas FrançoisBernard (9) − promis à sa succession dans la charge de graveur par acte passé devantnotaire à Caen en 1739 (10) − et les officiers de la Monnaie présents qui réglaient leurscomptes entre eux (11). Précisons que la pratique de l’inventaire après décès n’était passystématique sous l’ancien régime ; en effet, cet acte contraignant n’était exigé qu’encas de succession complexe, par exemple lorsqu’elle concernait des mineurs, plusieurslits, ou bien que le défunt n’avait pas eu d’enfants, ce qui est ici le cas.

Le notaire royal Jean Bernard qui avait apposé les scellés sur l’appartement aprèsle décès du graveur vint les lever comme il y était le seul habilité mais céda la réali-sation de l’inventaire aux officiers de justice de la Monnaie précités (12). De façon fort

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Sans entrer dans les détails d’une vie quotidienne typique de la bourgeoisie nor-mande de cette époque, notons que le couple possédait beaucoup d’instruments decuisine de cuivre ou d’airain, de vaisselle en Fayence (du moins s’agit-il d’une appel-lation générique), en étain (assiettes de provenance anglaise, plats et mesures) et en verre(appelé cristal) ainsi que, comme souvent, beaucoup de linges en draps et serviettesdont certains provenaient du pays de Caux.

Le matériel d’un demi-siècle de carrièreC’est dans le laboratoire de son appartement que le graveur travaillait et entrepo-

sait son matériel. Celui-ci se partageait entre objets appartenant à la Monnaie et outilspersonnels, les premiers étant réclamés par les officiers de l’atelier et les seconds parson héritier dans l’office.

Le matériel dont disposait le graveur était en partie celui fourni par la Cour des mon-naies. Il consistait essentiellement en poinçons de différents motifs et de différentes taillesutiles à la réalisation des carrés de frappe destinés à la monétisation du métal. on acompté un total de 180 poinçons de « couronnes », « palmes », « fleurs de lys » et« lettres ». Notons que l’appellation générique de « palmes », motif anciennement uti-lisé sur des monnaies mais plus depuis 1726, recouvre en réalité le motif végétal lesayant remplacées, à savoir les célèbres « branches d’oliviers ». Quelques autres poin-çons qui s’ajoutent à cet ensemble méritent quelques précisions. Deux poinçons « àqueue de palmes » laissent entendre que ces motifs étaient livrés en plusieurs tronçons,ce qui expliquerait les quelques variétés de « nœuds » ou de « rubans » que l’on peutrencontrer. un poinçon « aux deux L » avait dû être utilisé quant à lui pour la réalisa-tion, 30 ans auparavant, des louis du même nom. on ne sait pas en revanche quels motifsreprésentaient trois autres poinçons « à l’usage des anciens louis » − comprendre deslouis « aux lunettes » créés en 1726 puisque l’on était passé aux louis « au bandeau »depuis 1741. on est cependant surpris que ces quatre derniers poinçons n’aient pasété détruits comme le stipulait la réglementation en la matière à chaque création denouveau monnayage afin d’éviter la fraude et c’est une faiblesse qui se produisit sou-vent à la Monnaie de Caen (22).

avec ce matériel, le graveur réalisait les carrés de frappe par assemblage et par étapessuccessives (23), d’où la présence dans son atelier de 21 « carrés d’essai » de différentestailles, dont 20 représentaient des motifs partiels de couronnes, palmes et lettres d’al-phabet et un dernier « quatre couronnes » dont on ne sait pas précisément à quelle fabri-cation ancienne il avait pu servir (24). À ceux-là s’ajoutaient quelques autres vieux car-rés et matrices (25), là encore étonnement conservés. on relève également la présencede matériel destiné à la réalisation des légendes, à savoir 18 « morceaux » ou « plaques »

importante ou à une gêne financière or c’est le mois de l’inventaire, septembre, qui expliquecet état avant que n’aient lieu les nouvelles récolte et production.

22. Lors de l’inventaire de fermeture de l’atelier réalisé en 1772 on découvrit, à peine rangés dansdes paniers, un nombre impressionnant de poinçons et de carrés destinés à la réalisation d’an-ciennes monnaies.

23. Notons qu’il disposait à cet effet d’une clé « propre à lever les visses des balanciers », pré-cisément de celui destiné à la frappe des carrés situé au rez-de-chaussée, dans les ateliers dela Monnaie.

24. Louis d’or « aux insignes », écu d’argent « aux huit L », etc. ?25. Sans plus de précision : une matrice « de Louis XIV », une autre « vieille » matrice « impar-

faittes » (sic) et un carré de « tête ancienne ».

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classique, la veuve avait confié, dès la mort de son mari, les clés des différents meublesà un homme d’église de confiance, à savoir le curé de la paroisse Notre-Dame de Caen(13), thomas Brillant, et celui-ci vint les remettre à la petite assemblé. avant que le tra-vail d’inventaire de la succession ne commence, la veuve déclara qu’elle n’en avait sous-trait aucun élément, « comme les sieurs rocques chercherois (sic) à le faire entendre » :le ton des quelques journées de recensement était donné !

un appartement de fonction modesteolivier Laurent rocque faisait partie des quelques officiers privilégiés qui étaient

logés à la Monnaie aux frais du roi (14), sise entre l’église Notre-Dame « de la rueFroide » et le marché aux grains. Grâce aux plans conservés de l’hôtel des monnaies(15), on sait que le graveur était voisin du directeur ; il se partageait avec lui l’étage situéau-dessus de l’aile ouest aujourd’hui disparue qui accueillait les bureaux stratégiquesde la délivrance et du change. L’espace était restreint : l’appartement était constitué dedeux pièces principales, une cuisine et une chambre, auxquelles s’ajoutaient troiscabinets dont un de travail appelé « laboratoire », soit peut-être 40 m2.

La cuisine recevait le foyer − avec sa crémaillère, sa broche à rots, etc. Dans celle-ci se trouvait l’établi du graveur, avec une partie de son matériel, faute de place sansdoute dans le cabinet-laboratoire mais également parce qu’il utilisait le feu : ainsidevait-il faire fondre du métal et cuire des pièces métalliques ne nécessitant pas de grandechaleur, comme en témoigne la présence de creusets, auprès de la soupe qui mijotait.

La chambre était la pièce principale, où madame filait auprès de la cheminée (16).Les murs étaient tapissés d’une indienne – toile aux motifs floraux colorés – et on y avaitaccroché un miroir et une vingtaine de tableaux dont trois de famille représentantl’ancêtre graveur feu thomas Bernard, olivier Laurent rocque lui-même et sa pre-mière épouse défunte (17). Cette pièce était très lourdement meublée entre lit « à laduchesse », canapé, fauteuils et tables – dont une de jeu – indiquant qu’elle était éga-lement destinée à recevoir (18).

en plus de celui qui servait de laboratoire, l’un des petits cabinets était utilisé parla servante du couple, la dénommée Jeanne Potier, et l’autre servait de rangement età la toilette (19). trois petits greniers complétaient l’ensemble (20), destinés à la conser-vation du bois, ainsi que deux petites caves pour celle du vin et du cidre dont les ton-neaux et les bouteilles étaient pratiquement vides, ce qui n’a rien d’étonnant en cettefin de période de soudure (21).

13. Dans le ressort de laquelle était située la Monnaie. 14. avec le directeur, l’essayeur, le contrôleur-contregarde et les juges-gardes. 15. administration des monnaies et médailles (Monnaie de Paris), série t, (cartes et plans), Pl. 5,

13 : Caen, 1714-1715. 16. Présence d’un rouet et de nombreuses bobines près du foyer. 17 .Les trois tableaux de famille faisaient partie de l’héritage de thomas François Bernard comme

le stipulait l’acte du 26 décembre 1739.18. tout l’appartement est rempli de nombreux meubles qui donnent une impression d’entasse-

ment, voire d’étouffement (une armoire, un buffet, six chaises, deux fauteuils et un lit (!) dansla cuisine par exemple, en plus de l’établi).

19. Indice de localisation : celui-ci donnait sur « la première cour ». L’hôtel des monnaies en comp-tait effectivement deux mais on ne sait pas quelle numérotation chacune recevait.

20. Indice de localisation : l’un était situé au-dessus de la cuisine et les deux autres en haut del’escalier commun.

21. tonneaux et bouteilles vides auraient pu faire penser, à une autre période, à une consommation

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un homme simpleQue peut-on savoir de plus sur rocque ? Qu’il profitait sans doute de ses talents

de graveur pour fabriquer des cachets et en retirer quelques revenus complémentaires,comme en témoignent onze poignées de bois à cet effet trouvées dans ses affaires(31). L’homme était curieux des sciences et techniques de son temps, comme le sug-gère la possession de deux « pieds de roi » en bois avec embouts de cuivre, d’un téles-cope et d’un baromètre ; mais sa littérature était réduite, avec 17 livres, certains en par-chemin et d’autres reliés en veau, consistant en œuvres religieuses et en histoire de France.Il avait une vue moyenne (présence d’une lorgnette et de doubles lunettes à manche).Son seul bijou était une montre d’argent à boîtier et chainette. Sa tenue était austèreet modeste : il portait perruque et des habits complets (culotte, gilet et veste) bruns ounoirs, avec des bas de laine ; seul un vêtement d’apparat rouge et or rehaussait l’en-semble (32). Comme sa fonction et son statut le nécessitaient, il disposait d’un cachetd’argent à ses armes. Déformation professionnelle, il possédait également une marqueavec l’empreinte de ses initiales o et r qui explique que toute son argenterie était àson chiffre. C’était d’ailleurs toute sa fortune, semble-t-il, que cette vaisselle si priséepar les Normands, consistant en une douzaine de cuillers et de fourchettes, une tasseà bouillon, une cuillère à potage et deux cuillères à ragoût pour un total de 12 marcs7 onces 7,5 gros soit environ 3 kilos. ajoutons à cela quelques objets liés à l’argent :une balance, un trébuchet et un poids de deux marcs mais incomplet ; dans une boîteen papier marbré avec couvercle, 28 dénéraux en cuivre et 10 en fer ; dans une vieillebourse, une centaine de jetons  ; et deux médailles en argent trop imparfaitementdécrites pour être identifiées (33).

