Les premiers souverains kouchans : chronologie et iconographie monétaire

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LES PREMIERS SOUVERAINS KOUCHANS : CHRONOLOGIE ET ICONOGRAPHIE MONÉTAIRE 1 Nous avons abordé brièvement dans deux articles récents la question de l’iden- tité et de la généalogie des souverains kouchans qui ont succédé à Kujula Kadphisès, le fondateur de l’empire kouchan 2 . La présente étude est destinée à donner un plus large développement aux hypothèses que nous avons précédemment avancées sur cette question grâce à de nouvelles données numismatiques et statuaires apparues entre-temps. Nous en profiterons pour faire connaître à travers des documents ico- nographiques inédits ce que nous considérons comme les premières représentations figurées des divinités hindoues du panthéon kouchan. 1. Plusieurs collègues ont bien voulu répondre aux demandes de renseignements que nous leur avons adressées et nous tenons à remercier vivement MM. Paul Bernard, membre de l’Institut ; Gérard Fussman, professeur au Collège de France ; Nicholas Sims-Williams, professeur émérite de l’Université de Londres ; François Thierry, conservateur en chef du cabinet des Médailles (BnF) ; Harry Falk, professeur à l’Institut für indische Philologie und Kunstgeschichte, Université libre de Berlin ; et M me Laura Giuliano, conserva- teur au Museo Nazionale d’Arte Orientale de Rome. Nos remerciements vont aussi à MM. François Ory (CNRS-ENS, UMR 8546) qui a mis au point les dessins de cet article et Christophe Bailly (CNRS-ENS, UMR 8546) qui a traité de nombreuses illustrations. Nous exprimons notre sincère gratitude aux autorités du Cabinet des Médailles de la BNF ainsi qu’au Museo Nazionale d’Arte Orientale de Rome et aux collec- tionneurs qui ont bien voulu nous autoriser à publier des pièces souvent inédites. 2. BOPEARACHCHI 2007a et b. JANVIER-JUIN 2008

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LES PREMIERS SOUVERAINS KOUCHANS :CHRONOLOGIE ET ICONOGRAPHIE MONÉTAIRE 1

Nous avons abordé brièvement dans deux articles récents la question de l’iden-tité et de la généalogie des souverains kouchans qui ont succédé à Kujula Kadphisès,le fondateur de l’empire kouchan 2. La présente étude est destinée à donner un pluslarge développement aux hypothèses que nous avons précédemment avancées surcette question grâce à de nouvelles données numismatiques et statuaires apparuesentre-temps. Nous en profiterons pour faire connaître à travers des documents ico-nographiques inédits ce que nous considérons comme les premières représentationsfigurées des divinités hindoues du panthéon kouchan.

1. Plusieurs collègues ont bien voulu répondre aux demandes de renseignements que nous leur avonsadressées et nous tenons à remercier vivement MM. Paul Bernard, membre de l’Institut ; Gérard Fussman,professeur au Collège de France ; Nicholas Sims-Williams, professeur émérite de l’Université de Londres ;François Thierry, conservateur en chef du cabinet des Médailles (BnF) ; Harry Falk, professeur à l’Institutfür indische Philologie und Kunstgeschichte, Université libre de Berlin ; et Mme Laura Giuliano, conserva-teur au Museo Nazionale d’Arte Orientale de Rome. Nos remerciements vont aussi à MM. François Ory(CNRS-ENS, UMR 8546) qui a mis au point les dessins de cet article et Christophe Bailly (CNRS-ENS,UMR 8546) qui a traité de nombreuses illustrations. Nous exprimons notre sincère gratitude aux autoritésdu Cabinet des Médailles de la BNF ainsi qu’au Museo Nazionale d’Arte Orientale de Rome et aux collec-tionneurs qui ont bien voulu nous autoriser à publier des pièces souvent inédites.

2. BOPEARACHCHI 2007a et b.

JANVIER-JUIN 2008

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La découverte récente de l’inscription bactrienne de Rabatak, près de SurkhKotal dans le nord de l’Afghanistan, publiée en 1995-1996 par Nicholas Sims-Williams 3, a éclairé d’un jour nouveau la question de la généalogie des rois kou-chans qui ont précédé Kaniska I. Elle nous a fait connaître en effet, pour la premièrefois, dans une liste généalogique, la personne d’un certain Wima Takto, qui est pré-senté comme le fils de Kujula Kadphisès et le père de Wima Kadphisès, lui-mêmepère de Kaniska. Dans l’excitation de la découverte, le numismate anglais Joe Cribb,cherchant à résoudre le problème posé par l’extrême rareté des monnaies frappéesau nom dudit Wima Takto, à savoir un petit groupe de bronzes portant la légendeen kharosth| « Wema Tak(h) », proposa d’agréger à celui-ci l’abondant monnayageanonyme dit de Sôter Mégas, frappé par un souverain qui se désigne sur ses émis-sions par cette double épithète sans donner son nom personnel 4 et que, jusqu’ici,l’on ne savait pas précisément à quel roi kouchan rattacher. Même si de nouvellespièces en bon état viennent un jour confirmer sur les bronzes la lecture qui n’est,pour le moment, pas entièrement assurée du nom de Wima Takto, il n’y a aucuneraison valable d’associer cette série de bronzes peu abondante, limitée à une zonegéographique restreinte, celle du Cachemire, à cet énigmatique Sôter Mégas dont lesmonnaies sont répandues par milliers sur de vastes territoires s’étendant de la valléedu Gange jusqu’à la vallée du Zéravshan en Sogdiane 5.

L’hypothèse de Joe Cribb n’a pas fait l’unanimité et a été contestée par plu-sieurs savants comme Robert Göbl 6, Michael Alram 7, David Mac Dowall 8, GérardFussman 9 et moi-même 10. Mais, malgré les objections de poids qui lui sont faites,les spécialistes, à quelques exceptions près, et à leur suite les non-spécialistes tien-nent maintenant cette théorie pour prouvée et n’hésitent pas à parler du monnayagede Wima Takto quand il s’agit de celui de « Sôter Mégas » 11. La découverte fortuite,

3. SIMS-WILLIAMS 1995-1996 ; SIMS-WILLIAMS 1996, particulièrement, p. 652-654.4. CRIBB 1995-1996.5. MAC DOWALL 1968 et MAC DOWALL 1997, p. 236-237.6. GÖBL 1999 rappelle que l’ordre chronologique de Kujula Kadphisès – Sôter Mégas – Wima Kad-

phisès a été déjà proposé par plusieurs savants, notamment par D. Mac Dowall.7. Pour ALRAM 1999 et GÖBL 1999, l’apparition du nom de Wima Takto comme grand-père de

Kaniska ne change rien à l’ordre chronologique qui avait été attribué à Sôter Mégas entre Kujula Kadphisèset Wima Kadphisès.

8. MAC DOWALL 2002 interprète le deuxième mot « tak (tu) », que Cribb avait déchiffré sur les mon-naies aux types « bœuf à bosse / chameau », comme une épithète de Wima. En conséquence, il essaye dedémontrer que ce fut Kujula lui-même qui aurait frappé les monnaies aux types « bœuf à bosse / chameau »,vers la fin de son règne.

9. Dans le présent article, nous traitons de quelques-unes des objections avancées par FUSSMAN 1998. 10. BOPEARACHCHI 2001.11. Voir par exemple SENIOR 2001, p. 221, et RTVELADZE 2002, et les sites web comme Coin Archives,

Ancient Coins Home (http://www.coinarchives.com), no 48.

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survenue en février 2006, d’un grand trésor d’objets en or sur le site de la villeactuelle de Peshawar apporte de nouveaux arguments qui conduisent à écarter unefois pour toutes l’hypothèse de Joe Cribb et permettent de lui substituer une expli-cation beaucoup plus vraisemblable de la position respective des trois souverainsWima Takto, son fils Wima Kadphisès et Sôter Mégas, ainsi que de leurs mon-nayages respectifs.

Comme nous l’avons signalé ailleurs 12, ce trésor a été trouvé au cœur même dela ville de Peshawar, au lieu-dit « Pipal Mandi », par deux ouvriers qui démolissaientles fondations d’un vieux bâtiment. Ils découvrirent alors un vase en bronze de75 cm de hauteur, contenant plus de 4 500 monnaies d’or de Wima Kadphisès et deKaniska I, des bijoux en or et en argent, ainsi qu’un lot de statuettes en or de divi-nités iraniennes comme Nana, Mao, Miro, et indiennes comme Śiva, ainsi que deuxstatuettes de Bouddha. Abasourdis par cette découverte, n’ayant bien sûr aucuneconnaissance de la valeur scientifique de ces objets et craignant une confiscation parles autorités pakistanaises, les deux hommes emportèrent le trésor chez l’orfèvre dela localité de Bara Sheikhan 13, située dans une zone tribale où la police pakistanaiseelle-même ne peut pénétrer sans y être autorisée par le chef local. Le bijoutier com-mença par vérifier leur teneur en or et la pureté du métal précieux des objets en pra-tiquant des entailles sur une partie des statuettes et des monnaies. Un tiers du trésorfut fondu et vendu à la valeur actuelle de l’or. Il m’a également été dit qu’il y avaitun plateau en or sur lequel se dressaient des statuettes de 10 cm de hauteur repré-sentant une scène d’investiture d’un souverain kouchan. Toutes ces statuettes ontmalheureusement disparu dans le creuset de l’orfèvre, mais, grâce à des collection-neurs pakistanais, j’ai pu examiner un échantillonnage des monnaies dont une partieavait commencé d’apparaître dans les catalogues de vente dès janvier 2007, et encoreen janvier 2008 14.

Ce trésor révèle l’existence de types, de dénominations et de coins inédits dumonnayage de Wima Kadphisès et de Kaniska I. Nous avons pu examiner person-nellement 45 pièces d’or de ce trésor. Six d’entre elles ont été publiées par nos soinsen 2007 15, dont trois étaient nouvelles (ci-dessous nos 3, 4 et 9). À ces six monnaiesnous en ajoutons maintenant 39 autres, dont plusieurs sont inédites (ci-dessous nos 1,2, 7, 8, 29, 30, 35-38, 44 et 45). Bien que ces 45 pièces ne représentent qu’un faibleéchantillon des 4 500 que contenait le trésor, elles nous permettent, comme nous

12. BOPEARACHCHI 2007a et b.13. Sur la zone tribale de Bara Sheikhan, voir BOPEARACHCHI 2003, p. 7-8.14. Triton X, nos 468-477 ; Triton XI, nos 368-374.15. BOPEARACHCHI 2007a, p. 53.

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allons le voir, de mieux comprendre la séquence des émissions de Wima Kadphisès,et de faire connaître de nouveaux éléments sur l’iconographie kouchane passésjusque là inaperçus. Pour ces 45 monnaies, nous avons suivi le classement proposépar R. Göbl en y ajoutant les séries inédites. Notre intention n’est pas de proposerici un nouveau classement de l’ensemble du monnayage de Wima Kadphisès, mêmesi nous sommes convaincu que le classement mis au point par le savant autrichiendevrait être amélioré à la lumière des nouvelles séries. Une telle tâche ne sera possibleque si le trésor en question devient plus largement accessible aux spécialistes.

Série I(statère d’or ; inédit)

Dr. Buste barbu et diadémé du souverain à droite, tenant la massue sur l’épauledroite. L’index de la main droite qui agrippe la massue est déplié, tandis que lesautres doigts sont serrés. La tête est grosse, les yeux étirés et le nez busqué 16. Lesouverain est vêtu d’une tunique à col arrondi et d’une chlamyde jetée sur lesépaules et attachée sur l’épaule droite par une fibule ronde. Des flammèches jaillis-sent de ses épaules. Il est coiffé d’une haute tiare arrondie au sommet. Tamga àgauche.

Légende commençant à 1 h : BACILEUC OOH/MO KADFICHC (avec sigmalunaires, epsilon cursif, et H prenant la forme d’un K ou h) 17.

Rev. Śiva tricéphale de face sur une ligne de sol, tenant le trident de la maindroite et de la gauche un vase à eau ; une peau d’animal est suspendue à l’avant-brasgauche.

Légende ininterrompue disposée en forme de U : BACILEwCOOHMO/TAKTO/OU KO ANOU UIOC (avec sigma lunaire, epsilon et omégacursifs, et H prenant la forme d’un K).

No 1. 8,62 g ; 18,5 mm.

Série II(double statère d’or ; inédit)

Dr. Comme la série précédente, mais la massue est posée contre le haut du brasdroit, mettant ainsi en valeur la fibule ronde très élaborée de la chlamyde jetée sur

16. Cette observation est valable pour toutes les émissions en or de Wima Kadphisès.17. Sur la série précédente ce détail n’est pas visible.

ICONOGRAPHIE MONÉTAIRE ET CHRONOLOGIE KOUCHANE 9

les épaules. Le buste du souverain surgit d’une montagne symbolisée par desrochers empilés 18.

Légende ininterrompue commençant à 9 h et se terminant à 5 h : BACILEUCOOHMO KADFICHC (avec sigma lunaires, epsilon cursif et H prenant la forme d’unK ou h).

Rev. Comme la série précédente, mais sur cette pièce on voit clairement queŚiva est tricéphale : tête humaine de face, tête barbue d’homme âgé à droite et têted’une antilope à gauche. Le trident qu’il tient est muni de la hache (au milieu), dufoudre 19 (en haut) et de la roue (en bas) 20.

Légende circulaire ininterrompue commençant à 12 h : BACILEwC OOHNO-TAKTOOU KO ANOU UIOC (avec sigma lunaire, epsilon et oméga cursifs, et Hprenant la forme d’un K) 21.

No 2. 16,23 g ; 25 mm.

Série III(statères d’or)

Cf. BOPEARACHCHI 2007a, p. 53, nos 5 et 6.Dr. Type et légende comme la série précédente (série II), mais la pointe de la

visière de la tiare est tournée vers le haut, tandis sur les deux séries précédentes elleest à l’horizontale.

Les cinq doigts de la main droite tenant la massue sont serrés. Rev. Type et légende comme la série précédente, mais dans KO ANOU le N

n’est pas gravé. Sur la pièce no 4 les extrémités de la chevelure de Śiva, au lieu detomber sur les épaules, remontent en formant une courbe.

No 3. 7,86 g ; 17,5 mm (la même dans BOPEARACHCHI 2007a, p. 53, no 5).No 4. 7,71 g ; 17 mm (la même dans BOPEARACHCHI 2007a, p. 53, no 6).

