Rapport sur la Crise financière et les Normes Internationales IFRS

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Noura Medjdoub & Noureddine Errais

Les normes IFRS et la crise financière Décembre 2009

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Table des abréviations ....................................................................................................... 1 Introduction ....................................................................................................................... 2

I. Le système comptable international, dans la tourmente de la crise financière

A Contexte et objectifs des normes ................................................................................ 4 B Vers une normalisation des normes comptables internationales ................................. 5 C La crise financière, brève chronologie ......................................................................... 8 D A la recherche du coupable idéal ................................................................................ 9

II La Juste Valeur comme Bouc-Emissaire de la crise financière actuelle

A La Juste Valeur ........................................................................................................... 10

1 - L’institution de la Juste Valeur comme Modèle d’Evaluation ................................... 10 2 - Qu’est-ce que la juste valeur ? Quels sont ses objectifs ? ...................................... 11 3 - La juste valeur dans un contexte de crise ............................................................... 12

B Les effets pervers de la Juste Valeur .......................................................................... 13

1 - L’effet procyclique de la juste valeur ...................................................................... 14

2 - La volatilité inhérente à l’évaluation à la Juste Valeur ........................................... 15

C Réaction de l’IASB face à sa culpabilité dans la crise ................................................. 16

1 - Les amendements de l’IASB ................................................................................... 16

2 - Les amendements sont-ils la solution ? .................................................................. 19

III Conclusion

Conclusion ........................................................................................................................ 21 Bibliographie ..................................................................................................................... 23

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Normes américaines

FASB : Financial Accounting Standards Board. Organisme chargé d’édicter les normes

comptables américaines

GAAP : Generally Accepted Accounting Principes. Principes comptables généralement

admis (U.S.)

SEC : Securities and Exchange Commission. Commission des valeurs mobilières et des

bourses de valeurs américaines

Normes internationales

EFRAG : European Financial Reporting Advisory Group. Structure privée apportant une

contribution aux travaux de l’IASB

IFRIC : International Financial Reporting Interpretations Committee. Comité

d’interprétation des normes d’information financière internationales

IFRS : International Financial Reporting Standards. Normes d’information financière

internationales

IAS : International Accounting Standards. Normes comptables internationales

IASB : International Accounting Standards Board. Conseil des normes comptables

internationales

SIC : Standing Interpretations Committee. Comité permanent d’interprétation

SAC : Standards Advisory Council. Conseil consultatif de normalisation

Panorama des normes (à titre d’exemple)

IAS1 Présentation des états financiers

IAS7 Tableau des flux de trésorerie

IAS15 Information reflétant les effets de variations de prix

IAS22 Regroupements d’entreprises

IAS23 Coûts d’emprunts

IAS27 Etats financiers consolidés et comptabilisation des participations dans les Filiales

IAS29 Information financière des les économies hyper inflationnistes

IAS30 Informations à fournir dans les états financiers des banques et des institutions

IAS31 Information financière relative aux participations dans des coentreprises

IAS32 Instruments financiers : informations à fournir et présentation

IAS34 Information financière intermédiaire

IAS36 Dépréciation d’actifs

IAS37 Provisions, passifs éventuels et actifs éventuels

IAS38 Immobilisations incorporelles

IAS39 Instruments financiers : comptabilisation et évaluation

IAS40 Immeubles de placement

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u 1er janvier 2005, les normes comptables internationales deviennent les normes

de référence pour toute les entreprises cotées sur le marché financier européen.

En effet, la commission européenne à imposé la mise en place des ces normes

dans le but d’harmoniser et d’unifier un langage comptable unique au sein de nombreuses

règles en application au sein de l’Union européenne.

La mise en place d’un système d’une telle ampleur nécessite de profonds

aménagements de fond comme de forme. Lourd, complexe et coûteux, le passage aux

normes IFRS (International Financial Reporting Standards) ou encore IAS (International

Accounting Standards) représente un chantier conséquent dont à peine un peu plus de la

moitie* des entreprises cotées en moyenne y sont préparées.

Cependant, la crise financière que traversent les entreprises depuis plus de 3 ans interpelle

à juste titre les interrogations de tous les acteurs politico-économiques, il paraît donc

légitime de se poser la question : Pourquoi ce changement de normes ? Quels sont les vrais

apports ou à défaut les conséquences qu’ont engendré ces nouvelles dispositions ? Qu’en

est-il réellement du rôle des normes comptables dans la tourmente de la crise financière

mondiale ? S’agit t-il d’une simple coïncidence entre l’introduction des normes financière et

l’éclatement de la bulle des marchés financiers ? Une chose est néanmoins sûre, les

normes financières suscitent plus qu’à jamais un vif débat sur la scène politique de

l’économie mondiale.

Tout au long de cette étude, nous assisterons et analyserons les deux grandes

tendances actuelles, d’un coté le changement de normes est un remarquable levier pour

l’émergence d’un marché financier européen qui a pour objectifs de mieux refléter et traduire

« comptablement » la réalité économique des entreprises, optimiser l’efficacité du marché

intérieur, redonner confiance aux investisseurs, et à long terme, améliorer la compétitivité et

la croissance des entreprises en particulier européennes. Et d’un autre côté, la tendance

accusatrice des nouvelles normes internationales comme facteur générateur de la crise

financière.

* Enquête du Cabinet Mazars – Nov 2003

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Le changement de référentiel est donc un sujet tant stratégique que problématique et

controversé. Il est donc utile de traiter ces questions sous plusieurs angles afin de mesurer

les réels impacts et enjeux de ces normes dans les entreprises dans un milieu en perpétuel

changement, le marché financier.

Ainsi, après avoir présenté le contexte économique des normes comptables

internationales, leurs objectifs et impacts tant au niveau de l’entreprise qu’au niveau de

l’économie en générale dans un contexte de crise financière, nous traiterons ensuite les

différentes réactions qu’ont suscité ces normes à travers la particularité de la notion de la

juste valeur notamment comme bouc-émissaire de la crise financière et dans un dernier

point, nous étudierons la réactivité tant attendue de l’IASB par le biais de différents

amendements.

