De l'or pour quels braves ? Le type monétaire de la "Traversée de l'Empereur" et la logistique...

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De l’or pour les braves ! Soldes, armées et circulation monétaire dans le monde romain ScriptaAntiqua 69 textes réunis par Michel REDDÉ Ausonius

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Cet ouvrage collectif, issu d’une table ronde organisée à Paris par l’UMR 8210 (AnHiMa), présente une douzaine de communications consacrées à la manière dont étaient payés les soldats de l’armée romaine. Écrites en français ou en anglais par des historiens, des numismates et des papyrologues, elles abordent différents aspects des rémunérations, en espèce ou en nature, accordées au miles  : l’administration et le montant de la solde, les prestations en nature, le numéraire utilisé, les gratifications exceptionnelles, la propagande impériale qui s’exprime à travers les émissions et les images monétaires, depuis les guerres civiles de la fin de la République jusqu’au début de l’Antiquité tardive. L’ouvrage fait en même temps le point des connaissances actuelles mais aussi des questions toujours débattues entre spécialistes. Le lecteur y trouvera au passage une riche bibliographie qui associe les réflexions sur les sources historiques, numismatiques et papyrologiques. L’introduction de J. Andreau, et la conclusion, écrite par M. Christol, permettent de replacer cet ensemble de contributions dans l’évolution des recherches actuelles.

This collection of essays, arising from a seminar organized in Paris by UMR 8210 (AnHiMa), presents a dozen papers devoted to the study of the payment of Roman soldiers. Containing papers in French and English by experts from different specialities, historians, numismatists and papyrologists, it examines various aspects of the payment of the troops, both in cash and in kind: the administration and the amount of the salary, payments in kind, coin types used, exceptional rewards, the ways in which imperial propoganda was communicated by means of particular coin issues and their images, all within a temporal range running from the civil wars that brought an end to the Republic up to the beginning of Late Antiquity. The volume gives both a picture of the state of research on these topics and covers a series of questions that are still debated by experts in the field. Readers will also find a rich bibliography covering the historical sources, numismatics and papyrology. The introduction, from the pen of J. Andreau, and the conclusion, by M. Christol, help to contextualize the collection as a whole in relation to current research.

De l’or pour les braves !Soldes, armées et circulation monétaire

dans le monde romain

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SA 69

ScriptaAntiqua 69

textes réunis parMichel REDDÉ

isbn

978-

2-35

613-

117-1

issn

1298-

1990

prix 25 € Ausonius

http://ausoniuseditions.u-bordeaux3.fr/fr/

De l’or pour les braves !

textes réunis par

De l’or pour les braves !

Illustration de couverture :Multiple d’or au nom de l’empereur Probus, avers légende IMP C PROBVS AVG CONS IIII, revers légende TRAIECTVS AVG. Atelier de Ticinum, 281 p.C. © Silvia Hurter.

Ausonius Éditions— Scripta Antiqua 69 —

De l’or pour les braves ! Soldes, armées et circulation monétaire

dans le monde romainActes de la table ronde organisée par l’UMR 8210 (AnHiMa) à l’Institut national d’histoire de l’art (12-13 septembre 2013)

textes réunis par Michel Reddé

Ouvrage publié avec le concours de l’UMR 8210 (AnHiMa)

Diffusion De Boccard 11 rue de Médicis F - 75006 Paris— Bordeaux 2014 —

Notice catalographique :Reddé, M., éd. (2014) : De l’or pour les braves ! Soldes, armées et circulation monétaire dans le monde romain, Actes de la table ronde (INHA - septembre 2013), Ausonius Scripta Antiqua 69, Bordeaux.

Mots clés :Armée romaine ; solde ; donativa ; monnayage ; fournitures militaires ; propagande impériale ; iconographie.

AUSONIUSMaison de l’ArchéologieF - 33607 Pessac cedexhttp://ausonius.u-bordeaux3.fr/EditionsAusonius

Diffusion De Boccard11 rue de Médicis75006 Parishttp://www.deboccard.com

Directeur des Publications : Olivier DevillersSecrétaires des Publications : Stéphanie Vincent PérezGraphisme de Couverture : Stéphanie Vincent Pérez

Tous droits réservés pour tous pays. La loi du 11 mars 1957 sur la propriété littéraire et intellectuelle interdit les copies ou reproductions destinées à une utilisation collective. Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite par quelque procédé que ce soit sans le consentement de l’éditeur ou de ses ayants droit, est illicite et constitue une contrefaçon sanctionnée par les articles 425 et suivants du Code pénal.

© AUSONIUS 2014ISSN : 1298-1990ISBN : 978-2-35613-117-1

Achevé d’imprimer sur les pressesde l’imprimerie BMZ.I. de Canéjan14, rue Pierre Paul de RiquetF - 33610 Canéjan

Septembre 2014

Estiot, in : De l’or pour les braves !, p. 243-280

De l’or pour quels braves ? Le type monétaire de la “Traversée de l’empereur”

et la logistique fluviale et maritime des campagnes militaires impériales

Sylviane Estiot*

Puisque nous nous occupons d’iconographie ciblée dans le cadre de cette Table ronde, j’aimerais en étudier un des aspects numismatiques, l’utilisation du thème de la Traversée de l’empereur – Traiectus Augusti – par l’autorité émettrice, en essayant d’approcher l’intentionnalité du message ainsi que les destinataires de la distribution. Le thème iconographique en effet est très rare dans le monnayage impérial romain, et n’apparaît que dans le cadre de donativa destinés sans aucun doute à la distribution aux officiers de haut rang chargés de la logistique fluviale et maritime des armées romaines en campagne.

L’iconographie du Traiectus 1, d’un réalisme militaire surprenant pour un type monétaire, se trouve réservée à des espèces elles-mêmes exceptionnelles, médaillons, aurei ou multiples d’or. Ses occurrences sont soigneusement datées, et ces dates correspondent à des campagnes militaires précises. L’inventaire de l’utilisation du type monétaire du Traiectus sous ses deux formes, une version fluviale (pont de bateaux), une version maritime (galère amirale) est bref : il apparaît sous Marc Aurèle, Caracalla, Alexandre Sévère, Gordien III – le seul règne qui cumule traiectus fluvial et maritime – et enfin Probus, mais leur contexte monétaire et historique est riche de signification.

Le type iconographique de la traversée sur pont de bateaux

Le type fait son apparition sur le monnayage de Marc Aurèle en 172, pendant la guerre marcomannique, et ce n’est pas un hasard (fig. 1) : à même époque, l’image occupe une place

* Je remercie Michel Reddé pour m’avoir invitée à cette Table ronde et ose espérer que le thème abordé ne laisse pas indifférent l’éminent spécialiste de marine impériale qu’il est. B. Rossignol m’a fait profiter de ses connaissances sur le règne de Marc Aurèle, qu’il en soit ici vivement remercié. Par ailleurs, qu’il me soit permis de dédier cette étude à deux disparus, Xavier Loriot, avec qui j’avais discuté de ce thème iconographique et Silvia Hurter, expert numismate de la maison Leu, à qui je dois communication des multiples d’or Traiectus Aug de Gordien III et de Probus.

1 Le mot latin traiectus est strictement lié à l’idée d’une traversée par bateaux, le latin préférant très normalement le terme de iter ou de transitus pour un passage à pied.

Fig. 1 (agr. du revers).

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importante dans les reliefs célébrant les grandes campagnes militaires impériales. Sur les colonnes de Trajan et de Marc Aurèle, le franchisssement des fleuves sur ponts de bateaux est souvent représenté. Il se codifie sous deux formes, ou plutôt ce sont deux types de ponts différents qui s’y trouvent figurés  : des ponts qu’on pourrait qualifier de semi-fixes, et des ponts provisoires.

Les ponts semi-fixes se définissent par des têtes de pont de pierre percées d’une arche qui en protègent les accès sur les deux rives ; le pont lui-même n’est pas constitué d’un tablier de pierre ou de bois posé sur des pilotis de bois ou des piles maçonnées établis dans le lit du fleuve, mais par des barges placées côte à côte dans le courant sur lesquelles est posé un tablier de planches bordé de balustrades à croisillons. L’un des plus célèbres de ces ponts est celui de la scène III de la Colonne aurélienne (fig. 2).

C’est par lui que s’ouvre la fresque spiralée : on y voit le début de la campagne de Marc Aurèle contre les Marcomans et le franchissement du Danube à Carnuntum. Le dieu-fleuve Danube invite du geste l’armée à franchir le pont de bateaux ; la file des soldats passe à tra-vers les arches des deux têtes de pont ; l’empereur lui-même, flanqué de Pompeianus et de son escorte prétorienne, avance sur le pont de barques ; derrière lui, son cheval est mené par la bride par un soldat ; le pont est figuré de grande longueur – la convention figurative le dote de neuf barques 2.

Une mosaïque d’Ostie qui représente un tel pont de bateaux semi-fixe, celui d’Arles sur le Rhône (fig. 3), en permet la reconstitution : le tablier repose sur des barges ancrées une par une dans le fleuve, ses extrémités arrimées à des piles maçonnées construites dans le fleuve en amont ; du côté des rives, deux ponts-relevants permettent la circulation des navires (fig. 4-5).

2 Petersen et al. 1896 ; Zwikker 1941 ; Caprino et al. 1955. Littérature, voir Beckmann 2011. L’image est la reprise fidèle de la scène ouvrant le récit des campagnes daciques de la colonne de Trajan : on y voyait aussi le dieu Danube invitant Trajan à franchir son cours sur un (double) pont de bateaux protégé par deux têtes de pont de pierre. Autre exemple de pont semi-fixe : Colonne aurélienne, sc. LXXVIII-LXXIX.

Fig. 2. Colonne de Marc Aurèle, sc. III : le franchissement du Danube à Carnuntum sur un pont de bateaux semi-fixe.

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Fig. 3. Reproduction de la mosaïque du forum des Corporations à Ostie,

Musée départemental Arles antique.

Fig. 4-5. Le pont de bateaux sur le Rhône à Arles, maquette au 1/100e, Musées d’Arles et

D. Delpallilo, avec l’aide du DRASM et P. Rigaud, Musée départemental Arles antique.

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Quant aux ponts de bateaux provisoires utilisées pour la progression des armées en ter-ritoire hostile lors des campagnes militaires, ils apparaissent couramment eux aussi sur la Colonne aurélienne (fig. 6) et sous une forme très proche de la représentation qui en est donnée sur les aurei et les sesterces de Marc Aurèle, jusque dans ses conventions : beaucoup plus courts – trois ou quatre barques représentées – l’accès s’y fait par deux plans inclinés qui permettent à l’armée, aux cavaliers démontés et à leurs chevaux de traverser sur un tablier posé en travers des barques arrimées côte à côte dans le fleuve ; plans inclinés et tablier sont bordés par des rambardes à croisillons 3.

Les sources écrites nous disent l’importance de la logistique et du savoir-faire des pon-tonniers à même époque. Un fragment provenant de la Suda (s.v. ςεῦγμα) attribué à Dion Cassius 4 et que la tradition codicologique place dans le livre de Dion traitant des campagnes de Lucius Vérus et de Marc Aurèle contre les Parthes (D.C. 71.3), c’est-à-dire peu avant le début des guerres danubiennes qui nous occupent ici, décrit la technique de lancement d’un pont de bateaux : 

3 Autres ponts de bateaux provisoires, Colonne aurélienne sc. CVIII, CXV. Dans la sc. CXV, le mouvement se fait dans l’autre sens, de droite à gauche, car il s’agit de représenter la traversée du Danube en sens inverse de celui de la conquête : le pont est traversé par des colonnes de prisonniers sarmates déportés sur le sol romain.

4 Juntunen 2013 doute de l’attribution de ce passage à Dion Cassius en notant la très grande proximité de ce fragment avec Arrien (Anab., 5.7) décrivant la technique du lancement de ponts de bateaux telle qu’elle est pratiquée par les soldats romains, et suggère que la commune source de la Suda/Eunape et d’Arrien pour cet excursus technique pourrait être un traité de tactique militaire.

Fig. 6. Colonne de Marc Aurèle, sc. LXXXIII-LXXXV : franchissement d’un cours d’eau sur un pont de bateaux provisoire

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“Les Romains lancent des ponts sur les fleuves sans aucune difficulté ; de cela aussi les soldats ont une pratique continuelle comme des autres exercices militaires, entraînés qu’ils sont à le faire sur le Danube, le Rhin et l’Euphrate. Voici avec quelle méthode – elle n’est peut-être pas connue de tous. Les barges dont on se sert pour franchir le fleuve sont larges et plates ; on les lance un peu en amont de l’endroit où l’on veut jeter le pont. À un signal donné, on laisse le premier bateau descendre le courant, près de la rive amie. Arrivé à l’endroit qu’on va ponter, on jette à l’eau un panier plein de pierres qu’on attache par un filin, comme une ancre. Ainsi arrimé de la sorte, le bateau s’arrête près de la rive. Alors, avec des planches et des entretoises que le bateau porte lui-même en quantité, on construit aussitôt un plancher jusqu’à l’em-barcadère. Puis on envoie un autre bateau à peu de distance du premier, et encore un autre, jusqu’à ce qu’on ait étendu le pont jusque sur la rive opposée. Le bateau proche de l’ennemi porte des tours, une poterne, des archers et des catapultes”.

