Le secret bancaire suisse: une analyse du problème à l'aune des évolutions internationales
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Le secret bancaire suisse : analyse du problème à l’aune des
évolutions internationales. Par Joad Louad
1. L’argent et la crise économique. L’affaire Jérôme CAHUZAC, un évadé du fisc
français, a défrayé la chronique pendant de nombreuses semaines. En effet, il avait
dissimulé ses fonds dans un paradis –fiscal ou bancaire-, où personne n’allait vérifier son
patrimoine, bénéficiant de l’opacité d’un système bancaire à la limite répréhensible et
reprouvé. L’argent, qui d’habitude se thésaurise dans le plus grand silence, a provoqué du
bruit quand cette évasion fiscale fut découverte. C’est ainsi, que « l’argent est (devenu) la
racine de tous les maux » (1)
. Il semble, ainsi, que cette déclaration biblique trouve un
certain écho dans la configuration économique du monde d’aujourd’hui. Depuis, le
déclenchement de la crise économique de 2008, le monde connait des changements
considérables, se manifestant par des pressions de toutes formes, afin de diminuer les
effets pervers de la crise, qui ne cessent d’affecter les économies des grandes puissances
mondiales. Cette situation a donc conduit à une remise en cause de la politique
économique d’autrefois qui, tolérait un certain désordre caractérisé par la volatilité
économique et, par l’absence de politique concrète de régulation du secteur bancaire
international.
2. Volatilité de l’économie mondiale. Cette volatilité économique est l’une des
conséquences majeures auxquelles les Etats doivent faire face à ce jour ; cela dicte une
nouvelle conduite aux pays développés et sous développés en matière de finance. Ce statu
quo amène les Etats a adopté une politique fiscale plus agressive envers leurs « esclaves
fiscaux », et ce, pour mieux lutter contre certains comportements déviants qui affectent les
budgets des Etats. Ces politiques agressives ont pour objectif de réguler les transferts des
flux financiers à travers le monde. Et dans ce cadre, les activités bancaires font davantage
l’objet de surveillance renforcée compte tenu de leur rôle dans la crise économique.
3. Fondement du combat contre le secret bancaire. C’est dans ce contexte que les
canons sont braqués vers les pays pratiquant une grande opacité dans leur système
bancaire ; c’est dans ce sens où nous examinerons au cours de notre étude la situation de la
1 Paraphrase du verset biblique I Timothée 6 :10.
- 2 -
Suisse dont, le secret bancaire (2)
fait l’objet de vive dénonciation sur la scène
internationale tant par les américains que par les pays membres de l’Union européenne.
Ainsi, le secret bancaire instauré dans plusieurs places financière s’érode progressivement
sous de nombreuses estocades. Les critiques incessantes contre le secret bancaire
annoncent, sans aucun doute, la fin de cette institution. Cela part du constat selon lequel,
« l’opacité » que créait le secret bancaire est, devenu un outil précieux des criminels
astucieux en matière d'argent pour des finalités multiples. Voila pourquoi la communauté
internationale milite davantage pour une économie transparente dans le traitement des flux
financiers, transitant, souvent en Suisse, qui est une place financière importante dans les
mouvements des capitaux. Ce besoin récurrent de transparence, a donc été à la base de
l’adoption et de la ratification de nombreuses conventions internationales tant par les pays
développés que par les pays en voie de développement. Toutefois, malgré ce constat
négatif, il convient à préciser que le secret bancaire est un instrument d’impulsion de
l’économie helvétique. Il convient de dire que le secret professionnel qui est pratiqué dans
plusieurs secteurs d’activité n’a pas la même portée. « Partant de cette observation, le
devoir du secret tel qu’imposé aux professionnels, n’est pas une notion absolue. Il existe
des nuances appréciables entre les différents secteurs professionnels concernant la teneur
et la forme du secret. Ces formes proviennent notamment de la valeur sociale accordée au
détenteur et à la puissance de la confidence » (3)
. Le secret professionnel assujetti donc
certaines personnes qui exercent une profession, souvent, à un devoir de discrétion (4)
.
Dans le domaine bancaire, le secret est indispensable pour la protection de la vie privée et
pour la défense du secret des affaires (5)
; il correspond à une exigence légitime de sécurité
(6).
4. La notion du secret bancaire. Le banquier est donc lié avec son client sur la base d’un
contrat, qui lui impose un devoir de discrétion. Il s’agit, à proprement parler, d’un véritable
devoir de secret lequel, en Suisse est dénommé par le secret bancaire. Mais que faudrait-il
entendre par secret bancaire ? La notion du secret bancaire recouvre, à dire vrai, deux
2P.G. MORCOS, Le secret bancaire face à ses nouveaux défis, éd. Saderline & Bruylant 2008, 608p. ; G.
ZUCMAN, La richesse cachée des nations Enquêtes sur les paradis fiscaux, éd Seuil col. La République des
idées, 128p. 3M. GOURAMEN, Le secret bancaire et l’entraide internationale, Mémoire de Maîtrise, Université de
Montréal, 2009, p.1 4Par ex. Médecin, avocat, banquier, le prêtre qui sont tous tenus à une obligation de discrétion.
5GALVADA, Le secret des affaires, Mélanges SAVATIER, 1965, p.291
6P. DELEBECQUE, M. GERMAIN, Traité de droit commercial, T2, 17
e éd L.G.D.J, 2004, p.236-239.
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concepts : le devoir de discrétion et le secret professionnel du banquier (7)
. Ainsi, « Le
secret bancaire est d’abord une institution de droit, un « mur » juridique érigé par la loi
suisse autour de la relation entre la banque et son client. Il vise à la protéger de la
curiosité d’autrui, qu’il s’agisse des personnes privées ou d’autorité publique. Les clients
des banques suisses jouissent ainsi d’un degré de confidentialité inconnu dans la plupart
des autres pays » (8)
. Ce devoir de discrétion interdit au banquier de divulguer des
informations confidentielles aux tiers, sans préjudice pour ce dernier d’engager sa
responsabilité(9)
.