18. Wima Kadphisès est un des rares souverains dont la légende grecque du droit soit au nominatif, aulieu du génitif. Cette observation s’applique à certaines séries d’Ortagnès (SENIOR 2001, série 257), Pakorès(ibid., série 269) et Sôter Mégas (ibid., série 2B12)

19. Comme la pièce est mutilée, on ne voit pas clairement ces trois attributs sur la pièce précédente(no 1), mais il n’y a aucune raison de penser qu’ils n’y avaient pas été gravés.

20. Il n’est pas impossible que ce symbole soit un tambourin (damaru) constitué de deux caisses derésonance opposées et considéré comme attribut de Śiva, mais, comme nous le verrons plus bas, il est presquecertain que dans le contexte de l’iconographie kouchane, ce symbole représente le foudre (vajra) du dieuIndra.

21. Sur la pièce précédente (no 1) la lettre M de OOHMO est correctement gravée, tandis que sur cettepièce et deux autres qui suivent (nos 3 et 4) elle prend la forme d’un N.

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Série IV(statères d’or)

Cf. GÖBL 1984, série 2.Dr. Buste barbu et diadémé du souverain à droite, tenant la massue sur l’épaule

droite. Les cinq doigts de la main droite qui agrippe la massue sont serrés. Il est vêtud’une tunique à col arrondi et d’une chlamyde jetée sur les épaules et attachée àdroite par une fibule ronde. Des flammèches jaillissent des épaules. Il est coiffé d’unbonnet. Le buste du souverain surgit d’une montagne symbolisée par des rochersempilés. Tamga à gauche.

Légende circulaire ininterrompue commençant à 8 h et se terminant à 4 h :BACILEUC OOHMO KADFICHC (avec sigma lunaires, epsilon cursif).

Rev. Śiva (probablement tricéphale) tenant le trident de la main droite, deboutde face devant un bœuf à bosse (Nandi). Nandipada à gauche.

Légende ininterrompue commençant à 12 h : maharajasa rajadirajasa sarva-loga [i]shvarasa mahishvarasa Vima Kapthishasa tratara 22.

No 5. 7,98 g ; 18 mm (la même dans Triton XI, no 369 B).No 6. 7,89 g ; 18 mm (la même dans BOPEARACHCHI 2007a, p. 53, no 7, et Triton

XI, no 369 B).

Ces deux pièces (nos 5 et 6), ainsi que celle dans GÖBL 1984, série 2, sont dumême coin de revers. La pièce no 6 et celle dans GÖBL 1984, série 2, sont du mêmecoin de droit.

Série V(statères d’or ; inédits)

Dr. Buste barbu et diadémé du souverain à gauche, tenant de la main droite lamassue à nœuds devant son visage, et de la gauche la poignée d’une épée. Il est vêtud’une tunique et d’un manteau fermé sur la poitrine par une attache à deux grossesfibules. Des flammèches jaillissent des épaules. Il est coiffé d’une haute tiarearrondie au sommet. Le buste du souverain surgit d’une montagne symbolisée pardes rochers empilés. Tamga à droite.

Légende circulaire commençant à 12 h : BACILEUC OOH/MO KADFICHC(avec sigma lunaires, epsilon cursif).

22. Il est à noter que ishvarasa est écrit sans l’akshara i.

ICONOGRAPHIE MONÉTAIRE ET CHRONOLOGIE KOUCHANE 13

Rev. Type et légende comme la série précédente (série IV, nos 5 et 6).No 7. 7,96 g ; 18 mm.No 8. 7,88 g ; 18 mm (la même dans Triton XI, no 368).

Ces deux pièces sont frappées des mêmes coins de droit et de revers.

Série VI(double statère d’or)

Cf. BOPEARACHCHI 2007a, p. 53, no 2.Dr. Souverain diadémé et barbu de profil à droite, coiffé d’une haute tiare

arrondie au sommet, tenant sur l’épaule droite une massue, monté sur un charpassant sur une ligne de sol, tiré par deux chevaux, dont le minuscule cocher tientune palme de la main droite.

Légende commençant à 1 h : BACILEUC OOH/MO KADFICHC (avec sigmalunaires et le dernier H prenant la forme d’un K).

Rev. Śiva bicéphale avec les têtes d’un humain et d’une antilope 23, ithyphal-lique 24, tient de la main gauche un vase à eau et de la droite un trident muni d’unehache. Une peau d’animal est suspendue à l’avant-bras gauche. Tamga à gauche etnandipada à droite.

Légende circulaire ininterrompue commençant à 11 h : maharajasa rajadira-jasa sarvaloga ishvarasa mahishvarasa Vima Kapthishasa tratara 25.

No 9. 15,91 g ; 24 mm (la même dans BOPEARACHCHI 2007a, p. 53, no 2, etTriton XI, no 370).

Série VII(statères d’or)

Cf. GÖBL 1984, série 5, et BOPEARACHCHI 2007a, p. 53, nos 3 et 4.Dr. Comme la série précédente (série VI, no 9), mais le cocher tient un fouet ou

un bâton de la main droite. Légende comme la série précédente, mais elle est coupée une lettre plus loin :

BACILEUC OOHM/O KADFICHC; le dernier H est correctement gravé.

23. Śiva a en réalité trois ou même quatre têtes, mais, quand il est de profil, on ne voit qu’une tête laté-rale, la troisième étant cachée. Cette observation est aussi valable pour les séries VII, XI, XIII, XV et XVII.

24. À partir de cette série, le dieu est ithyphallique.25. À partir de cette série, ishvarasa est écrit avec l’akshara i.

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Rev. Type et légende comme la série précédente, mais Śiva apparaît complète-ment nu, tandis sur la série précédente il porte un manteau diaphane. Le trident quele dieu tient est pourvu à la fois d’une hache (comme dans la série précédente) etd’un foudre. Tamga à droite et Nandipada à gauche 26.

No 10. 7,94 g ; 18 mm (la même dans BOPEARACHCHI 2007a, p. 53, no 3).No 11. 7,93 g ; 18 mm (la même dans BOPEARACHCHI 2007a, p. 53, no 4, et

Triton XI, no 371).

Ces deux pièces (nos 10 et 11) et celles dans GÖBL 1984, série 5, nos 1 et 2, sontdes mêmes coins de droit et de revers.

Série VIII(doubles statères d’or)

Cf. GÖBL 1984, série 10.Dr. Souverain barbu et diadémé assis de face, jambes croisées, tête tournée à

droite, tenant la massue sur l’épaule droite. Il est vêtu d’une tunique serrée par uneceinture et d’un manteau fermé sur la poitrine par une attache à deux grosses fibules.Des flammèches jaillissent des épaules. Il est coiffé d’une haute tiare à visière,arrondie au sommet et surmontée d’un élément décoratif en forme de croissant 27. Ilporte des bottes en feutre. Une épée à poignée en forme de tête d’animal 28 est atta-chée à la ceinture, la pointe se dégage du manteau. Il est assis sur une montagne sym-bolisée par des rochers empilés. La main gauche est recouverte par la manche dumanteau longue et pendante 29. Tamga à gauche.

26. Sur la série précédente (VII, no 9) ces deux symboles sont intervertis.27. La barre verticale au milieu donne l’impression d’un trident.28. Ce type d’épée avec une poignée à tête d’animal est aussi figuré sur les monnaies de Kaniska I :

GÖBL 1984, séries 25-28. La pièce d’or (fig. 1) que nous illustrons ici est une émission de Kaniska I qui setrouve aujourd’hui dans une collection privée : poids 8,05 g, dimension 21 mm. Elle a été publiée parCh. SACHS dans BOPEARACHCHI, LANDES et SACHS 2003, p. 181, 199, no 158. Au droit, le souverain est figurédebout à gauche, faisant une oblation. Il porte une épée qui pend à son côté gauche. Cette épée a une poignéeà tête d’animal, probablement un cervidé. Au revers dans un cercle de perles, le Bouddha nimbé est repré-senté debout dans une mandorle. Sur les émissions de bronze de Wima Kadphisès (fig. 2) (collection privéeJan Lingen ; GÖBL 1984, séries 762-763), on voit clairement que cette épée attachée à la ceinture, dont lapoignée à tête de cervidé est tenue par le souverain, passe sous le manteau et que la pointe ressort sous lebord inférieur gauche de l’étoffe.

29. Pour ce type de vêtement connu chez les Kouchans, voir le donateur (deuxième à partir de ladroite) figuré sur un relief de Shotorak représentant les frères Kashyapa rendant visite au Bouddha : MEUNIÉ1942, fig. 62 ; ROSENFIELD 1967, pl. 98 et 98a.

ICONOGRAPHIE MONÉTAIRE ET CHRONOLOGIE KOUCHANE 15

Légende commençant à 1 h : BACILEUC OOH/MO KADFICHC (avec sigmalunaires).

Rev. Śiva à une seule tête et ithyphallique, debout de face, tête à gauche, devantun bœuf à bosse (Nandi), vêtu d’un manteau diaphane, tenant le trident de la maindroite. Nandipada à gauche.

Légende circulaire ininterrompue commençant à 12 h : maharajasa rajadira-jasa sarvaloga ishvarasa mahishvarasa Vima Kapthishasa tratara.

No 12. 16 g ; 25 mm.No 13. 15,99 g ; 25 mm. No 14. 15,97 g ; 25 mm.

FIG. 1. – Statère d’or de Kaniska I (collection privée londonienne) : 8,05 g ; 21 mm.

FIG. 2. – Monnaie de bronze de Wima Kadphisès (collection privée Jan Lingen).

16 OSMUND BOPEARACHCHI

No 15. 15,95 g ; 25 mm. No 16. 15,93 g ; 25 mm. No 17. 15,95 g ; 25 mm.

Ces six pièces (nos 12-17) sont frappées du même coin de droit.

Série IX(doubles statères d’or)

Cf. GÖBL 1984, série 11.Dr. Souverain barbu et diadémé, assis de face sur un trône rembourré à pieds

moulurés, sans dossier, tête tournée à gauche, tenant un rameau ou une palme de lamain droite. Il est vêtu d’une tunique serrée par une ceinture et d’un manteau fermésur la poitrine par une attache à deux grosses fibules. Des flammèches jaillissent uni-quement de l’épaule droite. Il est coiffé d’une haute tiare à visière, arrondie ausommet et surmontée d’un élément décoratif en forme de croissant. Il porte desbottes en feutre. Une épée avec poignée en forme de tête d’animal est attachée à laceinture. Une massue à nœuds est dans le champ à gauche. La main gauche estrecouverte par la manche longue et pendante du manteau. Tamga à droite.

Légende circulaire commençant à 1 h : BACILEUC OOH/MO KADFICHC(avec sigma lunaires).

Rev. Type et légende comme la série précédente (série VIII, nos 12-17).No 18. 16,01 g ; 25 mm.No 19. 16 g ; 25 mm. No 20. 15,98 g ; 25 mm. No 21. 15,97 g ; 25 mm. No 22. 15,95 g ; 25 mm (la même dans Triton X, no 469).

Toutes les pièces de cette série (nos 18-22) sont du même coin de droit.

Série X(doubles statères d’or)

Cf. GÖBL 1984, série 12Dr. Buste barbu et diadémé du souverain à droite, tenant la massue sur l’épaule

droite. L’index de la main droite qui saisit la massue est déplié, tandis que les autresdoigts sont serrés. Il est vêtu d’une tunique à col arrondi, et d’une chlamyde jetéesur les épaules et attachée à droite par une fibule ronde. Des flammèches jaillissent

ICONOGRAPHIE MONÉTAIRE ET CHRONOLOGIE KOUCHANE 17

uniquement de l’épaule gauche. Il est coiffé d’une haute tiare à visière, arrondie ausommet et surmontée d’un élément décoratif en forme de croissant. Le buste dusouverain surgit d’une montagne symbolisée par des rochers empilés. Tamga àgauche.

Légende commençant à 8 h et se terminant à 4 h : BACILEUC OOH/MO KAD-FICHC (avec sigma lunaires).

Rev. Type et légende comme les séries VIII et IX, nos 12-22.No 23. 15,98 g ; 25 mm.No 24. 15,98 g ; 25 mm (la même dans Triton X, no 470).No 25. 15,95 g ; 25 mm.No 26. 15,91 g ; 25 mm. No 27. 15,91 g ; 25 mm. No 28. 15,89 g ; 25 mm.

Toutes les pièces (nos 23-28) de cette série X et les pièces dans GÖBL 1984, série12, nos 1 et 2, sont du même coin de droit, mais le coin de droit de nos pièces nos 24,26 et 27 est retouché. Sur les pièces nos 23, 25 et 28 le H de KADFIÇHÇ prend laforme d’un M avec les jambes verticales courbes ; cette erreur est corrigée sur lespièces nos 24, 26 et 27.

Série XI(doubles statères d’or ; inédits)

Dr. Type et légende comme la série précédente (série X, nos 23-28).Rev. Type et légende comme les séries précédentes (séries VIII-X, nos 12-28),

mais la tête de Śiva est tournée à droite, et il est bicéphale avec les têtes d’un humainet d’une antilope.

No 29. 15,97 g ; 25 mm (la même dans Triton X, no 472).No 30. 15,89 g ; 25 mm

Ces deux pièces (nos 29 et 30) et les six précédentes (nos 23-28) de la série X,ainsi que les pièces dans GÖBL 1984, série 12, nos 1 et 2, sont du même coin de droit.La pièce dans GÖBL 1984, série 13, no 4 30, et la pièce no 29 sont du même coin derevers. Ces liaisons de coins mettent fortement en doute le système d’officinesproposé par R. Göbl 31.

30. Il faut noter que sur cette série le souverain est tourné à droite. 31. Cette remarque a été faite dans Triton X, no 472, d’après un nombre limité de monnaies.

18 OSMUND BOPEARACHCHI

Série XII(doubles statères d’or)

Cf. GÖBL 1984, série 13 32.Dr. Buste barbu et diadémé du souverain à gauche, tenant de la main droite la

massue à nœuds devant son visage, et de la gauche la poignée d’une épée 33. Il estvêtu d’une tunique et d’un manteau fermé sur la poitrine par une attache à deuxgrosses fibules. Des flammèches jaillissent uniquement de l’épaule droite. Il estcoiffé d’une haute tiare à visière, arrondie au sommet et surmontée d’un élémentdécoratif en forme de croissant. Le buste du souverain surgit d’une montagne sym-bolisée par des rochers empilés. Tamga à droite.