Ce système de tour de bois embarquée dans la première barge qui vient au contact de la rive ennemie n’est certainement pas la seule tactique employée pour protéger le traiectus de l’armée. D’autres scènes de la Colonne aurélienne (sc. XXXIV) montrent que le lancement d’un pont de bateaux provisoire peut être d’abord préparé par le débarquement sur l’autre rive d’une nuées de chaloupes 5, chargées de légionnaires dont le rôle est de sécuriser la rive barbare. La scène CVIII montrent une traversée de pont de bateaux à peine différente où, tout juste remontés en selle sur l’autre rive, l’empereur et sa cavalerie attaquent les barbares.

Quel est le type d’embarcation servant de pontons ? Le nom et la taille exacte de ce type de bateaux ne nous sont pas connus : les conventions figuratives les représentent, certes, à une échelle réduite, mais ces embarcations sont de taille bien inférieure aux barques de pa-trouille des flottes fluviales romaines, les lintres que mentionne Tacite (Hist., 5.21-22) comme étant en usage dans la flotte de Germanie, grosses barques pouvant porter jusqu’à 30 à 40 hommes, propulsées à la rame, mais aussi exceptionnellement à la voile, ou aux lusoriae qu’évoquent les sources du ive siècle mais qui furent d’usage dès le iiie siècle, vaisseaux légers à proue et poupe pointues symétriques, longs d’environ 20 m pour une largeur de 3 m et mûs par environ 13 rameurs de chaque côté 6. Ces barges (Végèce parle de scafulae) n’ont pas de rôle spécialisé : tantôt transports, tantôt pontons, elles voyagent avec l’infanterie légionnaire et sont de taille assez réduite pour pouvoir être véhiculées sur des chariots. La scène CXI de la Colonne aurélienne (fig. 7) nous montre une de ces embarcations chargée sur un chariot à deux essieux tiré par une paire de bœufs et elle-même remplie d’armes diverses, cuirasses, casques et boucliers 7, ce que confirme Végèce (De re mil., 3.7) :

Sed commodius repertum est, ut monoxylos, hoc est paulo latiores scafulas ex singulis trabibus excavatas, pro genere ligni et subtilitate levissimas, carpentis secum portet exercitus, tabulatis pariter et clavis ferreis praeparatis. Ita absque mora constructus pons et funibus, qui propterea habendi sunt, vinctus lapidei arcus soliditatem praestat in tempore.

5 Reddé 1986, 356-360. Les rameurs ne sont pas figurés, soit par convention, soit parce que la tactique consiste non pas à propulser les barques à la rame, mais à utiliser au mieux leur capacité utile en les chargeant au maximum de fantassins et en les faisant dériver en travers du fleuve de l’amont vers la rive ennemie en aval (la sc. LXXXI montre une autre traversée de fleuve, où effectivement la barque chargée de légionnaires est simplement barrée par l’un d’eux).

6 Reddé 1986, 126-133 ; Höckmann 1986, 389-397.7 La charge utile d’un chariot à deux essieux est estimée à 650 kg (Roth 1999, 222).

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“Mais on a trouvé plus commode que l’armée transporte avec elle sur des chariots des mon-oxyles, c’est-à-dire des petites chaloupes un peu plus larges taillées dans une seule planche, et très légères du fait du bois choisi et de son peu d’épaisseur, en ayant préparé des planchers et des chevilles de fer. C’est ainsi qu’on construit sur-le-champ un pont qu’on assujettit par des cables prévus à cet usage et qui offre à point nommé la même solidité qu’un pont de pierre”. 

À défaut de pouvoir disposer de telles embarcations, les corps de pontonniers légion-naires savaient les fabriquer quand nécessaire : une scène de la colonne de Trajan représente des soldats construisant des bateaux de petite taille à l’abri d’une enceinte fortifiée (fig. 8).

Fig. 8. Colonne de Trajan, spir. 20d, 5.58.

Fig. 7. Colonne de Marc Aurèle, sc. CXI.

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Marc Aurèle. Expeditio prima germanica (172 p.C.)

L’apparition de l’image numismatique du passage de l’armée sur un pont de bateaux est datée par la titulature impériale et la mention de 26e Tr P de Marc Aurèle (10 décembre 171-9 décembre 172)  : aureus et sesterces appartiennent à une émission célébrant la victoire germanique remportée à la fin de 171 et qui valut à Marc Aurèle une nouvelle salutation impératoriale (Imp VI) 8.

Atelier de Rome, 172

Aurei

1. M ANTONINVS AVG TR P XXVI Buste lauré à droite, drapé et cuirassé, vu de dos IMP VI COS III // VIRTVS AVG L’empereur en costume militaire marchant à g., main droite

tendue indiquant le sol, tête tournée en arrière, tenant une haste de la main g., traver-sant un pont de bateaux, suivi de trois soldats casqués, le premier tient une enseigne légionnaire, le second, à l’arrière-plan, un vexillum, le troisième mène son cheval par la bride, haste en arrêt.Trois bateaux représentés sur les flots du fleuve  ; le pont est pourvu d’une balustrade à croisillons et l’accès y est aménagé par deux plans inclinés.

Réf. Cohen III, 99/999 (aureus de la vente Gréau)  ; BMCRE IV, p. 466§  (même monnaie)  ; RIC III, 234/270 ; Szaivert 1986, -

- Paris BnF 953 (= coll. Gréau 2049, pl. IV) (fig. 1) ; Coll. Biaggi 9  Rem. Deux aurei seulement connus.

Sesterces

2. M ANTONINVS AVG TR P XXVI Buste lauré à droite, nu IMP VI COS III // VIRTVS AVG/SC Idem, mais l’empereur est suivi de cinq soldats, le second tient

une enseigne, le troisième un vexillum, le quatrième mène le cheval de l’empereur par la bride, haste en arrêt, le cinquième gravit le plan incliné, haste en arrêt

Réf. Cohen III, 99-100/1000 ; BMCRE IV, 624/1427, pl. 82,10 ; RIC III, 296/1047 ; Szaivert 1986, 238/6 - Paris ; Londres ; Vienne 2 ex.

8 RE I.2, Annius 94 (Rohden), col. 2298  : CIL, III, 1450, 6121  ; VIII, 4209. Le surnom de Germanicus n’apparaît dans le monnayage qu’en 173, avec la Tr P XXVII.

9 À la suite de H. Mattingly et E.A. Sydenham (BMCRE IV, p. 466§ n. ; RIC III, 234/270 n.), j’écarte l’aureus conservé à Copenhague, musée Thorvaldsen  : son aspect empâté évoque une monnaie coulée  ; le buste d’aspect juvénile de Marc Aurèle incongru à cette date, la légende Adventus Aug de cet unicum alors que tous les types au pont de bateaux portent Virtus Aug incitent à y voir un faux moderne.

Fig. 9Fig. 1

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3. Même titulature Buste lauré à droite, cuirassé, vu de dos Même légende Idem, mais l’empereur est suivi de six soldats, le deuxième sol-

dat tient une enseigne légionnaire, le troisième un vexillum, le cinquième mène son cheval par la bride, le sixième gravit le plan incliné, haste en arrêt

Réf. Cohen III, 100/1001 ; BMCRE IV, 624/1427 n. ; RIC III, 296/1048 ; Szaivert 1986, 238/6. - Paris ; Vienne  (fig. 9)

Rem. Les collections majeures de Paris, Londres et Vienne ne comptent que six sesterces au revers du traiectus impérial au pont de bateaux n° 2-3, bon indice de la rareté du type.

Il était certain, et dès la campagne de Marc Aurèle et de Lucius Vérus contre les Parthes qui avait vidé le limes danubien de ses troupes, que l’expeditio germanica ne pourrait être évitée. Parmi les premières chaudes alertes, l’invasion en 167 de la Pannonie supérieure par les Langobards et les Obii 10 (5e salutation impériale, que les inscriptions attestent dès mai 167 et le monnayage avec quelque retard, en 168). Les empereurs mènent en 168 une tour-née d’inspection sur le limes pannonien pour renforcer la protection des provinces mena-cées. Après l’hiver 168-169 passé à Aquilée, les deux empereurs rentrent vers Rome (types monétaires Fortuna Redux) lorsque Vérus meurt à Altinum. Le retour à Rome et les cérémo-nies de consécration retardent le départ de l’armée jusqu’à l’automne 169 (types Profectio avec les Tr P XXIII-XXIIII). Marc Aurèle, accompagné de Pompeianus, hiverne en Pannonie au tournant 169-170 avant de lancer une vaste offensive au-delà du Danube (thème moné-taire Adlocutio Aug et Tr P XXIIII) 11. Les débuts de la campagne furent désastreux 12 : sur les arrières de l’armée impériale, les Marcomans 13 franchissent le Danube, arrivent aux Alpes juliennes et parviennent en 170 sur le sol italien, jusqu’à Opitergium-Oderzo qu’ils détruisent et Aquilée qu’ils assiègent 14. Marc Aurèle mène en personne la guerre contre les Marcomans

10 D.C. 71.3.1a. Pour la chronologie des guerres marcomanniques de Marc Aurèle : Zwikker 1941; Birley, 2000, 149-176 et 249-255. RE Suppl. X, s.v. Pannonia (Mòcsy), col. 555-562 ; RE XIV.2, s.v. Marcomanni (Franke), col. 1621-27 ; Mocsy, 1974, 186 sq.  ; Alföldy 1974a, 152-158 ; Böhme 1975 ; Halfmann 1986, 212 sq.  Concernant la monnaie, Schindler-Horstkotte 1985, Szaivert 1986  ; Scheidel 1990 s’appuie sur le classement numismatique de Szaivert 1986 ; les études anciennes de Dodd 1913 et Dobiáš 1932 peuvent encore être utilement consultées. Pour un bilan archéologique récent des guerres marcomanniques, Fischer 2012.

11 Birley, 2000, 163 ; Dodd 1913, 168-182.12 Lucien, Alex. 48 : le thaumaturge Alexandre d’Abonoutichos ayant prophétisé le succès de la traversée

du Danube par les troupes si l’on jetait deux lions dans le fleuve, l’épisode tourna à la confusion de l’armée romaine qui y aurait perdu presque 20 000 hommes. Lucien met en relation directe ce désastre et l’invasion de l’Italie par les barbares avec la prise d’Aquilée. Les deux événements, sinon reliés de cause à effet comme voudrait le faire croire Lucien, ne s’en succèdent pas moins de près dans le temps. L’épisode éclaire l’atmosphère religieuse baignant les cercles les plus proches de l’empereur philosophe, qui cherche, auprès de toutes sortes de prophètes et oracles, la révélation des volontés du Dieu innommé : on songe à la présence du mage égyptien Arnouphis auprès de Marc à Aquilée (AE, 1934, 245 ; Suda, s. v. Ἄρνουφιϛ ; Guey 1948), ou l’importance qu’ont revêtue au cours de la campagne le miracle de la Foudre et le miracle de la Pluie (v. infra).

13 Ammien Marcellin (29, 6, 1) parle de Marcomans et de Quades ; Dion Cassius (71.3) évoque “les peuples celtes d’au-delà du Rhin”, ce qui suggèrerait, à côté des Marcomans et des Naristes face au Norique et à la Pannonie, la participation de tribus germaniques plus occidentales.

14 Les mêmes années 169-170, la frontière est aussi enfoncée sur le Danube inférieur et le territoire

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et les Quades à partir de la Pannonie et de Carnuntum, où il établit son quartier général pen-dant trois ans 15, de 171 à 173. Non sans difficultés, les envahisseurs sont repoussés au-delà du Danube et le sol provincial libéré : la contre-offensive mène l’armée romaine en profondeur sur la rive gauche du Danube et en remontant ses affluents, Morava, Váh et Hrón. Dans le courant de l’année 171 (Tr P XXV) apparaît dans le monnayage la mention de la 6e salutation impératoriale célébrant une victoire décisive : l’iconographie mise en place est nouvelle – sans légende de revers, car la titulature impériale se poursuit au revers avec Imp VI Cos III – et propose sur les deniers d’argent, à côté d’un type Aequitas (gratification aux troupes ?), les images d’un Mars pacifer, armes au pied et lance pointe à terre, de Roma assise tenant une statue de victoire, ainsi que plusieurs types différents de Victoire, assise à gauche, marchant à gauche, à droite, et surtout debout à droite, inscrivant Vic(toria) / Ger(manica) sur un bou-clier posé sur un tronc 16.

