Histoire monétaire et financière du monde grec 2000-2001

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ECOLE PRATIQUE DES HAUTES ETUDES SECTION DES SCIENCES HISTORIQUES ET PHILOLOGIQUES LIVRET-ANNUAIRE 16 2000-2001 Cent trente-troisieme annee PARIS A LA SORBONNE 45-47, rue des Ecoles - 75005 Paris 2002

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ECOLE PRATIQUE DES HAUTES ETUDES

SECTION DES SCIENCES HISTORIQUES ET PHILOLOGIQUES

LIVRET-ANNUAIRE

162000-2001

Cent trente-troisieme annee

PARISA LA SORBONNE

45-47, rue des Ecoles - 75005 Paris

2002

Rapports sur les conferences 107

HISTOIRE MONETAIRE ET FINANCIEREDU MONDE GREC

Directeur detudes :M. Francois de CALLATAY

Programmede l'annee 2000-2001 : 1.Numismatique grecque: questions de meihode. - lI.Les monnayages du Pont et de la Paphlagonie jus que et y compris l'epoque de Mithridate Eu-pator, lesjeudis de 10 h 11 12 h.

Les conferences de cette annee 2000-2001 ont continue de viser a la redac-tion d'un manuel de numismatique grecque sous 1'angle de la methode et deses instruments. Apres les taches documentaires, apres l'etude des coins, despoids et des compositions metalliques, l'attention a porte cette annee sur lacirculation monetaire. De par sa nature, celle-ci depasse I'etude des depots et,a fortiori, des tresors. C'est pourtant d'eux dont il a ete surtout question. On atout d'abord passe en revue les differentes classifications concues jusqu'icipour conclure a la tres grande difficulte d' elaborer une grille qui tienne a lafois compte des circonstances reelles de I'enfouissement et de I'esprit dans le-quel celui-ci s'est produit. Pour ce qui est des depots monetaires, on a nean-moins tenu pour le plus expedient de distinguer entre les depots intentionnelset les pertes accidentelles. 5'agissant des depots intentionnels, il faut mettre apart ceux dont leurs proprietaires avaient l'intention de les recuperer (les tre-sors) et ceux pour qui tel ne fut pas le cas (depots funeraires et offrandes vo-tives). Apres avoir defini ce qu'est un tresor et a qui il revient aux yeux de lalegislation, nous nous sommes efforce, pour le monde grec, de retracer l'his-torique de leur interet et la facon dont on s'en est soucie a des fins detude. Ala suite de cela, et toujours nourri d' exemples tires du monde grec, nous noussommes interesse au probleme de la reconstitution du document (composi-tion et provenance), a celui de sa nature en fonction des circonstances de sonenfouissement (tresor de circulation ou de thesaurisation) avant d'aborder lesproblemes d'interpretation (ou? comment? quand? qui? pourquoi? combien?).Les memes problemes se reposent, d'ailleurs, des lors que l'on tente de met-tre en perspective un ensemble d' enfouissements monetaires dont certainsfacteurs, anciens comme mod ernes, peuvent venir fausser la representativite.Parrni les depots perdus intentionnellement, on a passe en revue les depots defondation, les offrandes funeraires et les depots votifs. L'examen s'est arrete la,laissant a l'annee prochaine l'etude des monnaies isolees (monnaies de fouilleset de sites), des contremarques, des surfrappes et des imitations. En realite, lesspecialistes des monnayages grecs ne sont pas ceux qui ont fait le plus avancerla methodologie relative a I'etude de la circulation monetaire et l'on ne trou-vera pas, dans la litterature, decrits generaux specifiques a cette periode.

D'autres conferences ont ete consacrees a entamer un nouveau dossier qui,lui aussi, devrait nous retenir quelques annees : les monnayages du Pont et dela Paphlagonie jusques et y compris l' epoque de Mithridate Eupator (120-63

