Les obligations militaires entre alliés (Tillatum in Old Babylonian Mari)

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Sous la direction de Jacques Bouineau DROIT INTERNATIONAL ASPECTS POLITIQUES Mutations et recompositions de l’espace méditerranéen MÉDITERRANÉES (2014) L’Harmattan

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Sous la direction de

Jacques Bouineau

DROIT INTERNATIONAL ASPECTS POLITIQUES

Mutations et recompositions de l’espace méditerranéen

MÉDITERRANÉES (2014) L’Harmattan

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Sommaire

Jacques Bouineau

Editorial .............................................................................................. 11

Burt Kasparian La question du droit de la guerre dans les sources égyptiennes du Nouvel Empire .................................................................................... 13

Philippe Abrahami Les obligations militaires entre alliés d’après le témoignage des archives de Mari de l’époque paléo-babylonienne (ca 1810-1761 av. J.-C.) ................................................................................................... 43

Laurent Hecketsweiler « Juris religiosissimus ». Observations sur la dévitalisation de la formule en droit .................................................................................. 71

Nasser Suleiman Gabryel

Anthropologie politique des altérités : l’ordre narratif de l’Islam classique et ses « Autres »………………………………………….115

Hassan Abdelhamid Le droit de la paix dans la pensée musulmane classique…………..135

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Les obligations militaires entre alliés d’après le témoignage des archives de Mari

de l’époque paléo-babylonienne (ca 1810-1761 av. J.-C.)

1. Le site de Mari et sa documentation

Le site de Mari (actuel Tel-Hariri) se trouve dans la région du Moyen Euphrate à une quinzaine de kilomètres de la frontière syro-irakienne. Depuis sa découverte fortuite en 1933, quarante-six campagnes de fouilles ont été conduites par des missions françaises. Les découvertes archéologiques et épigraphiques réalisées dans les différents secteurs du tell permettent d’étudier l’organisation sociale, politique et religieuse d’une grande cité depuis sa fondation, au début du 3e millénaire, jusqu’à sa destruction en 1760 av. J.-C par les armées du roi babylonien Hammurabi1.

Les 20 000 tablettes cunéiformes, pour la plupart provenant du Grand Palais, constituent l’un des lots de documents cunéiformes les plus importants du Proche-Orient 2 . La plus grande partie de cette documentation, qui couvre une période relativement courte d’un demi-siècle (ca. 1810-1761 av. J.-C.), est essentiellement concentrée sur les règnes de Yasmah-Addu (1792-1776 av. J.-C.) et de Zimri-Lim (1775-1762 av. J.-C.)3.

1 Pour une synthèse de l’histoire de la ville, cf. notamment MARGUERON 2004. Concernant la fin de Mari, cf. en particulier CHARPIN et ZIEGLER 2003, p. 242-245. 2 Cf. la carte dans LION et MICHEL 2008, p. 11. Le site continue de livrer une documentation épigraphique abondante : environ 2 000 tablettes ont été mises au jour durant les campagnes des années 1998-2002, cf. CAVIGNAUX et COLONA D’ISTRIA 2009, p. 51-68. 3 Cf. CHARPIN et ZIEGLER 2003 pour l’histoire politique de cette période dite amorrite. Les dates en chronologie absolue sont tirées de cette étude, cf. p. 262.

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Ces textes relèvent principalement de deux catégories. D’une part, des documents de gestion administrative et comptable (bilan, inventaire, compte de dépenses et d’entrées, billets à ordre, etc.) qui concerne le royaume et à la maisonnée du roi. D’autre part, des lettres, qui sont pour la plupart adressées au souverain par les membres de sa famille, les rois étrangers, les gouverneurs de province et les fonctionnaires en mission à l’extérieur 4 . C’est en général dans cette documentation que sont mentionnés de façon explicite les évènements politiques et militaires qui concernent : le royaume de Mari proprement dit, sa sphère d’influence, notamment les cités-états du triangle du Habur en Haute Mésopotamie, ainsi que les autres grands royaumes du Proche-Orient (Larsa, Babylone, Ešnunna, l’Elam, Alep, Ugarit, Qatna et Haṣor).

2. Présentation du sujet

Les affaires militaires occupent une place centrale dans la documentation de Mari. Les questions traitées se reflètent autant dans la documentation administrative qu’épistolaire : recensement de conscrits ; préparatifs de campagne, comptes rendus d’opérations militaires, règlements de toutes sortes de problèmes relatifs au paiement des soldes, à la discipline, à la durée du service ou encore à l’affectation des tenures militaires. La présente étude concerne plus particulièrement les divers aspects du soutien militaire extérieur et les modalités de sa mise en œuvre.

3. L’aide militaire : une obligation mutuelle

L’importance du dispositif allié dans la constitution des armées partant en campagne est très clairement exprimée par un passage d’une lettre envoyée au roi de Mari par Itur-Asdu, le gouverneur de la province de Nahur. Le degré de suprématie des souverains proche-orientaux y

4 Pour une présentation de la typologie des sources épigraphiques de la période concernée et leur exploitation, cf. notamment CHARPIN et ZIEGLER 2003, p. 8-18.

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apparaît comme fonction de leur capacité à nouer des alliances avec des rois subalternes afin d’en obtenir un soutien militaire :

« Il n’y a pas de roi qui soit puissant (uniquement) par ses propres forces. Dix ou quinze rois suivent Hammurabi de Babylone, autant suivent Rim-Sin de Larsa, autant Ibal-pi-El d'Ešnunna, autant Amut-pi-El de Qatna. Vingt rois suivent Yarim-Lim du Yamhad5 […] »

Dans une autre lettre, le roi de Mari est quant à lui crédité de dix-sept rois et princes de la région du Haut-Habur, susceptibles de lui apporter leur appui, lorsque le royaume est attaqué par Ešnunna en 1772 av. J.-C.6.

Ces blocs, constitués d’un nombre relativement important de rois rassemblés autour de leur suzerain, trouvent leur origine dans un phénomène de « ban » et d’« arrière-ban » : la convocation au service militaire d’un vassal direct concernait également les rois qui agissaient sous son autorité7. C’est ce que suggère, notamment, le fait que la déclaration de fidélité d’Atamrum au roi de Mari intervient en présence « des sept rois qui se tiennent à son (= Atamrum) service et devant toutes les troupes alliées8 ».

Les lettres de Mari montrent que l’on a affaire à un soutien mutuel qui ne dépend pas du rang des parties prenantes l’une par rapport à 5 A.482, 24-27 : ú-ul i-ba-aš-ši lugal ša a-na ra-ma-ni-šu-ma da-an-nu, wa-ar-ki ha-am-mu-ra-bi lú ká-dingir-raki 10 15 lugal-meš i-la-ku wa-ar-ki ri-im-[dsu']en lú la-ar-saki qa-tam-ma wa-ar-ki i-ba-al-pí-AN, lú èš-nun-naki, qa-tam-ma, wa-ar-ki a-mu-ut-pí-AN lú qa-ta-nimki qa-tam-ma, wa-ar-ki ia-ri-im-li-im lú ia-am-h[a-a]dki 20 lugal-meš i-la-ku […] cf. DOSSIN 1983, p. 114. 6 A.3591. Ce groupe de personnalités compte, parmi les plus importantes d’entre elles, les rois de Kurda, Razama, Apum, Ilan-ṣura et Kahat, cf. GUICHARD 1994, p. 256-257. 7 Sur la question du « système féodal » et de l’utilisation des termes de « suzerain » et « vassal » pour décrire les relations socio-politiques des royaumes proche-orientaux de cette période, on se reportera à l’analyse de LAFONT 2001, p. 261. 8 ARM 26/2 404, 15-16 : 7 LUGAL.MEŠ ša mah-ri-šu i-za-az-zu ù ma-har ṣa-ab til-la-t[im], ka-li-{LI}-ši-na. Pour cette lettre, cf. ci-dessous § 7.7.