ConclusionL’estimation des biens d’olivier Laurent rocque montait à 700 livres : c’est fort peu.

Il ne disposait d’aucune fortune mobilière – rappelons que son office ne lui apparte-nait pas – pas même d’argent monnaie : comment croire, d’ailleurs, au regard de cettesituation fort modeste, que la veuve n’ait réellement rien soustrait à la succession ? C’étaitpourtant une pratique courante… rocque possédait en revanche la moitié de la pro-priété d’une terre, celle d’Yeuville, que l’on n’a pas pu localiser, d’où il semble avoirretiré de quoi nourrir sa maisonnée mais pas beaucoup plus. La seule richesse denotre habile graveur était donc celle de ses mains.

31. De même, madame rocque gagnait un peu d’argent en confectionnant des bas. 32. Preuve de la simplicité du ménage et de sa situation à la limite de la gêne, aucune paire de

chaussure n’apparaît dans l’inventaire ce qui laisse supposer que la veuve a caché ce bienprécieux, comme cela se produisait souvent.

33. À la légende Reddite / Cujus est et Ludovicus Decimus quatrus Franciae et Navarrae rex.

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d’acier « pour y servir », ainsi qu’une légende complète pour la frappe d’une espècedont la nature n’est pas précisée. Du matériel fauté ou faussé fut également trouvé. Lenombre élevé de ces ratés rappelle à quel point il était difficile de réaliser des carrésd’acier solides (26). La liste en est la suivante : un carré de pile de louis « imparfait »,trois carrés de pile d’écu également « imparfaits », trois carrés de pile de demi-écu« inutiles », etc. (27).

La totalité de ce matériel fut réclamée par le procureur de la Monnaie afin qu’il soitenfermé dans l’armoire de la salle des délivrances dans l’attente d’être « cassés et dif-formés » comme l’exigeait la législation à chaque changement de titulaire dans lacharge (28).

Le matériel « à l’usage du graveur » était celui dont il se dotait à ses frais pour laréalisation de son travail et demeurait sa propriété. Ce capital était précieux et consis-tait essentiellement en outils, à savoir cinq creusets, un étau de fer, deux billots de plomb,quatre-vingts limes de toutes tailles dont beaucoup de petites et une « fendante », dix-neuf burins, un marteau coupant, neuf vrilles, trois masses de fer de différentes tailles,deux équerres, un compas, un mandrin, une pièce en plomb pour polir, un coussin pourgraveur (« pour poser l’ouvrage en travaillant » nous dit l’encyclopédie) et quelques gratte-brosses (29).

Il s’agissait également de matières propres à fabriquer le matériel de frappe maispas d’objets directement capables de produire un motif monétaire sans le savoir-faired’un homme de l’art. Le graveur devait les fournir, à charge pour lui de s’en faire rem-bourser par la Cour des monnaies, ce qui était parfois long et difficile. on comprenddès lors mieux la volonté de garder du matériel, même interdit, dont on récupéreraitaisément la matière. La liste en est la suivante  : 36 poinçons différents, 41 piècesd’acier pour faire des poinçons, 27 morceaux d’acier pour légendes « non écrits », 18carrés « sans forme ».

La réalisation des carrés était possible grâce à la diffusion de modèles et d’imagespar la Cour des monnaies. on en a retrouvé chez rocque, rangées dans trois petits buf-fets à tiroirs, un nombre impressionnant qui correspond à son demi-siècle de carrière,soit 1347 estampes, effigies ou emblèmes – comprendre empreintes et médaillons –en plomb et en étain, 160 estampes en cuivre, 33 estampes et figures en plâtre, ainsiqu’un nombre non précisé d’estampes de papier (30) ! Ces empreintes comprenaienttrès certainement de nombreux clichés, c’est-à-dire des essais auquel l’officier procé-dait afin de vérifier à chaque étape de son travail la qualité de sa gravure.

tout ce matériel privé fut réclamé par Dunoyer pour thomas Bernard, le nouveaupropriétaire de l’office.

26. Lors de la réforme de 1726, par exemple, on a calculé que le nombre de carrés ratés (« cre-vés » en frappant et « cassés » à la trempe) montait à 15 % de ceux qui étaient préparés.

27. Plus trois carrés de pile de cinquième d’écu et un carré pile de dixième d’écu. Comme onne frappait plus ce type de divisionnaires à la Monnaie de Caen depuis 1743, il s’agit de car-rés anciens qui auraient dû, là encore, être détruits.

28. en vertu de l’arrêt de la Cour des monnaies du 10 mai 1745. 29. Plus également « un estomac » et « un arbre delié à main de fer » mais on ne sait pas à quoi

ces outils correspondent.30. et encore 6 estampes et 3 montures de nature non précisée.

GarNIer (Jean-Pierre) — un valognais célèbre, théophile-jules pelouze, présidentde la commission des monnaies et médailles en 1848.

Il y a quelques années, nous avons eu le plaisir de découvrir une rare médaille aunom de théophile-Jules Pelouze dont voici la reproduction et la description :

Droit : tH. JuLeS PeLouZe – MeMB. De L’INStItut, sa tête à gauche avec un col-lier de barbe.

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l’Institut. en 1826, après avoir été reçu interne en pharmacie, il est attaché à laSalpêtrière, puis rapidement rejoint le laboratoire de M. Gay-Lussac. après un séjourà Lille comme professeur adjoint, il revient à Paris comme répétiteur de chimie et sup-pléant de Gay-Lussac à l’école Polytechnique, où il sera considéré comme l’un des pluspolyvalents chimistes organiciens de son temps (5).

son passage à la Monnaieen 1833, il passe un concours pour une place d’essayeur à la Monnaie de Paris, et

il obtient ce poste. en 1837, il est élu membre de l’académie des Sciences au fauteuilde Nicolas Deyeux (1745-1837). Comme suppléant du baron Louis-Jacques thénard(1777-1857) et de Jean-Baptiste Dumas (1800-1884), il occupe pendant plusieursannées les chaires de chimie du Collège de France et de l’école polytechnique. en 1846,il fonde un laboratoire de chimie où il accueille de nombreux élèves. en 1848, il estnommé président de la « commission des monnaies » qui met en œuvre le célèbre

4. Lithographie extraite du Panthéon des illustrations françaises au XIXe siècle, tome I : Lettreset sciences, Paris, 1865, publié sous la direction du photographe et éditeur Victor Frond(1821-1881).

5. D. KaSSeL, Histoire et art pharmaceutique, « Des pharmaciens dans leur siècle, le XIXe »,avril 2002, www.ordre.phamaceutique.fr.

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1. Il s’agit de (Valentin) Maurice Borrel, graveur en médailles, né à Montataire en 1804, mort àChevilly en 1882. Son fils alfred Borrel fut également graveur en médailles.

2. À l’issue de cette présentation, la médaille, dans son écrin, a été remise à M. Jean-MarieLevesque pour les collections du Musée de Normandie.

3. Cette manufacture de porcelaine a bénéficié de l’opportunité de la présence toute proche d’ungisement de kaolin situé sur la commune des Pieux, au sud de la Hague.

Portrait de Jules Pelouze, lithographié par adolphe Lafosse en 1865, d’après une photographie de Pierre Petit (1831-1909) (4)

Signature du graveur sous la troncature : BorreL 1868 (1)revers : inscription en 13 lignes, dans une couronne de chêne :

Né a VaLoGNeSLe 26 FéVrIer 1807

ProFeSSeur De CHIMIeau CoLLÈGe De FraNCe

et a L’éCoLe PoLYteCHNIQueMeMBre De L’INStItut 1837.

PréSt De La CoMMISSIoNDeS MoNNaIeS et MéDS 1848.

MBre Du CoNSL MuNaL De ParIS 1849.CoMMaNDr De L’orD[r]e IMPérIaL

De La LéGN D’HoNNr 1854Mort Le 31 MaI

1867.Métal, cuivreDiamètre 51 mm (2)Nous avons cru intéressant de faire connaître cette médaille pour deux raisons : la

première est le lieu de naissance du personnage, situé dans le département de laManche, alors que nous célébrons cette année le 1100e anniversaire de la Normandie,la seconde, qui intéressera les numismates, c’est qu’il fut responsable de la Commissiondes monnaies et médailles en 1848. Mais qui était théophile-Jules Pelouze ?

La personnalité de pelouzeComme l’indique le revers de la médaille, il naît à Valognes le 26 février 1807. Son

père edmond Pelouze, dirigeait la fabrique de porcelaines de Valognes (3). élève en pharmacie à La Fère, en 1825, il entre dans une pharmacie parisienne, place du Pont-Saint-Michel, dirigée par Jean-Baptiste alphonse Chevallier (1793-1879), membre de

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l’une des priorités. La communication présentée ici constitue donc une étape signifi-cative de ce travail.

La société des antiquaires de normandieLa Société des antiquaires de Normandie (2) vit le jour le 24 janvier 1824 à l’ins-

tigation d’arcisse de Caumont (1801-1873), qui sut réunir autour de lui les meilleursérudits de son temps. À cette époque, l’état ménage particulièrement les sociétéssavantes. Les activités d’arcisse de Caumont (3) sont alors encouragées au nom duconcept d’unité nationale par un Guizot, qui prononcera en 1837 devant les membresde la Société les paroles suivantes :

« L’unité nationale […] existe dans le temps et dans l’espace, à travers les siècles commeà travers les provinces […] La France d’autrefois est la France, tout aussi bien que la Francelointaine. Celle-là aussi il faut la connaître, la comprendre et l’honorer. » (4).