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ay. J.-C). L'aire geographique correspond en gros a celle de la Cappadocepontique sous domination perse ou encore a I'extension atteinte par leroyaume pontique lorsque Eupator monta sur le trone. Derriere un intituleaussi vaste, on ne trouve en realite, jusqu'a la fin du ne s. ay. J.-C, que troisateliers: Sinope, Amisos et Trapezonte. Ces trois ateliers, encore que dans desmesures tres differentes, sont les seuls a s'etre signales par des frappes d'ar-gent, a l'exception du bronze (les ateliers d'Amastris, de Cromna et de Sesa-mos ont ete ecartes comme appartenant a un tout autre horizon monetaire).Les conferences ont porte sur l'examen des series en argent produites a Ami-sos et Trapezonte. Celles de Sinope, les plus abondantes de toutes, serontexaminees ulterieurement, n apparait d'ores et deja que cette region est resteelongtemps tres en retard de monetarisation par rapport a sa voisine, la Bithy-nie, et, dans une moindre mesure, la Cappadoce. Surtout, en depit du carac-tere civique affiche par les emissions etudiees (iconographie, legende et ono-mastique des monetaires), il y a lieu de fortement douter que ces dernieresaient ete produites pour le compte de la cite. En toute hypothese, sans aucunedenomination d' argent ni frappe de bronzes, elles n' ont pas pu servir a reglerles transactions quotidiennes locales. Loin d'avoir ete ernises pour faciliter lecommerce, elles ont beaucoup plus probablement servi les besoins du pouvoirperse ou pontique dans son obligation de solder ses troupes.

Plusieurs specialistes nous ont fait l'amitie de venir entretenir les auditeursa la faveur dune conference: M. Haim Gitler (directeur du cabinet des me-dailies de l'Israel Museum a Jerusalem, le 14 decembre 2000 : «A HellenisticHoard found at Ascalon »),MileMarie-Christine Marcellesi (CNRS-Orleans,le11janvier 2001: «Milet et ses pratiques monetaires du rv" au ne s. ay. J.-C »),M. Osmund Bopearachchi (CNRS-Paris, le 25 janvier 2001: «Tresors mone-taires d'Afghanistan») et M. Koray Konuk (CNRS-Bordeaux, le 8 mars 2001 :« Legendes monetaires et toponymes de langue carienne »).

Le professeur Giovanni Gorini, de I'universite de Padoue, a, comme direc-teur d'etudes invite, donne quatre conferences sur les monnayages de laGrande Crece et de l'Adriatique (26avril, 3, 10et 17mai 2001),dont le resumese trouve ci-apres.

Auditeurs reguliers :MM. et MmesJanine Avril, Salah Ben Souilah, MireilieBordier, Christine Frohlich, Claude Geoffroy, Helene Holoubek, Marie-Chris-tine Marcellesi, Vera Marigo, [org H. Muller, Nicolas Padiou, Claire-YvonnePetitot, Andre Pottier, Nicolas Rinaud, Pascal Rouselle, [ean-Louis Scandellaet Arnaud Suspene.

Publications et actioites du directeur d' etudes

1)Ouvrages- Een vroeg-19de eeuws muntdepot uit Wingene, ArcheologischeMonografieen

van Zuid-West-Vlaanderen, 44,Courtrai, 2000(avecL.Beckmanset Ph. Despriet).- La monnaie grecque, Paris, coll,Ellipses, 2001(avec D. Gerin, M.Amandry

et C Grandjean).

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2) Edition et preface- Co-editeur (avec E. Papaefthymiou et F.Queyrel) de G. Le Rider, Etudes

d'histoire monetaire et financiere du monde grec. Ecrits 1958-1998, Athenes, 1999,vol. III: p. 1037-1443 (red action de l'index thematique :p. 1393-1423).

- Preface du livre de Y. Kenis, Catalogue des medailles et jetons des Pays-Basautrichiens 1714-1794, Bruxelles, 2000 (Archives et Bibliotheque de Belgique,62), p. 5-6.

3) Articles« Le diametre des coins de revers a l'epoque hellenistique », dans Akten des

XII. Internationaler Numismatischer Kongress Berlin 1997, vol. I, Berlin, 2000,p. 244-251. - « Le taux de survie des emissions monetaires antiques, medie-vales et modernes. Essai de mise en perspective et consequences quant a laproductivite des coins dans l'Antiquite », dans Revue numismatique, 155, 2000,p. 87-109. -« L'oeuvre scientifique de Tony Hackens », dans Revue beIge de nu-mismatique, CXLVI, 2000, p. 273-275. - Plusieurs comptes rendus ont, enoutre, paru dans L'AntiquiU classique (2) et la Revue beIge de numismatique (9, p.219-234). Quelques notices ont ete redigees pour le catalogue de l'expositionMiroirs. Jeux et reflets depuis l'Aniiquite, Paris, 2001.