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l’autre. Si dans la lettre d’Itur-Asdu, l’aide militaire est apportée par le vassal à son suzerain, le transfert de troupes existe aussi entre rois d’importance égale9. Le caractère symétrique des engagements se traduit également par le fait que les échanges de troupes existent dans le sens « descendant », du roi dominant vers le roi assujetti10.

On remarque d’ailleurs que la défaillance du suzerain à garantir la protection militaire que ses vassaux étaient en droit d’attendre de lui est à même de remettre en question leur allégeance. C’est ce qui ressort des propos des vassaux du Nord de Zimri-Lim en proie à l’invasion d’Ešnunna : le roi de Mari, occupé à défendre le flanc méridional du royaume, ne leur apporte qu’un soutien limité. Il est alors soumis à des critiques acerbes de leur part, qui lui sont rapportées par le général Yassi-Dagan.

« Où est donc Zimri-Lim que vous recherchiez pour être un père pour vous ? Lorsque lui circule en chaise à porteurs vous allez derrière lui. Pourquoi maintenant n’est-il pas venu vous sauver ? […] Zimri-Lim a retenu ses bonnes troupes et il nous a envoyé des troupes médiocres, avec elles nous succomberons11 ! »

Les rois « puissants » énumérés par Itur-Asdu ont d’ailleurs souvent cherché à obtenir le ralliement des rois vassaux appartenant à un autre réseau d’alliance : le meilleur moyen de provoquer de tels transferts était

9 Voir par exemple la lettre ARM 26/2 385 qui mentionne les termes de l’alliance soumise à Zimri-Lim de Mari par Hammurabi juste avant l’attaque de la ville de Maškan-šapir (§ 6). 10 La présentation des devoirs réciproques du suzerain et de son vassal dans le domaine militaire et la notion de de symétrie des engagements dans les traités sont abordées par LAFONT 2001, p. 247-248, p. 287 et p. 291. 11 A.1025, 15-18 et l. 69-70 (LAPO 17 545) : ù a-na lugal-meš a-wa-tam ki-a-am iṣ-ṣa-ba-at-ma um-ma-a-mi a-li-ma zi-im-ri-li-im, ša a-na a-bu-ti-ku-nu te-ši-a-šu-ma i-nu-ma šu-ú i-na gišnu-ba-lim ra-ak-bu, at-tu-nu wa-ar-ki-šu-nu ta-al-la-ka am-mi-nim i-na-an-na la il-li-kam-ma, la ú-še-zi-ib-ku-nu-ti […] zi-im-ri-li-im ṣa-ba-šu dam-qa-am ik-la-ma, ṣa-ba-am da-al-la-am a-na ṣe-ri-ni iṭ-ru-dam-ma it-ti-šu-nu ni-ma-at, cf. KUPPER 1990, p. 337-340.

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la promesse d’un soutien militaire. Pour obtenir le basculement dans son camp d’un roi d’une ville de Haute-Mésopotamie, Ṣilli-Sin d’Ešnunna charge ses messagers de lui déclarer :

« Zimri-Lim et le roi de Babylone, quel roi ont-ils jamais aidé militairement, et à quel pays ont-ils jamais touché le menton. Allons ! Si tu repousses l’alliance avec Zimri-Lim, le roi d’Ešnunna mettra à ta disposition un puissant contingent allié12. »

Dans la lettre A. 2988+, les propos tenus par Yarim-Lim d’Alep suggèrent qu’il ne suffit pas d’envoyer des troupes, encore faut-il qu’elles soient expérimentées13. Celui-ci jugeait que le contingent octroyé à Zimri-Lim de Mari valait les troupes qu’Ešnunna serait susceptible de lui prêter au cas où le roi de Mari déciderait de conclure une alliance avec ce pays :

« Est-ce que je ne suis pas meilleur pour Zimri-Lim qu’Ešnunna ? Ou bien n’ai-je pas des troupes équivalentes à (celles d’)Ešnunna14. »

4. Les effectifs impliqués dans les transferts de troupes entre alliés

Dans la documentation de Mari, et en particulier dans les lettres, les indications relatives à la taille des unités militaires sont très fréquentes. Les fonctionnaires royaux ont à cœur de préciser l’envergure des mouvements de troupes. En effet, de ce type d’information découlait tout un train de mesures relatives à l’organisation de la défense du royaume ou à la réalisation des campagnes militaires.

12 ARM 26/ 2 423, 45-48 : ú-ul i-ba-aš-ši zi-im-ri-li-im ù a-lim ma-riki a-tam-ri-im, ù lú ká-dingir-raki, lugal a-ye-em it-lu-lu ù sú-qa-at ma-tim a-yi-tim, il-pu-tu at-la-kam qa-tam it-ti zi-im-ri-li-im, <ta>-na-pa-aṣ-ma ti-la-tam ra-bi-tam lú-èš-nun-naki, i-me-ed. 13 Sur la question du niveau des troupes transférées, cf. également § 5.2 les traités de Tell Leilan : L.T.3 et L.T.4. 14 A.2988+, 30-36 (LAPO 16 282) : a-na-ku e-li èš-nun-naki ú-ul dam-qa-ak-šum, ù-lu-ma ṣa-ba-am ki-ma èš-nun-naki, ú-ul i-šu, cf. CHARPIN 1991, p. 161.

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Les données concernant plus spécifiquement les troupes alliées sont aussi très abondantes. Il est ainsi possible d’évaluer l’importance des apports extérieurs qui étaient réglés dans le cas des vassaux par un système de quote-part (munûtum), auquel la lettre ARM 26/2 329, 6’ fait allusion.

Quelques chiffres permettront d’en juger. On se limitera ici aux contributions reçues par le royaume de Mari, dont l’armée, constituée des troupes permanentes et de celles issues des levées, a pu compter, selon les périodes, un total de cinq à dix mille hommes :

Nombre de soldats (pays d’origine)15 Campagne de Qatna (1780-1779) 6000 (Ešnunna) Guerre de succession (1773) 3000 (Ešnunna) Guerre contre Ešnunna (1771) 5000 (Babylone) Guerre contre l’Elam (1765) 5000 (Babylone) Expédition dans le Nord (1762) 1000 (Babylone) Pour divers expéditions 2000/3000 (vassaux du Haut-Habur)

5. Les obligations militaires dans les traités d’alliance

La documentation de Mari a livré quatre traités internationaux, dont trois stipulent de manière plus ou moins détaillée des engagements militaires16.