Dans ce contexte, on perçoit très bien le rôle que doit jouer l’archéologie : un rôlerésolument « unificateur (5) », visant à inscrire le présent dans une continuité historiqueet culturelle. or, c’est bien l’orientation qui est donnée à la S.a.N. par arcisse deCaumont. en effet, la Société a pour objectif l’étude des monuments depuis les tempspréhistoriques jusqu’à la renaissance (6). Son action se donne ainsi de préserver lamémoire du temps écoulé, grâce à la médiation de l’objet du passé et à sa dimensionassumée d’outil privilégié de connaissance. À travers cet amour des antiquités, lemonde ancien survit ainsi dans le monde nouveau.

Dès sa fondation, la Société reçut de ses membres d’importants dons d’objetsd’intérêt archéologique (7). en 1847, le besoin d’un catalogue méthodique exprimé parPierre-aimé Lair en dit long sur l’enrichissement constant des collections. aux diresd’arcisse de Caumont, leur catalogage était déjà bien avancé en 1851. Puis vintl’époque des grandes fouilles. riches pourvoyeuses en mobilier archéologique, lesexplorations des sites antiques de Jort et de Vieux dans le département du Calvados entrai-nèrent l’accroissement massif des collections. Se posa alors le délicat problème de laconservation. une solution fut trouvée en 1854, lorsqu’une commission présidée parCharles Gervais obtint la jouissance de l’ancien collège du Mont pour le dépôt des col-lections. À partir de 1860, un musée y ouvrit ses portes, parachevant ainsi un mouve-ment de mise à disposition du public des témoins matériels des sociétés passées. trèslogiquement, Charles Gervais, qui avait été le plus grand artisan du déménagement,en fut le premier conservateur jusqu’en 1878. C’est précisément sous sa direction quesera réalisé et édité en 1864 le seul catalogue imprimé du musée (8). Comprenant 762numéros classés par ordre chronologique, il est pour l’époque méthodique et parfai-

2. Indiquée désormais par l’abréviation S.a.N.3. V. JuHeL (dir.), Arcisse de Caumont (1801-1873), érudit normand et fondateur de l’archéo-

logie française, Caen, 2004 (Mémoires de la S.a.N., t. 40).4. Paroles citées dans C. rIGaMBert, Le Droit de l’archéologie française, Paris, 1996, p. 18. 5. P. JoCKeY, L’Archéologie, Paris, 1999, p. 352. 6. M. De BoÜarD, « Les Sociétés Savantes en Normandie », Études Normandes, 3, Date ??,

p. 35-46. 7. Pour une histoire des collections, nous renvoyons à L. MuSSet, « Historique sommaire du

Musée de la Société », Bulletin de la Société des Antiquaires de Normandie, tome LVII, 1965. 8. C. GerVaIS, Musée de la Société des Antiquaires de Normandie. Catalogue et description des

objets d’art de l’Antiquité, du Moyen-Age, de la Renaissance et des Temps Modernes expo-sés au Musée, Caen, 1864, 132 p.

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« concours monétaire de 1848 » que tous les numismates s’intéressant aux monnaiesfrançaises connaissent bien (6).

auteur de nombreuses découvertes importantes dans le domaine de la chimie, ila laissé une somme considérable de travaux dans les annales de physique et de chi-mie, et son traité de chimie, 1853-56, 6 volumes en collaboration avec edmond Frémy,le créateur du rubis de synthèse.

ConclusionC’est parce que nous avons été séduit par la personnalité hors du commun de ce grand

savant normand qu’ il nous a paru important de présenter cette médaille, et donc de lefaire connaître des numismates à l’occasion de nos Journées numismatiques de Caen.

6. en ce temps-là, la commission de la Monnaie avait aussi autorité sur la gravure et la fabri-cation des timbres-postes. Pour exemple, c’est à Pelouze que s’adresse en 1860 Dimitri deKalergis, ministre plénipotentiaire de Grèce à Paris, lorsque son pays décide de la fabricationdes premiers timbres-postes grecs. C’est un graveur de la Monnaie, Désiré-albert Barre (1808-1878) qui en sera chargé. (cf. Louis FaNCHINI, « tirages de Paris de la “grosse tête d’Hermès” :Quantités exactes commandées et livrées à athènes », Bulletin de l’Association PhilatéliqueSparnacienne, n° 98, juin 2009.

* Docteur en histoire ancienne, Laboratoire de numismatique du Centre Michel de Boüard –CraHaM, université de Caen Basse-Normandie.

** Conservateur – Musée de Normandie.1. Sur la figure de l’antiquaire, cf. a. MoMIGLIaNo, « L’Histoire ancienne et l’antiquaire », dans

Problèmes d’historiographie ancienne et moderne, Paris, 1983, p. 244-293

GuIHarD (Pierre-Marie)* et LeVeSQue (Jean-Marie)** — Le médaillier de lasociété des antiquaires de normandie au musée de normandie de Caen(Calvados). premières approches.

La présence de riches collections numismatiques dans de nombreuses villes de Franceest une singularité de notre patrimoine régional. Depuis plus d’un demi-siècle, laSociété Française de Numismatique, à travers ses journées d’études annuelles, exploitesans limite ce lieu commun positif et contribue ainsi par son action à fédérer la com-munauté des numismates autour d’une image universelle particulièrement forte. Dansle cadre de cette 54e manifestation, la tradition sera largement respectée. en effet, lemusée de la ville de Caen peut raisonnablement s’enorgueillir de posséder un médaillierexceptionnel, peu appauvri par les tourments de la Seconde Guerre Mondiale.

Déterminante est tout d’abord l’histoire de la collection : elle est intimement liéeà l’œuvre archéologique de la Société des antiquaires de Normandie qui aima, rassemblaet étudia les traditions et les restes du passé (1). Convaincant est ensuite le volume dumédaillier : en l’état actuel, un peu plus de 8500 monnaies, médailles et jetons ont étédénombrés. Numériquement importante, la collection est aussi généraliste, puisque toutesles périodes, de l’antiquité aux temps modernes, y sont représentées, souvent defaçons développées. À cela s’ajoute la provenance attestée de nombreuses monnaies.Du point de vue archéologique, ces données sont tout à fait exemplaires et apportentdes éléments hautement significatifs sur la circulation monétaire (diffusion et mode decirculation).

Depuis 1983, les séries numismatiques de la Société des antiquaires de Normandieont rejoint les collections du musée de Normandie. Leur valorisation en est désormais

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La commune où eut lieu la découverte est connue dans de nombreux cas. Lorsqu’elleest effectivement documentée, la provenance est quasi-exclusivement d’origine nor-mande, comme l’indique Charles Gervais : la Société a « recueilli les médailles pro-venant des découvertes les plus importantes faites dans [le] pays (12) ». et, c’est pro-bablement par ce biais qu’elle commença la constitution du premier noyau de sacollection numismatique. Plusieurs monnaies ont ainsi une provenance archéologiqueattestée, comme les exemplaires découverts lors des fouilles de Vieux, Jort, Lillebonneou Fontenay-le-Marmion. Les mentions de trouvailles isolées y sont également trèsfréquentes. L’une d’elles signale même la présence d’une monnaie « trouvée dans lesenvirons de rome, lors de l’expédition française, en 1849 ». Combinées avec lesinventaires de monnaies de fouilles, ces découvertes isolées sont très précieuses pourpréciser la circulation des pièces dans la région. D’autres monnaies proviennent, quantà elles, de trésors  : la Société a cherché vraisemblablement à ce que sa collectioncontienne quelques spécimens des plus célèbres trésors monétaires mis au jour au XIXesiècle en Normandie, comme ceux du Plessis-Grimoult, Limesy, Courseulles-sur-Merou Helleville. enfin, de généreux actes de philanthropie ont contribué à l’enrichisse-ment du médaillier. Ils émanent principalement de membres de la Société, qui ache-tèrent en contrepartie leur place dans le domaine public ; de même que la charité enversles pauvres permet, selon l’expression de l’abbé Cambacérès, l’achat du ciel. Les nomsde Leboucher, Deville, Formeville, Lair, Caumont, Charma, Paysant, etc. sont pleine-ment associés à l’histoire de la collection numismatique. on mentionnera égalementle don d’une monnaie carolingienne par Louis de La Saussaye, qui fût l’un des membresfondateurs en 1835 de la revue de la Numismatique française, future revueNumismatique.

ainsi, les éléments fournis par Charles Gervais concernant la composition dumédaillier de la S.a.N. sont particulièrement précieux. Nous retiendrons qu’il formeun ensemble assez complet, aux visées généralistes indéniables, de l’époque gauloiseaux temps modernes, et qu’il offre une part non négligeable de provenances régionales.Malheureusement, il reste imprécis sur un point : Charles Gervais n’a pas comptabi-lisé toutes les monnaies. Il est donc impossible de comparer l’inventaire de 1864 aufonds actuel, et, ce faisant, de localiser tout exemplaire manquant. toujours est-il quenombre de séries monétaires mentionnées par Charles Gervais figure aujourd’hui dansla collection.

Le dépôt à la ville de Caen pour le musée de normandieFaute de pouvoir gérer elle-même ses collections, la S.a.N. se décida à les confier

tardivement à la ville de Caen (13). après signature d’une convention, la municipalitéaccepta le dépôt le 12 septembre 1983. Depuis cette date, le musée de Normandie estchargé d’assurer la gestion muséographique et la sécurité de toutes les collections. Leséquipes successives du musée se sont notamment attachées, avec les chercheurs, à ré-identifier les collections numismatiques. Il convient d’évoquer tout particulièrement l’in-vestissement scientifique du laboratoire de numismatique de l’université de Caen(Centre Michel de Boüard – CraHaM) en la personne de Jacqueline Pilet-Lemière etles importants efforts de classement menés par Jens-Christian Moesgaard au cours devacations réalisées entre 1988 et 1989.

12. C. GerVaIS, Musée de la Société des Antiquaires de Normandie…, p. 67.13. J.-Y. MarIN, « Les collections de la Société des antiquaires de Normandie au musée de

Normandie de Caen », Revue Archéologique de l’Ouest, 4, 1987, p. 153-155.