5. L’origine du secret bancaire suisse. L’institution du secret bancaire est née en Suisse.
Son origine semble quelque peu mythique (10)
. En effet, le secret bancaire avait été, au
départ, mis en place par la place financière helvétique afin de protéger les fonds et les
avoirs des juifs contre les persécutions nazies (11)
, particulièrement contre les espionnages
économiques orchestrés par la GESTAPO (12)
sur le territoire suisse. C’est de « cet afflux
de capitaux de persécutés qu’a été introduit dans la législation suisse le fameux secret
bancaire. Des émissaires nazis suivaient en effet en suisse les émigrés. Ils essayaient de se
procurer des indications sur les capitaux qu’ils détenaient en Suisse. En possession de
telles informations, ils auraient été en mesure d’exercer des chantages sur les membres de
la famille restés encore en Allemagne » écrivait Philippe de Weck (13)
. Dès l’abord, on
s’aperçoit que cette version des faits présentés, est éloignée de la réalité. Certains
historiens contestent, en effet, ce mythe ; cette approche historique de l’origine du secret
bancaire leur semblent invraisemblable (14)
. Son origine relèverait plutôt d’un autre
facteur, celui de protéger la place financière helvétique des attaques des pays voisins qui
dénonçaient déjà ‘’ l’opacité ’’ découlant du secret bancaire suisse. En effet, durant l’entre
deux guerres, la place financières attirait davantage les capitaux étrangers, notamment des
français, qui trouvaient le climat économique suisse prospère et adapté pour y déposer
7Pour une étude complète du secret professionnel voir : TEISSUR, Le secret professionnel du banquier,
Thèse de doctorat d’Aix-Marseille, éd PUAM, 1999. 8S.BESSON, Le secret bancaire la place financière suisse sous pressions, 2e éd Le Savoir Suisse, 2010
9F. PASQUALINI, La responsabilité du banquier, R.C.D, Octobre 2005, p.4
10S. GUEX, Les origines du secret bancaire suisse et son rôle dans la politique de la confédération au sortir
de la seconde guerre mondiale, Genèse, vol.34, n°34, p.4-17 ; P.G. MORCOS, Le secret bancaire face à ses
défis Liban, France, Suisse, Luxembourg et Moyen orient, éd. Sader & Bruylant, 2008, pp.104-106. 11
S.GUEX, op.cit, p.4 12
T.CHAPOT, L’espionnage bancaire et son rôle bancaire dans l’adoption de dispositions relative à
l’espionnage économique 1930-1935, Mémoire sous la dir. du Pr Sébastien GUEX, Université de Lausanne,
2010, 153 p. 13
Cité par Sébastien GUEX, op.cit, p.5. 14
P.HUG, Les vrais origines du secret bancaire : démontage d’un mythe, le Temps 27 Avril 2000, p 12 ; V.
aussi T. CHAPOT, op.cit, p.12.
- 4 -
leurs avoirs. L’un des motifs essentiels était pour les contribuables (15)
de fuir la lourde
imposition que la France, l’Italie, La Grande-Bretagne avaient instauré sur leur territoire.
Force est dès lors de constater que « la gestion des capitaux privés offshores est une
industrie génératrice de profits considérables, dans laquelle la place financière suisse
détient une part importante du marché. Le secret opposable au fisc des Etats de
provenance de ces capitaux constitue assurément, un argument commercial de taille, dans
un contexte économique où la concurrence est particulièrement forte. On peut donc
comprendre que les banques suisses refusent de se priver d’un atout qui, par hypothèse
continuerait à profiter à leurs concurrentes » (16)
. Cela étant, la Suisse était donc vite
devenue un havre pour les capitaux étranger. C’est donc la hausse de la fiscalité dans les
pays voisins que la Suisse entendait tirer profit pour son expansion économique. Il ne
s’agissait pas d’accomplir un acte humanitaire loin s’en faut, mais plutôt de mieux garantir
la stabilité économique que la place financière helvétique s’était acquise, en devenant une
plaque tournante, attrayante, presqu’incontournable des capitaux en Europe et pour le
monde entier. Ainsi, « le secret bancaire cessait d’être seulement un instrument à
vocation essentiellement interne destiné à les protéger des autorités fiscales indigènes. Il
devenait également un instrument à vocation externe, une pièce maîtresse dans le dispositif
destiné à faire venir les capitaux étranger en Suisse, et par conséquent un atout pour la
concurrence internationale » (17)
. Le secret bancaire suisse s’appliquait non seulement aux
nationaux mais aussi aux étrangers dont le souci majeur était de fuir le fisc qui devenait
trop « gourmand ». De même, il convient à préciser que le mythe de la protection des
avoirs juifs n’est apparu que bien plus tard. En effet, celui-ci a émergé que vers les années
1960 et non comme le font croire certains historiens qui, le situent autour des années
1930.Pour tout bien dire, même si cette protection avait été bel et bien accordée aux avoirs
juifs sur le sol helvétique, cet argument nous paraît secondaire. C’est d’abord la défense de
ses intérêts économiques que la place suisse entendait premièrement défendre.
6. Fondements du secret bancaire. « Le devoir de discrétion que les représentants et les
employés des banques sont tenus d’observer sur les affaires économiques de leurs clients
trouve sa source dans diverses bases légales ». Avant 1934, le secret bancaire suisse avait
pour fondement, principalement, le droit des obligations, et le banquier qui manquait à son
15
S. GUEX, op.cit, p.6 16
B. BERTOSSA, De l’étique de combattre l’évasion fiscale, in Place financière suisse, évasion fiscale et
intégration européenne, R. SCHOWK (sous la dir.), Europya, p.132 17
S.GUEX, op.cit, p.6
- 5 -
devoir de discrétion tombait sous le coup de la loi civile. Cette obligation de discrétion est
prévue par l’art.98 al.2 du code des obligations suisse qui, garantit en cas de rupture du
devoir découlant d’une obligation contractuelle, la possibilité pour le client d’intenter une
action en réparation des dommages et intérêts à l’encontre du banquier (18)
. En sus,
l’importance du secret bancaire suisse a été renforcée par la loi fédérale sur les banques et
les caisses d’épargne, précisément en son article 47. Cette disposition mériterait d’être
citée : « 1.Celui qui aurait incité autrui à violer le secret professionnel, sera puni de
l’emprisonnement pour six mois au plus ou de l’amende jusqu’à concurrence de
50.000francs. (…) 3. La violation du secret demeure punissable alors même que la charge
ou l’emploi a pris fin ou que le détenteur du secret n’exerce plus sa profession
.4 Sont réservées les dispositions de la législation fédérale et cantonale statuant
l’obligation de renseigner et de témoigner en justice. ». Cette loi est venue conférée au
secret bancaire une force supérieure par la pénalisation de la violation du devoir de
discrétion. Et, les sanctions prononcées à l’encontre d’un banquier ou d’une banque ayant
failli à cette exigence sont assez sévères. Pour la banque, elle peut se voir retirer sa licence
d’exploitation qui est prévu aux articles 27 du C.civ et 398 du C.P.S et pour le banquier
d’une peine privative de liberté ou d’une amende.