La récente publication des textes de Tell-Leilan (l’ancienne Apum), un site du Nord de la Mésopotamie, permet d’élargir le corpus des accords internationaux. Cette documentation, légèrement postérieure à 15 Pour ces données, on se reportera à ABRAHAMI 1992, p. 161-164. 16 D’autres traités figuraient peut-être parmi les documents de la chancellerie mariote sélectionnés par les autorités babyloniennes pour être emportés. Sur cette question, cf. CHARPIN 1995, p. 34-35 et p. 37-38 avec la bibliographie antérieure. Le nombre restreint d’accords internationaux dans la documentation de Mari trouve aussi une explication probable dans le fait que les alliances n’ont pas été systématiquement soumises à l’écrit. Les déclarations d’intentions (ci-dessous § 6), formulées dans les lettres, ont peut-être garanti un niveau d’engagement suffisant.

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celle de Mari, compte en effet sept traités, qui ont donc été intégrés à la présente étude17.

Du point de vue de leur structure, les textes des traités de Mari et d’Apum partagent une identité de forme : les plus complets se présentent comme un serment prêté unilatéralement, qui mentionne les dieux par lesquels on jure, les clauses de l’engagement et la liste des malédictions qui affecteront le parjure18.

5.1 Les traités retrouvés à Mari

La question militaire est évoquée de manière générale par deux des traités de Mari. Dans l’accord entre Zimri-Lim de Mari et Hammurabi de Babylone (1765 av. J.-C.), ce dernier s’engage à n’entretenir aucune relation diplomatique avec l’Elam et à ne pas conclure de paix séparée avec ce pays19. Dans le traité qui est conclu une année plus tard avec le roi de Mari, Atamrum d’Andarig jure de ne pas commettre « tant qu’il vivra de méfait contre Zimi-Lim, fils de Yahdun-Lim, roi de Mari et du pays bédouin, contre sa ville, son armée et son pays20 ». La clause du traité, qui est citée dans la lettre ARM 26/2 372, sur laquelle le roi d’Andarig doit s’engager vis-à-vis de Hammurabi de Babylone, évoque

17 Pour l’édition de ces accords, cf. EIDEM 2011, p. 310-438. La présentation d’ensemble de cette documentation figure p. 310-345. Le traité L.T.1 d’Apum est en fait contemporain du règne de Zimri-Lim, cf. ci-dessous n. 25. 18 Pour une étude détaillée des traités de Mari qui inclut, outre les questions de formes, l’analyse des modalités de l’élaboration de ces accords et les rituels associés à leur conclusion, cf. LAFONT 2001, p. 283-288 avec la bibliographie antérieure. Les traités d’Apum, qui étaient pour la plupart encore inédits au moment de la réalisation de l’étude de B. Lafont y sont également présentés ainsi que deux autres textes d’accords plus ou moins apparentés provenant du Sud de la Mésopotamie (Uruk et Tell Asmar), cf. p. 287-288. 19 M.6435+ (LAPO 16 290), cf. DURAND 1986, p. 111-118. 20 M.7750 (LAPO 16 291), 5-9 : a-di ba-al-ṭà-ku, a-na zi-im-ri-li-im dumu ia-ah-du-li-im, [luga]l ma-riki ù ma-a-at ha-na, [a-li-š]u ṣa-bi-šu ù ma-ti-šu, [la] ú-gal-la-lu, cf. JOANNES 1991, p. 167-169.

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aussi des dispositions larges : « Sois hostile avec mes ennemis et sois en bons termes avec mes amis21. »

Des considérations beaucoup plus précises concernant les modalités d’une coopération militaire sont présentes dans le traité entre Zimri-Lim et Ibal-pi-El d’Ešnunna, conclu en 1770 av. J.-C. après la guerre qui avait opposé les deux royaumes22. Le texte est cependant assez mal conservé. En effet, plus de la moitié de la tablette a été perdue, et les 68 lignes qui nous sont parvenues ne sont pas toujours complètes. Pour autant qu’on puisse en juger néanmoins, les points de l’alliance sur lesquelles s’engage le roi de Mari semblent cependant tous à caractère militaire :

� La clause § 2’ (col. ii, 2’-12’) indique que le roi de Mari n’enverra pas son armée et celles de ses propres alliées avec des instructions dont les termes n’ont pas été conservés.

� De la clause § 3’ ne subsiste qu’une phrase mentionnant : « Le lieu de la bataille et du combat, le lieu du rempart et du campement des troupes d’Ibal-pî-El23. » Cette séquence évoque peut-être l’armée en expédition à travers différentes situations de combat (en rase campagne ou contre une ville) et lors de son stationnement. On pourrait envisager que la clause en rapport avec cette énumération concernait l’engagement à fournir en toute circonstance l’assistance militaire demandée.

� La clause § 4’ (col. iii’, 1’-9’) se rapporte à la promesse du roi de Mari de garder secret l’ordre de mobilisation de l’armée d’Ešnunna et de ses alliées ainsi qu’à ne pas divulguer le contenu des délibérations auxquelles il assiste.

21 ARM 26/2 372, 58-59 : [it-ti na-ak-ri-ia], lu-ú na-ak-ra-a-ta it-ti sa-li-mi-ia [lu-ú sa-al-ma-a-ta]. 22 A.361 (LAPO 16 292), cf. CHARPIN, 1991, p. 141-147. 23 Col. ii, 13’-14’ : a-šar gištukul-meš ù ta-ha-zi-im a-šar du-ri-im, ù sa-ak-ni-im ša ṣa-bi-im ša i-ba-al-pí-AN.

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� Dans la clause § 5’, l’évocation de différents lieux et moments suggère les circonstances d’une attaque par surprise : « […] dans un terrain en friche, sur la route, sur le chemin […], sur le passage, dans l’oued, dans le fleuve […], dans une embuscade, pendant la nuit, pendant le repos, du[rant…]24. » Comme dans § 2’, il est question des ordres que le roi de Mari s’engage à ne pas donner à ses armées. Leur contenu a également disparu dans la cassure de la tablette. Etant donné le contexte, on pourrait considérer qu’il est question de la promesse du roi de Mari de ne pas engager d’hostilité contre les troupes de son allié.

5.2 Les traités de Tell-Leilan, l’antique Apum

Les obligations militaires sont évoquées dans quatre des sept traités de Tell-Leilan :

- L.T.1 conclu entre Haya-abum d’Apum et Qarni-lim d’Andarig et un roi non identifié du pays de Sumum25 ;

- L.T.2 conclu entre Mutu-Abih d’Apum et Hazip-Teššup de Razama26 ;

- L.T.3 conclu entre Till-Abnu d’Apum et Yamṣi-Hadnu de Kahat27 ; - L.T.4 conclu entre Till-Abnu d’Apum et probablement Yamṣi-

Hadnu28.

Dans L.T.1 et L.T.2, le volet militaire de l’alliance apparaît dans des termes généraux. Le roi de Sumum déclare avoir juré « fraternité, aide militaire, amitié, une paix stable fondée sur de bons principes et des

24 Col. iii’, 19’-21’ : […] i-na a-šà na-di-im i-na kaskal i-na ṭú-di-i[m…], i-na mé-te-qí-im i-na na-ah-li-im i-na i7-da […], i-na šu-ub-tim i-na mu-ši-im i-na ṣa-la-lim i-[na…]. 25 EIDEM 2011, p. 346-367. Ce traité est contemporain des années 1770 av. J.-C.–1765 av. J.-C. de Zimri-Lim, cf. EIDEM 2011, p. 325. 26 EIDEM 2011, p. 368-386. 27 EIDEM 2011, p. 387-406. 28 EIDEM 2011, p. 407-416.