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tement rationnel. toutefois, il demeure incomplet, puisque bien des objets acquisavant 1864 ne furent inventoriés que plus tard.

au fil des années, les collections du musée ne cesseront de croître, grâce notam-ment au travail des membres de la Société. Peu avant le départ de Charles Gervais dumusée, l’inventaire comptabilisait 851 numéros. entre 1878 et 1885, il faisait état de1342 numéros. en 1914, on en était au n° 1494. Les autres entrées de la période1914-1944 ne sont pas connues avec précision. Seules des étiquettes retrouvées aprèsla libération et les indications portées dans les Bulletins de la Société apportent quelquesinformations. ainsi, ont été acquises, peu après la première guerre mondiale, les col-lections de la Société française d’archéologie, composées principalement de moulagesde sculptures gallo-romaines et médiévales. À cela s’ajoutèrent les collections lapidairespersonnelles d’arcisse de Caumont et un dépôt, en 1926, de fragments lapidaires pro-venant de la ville de Caen. Le bombardement de 1944 provoqua aussi – et paradoxa-lement – un accroissement des collections. Des décombres furent, en effet, recueillisdes éléments sculptés provenant de quartiers caennais détruits. Mais, ces événementsont aussi leur revers. Les bombardements touchèrent sévèrement les collections de laSociété ainsi que le musée. et, les nombreux vols, qui se succédèrent durant les annéesde reconstruction où le musée resta peu protégé, n’arrangèrent rien à la situation : notam-ment disparurent les collections du XVIe-XVIIIe siècle. Lucien Musset rapporte qu’ « enmai 1945 le conservateur put tout juste obtenir des Services de la reconstructionquelques ouvriers qui barricadèrent les accès en utilisant les sculptures comme moel-lons (9) ». Malgré la catastrophe de 1944, le bilan des pertes est moins lourd qu’on auraitpu le redouter. Les collections lapidaires et les objets antiques et mérovingiens ontéchappé à la destruction et peuvent être aujourd’hui pleinement admirés.

La collection de monnaies de la s.a.n.Parmi les collections de la S.a.N., on compte aussi des séries numismatiques. De

l’histoire de ce médaillier, nous ne savons que peu de choses. L’élément le plus impor-tant à retenir est que Charles Gervais en fait abondamment état dans le catalogue dumusée de 1864 (10). Plusieurs d’entre elles y sont, en effet, décrites et classées par grandepériode historique.

en 1864, Charles Gervais décrit la collection de monnaies de la manière suivante :on y trouve des monnaies celtiques, classées selon la périodisation du grand numis-mate Charles-edouard Lambert, des monnaies consulaires, une série dite « iconogra-phique » d’empereurs romains, des monnaies mérovingiennes, des monnaies caro-lingiennes, des monnaies normandes et anglo-normandes, des monnaies de la troisièmerace jusqu’à François Ier, des monnaies anglo-françaises, des monnaies françaisesdepuis François Ier jusqu’à la république de 1848, des monnaies des ducs, comtes,barons et des monnaies épiscopales et municipales. Selon les propres termes de CharlesGervais, « la Société possède [en 1864] un nombre considérable de médailles (11) ».Nous regretterons juste que cette affirmation n’ait pas été complétée par une estima-tion chiffrée. on perçoit cependant très bien la volonté de disposer d’une collectiongénéraliste, s’inscrivant à l’évidence dans une logique d’étude scientifique et chrono-logique de connaissance systématique des sociétés anciennes.

9. L. MuSSet, « Historique sommaire… », p. 587. 10. C. GerVaIS, Musée de la Société des Antiquaires de Normandie…, nos 114-116, 320-339 et

522-529. 11. C. GerVaIS, Musée de la Société des Antiquaires de Normandie…, p. 67.

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par empereur et impératrice. La collection est généraliste en ce sens qu’elle couvre qua-siment tous les règnes. ainsi, on remarque une représentation des monnaies depuisauguste (Fig. 4-5), avec la présence de monnaies en argent (deniers puis antoniniens)et en bronze de tous les modules (sesterces, dupondii, as, semis et quadrans). D’aprèsles informations livrées par Charles Gervais, plusieurs de ces monnaies ont une pro-venance locale ou régionale. Mais, les descriptions fournies ne permettent pas toujoursde les retrouver, de les localiser avec précision. toujours est-il que nombre de sériesfigurent pourtant bel et bien dans la collection aujourd’hui. ainsi, l’état de conserva-tion de certains exemplaires indique clairement qu’ils ont été trouvés lors de fouilles.C’est probablement le cas de certaines monnaies à l’effigie de tétricus qui pourraient

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Fig. 1 : Pré-inventaire du médaillier de la Société des antiquaires de Normandie

Fig. 2 : Hémistatère gaulois dit du « Groupe de Normandie » découvert à Creully (Calvados) (IIIe siècle av. J.-C.)

aujourd’hui, le médaillier de la S.a.N. connaît un second souffle. La préparationpour 2012 d’un projet de recherche prometteur, en partenariat avec le Centre Michelde Boüard de l’université de Caen, est destinée à faire partager tout l’intérêt d’unecollection numismatique d’exception et d’un patrimoine historique non moins inesti-mable.

Le médaillier d’aujourd’huiactuellement, la suite numismatique offre 8509 monnaies, jetons et médailles.

Malheureusement, comme le rapporte Lucien Musset, « les séries numismatiques ontété presque entièrement déclassées14 » suite aux événements de 1944. L’identificationde l’origine et du lieu de découverte des monnaies est donc particulièrement complexeen l’absence de cartels. Les nombreuses publications faites par les membres de laSociété et les indications contenues dans le catalogue de Charles Gervais sont utilesmais seulement pour les objets jugés par eux les plus prestigieux, le reste n’étant pasdécrit avec suffisamment de précision. Pour les monnaies qui peuvent être retrouvées,nous pourrons ainsi avoir la satisfaction de signaler d’anciennes découvertes encoreconservées, tout ou partie.

en l’état, l’intérêt de la collection diffère selon la période à laquelle appartiennentles monnaies (Fig. 1).

Dans la série antique, 1285 pièces ont été comptabilisées. Le très petit lot de mon-naies grecques (22 ex.) ne révèle pas de cohérence particulière dans l’acquisition.Peut-être s’agit-il de monnaies achetées en lot avec d’autres, de périodes différentes.Quoi qu’il en soit, la Société n’a apparemment pas porté attention à ce grand monnayagede l’histoire monétaire.

Plus nombreuse est la suite gauloise (72 ex.). elle est constituée principalement d’émis-sions régionales. Pour certaines, la provenance a été retrouvée : comme pour un spec-taculaire hémistatère (Fig. 2) exhumé dans la campagne de Bourgay, près de Creully(Calvados). D’autres sont issues de trésors, à l’exemple de statères provenant des dépôtsmonétaires de l’île de Jersey et du Plessis-Grimoult (Calvados). La Société des antiquairesa vraisemblablement cherché à ce que son médaillier contienne quelques spécimensde trésors gaulois mis au jour au XIXe siècle en Normandie. La présence de fac-simi-lés est également à signaler. Il s’agit de galvanoplastie reproduisant des monnaiesissues de la collection du numismate Charles-edouard Lambert. Ces documents sontparticulièrement importants pour reconstituer une collection vendue après sa mort etpour laquelle nous ne disposons pas d’inventaire manuscrit (15).

Les monnaies romaines sont le cœur de la composante antique du médaillier (1191ex.). elles embrassent la république et l’empire. À travers les deniers républicains selit une véritable volonté didactique. La variété de la série illustre en effet l’histoireancienne de la cité, dans sa légende comme dans sa réalité. aux côtés de l’effigie desDioscures apparaissent des scènes militaires, des édifices publics, des instrumentssacrificiels et des représentations symboliques de tout genre (Fig. 3). Pour l’empire, lesmonnaies sont apparemment issues d’un assemblage d’exemplaires formant des séries

14. L. MuSSet, « Historique sommaire… », p. 588.15. Quelques fac-similés de la collection C.-e. Lambert ont été retrouvés dans le médaillier de

la médiathèque de Bayeux : cf. P.-M. GuIHarD, Monnaies gauloises et circulation monétairedans l’actuelle Normandie. Collection de la médiathèque municipale de Bayeux (Calvados),Caen, 2008.

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L’écu d’or au lion de Louis de Male (1330-1384), fils de Louis, comte Flandre, séduitaussi le regard (Fig. 7).

À cet état des lieux s’ajoute une suite remarquable de monnaies byzantines, majo-ritairement en or (Fig. 8). elle n’apparaît pas dans le catalogue du musée de 1864, preuvequ’elle a été probablement acquise après cette date. Notons pour finir que la collec-tion présente un bel ensemble de monnaies arabo-musulmanes, qui allie or et argent.

ainsi, dans un parcours chronologique ample, le médaillier de la S.a.N., riche deplusieurs milliers de monnaies, mène le numismate de l’antiquité aux temps modernes.Il réserve bien sûr à la « belle antiquité », en particulier l’antiquité romaine, un espaceprépondérant, mais ménage également aux émissions royales et seigneuriales uneplace importante. Plus spécifiquement, il met en évidence le rôle fondamental joué pardes hommes curieux et résolument avisés en direction de la numismatique ; ces « anti-quaires » qui avaient rassemblé leur savoir dans de volumineuses collections, esquis-sant par l’objet le savoir universel des hommes sur la nature et l’histoire. autre pointfort. Si le médaillier apparaît comme une collection à la fois généraliste et didactique,il ne peut se résumer à ce seul aspect. Il donne aussi et surtout à voir une multitudede découvertes régionales qui sont autant de témoignages de l’œuvre archéologiquedes antiquaires de Normandie. C’est l’ensemble de ces attraits qui est à l’origine de son

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Fig. 6 : Centulle, seigneurie de Béarn (XIIe-XIIIe siècles)

Fig. 8 : Histaménon de Nicéphore II, Constantinople, 963-969

Fig. 7 : Louis de Male (1330-1384), Flandre, écu d’or au lion

correspondre aux émissions radiées enregistrées sous le n° 328 du catalogue du muséeet provenant des fouilles de Vieux. Parmi les antoniniens aux noms de Philippe, Lélienou Macrin, il n’est pas absurde que certains d’entre eux puissent se rattacher au trésorde Courseulles-sur-Mer découvert en 1823. Charles Gervais signale en effet que la S.a.N.avait fait l’acquisition de quelques spécimens (n° 331 du catalogue du musée).