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I) Le système comptable international, dans la tourmente de la crise

financière.

A) Contexte et objectifs des normes

ans le contexte socio-économique actuel, la comptabilité est devenue la source la

plus fiable en ce qui concerne l’information économique et financière. La

comptabilité est aujourd’hui l’outil indispensable au service de l’information des

acteurs économiques. Ainsi elle devient un moyen de communication entre les différentes

entités et représente la base du système de gestion des entreprises.

La sphère économique et financière de notre société représente une importance

majeure dans les relations interétatiques qui régule également ces relations. En effet, les

marchés financiers jouent un rôle fondamental sur l’équilibre économique. On ne peut

négliger ce rôle et c’est en ce sens que la comptabilité va contribuer au maintien de cet

équilibre. Aujourd'hui encore, la comptabilité est bien plus que des techniques financières,

c’est avant tout un instrument de politique économique.

L’expansion de la mondialisation et la libération des mouvements de capitaux va

encourager les Etats, en partenariat avec les entreprises, à aboutir à une comptabilité

commune harmonisée et comparable, c'est-à-dire une comptabilité présentant des

propriétés telles que la pertinence, la comparabilité, la fiabilité, l’intelligibilité et la

transparence. Se pose donc ici la nécessité d’une harmonisation des normes comptables au

niveau international. Harmoniser consiste alors à orienter les règlements et les normes vers

un objectif commun, en l’occurrence celui d’aboutir à un système normatif efficace,

compréhensible et applicable par tous les pays.

Aujourd’hui les procédures de normalisation, si elles existent partout, sont différentes

selon les pays. Dans certains d’entre eux, et notamment dans les pays européens, la

comptabilité fait l’objet d’une réglementation des pouvoirs publics. A contrario, en Amérique

les règles comptables ne sont pas définies dans les textes législatifs ou règlementaires.

Depuis les années 90, trois référentiels sont essentiellement utilisés : le référentiel

européen, le référentiel américain et le référentiel IAS/IFRS. Cette diversité de

procédures pose la question de la comparabilité des états financiers des différents pays et

leur facilité de lecture par les différents acteurs économiques gravitant atour de l’entreprise.

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Le choix de la normalisation comptable internationale rend alors légitime le besoin des

entreprises et de ses partenaires de raisonner à travers un référentiel international.

Nous pouvons présenter les objectifs d’un tel référentiel par la volonté de :

Améliorer la transparence et la comparabilité des états financiers élaborés par

les sociétés cotées.

Permettre la comparaison d’entreprises de pays différentes et faciliter leur

cotation boursière

Obtenir et restaurer la confiance des investisseurs

Offrir un référentiel comptable aux pays qui en étaient dépourvus

Mais comment passer à un système d’une telle ampleur ? Qui va régir et encadrer ces

futures nouvelles normes ? Comment seront-elles appliquées ? Quelles seront les

conséquences de telles mesures ? Autant de questions qui vont naturellement nous orienter

vers les aspects plus pratiques de leur mise en œuvre progressive dans les entreprises

concernées.

B) Vers une normalisation des normes comptables internationales

’il existe un seul mot d’ordre dans les normes comptables internationales, il s’agirait

certainement de celui de la transparence. C’est sur cette base déterminante que

l’organisme normalisateur IASB (International Accounting Standards Board) va

construire une multitude de normes qui vont régir le futur système comptable, ces normes

internationales d'information financière porteront le nom des IFRS (International Financial

Reporting Standards). À l’origine, Ces normes avaient pour but d’apporter une réponse à la

croissance rapide de l’internationalisation des échanges et l’IASC a donc valider toute une

série de normes supposées constituer un ensemble de pratiques considérées meilleures

pour les entreprises internationales.

Ces normes offraient des options chaque fois que le choix entre deux solutions

concurrentes s’avérait difficile. En effet, très peu sont les entreprises qui pratiquaient ces

normes internationales, elles ont surtout été utilisées par un petit nombre de sociétés pour

établir des comptes consolidés à destination des investisseurs internationaux pour

augmenter l’effet de confiance alloué aux états financiers.

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Les entreprises concernées ont appliqué progressivement ces normes financières

bien avant leur obligation légale en 2005 dans un premier temps, puis en 2007 ou les

normes internationales constitueront le référentiel applicable de plein droit.

Le passage aux normes comptables internationales a été considéré non seulement comme

un changement de pratiques mais c’est surtout un changement de philosophie comptable.

En effet, les approches comptables différèrent plus au moins voire complètement des

systèmes nationaux de certains pays, plus particulièrement pour les pays continentaux tels

que la France ou l’Espagne où le principe juridico-fiscal prédomine, c'est-à-dire que la

fiscalité a une influence déterminante sur l’objectif même de la comptabilité et sur l’approche

privilégiée en ce qui concerne les méthodes d’évaluation par exemple. Cette philosophie

pousse inévitablement les entreprises vers une tendance de sous-évaluation du bénéfice

pour minimiser l’impôt.

Les nouvelles normes internationales mettent en œuvre une « nouvelle » conception

différente et propose une approche économique appliquée aux états financiers. Ce type

d’approche n’est pas si nouveau, il constitue en fait l’essence même du système comptable

américain (US GAAP). En effet, les aspects économiques reflètent les réalités de la situation

des marchés financiers et sont donc éloignés des raisonnements juridiques et fiscaux.

D'influence anglo-saxonne, les IFRS retiennent avant tout le fond des opérations pour leur

intégration dans les états financiers. C'est ainsi qu'il subsiste une prééminence du fond sur

la forme dans les normes internationales.