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paroles honnêtes et sincères29 ». Et c’est à peu près le même discours que prononce Mutu-Abih lorsqu’il prête serment30. La partie qui s’engage, dans ces deux traités et dans L.T.4, déclare aussi que l’accord lie « ses fils, ses serviteurs, son armée (ṣabum), son territoire de pâturage (nawûm) et son royaume (namlakatu)31 ». La clause de confidentialité (§ 4’) du traité entre Zimri-Lim et Ibal-pî-El d’Ešnunna (ci-dessus § 5.1) est également présente dans L.T.1 et L.T.2 : les affaires secrètes que l’une et l’autre des parties se diront ne doivent pas être divulguées32.

L.T.1 évoque la tentative de l’ennemi d’attirer dans son réseau d’alliance le roi de Sumum en l’achetant avec « de l’argent, de beaux trésors (naṣirtam damiqtam), de belles curiosités (ašlalêm damqam), une ville, un tribut (biltum) ». Celui-ci promet d’ignorer ce type de manœuvre et s’engage à « ne pas aller avec l’ennemi et ses lances33 ».

Les accords L.T.2, L.T.3 et L.T.4 mentionnent, dans des termes parallèles, certaines modalités de l’aide militaire. La partie qui prête serment s’engage sur trois points :

1) dépêcher de bonnes troupes sous la direction d’un officier fiable (taklum) ;

2) ne pas restreindre leur champ d’action et s’assurer qu’elles prendront pleinement part au combat ;

3) ne pas leur donner d’ordre de repli au moment des combats avec l’intention de provoquer la défaite de l’alliée.

29 EIDEM 2011, p. 353 et p. 364, L.T.1 = L87-1456, col. v, 10’’’-16’’’ : at-hu-tam ti-lu-tam [ra]-i-mu-tam, sa-li-im ke-na-tim š[a a-wa]-ti-in dam-qa-tim, at-wa-am ša li-ib-bi-im ga-am-ri-im. 30 EIDEM 2011, p. 372 et p. 382, L.T.2 = L.87-150+, col. iv, 34’-36’. 31 EIDEM 2011, p. 347 et p. 359, L.T.1 = L.87-507b+, col. i, 10’-12’ et EIDEM 2011, p. 374 et p. 383, L.T.2 = L. 87-150+, col. v, 27’’-29’’ ; EIDEM 2011, p. 409 et p. 414, L.T.4 = L.87-924a, col. ii, 4-6. 32 EIDEM 2011, p. 349 et p. 361, L.T.1= L87-203+, col. iv : 6’’-10’’ et EIDEM 2011, p. 372 et p. 381, L.T.2= L.87-150+, col. iv, 21’ -25. 33 EIDEM 2011, p. 351 et p. 362, L.T.1 = L87-734, col. v 1-15.

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« Lorsque Mutiya fils de Halun-pi-yumu, le roi du pa[ys d’Ap]um envoie un message demandant des troupes d’a[ide], ce jo[ur-là] très certainement, je lui enverrai mes bonnes troupes et un commandant fiable. Je n’émett[rai pas d’obje]ction, je ne dirai pas à mes troupes de rester sans rien faire. A mes troupes et à celui qui les commande, je ne dirai pas : “Lorsque la troupe de Mutiya [fils] de Halun-pi-yumu, roi du pays d’Apum, s’approchera de son ennemi pour le [comb]attre, [réalisez?] le plan d’un complot, démobilisez-vous de sorte que (l’ennemi) tue [Mut]iya et son armée.” (Ces paroles) je ne dirai pas, je ne (les) [ferai pas d]ire, je n’en donnerai pas l’ordre ni n’e[nverrai de missive (à ce sujet)]34. »

On le voit bien, outre le niveau des troupes, ce qui apparaît ici, c’est une double exigence : un engagement sans limite et une confiance totale dans le contingent allié. Ce dernier aspect est aussi illustré dans l’accord L.T.3. où il est question du danger potentiel que représentent les troupes alliées pour le pays d’accueil. Ainsi Till-Abnu s’engage à ne pas profiter de la présence militaire de ces soldats dans la capitale et les autres villes du royaume de Kahat pour en prendre le contrôle35.

L.T.3 mentionne également le fait que le contingent de Till-Abnu envoyé en aide, « joindra les armes » (gištukul-há šutēmudu) avec l’armée de Kahat et partagera sa « couche » (rubṣum)36. Ces deux aspects de la 34 EIDEM 2011, p. 370 et p. 379, L.T.2 = L. 87-1392a, col. iii, 1-19 : i-nu-ma mu-ti-ia dumu ha-lu-un-pí-mu, lugal ma-a-[at a-p]í-imki, a-na ṣa-ab n[i-ih-ra-ri]-im iš7-ta-ap-ra-am, i-na u4-mi-š[u-m]a ṣa-bi dam-qa-am, ù a-lik pa-an ṣa-bi-ia ta-ak-lam, lu-ú a-ṭà-ar-ra-du, né-me-et-t[am la a-r]a-aš-šu-ú, ṣa-bi ú-ul ri-iq la a-qa-ab-bu-ú, a-na ṣa-bi-ia ù a-lik pa-an ṣa-bi-ia, ki-a-am la a-qa-ab-bu-ú u[m-m]a a-na-ku-ma, i-nu-ma ṣa-bu-um ša mu-ti-ia [dumu] ha-lu-un-pí-mu lugal ma-a-at a-pí-imki, [a-n]a pa-an lú-kúr-šu, [a-na gištu]kul-meš e-pé-ši-im is-sà-an-qú, [… š]a ú-zu-un sà-ar-tim, pu-uṭ-ra-m[a mu-t]i-ia, ù ṣa-ba-šu [i-d]u-ku, la a-qa-ab-bu-ú l[a ú-š]a-aq-bu-ú, la ú-wa-a-ru l[a a-ša-ap-pa-ru]. Pour les passages parallèles, cf. EIDEM 2011, p. 389 et p. 398, L.T.3 = L.87-1362+, col. ii, 10-14 et EIDEM 2011, p. 410 et p. 415, L.T.4 = L.87-924a, col. iii, 1-10. 35 EIDEM 2011, p. 389 et p. 398, L.T. 3 = L87-1362+, col. ii, 19-24. 36 EIDEM 2011, p. 389 et p. 398, L.T.3 = L.87-1362+, col. ii, 15-18.

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coopération militaire sont évoqués à plusieurs reprises par les lettres de Mari (§ 7.3 et § 7.5).