La collection des monnaies médiévales et modernes est non moins intéressante. ellereprésente la part numérique la plus importante du médaillier (6713 ex.). elle ren-ferme un riche ensemble, composé avec soin, de monnaies souvent bien conservées,tant pour l’or que pour l’argent et le cuivre. Parmi celles-ci figure une grande variétéde monnayages seigneuriaux. Sont ainsi représentées des séries des ducs et comtesd’aquitaine, Bretagne, Béarn, Poitou, anjou, Maine, auxerre, Vendôme, reims, Provins,etc. (Fig. 6) Le médaillier compte aussi quelques monnaies des rois de France. Certainessont particulièrement remarquables, comme un écu d’or à la chaise de Philippe VI, unécu d’or au soleil de Louis XII (1498-1514) ou une monnaie d’or à la légende« république française » dont l’émission fut ordonnée par la Convention quelques jours(le 5 février 1793) après l’exécution de Louis XVI. Cela posé, il nous reste à direquelques mots des monnaies et médailles étrangères. Le médaillier de la S.a.N. contientune très impressionnante suite de pièces de Suède, du Danemark, d’espagne, en pas-sant par l’allemagne, l’Italie, l’angleterre, les Pays-Bas, la Hongrie, etc. Parmi celles-ci, l’état de conservation de plusieurs spécimens charme spécialement l’œil du numis-mate : il s’agit, par exemple, d’un noble d’or du roi d’angleterre edouard III (1327-1377).

Fig. 3 : Denier de César (vers 47-46 av. J.-C.). r/ énée portant anchise. Jules César traça son origine généalogique de Iule, fils d’énée.

Fig. 4 : Denier d’auguste (vers 20 av. J.-C.)

Fig. 5 : antoninien de trébonien Galle

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1) que les sesterces à titulatures IMP C PoStVMVS•PIVS•F•aVG (Bastien 71, 83et 97) et IMP C PoStVMVS PIVS Fe aVG (Bastien 15, 70 et 91) sont issus, pour cha-cune de ces variantes, d’un unique coin de droit.

2) que le coin portant le développement PIVS Fe, qui est peu lisible sur les quatreexemplaires recensés par Bastien, comporte en réalité des points et doit donc être luIMP C PoStVMVS•PIVS•Fe•aVG, comme l’assure un nouvel exemplaire au reversHerCVLI DeVSoNIeNSI (Bastien 15) reproduit dans une vente Divo-Hess du 22octobre 2008 (n° 584, poids, 14,85 g, Fig. 4).

3) que l’ensemble des revers à légende de droit IMP C PoStVMVS PIVS F aVG sontissus d’une demi-douzaine de coins et présentent de ce fait de nombreuses liaisonsd’ailleurs relevées par Pierre Bastien.

L’ensemble de ces données incite à penser que, contrairement aux effigies excep-tionnelles casquées ou à main levée qui sont attribuables à la fin de l’année 261 (4),ces titulatures spécifiques sont concentrées autour des premiers temps de la même année,

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entrée dans les collections du musée de Normandie. Souhaitons qu’ils guident aujour-d’hui une juste valorisation d’un fond tout à fait exceptionnel, qui, pour paraphraserDominique Poulot, est prétexte à une authentique célébration des plaisirs de l’œil etde l’intelligence (16).

16. D. PouLot, Une histoire des musées de France. XVIIIe-XXe siècle, Paris, 2008, p. 21.

HoLLarD (Dominique) — deux variétés inédites de sesterces de postume frappéesen 261.

Depuis la publication, en 1967, de l’ouvrage fondateur de Pierre Bastien sur le mon-nayage de bronze de l’empereur gallo-romain Postume (260-269) (1), divers apportssont venus enrichir ce numéraire impérial spécifique, le seul constitué de grandsbronzes qui fut produit en Gaule durant le troisième siècle. Ces ajouts ont concernéavant tout les séries précoces réalisées durant le second semestre de l’année 260,avant la mise en œuvre de la réforme monétaire qui initia la frappe du grand bronzeradié (double sesterce) (2). De même, les dernières séries de doubles sesterces, posté-rieures au 1er janvier 262, ont été complétées par l’apparition de quelques revers pro-longeant les frappes de l’année précédente (3).

en revanche, les émissions de bronzes laurés et radiés de l’année 261 n’ont guèreconnu d’évolution depuis la collecte de matériel effectuée par le docteur Bastien. Il paraîtdonc d’autant plus utile de prendre en compte l’apparition récente de variantes quin’avaient pas encore été signalées. Celles-ci concernent des sesterces où l’effigie ordi-naire (buste lauré à droite, cuirassé et drapé du paludamentum, vu de trois quarts enavant) est accompagnée de la titulature IMP C PoStVMVS PIVS F aVG au lieu de l’ha-bituel IMP C PoStVMVS P F aVG. Cette légende d’avers – qui peut être pointée ounon –, de même que celle, à peine plus développée, IMP C PoStVMVS PIVS Fe aVGsont associées à des revers, hérités pour certains des premiers mois du règne (VICto-rIae aVG, Bastien 41 : Victoires accrochant un bouclier à un palmier ; VIrtVS aVG,Bastien 50 : l’empereur avec une haste renversée et un bouclier) ou introduits pourd’autres vers fin 260-début 261 (HerCVLI DeVSoNIeNSI avec buste d’Hercule àgauche : Bastien 15-16).

L’examen des monnaies illustrées dans l’ouvrage de Bastien, complété par la docu-mentation passée depuis lors dans des catalogues de vente permet également deconstater :

CorrespondanCes

1. P. BaStIeN, Le monnayage de bronze de Postume, Wetteren, 1967.2. Les nouveaux types monétaires apparus après 1967 pour les premiers mois du règne ont été

décrits et classés par D. GrICourt, « Les premières émissions de Postume à trèves », TrésorsMonétaires XII, 1990, p. 31-54.

3. Sur l’émission finale du monnayage courant de bronze, voir D. HoLLarD, « Le monnayagede bronze de Postume frappé en 262 », CahNum, n° 130, décembre 1996, p. 7-12.

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roNDe (andré) — À propos de deux monnaies byzantines.

Dans une petite trouvaille de monnaies byzantines du VIe siècle provenant deturquie (?) figuraient deux intéressantes petites monnaies d’argent.

La première (fig. 1), la plus courante, est une demi-silique de type anonyme, mon-trant à l’avers un buste drapé et casqué à droite et au revers la lettre grecque K. Le poidsest de 1,1 g et le revers est à 12 h.

Ce type de monnaie longtemps mal répertorié, a été bien étudié ces dernièresannées en particulier par Simon Bendall (1).

Notre exemplaire est à rattacher au type 8c, le plus courant, que Simon Bendall datea priori entre 530 et 580. L’avers représente le buste de Constantinople et la lettre durevers l’initiale de cette cité.

La seconde est beaucoup plus rare. Il s’agit d’une silique de 1,8 g (fig. 2).À l’avers figure un buste drapé, casqué et diadémé avec une belle fibule attachant

1. S. BeNDaLL, « anonymous silver coinage of the fourth to sixth centuries », RN 2002, p. 139-159.

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iMp C postvMvs•pivs•Fe•avGHerCVLI DeVSoNIeNSI (buste d’Hercule) 3 ex. 15FIDeS MILItVM 2 ex. 70VICtorIa aVG // S C 1 ex. 91

Nb. d’ex. Bastien

iMp C postvMvs•pivs•F•avGFIDeS MILItVM 1 ex. 71LaetItIa // aVG 2 ex. 83VICtorIa aVG 2 ex. 97

iMp C postvMvs pivs F avGHerCVLI DeVSoNIeNSI (buste d’Hercule) 1 ex. 16VICtorIae aVG //S C (Victoires, palmier) 2 ex. 36VICtorIae aVG (Victoires, palmier) 2 ex. 41VIrtVS aVG // S C 1 ex. 50P M tr P CoS II P P // S C 2 ex. 58P M TR P COS II P P 1 ex. —FIDeS MILItVM 6 ex. 72LAETITIA // AVG 2 ex. —VICtorIa aVG // S C 4 ex. 92VICtorIa aVG 5 ex. 98

Nb. d’ex. Bastien

leur apparition étant éventuellement liée aux distributions consécutives à la prise parPostume de son second consulat, le 1er janvier 261.

Concernant la légende IMP C PoStVMVS PIVS F aVG les variantes signalées iciconcernent pour l’une, précisément le type daté du second consulat (P M tr P CoSII P P) mais sans les lettres S C qui accompagnent très majoritairement ce revers ; pourl’autre le type LaetItIa // aVG avec une galère à gauche, une image frappée depuis260 et prolongée, sur le bronze, jusqu’au début 262 (5). Ce dernier type était, enoutre, déjà connu avec la légende pointée IMP C PoStVMVS•PIVS•F•aVG (Bastien83).

Le premier exemplaire provient d’une collection particulière d’Île-de-France etrépond à la description suivante :

IMP C PoStVMVS PIVS F aVG, buste de Postume à droite, cuirassé et drapé dupaludamentum, vu de trois quarts en avant.

P M tr P Co-S II P P, Postume en tenue militaire debout à gauche, tenant un globede la main droite et une haste verticale de la main gauche.

Poids : 15,00 g ; axe des coins : 6 h ; diamètre : 28-26 mm (Fig. 1). L’exemplaireporte à la fois les traces d’un tréflage visible au revers et d’une faiblesse de frappe per-ceptible sur la droite des deux faces.