Légende commençant à 1 h et se terminant à 11 h 30 : BACILEUC OOH/MOKADFICHC (avec sigma lunaires).

Rev. Type et légende comme la série précédente (série XI), mais Śiva a une seuletête tournée à gauche.

No 31. 16 g ; 25 mm.No 32. 15,99 g ; 25 mm.No 33. 15,98 g ; 25 mm.No 34. 15,84 g ; 25 mm.

Ces quatre pièces (nos 31-34) et trois autres pièces dans GÖBL 1984, série 13,nos 1-3, sont du même coin de droit. Les pièces nos 31 et 34 sont du même coin derevers.

Série XIII(statères d’or ; inédits)

Dr. Buste barbu et diadémé du souverain à droite, tenant la massue sur l’épauledroite. L’index de la main droite qui tient la massue est déplié tandis que les autresdoigts sont serrés. Il est vêtu d’une tunique à col arrondi et d’une chlamyde jetée surles épaules et attachée à droite par une fibule ronde. Des flammèches jaillissent uni-quement de l’épaule gauche. Il est coiffé d’une haute tiare à visière, arrondie au

32. Dans son classement, GÖBL 1984, série 13, ne fait pas la distinction entre les deux types de revers,celui avec Śiva à une seule tête (comme cette série) et l’autre avec Śiva bicéphale.

33. Il ne s’agit pas d’un ankusa (croc d’éléphant) comme le dit MUKHERJEE 1990, p. 41, no 7. À cepropos, voir notre série VIII.

ICONOGRAPHIE MONÉTAIRE ET CHRONOLOGIE KOUCHANE 19

sommet et surmontée d’un élément décoratif en forme de croissant 34. Le buste dusouverain surgit d’une montagne symbolisée par des rochers empilés. Tamga àgauche.

Légende circulaire commençant à 8 h et se terminant à 4 h : BACILEUCOOH/MO KADFICHC (avec sigma lunaires).

Rev. Śiva bicéphale avec têtes d’un humain et d’une antilope, ithyphallique,tenant de la main gauche un vase à eau et de la droite un trident muni d’une hache.Une peau d’animal est suspendue à l’avant-bras gauche. Le dieu est nu, sans lemanteau diaphane habituel. Tamga à gauche et Nandipada à droite. Légende commedans les séries VIII-XII.

No 35. 7,97 g ; 19 mm (la même dans Triton XI, no 372).No 36. 7,89 g ; 19 mm (la même dans Triton X, no 473) 35.No 37. 7,88 g ; 19 mm.No 38. 7,87 g ; 19 mm.

On remarquera que sur les pièces nos 36 et 38 il n’y que trois flammèches surl’épaule droite, tandis sur les deux autres (nos 35 et 37) il y en a quatre. Cependant,ces quatre pièces sont de même coin de droit. Il est probable que le coin a étéretouché avant la frappe des monnaies nos 35 et 37.

Série XIV(statères d’or)

Cf. GÖBL 1984, série 15 36.Dr. Buste barbu et diadémé du souverain à gauche, tenant de la main droite la

massue à nœuds devant son visage, et de la gauche la poignée d’une épée. Des flam-mèches jaillissent uniquement de l’épaule droite. Il est coiffé d’une haute tiare àvisière, arrondie au sommet et surmontée d’un élément décoratif en forme de crois-sant. Le buste du souverain surgit d’une montagne symbolisée par des rochersempilés. Tamga à droite.

34 Ici cet élément décoratif est composé d’un croissant au milieu duquel s’intègrent deux barres ver-ticales.

35. Dans ce catalogue de vente, cette pièce est classée à tort sous la série GÖBL 1984, série 14, alors quele dieu n’a pas deux têtes mais une seule.

36. Dans son classement R. Göbl, ne fait pas la distinction entre les deux types de revers, celui avecŚiva à une seule tête (comme cette série XIV) et l’autre avec Śiva bicéphale ; voir GÖBL 1984, série 15, nos 1,4.

20 OSMUND BOPEARACHCHI

Légende circulaire commençant à 1 h et se terminant à 12 h : BACILEUCOOH/MO KADFICHC (avec sigma lunaires).

Rev. Type et légende comme la série précédent (série XIII), mais Śiva a uneseule tête.

No 39. 7,97 g ; 19 mm.No 40. 7,96 g ; 19 mm.

Ces deux pièces sont des mêmes coins de droit et de revers, et elles sont aussiliées par le même coin de droit à deux autres dans GÖBL 1984, série 15, nos 8 et 9.

Série XV(statère d’or)

Cf. GÖBL 1984, série 15 37.Dr. Type et légende comme la série précédente (série XIV).Rev. Type et légende comme la série précédente (série XIV), mais Śiva est bicé-

phale avec têtes d’un humain et d’une antilope.No 41. 7,98 g ; 19 mm. Cette pièce et trois autres dans GÖBL 1984, série 15,

nos 1, 4, 6, sont du même coin de droit ; elle est du même coin de revers que la pièceGÖBL 1984, série 15, no 1.

Série XVI(statères d’or)

Cf. GÖBL 1984, série 16.Dr. Buste barbu et diadémé du souverain à droite, tenant la massue sur l’épaule

droite. L’index de la main droite qui saisit la massue est déplié tandis que les autresdoigts sont serrés. Il est vêtu d’une tunique à col arrondi et d’une chlamyde jetée surles épaules et attachée à droite par une fibule ronde. Des flammèches jaillissent uni-quement de l’épaule gauche. Fait unique : le roi est tête nue, avec des cheveux courtsà la grecque ; un petit ornement au-dessus du front est solidaire du diadème. Lebuste du souverain surgit d’une montagne symbolisée par des rochers empilés.Tamga à gauche.

37. Voir la note précédente.

ICONOGRAPHIE MONÉTAIRE ET CHRONOLOGIE KOUCHANE 21

Légende circulaire ininterrompue commençant à 8 h et se terminant à 4 h :BACILEUC OOHMO KADFICHC (avec sigma lunaires).

Rev. Śiva à une seule tête à gauche, debout de face, ithyphallique, tenant de lamain gauche un vase à eau, et de la droite le trident muni d’une hache. Une peaud’animal est suspendue à l’avant-bras gauche. Nandipada à droite et tamga à gauche.

Légende comme les séries VIII-XV.No 42. 7,96 g ; 19 mm. No 43. 7,95 g ; 19 mm.

Ces deux pièces (nos 42 et 43), les deux pièces suivantes (nos 44 et 45) et quatreautres dans GÖBL 1984, série 16, nos 1-4 sont du même coin de droit.

Série XVII(statères d’or ; inédits)

Dr. Type et légende comme la série précédente (XVI).Rev. Type et légende comme la série précédente, mais Śiva est bicéphale avec

têtes d’un humain et d’une antilope.No 44. 7,99 g ; 19 mm. No 45. 7,98 g ; 19 mm.

Ces deux pièces (nos 44 et 45), les deux précédentes (nos 42 et 43) et quatreautres dans GÖBL 1984, série 16, nos 1-4 sont du même coin de droit ; le revers deces deux dernières séries (XVI et XVII, nos 42-45) est caractérisé par deux types :Śiva à une seule tête et Śiva à deux têtes.

** *

Le point de départ de nos deux précédents articles avait été les deux pièces(nos 3 et 4) émises par Wima Kadphisès où il se déclare fils de Wima Taktu 38. Ledroit de ces deux statères, les premiers à être venus à ma connaissance, représententle portrait de Wima Kadphisès tel qu’il est déjà connu par certaines de ses émissions,c’est-à-dire le buste barbu du souverain surgissant d’une montagne symbolisée pardes rochers empilés, et tenant la massue sur l’épaule droite. La légende au revers

38. Voir BOPEARACHCHI 2007a et b.

DESSIN N° 3.

DESSIN N° 2.

DESSIN N° 1.

FIG. 3. – Tétradrachme frappé par Agathocle au nom d’Antiochos Nikator(trésor de Kuliab, collection privée londonienne) : 16,90 g ; 32 mm.

FIG. 4. – Tétradrachme frappé par Agathocle au nom de Démétrios I(collection privée allemande) : 16,80 g ; 31 mm.

FIG. 5. – Monnaie de bronze de Kujula Kadphisès (Cabinet des Médailles BNF) : 9,41 g ; 23 mm.

24 OSMUND BOPEARACHCHI

avait posé quelques problèmes de déchiffrement. D’après la lecture proposée parN. Sims-Williams et G. Fussman, nous avions suggéré : BACILEwC OOKNOTAK-DOOU KOO ADOU UIOC, le fils du roi Wimatakto kouchan (dessin no 3). Lestatère inédit que nous publions ici pour la première fois (série I, no 1) permet derectifier la lecture : on lit sans difficulté : BACILEwC OOHMOTAKTOOU 39 KOANOU UIOC (dessin no 1). Cette série I inédite sur laquelle la légende de revers estgravée en forme de U peut être considérée comme la première émission de WimaKadphisès. Le graveur a apparemment été influencé par les monnaies commémora-tives frappées par les deux rois gréco-bactriens Agathocle et Antimaque I, les pre-miers souverains à avoir frappé des monnaies en souvenir de leurs prédécesseurs. Àtitre d’exemple, nous publions ici un tétradrachme frappé par Agathocle commé-morant Antiochos Nikator (fig. 3) 40. Au revers de cette pièce, comme sur toutes lesautres frappées par ces deux souverains (voir fig. 4), 41 la légende est disposée en U.La seule modification que le graveur de Wima Kadphisès apporte sur sa premièreémission (série I) est de présenter la légende sans interruption, alors que sur lesmonnaies commémoratives d’Agathocle et d’Antimaque I cette légende estdécoupée en trois segments 42. Le droit de cette première série de Wima Kadphisèsprésente quelques détails qui dénotent un certain flottement dans l’iconographie parrapport aux séries suivantes. Par exemple, sur les séries successives où le souverainest représenté en buste, celui-ci surgit d’une montagne symbolisée par des rochersempilés : or ce détail est omis sur cette émission. La position de la massue posée surl’épaule droite cache la fibule attachée au manteau qui drape le buste : dans les sériessuivantes, la massue tenue contre le haut du bras laisse voir la fibule. À partir de ladeuxième série, le graveur opte pour une disposition circulaire de la légende com-mençant à 12 h, qui deviendra par la suite la disposition par excellence pour toutesles légendes de revers des émissions de ce souverain 43. Le nom de Wima Takto et letitre « Kouchanou » sont écrits avec deux o. En outre le titre « Kouchanou » estécrit avec deux = sh. Ces hésitations orthographiques peuvent s’expliquer par le

39. On lit aisément sur cette pièce TAKTOOY, qui n’est pas aussi clair sur les nos 2-4.40. BOPEARACHCHI 1991, Agathocle, série 13. Cette pièce (16,90 g ; 32 mm) encore inédite provien-

drait de trésor de Kuliab. Elle est frappée du même coin de droit que la pièce publiée dans BOPEARACHCHI,LANDES et SACHS 2003, no 70. Sur le trésor de Kuliab, voir BOPEARACHCHI 1999a, p. 16-17, 34-53.

41. BOPEARACHCHI 1991, Agathocle, série 17. Cette pièce, qui se trouve dans une collection privéeallemande, a été frappée par Agathocle au nom de Démétrios I, un de ses prédécesseurs immédiats.

42. Par exemple, sur la pièce frappée au nom de Démétrios I (fig. 4), BASILEYONTOS se lit du hauten bas, DIKAIOY de gauche à droite, et AGAQOKLEOYS du haut en bas.

43. Sur les premières séries (II et III) la légende au revers est en lettres grecques et bactriennes, tandisque sur les séries suivantes elle est écrite en kharosth|.

ICONOGRAPHIE MONÉTAIRE ET CHRONOLOGIE KOUCHANE 25

fait que ni le nom de Wima Takto ni le qualificatif dynastique qui sont écrits enlangue indienne n’avaient jamais été translittérés en grec auparavant.

Les trois premières séries sont liées à la quatrième série (nos 5 et 6) – qui est uneémission bilingue en bactrien et en indien frappée au nom de Wima Kadphisès sansmention de son père – par une anomalie technique de gravure. Nous constatons quesur ces quatre séries le sigma lunaire et le iota de BACILEUC sont attachés entre euxsans laisser d’espace entre les deux lettres. Il y a aussi d’autres hésitations degravure : par exemple le H prend la forme d’un h minuscule ou d’un K majuscule etle mu celle d’un H. On remarque également que même dans la légende du reversécrite en kharosth|, l’écriture par excellence de la région, il y a des irrégularités dansla transcription de l’épithète ishvarasa qui est écrite sans l’akshara i. Toutes ces ano-malies dans les légendes du droit et du revers sont corrigées à partir de la VIIe série.C’est à partir de ces émissions que le monnayage de Wima Kadphisès devient homo-gène. Ces diverses observations donnent à penser que les trois premières séries(I-III) ont été émises par Wima Kadphisès avant la frappe du monnayage qui necomporte que son propre nom, sans le patronymique. Les trois séries IV-VI, étroi-tement liées aux précédentes, auraient suivi immédiatement. Ainsi Wima Kadphisèsaurait commencé son monnayage en commémorant le souvenir de son père, commes’il avait éprouvé le besoin d’insister sur la généalogie de ses ancêtres. Comme nousle verrons plus loin, s’il revendique être le fils de Wima Taktu, c’est pour légitimersa prétention au trône des Kouchans.

L’apparition de Śiva sur ce monnayage est également significative. Il faut noterque le Śiva des monnaies commémoratives (séries I-III) est doté de caractéristiquesassez différentes de celui figuré sur les monnaies régulières de Wima Kadphisès.Alors que sur les monnaies régulières Śiva est ithyphallique (séries VIII-XVII), surles monnaies avec le nom de Wima Takto Śiva ressemble plutôt à l’Héraclès desmonnaies de Kujula Kadphisès (fig. 5) 44, le grand-père de Wima Kadphisès d’aprèsla généalogie attestée dans l’inscription de Rabatak 45, et la peau d’antilope jetée surl’un des bras de Śiva est également plus proche de la dépouille du lion accrochée aubras gauche d’Héraclès sur le monnayage de ce même Kujula Kadphisès.