Le référentiel IAS/IFRS admet 4 grandes différences d’approche :

La primauté du bilan sur le Compte de Résultat,

La généralisation de la notion de juste valeur,

La mesure de la perte de valeur et la dépréciation des actifs,

L’introduction d’un état des performances à la place du compte de résultat.

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Les normes internationales sont particulièrement pensées et établies à l’intention des

investisseurs. En effet, les décideurs de l’entreprise disposent, pour répondre à leurs

attentes et prendre leurs décisions, de toutes les sources nécessaires en interne. Rappelons

par là que les réels enjeux politico-stratégique des normes se traduisent par une volonté des

législateurs d’améliorer la sécurité financière, et donc de renforcer la qualité de la

communication financière afin de rétablir la confiance des partenaires de l’entreprises

(Investisseurs, actionnaires…) par des obligations légales de présenter des comptes

consolidés selon les normes internationales IAS/IFRS.

Les exigences légales de ces normes sont souvent des réponses à des abus du système

ou à des pressions économiques. Mais, l’événement ayant accéléré leur mise en place

légale sera sans doute les multitudes de scandales financiers apparus aux alentours des

années 2000 aux Etats-Unis (WorldCom, Enron…) et en Europe, touchant de plein fouet les

marchés financiers mondiaux.

Par ailleurs, l’éclatement de ces scandales révèle non seulement une multitude de fraudes

et des techniques de comptabilité créative pratiquaient sous le couvert d’un système laissant

des marges de manœuvre parfois trop importantes, exploitées à des fins souvent non

légales au profit de l’entreprise, mais ce qu’il faut retenir de ces scandales c’est qu’ils

mettent à jour une crise financière sans précédent.

Parallèlement, cette récente crise financière a conduit certains à pointer du doigt le

rôle « néfaste » des normes internationales et les US GAAP (Generally Accepted

Accounting) aux Etats-Unis dans la crise financière, notamment à cause de la notion de la

"comptabilité en juste valeur" imposée par ces normes et appliquées par les sociétés cotées

à travers le monde. A ce stade d’étude, avant de s’intéresser aux éléments conter-versés

des normes IFRS, il parait tout naturel de consacrer une part de réflexion sur le déroulement

de cette crise afin de constater les réels impacts et interactions qu’ont peut jouer ces normes

internationales.

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C) La crise financière, brève chronologie

ous assistons actuellement aux conséquences d´une crise financière mondiale qui

a failli déclencher l´arrêt immédiat du système financier international. L´impact de

cette crise a été considérable et ne manquera pas de marquer fortement les

prochaines années. En effet, L’épicentre du séisme financier mondial trouve ses origines

dans une crise de l’immobilier sans précédent aux Etats-Unis, la crise des « subprimes »,

apparue à la fin de l’année 2006. Le subprime est un produit bancaire proposé et développé

par les banques américaines pour permettre à la classe moyenne aux USA de devenir

propriétaire immobilier, cette catégorie qui, à priori, ne pouvait se le permettre vu son niveau

de revenus. Ainsi, fin 2006, 81% des crédits subprimes ont déjà été titrisés. La crainte

causée par ces produits à risque a provoqué une crise de confiance ayant conduit à un vent

de panique sur les marchés boursiers.

La crise s’est alors généralisée à l’ensemble du système économique mondial à partir

de mi 2007. Celle-ci s'est même accentuée fin de l’année 2 008 avec la faillite de plusieurs

organismes de crédit, provoquant un début de crise systémique et la mise en difficulté de

plusieurs États. L’enchaînement de la crise du crédit de l’immobilier américain, avec une

crise financière devenue bancaire, puis économique et sociale, n’a dispensé aucun secteur

de l’économie mondiale, ni aucun pays, et ce quel que soit son niveau d’intégration dans le

système financier international.

La crise financière, qui se prolonge depuis, a profondément assombri les

perspectives de la croissance économique. Avec la chute des cours des marchés boursiers,

celle-ci a provoquée un fort ralentissement généralisé de l'activité économique, voire des

récessions dans la plupart des pays.

Le schéma chronologique des événements majeurs de la crise financière

août-07 sept-07 Hiver 2008 juil-08 sept-08 oct-08 2009

1ere Faillite

d'organismes de

crédits aux USA

1er effets sur les

marchés

financuers,

Nationalisation de

la Northern Rock

(GB)

Les institutions

financières

annoncent des

pertes massives

Plan de sauvetage

du gouvernement

américain des

sociétés Freddy

Mac et Fannie Mae

Accentuation de

la crise et faillite

de Lehmann

Brother

Adoption aux USA du

Plan Paulson. Les pays

de l'UE présentent des

plans de sauvetage

nationaux pour les

banques

Plans de

relance

nationaux

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D) A la recherche du coupable idéal

ous l’avons compris, la crise financière fait l'objet d'une abondante actualité. Ainsi

au fur et à mesure que cette crise s’est amplifiée, de vives critiques s’élèvent

contre les règles comptables depuis le début du dérèglement des marchés

financiers en 2007, en particulier contre les normes comptables internationales IAS/IFRS qui

véhiculent le principe de la juste valeur.

La communauté financière, principalement des dirigeants de grandes banques et

assurances, accusent les normes IFRS d’être à l’origine de l’amplification de la crise. En

effet, ces derniers détiennent une grande quantité d’actifs et de passifs financiers, et la

dégradation de la situation financière mondiale a entraîné une crise de l’évaluation de ces

éléments, sensiblement liés à la situation boursière du marché. Par conséquent, les

organismes financiers ont dû revoir à la baisse la valeur de leurs portefeuilles, aggravant

ainsi un peu plus le sentiment de défiance.