7. Les raisons des attaques de la place financière suisse. Les attaques contre le secret
bancaire suisse ne datent pas d’aujourd’hui. Le caractère très strict du secret bancaire
commençait à être vivement dénoncé avant la crise économique de 1929 et, les pressions
ont continué à sévir après la seconde guerre mondiale. En effet, dans les années 30 les
Etats européens étaient frappés de plein fouet par la crise économique de 1929, et
adoptèrent des politiques afin d’éviter la fuite des capitaux vers la place financière suisse,
afin de rééquilibrer le déficit budgétaire et stimulé la relance économique. C’est dans ce
contexte, que la France avait organisé des perquisitions, le 27 Octobre 1932, dans les
locaux de la banque commerciale suisse Bâle installé à Paris. Et, les documents saisis par
le fisc prouvait que cette banque se livrait depuis longtemps à faciliter la fuite des capitaux
des riches français en Suisse en éludant l’impôt (19)
. Cette découverte met à nue une perte
d’un milliard de franc français de l’époque. Cette affaire avait causé beaucoup de remous
entre les deux pays, et la France exigeait que la Suisse puisse lever son secret afin de
18
En France, il s’agit de l’art L.571-4 du code monétaire et financier. En Belgique il ne s’agit que d’un
simple devoir de discrétion qui s’impose aux banquiers et aux agents du fisc, il est prévu par l’art.318 du
code fiscal sur les revenus. Au Luxembourg c’est l’art.458 du code qui le consacre (loi du 26 Avril 1981). 19
Et dans la même on découvrit que la banque d’escompte suisse, et la banque privée genevoise aidaient leur
client à frauder le fisc français
- 6 -
combattre cette évasion massive des capitaux de ses résidents. Nombreux, furent les
dirigeants politiques suisses de l’époque qui refusèrent à cor et à cri que la Suisse puisse
aider la France. Car, « aller jusqu’à la levée du secret bancaire et obliger les banques à
donner des renseignements (…). L’importance de ce qui revient à l’activité bancaire dans
l’économie suisse incite à la plus grande prudence en ce qui concerne les mesures contre
l’évasion fiscale. C’est ainsi que le comité de l’association des banquiers suisses a
également décidé de refuser strictement (…) toute mesure combattant cette évasion » (20)
.
Cela, a donc conduit à la défense d’un secret bancaire très strict malgré les pressions des
voisins de la Suisse et des américains. Il est remarquable d’observer que le secret bancaire
suisse n’était pas négociable. C’est ainsi que « la place financière et le secret bancaire
helvétique ont été défendu avec la plus grande intransigeance » (21)
.
8. Changement de la politique Suisse. Malgré la ténacité qu’a fait montre la Suisse
pendant de nombreuses années à défendre les intérêts de sa place financière au niveau
régional – quoique ne faisant pas partie de l’Union Européen néanmoins, elle est un pays
de l’Europe -- et international, à l’heure actuelle d’une forte globalisation des économies,
cette position de la Suisse, au regard de l’ampleur de la crise économique de 2008, est en
train de changer progressivement. Car, la communauté internationale entend lutter contre
les flux financiers internationaux illicites -qui se caractérisent des transferts illégaux, des
fonds qui proviennent d’une activité illégale, l’évitement de l’impôt- et le terrorisme qui
préoccupent de nombreux Etats. En effet, les catastrophes qui ont fait suite à la crise
économique poussent les Etats à adopter une politique plus ‘’agressive’’ envers les Etats
non coopératifs. « (…) Le regain d’intérêt porté à la thématique de l’évasion fiscale n’est
pas une bonne nouvelle pour l’industrie financière suisse en particulier et pour la Suisse
en général. Le secret bancaire a certes toujours subi des pressions. Mais l’originalité de la
situation actuelle réside dans l’intensité et la multiplication des sources de pressions, et
surtout dans la concentration des attaques et des critiques sur l’aspect évasion fiscale du
secret bancaire » (22)
. Non seulement le secret bancaire suisse est mis à mal pour son
facteur d’évasion fiscale, mais les tensions se sont aussi levées ailleurs, car la place
financières suisse a été pendant longtemps, et continue d’ailleurs à l’être, l’un des lieux
financiers privilégiés pour le blanchiment de l’argent. Ce blanchiment d’argent est un
phénomène qui affecte l’économie des Etats, voila pourquoi un banquier a pu dire que
20
Archives Fédérales de Berne (AFB) F 1004 1 procès verbal de la séance 21
S.GUEX, op.cit, p. 16 22
C.EGGLI, op.cit, p.32
- 7 -
« le blanchiment d’argent sale est pour le système financier ce que le sida est à la
société » (23)
. L’ampleur du phénomène a favorisé la mise en place du Groupe d’action
financière (GAFI) au niveau international, qui joue un rôle important dans la lutte contre
l’argent sale. Le procès contre le secret bancaire est porté donc à deux niveaux à savoir
l’argent gris –l’argent de l’évasion fiscale- et l’argent sale. Mais à ce jour, un autre
problème semble étroitement lié au secret bancaire : le terrorisme.