44. La monnaie de bronze que nous illustrons ici est conservée au Cabinet des Médailles de Paris :no d’inventaire C 108 Rollin 1839 (diam. 23 mm, poids 9,41 g). Elle a été publiée par Ch. SACHS dans BOPEA-RACHCHI, LANDES et SACHS 2003, notice 149, p. 174, 197.

45. SIMS-WILLIAMS 1995-1996, p. 80.

26 OSMUND BOPEARACHCHI

Outre les monnaies émises parDémétrios I 46 et celles d’Agathocle com-mémorant la mémoire de Démétrios I(fig. 4) 47, outre celles d’Euthydème II 48,de Lysias 49 et de Thépohile 50 qui ont unHéraclès comme type de revers, un certainnombre de statuettes du héros ont étédécouvertes en Afghanistan et auPakistan 51. Une statuette de bronze, trou-vaille fortuite qu’on a quelque raison depenser avoir été faite dans les environsd’Aï Khanoum, est une illustration, parmid’autres, de la popularité dont jouit cehéros en Orient (fig. 6) 52. Héraclès, nu, estreprésenté sous des traits juvéniles,imberbe et portant la chevelure courte. Ilest identifiable grâce à la peau de lion,posée sur son avant-bras gauche tendu enavant à l’horizontale et qui devait tenir àl’origine une pomme du jardin des Hespé-rides, ainsi qu’à la massue sur laquelle ils’appuie négligemment de la main droite.La léonté est rendue de manière détaillée,laissant voir la tête de l’animal, ses grossespattes, sa crinière divisée en deux sériesparallèles de mèches. La pose du corps

46. BOPEARACHCHI 1991, séries 1-3. Sur ces séries Héraclès est représenté debout de face se couron-nant.

47. Ibid., série 17. 48. Ibid., séries 1-4. Sur ces séries Héraclès tient une couronne de la main droite.49. Ibid., séries 1-4. Sur ces séries, comme sur les émissions d’Euthydème II, Héraclès tient une cou-

ronne de la main droite.50. Ibid., séries 2-4. Sur la série 4, Héraclès est représenté debout de face se couronnant, et sur les séries

2 et 3 il est debout de face, mais son bras droit est appuyé sur la massue posée à terre.51. Une statuette d’Héraclès a été trouvée dans la fouille d’Aï Khanoum et publiée par BERNARD 1974,

p. 302-303). On a également trouvé trois autres statuettes du héros dans les territoires afghano-pakistanais :ERRINGTON et CRIBB 1992, p. 99-102, nos 102-104.

52. Collection privée de Tom Pritzker ; voir O. BOPEARACHCHI et A. FENET dans BOPEARACHCHI,LANDES et SACHS 2003, notice 89, p. 116-117, 123.

FIG. 6. – Statuette de bronze d’Héraclès(collection privée Tom Pritzker) :

hauteur, socle compris, 21 cm.

ICONOGRAPHIE MONÉTAIRE ET CHRONOLOGIE KOUCHANE 27

d’Héraclès – debout, la jambe gauche légèrement fléchie et le poids du corps repo-sant sur la jambe droite tendue – manifestement de style grec et le bourrelet sur lahanche droite rappellent les silhouettes classiques de Polyclète. Le visage aux yeuxbien ouverts, avec les pupilles incisées, les pommettes hautes et les lèvres entrou-vertes, s’éclaire d’un léger sourire. Sur les cheveux détaillés en mèches légèrementbouclées est posée une couronne de feuillage. De la musculature puissante, de l’at-titude assurée, se dégage une impression de force contenue. Sur une série de mon-naies d’argent de Théophile (c. 90 av. n. è), l’un des souverains indo-grecs ayantrégné au sud de l’Hindou-Kouch, le héros divinisé apparaît sous des traits iden-tiques 53. Il n’est pas exclu que des statuettes de ce type aient servi de prototype àl’iconographie monétaire. C’est ce même type de revers que Kujula Kadphisès, legrand-père de Vima Kadphisès, a choisi de faire figurer sur son monnayage où ilproclame fièrement au revers de ces monnaies écrite en ga≠ndha≠r| : Kujula KarasaKusa≠nasa Yavugasa Dharmathidasa, « de Kujula, le chef kouchan, le pieux »(fig. 5) 54.

Un fragment de relief du Gandha≠ra encore inédit capte le moment où se fait latransition de l’image d’Héraclès à celle de Śiva (fig. 7) 55. Au premier abord la sculp-ture semble représenter une figure d’Atlas, type iconographique populaire dans l’artdu Gandha≠ra (fig. 8) 56. Mais la peau de lion, dont la tête coiffe le personnage et dontles pattes sont nouées autour du cou, ne peut guère convenir qu’à un Va ≠jrapani, ladivinité protectrice par excellence de Bouddha, qui résulte d’un syncrétisme entreles images d’Héraclès, de Zeus et d’Hermès, déjà connues dans l’art statuaire etnumismatique de la période qui précède l’époque kouchane 57. De façon étonnantece Va≠jrapani est doté, comme Śiva, d’un troisième œil sculpté sur le front entre lesdeux yeux 58. S’agirait-il d’une représentation d’un pré-Śiva, composé de divers élé-ments d’Atlas, d’Héraclès et de Śiva ?

On a décrit le type de revers d’une série monétaire bilingue du roi indo-scytheGondopharès comme un Śiva 59. Ce personnage est une divinité syncrétique, à la

53. BOPEARACHCHI 1991, séries 2 et 3.54. MITCHINER 1978, p. 390-391, nos 2860-2872 ; BOPEARACHCHI 1997, p. 196-197, nos 35 et 39.55. Cette sculpture se trouve dans une collection privée londonienne. Nous remercions le collection-

neur de nous avoir autorisé à la publier ici. D’autres sculptures presque semblables sont déjà connues :KURITA 2003, II, nos 448 et 924.

56. Collection privée japonaise. Dans le monde classique, Atlas n’est pas ailé et il a les deux mainslevées vers le haut pour supporter le poids de la voûte céleste. Dans l’art du Gandha ≠ra, les figures d’Atlantesornent souvent la base des stu≠pas et soutiennent ces monuments bouddhiques sur les épaules : ZWALF 1996,no 355-360, et KURITA 2003, II, nos 447, 449-459.

57. Pour des représentations de Va ≠jrapani dans l’art gréco-bouddhique : ibid., nos 422, 424, 460-463. 58. Le troisième œil de Śiva est, dans la plupart des cas, vertical ; sur quelques exceptions avec l’œil à

l’horizontale, voir SHARMA 1991, p.19, fig. 5. 59. SENIOR 2001, II, p. 152, série 216.

28 OSMUND BOPEARACHCHI

fois Poséidon et Śiva. Par sa position debout de face et ses attributs, trident et palme,il ressemble au Poséidon figuré sur les monnaies du souverain gréco-bactrien Anti-maque I 60, mais il se différencie de ce dernier par l’absence du diadème et surtoutpar une sorte de dhoti indienne qui remplace l’himation grec dont il reste cependantun souvenir sous forme d’un pan d’étoffe couvrant l’épaule gauche.

Le document qui éclaire le mieux les affinités du Śiva des monnaies de WimaKadphisès avec l’Héraclès grec est un sceau à quatre faces provenant de Bégram,conservé au British Museum, et qui, à l’origine, avait fait partie de la collection deCharles Masson 61. Sur l’une des faces, Śiva ithyphallique tient de la main droite untrident muni d’une hache, et de la main gauche probablement une massue. Le dieutricéphale avec une tête animale, vraisemblablement celle d’une antilope à gauche, etcelle d’un homme âgé à longue barbe à droite, évoque le Śiva des monnaies de WimaKadphisès. Une autre face représente Héraclès debout de face, la tête tournée àgauche, tenant de la main droite la massue. L’apparition sur le même sceau de cesdeux divinités, l’une indienne et l’autre grecque, aide à comprendre comment a pus’opérer le passage d’une image à l’autre, d’Héraclès à Śiva. Lorsqu’on regardeattentivement la représentation de Śiva sur les premières émissions de Wima Kad-

60. BOPEARACHCHI 1991, p. 183-184, séries 1-4, pl. 9-10.61. ROSENFIELD 1967, p. 103, pl. XVI, sceau 6 ; GÖBL 1984, pl. 177, fig. 8 ; GIULIANO 2004, p. 57, fig. 8.

FIG. 7. – Fragment de relief du Gandha ≠raavec un Héraclès-Siva

(collection privée londonienne).

FIG. 8. – Fragment de relief du Gandha ≠ra avec unereprésentation d’Atlas influencée par l’iconogra-

phie śivaïte (collection privée japonaise).

ICONOGRAPHIE MONÉTAIRE ET CHRONOLOGIE KOUCHANE 29

phisès (séries I-III), tout se passe comme si le graveur avait ajouté au corps d’Héra-clès les trois têtes propres à Śiva dans l’iconographie hindoue et remplacé la massuepar un trident et par le vase à eau, tout en gardant la peau de lion. À partir de la sérieVI, Śiva devient ithyphallique et commence à perdre progressivement les élémentsiconographiques de son ascendance grecque.

Même si Śiva est dérivé de l’iconographie grecque, il s’en faut que son tridentsoit de type grec. La forme composite bizarre que celui-ci affecte sur les monnaiesde Wima Kadphisès, muni de la hache (parasu), du foudre (vajra) et de la roue(cakra), est inconnue dans le monde classique. Elle pourrait avoir été influencée parle trident qui figure sur des émissions tribales indiennes des Audumbara, des Yaud-heya et des Kuninda. Les Audumbara, dont il orne deux séries que l’on dateapproximativement du Ier siècle av. n. è. 62, dominaient la haute vallée du Béas, régiondu Punjab voisine du Gandha≠ra où les monnaies de Wima Kadphises du trésor dePeshawar ont été frappées. Sur les bronzes le trident est associé à une hache unique-ment 63, tandis que sur la série d’argent il l’est à la fois à une hache et à un tambourin(fig. 9) 64. Hormis le trident sous sa forme simple, les émissions des Adumbara neconnaissent ni Śiva sous sa forme anthropomorphique ni aucun autre attribut dudieu. En revanche, sur une série de bronzes attribuée aux Yaudheya, tribu de l’estdu Punjab dont l’apogée se situe vers le Ier siècle av. n. è. 65, c’est un Śiva anthropo-morphe qui tient de la main droite un trident muni d’une hache. La présence d’uneantilope ou d’une biche au revers de cette émission est également significative(fig. 10) 66. Les monnaies dites « Chitreshvara » d’après l’inscription qu’elles portentet qui sont attribuées aussi aux Yaudheya 67, ont un Śiva debout de face tenant untrident à la hache de la main droite ; au bras gauche, dont la main s’appuie sur lahanche, est suspendue la peau d’un animal (fig. 11) 68. Sur une autre série, le dieureprésenté assis de face 69 est tricéphale, sans que l’on puisse identifier la nature des

62. HANDA 2007, p. 25-38.63. Le trident apparaît à coté d’un temple : ibid., pl. VI, nos 2-12. Sur une série très rare de ces émis-

sions (ibid., p. 31, pl. VI, no 1) la roue (cakra), attribut de Visnu, est gravée à côté du temple.64. Ibid., pl. VII, no. 3, p. 30. On voit sur cette pièce, au-dessous de trois dents, un tambourin gravé

à horizontale, et la hache ; collection privée de Jan Lingen (17 mm, 2,43 g).65. Pour la chronologie, voir W. PIEPER, dans BOPEARACHCHI et PIEPER 1998, p. 51, et HANDA 2007,

p. 149-217.66. Collection privée de Jan Lingen : ibid., p. 188, pl. XLIX, no 1. Sur une série d’argent que D. Handa

(ibid., p. 127-136, pl. XXXIV, nos 1-2) attribue à la tribu des Vemakis, frappée par Rudravarma, on voit éga-lement un trident décoré d’une hache, mais aucun autre symbole gravé sur cette émission n’évoque un cultesivaïte.

67. Pour une discussion exhaustive sur le sujet, ibid., p. 245-256.68. Collection privée de Jan Lingen ; D. Handa (ibid., p. 246, pl. LXXVIII, nos 1-4) l’interprète comme

une peau de léopard. Au revers de cette série la présence d’une antilope ou d’une biche est à noter.69. Ibid., pl. LXXXII, nos 1-3.

FIG. 9. – Monnaie d’argent attribuée aux Audumbara (collection privée Jan Lingen) : 2,43 g ; 17 mm.

FIG. 10. – Monnaie de bronze attribuée aux Yaudheya (collection privée Jan Lingen).

FIG. 11. – Monnaie de bronze dite « Chitreshvara » attribuée aux Yaudheya(collection privée Jan Lingen).

ICONOGRAPHIE MONÉTAIRE ET CHRONOLOGIE KOUCHANE 31

têtes, humaine ou animale, ou les deux à la fois. Quoi qu’il en soit, il est certain quele dieu représenté au droit est Śiva, car Chitreshvara n’est qu’une autre appellationde cette divinité 70. La chronologie de ces émissions dites « Chitreshvara » demeureincertaine. La majorité des numismates les datent des IIe et IIIe siècles de n. è. enraison de leur métrologie qu’ils considèrent comme influencée par celle du mon-nayage kouchan 71. En tout cas, exception faite du trident, le Śiva kouchan vêtud’une dhoti n’a rien en commun, ni par la posture ni par le rendu iconographique,avec le Śiva des Yaudheya, qui est plus proche de l’Héraclès des monnaies de WimaKadphisès (nos 1-4) que nous étudions ici.

On pourrait en dire autant de l’une des représentations anthropomorphiquesles plus anciennes de Śiva qui se trouve au sanctuaire de Parashumeshvara, dans levillage de Gudimallam 72. La datation de cette sculpture varie entre le IVe et leIer siècle av. n. è. 73 Le dieu debout de face tient de la main droite un bélier et de lamain gauche la hache. Il est drapé d’une dhoti diaphane qui met en évidence sonpénis, mais il n’est pas ithyphallique 74.