Cette crise financière a remis en lumière les attaques adressées aux normes

comptables internationales quant à la volatilité potentielle que pourrait provoquer la notion

de la juste valeur sur les comptes. En effet, Les normes sont en perpétuelle évolution et le

contenu de certaines préoccupe particulièrement la profession, autre la comptabilité des

régimes de retraite, les avantages au personnel, les regroupements d’entreprises ou le

concept du Goodwill, la notion de la juste valeur parait comme la cible parfaite pour nourrir le

débat. Ce concept, essentiellement utilisé pour la valorisation des instruments financiers,

reste un sujet délicat et controversé car difficile à mettre en œuvre. Il fait donc l'objet d’une

multitude de débats, à tel point que c'est avec une réactivité étonnante que les deux

organismes chargés de la normalisation comptable (IASB et FASB) ont envisagé un

assouplissement de la norme avant de se diriger vers un projet d’amendement.

Ces critiques, souvent formulées de manière plus au moins vague, couvre un champ

et des intentions beaucoup plus larges et évoquantes. Elles remettent en effet en cause tout

le système comptable international, non seulement lorsqu’il s’agit de l’application de la

notion de la juste valeur, mais de manière beaucoup plus générale l’inadaptation pure et

simple de ses règles comptables vis-à-vis du système financier !

Est-ce le prix à payer pour remplir les exigences de pertinence, de fiabilité, de

comparaison et de compréhension indispensables pour des normes de comptabilité

financière ? Etudions plus amplement ces critiques ainsi que les différentes réactions

qu’elles ont suscitées.

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II) La Juste Valeur comme Bouc-Emissaire de la crise financière actuelle.

A) La Juste Valeur

1 - L’institution de la Juste Valeur comme Modèle d’Evaluation.

L’IASB (International Accounting Standard Board) a décidé de mettre en place une

nouvelle méthode d’évaluation des actifs et passifs, à la suite de nombreuses critiques faites

au modèle patrimonial. Mais également dans un souci de pertinence et de transparence de

l’information financière. Les états financiers sont une mine d’information qui influe sur les

décisions des différents acteurs économiques tel que les créanciers, les investisseurs ou

encore les fournisseurs. A partir de ces informations, le créancier va décider d’accorder des

prêts, les fournisseurs de faire des affaires avec certains clients ou même les investisseurs

d’acheter ou vendre des placements.

Au regard de cet impact majeur induit par l’information des états financiers, l’IASB a

demandé au CNC (Conseil des Normes Comptables) un projet de recherche visant à

répondre à la problématique concernant la comptabilisation et l’évaluation des actifs et des

passifs. Quatre méthodes furent analysées ; la méthode au coût historique, le coût actuel, la

valeur de réalisation nette et la juste valeur. Nous retiendrons pour analyse les principales

méthodes que sont, le Coût Historique et la Juste Valeur.

Durant la fin des années 80 aux Etats Unis, est survenue une grave défaillance des

institutions financières, générée par l’utilisation d’instruments financiers complexes et d’une

volatilité des marchés financiers. Ce phénomène, occasionna dans le temps des risques

majeurs, soulevant ainsi l’importance d’une information comptable pertinente. Cet

évènement à mis en lumière la limite du modèle comptable standard : évaluation au Coût

Historique. Ce modèle comptable s’appui sur le principe de prudence, et consiste en la

comptabilisation du bien à sa valeur d’achat dans le patrimoine. On ne tiendra compte de la

juste valeur qu’au moment de sa réalisation. Les variations du marché ne sont pas

comptabilisées.

Dans ce contexte, ce modèle nous a démontré son incapacité à produire de l’information

financière sur la situation des banques, utilisatrices des instruments financiers à haut risque.

La crise des « Saving and Loans » responsable de la récession des USA en 1991, aurait

alors pût être révélée plus tôt ou même être évitée avec un autre modèle comptable.

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De plus, la SEC (Securities and Exchange Commission) reproche au Coût Historique

d’accorder un pouvoir discrétionnaire aux dirigeants leur permettant d’influer sur le résultat.

Ce modèle laisse une trop grande marge de manœuvre quant à la constitution des

provisions, ou simplement une appréciation subjective du risque, définissant ainsi les

provisions d’ « instrument de politique comptable ».

Par la suite, la Juste Valeur fût retenue comme étant la méthode la plus pertinent, du

fait de sa détermination mais également sa capacité à refléter les attentes actuelles du

marché et son utilité à la prise de décisions économiques externes. Il aura fallut un certain

nombre d’exposé-sondage pour faire susciter une reconnaissance de la Juste Valeur. Au

travers de l’IAS 32, en 1995, l’IASB a étendu sont champs d’intervention à l’information

financière, en prolongeant l’application de la Fair Value aux instruments financiers,

surpassant ainsi la limite d’application comptable.

2 - Qu’est-ce que la juste valeur ? Quels sont ses objectifs ?

La Juste Valeur ou encore Fair Value en anglais, est une méthode d’évaluation des

actifs et passifs. Elle est définie par l’IASB comme étant « le montant pour lequel un actif

pourrait être changé, ou un passif éteint, entre parties bien informées, consentantes et

agissant dans des conditions de concurrence normale » (IAS 36, §6). Le modèle de la Juste

Valeur souligne alors la valeur potentielle de vente, alors que la méthode du Coût Historique

conserve à la valeur d’achat du bien au bilan déduction faite de la dépréciation, sans tenir

compte des évolutions du marché.

L’évaluation à la Juste Valeur s’étend à de nombreux éléments de l’entreprise. Nous

pouvons citer comme exemple les stocks (IFRS 2), les immeubles de placement (IAS 40),

les instruments financiers (IAS 39), une nouveauté surtout pour les banques, les

immobilisations incorporelles (IAS 38), corporelles (IAS 16).

Cette promotion faite pour l’introduction de la Juste Valeur comme modèle

d’évaluation des actifs et passifs, est orchestrée par le FASB, (Financial Accounting

Standard Board) et appuyée par la SEC aux Etats-Unis puis relayée par l’IASB au niveau

international.