9. Le secret bancaire et concurrence fiscale. De même, par un secret bancaire assez
strict, la Suisse a faussé le jeu de la concurrence fiscale par l’opacité de son système
bancaire, mais aussi par la pratique d’une fiscalité préférentielle pour les capitaux
étrangers. Malgré le postulat selon lequel « une bonne politique économique doit assurer la
libre circulation des capitaux individuels ou sociaux pour réaliser des investissements
productifs, il est fréquent que ces déplacements de capitaux ou leur maintien sur des
territoires étrangers visent à échapper aux obligations fiscales et privent, alors, les Etats
des ressources légitimes » (24)
. Cette fuite des capitaux à l’étranger, tout en éludant l’impôt
constitue l’évasion dont, la délimitation juridique du concept semble incertain, car se
rapprochant souvent de la fraude et de l’optimisation fiscale. En effet, le requiem contre le
secret bancaire a donc sonné, en effet la communauté internationale exige davantage de
transparence pour mieux réguler les flux internationaux de capitaux. Ceci, afin de mieux
lutter contre la criminalité économique transnationale qui ne cesse de prendre l’ampleur,
qui tire souvent profit le l’opacité des « havres ou paradis fiscaux » dont la Suisse fait
partie (25)
. Le scandale récent de la banque suisse UBS aux USA ne fait que présupposer le
déclin de cette institution si chère à la Suisse compte tenue des pressions exacerbées de
L’U.E et des USA.
10. Secret bancaire et vie privée. La levée du secret bancaire suisse affecterait,
indiscutablement, la sphère privée du contribuable à l’égard de l’Etat. Le contribuable va
voir sa marge de liberté être restreinte, il ne doit plus prétexter de l’opacité du système
bancaire suisse pour se soustraire à l’impôt. Cette politique de transparence semble parfois
23
C. KONAN BANNY, gouverneur de la BCAO, propos tenus lors du Sommet des gouverneurs des banques
africaines à Yaoundé les 29 et 30 juillet 2004. In B. TCHUENKAM, ‘’ Contre le blanchiment d’argent et
l’intégration monétaire’’, paru dans : Le Financier d’Afrique, n°08, août/septembre 2004 24
T. GODEFROY, P. LASCOUMES, Havres fiscaux et places financières sous régulées : les cycles d’une
attention politique improductive, Dossier savoir/agir, p.27 25
T. GODEFROY, P. LASCOUMES, op.cit, ces derniers affirment en effet qu’ « un palmarès des
territoires participant le plus au camouflage de l’évasion fiscale et des flux financiers met aux 4 premiers
rang l’Etat du Delaware (USA), suivi de trois places européennes, le Luxembourg, la Suisse et la City de
Londres ».p.37
- 8 -
être teintée de cynisme, traduit bien par là, la règle de Colbert selon laquelle il faut
« plumer l’oie de façon à obtenir le plus possible de plumes avec le moins possible de
cris » dans le but de récolter plus d’impôt. « C’est cette conception purement cynique du
système fiscal qui est à la base des exigences française et allemande de grande
« transparence » des avoirs détenus à l’étrangers » (26)
.
11. La nécessité de l’amélioration du dialogue. Pour essayer de ne pas davantage affecté
les intérêts des Etats tiers, elle a signé de nombreuses conventions fiscales de doubles
impositions avec bon nombre des Etats européen mais aussi des pays membres de l’OCDE.
Ce qui, a conduit récemment la Suisse à retirer sa réserve sur l’art 26 de l’OCDE portant
modèle sur les conventions de doubles impositions qui, prévoit une assistance
administrative et une coopération entre les Etats en matière fiscale. Le changement de la
législation se fait donc sur des exigences ou des valeurs plus importantes que les seuls
intérêts de la Suisse. Elle dispose à l’heure actuelle d’une politique en matière de
blanchiment que le GAFI a qualifié d’une étonnante modernité, qui d’ailleurs a repris dans
certaines de ces recommandations, en la matière, les dispositions suisses dans la lutte
contre le blanchiment d’argent.
12. Problématique. Dès lors, on est à bon droit de se demander quel est l’impact du secret
bancaire helvétique face aux enjeux économiques actuels ? Dans un monde en pleine crise
économique, la recherche des solutions drastiques s’imposent. En effet, d’une manière
générale, les places financières qui ont « sacralisé » le secret bancaire, ont joué un rôle
actif dans le déclenchement de la crise économique de 2008. Ce statu quo a entrainé un
changement majeur de direction de la politique économique des grandes puissances
occidentales, à l’heure actuelle, clament davantage la levée totale, du moins partielle du
secret bancaire en Suisse et dans les places financières sous-régulées. C’est pendant la
rencontre du G20 à Londres en avril 2009, qu’une déclaration importante a été faite. Il en
ressort ce qui suit : « Nous sommes prêts à appliquer des sanctions pour protéger nos
finances publiques et les systèmes financiers. L’ère du secret bancaire est révolu ».
13. Plan. De facto, sont mis en avant des intérêts plus grands et nobles qui sont la stabilité
de l’économie mondiale ; semblent ainsi justifier les coups d’estoc portés contre la place
financière helvétique. Ces différentes pressions (Première partie) n’augurent rien de bon
26
T. AFSCHRIFT, Réflexions sur l’avenir du secret bancaire, Institut Libéral, mars 2009, p.6
- 9 -
pour l’économie suisse. Malgré sa résistance à ne pas céder au chantage des grandes
puissances, le secret bancaire se résume à une peau de chagrin. La crise du secret bancaire
suisse est perçue par ses voisins comme un évènement salvateur afin, de pouvoir rapatrier
les fonds des fonds qui avaient échappé à leur contrôle. Les attentes de la communauté
internationale (Deuxième partie) accélèrent la mise à mort du secret bancaire suisse.
PREMIERE PARTIE : LES PRESSIONS DE LA COMMUNAUTE
INTERNATIONALE JUSTIFIANT LA LEVÉE DU SECRET BANCAIRE
SUISSE.