L’image de Śiva sur les émissions de Wima Kadphisès est donc une image syn-crétique où l’artiste emprunte les attributs d’autres divinités du panthéon hindoupour créer une divinité composite. Sur la haste du trident, que tient le dieu, viennentse greffer la hache (parasu), le foudre (vajra) et la roue (cakra). Le trident (trisu ≠la)est un des principaux attributs de Śiva en tant qu’arme (a≠yudha) 75. La hache(parasu), elle-même arme de guerre, même à titre second, est aussi liée à la personnede Śiva 76. La roue (cakra), terrible arme de jet avec son bord extérieur tranchant, estun attribut par excellence de Visnu 77. L’autre symbole attaché au haut du manchedu trident est un foudre (vajra). Sur une série d’or au poids d’un quart de statèreattribuée à Wima Kadphisès, trois de ces attributs, le trident (trisu ≠la), la hache(parasu) et le foudre (vajra), sont représentés 78. Sur cette même émission apparaîtégalement le linga, symbole par excellence de Śiva. Comme nous le verrons plus

70. BANERJEA 1936, p. 118, traduit Chhatreshvara comme « seigneur des Chhatra », terme qui désigneŚiva ; voir également SIRCAR 1968, p. 213.

71. Pour une discussion des différentes hypothèses, voir HANDA 2007, p. 249.72. Ce village se trouve dans le district de Chitoor, dans l’Andhra Pradesh, en Inde.73. La date du Ier siècle av. n. è. proposée par HUNTINGTON 1985, p. 88, nous paraît plus plausible.74. SRINIVASAN 1984, p. 34 et 42.75. Sula signifie originellement « pique », mais le terme est partout synonyme de trisula≠, trident. Dans

le Śiva-Pu≠ran˛a, Rudrasam ˛hita ≠, IV, chap. IX, 59, il est dit que « le trident avait un halo comparable à ceux dusoleil, de la lune, du feu. Il illuminait ainsi les quartiers (de l’espace) par sa brillance » (traduction LOTH 2003,p. 93). Voir aussi RAO 1914, p. 7-8. Pour une étude exhaustive sur le trisula≠, voir GIULIANO 2004.

76. Pour la hache comme arme śivaïte, voir MALLMANN 1963, p. 248-249.77. RAO 1914, p. 4.78. GÖBL 1984, série 9. La roue (cakra) n’y figure pas.

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loin, il est très probable que le symbole en forme de tambourin qui orne le tridentest bien un carreau de foudre (vajra), car, dans l’art du Gandha≠ra, c’est la forme decet instrument de percussion resserré au milieu que prend l’arme que brandissentVa≠jrapani, l’avatar indien d’Héraclès, ou Indra, le dieu de l’orage.

La question se pose maintenant de savoir si ce syncrétisme existait avantl’arrivée des Kouchans. Les représentations d’appartenance vishnouite de Balara≠ma-Sam˛karsana et de Va≠sudeva-Krsn˛a sur des monnaies d’argent d’Agathocle trouvéesà Aï-Khanoum et frappées probablement à Taxila montre bien, qu’avant l’arrivéedes Kouchans, le Gandha≠ra avait eu, fût-ce de façon éphémère, une tradition consis-tant à représenter les divinités du panthéon hindou selon les codes définis par lessources littéraires (fig. 12) 79. L’araire (hala) et le pilon (musala) que la divinité dudroit tient dans ses mains sont les attributs par excellence de Balara≠ma. La roue(cakra) et la conque (sankha) désignent celle du revers comme Visnu, ou, comme l’asuggéré J. Filliozat, comme Va≠sudeva-Krsn˛a, le frère de Samkarsana. Ces attributscorrespondent aux données littéraires indiennes de l’époque comme l’Arthasastra,le Maha ≠ba≠rata et le Maha ≠bha ≠sya de Patañjali 80. La série monétaire indo-grecque aprobablement été exécutée par un graveur grec d’après un prototype déjà existant 81.

79. Ces monnaies ont été publiées pour la première fois par BERNARD 1971 ; cf. aussi AUDOUIN etBERNARD 1974. Pour l’identification des types, voir FILLIOZAT 1973.

80. Voir à ce propos FILLIOZAT 1973. 81. Nous ne voyons aucune différence entre les lettres grecques gravées sur les émissions monolingues

exécutées par un graveur officiel et celles figurant sur ces monnaies indiennes : BOPEARACHCHI 1991, séries1-8 et 13. FUSSMAN 1989, p. 5, n. 4, pense que le graveur, en copiant le prototype indien, a mal compris leparasol et l’a transformé en couvre-chef.

FIG. 12. – Monnaie d’argent trouvée dans les fouilles d’Aï Khanoum (Musée national de Kaboul).

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L’orthodoxie codificatrice qu’on observe sur cette émission d’Agathocle, souverainindo-grec que l’on date approximativement de 180 av. n. è, semble avoir perdu de sarigueur vers la fin du premier siècle de n. è. lorsque Wima Kadphisès prend lepouvoir dans la même région. Les divinités hindoues apparaissaient alors sous uneforme syncrétique comme en témoigne le Śiva des émissions de Wima Kadphisèsfrappées en l’honneur de son père (séries I-III).

Les images divines d’époque kouchane portant des attributs décrits dans lestextes sacrés et appartenant à diverses divinités ont posé d’innombrables problèmesaux historiens de l’art. La statue de Śiva dite Pontecorvo 82, aujourd’hui conservéeau Museo Nazionale d’Arte Orientale à Rome et provenant du Gandha≠ra, plus pré-cisément de Taxila 83, représente une divinité debout de face, vêtue d’une dhoti etd’un uttar|ya jeté autour de l’épaule gauche, qui tient quatre attributs dans sesmains : un trident de la main droite supérieure, un chapelet (aksama≠la) dans la droiteinférieure, une disque solaire ou une roue (cakra) de la main gauche supérieure etun vase à eau de la gauche inférieure. La divinité est tricéphale, le visage de milieuest humain, l’une des têtes latérales est celle d’un sanglier et l’autre est celle d’unbovin. L’ithyphallisme qui l’affecte est caractéristique de Śiva, de même que letrident et le troisième œil 84. Cependant, comme nous allons le voir, le vase à eau(kaman ˛dalu) est avant tout un attribut de Brahma. Même si on voulait interpréterce vase par la nature ascétique de Śiva, il faut admettre que le chapelet (aksama≠la)établit un lien étroit avec Brahma, le créateur. Le disque solaire ou la roue (cakra) etla tête du sanglier évoquent Visnu, le dieu suprême 85.

Une autre statue, malheureusement endommagée, provenant de la mêmerégion du Gandha≠ra et relevant de la même école artistique (fig.13), a été publiéedans un catalogue de vente comme un Boddhisattva 86. Le troisième œil et le tridentdésignent sans aucun doute possible un Śiva, tandis que la tête de sanglier à droite,

82. D’après la collection privée de Virgilio Pontecorvo. Pour une belle photo, voir GIULIANO 2004,fig. 1.

83. Selon les renseignements recueillis par TADDEI 1983, p. 619, auprès du collectionneur.84. Le troisième œil avec une légère inclinaison vers la gauche du lecteur n’est pas placé au milieu du

front.85. Le sanglier est un des avatars de Vis ˝nu : cf. l’image de Visnu Vaikuntha datée de la seconde moitié

du IXe siècle, conservée à l’Archaeological Museum of Jhalawar (sud-est du Rajastan) ; LOTH 2003, p. 84-85,fig. 62.

86. Archéologie, art gréco-bouddhique du Gandha ≠ra, art islamique, Drouot-Richelieu, vente du lundi26 janvier 2006, p. 4, no 23. Nous tenons à remercier les auteurs du catalogue pour nous avoir fourni unephoto de cette sculpture. Dans le catalogue, ce personnage est décrit à tort comme un Bodhisattva « repré-senté dans une niche, vêtu d’un drapé noué à la taille » ; la remontée du drapé sous le nombril est en fait pro-voquée par le pénis en érection.

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comme sur la statue dite Pontecorvo, établit un lien avec Visnu 87. Le vase à eau peutêtre aussi un attribut de Brahma. Il s’agirait donc, comme la statue Pontecorvo, sousles apparences d’un Śiva d’une divinité syncrétique.

Une magnifique statue encore inédite provenant probablement de Rabatakreprésente un Brahma juvénile à trois têtes identiques (fig. 14) 88. Cette statue, qui

87. Le dieu est tricéphale, et la tête latérale droite est probablement celle d’un lion.88. Cette sculpture se trouve aujourd’hui dans une collection privée pakistanaise.

FIG. 13. – Statue provenant du Gandha ≠ra,représentant une divinité syncrétique

(Archéologie, art gréco-bouddhique du Gandhara,art islamique, Drouot-Richelieu,

vente lundi 26 janvier 2006, p. 4, no 23).

FIG. 14. – Statue provenant probablementde Rabatak, représentant un Brahma juvénile à

trois têtes (collection privée pakistanaise).

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fera l’objet d’une publication spéciale, permet d’identifier cette représentation codi-fiée à la lettre comme un Brahma grâce à ses deux attributs bien visibles du vase àeau (kaman ˛dalu) et du chapelet (aksama≠la). Le troisième attribut dans la maingauche supérieure pourrait être la tige d’un lotus ; la fleur travaillée à part qui avaitété fixée à la tige est malheureusement perdue. On rapprochera un relief provenantdu temple de Śiva à Bhûmara (Madhya Pradesh) et représentant un Brahma assis àtrois têtes, caractérisé par un lotus à longue tige que le dieu tient dans sa main droitesupérieure 89. Ces trois attributs par excellence de Brahma sont répétés sous unevariante aux pieds de la divinité : un ascète âgé tient le vase à eau et un jeune brah-mane tient le chapelet. Le vase à eau utilisé comme versoir pour les ablutions est l’at-tribut de plusieurs divinités, mais surtout de celles qui sont en rapport avec lesacrifice 90. C’est la raison pour laquelle cet attribut devient le symbole par excel-lence de Brahma. Quant à la fleur, elle s’est changée en un socle en forme de lotusépanoui sur lequel se tient Brahma debout, pose exceptionnelle pour ce dieu repré-senté le plus souvent assis 91. Cette belle sculpture qu’on peut dater vers la fin del’empire kouchan, c’est-à-dire vers le IVe siècle de n. è., témoigne de l’impact de l’artbouddhique du Gandha≠ra sur l’art hindou. Le visage aux traits réguliers, les yeuxmi-clos et la bouche esquissant un sourire évoquent la sérénité, tandis que le légerdéhanchement, souligné par la fluidité des plis du vêtement, apporte à l’ensembleune élégance raffinée.

Nous inclinons à penser que le vase à eau que Śiva tient dans la main gauchesur des émissions de Wima Kadphisès, puis sur celles de Kaniska I 92 et de Huvi-shka 93, a été emprunté à l’iconographie de Brahma. Dans l’art du Gandha≠ra, régionoù ont été frappées les monnaies d’or de Wima Kadphisès, le vase à eau est avanttout un symbole de Brahma comme en font foi de très nombreuses représentationsdu dieu porteur de cet attribut. Sur le fameux reliquaire de Bimara≠n, conservé auBritish Museum, Brahma figuré avec Indra aux côtés du Bouddha tient le vase àeau. 94.

Dans l’attente d’une publication détaillée, nous présentons brièvement ici deuxautres reliefs inédits d’un intérêt exceptionnel provenant de Bégram-Kapisa enAfghanistan, où l’on retrouvera Brahma et Indra tenant chacun l’attribut qui le

89. Ce relief est aujourd’hui conservé au Musée indien de Calcutta : LOTH 2003, p. 46, fig. 20.90. MALLMANN 1963, p. 242-243.91. LOTH 2003, fig. 26-23 et 25. On notera l’absence du yagñopav|ta (cordon d’ascète). Il n’est pas

impossible toutefois qu’il ait été peint à l’origine. 92. GÖBL, 1984, séries 37, 55, 62, 72 et 78.93. Ibid., série 30894. ZWALF 1996, I, p. 348-350, et II, p. 346, fig. 659 ; N. KREITMAN, dans ERRINGTON et CRIBB 1992,

p. 189-192, fig. 191. Toutefois, le vase à eau peut être associé aussi à Śiva du fait qu’il est un dieu ascète.

caractérise 95. Sur ces deux reliefs qui font paire, les représentations figurées pren-nent place dans un cadre architectural identique, à savoir une niche couverte par unarc pointu abritant un Bouddha pensif regardant sans cligner l’œil l’arbre de labodhi (Ficus Religiosa) sous lequel il a atteint l’illumination, et autour de laquelle serépartissent, à plus petite échelle, diverses autres scènes relatives à l’Éveil du princeSiddha≠rtha décrites dans les textes bouddhiques anciens comme le Lalitavistara etle Mahāvastu. Sur le premier d’entre eux (fig. 15), à gauche de la niche centrale estfiguré le jataka de Dipamkara, et à droite le don de la poussière au Bouddha Sakya-muni par Jaya et Vijaya. Au-dessous de la niche, sur le registre inférieur, se trouventde droite à gauche le Bouddha, réduit à l’état de squelette par six ans de jeûne ; puisune série d’épisodes où, renonçant aux mortifications, il a adopté la voie moyenne :lavant dans un étang le linceul d’un cadavre, affaibli par son jeûne et tombé acciden-tellement à l’eau, il est sauvé par une dryade secourable qui lui tend une branched’arbre ; Sujata (« La Bien-née ») offrant à Siddha≠rtha un bol rempli de riz au lait etde miel ; le roi des Naga, encapuchonné de têtes de cobras, prédisant son Éveil auBoddhisattva ; l’humble faucheur d’herbe Swastika lui donnant des brasséesd’herbes pour préparer le siège de méditation ; le prince Siddha≠rtha sur un tapisvégétal sous l’arbre de la bodhi ; l’assaut des démons de Mara 96. Sur le second relief(fig. 16) ces scènes de la vie du Bouddha encadrant la niche centrale sont remplacéespar de simples donateurs en habits kouchans 97. Ce qui nous concerne directementsur ces deux reliefs jumeaux, sortis manifestement d’un même atelier, ce sont lesdeux personnages sculptés de part et d’autre de l’arc central, au-dessus des pilastrescouronnés de protomes de griffons ailés supportant la voûte : à gauche, le jeunehomme nimbé tenant le vase à eau de la main gauche et faisant un geste de saluta-tion de la droite est sans doute Brahma ; de l’autre côté, en face de lui, le dieu Indranimbé, reconnaissable au foudre (vajra) qu’il tient de la main gauche, fait de l’autremain le même geste de salutation ; sa haute coiffure et ses parures sont caractéris-tiques de l’art du Gandha≠ra.