Les deux monnaies au type de la galère naviguant à gauche sont issues de cataloguesde vente et se décrivent comme suit :

IMP C PoStVMVS PIVS F aVG, buste de Postume à droite, cuirassé et drapé dupaludamentum, vu de trois quarts en avant.

LaetItIa //aVG : galère voguant à gauche avec trois ou quatre rameurs et unpilote.

Classical Numismatic Group, electronic auction, 123, 28 septembre 2005, n° 318,poids : 19,31 g, diamètre : 30 mm (Fig. 2) et Numismatica ars Classica, 54, 24 mars2010, n° 569, poids : 15,53 g (Fig. 3). Ce dernier sesterce a subi une double frappe,les restes d’une enseigne militaire – spécifique du revers FIDeS MILItVM – apparais-sant distinctement sous le navire (6). De ce fait, la fin de la légende située à l’exergue[aVG] a été oblitérée alors qu’une lettre écrasée (un V) est en revanche visible à la suitede LaetItIa.

Si les coins d’avers de l’exemplaire en collection privée et de celui de la vente CNGsemblent nouveaux, le droit du sesterce de la vente NaC était déjà connu associés àd’autres types de revers (VICtorIae aVG, Bastien 41a-41b ; FIDeS MILItVM, Bastien72a-72b ; VICtorIa aVG, Bastien 98d-98e).

Le tableau ci-dessous rassemble les revers actuellement attestés pour les titula-tures avec PIVS F et PIVS Fe, en ajoutant aux exemplaires recensés dans l’ouvrage deBastien ceux apparus dans des catalogues de vente.

4. Sur la datation des bustes casqués sur les monnaies de bronze de Postume, voir : D. HoL-LarD, P. GeNDre et J.-P. rouSSeL, « un buste casqué inédit de Postume sur un double ses-terce d’imitation », BSFN, 56, 2001, p. 68.

5. D HoLLarD, loc. cit. (en note 3).6. un exemple de double frappe entre les revers FIDeS MILItVM et P M tr P CoS II P P a déjà

été relevé sur un sesterce par P. BaStIeN, op. cit., p. 136, n° 73a.

MoeSGaarD (Jens Christian), SINGer (andy), WooDHeaD (Peter) — Lesmonnaies ducales normandes du trésor dit « Harim/Harenc ».

en 2006, un lot de monnaies supposé constituer un trésor monétaire syrien estapparu sur le marché américain et anglais. Il a été possible de faire un inventaire dece lot qui compte presque 4000 pièces. un compte rendu sommaire a été publié en2008 (1). Il s’agit de monnaies des états des Croisés dans le Levant et de différents paysd’europe. Le trésor aurait été enfoui vers 1164.

Le lot comptait entre autres 14 deniers ducaux normands qui constituent l’objet dela présente note (fig. 1-14). Comme démontré par le catalogue à la fin de l’article etle tableau 1, ils sont répartis sur 11 types différents, couvrant presque un siècle, selonla chronologie proposée par F. Dumas (2). en ceci, le lot diffère de la masse monétaireen Normandie proprement dite. en effet, dans le duché ne circulait qu’un type moné-taire à la fois, le plus récent. on est tenté de croire que les monnaies anciennesn’avaient plus cours légal (3). en revanche, ce groupe de 14 deniers s’intègre par sa com-position générale dans la série de trésors du XIIe siècle découverts en Italie et auMoyen orient et comportant une part de monnaies normandes. Souvent, une grandepartie des pièces sont rognées, comme c’est aussi le cas ici (4). Ce flux de deniers nor-mands vers le sud-est s’explique bien évidemment dans le contexte de pèlerinages etde croisades. Les sommes amenées en Méditerranée par les Croisés et les pèlerinsseraient donc tirées d’une réserve de monnaies anciennes gardée en Normandie afinde l’utiliser à l’extérieur du duché. alternativement, on peut y voir des monnaies expor-tées par lots successifs, puis accumulées à l’étranger.

tableau 1. répartition chronologique des 14 deniers normands.

Dumas, groupe Dumas, dates Nombre

B/C v. 1050-1075 3

C v. 1075-1135 9

D v. 1075-1135 1

e v. 1135-1145 1

Le trésor de « Harim/Harenc » comporte deux exemplaires au type Dumas plancheXIX,15-16 (cat. nos 2 et 3). Ce type est relativement rare. Il montre au droit une flèche(dont la pointe est dérivée du fronton du temple qui forme le prototype typologique dela plupart des monnaies ducales normandes), accostée de lettres et de symboles, et aurevers une croix cantonnée d’annelets et, à la place de la légende, une suite de points.

1. NC 2008, p. 432-4332. Les monnaies normandes des XIe-XIIe siècles sont divisées en 5 phases : groupes a, B, B/C,

C et D, puis e. Voir F. DuMaS, « Les monnaies normandes (Xe-XIIe siècles) », RN 1979, p. 84-140. Pour le groupe e, voir F. DuMaS, J. PILet-LeMIere, « La monnaie normande – Xe-XIIesiècle. Le point de la recherche en 1987 », Les Mondes Normands, Caen, 1989, p. 125-131,voir p. 127 et note 5.

3. J. C. MoeSGaarD, « Renovatio monetae en Normandie à l’époque ducale ? », BSFN, 53-06, 1998, p. 127-131, 206.

4. J. C. MoeSGaarD, « Monnaies normandes dans les régions baltiques à l’époque viking »,RN 2005, p. 123-144 ; J. C. MoeSGaarD & P. WooDHeaD, « Nouvelles découvertes dedeniers normands », BSFN, 2005, p. 154-161.

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la drapure. La légende, en partie mal venue à la frappe, permet de lire …………../r IP P a V, le tout dans un double cercle perlé.

au revers, à 7 h, figure une croix potencée sur un globe en léger relief égalementdans un double cercle perlé avec une étoile à l’exergue.

L’attribution à l’empereur Maurice tibère (582-602) ne fait aucun doute, la légendepouvant être complétée avec D N M a V/.

Cette silique figure initialement dans l’ouvrage du comte tolstoi (2) au numéro 60,elle est attribuée à l’atelier de Constantinople. Par la suite, elle est à nouveau citée dansla collection du musée de Dumbarton oaks (3), dans l’ouvrage de Hahn (4) et dans celuide Cécile Morrisson (5), mais il s’agit toujours de la même monnaie décrite par tolstoi.un deuxième exemplaire figurait dans la vente ratto (Lugano 1930) au numéro 1030(avec photo).

Depuis lors, deux ou peut-être trois exemplaires supplémentaires ont été réperto-riés et figurent dans la récente édition du MIB, volume 2, rédigée par Wolfang Hahnet Michaël Metlich (6). Il s’agit d’un (ou deux ?) exemplaires trouvés en Géorgie et d’unfigurant dans une vente Lanz (7).

L’atelier de Constantinople, à la différence de celui de Carthage, n’a frappé qu’unnombre réduit de monnaies d’argent sous les règnes de tibère II et Maurice tibère :des milliarenses d’environ 3 g et des siliques de 2 g. Ces frappes étaient vraisembla-blement destinées à des donations à caractère militaire plutôt qu’à une circulationrégulière qui aurait été assurée, elle, par les demi-siliques anonymes plus abondantes.

Les deux monnaies présentées ici sont donc bien représentatives du monnayage d’ar-gent à Constantinople dans la deuxième moitié du VIe siècle.

2. J. toLStoI, Monnaies byzantines, Saint-Pétersbourg, 1913.3. Catalogue of the Byzantine coins in the Dumbarton Oaks Collection, Washington, DC, 1966.4. W. HaHN, Moneta Imperii Byzantini, Vienne, 1966, qui précise une date de frappe aux

environs de 597.5. C. MorrISSoN, Catalogue des monnaies byzantines de la BN, Paris, 1970.6. Money of the incipient Byzantine continued, Vienne, 2009.7. Vente Lanz, Munich, n° 60, juin 1992, n° 981 (1,70 g).

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Fig. 1

Fig. 2

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Le type appartient au groupe B/C selon le classement de F. Dumas (cf. cependant ladiscussion ci-dessous à propos d’un éventuel reclassement de ce type). Ce groupe estcaractérisé par l’absence de légendes compréhensibles. La qualité de la frappe des mon-naies ducales normandes laisse à désirer, rendant la lecture des légendes encore plusdifficile. Mais justement l’un des exemplaires considérés ici semble montrer unelégende (cat. n° 2). L’exemplaire est relativement bien frappé ; le flan est presque régu-lier, la frappe est bien centrée et il n’y a que quelques points de frappe faible sur le revers.Si l’on tourne la pointe de la flèche du droit vers le bas, on serait tenté de lire lalégende suivante en deux lignes coupées par la flèche : r / o, puis CI / or. ro pour-rait signifier Rotomagus pour rouen, ou bien robert pour robert le Magnifique ou robertCourteheuse. CIor pourrait être C Nor pour comes normannorum, comte desNormands. Cependant, la lecture est rendue très incertaine du fait que, en raison dela minceur du flan, le dessin du revers apparaît en creux au droit. Seule la lecture dupremier r semble à peu près assurée. Le C pourrait bien être un carré et le r final deux I.

Historiquement, la lecture est tout à fait possible, car les ducs utilisaient couram-ment le titre de comes normannorum (5). Les règnes de robert le Magnifique 1027-1035 et de robert Courteheuse 1087-1106 ne correspondent pas à la date proposéepar F. Dumas pour le groupe B/C, vers 1050-1075, mais cette datation est de toute façonapproximative. De surcroît, pour le type en question, son appartenance au groupe nerepose pas sur sa présence dans les trésors, mais sur un regroupement stylistique (cf.discussion ci-dessous).

afin de vérifier cette lecture, nous avons mené une enquête rapide sur les exem-plaires publiés ou disponibles en collections publiques :

(2) « Harim/Harenc », cat. n° 3 : r / [..], puis (carré)I / or. La lecture est rendueincertaine par une faiblesse de frappe, une frappe excentrée et la présence du dessindu revers en creux. Le carré semble certain.