L’émission de victoire s’amplifie en 172, avec la mention de la Tr P XXVI qui nous intéresse particulièrement ici : on retrouve les types Mars, Roma, Victoires précédents, que le mon-nayage de bronze se met aussi à diffuser largement avec quelques variantes. La nouveauté est l’apparition d’images monétaires célébrant la personne impériale dans ses fonctions de chef d’armée, images connectées avec l’exercice de vertus cardinales cette fois dûment explicitées par les légendes : sa Providentia (scène d’adlocutio aux troupes représentant Marc Aurèle et son préfet du prétoire), sa Clementia (une personnification féminine tenant bouclier hexago-nal, genou en terre devant l’empereur), sa Virtus (scène de traversée d’un fleuve sur un pont de bateaux, le type qui nous occupe ici) 17. Sa Prévoyance consiste en ses qualités de stratège dans la conduite de la guerre et dans le choix des hommes qui le secondent ; sa Clémence, à savoir négocier la soumission de certains des peuples en guerre  : l’empereur cherchera à détacher les Quades, à l’attitude longtemps ambiguë, de l’alliance avec les Marcomans (D.C. 71.11.1-5) ; sa Vertu militaire, à savoir organiser la logistique de l’armée et s’entourer des troupes aux compétences reconnues. Le thème monétaire du pont de bateaux – l’image est de portée générique et ne pointe pas vers un épisode unique – combine l’image hautement symbolique de Marc Aurèle conduisant en personne l’armée romaine sur les rives hostiles d’un fleuve avec la reconnaissance officielle de l’importance cruciale que jouent les voies flu-viales dans la logistique des expéditions danubiennes et le soutien aux opérations terrestres.

Significativement, l’émission de 172 à la 26e Tr P inclut des frappes d’or, destinées à récom-penser ces hommes et ces compétences. À leur intention, trois types sont frappés sur métal précieux : le type à la Victoire à droite gravant un bouclier de l’inscription Vic/Ger (fig. 10) ;

envahi jusqu’en Thrace, Macédoine et finalement en Grèce. Böhme 1975, 168 sq., fig. 2, 7-8 établit la carte des incursions barbares dans le Norique, les Pannonies et les Mésies à travers les attestations archéologiques de couches de destructions et les enfouissements de trésors monétaires et propose une reconstruction du système militaire et de l’offensive romaine à partir de 170 p.C., documentation à compléter par Kellner 1965 = Klein 1979 ; Fellmann 1992, 59-61 ; Alföldy 1974a, 152 sq. ; Dembski 1977, 15-21 ; Mirnik 1981, 52-58 ; Găzdac 2002 ; Vondrovec 2007.

15 Eutr. 8, 13 ; Orose 7, 15, 6. Le livre 1 des Pensées a été écrit à Carnuntum, le livre 2 “en territoire quade au bord de la rivière Granua” (Gran-Hrón).

16 RIC III, 231/236-242 (deniers), 293/1000-1002 (sesterces et dupondii) = Szaivert 1986, 121 (23e émission). 17 BMCRE IV, p. 464-466, 621-626 ; RIC III, p. 232-233, 294-296.

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un type présentant l’empereur tenant une lance et le foudre de Jupiter, couronné par la Victoire (fig. 11) ; et le type de la traversée par pont de bateaux légendé Virtus Aug (fig. 1) 18.

Il faut s’arrêter à l’image de l’empereur en généralissime couronné par la Victoire et te-nant de la main droite l’attribut par excellence de Jupiter, le foudre (fig. 11). C’est loin d’être une image anodine 19 : il faut noter que le type n’existe que sur l’or, ce qui témoigne du poids qu’on veut lui donner ; qu’il a été le plus frappé des trois revers émis sur le métal précieux (v. n. 18) ; et que le type ne sera plus utilisé par la suite. Il est difficile de ne pas voir là une allu-sion au miracle de la Foudre 20. Les dates monétaires montrent qu’il faut distinguer le miracle de la Foudre du miracle de la Pluie 21. L’Histoire Auguste (HA, V. Marc. 24, 4) confond les deux dans une même phrase : “grâce à ses prières, il [Marc Aurèle] obtint que la foudre s’abatte du ciel sur une machine de guerre ennemie et que la pluie tombe sur ses soldats qui souffraient

18 Victoire inscrivant un bouclier Vic/Ger : RIC III, 232/256 (Paris ; Londres) ; Empereur tenant un foudre  couronné par la Victoire : RIC III, 233/264-5 (Paris 4 ex. ; Londres 2 ex. ; Vienne 2 ex.) ; Pont de bateaux : RIC III, 234/270 (Paris) = Szaivert 1986, 24e émission, p. 121, respectivement 229, 236 et -. Schindler-Horstkotte 1985, 37-41.

19 Birley 2000, 172. Szaivert 1986, 205, suivi par Kovacs 2009, 107-108, minimise la portée du type monétaire représentant l’empereur tenant le foudre en le considérant comme banal, ce qu’il n’est nullement  : ce n’est pas l’image plus ordinaire de Jupiter tenant le sceptre et le foudre, protégeant l’empereur dans les plis de son manteau, mais l’empereur lui-même qui tient l’attribut jovien. On rencontre l’image auparavant uniquement sous Domitien, puis sous Trajan, et chaque fois dans un contexte de célébration de grandes victoires, sur les Chattes pour l’un, sur les Daces pour l’autre, où l’empereur met un soin particulier à se présenter comme le lieu-tenant de Jupiter : Domitien Germanicus (85-96 p.C.) : RIC2 II.1, 283, 362, 404, 474, 532, 639-640, 703-704, 752, 795 (sesterces)  ; Trajan (103-111 p.C.) : Woytek 2010, 320-322 (deniers, as et sesterces). Pour la reprise de thèmes iconographiques flaviens par Trajan, Woytek 2005, 206-209.

20 D.C. 71.11.1-5. On a supposé la date du 11 juin 171 pour le miracle de la Foudre (par ex. Birley 2000, 165-175) parce qu’à la date du 11 juin 172, des dédications au nom de Jupiter furent faites dans les villes principales des Pannonies, Carnuntum et Aquincum (AE, 1982, 778 ; CIL, III, 3347). Il faut retirer du dossier l’inscription Piso 2003, 6  : Piso (déjà Piso 1991) a montré que les deux noms d’empereurs à restituer sur cette inscription du Pfaffenberg/Carnuntum étaient ceux d’Antonin Auguste et de Marc Aurèle César (159 p.C.), et non ceux de Marc Aurèle Auguste et de Commode César. Il n’en reste pas moins que les datations monétaires sont claires, et que le type exceptionnel figurant Marc Aurèle tenant le foudre de Jupiter, frappé à Rome en 172, et cette année-là seulement, se réfère à des événements particulièrement saillants de la campagne marcomannique de l’année 171.

21 Le miracle de la Foudre n’a pas fait l’objet de longues discussions comme le miracle de la Pluie, valorisé par les excerpteurs, puis par la tradition historique, qui en ont fait un miracle chrétien (D.C. 71.8-10, incluant le commentaire de Xiphilin qui attribue le miracle non aux prières de l’armée ou à celles du prêtre égyptien Arnouphis, mais à celles des soldats chrétiens de la [XIIa ?] Legio Fulminata). Pour un état de la littérature sur le miracle de la Pluie, Kovacs 2009.

Fig. 10 Fig. 11

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de la soif”, mais les deux épisodes sont bien distincts dans le temps, et sont aussi figurés à dis-tance l’un de l’autre sur la Colonne aurélienne. Le miracle de la Foudre – sc. XI : la machine de guerre ennemie assiégeant une enceinte romaine est frappée par la foudre et s’écroule en flammes – précède de plusieurs mois le miracle de la Pluie – sc. XVI, la Pluie, sous les traits d’une divinité barbue ailée, l’Hermès Aerios invoqué par le prêtre égyptien Arnouphis, recouvre les combattants de ses bras ruisselants, secourant le corps d’armée romain avancé en territoire quade et noyant les barbares (D.C. 71.8-10). La numismatique en apporte une claire attestation, car à la date de 172 (26e Tr P) on prépare dans l’atelier monétaire de Rome l’émission d’or qui célèbre entre autres l’empereur victorieux tenant le foudre de Jupiter (mi-racle de la Foudre), mais on ne sait rien alors d’un miracle de la Pluie. Les dates proposées par J. Guey, l’année 171 pour le miracle de la Foudre, 172 pour le miracle de la Pluie trouvent leur confirmation car il faut attendre l’émission suivante, datée de la 27e Tr P (décembre 172-décembre 173) pour voir apparaître sous l’étrange légende Relig(io) Aug(usti) – alors un hapax dans le monnayage romain 22 – et sous trois variantes, l’image d’Hermès-Mercure qui le commémore (fig. 12, ici statue de Mercure dans un temple orientalisant soutenu par des pilastres à tête d’hermès et dont le fronton figure les animaux et attributs de Mercure).

Avec la poursuite des opérations au-delà du Danube en Bohême et en Moravie en 172, après le second épisode miraculeux, celui de la Pluie de l’été 172, les victoires romaines pa-rurent assez décisives pour que la monnaie impériale annonce en 173 le retour de l’empereur à Rome, et même la célébration d’un triomphe 23, programme que la poursuite de la guerre allait se charger de réduire à néant.

22 Cette légende monétaire n’apparaît pas avant Marc Aurèle et ne sera plus réutilisée jusqu’à Valérien (253-260) qui exprime sa dévotion à Diane par cette légende. Szaivert 1986, 25e émission (Tr P XXVII) et 26e émission (Tr P XXVIII) : Szaivert 1986, 70, 205-206 adopte de nouveau une position à mon sens trop critique en déniant aux types monétaires Relig(io) Aug(usti), Mercure, un lien avec le miracle de la Pluie. Sur ces points, Zwikker 1941, 130-134 ; Guey 1948, 1948-49 ; Jobst 1978 ; Birley 2000, 171-174, 251-252.

23 Médaillons préparés en 173 (TR P XXVII), représentant Jupiter sur son quadrige lançant le foudre sur un barbare à genoux entouré d’armes (Gn. II, 28/11, pl. 60,1) ; Germania Subacta, trophée accosté de deux captifs, entre la Victoire et Marc Aurèle (Gn. II, 27/7-8, pl. 59,9-10, avec une liaison de coin de droit avec le type précédent). D’autres médaillons à la même date sont légendés Adventus Aug à l’exergue et représentent l’empereur en armes, escorté de soldats et de la Victoire, entrant à Rome par une porte triomphale ; à l’arrière-plan, derrière la Victoire, l’image du temple de Jupiter Capitolin (Gn. II, 27/2, pl. 59,5). Halfmann 1986, 214. Les médaillons, comme les aurei de l’année précédente, sont placés sub Iovis aegide comme en témoigne le type iconographique adapté de la Gigantomachie où Jupiter

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Pour revenir au type du Traiectus sur pont de bateaux et à l’hommage que la monnaie impériale entend rendre aux troupes, flottes fluviales et corps spéciaux légionnaires, qui assurent la logistique de la guerre, il est une carrière, celle de M. Valerius Maximianus qui montre bien quelle est l’intrication de leurs rôles. Chevalier originaire de Pannonie, il avait été dans les débuts de sa carrière préposé à la surveillance des côtes du Pont polémiaque pendant la guerre parthique de Lucius Vérus pour garantir les communications arrière de l’armée et son ravitaillement par voie de mer. Cette expérience lui vaut de se voir confié par Marc Aurèle en personne une nouvelle mission extraordinaire :

(AE, 1956, 124, l. 4 sq.) […] allecto ab Imp(eratore) M(arco) Antonino Aug(usto) et misso in procinctu / Germanic(ae) exped(itionis) ad deducend(a) per Danuvium quae in annonam Panno(niae) / utriusq(ue) exercit(uum) denavigarent, praepos(ito) vexillation(um) clas(sium) praetor(iarum) /Misenatis item Ravennatis item clas(sis) Brittanic(ae) item equit(um) Afror(um) et Mauror(um) / elector(um) ad curam explorationis Pannoniae […]

Sa tâche est de faire descendre le Danube (denavigare) aux flotilles chargées de l’annone destinée aux armées des deux Pannonies jusqu’au théâtre des opérations. Pour remplir sa mission, Valerius Maximianus est placé à la tête d’un corps mixte de marins et de cavaliers : les marins détachés des flottes prétoriennes de Misène, de Ravenne et même de Bretagne assurent l’acheminement du ravitaillement par le fleuve, tandis que des éclaireurs mon-tés africains et maures escortent le convoi en assurant la sécurité des rives. C’est à ce type d’hommes qu’est destinée l’émission d’or de 172 où figure le type à la Traversée impériale sur pont de bateaux, et c’est aux services qu’ils rendent qu’on veut rendre ainsi hommage. La longue carrière de M. Valerius Maximianus ne s’arrêtera pas là 24.

Caracalla. Expeditio britannica (209 p.C.)

Atelier de Rome, 209

Médaillon bi-métallique

4. ANTONINVS / PIVS AVG buste lauré à droite, drapé et cuirassé, vu de dos PONTIF TR P XII COS III // TRAIECTVS les deux empereurs, Septime Sévère et Caracalla, en

costume militaire marchant à gauche, traversant un pont de bateaux (trois bateaux représentés sur le fleuve ; le pont est pourvu d’une balustrade à croisillons et l’accès y est aménagé par deux plans inclinés), suivis de soldats et de cavaliers, le dernier soldat s’apprête à gravir le plan incliné du pont

Réf. Cohen IV, 206/603 corr. (ex. BnF) ; Gn. III, 40/9, pl. 152, 9 ; BMCRE V, p. 353 n. †, 390 corr. ; RIC IV.1, p. 284/441 corr. 