Le même Indra apparaît sous les traits d’un Vis ˝nu dans plusieurs images syn-crétiques attribuables à l’art du Gandha≠ra. L’identification de la divinité figurée surun relief trouvé dans la vallée du Swat, avec ses six bras tenant divers attributs, dont

95. La région de Bégram-Kapisa est située à quelque 80 km au nord de Kaboul, au confluent duPanshir et du Ghorband. À l’époque kouchane, cette région était couverte d’établissements bouddhiques,comme Paitava, Karatcha, Shotorak, Tepe Kalan et Kham Zargar ; cf. CAMBON 1996.

96. Ce relief se trouvait dans une collection privée londonienne. L’inscription écrite en alphabetkharosth|, gravée au-dessus du registre inférieur, se lit, selon Harry Falk : « In the year seventy four, ... atthis (date), this is the gift of Buddhavdeva. »

97. Collection privée japonaise M. Takahashi.

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FIG. 15. – Relief provenant de Bégram-Kapisa, représentant le Bouddha pensif,contemplant l’arbre de la bodhi après son illumination (collection privée londonienne).

FIG. 16. – Relief provenant de Bégram-Kapisa, représentant le Bouddha pensifcontemplant l’arbre de la bodhi après son illumination (collection privée M. Takahashi).

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quatre bien reconnaissables, a fait couler beaucoup d’encre (fig. 17) 98. Le dieu,debout de face, vêtu d’une dhoti descendant jusqu’aux chevilles et formant des plisau centre, porte une couronne (kīrtimukuta) et des boucles d’oreilles spiralées. Iltient des deux mains supérieures droites une épée 99 et un foudre et des deux mainssupérieures gauches une lance et une roue 100. G. Gnoli 101 voit en lui, non sans hési-tations, un Śiva ; R.C. Agrawala, un dieu composite, à la fois Visnu, Śiva etIndra1 102. M. Taddei, lui aussi embarrassé par l’aspect syncrétique, propose dereconnaître une forme complexe de Skanda-Ka≠rttikeya et insiste sur l’influencesyrienne, plus précisément palmyrénienne, faisant un parallèle avec les images dudieu Shadrafa 103. Pour Doris M. Srinivasan, cette sculpture ne présente aucune res-

98. Ce relief est aujourd’hui conservé au Museo Nazionale d’Arte Orientale Giuseppe Tucci, à Rome.Il a été publié pour la première fois par GNOLI 1963. Nous avons pu examiner personnellement ce relief etnous exprimons notre gratitude aux autorités du musée pour nous avoir autorisé à l’illustrer.

99. Cette arme a été identifiée par GNOLI 1963, p. 30, comme une épée à large lame, et également parAGRAWALA 1966, p. 82. Il pourrait s’agir aussi de la massue (gada≠), qui est avant tout l’un des attributs carac-téristiques de Visnu sous tous ses aspects et quel que soit le nombre des ses bras : MALLMANN 1963, p. 245 ;cf. Vis ˝nu-Pu≠ran˛a, I, chap. XXII ; Bha≠gavata-Puran ˛a, XII, chap. XI, 14.

100. Malheureusement, les deux mains inférieures sont très endommagées, et aucun attribut n’estvisible.

101. GNOLI 1963, p. 30, 36-37.102. AGRAWALA, 1966.103. TADDEI, 1985.

FIG. 17. – Relief trouvé dans la vallée du Swat, représentant une divinité syncrétique(Museo Nazionale d’Arte Orientale Giuseppe Tucci à Rome).

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semblance avec les représentations de Skanda-Kuma≠ra dans l’art de l’Inde du Nord-Ouest d’où vient cette sculpture 104. Il s’agit, selon nous, d’une divinité syncrétique,« a composite icon », pour reprendre le terme de R.C. Agrawala 105, un composé deŚiva, de son fils Skanda-Kuma≠ra, de Vis ˝nu et d’Indra, Les quatre attributs recon-naissables appartiennent à quatre divinités du panthéon hindou. Le disque (ou laroue) (cakra), prénommé Sudarsana (beau à voir 106), est une arme redoutable deVisnu. L’épée (asi) aussi est l’une des armes de Śiva 107. La lance formée d’une longuehampe et d’un pic est la sakti de Skanda-Kuma≠ra, fils de Śiva et chef de l’arméedivine. Indra est censé lancer le foudre (vajra) comme une arme de jet qu’il fait tour-noyer en la tenant par le milieu 108. La coiffure et les boucles d’oreilles de la divinité

sont caractéristiques d’Indra. Nous avons déjàmentionné cette divinité sur les reliefs de Bégram-Kapisi où elle salue le Bouddha sous l’arbre de labodhi : Indra y est habillé et coiffé de la mêmefaçon que sur le relief du Swat.

Un autre relief nouveau, provenant probable-ment de Rabatak, que j’ai pu examiner au bazar dePeshawar, et qui représente une autre divinité syn-crétique contribue à la compréhension du relief duSwat. Cette sculpture (fig. 18) représente un dieu –le personnage est nimbé –, debout de face, vêtu duparidha ≠na drapé autour des reins et de l’uttar|yajeté sur les épaules. Il tient de la main droite supé-rieure le disque (cakra) semblable à celui tenu parle dieu du relief du Swat (fig. 17), le foudre (vajra)de la main gauche supérieure et la conque (sankha)des deux mains inférieures. Il souffle dans cetteconque qu’il tient près de ses lèvres. Cette divinitéévoque indubitablement un Visnu par les attributsdu disque (cakra) et de la conque (sankha). Il a déjà

été question du symbolisme de la roue (cakra)comme arme de jet de ce dieu. Quant à la conque,le relief est l’unique document figuré de cette

104. SRINIVASAN, 1997-1998, p. 235 ; selon cette spécialiste, cette sculpture révèle la notion d’héroïsmevenue du Sud et renforcée par l’hellénisme de l’Ouest.

105. AGRAWALA 1966.106. MALLMANN 1963, p. 252 ; LOTH 2003, p. 54.107. MALLMANN 1963, p. 52.108. Ibid., p. 251.

FIG. 18. – Reliefprovenant probablement de Rabatak,représentant une divinité syncrétique

(collection privée pakistanaise).

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époque à nous montrer un Vis ˝nu tenant la conque à deux mains. Dans l’iconogra-phie indienne la conque, qui constitue l’un des attributs essentiels de Visnu, esttenue par l’une des quatre mains, très souvent la main supérieure gauche 109. Lefoudre et le couvre-chef sont, eux, des attributs d’Indra, dieu de l’orage et souveraindes dieux. La haute tiare cylindrique (k|rtimukuta), décorée de motifs floraux et deguirlandes de perles jaillissant du haut de la calotte, ainsi que les pendants d’oreillesen spirales sont liés à Indra dans l’art du Gandha≠ra. L’exemple le plus significatif àcet égard est le relief représentant Indra, semblablement habillé et coiffé, assistant ausacrifice du roi Sibi 110. La divinité du relief de Rabatak (fig. 18) représente donc à lafois Indra et Visnu, tandis que celle du Swat (fig. 17), outre Visnu, évoque égalementŚiva et son fils Skanda-Kuma≠ra.

Le syncrétisme auquel s’essaient les monnaies de Wima Kadphisès est devenupeu à peu chez ses successeurs une sorte de code rigide, au moins pour la périodekouchane. C’est ainsi que, sur les monnaies de Kaniska et de Huvishka, Śiva estreprésenté avec quatre bras tenant le vase à eau de Brahma, le foudre d’Indra, l’an-tilope et le trident de Śiva (fig. 19) 111. Sur une émission de Huvishka, où le dieu est

109. LOTH 2003, p. 53, fig. 30, 31, 34 et 35. Sur la conque, voir MALLMANN 1963, p. 258. La conquecomme attribut de Visnu est mentionnée dans le Vis˝nu-Pu≠rana (III, 85, 17) et le Bha≠gavata-Puran ˛a (XII,XI). La conque compte parmi les sept ou huit trésors attribués au roi Cakravartin (cf. Digha Nika≠ya, p. 395-396).

110. ZWALF 1996, p. 54, 141, fig.136. 111. Cette pièce (21 mm, 7,90 g) , conservée au Cabinet des Médailles , a été publié par Ch. SACHS dans

BOPEARACHCHI, LANDES et SACHS 2003, p. 183, no 162 ; GÖBL 1984, séries 62 pour Kaniska I, 155 et 308pour Huvishka.

FIG. 19. – Statère d’or de Kaniska (Cabinet des Médailles BNF) : 7,90 g ; 21 cm.

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tricéphale, le vase à eau est remplacé par la roue à six rayons de Visnu 112. L’émissionla plus significative à cet égard est celle de Huvishka sur laquelle le dieu tricéphaletient avec ses quatre bras le foudre, le trident, le vase à eau et la massue (dan˛da) 113.Le foudre, clairement composé de deux faisceaux de rayons, ne peut être confonduavec un tambourin, qui est un attribut de Śiva. Le danda, qui peut aussi s’interprétercomme un bâton massif, est normalement associé à Visnu 114. Le nom que porte ledieu sur les représentations numismatiques que nous venons de mentionner,« Oesho », désigne dans le panthéon iranien le dieu de l’atmosphère « Vayush »= Wesh qui, chez les Kouchans, en est venu à prendre l’aspect de Śiva 115. Cettelégende n’apparaît pas en tant que telle sur les monnaies de Wima Kadphisès, maiscelle qui y figure au revers en écriture indienne (ga≠ndha≠r| et kharosthī) et qui se litsarvalogaisvara, soit « adorateur de Śiva », s’applique au même dieu. Nous sommesdonc ici en présence d’une divinité syncrétique, mais avant la codification plustardive qui fige de façon stéréotypée les attributs de chaque divinité 116.

Sur plusieurs émissions de Wima Kadphisès, Śiva est tricéphale, avec deux têteslatérales vues de profil. Ce détail si important dans l’iconographie du dieu était passéjusqu’à présent inaperçu 117. La tête d’antilope noire (mr˝ga) est associée à Śiva-ascètede même que la tête d’homme âgé barbu. Śiva apparaît tantôt avec une seule tête(séries VIII-X, XII, XIV, XVI), tantôt avec deux 118 (séries VI, VII, XI, XIII, XV,XVII), tantôt avec trois (séries I-III). Il avait également échappé que Śiva est aussitricéphale sur les monnaies de bronze (fig. 2) 119. Comme nous l’avons fait remar-quer, la présence d’une antilope au revers des monnaies tribales des Yaudheya

112. ROSENFIELD 1967, p. 92, pl. VIII, no 163.113. Ibid., p. 93, pl. VIII, no 164.114. MALLMANN 1963, p. 245.115. ROSENFIELD 1967, p. 93. C’est HUMBACH 1975 qui fut le premier à faire le rapprochement ; cf.

aussi CRIBB 1997. 116. Il faut attendre la période gupta pour voir apparaître une véritable codification selon laquelle

chaque divinité est identifiable par des attributs bien définis : pour ces images, voir le catalogue d’expositionL’âge d’or de l’Inde classique. L’empire Gupta, Paris, 2007.

117. Par exemple, il n’est pas noté par J. Cribb dans l’étude qu’il consacre aux représentations de Śivasur les monnaies kouchanes : CRIBB 1997, p. 13-14, également dessins, p. 46-47. C’est aussi le cas deMUKHERJEE 1990, p. 42-43.

118. Il est en principe à trois têtes, mais, comme il est de profil, seule la deuxième tête est visible.119. On distingue assez bien ces trois têtes sur la pièce de Cabinet des Médailles publiée par

Ch. SACHS, dans BOPEARACHCHI, LANDES et SACHS 2003, p. 198, no 154). Une pièce sur laquelle les troistêtes se voient sans le moindre doute se trouve dans la collection privée Jan Lingen (fig. 2), avec un Śiva àl’ithyphallisme non dissimulé par le tissu diaphane qui le vêt, portant une grosse moustache, avec leyagñopavīta ou cordon d’ascète bien en évidence. Comme sur les monnaies commémoratives de Wima Kad-phisès, il est à trois têtes : celle du milieu humaine, les deux latérales étant celles d’un ascète barbu et d’uneantilope.

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(fig. 10) souligne le rapport de l’animal au Śiva du droit. Le document le plus parlantà cet égard est une représentation d’Uma Mahesvara trouvée à Dargai dans la régionde Malakand au Pakistan (fig. 20 a et b) 120.

Le dieu à quatre têtes et quatre bras, debout de face, tient de la main droitesupérieure le trident et de la droite inférieure le chapelet, de la main gauche infé-rieure le vase à eau ; le bras gauche supérieur est cassé. Il est vêtu d’une dhoti des-cendant jusqu’aux chevilles et d’un uttar|ya drapant l’épaule gauche. Le cordonsacré passé sur l’épaule gauche traverse en oblique la poitrine. Le dieu est accom-pagné d’Uma, debout de face, à ses côtés, s’appuyant de son bras droit sur l’épaulegauche de son époux, la main gauche jointe à la droite. Elle porte une tunique mou-lante et un voile qui se gonfle autour de sa tête et de ses épaules. Elle porte une richeparure faite de bracelets, d’un collier, d’un torque plat et de boucles d’oreilles

120. Cette sculpture (113 cm de hauteur x 76 cm de largeur) est conservée dans la collection privée deJulien Sherrier et elle a été publiée par son propriétaire : SHERRIER 1993, p. 623, pl. 48, 4a.

FIG. 20 a. – Relief représentant Uma Mahesvara,trouvée dans la région de Malakand au Pakistan

(collection privée de Julien Sherrier) :113 cm x 76 cm.

FIG. 20 b. – La quatrième tête figurée, au revers.

ICONOGRAPHIE MONÉTAIRE ET CHRONOLOGIE KOUCHANE 43

emperlées. De part et d’autre des deux personnages divins, levant leurs regards verseux, se tiennent deux petits adorateurs, un homme en tenue kouchane et sa dame.Plus petit qu’eux encore, entre les deux divinités, est figuré un minuscule Skanda-Kuma≠ra, debout de face, portant une cuirasse de lamelles, tenant une lance de lamain droite et un coq de la gauche, la petite taille des trois personnages mettant envaleur la puissance du couple divin. Si nous mentionnons cette œuvre, c’est moinspour la superbe qualité de son style que pour attirer l’attention sur le fait que Śivay est pourvu de quatre têtes : la tête frontale à visage humain 121, la tête latéralegauche qui est celle d’un homme âgé barbu, symbole de la nature ascétique du dieu,la tête latérale droite qui est celle d’une antilope 122, la quatrième enfin, à l’arrière duvisage central, aux yeux exorbités, avec des crocs animaux à la commissure deslèvres, qui représente l’aspect démoniaque de Śiva (fig. 20 b).