(3) exemplaire r. Prot, vu en 2002, poids 0,85 g, frappe faible sur tout le pourtour :première ligne, traces de lettres (la lecture r / o est possible), puis oI (surmonté d’untiret ?) / oH. La lecture d’un C (à moins qu’il ne soit rétrograde) au début de la deuxièmeligne et d’un r à la fin n’est pas possible (fig. 15).

(4) exemplaire a. Singer, acquis en octobre 2006 à Paris, poids 0,80 g, diamètre 18-20 mm. Frappe très faible ; la présence du dessin du revers en creux. on lit : (r ?) / [..],puis (C rétrograde ?)I / oI[..]. Le C semble avoir des retours marqués. La dernière lettre(le I puis la partie illisible) pourrait bien être un N ou un r (fig. 16).

(5) Musée départemental des antiquités de la Seine-Maritime, exemplaire publiépar F. Dumas, qui lit P / [..], puis (C rétrograde)I / oP (6). D’après les photos publiées,cette lecture est difficile à vérifier ; cependant, la première lettre pourrait bien être unr. L’éventuel C au début de la deuxième ligne semble carré, et son ouverture vers lagauche est incertaine. Le flan est très irrégulier et la frappe partiellement faible.

(6-7) Deux exemplaires, dont un rogné, dans un trésor sans lieu de découverte connu,acquis par le Cabinet des Médailles de Bruxelles en 1952 (7). L’un des deux exemplaires,bien conservé, est illustré par F. Dumas en 1979 (8). D’après la photo, on lirait : r / o,puis [...] / oII.

5. M. FaurouX, Recueil des actes des ducs de Normandie (911-1066), Caen, 1961, p. 49-50.6. Monnaies, Médailles et Jetons, rouen, 1978, p. 44, n° 28 et pl. X,16 ; DuMaS, « Les mon-

naies... », pl. XIX,16.7. DuMaS, « Les monnaies... », p. 134-136, trouvaille 76.8. DuMaS, « Les monnaies... », pl. XIX,15.

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(8) un exemplaire provient d’un trésor trouvé dans la mer près de Haifa. Le flanest court et la pièce ébréchée. La légende serait, d’après la photo publiée (9), r / o,puis (C carré)I / oN. Cependant, seule la lecture du premier o semble certaine. Le Nfinal pourrait être un r.

9. M. MetCaLF, « a twelfth-Century Hoard from the Sea Dated by Coins of raymond ofPoitiers », Israel Numismatic Journal, 8, 1984-1985, p. 77-83, voir p. 82 et pl. 26,17.

Catalogue des 14 deniers normands du trésor « Harim/Harenc ».

no. dumas (11) dumas Légendes poids diam. Comm.planche groupe

1 XIX,1-4 B/C Simili-lettres ? 0,46 g 15-17 rogné ? usé

2 XIX,15-16 B/C Voir texte 0,66 g 17-19 -

3 XIX,15-16 B/C Voir texte 0,65 g 16-17 -

4 XX,4 C [……]NNa (?) 0,58 g 16-18 rogné ?

5 XX,4 C […..]a[…..] (?) 0,56 g 15-17 rogné ? usé

6 XX,5 C +[…….]aNNa 0,61 g 17-18 -

7 XX,10 C […..]IaNNa (?) 0,71 g 17 -

8 XX,10 C Illisible 0,43 g 14-16 rogné, usé

9 XX,14 ? C Illisible 0,38 g 13 rogné

10 XX,16 ? C [..]Nor[….] (?) 0,44 g 13-14 rogné

11 XX,19 C Légende dénuée 0,51 g 15-17 rogné ?de sens ?

12 XX,24 C Illisible 0,43 g 15 rogné

13 XXI,13 D ra/Bo (style de 0,38 g 13,5-14 rognél’«a» inhabituel)

14 XIX,21 e +rotoMaGVS 0,76 g 17-18 -1. F. PoeY D’aVaNt, Monnaies féodales de France, t. II, Paris, 1860.2. La référence à la planche donnée par PoeY D’aVaNt, LVIII.2, est erronée et doit être corri-

gée en. LIX.9.3. J. DuPLeSSY, Les monnaies françaises féodales, Paris, 2004.

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en conclusion, si la lecture de r / o dans la première ligne semble plausible, ladeuxième ligne pose plus de problèmes. La lecture proposée du C initial et du r finalsemble très incertaine. on ne peut pas exclure des variations d’un coin à l’autre au seinde l’émission. une lecture alternative de certains exemplaires est possible en suppo-sant que la légende soit en boustrophadon. La deuxième ligne serait alors No[rman-norum] / I C[omes]. or, cela est très hypothétique et doit être confirmé par la lecturede davantage d’exemplaires.

Par conséquent, au terme de la présente enquête, nous ne pouvons pas dire si lalégende était conçue pour donner du sens, ou bien s’il s’agit d’une pseudo-légende.L’interprétation des lettres ro comme Rotomagus = rouen est plus vraisemblable quel’interprétation comme robert. en effet, les exemplaires en question semblent neufs etne portent pas la trace d’une circulation de plusieurs décennies, voire d’un siècle etdemi. Même thésaurisées, elles n’auraient pas pu se maintenir aussi fraîches. Le lot demonnaies (dont font partie les deux pièces énumérées sous les nos 5-6 ci-dessus)conservé à Bruxelles date également du milieu du XIIe siècle, tout comme le trésor deHaifa (cf. n° 7 ci-dessus) ; ces exemplaires ne portent pas non plus de traces de circulation.L’attribution à robert le Magnifique (1027-1035) ou à robert Courteheuse (1087-1106) serait donc à exclure. on peut même se demander si ce type n’appartient pasplutôt au groupe e défini en 1989 par F. Dumas et J. Pilet-Lemière qu’au groupe B/C(10). Ce groupe daterait d’environ 1135-1145. Stylistiquement, le type considéré ici estproche du groupe e. en effet, dans un premier temps, F. Dumas considérait les typesformant le groupe e comme faisant partie du groupe B/C. De surcroît, comme nousvenons de le voir, les trésors indiqueraient également une date tardive du XIIe siècle.

10. Voir note 2.11. Voir note 2.

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JéZéQueL (Yannick) — un denier de Guillaume vii, duc d’aquitaine, retrouvé.

Poey d’avant décrivait ainsi dans son ouvrage (1), sous le n° 2739 (2) un denier bor-delais qu’il attribuait à Guillaume IX, duc d’aquitaine :

+ aqVIt... Dans le champ, DVX en triangle. r. + BVrDe...e en légende rétrograde.Croix.

ar. Denier fracturé.Coll. Puiferrat à Bordeaux.Ce denier, unique, fut réattribué par J. Duplessy (3) à Gui-Geoffroy après 1058 sous

le nom de Guillaume VIII, n° 1018. L’absence de trouvailles répertoriées pour ce typene permet pas de discuter cette attribution et cette datation fondées sur des critères d’évo-lution typologique ; elle confirme en tout cas sa rareté.

un collectionneur nous communique aujourd’hui un exemplaire complet avecdes légendes non rétrogrades de ce denier qui nous a semblé mériter d’être signalé :

+ aqVItaNIe, DVX en triangle dans le champ.+ BVrDeGaLe, croix.Ø = 18 mm

54èmes journées nuMisMatiQuesCaen (3-5 juin 2011)

Les 54èmes Journées numismatiques de la Société française de Numismatique(SFN) se sont déroulées à Caen du 3 au 5 juin 2011. elles ont été organisées avec leconcours généreux de la ville de Caen et de son député-maire M. Philippe Duron, etle Musée de Normandie et son directeur M. Jean-Marie Levesque.

ont participé à ces Journées :Mmes, Mlles et MM. M. amandry, F. Beau, M. Bompaire, a. Bourgeois, L. Calmels,

t. Cardon, C. Charlet, Y. Coativy, J.-C. Desfretier, P. Devaux, M. Doiron, V. Drost, V.Flandreau, J.-P. Garnier, M.-D. Garnier, P.-M. Guihard, S. Gustave, J. Hourlier, M.Hourlier, J. Jambu, Y. Jézéquel, Mme Jézéquel, J. Lanéelle, L. Lariche, H. Le Men, J.-M. Levesque, P. Mathieu, Mme Mathieu, J. Meissonnier, a.-M. Michaux, J.-C. Michaux,J. C. Moesgaard, Y. Noël, M. Parverie, r. Prot, P. rousselle, Mme rousselle, P. Schiesser,r. thompson, P. Villemur, r. Wack.

vendredi 3 juinLes participants sont accueillis à partir de 13h30 à l’auditorium du Château, où se

tiendront les séances de communications. Le dossier des Journées est remis aux par-ticipants. Il contient notamment la plaquette éditée pour l’occasion qui consiste en uneréédition du discours présenté par ernest Babelon à la Société des antiquaires deNormandie le 25 janvier 1906, augmentée d’une introduction par Jean-Pierre Garnier,suivie d’un hommage à ernest Babelon et de quelques précisions complémentaires parMichel amandry. on y a également inséré trois photographies représentant e. Babelon,l’une en académicien, une autre devant le « grand camée », et enfin à son bureau detravail (e. Babelon, « La trouvaille monétaire de Helleville (Manche) en 1780 », extraitdu Bulletin de la Société des Antiquaires de Normandie, XXVIII, 1910, p. 3-42). Ils’agit d’une édition limitée à 60 exemplaires numérotés. Le dossier comprend égale-ment le volume IV de la série des TAF (Corpus des trésors monétaires antiques de laFrance) consacré à la Haute-Normandie ainsi que la médaille réalisée pour l’occasionpar Jean-Pierre Garnier.

Les Journées sont ouvertes à 14h30. M. Jean-Pierre Garnier, président de la SFN,et M. Jean-Marie Levesque, directeur du Musée de Normandie, prononcent les allo-cutions de bienvenue. Le Président remercie particulièrement la Ville de Caen et sondéputé-maire M. Philippe Duron, ainsi que le Musée de Normandie, son directeur M.Jean-Marie Levesque et ses collaboratrices et collaborateurs qui ont œuvré à la préparationde ces Journés.