Le 14 octobre 2000, le directeur d'etudes a siege comme membre du jury dethese de M. Georges Voulgaridis [« Les ateliers monetaires de Ptolemais-' Akkoet d' Ascalon sous la domination seleucide »), universite Marc Bloch-Strasbourg.

Du 28 octobre au 4 novembre, il s'est rendu a l'Ecole francaise d'archeologied' Athenes. Ce voyage detude avait aussi pour but d'etre present a la ceremo-nie organisee par l'Ecole en l'honneur de M. Georges Le Rider, a l' occasion dela parution des trois volumes qui constituent la reedition de ses principaux ar-ticles (voir bibliographie).

Le 28 mars 2001, il a donne une conference a Bordeaux (universite Michelde Montaigne-Centre Ausonius).

Du 23 au 28 mai, il s' est rendu en Crece pour participer au colloque orga-nise par I'universite de Thessalie a Volos sur « La monnaie en Thessalie ». 11 ya preside une session et presente une communication sur le theme « Le mon-nayage d'argent emis par les Ainianes au type d' Athena Parthenos ».

11 a participe, au College de France a Paris, les 15 et 16 juin, a la reunionpreparatoire de la cellule monetaire creee dans le cadre du website Achemenet.com (Pierre Briant, College de France).

Du 1erau 7 septembre, il a sejourne a la Bilkent University d' Ankara, OU ila pris part au lIe Congres international sur les Antiquites de la mer Noire (com-munication sur « La monetarisation tardive du Pont et de la Paphlagonie »).

A partir du 24 septembre 2001 et jusqu'au 23 decembre de la meme annee,il a sejourne a l'Institute for Advanced Study de Princeton OU il a ete invite apoursuivre ses recherches. En l' occurrence, ce trimestre a ete rnis a profit pourlancer la red action d'un nouveau livre, lequel portera sur le degre de mone-tarisation de la periode hellenistique.

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Il a egalement donne des conferences aupres de la Societe royale de nu-mismatique de Belgique, des Musees royaux d'art et d'histoire (Bruxelles),ainsi que de l'Association Alexandre le Grand (Charleroi).

Au sein de la Bibliotheque royale de Belgique, il remplit les fonctions dechef du departement des cabinets museologiques (collections nationales d'es-tampes, de manuscrits, de monnaies et de medailles) et est membre du Co-mite de direction. Il est co-directeur de la Revue belge de numismatique.

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Conferences de M. Giovanni GORINI,professeur a l'universite de Padoue (Italie), directeur d'etudes invite

Les monnayages de Grande Crece et de I'Adriatique :etat de la question

Les deux premieres conferences ont ete consacrees a l'etude des ateliers mo-netaires de la Grande Crece, a l' epoque des monnayages incus, et a la ty-pologie des monnaies se rapportant a l'epoque de Pythagore et a l'element sa-mien. Les poids des premieres monnaies incuses sont reduits par rapport aumodele corinthien de 5% selon Garraffo (1984,p. 163),valeur a laquelle je merallierais plus volontiers qu'a celle de 7% proposee par Le Rider (1987,p. 169).Lesmecanismes financiers et fiscaux des cites grecques d' epoque hellenistiquepeuvent etre compares ici avec profit aux epoques classique et archaique. Cetelement nouveau constitue un acquis sur lequella suite des recherches peuts'appuyer. On doit a Kraay d'avoir lie la chronologie des diverses series demonnaies incuses aux variations de leurs diametres. Sybaris, qui fut detruiteen 510 av. J.-C, n'a pas frappe sur des flans de taille moyenne, ce qui motivele schema general de classification chronologique. Mais cette chronologie doit,a mon avis, etre nuancee en fonction aussi de la chronologie adoptee pour lanaissance du monnayage (c. 590-580av. J.-C : Le Rider, 2001,p. 65) :

- c. 525-500av. I.-C : flan large et mince; 32-26mm de diametre,- c. 500-475av. J.-C : flan moyen; 25-22mm de diametre,- c. 475-435av. J.-C : flan etroit et epais: 21-19mm de diametre,On a eu egalement I'occasion d' examiner les donnees de la circulation de

ces monnaies, pour lesquelles emergent deux phases principales : la premiere,qui va de 525 a 500 av. I.-C, correspond a une diffusion des frappes circons-crite a l'interieur des limites des poleis ou, au mieux, de la Grande Crece. Laseconde phase debute a partir de 500av.J.-C La chute de Sybaris a manifeste-ment favorise la diffusion des pieces de Metaponte et de Crotone. On disposede peu d'informations sur la circulation de ces emissions, qui ne semblent passe limiter seulement a la Grande Crece. L'actuelle region des Pouilles apparaitcomme la plus riche en trouvailles, mais il ne manque pas de temoins sur lessites d'Illyrie, limites aux frappes de Metaponte et Crotone. A Corfou, unepiece de Crotone a flan reduit et non large confirme que cette diffusion s'est