Les travaux de l’IASB reposent sur une prédominance de la valeur économique sur

la valeur patrimoniale des entreprises. En effet, les firmes en tant qu’acteur de l’économie

doivent refléter à travers leurs comptes, l’état du marché dans lequel elles évoluent. Ses

normes prennent appuies sur un cadre conceptuel, tourné vers les apporteurs de capitaux

afin de faciliter leurs prises de décision.

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La mise en place de la Fair Value, répond aux désirs des législateurs d’accorder une

meilleure circulation de l’information dans la sphère financière. La recherche d’une image

fidèle du marché assure aux acteurs économiques, une maîtrise de l’environnement

comptable et financier de leurs entités. Elle permet de prévoir, au mieux, les flux de

trésorerie futurs dans la mesure où elle intègre, par construction, ces flux financiers futurs.

Elle privilégie les objectifs des investisseurs lors de la diffusion des informations comptables.

Le prix du marché devient défaillant lorsque les conditions théoriques économiques ne sont

plus réunies, « à savoir un marché complet, bien informé, concurrentiel et sans

frottements »; en un mot, un marché parfait. Quand est-il alors de la détermination de la

« Juste Valeur » dans un contexte de marché imparfait, voir d’illiquidité des actifs complexes

c’est à dire une difficulté à échanger sur le marché ces actifs et passifs.

3- La juste valeur dans un contexte de crise

En période de crise, la juste valeur ne représente plus la réalité économique mais les

aléas du marché. Ainsi, les normes comptables ont mis à jour les difficultés des banques et

ont donné aux actionnaires et investisseurs une vision « en temps réel » de la dégradation

de la situation financière.

Lorsqu’une crise financière éclate au grand jour, elle

révèle alors tous les éléments qui auraient pût

annoncer sa venue. Presque personne ne la voit

arriver. Cependant, certains signes comme la

formation de « Bulle » spéculative, ou bien, un

engouement d’échange sur les marchés financiers

doivent mettre la puce à l’oreille des acteurs

économique. L’une des premières conséquences de

ce phénomène, est la remise en cause du langage de

la finance : la comptabilité. La crise est venue

ébranler et remettre en question les concepts

techniques les plus prisés, ce qui était jusqu’alors

vérité et justesse devient erroné et controversé.

Comme on a pu le constater durant la crise des « Subprimes », les intervenants du

milieu de la finance ont tenus pour responsable les normes comptables internationales

d’avoir joué un rôle d’amplificateur de la crise, voir même pour les plus radicaux, d’être à

l’origine de la crise financière actuelle.

* ENQUETE DE L’AGEFI - Normes comptables : faut-il en changer ?

La crise La crise financière a-t-elle démontré, la pertinence du concept de "juste valeur" ? *

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Cette dernière a surtout permis de mettre en lumière les difficultés de mise en œuvre

du modèle de comptabilisation à la Juste Valeur. En effet, lorsque les conditions théoriques

requises pour la détermination du prix du marché ne sont plus réunies, c’est aux utilisateurs

de mettre en place des méthodes subjectives à sa détermination. A savoir, il est aisé de

trouver une Juste Valeur lorsque le marché en question est actif, mais cela devient plus

épineux en l’absence de transactions. C’est le cas en ce moment, pour les produits les plus

complexes. Mais le normalisateur a paré à cette situation dans son dispositif comptable.

Rappelons, que ce dernier, prévoit qu’en l’absence de marché actif et donc d’impossibilité

de déterminer un prix de marché, il est laissé aux utilisateurs la capacité de déterminer la

Juste Valeur à l’aide de modèles financiers d’évaluation interne.

C’est à ce moment là qu’intervient la critique, on parlera alors de pluralité de la Juste

Valeur. En effet, c’est une valorisation qui se veut objective, mais qui dans certain cas est

soumise à la subjectivité des professionnels. Cette valeur reste-t-elle « Juste » alors que sa

détermination est soumise à la subjectivité des entités dans ce genre de contexte?

L’IAS 39 sur les instruments financiers, précise les différents recours pour la

détermination de la Juste Valeur, que nous préciserons ultérieurement.

Le secteur le plus touché par la récente crise est le secteur bancaire. En effet, l’introduction

de l’IAS 39 à rendu obligatoire la valorisation à la Juste Valeur des produits dérivés au

bilan, ce qui honore un des objectifs de l’IASB à savoir la réduction des engagements hors

bilan.

B) Les effets pervers de la Juste Valeur

es critiques sur la Juste Valeur s’orientent globalement sur deux points ; la

procyclicité et l’illiquidité des marchés. La volatilité des marchés rend difficile la

comptabilité à la Juste Valeur tout en remettant en cause son principe. En effet,

comment pourrait-elle donner une idée de la valeur à laquelle un titre peut être vendu sur le

marché si celle-ci varie incessamment ? De plus, elle tend à accentuer les effets

procycliques.

L

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1 - L’effet procyclique de la juste valeur

La procyclicité au sens strict, est la propension des variables financières à évoluer

autour d’une tendance durant le cycle économique. Son augmentation correspond donc à

des fluctuations d’une ampleur plus importante. On observe alors des comportements dit

« procycliques », c'est-à-dire qu’en période d’ « euphorie », les marchés ont tendance à

montrer de bonnes performances multipliant ainsi les prises de risques de la part des

acteurs financiers. La Juste Valeur est rendue responsable d’accentuer les effets du cycle

économique.

Ce phénomène a été de très grande ampleur pour les banques, qui durant la Bulle

financière ont accentué fortement leur prise de risque. Nous expliquerons l’ « effet

procyclique » des normes à travers le cas des institutions bancaires.

Avec l’application de la Juste Valeur, dans le cas où le cours en bourse augmente, les

banques vont enregistrer une plus-value qui augmentera la valeur du bilan. A contrario, si

elle constate une baisse des cours boursiers, cette baisse sera immédiatement répercutée

dans les états financiers soumettant ainsi les bilans des banques à une forte volatilité, mais

surtout à une forte vulnérabilité. Autant de volatilité illustre une logique court-termiste de la

Juste Valeur.