- Paris BnF 7177 14,60g 12h (fig. 13)

dans son quadrige foudroie un guerrier barbare, ou bien, à l’avers du type Adventus Aug qui anticipe un triomphe montant au temple de Jupiter Capitolin, le buste de Marc Aurèle en nudité héroïque à gauche, vu de dos, la grande égide étalée sur l’épaule et la lance en avant (Gn. pl. 59,5).

24 Pflaum 1960-1, 476-494, 181bis ; Nagy 1971 ; Alföldy, 1974b ; Böhme 1975, 201-205, 210 ; Reddé 1986, 379-381 ; Rossignol 2004, n° 106 et p. 782-855.

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Le thème iconographique du Traiectus n’est pas ici situé au sein d’un réseau monétaire aussi dense que s’agissant de Marc Aurèle : un seul exemplaire est connu au type de la traver-sée sur pont de bateaux pour Caracalla, un petit médaillon aujourd’hui conservé à Paris et dans un état de conservation médiocre.

L’unicum a été la victime d’erreurs à répétition dans les ouvrages de référence numis-matiques, sur sa nature et sa date d’émission, dans l’ouvrage de Cohen 25 d’abord, puis dans le volume des collections du British Museum consacré à l’époque sévérienne, dont les cor-rigenda successifs (Tr P XI, 208 p.C., puis Tr P XII, 209 p.C.) ont échappé aux commentateurs ultérieurs de la monnaie 26. Dans la littérature, le médaillon est souvent daté de 208 errore, malgré les correctifs apportés par C. Oman, puis par A. S. Robertson 27. C’est bien Tr P XII Cos III (209 p.C.) qu’il faut lire sur la monnaie. Et il s’agit d’un petit médaillon, comme l’avait suggéré Cohen  et pas d’un bronze : as, voire dupondius, comme on le décrit régulièrement. En effet, la pièce ne porte pas la marque S C du bronze sénatorial ; elle est bi-métallique, avec un flan de bronze entouré d’un cerclage en orichalque. Il s’agit donc sans ambiguité d’un médaillon, et donc d’une frappe à haute valeur commémorative.

Le petit médaillon date de 209, la première année de l’expeditio britannica de Septime Sévère et de Caracalla, et fait allusion à une traversée sur ponts de bateaux – le terme de Traiectus fait alors son apparition pour la première fois, sous la ligne d’exergue du revers. Sévère et Caracalla, qui a alors 21 ans, mènent campagne ensemble : les deux Augusti sont représentés côte à côte sur le pont de bateaux au revers du médaillon. Le médaillon parallèle à l’effigie de Septime Sévère manque, mais s’il ne nous est pas parvenu, il fut certainement émis. Quant à Géta, qui n’est alors que César, il ne figure pas traversant le pont de bateaux car il réside avec sa mère Julia Domna à Eburacum/York durant la durée de la campagne bri-

25 Pour sa date : dans la 1re édition de l’ouvrage de Henry Cohen, le médaillon est correctement décrit et daté de la 12e TR P de Caracalla, 209 p.C., Pontif Tr P XII Cos III  (Cohen III, 1860, p. 442/568) ; une coquille d’impression dans la 2e édition (Cohen IV, 1884, p. 206/603) lui donne la légende erronée Pontif Tr P VII Cos III (soit 204 p.C.)

26 BMCRE V, p. 353†, 1re édition (1950)  : H.  Mattingly corrige la coquille de Cohen (Tr P VII) mais en introduisant une autre erreur (Tr P XI = 208 p.C.), il identifie en outre la pièce comme un as. Un repentir le conduit à introduire un correctif dans l’introduction du BMCRE V, p. clxxiv et p. 390 et à replacer la pièce dans l’ensemble des frappes monétaires datant de la Tr P XII (209 p.C.) “the As with rev. Traiectus placed above p. 353 n. †, under Tr P XI, probably belongs here.” Dans la seconde édition du BMCRE V (1975), R. A. G. Carson et P. V. Hill corrigent p. 353 la lecture Tr P XI de Mattingly en Tr P XII, mais contraints par la pagination, ils ont laissé le petit médaillon décrit et classé dans les frappes de 208 en se limitant à l’ajout d’une mention sibylline “should be transferred p. 390.”

27 Oman 1931 ; Robertson 1980.

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tannique. Sur les trois campagnes successives que mèneront Septime Sévère et Caracalla en Bretagne, puis Caracalla seul lorsque l’état de santé de Sévère l’empêchera d’y participer, le médaillon appartient à l’époque de la première campagne, contre les Calédoniens et contre les Maiates, qui habitaient au nord de l’isthme Forth-Clyde, à proximité du Mur d’Antonin alors abandonné depuis une quarantaine d’années.

La première campagne se terminera fin 209 avec l’hivernage de l’armée, probablement en Écosse. Il n’y eut pas de bataille décisive, la nature du terrain l’empêchant. Hérodien évoque les longs travaux préparatoires d’aménagement ordonnés par Septime Sévère avant le début de la campagne elle-même (3.14.5) : “Il s’efforçait surtout de lancer des ponts sur les terrains marécageux afin que les soldats, marchant sur un sol stable, pussent aisément les traverser et combattre de pied ferme sur des terres solidement assurées” et insiste sur les difficiles condi-tions de maneuvre de l’armée romaine dans un milieu où l’eau règne : tourbières, marécages, estuaires inondés régulièrement par les marées (Hdn. 3.14.5-10). On trouve les mêmes consi-dérations chez Dion Cassius (77.13.1) sur les difficultés de Septime Sévère à faire progresser son armée, en ayant à “abattre les forêts, araser les montagnes, combler les marais, ponter les fleuves.”

Plusieurs hypothèses ont été suggérées pour l’établissement d’un pont de bateaux : sur la Forth, sur le Tay, les rivières du Fife, etc., mais comme pour la campagne marcomannique de Marc Aurèle, la représentation de la traversée de fleuves sur ponts de bateaux a valeur générique et recouvre sans doute de nombreux épisodes où les soldats du génie eurent à construire ces ponts de barges provisoires avec le matériel convoyé par les légions dans leurs fourgons.

L’archéologie montre que le camp de South Shields sur l’estuaire de la Tyne, avait été transformé en base logistique pour l’approvisionnement de l’armée en campagne par la construction de 20 horrea supplémentaires, d’où le blé pouvait être acheminé par mer jusqu’à Carpow sur le fleuve Tay. De même Corbridge, aussi situé sur le mur d’Hadrien, avait été aménagé soit pour y agrandir les greniers, soit pour en faire un camp légionnaire d’im-portance 28. Au-delà du mur d’Antonin, alors abandonné depuis une quarantaine d’années, le trajet de l’armée de Septime Sévère en campagne a pu être reconstitué grâce à la photogra-phie aérienne, depuis Cramond, sur le Firth of Forth, jusqu’en Écosse du nord en longeant les monts Grampians, par deux séries de camps de marche, de taille moyenne différente, 63 acres (25,5 ha) et 120 acres (48,6 ha), soit qu’ils marquent deux colonnes de progression pa-rallèles lors de la même campagne, soit qu’ils correspondent aux campagnes calédoniennes successives 29 (fig. 14).

Enfin, l’épigraphie nous fournit l’inscription d’un chevalier anonyme (CIL, VI, 1643  ; Pflaum 1960-1961, 259), dont la plus haute charge conservée sur l’inscription est celle de pré-fet des flottes Britannica et Germanica et Moesica et Pannonica : si l’on suit l’interprétation de Pflaum, il s’agit d’un amiral en chef de rang ducénaire chargé de la logistique maritime de

28 Birley 1971, 254 sq. ; Frere 1987, 158-162 ; RIB 1143.29 Birley 1971, 255-259 ; Salway 1981, 227-232 ; Birley 1988, 181-182 ; Hanson & Maxwell 1983, 204-206.

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la campagne britannique de Septime Sévère 30, dont l’importance dans le support logistique aux armées nécessitait ce commandement cumulé.

Les historiens anglo-saxons rapprochent le petit médaillon de Caracalla / Traiectus impé-rial sur pont de bateaux de deux types monétaires qu’ils estiment commémorer les cam-pagnes britanniques sévériennes. Un type représentant un pont fixe qu’on trouve au revers d’aurei, d’as et d’un médaillon au nom de Septime Sévère et datés de sa 16e Tr P 31, soit de l’année 208 : or le type est repris d’un modèle inauguré sous Trajan et représente un pont monumental, sans doute de pierre, couvert, dont les deux têtes sont constituées par des

30 Reddé 1986, 382-384 doute que l’inscription soit d’époque sévérienne et suggère que l’anonyme a pu exercer ce commandement unifié des flottes sur le Danube et lors des campagnes marcomanniques de Marc Aurèle, c’est-à-dire à l’époque où M. Valerius Maximianus exerçait ses talents à l’escorte de l’annone sur le fleuve (supra p. 254).

31 RIC IV.1, 120/225, 198/786, BnF 354 = Gn. II, 75/22, pl. 94,1. Par ex., BMCRE V, p. clxxiv ; Birley 1971, 261 ; Reed 1976, 92-96. Birley 1988, 179 suggère un pont fixe bâti à York ou à Pons Aelii/Newcastle.

Fig. 14. Les camps de campagne sévériens (d’après Birley 1971, 256).

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portes à triple arcature, sommées de statues. Ce pont fixe est probablement situé à Rome ; s’il a un rapport avec les campagnes de Bretagne, ce ne peut être que comme cadre de la profectio de Septime Sévère de Rome, un an avant la date qui est celle du petit médaillon de Caracalla au traiectus sur pont de bateaux 32. L’autre type se trouve sur des deniers au nom de Caracalla et le représente debout en costume militaire, tenant haste et pugio, ayant à ses pieds de chaque côté un dieu fleuve, à sa droite, une personnification féminine couronnée d’une tiare. Ces deniers sont datables de 207 p.C. (10e Tr P de Caracalla)  : il a été proposé d’identifier les deux dieux-fleuves avec des fleuves bretons, en particulier avec la Tyne et l’Éden 33. Mais comme pour le cas précédent, il s’agit d’une reprise d’un type monétaire de Trajan, un sesterce commémorant l’annexion de l’Arménie, représentée couronnée d’une tiare assise au pied de l’empereur entre les deux fleuves Tigre et Euphrate 34, un type oriental qui paraît sans rapport avec l’expeditio britannica.

Alexandre Sévère et Julie Mamée. Expeditio germanica (234-235 p.C.)

Atelier de Rome, ��n 234-début 235

Médaillon de bronze

5. IMP ALEXANDER PIVS AVG IVLIA MAMAEA AVG // MATER AVG Bustes affrontés d’Alexandre Sévère lauré à dr., drapé et cuirassé, et de Julie Mamée

diadémée à g., drapée P M T/R P XIIII COS / III P P L’empereur en costume militaire marchant à g., main droite tendue indiquant le sol et

tenant un sceptre long, traversant un pont de bateaux (quatre bateaux représentés sur le fleuve), précédé de la Victoire tenant une couronne et palme, suivi de quatre soldats, dont deux tiennent des enseignes légionnaires et deux des boucliers ; à dr. sous le pont, un dieu-fleuve cornu étendu, le Rhin bicornis

Cohen IV, 483/16 ; Gn. II, 84/7, pl. 101, 5 ; BMCRE VI, 209/967*, pl. 31 - Copenhague ; Vienne, bi-métallique (fig. 15)

Le médaillon est daté du 3e consulat et de la 14e Tr P d’Alexandre Sévère, soit de la courte période qui va du 10 décembre 234 à son assassinat à Mayence en février-mars 235 survenu alors que l’empereur hiverne avec son armée dans la capitale de Germanie supérieure. Le

32 Modèle trajanique : RIC II, 284/569-570 ; Woytek 2010, 314-316. Pour le type de Septime Sévère, diverses identifications avec des ponts de Rome ont été proposées, voir Desnier 1997. Une autre interprétation de cette représentation de pont fixe comme un type commémorant l’activité édilitaire intense de Septime Sévère ne paraît pas pouvoir être retenue : sur les opera publica restaurés après les incendies de la fin du règne de Commode (185-188 et 192 p.C.) et pour la préparation des Saeculares de 204 p.C., voir Daguet-Gagey 1997.

33 RIC IV.1, 76, 227/96, 236/175.34 RIC II, 240, 289/642 ; Woytek 2010, 590 (légende Armenia et Mesopotamia in potestatem P. R. redactae).

La cause du réemploi de ce type oriental reste obscure : les sources ne rapportent pas de campagne orientale c. 207 en Syrie, Arménie et Mésopotamie, ni le monnayage provincial, l’éventuelle présence de Caracalla en Orient à cette époque.

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médaillon frappé à Rome pendant l’hiver 234-235 rappelle des événements de la campagne militaire de l’année précédente, 234.