6. Les déclarations d’intention concernant l’engagement militaire

Il est assez fréquent que les engagements d’assistance militaire fassent l’objet d’une déclaration mentionnée dans un échange de correspondance37. Dans leur formulation, ces ententes sont exprimées de façon large, comme c’est parfois le cas avec les clauses des traités (§ 5). La symétrie des engagements y est aussi clairement exprimée : l’offre d’assistance militaire de Hammurabi de Babylone proposée à Zimri-Lim de Mari est ainsi formulée :

« [Celui qui m’envoie ses troupes], lorsqu’il me demandera des troupes, je lui enverrai des troupes et je lui ferai réaliser son projet. Mais celui qui ne m’envoie pas ses troupes, lorsqu’il m’écrira à propos de troupes, je ne lui donnerai aucune troupe38. »

7. Les modalités pratiques de l’assistance militaire

Les clauses des traités et les déclarations d’intention de soutien militaire que l’on rencontre dans les lettres constituent des accords-cadres qui se veulent le plus souvent très larges, de façon à assurer chacune des parties d’un soutien militaire sans faille et sans condition préalable.

37 Sur ce point, cf. LAFONT 2001, p. 290 qui rapproche la correspondance contenant de telles promesses à des « lettres d’intention ». 38 ARM 26/2 385, 1’’-6’’ : […], [i-n]u-ma ṣa-ba-am i-ri-ša-an-ni, ṣa-ba-am a-na-di-šum-ma, ṣí-bu-sú ú-še-pí-sú, ša ṣa-ba-šu la i-ṭà-ra-dam, i-nu-ma aš-šum ṣa-bi-im i-ša-pa-r[a-am], mi-im-ma ṣa-ba-am ú-ul a-na-di-[šum]. La même proposition est soumise par Hammurabi à Zimri-Lim dans ARM II 33, 7-8 (LAPO 17 583). On y retrouve l’expression « réaliser le projet » (ṣibutam kašādum). Pour d’autres exemples illustrant ces ententes militaires dans le contexte des lettres, cf. TH. 72.8+ (LAPO 16 249) ; ARM 26/2 367, 14-20 et ARM 26/2 368, 12-16 (LAPO 17 584), cités par LAFONT 2001, p. 290.

Les obligations militaires entre alliés d’après les archives de Mari

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La mise en œuvre de l’assistance militaire sur un plan pratique apparaît essentiellement dans la correspondance adressée au roi de Mari par ses alliés et ses serviteurs, de même que dans les documents comptables. Différentes aspects y sont traités, tels que : la logistique (hébergement – approvisionnement), la constitution d’unités conjointes et la rémunération (sous forme de « cadeaux » et de parts de butin).

7.1 La cérémonie d’accueil des contingents alliés

Plusieurs lettres montrent que l’arrivée des troupes alliées donne lieu à une cérémonie officielle ponctuée de manifestations d’hospitalité communes au protocole d’accueil des ambassades39. Les plus hautes autorités du pays hôte (roi, hauts fonctionnaires) se déplacent en personne pour aller au-devant du contingent allié40. Les forces alliées sont ensuite conviées à un repas et reçoivent des « cadeaux » (§ 7.7). Le cas échéant, un défilé impliquant les troupes alliées est organisé. Le chef mariote Ibal-pi-El en charge de l’armée venu prêter main forte aux Babyloniens décrit ainsi la cérémonie qui s’est déroulée au lendemain de l’arrivée de l’un des contingents :

« Le lendemain, j’ai [réu]ni 50 bons soldats et je les ai fait entrer pour faire la parade. Tous les bédouins ont pris leur repas dans le jardin en sa présence (= du roi de Babylone) et c’est dans le jardin que les porte-enseignes ont fait leur parade. Il (Hammurabi) était vraiment content de l’arrivée des bédouins ! Il a distribué des présents41 […]. »

39 Sur la question de l’accueil des ambassades, cf. en particulier LAFONT 2001, p. 298-299. 40 Voir notamment ARM 26/2 366, 14-26, où est décrit l’accueil reçu à Babylone par un contingent du Mutiabal, de même que ARM 26/2 369, 3-9 qui rend compte de l’arrivée à Kullizum d’un contingent de 600 soldats mariotes qui sont accueillis par le chef du cellier (ugula giškannim), le chef des cuisines (ugula muhaldim) et le secrétaire administratif (dumu é ṭuppī). 41 A.486+, 36-41 (LAPO 17 579) : i-na ša-ni-im u4-mi-im 50 ṣa-ba-am dam-qa-am, [ú-pa-h]i-ir-ma a-na bu-ub-bu-lim ú-še-ri-ib, [lú] ha-na-meš ka-lu-šu i-na ki-ri-im ma-ah-

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7.2 Le cantonnement des troupes alliées dans le pays hôte

La question est évoquée par différentes lettres. Ainsi, par exemple, les 1000 soldats du Mutiabal reçus à Babylone prennent leur quartier dans « le jardin de la palmeraie de Dilmum42 ». Il semble bien, d’autre part, que les contingents étrangers arrivant pour porter secours au roi de Mari au moment de la guerre avec Ešnunna en 1772 av. J.-C., furent hébergés à l’intérieur des villes du royaume de Mari : des troupes alépines logèrent à Terqa, la seconde ville du pays, comme en témoigne une lettre du gouverneur de cette localité43. D’autres troupes alliées sont signalées comme ayant pris leur quartier à Bidah, Dur-Yahdun-Lim et Saggaratum44.

Pour des raisons évidentes de sécurité, l’autorisation de stationnement des troupes alliées à l’intérieur de la ville dépendait en premier lieu de leur fiabilité. Cette précaution est en effet suggérée par une des clauses du traité L.T.3 : Till-Abnu s’engage à ne pas profiter de la présence de ces soldats dans les villes du royaume de Kahat pour en prendre le contrôle (§ 5.2).

L’effectif des troupes qu’on laissait entrer dans la ville était également fonction des capacités d’accueil intra muros. Plusieurs lettres témoignent du fait que les contingents alliés étaient logés dans des « maisons d’hôtes45 » (bît napṭarim). Ce paramètre est très clairement pris en compte dans les instructions royales adressées au gouverneur Itur-Asdu. Les soldats du royaume de Kurda, en route pour le Haut-Pays, sont

ri-šu, ip-tu-un ù lú-meš mu-ba-bi-lu-tum i-na ki-ri-ma, ú-ba-bi-lu-ma ma-di-iš a-na ka-ša-ad ha-na-meš ha-di, qí-ša-tim i-qí-iš, cf. VILLARD 1992, p. 138-140 et p. 142. 42 ARM 26/2 366, 18. 43 ARM III 13, 12-13 (LAPO 17 691). 44 ARM 14 69 (LAPO 17 694) et ARM 14 70 (LAPO 17 690). 45 C’est le cas des soldats dont l’arrivée est relatée dans la lettre A486+, 24-25 (LAPO 17 579), cf. ci-dessus § 7.1. Un contingent de 600 Suhéens est hébergé dans ce complexe d’habitation à l’intérieur de Babylone, cf. ARM 26/2 369, 7’. Sur ces lieux d’accueil, cf. en dernier lieu LAFONT 2001, p. 298 n. 344 avec bibliographie antérieure.

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autorisés à entrer dans la ville basse (adaššum) si leur nombre n’excède pas les trois centaines d’hommes : s’agissant de 1000 hommes, le stationnement à l’extérieur (kidim) de la ville est demandé46.