C’est alors qu’intervient cet effet procyclique, qui va accentuer la volatilité du marché,

et par effet ricochet accentuer l’illiquidité de ce dernier. Une tendance boursière à la baisse,

va entrainée de la part des banques l’enregistrement de très grosses pertes détériorant ainsi

le bilan en cette période de ralentissement.

Nicolas Véron (économiste), rappel alors dans son « plaidoyer pour la Juste Valeur », que

les banques sont soumises à une réglementation prudentielle : d’après l’accord de Bâle II,

elles doivent satisfaire la mise en place d’un ratio de solvabilité. On se tromperait alors de

coupable, la procyclicité ne serait donc pas l’effet des normes comptables mais celui des

normes bancaires.

Vraisemblablement, il serait arbitraire d’attribuer l’entière responsabilité du

phénomène de procyclicilté à l’usage de la Fair Value. Toutefois, la combinaison des

normes comptables avec la réglementation prudentielle à laquelle sont soumises les

banques semble induire à une réponse potentielle.

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Les normes IFRS et la crise financière Décembre 2009

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2 - La volatilité inhérente à l’évaluation à la Juste Valeur

Outre l’effet procyclique des normes, les spéculateurs financiers lui incombent le fait

d’avoir perverti les états financiers, à travers une volatilité constituée par l’évaluation à la

Juste Valeur. A quoi correspond exactement la volatilité ? Quels sont ses effets ?

La volatilité d’un instrument financier illustre sa propension à s’écarter de façon positive ou

négative de son prix moyen durant une période précise. L’ampleur de cette propension

interagie en grande partie avec l’instabilité du marché. Le niveau de volatilité d’un produit

renseigne sur le niveau de risque qui lui est associé, plus la volatilité est grande, et moins le

produit sera convoité, ce qui est tout à fait normal.

Associée au facteur temps, la volatilité sur un même instrument peut facilement

varier. Plus précisément, l’évaluation à court terme du prix d’une action, peut subir de plus

fortes fluctuations que son évaluation à long terme. Certains facteurs comme la modification

du taux d’intérêt ou d’une évolution de la perception du risque, sont déclencheurs des effets

de la volatilité. Une minime variation des ces facteurs va entraîner une plus ou moins forte

volatilité. C’est le cas des entités bancaires, qui ont vu altérer leur perception du risque et

ainsi multiplier leurs transactions dans un élan de confiance.

La volatilité causée par l’évaluation à la Juste Valeur, a été mise sous le feu des

projecteurs lors de la crise des « Subprimes » sans doute à juste titre. En effet, nous avons

assisté à une diminution des instruments évalués à la Faire Value, causé par une

atmosphère de méfiance à leur égard. Rappelons que nous sommes en présence d’un

contexte de crise de confiance, ayant affecté le monde de la finance. Par effet de cascade,

la crise a laissé place au phénomène d’illiquidité dans les marchés, rendant difficile la

détermination de la Juste Valeur dans un marché actif.

C’est alors que des difficultés de mise en œuvre de la Juste Valeur apparaissent.

L’IASB suggère dans ses normes comptables, qu’en cas d’absence de marché actif, qu’une

estimation interne de la Juste Valeur soit effectuée, bien évidement ceci inclus un part de

jugement dans cette situation. En d’autres termes, l’illiquidité des marchés a contraint les

banques à développer dans l’urgence des modèles de valorisation afin de répondre aux

conditions de marché. C’est en ce simple fait que réside le risque majeur inhérent à la Juste

Valeur, dès lors qu’il y a une appréciation extérieure à ses principes de mesure, cette

dernière perd alors son caractère objectif, et devient subjective.

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Les difficultés auxquelles se réfèrent ces deux critiques sont bien réelles. Mais les

solutions proposées, de modifier les normes actuelles temporairement ou définitivement afin

de limiter la portée de la comptabilité en juste valeur, restent peu convaincantes. S'il est

facile d'identifier les défauts de la juste valeur, il est moins évident de proposer une méthode

alternative qui remplirait mieux les exigences de pertinence, de fiabilité, de comparaison et

de compréhension indispensables pour des normes de comptabilité financière. En

particulier, la référence à des prix historiques, souvent évoqués dans ce débat, apporterait

une information moins comparable et moins pertinente.

C’est en ce sens que Mr David TWEEDIE (président de l’IASB) a récusé la culpabilité

des normes IFRS, en soulignant la responsabilité des entités touchées par la crise : « plutôt

que de remettre en cause les normes IFRS il faut se pauser les vraies questions : les

entreprises touchées ont-elle correctement contrôlé leurs risques ? Les investisseurs

avaient-ils la moindre idée de ce qu’ils achetaient ? ».

Le concept de Juste-Valeur (ou Fair Value), utilisé pour la valorisation des

instruments financier fait donc l'objet de nombreux débats, à tel point que c'est avec une

rapidité sans précédent que les deux organismes normalisateurs (IASB et FASB) ont

proposé un assouplissement de la norme avant de se diriger vers un projet de modification.

C) Réaction de l’IASB face à sa culpabilité dans la crise

1 - Les amendements de l’IASB

’IASB tenu pour responsable de la crise financière avec son concept de la Juste

Valeur, a dû revoir sa copie concernant ses différentes normes applicables aux

instruments financiers. En effet, contraints par la crise des « Subprimes », les

banquiers et les organes politiques ont fait pression sur l’IASB afin qu’il se prononce sur sa

culpabilité dans cette crise.

L’inquiétude grandissante des ministres de la finance et des principaux dirigeants, sur

la vulnérabilité des sociétés européennes, dans un contexte de baisse des prix des actifs et

d’une forte réduction de l’accès au crédit, on fait rapidement évoluer les choses. C’est dans

ce sens que l’IASB a entamé une réforme de ses normes.