Selon Hérodien (6.7.2), la campagne germanique avait été rendue nécessaire par la gra-vité des menaces barbares sur le Rhin et le Danube, qui conduisirent Alexandre Sévère à abréger la campagne persique. L’expédition contre Ardashir avait dû se clore sans victoire et sans traité de paix ; pis encore, la révolte grondait dans l’armée qui reprochait les lourdes pertes romaines pendant la campagne parthique aux erreurs tactiques et à la pusillanimité d’Alexandre Sévère 35. En outre, Hérodien insiste sur les craintes des contigents illyriens de voir leur patrie envahie, et aussi mal défendue que l’avaient été les provinces orientales. La campagne germanique – du moins celle menée par l’empereur, ses généraux conduisant pro-bablement d’autres opérations sur le Danube dans le Norique ou en Pannonie – se déroule sur le Rhin moyen, en Germanie supérieure, à la hauteur du confluent avec le Main. De ma-nière remarquable, la construction du pont de bateaux sur le Rhin décrite par le médaillon est évoquée aussi par une source parallèle, le témoignage d’Hérodien (6.7.6) :

“Il accomplit le trajet en grande hâte et s’arrêta sur les rives du Rhin, où il acheva les prépara-tifs pour mener la guerre contre les Germains.  Il fit jeter en travers du fleuve un pont, con-stitué avec des bateaux liés les uns aux autres, dans la pensée qu’il faciliterait la traversée du fleuve par les soldats”.

Le franchissement du Rhin par pont de bateaux décrit par le médaillon d’Alexandre Sévère ne peut avoir lieu à Mayence même : un pont fixe aux piles de pierre et aux têtes solidement fortifiées relie Mayence/Mogontiacum à Kastel/Castellum sur la rive droite du Rhin – le célèbre médaillon de plomb d’époque dyarchique trouvé dans la Saône à Lyon en offre une superbe représentation numismatique 36 – mais commémore un ou plusieurs fran-chissements du Rhin par l’armée sur des ponts provisoires. Qu’Alexandre Sévère soit au tour-nant 234/235 en train d’hiverner à Mayence indique où se trouvait le point névralgique des invasions barbares, très certainement alamanniques, sur le sol romain. Un quartier général établi à la confluence du Rhin et du Main permettait une intervention armée aussi bien sur le cours du Rhin vers l’aval, Coblence/Confluentes qui défend l’embouchure de la Moselle, et

35 La stratégie en tenaille adoptée par Alexandre Sévère avait échoué du fait des retards de l’armée principale qu’il conduisait au centre, laissant l’armée partie au nord par l’Arménie et les montagnes de l’Antitaurus et celle du sud qui descendait l’Euphrate en direction de Séleucie-Ctésiphon affronter les forces parthes d’Ardashir bien supérieures en nombre (Hérod., 6, 5-6).

36 Contra RIC IV.2, 68 ; Campbell, 2005, 26.

Fig. 15

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éventuellement vers la Germanie inférieure défendue par la flotte fluviale rhénane basée à Cologne, que dans les Champs Décumates, là où la frontière s’appuie en partie sur le Taunus et le cours inférieur du Main, et de là jusqu’à l’est du Neckar et dans le Jura souabe, vers le Danube supérieur 37.

C’est de Mayence que Maximin succédant à Alexandre Sévère reprendra la campagne germanique 38 pour se diriger vers le sud-est et libérer les Champs Décumates des Alamans. Notons que, le temps que ce médaillon pour Alexandre Sévère et Julie Mamée soit frappé à Rome et que l’émission exceptionnelle à laquelle il appartient parvienne sur le théâtre mili-taire rhénan pour y être distribuée, Alexandre Sévère avait été mis à mort : c’est selon toute vraisemblance Maximin, son successeur et le principal responsable du pronunciamiento qui l’avait éliminé, qui distribua le donativum.

Hérodien indique que les soldats reprochaient à Alexandre Sévère sa faiblesse de carac-tère et son assujettissement à sa mère, ainsi que de vouloir temporiser et acheter la paix avec les barbares en les privant eux-mêmes des gratifications qu’impliquait une victoire. Il faut convenir que l’imagerie monétaire contribue à alimenter ces griefs  : le type Traiectus ainsi que les types connexes qui portent à l’avers les portraits d’Alexandre et de Mamée 39 n’existent que sur des médaillons, qui sont destinés à la distribution personnelle aux hauts cadres militaires et n’ont pas d’équivalent dans le monnayage à proprement parler (sesterces, deniers, aurei) ; or leur avers propose systématiquement face au portrait de l’empereur celui de Julia Mamée Mater Aug(usti), titre qui se détache à l’exergue et se trouve ainsi particuliè-rement valorisé.

Gordien III. Expeditio orientalis (243 p.C.)

Atelier de Rome, 243

Médaillons d’or Denio (10 aurei) ?

6. IMP G/ORDIANVS PIVS FELIX AVG Buste lauré à gauche, cuirassé et drapé, tenant une haste pointée en avant et un bouclier historié, vu de dos (sur le bouclier, scène d’adventus : l’empereur à cheval à g., tenant un sceptre long et main dr. levée, précédé de la Victoire qui mène son cheval et suivi de Mars tenant haste et bouclier)

37 Loriot 1975, 674-676 ; Lippold, 1998, part. 120-127. Sur le déclin des vici et l’abandon des camps de la Wetterau entre Sévère Alexandre et le début du règne de Gallien seul, Schallmayer, 1995, 27-54.

38 Une inscription de Mainz-Kastell (CIL, XIII, 7281) en date du 23 août 236, au début du règne de Maximin, y atteste l’activité de reconstruction des hastiferi civitatis Mattiacorum (pour les Mattiaci, v. infra p. 274).

39 Même titulature Imp Alexander Pius Aug Iulia Mamaea Aug // Mater Aug  : médaillons d’argent Aequitas Augusti, trois Monnaies (Gn. I, 46/1, pl. 23,4), Aequitas Publica (Gn. I, – ; coll. Mazzini d. 3 = coll. Jameson 219) ; médaillons bi-métalliques, revers Profectio Augusti, empereur à cheval à g., Victoire, soldats (Gn. II, 85/10, pl. 101,8), Iovi Conservatori, empereur et Jupiter sacrifiant sur un trépied, soldats, enseignes (Gn. II, 84/5, pl. 97,3 ; 101,4).

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TR/AIECTVS AVG Galère amirale à droite  ; dans l’abri de dunette à la poupe, l’empereur assis tenant un sceptre et main droite levée ; rang de rameurs ; sur le pont du bateau, trois soldats, tête nue, tenant un vexillum (sur le vexillum, l’image d’une Victoire marchant à g.), une enseigne légionnaire, une aigle ; à dr., un soldat casqué (ou Virtus/Mars), tenant glaive et bouclier, tête tournée en arrière, s’apprête à débarquer.

Cohen V, - ; Gn. - ; RIC IV.3, - - Coll. George Ortiz = Vente Leu 38, 13/5/1986, 327 (fig. 16a). Le multiple d’or est serti

dans une monture à collerette du groupe 1 (typologie Brenot & Metzger 1992, 345-346) Ø 5,2 cm, au décor formé par de petits arceaux ajourés séparés par un triangle cannelé en éventail et pourvu d’une chaîne à fermoir en tête de serpent, long. 45,5 cm (fig. 16b). Le poids du médaillon lui-même est inconnu : seul le module permet de suggérer qu’il s’agit d’un denio. Trouvé en Égypte. Voir Jucker & Willers 1983, 302-303, n° 181.

Rem. La représentation liée au thème du Traiectus par mer, qui fait son apparition avec l’expédition orientale de Gordien III, obéit au même type de conventions figuratives que l’image du Traiectus flu-vial sur pont de bateaux. Comme sur d’autres images numismatiques de galère amirale (thème symbo-lique lié par ailleurs à celui de la Felicitas impériale), c’est l’empereur qui figure à la place du pilote, les têtes des rameurs sont figurées en dépit de tout réalisme (le navire est ponté et les rameurs devraient être invisibles), le nombre de rangs de rames croît avec l’espace disponible (avec un maximum de trois rangs sur les médaillons de grand module) 40.

40 Richard 2006.

Fig. 16a Fig. 16b

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41 Pink 1931 classe les médaillons chronologiquement selon la “vraisemblance historique”, je préfère pour ma part les dater en fonction des liaisons de coins et des réseaux qu’elles dessinent. Les médaillons de Gordien III ont fait l’objet récemment d’une étude (Bardin 2014) qui rétablit leur rapport avec le système monétaire général et sa chronologie.

Senio (6 aurei)

7. IMP GORDIANVS PIVS FELIX AVG Buste lauré à droite, cuirassé TRAIECTVS AVG Galère amirale à droite ; dans l’abri de dunette à la

poupe, l’empereur assis ; rang de rameurs ; sur le pont du bateau, quatre soldats tête nue tenant boucliers, enseigne, vexillum, aigle, hampe surmontée d’un portrait impé-rial (?) et haste

Cohen V, - ; Gn. - ; RIC IV.3, 28/132 (coll. Jameson, l’ex. ci-dessous) - Vente Leu 54, 28/IV/1992, 299 (ex-coll. Jameson IV, n° 511) 26,27g 12h (porte des traces

de monture, réputé trouvé en Palestine) (fig. 17)

Médaillons de bronze de grand module

8. IMP GORDIANVS PIVS FELIX AVG Buste lauré à droite, cuirassé TRA/IECTVS AV/G Galère amirale à droite ; dans l’abri de dunette à la

poupe, l’empereur assis, tenant un sceptre et main droite levée ; rang de rameurs ; sur le pont du bateau, trois soldats tête nue tenant bouclier, vexillum, enseignes ; à dr., un soldat casqué (ou Virtus/Mars), la tête tournée en arrière, tenant glaive et bouclier, s’apprête à débarquer.

Cohen V, - ; Gn. II, 91/39, pl. 105,8 ; Pink 1931, 255/2241

- Glasgow (fig. 18)  ; Naples (+ deux médaillons coulés Paris et Vienne sur d’autres prototypes, non retrouvés)

Rem. Les ex. sont de la même paire de coins. Le même coin de droit est lié avec des médaillons aux revers ADLOCVTIO AVGVSTI (Gn. II, 87/1, pl. 103,1), VICTORIA AVG, temple au fronton inscrit NEIKH / OΠΛΟΦΟРOϹ (Gn. II, 92,51), TR P VI COS II P P, empereur à cheval à g., Victoire, soldats, enseignes (Gn. 90/26, pl. 104,9) (fig. 19) : le médaillon Traiectus Aug est donc daté de la période décembre 242-dé-cembre 243.

9. IMP GORDIANVS PIVS FELIX AVG Buste lauré à gauche, cuirassé et drapé, vu de dos TRAIECTVS AVG Même descriptionCohen 59/344 corr. (module) ; Gn. II, 91/40 (Glasgow) = Gn. II, 91/42 (coll. Gnecchi) ; Pink 1931, 255/23 - Glasgow (bi-métallique) (fig. 20) ; coll. Mazzini III, 342 (bi-métallique) = vente Leu 33,

3/5/1983, 124 = vente NFA 25, 29/11/1990, 441 52,50g (fig. 21)

Rem. Les ex. sont de même coin de droit. L’ex. de Glasgow est de même coin de revers que les ex. cui-rassés n° 8 supra. Le même coin de droit est lié avec des médaillons au revers VICTORIA AVG, temple au fronton inscrit NEIKH / OΠΛΟΦΟРOϹ (Gn. II, 92/50, pl. 106,4) Paris ; Londres (fig. 22) ; Vente NAC R, 11/5/2007, 1589.

Fig. 17

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Fig. 18 Fig. 19

Fig. 20 Fig. 21 Fig. 22

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10. IMP G/ORDIANVS PIVS FELIX AVG Buste lauré à gauche, cuirassé et drapé, tenant une haste pointée en avant et un bouclier historié, vu de dos (sur le bouclier, scène d’Adven-tus : l’empereur à cheval à g., sceptre long et main dr. levée, précédé de la Victoire et suivi de Mars tenant haste et bouclier)

TR/AIECTVS AVG Même descriptionCohen V, 58/342 (coll. Dupré) ; Gn. II, 92/41 = Gn. II, 92/43 ; Pink 1931, 255/24 - Londres (bi-métallique) (fig. 23)

Rem. Le coin de revers est lié à celui du médaillon n° 9 supra (fig. 20, Glasgow). Le coin de droit est lié avec des médaillons au revers ADLOCVTIO AVGVSTI (Gn. II, 87/5, pl. 103,4), FIDES EXERCITVS, empereur couronné par la Victoire serrant la main de Mars/Virtus, enseignes, au premier plan, les deux dieux-fleuves Tigre et Euphrate couchés (Gn. II, 88-89/18, pl. 104,1) (fig. 24), MVNIFICENTIA GORDIANI AVG, spectacle du cirque dans le Colisée ; à g. Meta sudans et Colosse, à dr. temple (Gn. II, 89/22, pl. 104,5) (fig. 25).