7.3 Le cantonnement des troupes alliées en expédition

En expédition, les alliés partagent le campement (rubṣum) de l’armée du pays hôte47. Cette situation est évoquée dans le traité L.T.3 d’Apum et à de nombreuses reprises dans les déclarations d’intention et les rapports contenus dans la documentation épistolaire de Mari :

« Dans le campement de son armée, notre armée couchera48. »

« L’armée du Yamutbal s’est couchée dans le campement de l’armée de Hammurabi49. »

« Viens te coucher dans le campement du sire d’Ešnunna50. »

Ces formules correspondent à une réalité opérationnelle dont la portée politique et symbolique apparaît nettement dans la lettre ARM 27 164 qui rend compte de la polémique concernant le cantonnement d’Atamrum d’Andarig, l’un des vassaux du roi de Mari. Lorsque celui-ci rejoint les troupes qui assiègent la ville de Larsa, il est 46 A.2830, 5-20, (LAPO 16 266), cf. DOSSIN 1972, p. 115-116. 47 Le terme signifie, au propre, la litière. La documentation de Mari nous le montre clairement avec ce sens figuré, cf. CAD R, p. 395 usage b. Il est à ajouter à la liste des termes inspirés de comparaisons animalières pour décrire un dispositif militaire, tels que la « queue » et les « ailes », cf. ZIEGLER 1997. Le terme saknum caractérise également une installation de campement, cf. ci-dessus § 5.1, clause § 3 du traité entre Zimri-Lim de Mari et Ibal-pi-El d’Ešnunna. 48 EIDEM 2011, p. 389 et p. 398, L.T.3 = L.87-1362+, col. ii, 15-16 : i-na ru-bu-uṣ ṣa-bi-šu ṣa-bu-ni, lu-ú i-ra-ab-bi-iṣ. 49 ARM 26/2 383, 8-10 : um-ma-na-at ia-mu-ut-ba-lim, i-na ru-bu-uṣ um-ma-na-at ha-am-mu-ra-bi, ir-ta-ab-ṣa. 50 ARM 26/2 393, 9’-10’ : [ku-uš-d]am-ma i-na ru-bu-uṣ lú èš-nun-naki, [ri-bi-iṣ]. Pour d’autres exemples, cf. les extraits de lettres inédites réunis par D. Charpin dans ARM 26/2, p. 128 n. a. On peut ajouter à cette liste : ARM 2 23, 21-22 (LAPO 17 590) ; M. 5157+ cité par DURAND 1991, p. 53 et M. 7336, cf. CHARPIN 1991, p. 145 note à la ligne ii, 8’.

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d’abord logé dans une position fortifiée (dimtum). Le lendemain de son arrivée, Atamrum exige cependant de « coucher dans le campement de l’armée de mon père Zimri-Lim51 ». Il obéit ainsi à l’ordre de l’un des officiers de l’état-major des troupes mariotes, qui lui-même s’était opposé à cette décision et avait déclaré : « C’est dans le campement des troupes de mon seigneur qu’Atamrum couchera, dresses-y une tente pour sa résidence52 ! ». L’insistance de l’officier mariote ne trahit pas de préoccupation quant à un traitement indigne, ni un souci du risque encouru par son allié du fait qu’il aurait été trop proche de la ligne de front53. Comme on sait par ailleurs que Hammurabi tentait de se faire reconnaître comme suzerain d’Atamrum, il est très probable qu’en toile de fond du désaccord à propos de l’installation d’Atamrum se jouait la reconnaissance implicite de son statut politique en tant que vassal de Hammurabi ou de Zimri-lim54.

7.4 L’entretien des troupes alliées

C’est le pays hôte qui, en principe, en a la responsabilité. Ainsi le roi de Mari, lorsqu’il demande à « son père », le roi d’Ešnunna, de lui fournir 3000 hommes pour une expédition militaire, il s’engage à « totalement les prendre en charge55 » (ṣidissu attanaššû).

Comme c’est souvent le cas, la question de l’entretien des troupes alliées par le pays d’accueil est mise en lumière par les situations de dysfonctionnement qui suscitent une correspondance visant à en informer

51 ARM 27 164, 30-33 : i-na ru-bu-uṣ um-ma-na-tim-ma, ša a-bi-ia zi-im-ri-li-im, a-ra-ab-ba-aṣ. Pour la référence symbolique au lien familial pour rendre compte des relations politiques entre les royaumes proche-orientaux, cf. LAFONT 2001, p. 232-238. 52 ARM 27 164, 10-12 : a-tam-rum i-na ru-bu-uṣ ṣa-bi-im, ša be-lí-ia-ma i-ra-ab-bi-iṣ, é a-na wa-ša-bi-šu e-pu-úš. 53 En effet, la lettre indique d’une part que le cantonnement d’Atamrum était relativement éloigné du dispositif de circonvallation (l. 6-8) et précise d’autre part que le roi Hammurabi de Babylone avait eu à cœur de bien l’accueillir (l. 23). 54 Sur cette question, cf. ARM 26/2 372 et CHARPIN et ZIEGLER, 2003, p. 232. 55 A.1289+, col.i, 6, (LAPO 16 281), cf. CHARPIN 1991, p. 149 et p. 155.

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le roi. On sait ainsi que les vassaux du roi de Mari dans la région du Haut-Habur avaient à prendre en charge l’approvisionnement des garnisons mariotes installées chez eux grâce à une série de lettres qui rapportent le fait que l’une de ces unités souffre d’une grave pénurie alimentaire par suite du refus du vassal de leur livrer du grain56.

D’après le rapport du gouverneur, Yaqqim-Addu, on apprend aussi que les troupes alliées, faute d’être correctement nourries, vivaient du pillage de la moisson57. Pour éviter de tels débordements, leur bon approvisionnement était donc considéré comme primordial. La lettre ARM 26/1 181 montre, par exemple, que la pénurie de grain dans le palais et chez les particuliers à Mari requiert des mesures d’urgence qui sont relatées dans la lettre ARM 26/1 181 : les stocks de céréales de la ville de Mišlan au nord-ouest de la capitale sont réquisitionnés pour assurer le ravitaillement de l’armée alliée sur le point d’arriver. Dans une autre lettre, Yaqqim-Addu informe le roi du fait que le stock de farine destiné aux troupes alliées était charançonné. Il proposait donc de faire bénéficier le contingent de soutien de la farine initialement destinée au personnel du palais qui, lui, se verrait affecter la farine avariée58.

7.5 La constitution d’unité pour des opérations conjointes

La question est évoquée dans le traité L.T.3 d’Apum à travers l’expression « joindre les armes » (§ 5.2). Le procédé est documenté par les lettres de Mari, en particulier les rapports rédigés dans le cadre de l’opération d’« Aide à Babylone » (1765 av. J.-C.) : le royaume de Mari envoie alors des troupes pour soutenir l’effort de guerre de la Babylonie contre l’Elam59.

56 ARM 26/1 126, 12-13 ; ARM 26/2 314, 7-25 et ARM 26/2 356, 5-6’. 57 ARM 14 69 (LAPO 17 694). 58 ARM 14 74 (LAPO 17 699). 59 Pour l’analyse des événements politiques et militaires liés à l’attaque élamite, cf. CHARPIN et ZIEGLER 2003, p. 219-226.