DEUXIEME PARTIE : LES ATTENTES DE LA COMMUNAUTE
INTERNATIONALE ENVERS LE SECRET BANCAIRE SUISSE
- 10 -
Première partie :
LES PRESSIONS DE LA COMMUNAUTE INTERNATIONALE
JUSTIFIANT LA LEVÉE DU SECRET BANCAIRE SUISSE.
14. Les facteurs de répulsion à l’égard du secret bancaire suisse. La communauté
internationale manifeste davantage de répulsion pour le maintien du secret bancaire strict
depuis le sommet du G20 à Londres en avril 2009. Cette aversion envers le secret bancaire
a augmenté depuis le déclenchement de la crise économique en 2008, dont la faillite de la
banque américaine Lehman Brothers a eu pour conséquence d’introduire une grande
vigilance dans le secteur bancaire ; cette situation catastrophique sur le plan économique a
enfoncé le clou plus profond, l’objectif étant de crever l’abcès du secret bancaire. Car, la
recherche de la stabilité de l’économie mondiale est un impératif plus grand que la
protection des intérêts égoïstes de quelques Etats qui regimbent contre la coopération. Des
intérêts antinomiques ont donc émergé parmi les Etats. Mais l’heure n’était plus à la
tolérance vue l’ampleur de la situation catastrophique dans laquelle le monde était plongé
par la crise économique. Il s’est finalement avéré que le souci majeur des grandes
puissances économiques était de mieux réguler le marché financier international qui avait
été affecté par la crise, car « une partie importante de l’instabilité financière est attribuée
aux flux croissants qui transitent par les paradis fiscaux et les places financières sous
régulées » (27)
.
15. Il était donc important de trouver des solutions afin de régler les difficultés pour
surmonter l’ampleur perverse de la crise économique. L’OCDE a joué dans ce contexte un
rôle de premier plan pour dénoncer les pratiques de certains Etats jugées immorales (28)
d’un point de vue financier. Par la suite, d’autres acteurs (G8, G20, U.E, F.M.I) sont
intervenus pour la sécurisation des marchés financiers, mais aussi pour la reforme de
l’architecture financière internationale.
27
T. GODEFROY, P. LASCOUMES, Havres fiscaux et places financières sous régulées : les cycles d’une
attention politique improductive, Dossier savoir/agir, p.32. 28
V. à cet effet le rapport de l’OCDE, Concurrence fiscale dommageable : un problème mondial, Avril 1998.
Il convient à préciser que ce rapport avait été adopté contre l’avis de deux Etats à savoir La Suisse et le
Luxembourg.
- 11 -
16. Les solutions pour la sécurisation des finances internationales : les activités
bancaires. Ce mouvement de sécurisation des finances internationales implique,
inévitablement celles des transactions bancaires, se base sur une nouvelle éthique (29)
qui,
ne cesse d’émerger depuis ces trois dernières décennies. Le but poursuivi étant d’instaurer
une meilleure transparence dans les transactions bancaires (Chapitre I), dont
l’aboutissement, au delà de toutes choses et considérations, est de pouvoir faire face et
même de mieux lutter contre la crise économique. L’exigence de transparence mis en
devant de la scène, constitue a n’en point douter un moyen efficace afin de mieux
contrôler les flux financiers internationaux qui transitent constamment sur la place
financière helvétique. C’est ainsi, qu’ « il n’est pas rare que, rien que sur la place
financière suisse, des milliards de francs transitent chaque jour de comptes à d’autres.
Dans ces conditions, il n’est pas toujours facile de repérer les transactions qui ont un
arrière fond criminel ni de distinguer les ayants droits des transactions ou des comptes
(…) » (30)
. En conséquence, le secret bancaire est un instrument que les criminels peuvent
utiliser sans être inquiéter du risque de poursuites pénales, bénéficiant ainsi de l’opacité
que leur offre le secret bancaire. Ce problème de la criminalité financière est resté
longtemps hors de la priorité des acteurs de la scène internationale. De ce fait, la prise de
conscience liée à la criminalité organisée est relativement récente, et son point de départ
peut être situé au sommet du G7 en 1989, avait donc permis la création du Groupe
d’Action Financière ( G.A.FI) qui élaborera une année après sa création de nombreuses
recommandations que les gouvernements et les banques sont tenus de prendre en compte
pour lutter contre la criminalité financière. Aussi, force est de préciser que les pressions de
la communauté internationale se concentrent également sur le terrain de l’épineux
problème de l’évasion fiscale qui profite grandement du secret bancaire suisse, qui affecte
la base d’imposition de nombreux Etats, et surtout les recettes fiscales de ces derniers. Le
secret bancaire suisse est ainsi considéré comme un facteur puissant de l’évasion fiscale
(Chapitre II). Cet usage abusif (31)
de cette institution est vivement dénoncé par la
communauté internationale.
29
F. DERMANGE, L’ ‘’éthique’’ de l’abolition du secret bancaire, in Place financière suisse, évasion
fiscale et intégration européenne, (sous la dir) R.SCWOK, Euryopa, p.121-129 30
M. HENZELIN, L’immunité pénale dans le domaine économique, bancaire et financière : un état de la
pratique suisse, in Le droit international des immunités : contestation ou consolidation ? (sous la dir.) J.
VERHOEVEN, éd. L.G.D.J & Larcier, p.222. 31
OCDE, Fiscalité et usage abusif du secret bancaire, Rapport, 1985.
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Chapitre I :
L’EXIGENCE DE TRANSPARENCE DANS LES TRANSACTIONS
BANCAIRES.
17. Les effets de la pression internationale. Le cinéma a toujours conservé certains
clichés de la Suisse pour l’opacité de son système bancaire. Néanmoins, il convient de dire
que la situation du secret bancaire qui avait autrefois été défendu becs et ongles est en train
de changer. Ce processus de changement s’accélère sous les pressions de la communauté
internationale. Elle est inflexiblement déterminée à lutter contre la criminalité économique
et financière afin de protéger et de renflouer les budgets des Etats perdant de la
concurrence fiscale. C’est dans ce contexte que le vieux secret bancaire suisse cède du
terrain, il est sous de nombreux coups de boutoir. A cet effet, il s’effrite, se craquelle sous
la pression grandissante de la communauté internationale. C’est dans cet élan, « qu’il va
falloir en finir avec l’image du banquier suisse qui réceptionne des mallettes bourrées de
billets les yeux fermés » s’agace un diplomate suisse. Le Conseil fédéral a donc mis en
place, en ayant pour cheval de bataille, une politique de « l’argent blanc » et, on assiste
progressivement à la diffusion des bonnes pratiques, laquelle est en train d’irradier la place
financière helvétique.