Fig. 23

Fig. 24

Fig. 25

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Petits médaillons (module de l’as, mais sans la marque SC)

11. IMP GORDIANVS PIVS FELIX AVG Buste lauré à gauche, cuirassé et drapé T/RAIECTVS AVG Galère amirale à droite ; dans l’abri de dunette à la

poupe, l’empereur assis ; rang de rameurs ; sur le pont du bateau, quatre soldats tête nue tenant boucliers, enseigne, vexillum, aigle, hampe surmontée d’un portrait impé-rial (?) et haste

Cohen V, 59/345corr. (buste) (= 344) ; Gn. III, 46/67 (= 61), pl. 153,13 (Berlin, Copenhague, Paris) ; RIC IV.3, 50/323 ; Pink 1931, 255/25 (= 26)

- Paris (fig. 26) ; Berlin ; Copenhague ; Vienne ; vente Künker 182, 14/3/2011, 838.

Rem. Les ex. sont du même coin de droit que le type suivant n° 12 Traiectus fluvial (pont de bateaux) (fig. 27) et du même coin de revers que l’ex. suivant n° 13 (fig. 28), frappé avec un coin de droit d’as courant.

12. IMP GORDIANVS PIVS FELIX AVG Buste lauré à gauche, cuirassé et drapé TRAIECTVS AV/G L’empereur en costume militaire marchant à

gauche, traversant un pont de bateaux (quatre bateaux représentés sur le fleuve), pré-cédé d’un soldat tenant haste et bouclier, et de la Victoire tenant une couronne et une palme, suivi de Mars tenant trophée et parazonium et d’un soldat qui gravit le plan incliné du pont

Cohen V, - ; Gn. III, 47/68, pl. 153,15 ; RIC IV.3, - ; Pink 1931, 256/34 - Vatican 42 (coll. Vitali) ; Vienne (coll. Trau) (fig. 27) = moulage coulé conservé à Paris ;

moulage Vienne (coll. Niklovits 1924) apparemment bi-métallique

Rem. Les exemplaires, de médiocre conservation, sont issus de la même paire de coins. Même coin de droit que les ex. n° 11 précédents au type Traiectus maritime (galère amirale) (fig. 26).

13. IMP GORDIANVS PIVS FEL AVG Buste lauré à droite, cuirassé et drapé, vu de dos T/RAIECTVS AVG Même description que supra n° 11Cohen V, 59/343 corr. (buste) ; Gn. III, 46/66 (Paris : l’ex. ci-dessous) ; RIC IV.3, 50/323 ; Pink 1931, 255/27 - Paris (fig. 28)

Rem. L’ex. de Paris est de même coin de revers que les ex. n° 11 précédents (fig. 26), mais a été couplé avec un coin de droit d’as courant, de moindre qualité de gravure et de graphie.

Les deux types de petits médaillons n° 11-12, types Traiectus maritime et fluvial présentent au droit un buste de Gordien III drapé et cuirassé tourné à gauche vu de devant, dont la manche droite soulevée évoque le geste de salutation liée aux départs et arrivées impériaux. Le buste est traité de manière soignée et rigoureusement identique à celui qu’on trouve au droit de grands médaillons (même graveur et même date), même s’il ne nous en est pas

42 Gnecchi 1905, 156, pl. V, 6 : “moyen bronze ou petit médaillon” ; Michelini Tocci 1965, 139, pl. LX : “as”.

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Fig. 28(as)

Fig. 29

Fig. 30(as)

Fig. 31(as)

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parvenu au type Traiectus  : pour ces derniers, les types répertoriés sont PROFECTIO AVG, ADLOCVTIO AVGVSTI et VICTORIA AVG, temple au fronton inscrit NEIKH / OΠΛΟΦΟРOϹ 43, revers qu’on trouve aussi pour les médaillons à buste cuirassé à droite en même temps que le type Traiectus maritime (ici n° 8, fig. 18).

On retrouve ce coin au buste drapé à gauche avec manche soulevée, de superbe qualité de gravure, sur un autre petit médaillon, au type de revers VICTORIA AVG, l’empereur sur un siège curule, couronné par la Victoire face à Mars, tenant haste et bouclier à terre ; de-vant l’empereur un captif suppliant, à l’arrière-plan, soldat, enseignes et vexillum, un unicum conservé à Glasgow (Gn. III, -) (fig. 29). Le coin de droit, qu’il ait été encore bon pour l’usage après la frappe limitée de ces médaillons, ou que ce soit dans la perspective d’une sparsio de moindre prestige, a été apparié pour l’émission de monnayage courant, à des as, portant la marque SC des bronzes, dont certains sont datés de la Tr P VI de Gordien (fig. 30-31)

Les frappes de Gordien III évoquant la Traversée impériale, celles au type de la galère amirale comme celles, moins nombreuses, au type au pont de bateaux, se trouvent au centre d’un très riche réseau de frappes monétaires auquel elles se trouvent reliées par des coins communs. L’ensemble – nourri, inventif et prestigieux – comporte des multiples d’or, qui furent conservés et montés en bijoux par leurs destinataires  ; des médaillons commé-moratifs spectaculaires  ; des médaillons au module de l’as, mais dont le soin apporté à la fabrication des coins de droit montre qu’ils furent probablement émis en or avant d’être utilisés à la frappe de médaillons de bronze ou bi-métalliques destinés à la distribution à un personnel militaire de moindre prestige, puis à la frappe d’as courants. L’ensemble a fait l’objet d’un donativum qu’il est possible de dater grâce à la liaison de coin avec des médail-lons légendés TR P VI COS II P P (fig. 19) et des as P M TR P VI COS II P P (fig. 30-31), soit décembre 242-décembre 243, et célèbre les temps forts des débuts de la campagne persique et en particulier l’importance logistique de la marine pour l’acheminement des troupes et l’intendance des armées 44. C’est ainsi que le Traiectus maritime, au premier chef la traversée de la Propontide d’Europe en Asie (mais sans doute aussi l’arrivée par mer d’une partie de l’état-major, des troupes sine impedimentis et de l’approvisionnement par les grands ports de la façade égéenne et méridionale de l’Asie mineure), et le Traiectus fluvial, le franchissement de l’Euphrate par l’armée, sont célébrés dans la même émission, même si plusieurs mois les ont effectivement séparés.

Gordien III s’était mis en route en 242 pour son expeditio orientalis. Le terme se trouve dans une inscription trouvée à Misène en l’honneur de C. Iulius Alexander praep(ositus) reliq(uationi) class(ium) praett(orianarum) Misen(ensis) et Raven(natis) pp(iarum) uu(indicium) expeditioni orientali, personnage qui était à la date du 15 mars 246,

43 Respectivement Gn. II, 91/37 ; 87/4, pl. 103,3 ; 92/49, pl. 106,3.44 La reprise des hostilités contre l’empire sassanide avait eu pour première cause la chute des forteresses

de Hatra, en Mésopotamie orientale, puis de Singara et de Rhesaena en 241, c’est la première agogè de Shapur décrite dans l’inscription trilingue RGDS/ŠKZ (gr. 6-10)

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sous le règne de Philippe donc, stolarque (préfet) de la flotte de Misène 45. L’importance logis-tique de la marine dans le transfert de l’armée et de son train en Asie a été d’autant plus grande que les rocades militaires terrestres par les Balkans, la Mésie et la Thrace étaient à l’époque menacées par les incursions barbares 46. Pour les sécuriser et parallèlement au lan-cement de l’expeditio orientalis, Timésithée mène campagne sur le Danube inférieur contre les Carpes et les Goths 47. Après la traversée de la Propontide, le trajet terrestre des armées en Anatolie peut être reconstitué jusqu’en Syrie, par le témoignage du monnayage civique et colonial, riche en thèmes liés à l’adventus impérial ou d’iconographie militaire 48 : Apamée Myrleia, Chalcédoine, Nicomédie, Nicée, Dorylaion, Nakoleia, Dokimion, Prymnessos, Synnada, Lysias, Antioche de Pisidie, Ikonion, les Portes de Cilicie, Tarse et Antioche sur l’Oronte (fig. 32).

Le franchissement de l’Euphrate sur ponts de bateaux dut avoir lieu en divers points de passages, outre celui de Zeugma, selon l’ordre de marche des différents corps expédition-naires 49. L’armée de Gordien réoccupe Carrhes, passe Édesse. Shapur est écrasé et mis en fuite sur le champ de bataille près de Rhesaena  ; Nisibe, Singara et toute la Mésopotamie sont récupérées sur les Perses. La jonction avec les légions de Cappadoce conduites par

45 AE, 1910, 36 = ILS, 9221. Keil 1955  ; Loriot 1975, 765-766  ; Spoerri-Butcher 2006, 27. Un autre officier des flottes de Misène et de Ravenne, Vibius Seneca, est nommé sur une inscription d’Éphèse de peu postérieure, sous le règne de Philippe (AE, 1956,10 = SEG XVII, 506) – pour le rapatriement de l’armée romaine ? À Éphèse en effet, des monnaies de bronze sont émises sous Philippe dont le revers montre une galère amirale avec la légende ΕΦΕϹΙΩΝ // ΚΑΤΑΠΛΟΥϹ (‟réembarquement”). Keil insiste sur le rôle de la marine et de ports comme Éphèse pour la logistique de l’expédition orientale et des convois annonaires, avec laquelle on peut mettre en rapport la militarisation en marche du corps des vigiles et le remplacement, comme sous Alexandre Sévère, du préfet d’Égypte par un ducatus exercé par le préfet des vigiles Gn. Domitius Philippus (à ce propos Loriot 2007, part. 103-104, 110-111). Il faut noter que sous Gordien III, Éphèse émet un important monnayage d’homonoia avec Alexandrie d’Égypte (Spoerri-Butcher 2006, 40-43). Voir les remarques de Kampmann 1996, 83-85, qui interprète les monnayages d’homonoia entre villes portuaires, nombreux à apparaître sous Gordien III (particul. Smyrne, Périnthe, Nicomédie, Éphèse, Cyzique : Spoerri-Butcher 2006, 41) comme le signe d’un fractionnement logistique dans l’acheminement des troupes et de l’approvisionnement en Asie mineure, mesure destinée à en diminuer le poids pour les provinces et cités traversées par l’armée.

46 Spoerri-Butcher 2006, 42-43, 92-95 adopte peut-être un point de vue trop hypercritique en minorant l’impact de l’expédition de Gordien III sur le monnayage des cités d’Asie, tant sur le dossier des émissions d’homonoia, que sur celui de certaines frappes provinciales significatives, en particulier des émissions de Cyzique et de Nicomédie, représentant des navires avec signa : pour ces dernières, l’image sort de sa banalité (?) quand on lui met en face le monnayage impérial et l’exceptionnelle publicité faite au revers du Traiectus maritime dans les frappes impériales, et les plus prestigieuses, de Gordien III.

47 L’Histoire Auguste (V. Gord. 26, 4) attribue à Gordien les succès romains en Mésie et en Thrace, sans qu’on sache s’il était présent in persona ou si la campagne se fit seulement sous ses auspices.

48 Hommel 1965 ; Krzyzanowska 1970 ; Loriot 1975 ; Hamacher 1983 ; Kettenhofen 1983 ; Spoerri-Butcher 2006. 

49 À Zeugma même, le principal point de franchissement de l’Euphrate, il n’existait probablement encore à l’époque qu’un pont de bateaux,  entre Séleucie sur la rive droite et Apamée sur la rive gauche : l’archéologie n’a pas reconnu les traces d’un pont fixe qui, selon l’hypothèse de F. Cumont, aurait été édifié après l’annexion de la Mésopotamie par Trajan en 114 (Abadie-Reynal et al. 1996, 316-319  ; Abadie-Reynal 2001). Pour la campagne persique de Gordien III, l’étude majeure reste celle de Loriot 1975, 759-775.

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Timésithée se fait à la hauteur de Nisibe à l’été 243. Timésithée meurt alors et est remplacé à la préfecture du prétoire par M. Iulius Philippus, le futur empereur Philippe, qui s’adjoint comme collègue son frère C. Iulius Priscus. Un très intéressant passage de Zosime (Zos. 1.18,3-19,1) indique que, alors que le gros des troupes romaines se trouvait encore en Mésopotamie vers Carrhes et Nisibe, Philippe avait donné l’ordre aux flotilles fluviales convoyant l’approvi-sionnement militaire de s’enfoncer en avant en pays ennemi, en descendant l’Euphrate, dans le but de provoquer la révolte de l’armée ainsi affamée contre Gordien – on peut présumer qu’ainsi aventurées sur le fleuve en avant-garde et sans la protection d’explorateurs sur les rives, elles y furent anéanties par les Sassanides. Les forces romaines retraversent l’Euphrate à son confluent avec le Chaboras et le longent sur sa rive droite en direction de Ctésiphon. C’est non loin de la ville royale, à Mésichè, que l’armée romaine est battue par celle de Shapur, et Gordien III, blessé dans le combat, succombe à ses blessures 50 (fig. 32). Philippe accède à l’empire (janv.-mars 244) et met fin à l’expédition orientale, non par une victoire décisive, mais, selon les RGDS/ŠKZ (gr. 9-10), par une paix conclue contre le versement de 500 000 “deniers” d’or pour le rachat des prisonniers romains et le paiement (annuel ?) d’un tribut à Shapur. L’armée romaine se replie en remontant l’Euphrate ; Philippe dédie un cénotaphe à Gordien à Zaitha, près de Circesium et rapatrie ses cendres à Rome.