La première séance de communications débute à 14h45. elle se déroule en deuxparties séparées par une courte pause. La première demi-séance est présidée par M.Jean-Pierre Garnier, la seconde l’est par M. Marc Bompaire.

Les intervenants suivants présentent successivement leurs communications : P.-M.Guihard et J.-M. Levesque ; Y. Coativy ; P. Schiesser ; J.-C. Moesgaard ; J.-C. Moesgaard,G. Bottin et J. Jambu ; J. Jambu ; J.-P. Garnier.

La séance est levée à 18h. elle est suivie d’un vin d’honneur offert par la ville deCaen et le Musée de Normandie au restaurant du Château.

samedi 4 juinLes participants se retrouvent à 10h au Château de Caen pour une visite guidée du

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CHarLet (Christian) — Addendum (images) à CHarLet (Christian) et HeNrY(emmanuel) — un demi-écu de Flandre au millésime 1685, frappé à amiens avec ledifférent au croissant choisi par le graveur de la Monnaie de Paris. (BSFN, mai 2011,p. 109-110)

Fig. 1

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Fig. 2

Fig. 3

addenduM

sivement : P. rousselle ; r. Wack ; C. Charlet ; L. Calmels ; J.-P. Garnier ; Y. Jézéquel.Le président remercie les intervenants et les participants, puis la séance est levée

à 18h30.Les participants se retrouvent par la suite à 19h30 au restaurant du Château pour

le traditionnel dîner de clôture.Le dimanche matin avait lieu la traditionnelle visite de la ville avec un guide gra-

cieusement mis à notre disposition par le Musée.

annonce de colloque

Mine, métal, monnaie. autour du cas de Melle, les voies de la quantification del’histoire monétaire du haut Moyen Âge.

paris - epHe, 12-14 septembre 2011

Argumentaire scientifiqueLa quantification monétaire, qu’il s’agisse de l’antiquité ou des périodes plus

récentes de l’Histoire, est une préoccupation majeure des historiens des échanges etdes numismates. Pour le haut Moyen Âge, le manque de « données chiffrées » a parle passé incité à étudier cette question par des approches extérieures à la monnaie. Destravaux récents semblent toutefois démontrer que l’examen de l’ensemble des donnéesqui l’entourent peut constituer une approche légitime pour cette période.

L’étude en cours de la signature géochimique du métal produit à Melle, dans le cadredu projet aNr FaHMa (Filière de l’argent au haut Moyen Âge), a conduit à essayer demettre en évidence ses liens avec le monnayage au nom de cette cité et au-delà. Il s’agitlà d’éléments de réflexion supplémentaires pour suivre la diffusion de ce stock métal-lique, qui nous invitent à réfléchir sur l’importance quantitative de la productionminière de Melle et à la nature et l’importance relative de sa contribution au stock métal-lique et monétaire disponible à l’époque.

L’ambition de cette rencontre serait de prolonger la réflexion sur cette approche dela quantification, mais aussi de la mettre en perspective avec les autres modes etmodèles proposés à l’occasion de travaux de numismatique et d’histoire monétaire. Lecas de Melle nous place dans le monde Franc altomédiéval, mais des éclairages sontnécessaires sur les monnayages byzantins et arabes, orientaux et occidentaux, ouanglo-saxons pour lesquels ont été mises en œuvre diverses méthodes spécifiques.Des comparaisons avec d’autres sites miniers liés à des productions monétaires serontégalement proposées : il s’agira avant tout de mettre en valeur les procédures de rai-sonnement et les présupposés fondant les propositions de quantification de la productionmonétaire, de la masse monétaire en circulation ou de l’intensité de cette circulation.

Comité scientifique : M. amandry (BnF - ePHe) ; F. de Callataÿ (KBr - ePHe) ; L. Kalus(Paris ePHe) ; M. McCormick (univ. Harvard) ; C. Morrisson (CNrS) ; a. rovelli (univ.Viterbe).

Comité d’organisation : M. Bompaire (CNrS - ePHe) ; G. Sarah (CNrS) ; F. téreygeol(CNrS).

Contacts : [email protected] ; [email protected] pratiques : Lieu du colloque : 190 avenue de France, Paris 13e. Métro Quai de la Gare.

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Musée de Normandie, suivie de la visite de la salle de l’échiquier. après le déjeuner, lesmembres se retrouvent à 14h à l’auditorium du Château pour la séance ordinaire dela SFN.

La séance ordinaire est présidée par M. Jean-Pierre Garnier.Membres présents : Mlles, Mmes et MM. M. amandry, F. Beau, M. Bompaire, a.

Bourgeois, L. Calmels, t. Cardon, C. Charlet, Y. Coativy, J.-C. Desfretier, P. Devaux, M.Doiron, V. Drost, J.-P. Garnier, S. Gustave, M. Hourlier, Y. Jézéquel, L. Lariche, H. LeMen, P. Mathieu, J. Meissonnier, a.-M. Michaux, J.-C. Michaux, J. C. Moesgaard, Y. Noël,M. Parverie, r. Prot, P. rousselle, P. Schiesser, r. thompson, P. Villemur, r. Wack.

Invités : MM. J.-M. Levesque (conservateur en chef du Muée de Normandie) et J.Lanéelle (président de la Société numismatique de Basse-Normandie).

Membres excusés : Mmes et MM. M.-L. Berdeaux-Le Brazidec, J.-P. Divo, G. Gautier,C. Morrisson, S. de turckheim-Pey.

électionsMM. thierry Georges et Marcel tache, présentés lors de la séance de mai, sont élus

membres correspondants à l’unanimité.aucune candidature nouvelle n’a été soumise au Bureau.

annoncesM. Marc Bompaire évoque la parution d’un volume de Mélanges offerts à Cécile

Morrisson. La remise de ces Mélanges a eu lieu le 24 mai dans les salons de l’universitéParis 1. Il fait circuler ce beau volume qui rassemble 48 articles  : Mélanges CécileMorrisson, Paris, 2010 (Collège de France-CNrS Centre de recherche d’histoire et decivilisation de Byzance, travaux et Mémoires, 16), 898 p.

M. Bompaire annonce ensuite le colloque « Mine, métal, monnaie. autour du casde Melle, les voies de la quantification de l’histoire monétaire du haut Moyen Âge »qui se tiendra à Paris (ePHe) du 12 au 14 septembre 2011 (voir ci-contre).

M. Michel amandry présente enfin la plaquette éditée à l’occasion des Journées etconsacrée au trésor d’Helleville, et que tous les participants ont reçu dans leur dossier.Il revient sur l’histoire de ce spectaculaire ensemble de monnaies d’or enfoui dans lesannées 340 dans la Manche, et présente au public présent un ancien sous-verre conte-nant les moulages qu’avait eu en main ernest Babelon pour réaliser son étude (cf.supra).

publicationsM. Yves Coativy présente la récente parution des Annales 2009 de la Société bre-

tonne de Numismatique et d’Histoire.Le président fait circuler les publications suivantes :Amicales Numismatiques Associées, 134, mai-juin 2011.Materiale s,i cercetari arheologice, 2009.Mitteilungen der Österreichischen Numismatischen Gesellschaft, 51/1, 2011.Numismatisches Nachrichtenblatt, 5, mai 2011.Svensk Numismatisk Tidskrift, 4, mai 2011.

À l’issue de la séance ordinaire, la deuxième séance de communications débute.elle est présidée, dans sa première partie, par M. Michel amandry et, dans sa secondepartie, par M. Jean-Marie Levesque. Les communicants suivants interviennent succes-

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Prépresse : Cymbalum – ParisImprimerie France-Quercy — Mercuès

tariFs pour 2011Cotisation annuelle seule (sans le service du Bulletin) :

Membres correspondants (France et étranger) ...................................26 €Membres titulaires ............................................................................34 €

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buLLetin de La soCiété Française de nuMisMatiQuePublication de la Société Française de Numismatique

10 numéros par anISSN 0037-9344

N° de Commission paritaire de Presse : 0510 G 84906

Société Française de Numismatiquereconnue d'utilité publique

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Secrétaire de rédaction : Jean Jézéquel ([email protected])Directeur de la publication : Jean-Pierre Garnier

soCiété Française de nuMisMatiQue Médaille commémorative des journées numismatiques de Caen,représentant la fondation du duché de normandie.

rappel historique À l’automne 911, à Saint-Clair-sur-epte, eut lieu la rencontre entre rolf le Marcheur

dit rollon, Iarl de rouen et chef des Normands, et le roi des Francs carolingiensCharles III le Simple. Cette rencontre est l’acte fondateur du duché de Normandie. Denos jours, Saint-Clair-sur-epte est dans l’actuel Val-d’oise, et de l’autre côté de larivière, c’est l’eure et la début de la Normandie.

La médailleDroit : La partie supérieure représente le nord et un bateau viking avec lequel les

premiers colons normands sont arrivés.La partie inférieure est partagée en deux par l’epte, séparant d’une part la Normandie

à l’ouest représentée par un casque normand couronné, surmonté de la titulature duduc rollon, et d’autre part, le royaume des Francs carolingiens à l’est représenté parla couronne royale surmontée de la titulature du roi Charles le simple. en bas à dr.Signature J.-P. GarNIer.

revers : en six lignes, dans le style in graffito, La / SFN / À CaeN / III IV V JVIN MMXI/ NorMaNDIe / CMXI – MMXI, en dessous, signature en monogramme.

Médaille fondue et patinée en étain.tirage 60 exemplaires, hors épreuves d’auteur.Diamètre 67 mm hors bélière

Nous avons été avertis que la salle des Commissions était prise les 5novembre et 3 décembre. en conséquence, les séances prévues à cesdates-là sont reportées au samedi 12 novembre et au samedi 10 décembre2011.

iMportant