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La lettre ARM 27 141, 17-33 témoigne aussi de la formation d’un détachement de 2000 soldats mariotes et 3000 soldats babyloniens pour mener des raids de diversion en territoire ešnunéen lors du siège de Hiritum. Placée sous commandement unique du chef mariote, Ibal-pi-El, ces deux unités ne semblent pas fusionner pour autant. Dans le cas d’ARM II 22 (LAPO 17 585), deux contingents mariote et babylonien opérant ensemble, et qui comptent chacun 300 hommes se voient dotés de leur propre structure de commandement. Néanmoins, pour assurer la coordination des opérations sur le terrain, le roi de Babylone préconisait que les décisions soient prises en commun, en comparant notamment les résultats des consultations oraculaires réalisées par les devins affectés à chacune des deux formations60.

7.6 Le partage du butin

Quelques lettres font référence à cette question, notamment comme argument pour appuyer la demande d’aide. C’est le cas par exemple avec ARM 5 16 (LAPO 17 443). Le roi de Qatna cherche alors à convaincre Yasmah-Addu de Mari de venir le soutenir. Il lui promet un dénouement rapide – il s’agit de prendre trois villes qui pourraient tomber en une journée – et la réalisation d’un butin facile dont le roi de Mari pourra faire profiter ses soldats.

La répartition des profits de guerre entre alliés fait également l’objet de différents rapports expédiés une fois les opérations terminées. La lettre ARM 26/2 408 mentionne par exemple le partage de 200 hommes capturés par Atamrum d’Andarig au cours de différents raids qu’il

60 La confrontation des résultats de l'examen des entrailles fait partie des procédures divinatoires, cf. à ce propos ARM XXVI/1 p. 46-49, et plus particulièrement les textes nos 102 et 103. Pour d'autres exemples de détachements où se côtoient des Mariotes et des Babyloniens cf. THUREAU-DANGIN 1936, p. 171-172, l. 48-51) : 60 soldats de chaque bord sont chargés d’aller capturer des informateurs, et cf. également ARM XXVII 161, 39-40 où des Mariotes et des Babyloniens ont pour mission de mener des raids de représailles contre des Sutéens.

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attribue aux troupes d’Ešnunna, de Babylone, et à ses propres alliés (l. 20-26). La suite de cette lettre documente une situation très intéressante. Yasim-El, son auteur, un haut responsable militaire mariote, déclare avoir reçu dix pots d’une herbe aromatique qu’il distribue à ses soldats tout en leur demandant de renoncer à leurs parts de captifs. Aux soldats et à leurs officiers réunis en assemblée, il déclare que « le palais de mon Seigneur (i. e. le roi de Mari) n’est pas plein en personnel » et les persuade par cet argument de faire passer les intérêts du roi avant leurs avantages personnels61.

Dans une autre lettre, ARM 26/1 128, deux rois de la région du Sindjar, Qarni-Lim d’Andarig et Šarraya de Razama, se partagent à part égale 1000 personnes en butin après avoir réalisé un raid contre la ville de Mardaman. Cette lettre rapporte également que Šarraya, « entré » avant Qarni-Lim, tire un bénéfice plus important de cette opération « 300 hommes et [x] femmes ». Comme la localité semble ne pas avoir offert de résistance, il ne s’agirait donc pas de récompenser une intervention militaire décisive : le fait d’arriver sur place le premier aurait permis à Šarraya de se servir plus largement.

En l’état actuel de la documentation, mis à part les exemples cités ici, les modalités du partage du butin entre alliés ne semblent pas être évoquées par ailleurs. En fonction des circonstances, les critères retenus devaient probablement prendre en compte l’importance de l’effectif militaire consenti par l’allié, son rang politique ou le rôle de ses troupes sur le terrain62.

61 L. 33 : ki-ma é-gal be-lí-ia lú-lú-meš ú-ul ma-li. Il est ensuite question du convoiement de ces prisonniers vers la capitale. On apprend ainsi que le groupe de captifs compte 59 hommes. 62 Les modalités de la distribution des prises de guerre dans le cadre des contingents nationaux sont illustrées par la lettre ARM II 13 (LAPO 17 457) : on assiste à un prélèvement des parts réservées aux dieux et au roi et à la répartition des prises en tenant compte probablement du rang hiérarchique des soldats, comme c’est le cas en ce

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7.7 Les distributions de « cadeaux »

Plusieurs lettres et documents administratifs traitent des « cadeaux » (qištum) offerts aux troupes alliées : ces présents consistent en vêtements de très bonne qualité et en anneaux et médailles en métal précieux63.

Ces distributions interviennent au moment de la cérémonie d’accueil du contingent (§ 7.1). Mais d’autres circonstances sont aussi documentées. Dans la lettre ARM 27 161, 46-52), par exemple, ces présents sont distribués pour récompenser une unité mariote de 100 soldats au retour d’un raid conduit avec succès contre les incursions des Sutéens dans l’arrière-pays de Larsa.

Les commandements de troupes et les chargés d’affaire présents dans le pays hôte rendent compte scrupuleusement au roi de ces dons. La valeur du présent variait en fonction du grade et semble avoir suivi une grille tarifaire très strictement codifiée :

(1) ARM 4 74, 17-39 (LAPO 17 541) (accueil ?)

Général (gal-mar-tu) Chef de section (gal-ku5)

Cheichs et membres des sections

- 1 anneau en or de 84 gr - 1 médaille en or de 42 gr

- 1 anneau en or de 42 gr - 1 vêtement

- des vêtements

(2) ARM 26/2 366, 23-26 (accueil)

Général (gal-mar-tu)

[Officier] [Soldats du rang]

« un présent important » 1 pelisse en laine de brebis 1 vêtement

qui concerne les cadeaux distribués aux troupes alliées, cf. § 7.7 et ZIEGLER 2008, p. 51-52. 63L’inédit A.2450 mentionne également des pendentifs-tillû, cîf. ZIEGLER 2008, p. 52.

Les obligations militaires entre alliés d’après les archives de Mari

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(3) A486+ (LAPO 17 579) (accueil)

Général (gal-

mar-tu)

Commandant (šāpir ṣabim)

Chef de section

(gal-ku5)

Lieutenant (nu-banda3)

Porte-enseigne

Soldat du rang

- 1 habit et 1 chemise multico-lore - 2 anneaux en or (poids total = 151 gr)

- 1 habit et 1 chemise multicolore - 1 anneau et 1 disque solaire en or (poids total = 67 gr)

-1 chemise multicolore - 2 anneaux d’argent (poids total = 151 gr)

- 1 habit et 1 chemise multicolore

- 1 anneau et 1 médaille en argent (poids total = 72 gr)

-1 chemise multico-lore - 1 anneau et 1 médaille en argent (poids total = 39 gr)

1 médaille en argent de 21 gr (pour 10 hom-mes)

(4) ARM 27 161, 46-52 (retour de mission)

L’officier commandant

le raid

100 soldats du rang « ayant fait des prisonniers »

650 soldats de corvée (epištum)64

-1 pelisse en laine de brebis - 1 anneau en argent de 67 gr

- 1 vêtement-nahlaptum chacun - 1 anneau en argent de 17 gr chacun

- 1 anneau en argent de 17 gr (pour 10 hommes)

Le recours à une aide militaire extérieure représentait certainement un coût important pour le pays d’accueil. Ainsi, aux dépenses de fonctionnement correspondant à l’approvisionnement, s’ajoutaient celles liées aux présents qui n’étaient pas négligeables. Dans le cas de la campagne d’« Aide à Babylone », qui est la mieux documentée sur cette

64 L. 50 : ces troupes n’ont pas participé au raid. Il s’agit probablement des soldats affectés à la construction des rampes de siège.