Les types médalliques connexes, reliés par des coins communs aux exemplaires figurant le Traiectus maritime et fluvial, ne présentent pas la même précision historique que ceux-là. Le sacrifice de Gordien III à la Victoire dans un temple tétrastyle à tholos dont le fronton porte en grec le nom de Victoire hoplophore (fig. 22), comme les thèmes d’adlocutio avant bataille et d’adventus dans les cités reconquises (fig. 19) se reportent à des épisodes de la cam-pagne persique, difficilement localisables géographiquement, quoique datables de l’année 243 (Tr P VI). Mais particulièrement remarquable pour notre propos est le thème iconogra-phique de la reconquête impériale sur les deux grands fleuves de la Mésopotamie (fig. 24), le Tigre et l’Euphrate, représentés couchés aux pieds de Gordien, couronné par la Victoire et serrant la main de Mars/Virtus sur fond d’enseignes militaires et de boucliers, ainsi que sa lé-gende Fides Exercitus, qui en appelle à une loyauté des armées menacée par la mort du préfet Timésithée et l’attitude – proche de la félonie – de Philippe son successeur au prétoire. Si la responsabilité de Philippe dans le désastre de Misichè et la mort de Gordien ne fait guère de doutes, il sut la couvrir d’un voile de piété et de révérence envers le jeune empereur et obte-nir sans difficulté sa propre reconnaissance par le Sénat : les étonnants médaillons au revers Muni��centia Gordiani Aug montrant la célébration de jeux triomphaux dans l’enceinte du Colisée (fig. 25), célébration de la victoire de Gordien III sur les Sassanides très largement anticipée au moment où le type médallique est frappé à Rome au cours de 243, ont été néan-moins distribués, à l’instigation de Philippe lui-même et de sa main, sans doute au moment du retour à Rome des cendres de Gordien et des cérémonies de consécration 51.

50 Pour un examen des sources, contradictoires sur les circonstances de la mort de Gordien III, voir Loriot 1975, 770-774.

51 A fortiori ce fut le cas aussi pour la série suivante de médaillons relevant de la “frise persique”, frappée par l’atelier de Rome après celle qui nous intéresse ici car datée de la Tr P VII de Gordien (10 déc. 243 – janv.-mars 244) : le même coin d’avers au portrait militaire de Gordien à g., haste sur l’épaule et cuirasse au pectoral historié d’une scène de bataille, est connecté à différents coins de revers : Pax Aeterna, à g.,

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Probus. Campagne germanique (281 p.C.)

Atelier de Ticinum, 281

Multiple d’or (quaternio)

14. IMP C PROBVS AVG CONS IIII Bustes laurés à dr. de l’empereur au premier plan en tenue consulaire et tenant le scipio sommé d’un aigle, et d’Hercule à l’arrière-plan, avec ses attributs, léontè sur l’épaule et massue

TRA/IECTVS / AVG L’empereur en costume militaire marchant à g., la main dr. désignant le sol et tenant un sceptre long, traversant un pont de bateaux, pré-cédé de la Victoire tenant une couronne, suivi de Mars/Virtus, haste posée sur l’épaule dr. et bouclier sur l’épaule g. ; à l’arrière-plan deux soldats tenant des enseignes légion-naires, le premier tête nue, le second, casqué et tenant un bouclier ovale orné d’un motif à fleurons. Le pont de bateaux pourvu d’une balustrade à croisillons repose sur quatre barques ; sous le pont, un dieu-fleuve cornu couché, le Rhin bicornis, main dr. tendue, tenant un roseau et accoudé sur une urne 52.

Cohen VI, - ; Gn. - ; RIC V.2, - ; Pink 1949, - - Lieu de conservation inconnu (vente Tkalec) 26,06 g, Ø 34 mm (fig. 33)

Le multiple d’or est inédit. Il est réputé avoir fait partie d’un trésor d’or de Syrie dis-persé en vente par deux maisons d’experts numismates suisses au début des années 1990 : l’ensemble, riche d’environ 175 pièces, était essentiellement constitué d’aurei tétrarchiques provenant d’ateliers orientaux au terminus post quem 305 p.C. C’était très certainement ce qu’un haut fonctionnaire ou un officier de premier plan avait rassemblé de divers donativa : la dispersion de cet ensemble sans étude nous prive des moyens de reconstituer sa carrière.

Sol sur son quadrige de face au-dessus des dieux-fleuves Tigre et Euphrate, à dr. l’empereur couronné par la Victoire et sacrifiant sur un autel (Gn. II, 89/24, pl. 104,7-8) ; Virtus Augusti, Sol transmettant le globe à l’empereur couronné par Mars/Virtus, à g. soldat tenant vexillum, au centre, enseignes et captifs assis (Gn. I, 48/11, pl. 24,3) ; P M Tr P VII Cos II P P, scène de jeux du cirque : pugilistes et prétoriens au premier plan, quadriges tournant autour d’une meta surmontée d’obélisques, et à l’arrière-plan, licteurs et statue de l’empereur sur un quadrige triomphal couronné par la Victoire (Gn. II, 90/27, pl. 104,10).

52 Virg. Aen. 8, 727 : extremi hominum Morini, Rhenusque bicornis… Le Rhin est décrit comme cornu à l’image de son estuaire qui se divise en deux branches principales. L’image de Rhenus bicornis figure vingt ans plus tôt, au revers d’un denier sur coins d’or et d’antoniniens au nom de Postume émis en 260-261 sous la légende Salus Provinciarum.

Fig. 33

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Le quaternio d’or au nom de Probus en constituait l’un des premiers éléments chronolo-giques. Contrairement à tous les exemplaires illustrant le Traiectus que j’ai présentés ici, il n’a pas été frappé à Rome, mais dans l’atelier nord-italien de Ticinum-Pavie : la période du règne de Gallien et celle de la réforme monétaire d’Aurélien ont vu la démultiplication de l’appareil de frappe en un réseau d’ateliers destinés à fournir le numéraire à son principal consomma-teur, l’armée, et au plus près du théâtre des opérations militaires. L’atelier nord-italien de Ticinum a pour vocation de diffuser son monnayage au-delà des Alpes, en direction du limes rhéno-rhétique.

La titulature du médaillon d’or donne l’année de sa frappe  : il date du 4e consulat de Probus, soit de l’année 281, Probus revêtant son 5e consulat en janvier 282. Le module de la pièce autorise le maître-scalptor de Ticinum à saturer l’espace de symboles  : les portraits accolés permettent de faire figurer l’un des principaux dieux protecteurs de Probus, Hercule, le héros civilisateur qui dompte le chaos c’est-à-dire le désordre barbare, en comes de l’empe-reur, représenté pour sa part en consul – mais la tenue du consul, toga picta et scipio portant l’aigle, est la même que celle du triomphateur. Au revers, le type du traiectus sur pont de bateaux est très exactement copié sur le médaillon d’Alexandre Sévère datant de sa cam-pagne germanique, jusque dans ses conventions figuratives et la présence du Rhin bicor-nis sous le pont de bateaux (supra fig. 15). Le décalque fidèle du thème iconographique par Probus l’atteste : c’est certainement à partir de la même province de Germanie supérieure et du quartier général de Mayence que Probus a lancé sa propre campagne germanique en 281.

Le multiple d’or forme la pièce maîtresse d’un donativum distribué en 281 à la fin de cette campagne germanique de Probus, libéralité qu’il est possible de reconstituer à partir des témoins numismatiques en bronze qui nous en sont parvenus. Ce que les numismates ap-pellent improprement des “essais”, et qui sont mieux définis par le terme d’Abschläge si l’on veut entendre le terme au sens de “frappes mineures”, sont le tirage sur métal vil de coins d’abord et prioritairement affectés à des frappes en or : le monnayage d’or ayant disparu par refonte au cours du temps, elles en sont souvent le seul témoignage 53.

C’est ainsi que le donativum produit en Italie du nord en 281 p.C. consiste aussi en “qui-naires” de bronze, (qui furent émis en quinaires d’or) et en “deniers” (d’abord frappés en tant qu’aurei). Les quinaires reprennent sous forme réduite l’avers conjoint empereur consul-Hercule du multiple d’or (fig. 34-35), mais déclinent aussi le thème herculéen sous l’effigie de Probus seul revêtu lui-même de la léontè (fig. 36-37), ou présentent un portrait conjoint, cette fois tourné à gauche, celui de l’empereur avec son autre dieu comes, le dieu Sol, représenté avec sa couronne radiée et son fouet (fig. 38-39).

Les revers sont militaires et célèbrent la Victoire accostée de deux captifs (Victoria Aug, fig. 34), la Vertu au combat de l’empereur, tenant un globe nicéphore et couronné par Mars/Virtus (Virtus Aug, fig. 35), l’Arrivée impériale en Italie du nord après la fin de la campagne – l’empereur à cheval, main droite levée, précédé par la Victoire et suivi par Mars portant trophée, sous la ligne d’exergue, un amas d’armes – (Adventus Aug, fig. 36, 38) et le retour à la

53 Le catalogue numismatique de ce donativum de 281 p.C. et l’étude de son contexte historique font l’objet d’un article en préparation.

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Félicité des temps, représentés sous la forme des quatre putti des saisons (Felicia // Tempora, fig. 37, 39). Ces quinaires, connus en tout à 15 exemplaires, sont issus de trois coins d’avers et quatre coins de revers : souvent mal décrits et mal attribués, en particulier par le RIC qui les estime frappés à Rome, les liaisons de coins qui les connectent montrent pourtant qu’ils appartiennent bien à une seule et même émission de donativum.

Les “deniers”, eux aussi pourvus de portraits spectaculaires, continuent d’orchestrer les thématiques de la victoire et de la rénovation des temps. Un portrait militaire casqué, bouclier et lance sur l’épaule s’accompagne de la légende Virtus Probi Invicti Aug (fig. 40-41). L’épiclèse d’Invictus, qui est bien sûr celle de la divinité solaire, se conjugue au revers avec l’image de Sol, radié et nimbé, terrassant au combat un ennemi en costume oriental, commentée par la légende Oriens Aug (fig. 40). C’est la victoire récente sur l’usurpateur Saturninus qui est com-mémorée ici, un rival commodément assimilé à un hostis, remportée en Syrie quelques mois auparavant et qui avait inauguré sous d’heureux auspices cette année 281 du 4e consulat de l’empereur 54. Le même coin de droit est utilisé avec un revers guerrier, cette fois concernant la campagne germanique à peine achevée, dont la légende Virtus Probi Aug redouble celle de l’avers et qui montre l’empereur galopant au cœur de la bataille, perçant de sa lance des ennemis terrassés, suivi par Mars tropaeophore (fig. 41).

54 Sur Saturninus, qui parvint à s’emparer de la Syrie et de l’atelier monétaire d’Antioche à la fin de 280, voir Estiot 2002. Le type solaire est repris d’un type émis à Antioche par Aurélien lors de la reconquête de la Syrie sur la dynastie palmyrénienne, voir par ex. RIC temp 3156, 3160, 3164, 3168, 3171, 3175 sur le site web, révision du RIC V.1 http://www.ric.mom.fr

Fig. 34 Fig. 35 Fig. 36 Fig. 37 Fig. 38 Fig. 39

Fig. 40 Fig. 41 Fig. 42

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La dernière pièce appartenant à ce donativum de 281 est un denier très intéressant (fig. 42) qui porte un revers à connotation séculaire Restitut Seculi, l’empereur en tenue militaire tenant un globe nicéphore et couronné par la Victoire, face à la déesse Rome qui inscrit la mention du renouvellement des Vœux, X/XX, sur un bouclier : c’est la victoire impériale qui garantit le renouvellement du Saeculum et du contrat de Rome avec la divinité. Cette scène complexe est conjuguée avec un avers rarissime et toujours mal décrit dans la littérature numismatique, qui montre l’empereur tenant des javelines plombées, des plumbatae nommées aussi mattiobar-buli dans le langage des camps, l’une, pointe en bas, dans sa main droite, les deux autres dans la main gauche, pointes en haut. Probus est le premier empereur à s’être fait représenter sur son monnayage arborant ces armes de jet, des javelines lestées d’un plomb lancées à la main selon une trajectoire parabolique, dont les attestations écrites (Végèce, De re mil., 1.17 ; Anon., De rebus bell., 10-11) et archéologiques datent au plus tôt des ive-ve siècles 55. Végèce indique que c’était l’arme particulière des soldats de deux légions illyriennes d’élite – on les surnommait d’ailleurs eux-mêmes Mattiobarbuli – qui furent honorés des épithètes de Ioviani et d’Hercu-liani au début de la Dyarchie pour leur bravoure. L’Illyrien Probus avait inauguré ce portrait monétaire impérial en Mattiobarbulus un peu auparavant, dans l’atelier monétaire illyrien de Siscia. Lorsque ce buste représentant Probus maniant des plumbatae-mattiobarbuli réapparaît deux ans après dans une émission de Ticinum destinée à célébrer la victoire germanique de Probus, le message est probablement double. Il s’adresse à ces troupes d’élite illyriennes dont c’était l’arme particulière et qui participèrent sans doute à la victoire, mais fait aussi allusion à l’origine de l’arme elle-même : la très probable étymologie du nom de la plumbata, mattiobar-bulus, remonte au nom de Mattium, l’ancienne capitale du peuple des Chattes, incendiée par Germanicus en 15 p.C., et au peuple des Mattiaci, qui s’étaient détachés des Chattes pour se fixer sur la rive droite du Rhin dans la région sud du Taunus et la Wetterau. Le nom romain de Wiesbaden était Mattiacae Aquae et Trajan créa sur le territoire de Wiesbaden et de Mayence la civitas Ulpia Mattiacorum  ; enfin Kastel qui fait face à Mayence sur la rive droite du Rhin portait le nom de Castellum Mattiacorum 56. Le buste de l’empereur Probus arborant les armes des anciens Mattiaci au droit de ce qui fut un aureus destiné à une libéralité en métal précieux, doit être rapproché de la reprise fidèle sur le multiple d’or (fig. 33), et dans ce même donativum, du médaillon d’Alexandre Sévère au type du Traiectus Rheni sur pont de bateaux. L’imitation d’Alexandre (Sévère) est délibérée : il est probable que l’itinéraire de la campagne de Probus l’a mené de même des environs de Mayence aux vallées du Main et du Neckar, sur les anciennes marches des Champs Décumates, alors abandonnés depuis c. 260, jusqu’en Rhétie sur le haut Danube, contre les Alamans et les Juthunges.