L

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Les normes IFRS et la crise financière Décembre 2009

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Les accords de Norwalk d’octobre 2002, qui prévoit un projet de convergence entre

les normes internationales IFRS et les normes américaines US GAAP. La réforme de l’IAS

39, constitue une grande étape pour ce projet de convergence, mais répond également aux

souhaits du Conseil ECOFIN (Conseil des affaires économiques et financières) de rétablir la

compétitivité des établissements financiers européens avec leurs homologues d’outre-

Atlantique.

En effet, les US GAAP prévoient le reclassement des actifs du portefeuille de

négociation (trading book), dans le portefeuille bancaire (banking book). L’IAS 39 ne

permettait pas ce genre de manipulation, car ces deux portefeuilles ne s’évaluent pas de la

même manière. Le trading book est évalué à la Juste Valeur, alors que le banking book

s’évalue au coût amorti. On suggère alors, en l’absence de données de marché pertinentes,

que les entreprises peuvent recourir à l’utilisation du mark-to-model, c'est-à-dire des

modèles de valorisation se basant sur d’autres critères que le mark-to-market. Toutes

reprises de gains ou de pertes constatés avant le reclassement est totalement proscrit.

Cette possibilité de reclassement, à pour objectif d’atténuer les fluctuations des actifs

sur le marché et ainsi lisser les impacts de la crise sur les comptes. Mais aussi, en présence

d’un marché illiquide, d’éviter l’enregistrement de moins-values sur un instrument donc la

Juste Valeur ne reflète guère sa valeur intrinsèque.

L’amendement de la norme IAS 39 décrit les nouvelles règles de transfert entre

catégories comptables. Hormis les produits dérivés, les entités ont désormais la possibilité

de reclasser un actif financier, de la catégorie « à la Juste Valeur par le compte de résultat»

vers une autre catégorie dès lors que son intention de gestion a changé. Ici on se focalise

surtout sur la durée de détention de l’instrument à savoir du court, moyen ou long terme.

Si l’entité opte pour un transfère, alors l’actif sera enregistré au coût amorti,

correspondant à sa Juste Valeurs au moment du reclassement. La crise financière actuelle

fournie un prétexte aux banques pour recourir aux aménagements de l’IAS 39, applicable à

compter du 1er juillet 2008. (IAS 39, §.50B).

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Cet amendement n’a apporté aucune modification en ce qui concerne les facultés de

reclassement déjà existantes dans l’IAS 39, §.54. Est prévu dans ce texte, la possibilité de

transférer des actifs financiers de la catégorie des actifs disponibles à la vente (évaluation à

la Fair Value) vers une catégorie d’actifs détenues jusqu’à leur échéance (au coût amorti).

Cette manipulation n’est possible que dans certaines circonstances, tels qu’un changement

d’intention ou l’impossibilité à laquelle l’entreprise est aujourd’hui confrontée pour déterminer

de façon fiable la Juste Valeur des instruments de capitaux propres.

Dans l’amendement Reclassification of Financial Assets, il s’agissait également

d’apporter des modifications à l’IFRS 7 qui précise qu’elle doit-être l’information financière à

produire dans le cadre de l’option pour l’amendement IAS 39. L’IASB ne perd pas de vu son

soucis de transparence financière et met tout en œuvre pour y satisfaire.

Désormais, des opérations considérées jusque là comme étant évaluables à la Juste

Valeur, sont valorisées à leur Coût Historique. Rappelons que cette alternative n’est pas une

solution à la procyclicité de la comptabilité, mais qu’elle permet un lissage et un retard dans

le temps des écritures de dépréciation.

Petit rappel historique, durant la crise financière de 2000-2003, la méthode

d’évaluation au Coût Historique était « la méthode comptable ». Elle n’a pas empêché les

professionnels du monde la finance de mettre en cause le caractère procyclique de la

comptabilité qui été également au devant de la scène.

* ENQUETE DE L’AGEFI - Normes comptables : faut-il en changer ?

L’IASB paraît-il avoir été assez réactif pendant la crise ? *

La proposition de classer tous les instruments financiers en deux catégories (juste valeur ou coût

amorti) paraît-elle pertinente ? *

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2 - Les amendements sont-ils la solution ?

Rappelons que cet amendement a été pris dans l’urgence et au détriment d’une

consultation des utilisateurs de comptes. Selon l’étude de l’EDHEC, ces amendements ne

favorisent ni la transparence des comptes, ni leur comparabilités.

Au contraire, ces amendements seraient contre-productifs, ils auraient comme effet :

De réduire l’information et la lisibilité des comptes

Occulter la réelle exposition aux risques des entreprises

Augmentation des marges de manœuvre sur la publication des comptes

Augmente la défiance des investisseurs vis-à-vis des comptes.

De plus, cette étude revendique le fait que le débat sur la Juste Valeur ait été mal

orienté. Il ne s’agit pas de remettre en question la méthode d’évaluation à la Juste Valeur,

mais plutôt sa mesure et plus précisément, le choix des traitements comptables retenus par

l’IASB.

Les amendements de l’IASB, ne parviennent pas à satisfaire totalement la problématique de

la « Mesure », cependant des améliorations ont été apportées en termes d’information. En

effet, rappelons le, en cas de marché inactif l’IAS 39 précise trois possibilité pour déterminer

la meilleure Juste Valeur à adopter :

Estimation sur la base d’une transaction récente sur un marché actif d’un

instrument financier identique (procédé analogique).

Estimation d’une Juste Valeur à partir de l’évaluation d’un instrument financier

similaire

Modélisation sur la base de paramètres observables ou non

Les différents protagonistes, poussés à rendre coupables les normes comptables

internationales d’avoir aggravé la crise financière, doivent faire la part des choses entre

remettre en cause la pertinence d’une comptabilité à la Juste Valeur, ou soulever un débat

concernant les choix des traitements comptables retenus par l’organisme international.

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Cependant, il est apportant de souligner, que l’application des amendements va à

l’encontre de certains principes comme celui de garantir une meilleure appréciation des

risques. En effet, les états financiers ne correspondent plus à l’image fidèle des entreprises.