18. Plan. Dès lors, plus que jamais, le concept de transparence est davantage mis en
évidence (Section I). En effet, toute chose égale par ailleurs, elle constitue un moyen
efficace d’endiguer le phénomène du blanchiment d’argent qui ne cesse de prendre de
l’ampleur (Section II).
Section I : la notion de transparence et ses contours.
19. L’ampleur de la transparence et crise économique. La question de la transparence
ne cesse de prendre de l’ampleur depuis une certaine période. Force est dès lors d’observer
que « la transparence est un sujet majeur depuis que la crise financière a éclaté. Il y a de
- 13 -
nombreuses raisons à cela. Nous avons besoin de plus de transparence afin de rendre le
système financier mondial plus stable, plus prévisible et plus équitable. La transparence
est aussi l’un des mots clés de l’économie mondiale contemporaine. La crise n’a fait que
renforcer son importance » écrit Matti YLÖNEN (32)
. Comme il vient d’être souligné par
cet auteur, le concept de transparence ne cesse d’avoir une portée considérable.
Néanmoins, ce terme polysémique traverse plusieurs domaines de l’économie, semble,
même être considéré comme un facteur de bonne gouvernance et de démocratie (33)
. Le
droit s’en est même approprié le sens pour y voir un principe standard que les Etats doivent
appliquer dans le domaine bancaire.
20. Plan. De ce fait, il est sortable d’analyser ex ante le sens du concept de transparence en
matière bancaire (Paragraphe I) puis, d’étudier ex post ses critères qui en constituent les
contours (Paragraphe II).
Paragraphe I : La notion de transparence.
21. Pour atteindre la justice et l’équité en matière de la fiscalité bancaire, il faut de la
lumière. Ce qui est obscur dénote souvent l’injustice, voila pourquoi il est nécessaire que
tout puisse être transparent. Mais cette transparence tant recherchée quelle signification
requiert-il ?
22. Définition de la transparence. D’après le dictionnaire le Robert, la transparence est
« la qualité de ce qui laisse paraître la réalité toute entière ». Elle semble, ainsi, se
confondre avec la vérité, la clarté, la limpidité, la pureté (34)
même. « Voici la transparence
habillée du rassurant manteau de la vertu, ou peut être d’un voile léger qui pourrait nous
permettre de la contempler à nue. Ainsi vue, elle semble le contraire de l’artifice, du
secret, du mystère, et de toutes les formes de dissimulation » affirme Jean-Denis BREDIN
(35). Celle-ci est même élevée au rang de vertu
(36) ce qui la place en opposition directe avec
le secret, lequel est donc « l’expression du silence, de l’intimité, de la discrétion, un mot
32
Transparence, crise financière et paradis fiscaux, p.54. 33
C.D. VERNE, Ethique et transparence : les deux piliers de la bonne gouvernance, 34
T. MASSIS, La transparence et le secret. Champ social, débat de conscience, Revue Etudes n°3946,
2001, T. 394, p.751. 35
Secret, transparence et démocratie, Revue Pouvoirs n° 97, 2001, p.1. 36
Ibid.
- 14 -
très rassurant, ou tout au contraire un mot inquiétant, désignant ce qui est opaque,
clandestin, ténébreux » (37)
. Le secret favorise l’opacité, se situant ainsi à la limite de la
légalité, de la loyauté, en somme de la vérité qui produit la lumière. C’est dans le souci
véritable d’attachement à la réalité, donc in fine à la vérité qui produit la lumière, que le
droit se laisse davantage imprégné par cette notion de la transparence. On assiste dés lors à
une montée fulgurante de la transparence dans presque tous les secteurs de la vie de
l’homme et dans la société. Car « tout doit être transparent : notre naissance, nos amours,
nos conversations, notre domicile, notre fortune, notre pauvreté, notre mort doivent être
exposés à la lumière ; ce qui est caché devient suspect » (38)
. Celle-ci touche donc toutes
les sphères ; l’individu est mis nu. C’est dans ce contexte que « l’exigence de transparence
n’atteint pas seulement les secrets de la vie. Elle s’attaque aussi au secret bancaire,
sommet des secrets » (39)
. On assiste au règne de la transparence (40)
ayant pour
conséquence d’ « observer le recul du secret, des secrets » [41]
.
23. L’intérêt de la transparence. Il serait, dès lors, déraisonnable d’aller à contre courant
de cette exigence de transparence. Elle est, pour la société moderne, un pilier important
pour la santé de l’économie internationale. Elle « prend la forme de justice » (42)
économique et fiscale que les Etats s’escriment à mettre en place. Elle est ainsi conçu non
« plus seulement comme un droit, elle est une exigence morale. Elle est la pierre angulaire
sur laquelle repose notre société » (43)
. Ce qui stimule cette montée de la transparence
comme critère essentiel des places économiques du monde c’est la dépression économique.
24. L’émergence de la notion de transparence. En effet, il est important de dire que
« des forces essentielles travaillent à entretenir cette ascension de la transparence dans la
société moderne. L’une est bien sûr l’argent » (44)
, car les sommes colossales qui sont
souvent déposées sur la place financière suisse attirent toujours l’attention des institutions
financières internationales. C’est ainsi que « les chefs d’Etats et de gouvernements ainsi
que les ministres des finances du G7, les autorités chargées de la réglementation et les
37
Ibid. ; V. aussi T. AFSCHRIFT, Réflexion sur l’avenir du secret bancaire, Institut Libéral, mars 2009,
p.7-9. 38
T.MASSIS, op.cit, p.751-752. 39
Ibid. p.756. 40
J.D. BREDIN, op.cit, p.9 41
Ibid. 42
T. MASSIS, op.cit, p.760. 43
Ibid. p.751. 44
- 15 -
instances de marché ont appelé à plus de transparence, tout particulièrement après les
turbulences financières et dans le contexte des marchés émergents » (45)
.