Or les sources écrites nous font défaut pour dater et localiser cette campagne germanique de Probus de 281, et ce pour plusieurs raisons. Dans le livre 1 de l’Histoire nouvelle de Zosime, une lacune d’un cahier dans le seul manuscrit à nous être parvenu nous prive du récit des der-nières années du règne de Probus jusqu’aux Vicennales de Dioclétien (281-305). La situation

55 Sur les représentations numismatiques de l’empereur en Mattiobarbulus, voir Estiot 2008, Drost & Estiot 2010.

56 Voir les nombreuses inscriptions de Germanie supérieure qui l’attestent : CIL, XIII, 6740a, 7061, 7062, 7062a, 7250, 7266, 7271, 7281, 7301, 7317, 7565, 7587, 11803, 11804  ; CIL, XVII/2, 626 ; AE, 1896, 102, 1901, 156, AE, 1997, 1187, etc.

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est encore compliquée par le fait que Zosime, très médiocre historien pour les événements occidentaux, a rassemblé en début de sa narration du règne de Probus des événements qui ne sont pas contemporains, en particulier les campagnes germaniques de Probus sur le limes rhéno-danubien : la numismatique montre qu’il y eut deux campagnes principales, l’une en 277-278 57, l’autre en 281. Du côté des sources latines, nous en sommes réduits, outre les données succinctes des abréviateurs, aux récits fantaisistes de l’Histoire Auguste : c’est particulièrement du côté du Quadrigae tyrannorum avec le récit des usurpations de Proculus et Bonosus, situées à Cologne par le Biographe, que nous trouvons l’écho indirect des invasions alamanniques et des troubles politiques et militaires qu’elles ont causés : Proculus, nous dit-il, “a été utile aux Gaulois pour avoir écrasé les Alamans, non sans gloire et éclat” (Quadr. Tyr., 12.5 ; 13.1 ; 13.3) ; Bonosus, un temps dux limitis Raetici, aurait usurpé le pouvoir par peur de se voir tenu res-ponsable de l’incendie de la flotte militaire romaine sur le Rhin par les Germains (Quadr. Tyr., 14.1  ; 15.1)  - la classis Germanica avait son port d’attache à Cologne-Alteburg 58. À travers ces personnages d’opérette qu’anime l’HA se lisent les difficultés effectives de l’empire à défendre, depuis l’abandon des Champs Décumates, le “limes sec” entre Rhin et Danube. L’accroissement spectaculaire du volume émis en 281 en monnaie courante par les ateliers monétaires occiden-taux (Lyon, mais surtout Rome et Ticinum) atteste l’effort de guerre consenti pour la campagne germanique, dont le donativum de Ticinum célèbre l’achèvement et récompense les protago-nistes, officiers des troupes d’élite engagées et responsables du génie et de la logistique sur les fleuves libérés de la menace alamannique.

Conclusions

Le thème monétaire du Traiectus Aug est d’une insigne rareté, 14 types répartis sur 110 ans de frappe impériale, de 172 à 281 p.C. et cinq règnes, de Marc Aurèle à Probus. À l’exception de sesterces émis au début de la série sous Marc Aurèle, mais dont la rareté actuelle montre qu’ils furent l’objet d’une émission exceptionnelle, tous ces types figurent sur des espèces à haute valeur matérielle et symbolique : d’une part aurei et multiples d’or – parfois assez révérés par leurs destinataires pour être montés et portés en bijoux - ; d’autre part, médail-lons de bronze ou bi-métalliques de grand module, médaillons de petit module, “deniers” et “quinaires”, toutes espèces d’aes qui furent certainement frappées prioritairement en or. Absentes des corpus de référence ou mal décrites, conservées dans les grands médailliers institutionnels qui n’ont pas publié leurs collections, victimes de la séparation que la science numismatique impose artificiellement entre monnayage “courant” et médaillons, leur ras-semblement n’est pas aisé. Et encore moins leur mise en perspective au sein plus large d’une émission et du réseau des frappes. À cela s’ajoute l’écueil de leur haute valeur vénale : essayer de cerner les destinataires de ces frappes très spécifiques, saisir leur trajectoire, carrière et déplacements, pourrait se faire via une approche contextuelle, la composition des trésors où ils se trouvent inclus surtout pour ces trésors d’or – Rennes, Beaurains, Lava, Partinico – dont

57 Estiot 2006.58 Sur les usurpations et le monnayage de Proculus et Bonosus, ainsi que sur le contexte militaire de 281

et l’effort de guerre, en particulier monétaire, lié à cette campagne germanique de Probus, voir Estiot 2014.

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chacun apporte une moisson d’aurei et multiples d’or inédits et où la démultiplication des ateliers émetteurs apporte de précieuses informations géographiques. Mais de tels assem-blages en or sont éparpillés en vente dès qu’exhumés, le plus souvent en infraction avec la législation qui protège les fouilles archéologiques et les biens culturels.

Malgré tout, l’étude de ce thème monétaire du Traiectus permet d’intéressants constats. Au moment où les grands fleuves marquent la frontière de l’empire et constituent avec leurs affluents de remarquables voies de pénétration dans le Barbaricum – de même qu’inverse-ment leur étirement offre d’innombrables points de franchissement aux raids barbares –, les flotilles fluviales offrent un appui indispensable, de surveillance des rives par leurs pa-trouilles, d’acheminement du ravitaillement et du train des armées, d’appui tactique des offensives par la fourniture de bateaux, d’équipages et d’officiers. Inversement, l’armée de terre dispose de corps de soldats du génie et de services de pontonniers capables d’assurer la pénétration en profondeur du territoire ennemi, le passage à travers fleuves, estuaires ou marais, que ce soit en transportant le matériel nécessaire avec son train ou en fabriquant les embarcations sur place quand de besoin. Le thème du Traiectus, le plus souvent fluvial, mais aussi maritime dans le cas de l’expédition persique de Gordien III où le thème du Traiectus trouve sa plus riche orchestration, tranche sur le répertoire monétaire généralement usité : loin des personnifications abstraites et symboliques qui peuplent les revers, Fides, Laetitia, et autre Concordia, la scène est d’un réalisme figuratif qui la met à part.

L’apparition du thème iconographique du Traiectus gagne à être replacé dans le réseau des frappes connexes et, par l’étude des liaisons de coins, dans l’émission dont il est un élé-ment. Hommage direct à des corps d’armée en général rarement mis à l’honneur, mais à qui l’Empire doit concrètement une victoire – génie militaire des légions et support logistique des flottes impériales, fluviales ou maritimes –, ces pièces exceptionnelles sont formatées pour être distribuées directement à leurs cadres et officiers, et de la main-même de l’empereur. Datées avec soin, et parfois dans une fourchette chronologique très étroite de deux ou trois mois, il s’agit d’espèces de prestige récompensant les services rendus au cours de campagnes militaires, toujours lointaines, où l’allongement des distances et les difficultés de la topographie rendent l’accompagnement logistique crucial. Danube et ses affluents de rive gauche sous Marc Aurèle ; Firth of Forth et fleuves côtiers de Britannia et d’Écosse sous Septime Sévère et Caracalla  ; Rhin, Main, Neckar et haut Danube pour Alexandre Sévère, et plus tard Probus ; Propontide et Euphrate pour Gordien III : les traversées sont autant de prises de risque pour l’armée et l’intendance si bien qu’elles nécessitent une attention particulière et sont confiés à des offi-ciers de premier plan chargés de commandements complexes : préfecture de flottes unifiées ; protection des convois annonaires fluviaux par des corps mixtes de marins et d’éclaireurs ter-restres, etc. Ce n’est pas un hasard si, lorsque la numismatique déploie le thème du traiectus, nous trouvons chez les historiens contemporains, malgré leurs apories et précisément lors des campagnes militaires concernées, l’accent mis sur la construction de ponts de bateaux ou les difficultés de l’acheminement de l’approvisionnement, ou que l’épigraphie nous fournit le détail de certaines de ces carrières particulièrement honorées. Ces hommes aux compétences multiples devaient être récompensés par l’or, les corps spécialisés qu’ils commandaient par des gratifications de moindre valeur métallique : un devoir et une garantie pour l’avenir dont ne s’abstinrent pas non plus les compétiteurs et successeurs des princes concernés, Maximin pour Alexandre Sévère, Philippe pour Gordien.

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Ventes et collections privées21 : NFA 25, 29/11/1990, 441 (ex-coll. Mazzini III, 342)32a (Germè) : CNG 90, 23/5/2012, 95632b (Lysias) : M&M Deutschl. 16/5/2005, 57132c (Antioche de Pisidie) : CNG 90, 23/5/2012, 107032d (Ikonion) : Roma Numismatics 3, 31/3/2012, 52132f (Séleucie du Kalyk.) : CNG EA 127, 23/11/2005, 18133 : Tkalec40 : Gorny & Mosch 207, 15/10/2012, 68941 : Coll. privée (ex-Emporium 52, 18-19/11/2004, 612)

Crédits photos© S. Estiot : 1, 9-13, 15, 19, 24, 27, 34-39, 42© T. Bardin : 18, 20, 22, 23, 29© S. Hurter : 16, 17, 33© M. Lacanaud : 3, 4, 5© G. Ortiz : 16b

Cet ouvrage collectif, issu d’une table ronde organisée à Paris par l’UMR 8210 (AnHiMa), présente une douzaine de communications consacrées à la manière dont étaient payés les soldats de l’armée romaine. Écrites en français ou en anglais par des historiens, des numismates et des papyrologues, elles abordent différents aspects des rémunérations, en espèce ou en nature, accordées au miles  : l’administration et le montant de la solde, les prestations en nature, le numéraire utilisé, les gratifications exceptionnelles, la propagande impériale qui s’exprime à travers les émissions et les images monétaires, depuis les guerres civiles de la fin de la République jusqu’au début de l’Antiquité tardive. L’ouvrage fait en même temps le point des connaissances actuelles mais aussi des questions toujours débattues entre spécialistes. Le lecteur y trouvera au passage une riche bibliographie qui associe les réflexions sur les sources historiques, numismatiques et papyrologiques. L’introduction de J. Andreau, et la conclusion, écrite par M. Christol, permettent de replacer cet ensemble de contributions dans l’évolution des recherches actuelles.

This collection of essays, arising from a seminar organized in Paris by UMR 8210 (AnHiMa), presents a dozen papers devoted to the study of the payment of Roman soldiers. Containing papers in French and English by experts from different specialities, historians, numismatists and papyrologists, it examines various aspects of the payment of the troops, both in cash and in kind: the administration and the amount of the salary, payments in kind, coin types used, exceptional rewards, the ways in which imperial propoganda was communicated by means of particular coin issues and their images, all within a temporal range running from the civil wars that brought an end to the Republic up to the beginning of Late Antiquity. The volume gives both a picture of the state of research on these topics and covers a series of questions that are still debated by experts in the field. Readers will also find a rich bibliography covering the historical sources, numismatics and papyrology. The introduction, from the pen of J. Andreau, and the conclusion, by M. Christol, help to contextualize the collection as a whole in relation to current research.

De l’or pour les braves !Soldes, armées et circulation monétaire

dans le monde romain

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l’or p

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ScriptaAntiqua 69

textes réunis parMichel REDDÉ

isbn

978-

2-35

613-

117-1

issn

1298-

1990

prix 25 € Ausonius

http://ausoniuseditions.u-bordeaux3.fr/fr/

De l’or pour les braves !

textes réunis par