Un autre relief provenant probablement de Peshawar, et qui a fait l’objet devives discussions, fournit un complément d’éclairage à cette iconographie de Śivatricéphale 123. Ce relief représente Śiva, Pa≠rvat|, Skanda-Kuma≠ra et S˝as˝thi. Skanda-Kumāra est reconnaissable à la longue lance qu’il tient de la main droite, et Sas˝thi,la consoeur de Skanda, à ses six têtes. Parvati tient le miroir (darpan ˛a). Śiva, repré-senté à l’extrême gauche, debout de face, est ithyphallique sous sa longue dhoti. Iltient de la main droite supérieure le trident, de la gauche supérieure le foudre et dela gauche inférieure le vase à eau. Il fait un geste, peut-être d’abhayamudra, de lamain droite inférieure. Le visage humain de face au centre est encadré à droite d’unetête d’homme âgé et barbu, à gauche d’une tête d’antilope 124. Le groupe de Dargaicomme le relief de Peshawar, qu’on date entre les IIIe et ve siècles, sont à inscrire dansla liste des parallèles de représentations anciennes de Śiva tricéphale ou quadricé-phale qu’annonce le dieu des monnaies de Wima Kadphisès.

Les commentaires que nous avons été amenés à faire à propos des monnaiesinédites de Wima Kadphisès présentées ci-dessus (séries I-III) ont montré qu’ellesdoivent être considérées comme les toutes premières émissions de ce roi, avec destypes nouveaux qui marquent une rupture avec le monnayage de bronze dit de« Sôter Mégas ». Ces monnaies commémoratives, où Wima Kadphisès mentionne lenom de son père, sont sans aucun lien iconographique avec les types monétaires deSôter Mégas. N’y sont figurés ni le tamga dit de Sôter Mégas, ni ses types par excel-

121. Le troisième œil de Śiva est bien visible sur cette sculpture.122. SHERRIER 1993, p. 623, identifie cette tête comme celle d’une « antelope / goat ».123. Ce relief (25 x 18 cm) a été publié par SHERRIER 1993, p. 618 ; voir aussi AGRAWALA 1995, p. 331-

332 ; SRINIVASAN 1997-1998, p. 240-241, 266, fig. 13 ; KURITA 2003, II, no 519.124. C’est aussi l’avis d’AGRAWALA 1995.

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lence que sont Mithra 125 et le roi-cavalier (fig. 21). Contrairement à Sôter Mégas quiaffiche son attachement au mithraïsme, Wima Kadphisès signifie ouvertement qu’ilest adorateur de Śiva, en y faisant représenter l’image du dieu et en y faisant figurersa profession de foi inscrite en toutes lettres dans les légendes en ga≠ndha≠r| etkharosth| : sarvalogaisvara, « adorateur de Śiva » 126.

Cette rupture est encore plus évidente lorsqu’on poursuit l’observation dumonnayage de Sôter Mégas. Le monnayage principal de ce souverain est, avons-nous dit, aux types : buste rayonnant de Mithra au droit / roi-cavalier au revers (fig.21). Par ces types, Sôter Mégas manifeste publiquement son indépendance vis-à-visde Kujula Kadphisès, le fondateur du royaume kouchan, qui frappe principalementun monnayage imitant les séries posthumes d’Hermaios, avec toutefois sa proprelégende : Kujula Karasa Kusānasa Yavugasa Dharmathidasa, « de Kujula, chefkouchan, yagbu, le Pieux » (fig. 5) 127. Ces monnaies sont frappées à l’étalon indien(tétradrachme de 8,60 g) et elles proviennent uniquement des régions au sud del’Hindu-Kush, à savoir les Paropamisades et le Gandha≠ra, tandis que les monnaiesde Sôter Mégas sont frappées à l’étalon attique (principalement didrachmes de8,20 g) et couvrent une aire géographique jamais atteinte par aucun de ses prédéces-seurs, de l’Oxus au Gange.

125. GRENET 2001.126. Voir nos séries à partir de VII et, pour les bronzes, GÖBL 1984, série 762. On notera également

sur ces quatre émissions (nos 1-4) l’absence du Nandipada, qui est, au contraire, omniprésent sur les sériesrégulières (voir nos séries IV-XVII).

127. BOPEARACHCHI 1997, p. 190-198 ; MAC DOWALL 1968, p. 40.

FIG. 21. – Monnaie de bronze dite de « Sôter Megas » (Cabinet des Médailles BNF).

ICONOGRAPHIE MONÉTAIRE ET CHRONOLOGIE KOUCHANE 45

Il n’y a pas lieu non plus de supposer aucun lien entre le monnayage de SôterMégas avec légende en grec et les monnaies aux types « bœuf à bosse / chameau »de Wima Takto. Si Sôter Mégas se confondait avec Wima Takto, comme le veutCribb, pourquoi n’aurait-t-il pas gravé son nom personnel sur son monnayage prin-cipal, alors que son père se nomme ouvertement sur ses dernières émissions comme« Kujula, chef kouchan, le Pieux » 128 ? Pourquoi, si l’on veut associer Wima Taktuà Sôter Mégas, ce Sôter Mégas, que J. Cribb considère comme le successeur légitimede Kujula, n’a-t-il pas pris le titre dynastique de « Kouchan », au moins sur sesséries principales, comme l’avait fait Kujula avant lui, comme le feront après luiWima Kadphisès et Kaniska I 129 ? En ce qui concerne Wima Takto, son fils, WimaKadphisès, lui attribue très clairement sur ses monnaies commémoratives ce titredynastique de « Kouchan ». Comment, en outre, justifier la timide apparition dunom de Wima Taktu sur une série de bronze isolée, si le personnage ne fait qu’unavec ce Sôter Mégas dont le monnayage est si voyant ? Autant de questions aux-quelles il faudrait pouvoir répondre si l’on veut maintenir l’hypothèse, à nos yeuxinsoutenable, d’un seul et même roi à double identité, tantôt Wima Takto, tantôtSôter Mégas.

Ce n’est pas non plus par hasard que dans la plupart des trésors monétaires, lesmonnaies de Sôter Mégas ont été trouvées isolément, sans être mélangées à celles deses prédécesseurs ou de ses successeurs 130. Le monnayage de Sôter Mégas se dis-tingue ainsi radicalement de celui de son prédécesseur Kujula Kadphisès par lessymboles, les légendes, l’étalon et surtout les types. Tout se passe comme s’il avaitété un usurpateur, peut-être un Grec, ou un Grec iranisé, ou un Kouchan qui auraitinterrompu pour une génération la succession régulière des descendants deKujula 131.

Selon le Hou Hanshu, la chronique chinoise des Han postérieurs, le fondateurde l’empire kouchan se nommait Qiujiuque (reconnaissable phonétiquementcomme Kujula Kadphisès). Toujours selon Fan Ye, il envahit le pays d’Anxi, c’est-à-dire les possessions des Indo-Parthes au sud de l’Hindu-Kush et s’empara duGaofu (Kabul) ; puis il annexa le Puda (Pushkalavti) et le Jibin (Cachemire) et

128. MITCHINER 1978, nos 2880-2881.129. GÖBL 1984, série 31.130. Trésor de Phalai près de la Malakand Agency : 500 pièces ; trésor de Chakdara : 250 pièces ; trésor

de Barikot : 300 pièces. Ces trésors monétaires auxquels j’ai eu accès sont encore inédits.131. Cette hypothèse que je fais mienne à a été avancée par FUSSMAN 1998, p. 612 : « C’est désormais

une solution plus simple que de considérer Sôter Mégas comme un usurpateur kouchan, ayant interrompupour une génération la succession régulière des descendants de Kujula Kadphisès, un peu comme Napoléonvenu s’intercaler entre Louis XVI et Louis XVIII. »

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mourut octogénaire 132. On apprend également qu’il avait soumis à sa dominationles quatre autres yabghus, chefs des clans d’envahisseurs nomades qui avaientarraché le pouvoir aux Grecs à la fin du IIe siècle av. n. è. 133. L’absence de monnaiesde Kujula dans les régions au nord de l’Hindu-Kush où se situaient les domaines deces yagbhus indiquerait que Kujula prit le dessus sur eux dans ces régions seulementsur la fin de sa vie.

On peut aujourd’hui, en combinant les sources chinoises et les données numis-matiques, proposer, avec toute la prudence nécessaire, une date pour le règne de ceKujula. Le souverain parthe qui fut le prédécesseur de Kujula dans le Gandha≠ra étaitsans doute Gondopharès, le fondateur du royaume indo-parthe. L’histoire desParthes qui régnèrent sur l’Inde, et qui sont connus sous le nom d’Indo-Parthes,reste enveloppée de beaucoup d’obscurité. Le simple fait d’établir une chronologiepour des rois dont les noms sont pour la plupart, comme ceux des souverains indo-grecs ou indo-scythes, connus uniquement par leur monnayage, pourrait paraître deprime abord une tentative désespérée. Les recherches numismatiques, dont les plusanciennes remontent au XIXe siècle, ont cependant abouti à des résultats dont il vautla peine de se demander s’ils peuvent apporter quelque chose à notre propreenquête.

Les monnaies frappées par les Indo-Parthes ont été classées en quatre catégo-ries principales suivant des critères tels que le poids, les types monétaires et, plusparticulièrement, leur distribution géographique.

Le première catégorie est constituée par des séries de bronzes indo-parthesreprésentant un portrait royal au droit et une Niké ailée au revers, qu’on attribuegénéralement à l’Arachosie 134. Ces monnaies qui se caractérisent par la réapparition,après une éclipse, des portraits royaux, pratique numismatique grecque qui avaitdisparu entre-temps, et qui constituent la principale catégorie monétaire de l’Ara-chosie, semblent avoir été conçues de manière à pouvoir passer pour des tétra-drachmes de bronze de poids indien. Elles succèdent directement aux tétradrachmesde bronze frappées au nom d’Hermaios qui sont en fait des imitations posthumesdu roi indo-grec Hermaios, frappées au poids de 9 à 9,5 g, correspondant au poidsindien des tétradrachmes d’argent frappées par les souverains indo-grecs 135.

132. THIERRY 2005, p. 478-479, 493, texte 7; p. 524, texte 35.133. Pour une proposition pour l’aire de répartition des cinq yabghus, voir en dernier lieu GRENET

2006.134. Nous suivons le classement proposé par MAC DOWALL 1965 ; voir aussi BOPEARACHCHI, 1998.

Pour les types de Gondopharès, voir SENIOR, 2001, séries 212-214. La chronologie généralement admise parla plupart des chercheurs en ce qui concerne la succession des souverains indo-parthes qui émirent un mon-nayage au type de Niké est le suivant : Gondopharès, Abdagasès, Orthagnès, Pacorès et Gondopharès II.

135. Pour les monnaies posthumes d’Hermaios, voir BOPEARACHCHI 1991, séries 20 et 21.

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La deuxième catégorie est composée de drachmes d’argent sur lesquelles estreprésenté le double type de prédilection des rois parthes, un buste du roi de profilau droit associé à un roi trônant couronné par une Niké ailée au revers 136. Ces mon-naies sont considérées comme un groupe destiné à compléter le monnayage dedrachmes parthes en argent qui existait en Drangiane.

La troisième catégorie est constituée de monnaies d’un alliage très pauvre enargent, dans lequel prédominait le cuivre, et que l’on a attribuées à la région duGandha ≠ra ; ces monnaies étaient frappées de la représentation du souverain à chevalqui avait été introduite par les Indo-Scythes, prédécesseurs des Indo-Parthes et queces derniers perpétuent 137. Ces séries indo-parthes succédèrent aux monnaies debillon émises par le dernier roi indo-scythe, Azès II 138.

L’émission d’un quatrième groupe de drachmes en bronze, frappées selon lepoids indien et représentant le portrait du roi au droit et Athéna Alkidémos aurevers, est attribuée au Punjab oriental 139, où ce monnayage remplace celui, plutôtrudimentaire, qui y avait été émis par l’Indo-Scythe Rajuvula 140.

Ces différents monnayages aux caractéristiques particulières, émis par lesmêmes souverains mais dans des zones géographiques différentes, ne peuvent et nedoivent pas être étudiés isolément du fait de leurs liens directs avec leurs prédéces-seurs immédiats, Indo-Grecs et Indo-Scythes ainsi qu’avec leurs contemporainsKouchans. De nombreux progrès ont été réalisés dans ce domaine ces dix dernièresannées. La clef de notre compréhension de la destruction du pouvoir indo-grec dansles régions des Paropamisades et de l’Arachosie par les Yue-zhi (connus plus tardsous le nom de Kouchans) réside dans les différents monnayages frappés au nom del’Indo-Grec Hermaios. La mort de ce dernier marque en effet la fin du pouvoir grecdans les Paropamisades ainsi qu’au Gandha≠ra. Ce sont les Yue-zhi qui le détrônè-rent, cinquante ans après avoir envahi la Bactriane et traversé les montagnes del’Hindou-Kouch, ce rempart naturel qui avait pourtant jadis protégé l’empireMaurya de l’invasion grecque, et qui, plus tard, devait préserver un temps leroyaume indo-grec des invasions nomades. Il ne fait aucun doute qu’il s’agit là des

136. Pour les types de Gondopharès, voir SENIOR 2001, série 210.137. Pour les types de Gondopharès, ibid., séries 216-220.138. Ibid., série 99. Senior ne distingue pas deux Azès, et il place les monnaies altérées vers la fin du

règne d’Azès I.139. Pour les types de Gondopharès : ibid., série 222. Quant aux Indo-Parthes qui régnèrent sur la

région du Punjab oriental, il faut les placer après Gondopharès, Abdagasès, Sarpédanès, Sasès et Ubouzanès :voir BOPEARACHCHI 1998.