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)faite apres la chute de Sybaris. D'autres exemplaires ont ete trouves en Sicileet meme en Espagne, a El Arahal (2 ex. de Metaponte) et en Egypte. Une descaracteristiques de ces depots archaiques (Tarente, Sambiase, Selinonte, Asyut,Zagazig) est la presence de morceaux d'argent brut, en lingots ou meme ensaumons, directement issus de creusets. On signale un depot inedit provenantde Sicile qui, par sa composition, est si semblable a celui de Selinonte qu'ilpourrait en fait s'agir d'une seuIe et meme trouvaille, qui aurait ete divisee endeux. De fait, la composition des deux ensembles fait apparaitre des correspon-dances qui, autrement, seraient bien singulieres, Enfin, on s'est egalement in-teresse aux monnaies fourrees et aux sources d'argent. [usqu'a present, a l'ex-ception d'une courte note due a Noe (1958,p. 19 et Noe-johnston, 1990,p. 59et 67-69), le denombrement et la technique de fabrication des monnaies incu-ses n'avaient fait l'objet d'aucune remarque. I'ai aujourd'hui, pour ma part,reuni une liste d'une fabrication attribuable seuIement a des faussaires ou bienattribuable a la cite elle-meme, c'est-a-dire officielle (?). En effet, Polycrate deSamos (Herodote, Ill, 56) fut le premier que I'on connaisse a avoir mis en cir-culation des monnaies d'or fourrees. Le probleme des sources d'argent pourSybaris n'a pas ete aborde de facon complete (voir a ce sujet Zancani Mon-tuoro, 1968,qui a eu le merite d'attirer l'attention sur la mine de Longobucco,sur le cours superieur du Trionto, situe pres de la cite romaine d'Argentanum,dont le nom meme rappelle la presence d'argent). 11faut ici se referer a la fa-meuse inscription d'Olympie dans laquelle il est question d'une alliance entreSybaris et les Serdaioi, population que je prefererais identifier, selon l'intuitionde Santo Mazzarino (1976, p. 28), avec la population illyrienne des Ardei etpenser des lors a une source illyrienne pour l'argent. Un autre aspect de I'etudedes monnaies incuses est celui de leurs imitations barbares, qui ont ete signa-lees par quelques chercheurs, mais qui n'ont jamais ete traitees de facon glo-bale. La documentation disponible pour l'Adriatique et la Dalmatie semble in-diquer que le processus d'imitation s'est developpe jusqu'a faire confectionnerdes pseudo-monnaies pour des pendentifs et des colliers (Gorini, 1993).

Une troisierne seance a ete consacree au monnayage de bronze de laGrande Grece, a l'epoque de Denys ler de Syracuse et surtout de la reforme dumonnayage en bronze vers 385 ay. J.-C environ. Ces nouvelles monnaies, auxtypes Athena/ dauphins et Athens /Hippocampe, ont ete imitees pour le poidsdans les ateliers de la Grande Crece (Thurium, Crotone, Poseidonia), ainsi quedans I'Adriatique (emissions avec IONIOL) et dans la Crece continentale(Argos Amphilochium). On signale aussi des refrappes de ces lourds bronzessyracusains dans les colonies adriatiques, a la chute de Denys ler et Denys 11.

Enfin, une derniere seance a ete dediee au monnayage grec de bronze circu-lant a l'epoque hellenistique, le long des cotes adriatiques. On a etudie et classe,pour la premiere fois depuis Brunsmid (1898),les emissions de Pharos, d'Hera-cleia et d'Issa avec les refrappes sur les bronzes de Metaponte, et de CorcyraMelaina avec la colonie cnidienne. On a conclu par la proposition d'une nou-velle datation pour le monnayage du souverain illyrien Ballaios (c. 195-175ay.J.-C), et pour le debut de l'atelier d'Ancone fixe vers 215 ay. J.-C environ.