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question par A.486+ et deux pièces comptables (ARM 23 435 et ARM 25 815), il est possible d’estimer a minima à 10 kg d’argent le poids des objets distribués aux troupes mariotes65. Mais la dépense réalisée par le trésor babylonien pour les dons prodigués à ce contingent a sans doute été beaucoup plus importante : il est très probable que d’autres distributions ont eu cours dont les enregistrements comptables ne nous sont pas parvenus.

De ce système de tarification, il ressort que le paiement des officiers représentait une part importante de la dépense globale. Ainsi voit-on par exemple avec A 486+ que le versement pour les 10 chefs de section, les 20 lieutenants et les 50 porte-enseignes correspond à 4.9 kg d’argent et à seulement 2.1 kg pour les 1000 soldats du contingent.

En déclarant aux autorités du pays d’accueil un effectif plus important que ce qu’il était dans la réalité et en procédant à un taux de surencadrement, il était possible d’augmenter les profits. On comprend dès lors que les autorités du pays d’accueil aient cherché à contrôler l’effectif réel des contingents alliés. C’est précisément ce que craint Ibal-pi-El dans sa lettre au roi (A. 486+) : le général commandant la brigade qui se présente à Babylone n’avait pas respecté les normes d’encadrement, nommant 12 chefs de section et 24 lieutenants pour 1000 hommes, alors qu’ils auraient dû être respectivement 10 et 20. En outre, l’effectif réel de son contingent était bien en deçà des 1000 déclarés, soit un total de 854 soldats. Il était donc impossible de faire coïncider la déclaration de l’effectif des troupes avec l’effectif réel. Dans sa lettre, Ibal-pi-El, qui cherche à éviter d’éveiller les soupçons des Babyloniens, expose au roi la solution qu’il envisage : celle-ci vise à constituer deux formations autonomes, avec à leur tête un chef de section

65 L’inédit A.1982 appartient également au même dossier, cf. D. CHARPIN ARM 26/2 p. 174 n. f. Comme autre registre comptable afférant à un décompte d’anneaux et de vêtements distribués à un corps d’armée, cf. ARM 25 595 réédité par VILLARD 1992, p. 149-151.

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portant le titre générique de « commandant » (šapir ṣâbim). Il arrive ainsi à ménager la susceptibilité des officiers qui auraient dû être privés de leur commandement afin de satisfaire aux normes d’encadrement.

Si les soldats semblent avoir disposé à titre personnel d’une part de butin (en l’occurrence le plus souvent des captifs, cf. § 7.6), en était-il de même avec les présents qui leur étaient offerts ? Plusieurs indices montrent que ces dons ne leur appartenaient pas. Ainsi l’éventualité du versement d’une indemnité financière par le trésor babylonien en contrepartie de l’octroi de l’aide militaire mariote est clairement évoquée dans un passage de la lettre ARM 26/2 404. Ce document rapporte la réponse d’Atamrum d’Andarig au messager babylonien qui lui réclamait des troupes. Le roi d’Andarig, qui avait proclamé son allégeance à Zimri-Lim de Mari et s’était engagé à lui fournir 500 soldats, renvoyait l’émissaire de Babylone à ce dernier en lui déclarant :

« Fais appel à lui (Zimri-Lim, pour savoir) s’il enverra [son armée alliée] ou bien (s’il compte) la refuser [… ou] (s’il a l’intention) de la mettre à ta disposition en la livrant contre de l’argent66. »

L’existence d’une comptabilité relative aux « présents » dans les archives du palais suggère également que l’argent et l’or versés entraient bien dans les caisses de l’Etat67. Une preuve supplémentaire en faveur de cette hypothèse peut être déduite du fait de l’attribution collective d’objets en argent de très petite taille68.

66 ARM 26/2 404, 72-74 : li-ib-ba-šu-ma ṣa-ba-[at-ma ṣa-ab til-la-ti-šu], li-iṭ-ru-ud ú-lu-ma li-ka-li-ip-šu-nu-ti […], li-iš-ku-un-šu-nu-ti-ma a-na kù-babbar li-di-in-šu-nu-ti. HEIMPEL 1998, p. 49 renvoie à la lettre ARM 26/2 494 comme autre exemple de mise à disposition de troupes contre de l’argent. Mais dans ce cas, la situation est différente, puisqu’il s’agit de vendre le service d’une armée en échange de grains dans un contexte de grande pénurie alimentaire. 67 Ces bilans comptables ont probablement aussi servi de référence, afin d’appliquer la même grille tarifaire vis-à-vis de troupes alliées envoyées en aide au royaume de Mari. 68 Cf. ci-dessus les tableaux 3 et 4 pour les soldats du rang et ARM 25 815, 7-8.

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En définitive, il semble donc bien que ce type de « don » corresponde à une rémunération versée au roi allié en échange de sa prestation militaire, mais que symboliquement, comme le montre sa dénomination, ce paiement était associé à la pratique de l’échange de cadeaux qui caractérise le système des relations internationales de cette époque69.

8. Conclusion

La documentation étudiée dans le présent article montre la capacité des royaumes proche-orientaux à nouer des conventions d’assistance militaire plus ou moins formalisées dans le cadre de traités internationaux et par le biais de promesses d’aide exprimées au cours d’un échange de lettres.

L’entraide militaire obéit en règle générale à la symétrie des engagements. Elle est donc indépendante des rapports de force existant entre les parties qui s’engagent : de la partie dominante vers la partie assujettie et inversement, de même qu’entre rois d’importance à peu près égale. Dans les réseaux d’alliance ainsi créés, la participation de chacun est définie par l’établissement d’une quote-part (munûtu).

Les conventions d’assistance représentées par les traités et les « lettres d’intention » restent assez générales dans les termes de l’alliance. Néanmoins, certaines clauses peuvent, le cas échéant, se référer à des exigences spécifiques :

- la fiabilité des troupes envoyées et de leur commandement ; - leur entière mise à disposition « au projet » du pays hôte, quelles

que soient les circonstances ; - la constitution d’unités mixtes pour des opérations conjointes

qu’évoquent les clauses relatives « au partage du camp » et à « la réunion des armes ».

69 Sur cette question, on consultera LAFONT 2001, p. 306-309.

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Les lettres et la documentation administrative renvoient à des situations concrètes qui témoignent des modalités de la mise en œuvre de l’aide : hébergement des troupes, prise en charge alimentaire, partage du butin et paiement d’une indemnité. Sur ce dernier point, il est possible que cette disposition n’ait concerné que les royaumes qui traitaient d’égal à égal, car son application ne semble pas documentée en cas d’asymétrie des statuts politiques.

Philippe ABRAHAMI Université Lyon 2 – UMR 5133-Archéorient

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