140. Pour les types de Rujuvula, voir SENIOR 2001, séries 150-152.

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141. Ibid., p. 13-14.142. BOPEARACHCHI 1993, p. 53-54. Pour une discussion fondée sur les analyses métrologique, voir

BOPEARACHCHI 1997.143. Le règne d’Azès II, le successeur d’Azès I, se place par rapport à ce dernier et ses prédécesseurs

indo-grecs. En ce qui concerne le Panjab occidental, différentes surfrappes ont confirmé la date tardive d’ungroupe de rois indo-grecs ayant régné dans la région de Taxila, postérieurement à l’Indo-Scythe Mauès.Quelques années avant l’invasion de la vallée de Kabul par les Yue-zhi, lesquels occupaient déjà les territoiressitués au nord de l’Hindou-Kouch, le royaume grec de la vallée de l’Indus, dont Taxila était le centre, futannexé par un roi scythe du nom de Mauès. Il adopta bon nombre des types monétaires de ses prédécesseurs,mais les frappa de son propre nom, Mauès en grec, et Moa en prakrit. Mais la domination de Mauès sur leroyaume de Taxila fut de courte durée, car un dénommé Apollodote rétablit le pouvoir grec pour un certaintemps. L’ordre chronologique de ce roi grec et ses successeurs est connu par une série de surfrappes : Apol-lodote II qui surfrappe un bronze de Mauès ; l’Indo-Scythe Azès I, qui monte sur le trône vers 57 av. n. è.et surfrappe des bronzes d’Apollodote II et des bronzes de son successeur Hippostrate. Ces séries de sur-frappes donnent ainsi la séquence suivante pour ces souverains de la région de Taxila : Mauès, Apollodote II,Hippostrate, Azès I. Pour les questions chronologiques fondées sur les surfrappes, voir BOPEARACHCHI1989, p. 76-79.

mêmes tribus qui, ayant conquis la Bactriane, copièrent d’abord les tétradrachmesd’argent d’Hélioclès I, dernier souverain grec à avoir régné au nord de l’Hindou-Kouch. Ces tribus nomades, lorsqu’elles occupent les territoires au sud del’Hindou-Kouch après la mort d’Hermaios, émettent, selon leur habitude, des imi-tations des types d’Eucratide et d’Hermaios. Ces frappes de monnaies posthumescommencent à partir des années 70 av. n. è. Une pièce de Straton I surfrappée parVononès avec Spalahorès 141 confirme la postériorité des deux souverains indo-scythes par rapport au roi grec. Son apport est toutefois de portée limitée dans lamesure où l’ordre de succession de ces souverains n’a jamais été contesté. Aucontraire, la surfrappe d’Eucratide posthume, frappée 85 ans après la mort du sou-verain gréco-bactrien survenue vers 145 av. n. è., sur un bronze de Spalirisès et Spa-ladagamès qu’on date vers 60 av. n. è. d’une part, et la monnaie de Spalirisès et Azèssurfrappée sur un tétradachme d’Hermaios posthume d’autre part, ont permis derésoudre définitivement le problème des monnaies posthumes frappées au nomsd’Eucratide et d’Hermaios 142. Les royaumes indo-scythe et indo-parthe s’effondrè-rent tous deux à la suite de l’invasion massive des Kouchans, emmenés par KujulaKadphisès. Une série de surfrappes prouve qu’il y eut une période intermédiaireavant les émissions posthumes de monnaies de bronze d’Hermaios.

C’est dans cette situation politique complexe que le Parthe Gondopharès mitfin au pouvoir scythe et étendit sa souveraineté sur le Gandha≠ra et les régions voi-sines, fondant le royaume indo-parthe, probablement au cours des dernières annéesdu règne d’Azès II 143. La grande rareté des monnaies frappées dans un argent debonne qualité, qui précèdent la plupart des émissions de tétradrachmes altérées,

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144. SALOMON 2005, p. 359-401.145. Voir P. BERNARD dans BERNARD, PINAULT et ROUGEMONT 2004, p. 338-356.146. Pour une discussion sur la datation du règne de Gondopharès, voir BOPEARACHCHI 1999b, p. 99-

108 et 134-138. 147 Pour une étude détaillée sur cette chronologie, voir BOPEARACHCHI 1998, p. 389-406.148. THIERRY 2005, p. 493, texte 7. F. Thierry souligne (p. 441) qu’« il paraît invraisemblable que les

Chinois aient tenté de transcrire la forme grecque de ces rois. Ce qu’ils ont transcrit, c’est évidement le nomlocal ».

149. Comme le dit FUSSMAN 1998, p. 444, ce travail de restitution est souvent affaire de prises de posi-tion pré-établies que l’on cherche à conforter.

suggère que le règne de Gondopharès débuta très peu de temps avant cette altéra-tion.

Si l’on considère que l’ère d’Azès correspond à l’ère Vikrama de 58-57 av. n. è,l’inscription de Takht-i-Bahi, datée de la 26e année du règne de Gondopharès,laquelle correspond à la 103e année d’une ère non nommée mais qu’on suppose êtrel’ère d’Azès, soit 46 de n. è., situerait en l’an 20 de n. è. la première année du règnede Gondopharès. D’autre part une inscription en kharosth| découverte à Bajaur(Pakistan) et publiée par R. Salomon 144 fait allusion à une « ère grecque » que l’onpeut dater très précisément de 186-185 av. n. è. L’inscription se réfère en effet à la« 27e année régnale de Vijayamitra, qui est aussi la 73e année de l’ère d’Azès etl’année 201 de l’ère des Yonas (Grecs) ». Cette ère grecque commençait donc 128ans avant l’ère d’Azès (201-73), soit en 186-185 av. n. è., si l’on admet – ce qui esttrès vraisemblable – que l’ère d’Azès est l’équivalent de l’ère Vikrama que l’on saitdatée de 58 av. n. è. Il n’est pas impossible que Démétrios I soit le fondateur de cette« ère grecque » de 186-185 av. n. è. en Inde, car il est qualifié dans un texte grec de« roi des Indes » et sa coiffe faite d’un scalp d’éléphant lui donne l’air d’un conqué-rant de l’Inde comme le fut Alexandre qui s’était attribué ce même couvre-chef 145.Ces indications ainsi que le début de l’altération des émissions de monnaies consta-tées sous le gouvernement de Gondopharès permettent de situer le règne de cedernier approximativement entre 20-21 et 40 de n. è. 146. Il est certain désormais quele règne de Kujula se place après cette date, c’est-à-dire à partir de 40 de n. è.environ 147.

Le deuxième souverain kouchan selon le Hou Hanshu se nomme Yangaozhen,et il est le fils de Kujula. On apprend aussi qu’il fut le conquérant de l’Inde dont ilconfia le gouvernement à l’un de ses hommes de confiance 148. Joe Cribb défendvigoureusement l’interprétation qui fait du nom de ce Yangaozhen une déformationde celui de Wima Takto 149. Si l’on suit cette interprétation du texte chinois, il s’agi-rait donc de Wima Takto nommé par ailleurs dans l’inscription de Rabatak. SiKujula meurt octogénaire, on peut penser que son fils était alors déjà d’un âgeavancé.

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Si l’on me demandait d’imaginer le scénario dans lequel pourraient s’inscrire lesévénements dont nous venons de parler, je ferais volontiers de ce général à qui WimaTakto confia le gouvernement de l’Inde l’usurpateur dont on ne connaîtra peut-êtrejamais le vrai nom, à savoir Sôter Mégas. Ce dernier serait devenu si puissant à latête de l’empire indien qui lui avait été confié par son maître que l’hériter légitimedu trône fut relégué dans une région marginale comme le Cachemire, où il frappaune série de monnaies de bronze sans grande importance. Il faut donc considérerSôter Mégas et Wima Takto comme distincts l’un de l’autre et partiellement contem-porains.

Il est fort probable que Wima Takto mourut bien avant Sôter Mégas, et que lerègne de ce dernier recoupe aussi en partie celui de Wima Kadphisès, car l’adoptionde la titulature de « Sôter Mégas » par Wima Kadphisès dans les séries qui suiventles monnaies commémoratives est une preuve de sa victoire sur le roi anonyme« Sôter Mégas » 150. C’est ce même contexte qui explique les raisons pour lesquellesWima Kadphisès proclame haut et fort son attachement à Śiva. C’est une façon demontrer que ses croyances et sa politique religieuse étaient bien différentes de cellesqu’affichait celui qui avait usurpé le pouvoir de son père. Il n’est pas impossible queSôter Mégas ait favorisé le bouddhisme pendant son règne, comme l’avait faitl’Indo-Grec Ménandre à l’encontre de l’attitude religieuse des souverains sungas 151.Les dépôts monétaires composés de Sôter Mégas dans certains stu≠pas à l’exclusionde tout autre souverain, comme celui récemment fouillé par la Délégation archéolo-gique française en Afghanistan à Bactres 152, et d’autres dans les vallées du Kabul etdu Swat, pourraient être la manifestation d’un zèle particulier du roi à l’égard dessanctuaires bouddhiques. J’ajoute à cette liste un stu≠pa-reliquaire encore inédit dePushkalavti (Peshawar), haut de 58 cm, dont je donne ici une photo (fig. 22 a). Il estcomposé d’une base quadrangulaire sur laquelle est fixé un corps cylindrique coifféd’une coupole hémisphérique (anda), elle-même surmontée d’un harmika≠ surlequel se dresse un chattra≠val| de huit chattra (parasols), le neuvième étant cassé. Ledécor, comme tous les stu≠pas de cette période avant l’introduction des imagesanthropomorphes de Bouddha à l’époque de Kaniska I, se limite à des guirlandes etautres motifs floraux. À l’intérieur de ce stu≠pa-reliquaire, il y avait un coffret enschiste qui contenait 13 monnaies de Sôter Mégas (fig. 22 b), ainsi que trois coffretsminiatures, deux en or et un en bronze. Rappelons que le reliquaire de Rashuk à

150. GÖBL 1984, 760-764. Sur une série d’or extrêmement rare (ibid., série 3), le souverain figuré à dosd’éléphant est aussi qualifié de Sôter Mégas.

151. BOPEARACHCHI 1990, p. 39-85.152. BERNARD, BESENVAL et MARQUIS 2006.

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Tope Passani comprenait 6 pièces de Sôter Mégas 153 et que le Tope no 3 de Bimara ≠ncontenait 27 bronzes de Sôter Mégas 154. Il faut attendre le règne de Kaniska, le filsde Wima Kadphisès, pour voir une politique religieuse plus ouverte à l’ensemble desreligions de l’empire que ne le fut celle de ce dernier.

On nous demandera sans doute comment nous expliquons la mention du nomde Wima Takto dans l’inscription de Dast-e-Na ≠wur et dans celle de Ma≠t 155. En ce

153. WILSON 1841, p. 94 ; ERRINGTON 1999, pl. 11, 12, notamment p. 213. 154. WILSON 1841, p. 72. Dargai, Malakand (dans la vallée du Swat) : reliquaire avec 5 pièces de Sôter

Mégas (inédit) trouvé en 2002 ; à Hadda, reliquaire avec 11 pièces de Sôter Mégas, inédit.155. La lecture de ce nom est contestée par FUSSMAN 1998, p. 609. Après un examen détaillé du texte,

G. Fussman conclut qu’il ne peut être traduit que d’une seule façon, celle indiquée par Lüders. SelonFussman, l’ordre des mots et la syntaxe imposent que Taksumasya soit un complément de bakanapati. Iladmet qu’il y a une chance que ce soit le nom du devakula bâti sur ordre de ce haut fonctionnaire, ou de l’en-droit où il était érigé. La traduction de Lüders revue et corrigée par Fussman n’a pas été contestée jusqu’àaujourd’hui. Il n’est donc guère prudent d’utiliser cette inscription pour montrer que la statue de Ma≠t estcelle de Wima Taktu (Taksuma) et d’étendre les territoires de ce souverain jusqu’à Mathura. G. Fussman sou-ligne en outre (p. 620) que « l’installation des images des ancêtres de Kaniska dans le bagalango n’est pas unemanière de remercier les dieux d’avoir fait régner chacun des ancêtres de Kaniska, c’est une façon d’affirmerque celui-ci est l’héritier du trône. Cela n’implique pas que tous ses ancêtres aient régné ».

� FIG. 22 a. – Stu≠pa-reliquaire provenant de Pushkalavti(Peshawar) (collection privée japonaise) : 58 cm.

� FIG. 22 b. – Stu≠pa-reliquaire provenant de Pushkalavti(Peshawar) (collection privée japonaise) : 58 cm. Coffreten schiste contenant treize monnaies de Sôter Megas et coffretsminiatures, deux en or et un en bronze.

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qui concerne la statue de Ma≠t, si l’on passe outre aux doutes de G. Fussman et qu’onadmet que le nom de Taktu figure bien dans son inscription, il faut en même tempsconcéder que cette statue n’a pas été érigée par Wima Takto lui-même, car le véri-table art dynastique kouchan ne commence, comme le monnayage proprementkouchan, que sous le règne de Wima Kadphisès. Elle aurait pu l’être en revanche surordre de ce dernier en l’honneur de son père 156.

Quant à l’inscription du Dast-e-Na ≠wur, on peut imaginer que Wima Takto l’afait graver au début de son règne, avant que Sôter Mégas ne prenne le pouvoir. Ladate de 279 de l’ère grecque que porte cette inscription du Dast-e-Na ≠wur, èregrecque dont on sait aujourd’hui, grâce à l’inscription de Bajaur publiée par RichardSalomon (ci-dessus), qu’elle commençait en 186 av. n. è, placerait cette inscriptionet l’avènement au trône de Wima Takto, son rédacteur, vers 94-95 de n. è.

Compte tenu des arguments que nous venons de développer, nous proposonsla généalogie et la chronologie suivantes :

– Ère grecque fondée par le Gréco-Bactrien Démetrios I : 186-185 av. n. è. – Ère saka ou ère de Vikrama fondée par l’Indo-Scythe Azès : 57 av. n. è. – Règne de Gondopharès, fondateur du royaume indo-parthe : 21-40 de n. è.– Règne de Kujula Kadphisès, fondateur de l’empire kouchan : 40-90 ou 40-95

de n. è.– Règne de Wima Takto : 90-95 ou 95-100 de n. è.– Règne de l’usurpateur Sôter Mégas : 92-110 ou 97-110 de n. è.– Règne de Wima Kadphisès : 100-127 ou 105-127 de n. è.– Kaniska I (selon le traité Yavanajataka écrit par Sphujiddhvaja) 157 : 127-150

de n. è.

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156. Je n’ai pas l’intention de discuter à nouveau les deux documents épigraphiques que CRIBB 1995-1996, p. 100-101, utilise à tort pour appuyer sa démonstration, à savoir l’inscription de Khalatse et le rouleaud’argent de Taxila. L’analyse de FUSSMAN 1998, p. 625-626, suffit à montrer qu’il ne faut pas faire dire auxinscriptions plus qu’elles ne disent (ibid., p. 445).

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