25. Définition de la transparence proposée par le Comité de Bâle. Le Comité de Bâle
sur le contrôle bancaire (46)
propose une définition de la transparence « comme la diffusion
d’informations fiables et actuelles donnant à leurs utilisateurs la possibilité d’évaluer
correctement la situation et les résultats financiers d’une banque, ses activités, son profil
de risque et ses méthodes de gestion de risque. Cette définition admet que la
communication financière ne suffit pas nécessairement à créer le degré de transparence
escompté. C’est pour cela, la banque doit rendre publique des informations quantitatives
et qualitatives actuelles, exactes, appropriées et suffisantes qui permettent d’avoir une idée
adéquate des activités de l’établissement et de son profil de risque » (47)
. La définition
proposée par le Comité de Bâle, ne concerne que la banque et non le déposant (personne
physique ou morale). Il convient de spécifier que cette notion de transparence suggère
d’autres éléments qui entrent dans la cadre de sa définition afin de mieux en éclaircir le
sens.
Paragraphe II: Les contours de la notion de transparence.
26. La notion de transparence telle que définie ci-haut, fait appelle à d’autres
considérations qui viennent conforter sa définition. A cet effet, il est nécessaire d’adjoindre
à la transparence l’idée d’une régulation des activités bancaires (A), aussi il est primordial
d’avoir des traces de toutes les transactions effectuées par les détenteurs de compte sur la
place financière helvétique (B). De même, il est aussi important de connaitre le véritable
titulaire du compte (C)
45
Comité de Bâle sur le contrôle bancaire, Renforcement de la transparence bancaire : Contribution de la
communication financière et de l’information prudentielle à des systèmes bancaires surs et solides, Bâle,
septembre 2008, p.6. 46
Le Comité de Bâle sur le contrôle bancaire, institué en 1975 par les gouverneurs des Banques Centrales
des pays du Groupe de dix, rassemble les autorités de contrôle des banques. Il est composé de hauts
représentants des autorités de contrôle bancaire et banques centrales d’Allemagne, de Belgique, du Canada,
des Etats-Unis, de France, d’Italie, du Japon, du Luxembourg, des Pays-Bas, du Royaume-Uni, de la Suède et
de la Suisse. Ses réunions ont habituellement pour cadre la banque des Règlements Internationaux, à Bâle,
siège de son secrétariat permanent. 47
Le Comité de Bâle, Renforcement de la transparence bancaire : Contribution de la communication
financière et de l’information prudentielle à des systèmes bancaires sûrs et solides, Bâle septembre 2009,
p.6-7.
- 16 -
A-) La régulation des activités bancaires, facteur de transparence.
27. L’idée d’une meilleure efficacité appelle donc inévitablement à une régulation du
secteur bancaire (48)
pour atteindre le résultat de transparence escomptée. Force est dès lors
de dire que la transparence tant recherchée fait intervenir l’hypothèse ou l’idée de la
régulation du secteur bancaire.
28. Contestation sur l’existence du droit de la régulation. Malgré les contestations
d’une partie de la doctrine juridique sur l’existence du droit de la régulation (49)
, celle-ci ne
cesse d’émerger dans les domaines bancaire et financier. Réguler le domaine de la
circulation des flux financiers n’est pas un travail aisé, comme le souligne à juste titre le
Pr. M.A. FRISON ROCHE, que « la régulation bancaire se fait porte close, dans les
antichambres des salons des banques centrales, avec la politesse, la fermeté et la
négociation diplomatique que reflètent les manières des régulateurs bancaires » (50)
.
29. Contraste. Il existe un contraste certain entre la recherche d’une transparence par la
voie de la régulation du secteur bancaire, et l’intérêt sinon le besoin des banques à
demeurer des acteurs financiers actifs. « De plus, il est évident qu’une banque, tenue de
préserver la confidentialité de certaines données, par exemple relative à sa clientèle, ne
pourra divulguer tous les éléments qui pourraient servir à l’évaluation de ses activités et
de son exposition aux risques. La loi peut restreindre sa capacité à diffuser des
informations individuelles sur ses clients ou ses techniques et stratégies de gestion de
risques pourraient fortement réduire son intérêt à investir dans ce domaine » (51)
.
30. Le renforcement de la transparence. La transparence qui résulte par la voie de la
régulation sera véritablement amoindrie si aucun mécanisme de pression ne l’accompagne.
Sans pour autant prétendre à l’exhaustivité, nous évoquerons l’hypothèse de la mise en
place d’une sanction en cas de violation des règles par les banques, des dispositions
relatives à la véracité des informations qu’elles mettent à la disposition des autorités de
contrôle de l’administration fiscale. C’est dans ce contexte que « les autorités de contrôles
48
M.A. FRISON ROCHE, Régulation bancaire, régulation financière, in Etudes de droit privé offertes à
Paul DIDIER, Economica 2008, p.173-187. 49
G. MARCOU, La notion juridique de la régulation, AJDA, 2006, p.347. 50
M.A. FRISON ROCHE, op.cit, p.180. 51
Comité de Bâle, op.cit, p. 11.
- 17 -
peuvent aussi renforcer la transparence en établissant des procédures d’examen et de
sanction pour le respect des normes de communication financière » (52)
. Ces mesures de
sanctions sont nécessaires, et viennent davantage fortifier l’exigence de transparence tant
prônée au niveau international, « (…) implique d’améliorer la transparence dans le
système financier mondial, de mettre d’avantage de pression sur les banques pour
s’assurer qu’elles ne réalisent pas d’opérations impliquant des produits issus de la
corruption, et d’empêcher les dirigeants corrompus d’avoir accès au système financier
mondial » (53)
.