Nos propos ne cherchent pas à affirmer que les états financiers sont faux, mais

simplement de dire qu’ils ne reflètent pas de façon objective la situation économique des

entreprises. L’application de ces amendements atténue la réalité financière de ces états

financiers, ils permettent de revaloriser les actifs financiers à la hausse. Cette pratique a

d’autant plus d’impacte sur les bilans des banques où les actifs et passifs financiers

représentent un poids important. Certains protagonistes, parlent même de méthode hybride

en contradiction avec le rôle de comptabilité, suite aux amendements apportés pas l’IASB.

L’enseignement à tirer des « Subprimes », réside moins dans l’inéquation des règles

comptables que dans les difficultés à évaluer des instruments financiers complexes. En ce

sens, le retour à des modèles théoriques ou même au Coût Historique n’est pas

envisageable, du fait de leur inéquation flagrante avec les instruments financiers. L’usage de

méthode hybride n’est pas meilleur, ni plus optimal et ne semble pas satisfaire à la

résolution des soucis de procyclicité et d’illiquidité.

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Les normes IFRS et la crise financière Décembre 2009

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ujourd’hui, les normes internationales constituent le premier référentiel comptable

mondial qui réunit aussi bien les américaines, les européens, les asiatiques, les

Africains que les Australiens. De plus, c’est la 1ère fois que les professionnels de

la finance disposent d’un référentiel universel. Avec ce nouveau référentiel,

l’entreprise et ses partenaires disposeront non seulement d’un système comptable

dynamique, mais aussi d’un vrai outil de prise de décisions stratégiques, de comparaison

des performances, offrant un éclairage nouveau et plus économique que les méthodes

traditionnelles.... Et c’est en partie cela que l’apport des normes IFRS est pertinent.

Parallèlement, La crise financière a provoqué un intérêt sans précédent pour ces

normes internationales. L´attention portée à ce sujet révèle une prise de conscience

croissante de la dimension et de l´importance d´un système comptable solide pour la

stabilité financière et économique mondiale. Dans un contexte prédominé par la

convergence des différents systèmes comptables vers le système international, cette crise

va permettre une mise à l’épreuve des normes IFRS afin qu’elles prouvent leur capacité à

s’intégrer dans la sphère financière et économique.

« La comptabilité ne peut échapper à la règle générale de toute société démocratique, dans

laquelle les principes sont avalisés par le système politique ».

Certains insistent sur le fait que l’évaluation à la Juste Valeur est génératrice de

procyclicilté et d’illiquidité sur les marchés, qu’elle engendre ainsi la volatilité de la valeur

bilancielle des entités. Ces accusations ne sont pas sans fondement, en réfléchissant au

problème dans sa globalité, on conçoit le fait que la comptabilité doit se limitée à un rôle

informatif et en aucun cas contribuer à la performance des entreprises. C’est à cet effet, que

les amendements de l’IAS 39 et de l’IFRS 7 ont été qualifiés de « contre-productifs » dans

la mesure où le reclassement de certains instruments permet le passage d’une évaluation à

la Juste Valeur vers une évaluation au Coût Historique.

A

Noura Medjdoub & Noureddine Errais

Les normes IFRS et la crise financière Décembre 2009

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Ce passage à pour effet, d’améliorer les résultats des entités utilisatrices à travers un

lissage des dépréciations. On assiste alors, à un amoindrissement de l’information financière

et d’une dissimulation du niveau de risque auquel est exposée l’entreprise.

Cependant, il n’est pas justifié que les normes comptables internationales portent

l’entière responsabilité de la crise financière et deviennent « Le » Bouc-émissaire. Il est

important de prendre en considération tout les facteurs en causes. La Juste Valeur a malgré

tout tenté de tenir ses objectifs d’information, de pertinence et de fiabilité des actifs. Elle a

joué un rôle d’annonciateur précoce et de révélateur de la crise. En dernier lieu, nous

insisterons sur le fait que les accusateurs de la Juste Valeur ont exclu la probable culpabilité

des règles prudentielles, notamment celles imposées aux banques par Bâle II. Qu’en est-il

de la Full Fair Value, envisagée par les institutions américaines ? Faudrait-il craindre une

autre crise ?

* * * * *

Noura Medjdoub & Noureddine Errais

Les normes IFRS et la crise financière Décembre 2009

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Articles et Ouvrages :

LACOSTE Olivier. « Comprendre les crises Financières », Eyrolles, 2009.

COLMANT Bruno. « Crise des Subprimes, Juste Valeur comptable et modèle

comptable », Accountancy&Tax, Avril 2008.

« L’Essentiel des normes comptables internationales IAS/IFRS », Editions Gualino, 2005

« Le comptable est-il coupable ? » Nicolas Véron - Économiste, Bruegel

Sites Web :

Les Echos. « Débat sur la juste valeur ; transparence et communication financière »

http://pwc.laquestiondudirigeant.lesechos.fr

Institut entreprise, « Juste Valeur : le rôle des nouvelles normes comptables dans la crise

financière », compte rendu des débat du 11.12.2008 à Lisbonne.

www.institut-entreprise.fr

Jean-François Casta, « La comptabilité en juste valeur permet-elle une meilleure

représentation de l’entreprise. » - CEREG Paris Dauphine.

Http://basepub.dauphine.fr

Geoffrey LALLEMENT, « Réforme des normes IAS 39 et IFRS 7 »

www.otc-conseil.fr/

EDHEC « La « Fair Value » : un débat mal posé »

http://professoral.edhec.com

Les normes comptables internationales et la crise financière – Newsletter N° 45

www.compta-online.com

Rapport d'information (Baert-Yanno) relatif aux enjeux des nouvelles normes comptables

www.focusifrs.com

Enquête de l’AGEFI Etudes - Normes comptables : faut-il en changer ? – Nov 2009