31. Le lien étroit entre la régulation bancaire et régulation financière. La régulation
bancaire peut être appliquée avec beaucoup de simplicité. Néanmoins, cette vue simpliste a
dû changer. Il est apparu illusoire de réguler le secteur bancaire sans pour autant faire de
même pour le secteur financier. D’ailleurs, les deux secteurs d’activités sont intimement
liés comme le parfum l’est à la fleur. Mais notons, toutefois qu’il y a une ascendance
certaine du secteur financier sur le secteur bancaire. A cet effet, la recherche d’une
information financière entraine inéluctablement la levée du secret bancaire. C’est dans ce
cadre que le Pr. M.A. FRISON ROCHE l’exprime en ces termes, s’agissant du secret
bancaire qu’ « il recule d’autant plus que l’information financière est requise. Plus le
régulateur bancaire est amené à interférer avec les opérateurs de marchés entre banques,
notamment des pistes de contrôle hostile, plus il devient une autorité de marché, le
conduisant nécessairement au principe d’information, voire de transparence » (54)
. Mais
cette vue sur la transparence n’est pas partagée par tous les auteurs. En effet, pour certains
l’objectif de la régulation consiste simplement à limiter les effets de l’instabilité que la
crise économique a crée. « La régulation financière doit avoir pour objectif, non pas de
promouvoir la transparence, mais de faire en sorte que les instabilités qui sont dans la
nature de la finance de marché conservent des tailles maîtrisables sans activer le risque
systémique » (55)
. Malgré les divergences d’opinions émises au sujet de la régulation du
secteur bancaire, l’on peut dire que tous s’accordent à son utilité d’autant plus qu’elle
permet de mieux remédier aux faiblesses, longtemps visibles, du système bancaire.
52
Ibid. p.17.
53U4 EXPERT ANSWER, Les promesses de la CNUCC vis-à-vis de la réduction des flux financiers illicites
54M.A. FRISON ROCHE, Régulation bancaire, régulation financière, op.cit, p.184-185. V. aussi G.
DAMY, Etude sur la régulation bancaire : le passage d’une obscurité critiquable à la transparence,
Banque et Droit, novembre 2005, p.29-44. 55
A. ORLEANS, Transparence ou segmentation : quel principe pour reformer la finance internationale ?,
Le Monde, 2009, p.2.
- 18 -
32. Malgré la politique de vouloir réguler le secteur bancaire, il est aussi judicieux de
mettre en place des mécanismes pour mieux identifier le titulaire du compte.
B-) L’identification du titulaire du compte et de l’ayant droit
économique.
33. La nécessité d’identifier le client. « Le client d’une banque ne saurait en principe
être un mystère pour cette dernière. Selon les principes et pratiques qui régissent, la
profession bancaire, une banque doit bien connaitre son client (…) cette situation fait en
principe que les relations entre le banquier et son client se déroule dans la confiance et la
transparence » (56)
. Il est important, que dans le cadre de la relation banque-client, que
l’établissement bancaire puisse, à tout le moins, connaitre l’identité de son client.
Généralement, lors de l’ouverture d’un compte bancaire, il est exigé à l’endroit du client de
fournir les pièces nécessaires pour l’identifier.
34. L’extension de l’obligation de diligence. C’est en ce sens, que l’on a assisté,
particulièrement en matière de leurs obligations de diligence et de communication, à une
évolution notable de la réglementation des activités bancaires. En effet, depuis 1977, la
convention de diligence des banques impose la vérification de l’identité du véritable
titulaire du compte, qu’il s’agisse d’une personne physique ou morale. Et cette obligation a
été étendue à tous les intermédiaires financiers non bancaires à savoir : les avocats, les
notaires, les comptables, les conseillers financiers… qui sont souvent sollicités par leurs
clients pour un placement de fonds. Cela, s’est fait dans l’objectif de lutter contre le
blanchiment d’argent, car les intermédiaires financiers non bancaires étaient davantage
sollicités. L’extension de cette obligation à tous les intermédiaires financiers est l’œuvre de
la modification de l’article 305ter
et, la liste des autres professionnels considérés comme
des intermédiaires financiers a été codifiée et précisée par l’article 2 de la LBA qui, est
entrée en vigueur le 1er
Avril 1998.
35. Les difficultés d’identifier le client. Il n’existe pas en Suisse des comptes anonymes.
Mais il existe au moins des comptes numérotés (le nom du créancier ou du déposant est
remplacé par un numéro). En effet, l’identité de celui qui ouvre le compte n’est connue que
56
H.M. TCHABO SONTANG, Secret bancaire et lutte contre le blanchiment d’argent dans la zone
CEMAC, Mémoire de DEA, Université de Dschang, 2004, p.9.
- 19 -
de la banque avec laquelle il est en relation. Le principe du compte numéroté est très
simple car « l’anonymat n’est pas absolu, en effet, dans la plupart des cas, la véritable
identité du titulaire du compte est connue des grands responsables de la banque » (57)
.
Nonobstant, l’existence des comptes numérotés, qui ne fournissent que très peu de détails
sur l’identité du titulaire du compte, d’autres procédés sont utilisés pour camoufler son
identité. Il s’agit du pseudonyme, du prête-nom. Face à cette opacité pour connaitre
l’identité véritable du titulaire du compte, la loi sur la Convention de Diligence des
banques (58)
avait mis en place des règles pour déterminer l’identité de l’ayant droit
économique du compte, pour ajouter plus de clarté afin d’identifier toutes les personnes
ayant un intérêt particulier sur un compte bancaire. « L’identification de l’ayant droit
économique peut s’effectuer de la déclaration rendue par le client qui entre en relation
d’affaires avec l’intermédiaire financier, sans que celui-ci ne soit tenu de recueillir au
moins une signature de confirmation de la part de la personne désignée comme ayant droit
économique » (59)
.
36. La définition de l’ayant droit économique. L’ayant droit économique est défini
comme étant la personne physique qui exerce un pouvoir d’accès sur les avoirs déposés
auprès d’un compte bancaire. Ce dernier, pour des raisons de nature commerciale ou
fiscale, ou dans le but de cacher son identité, ouvre un compte au nom d’une autre
personne physique comme prête-nom ou au nom de sociétés de domicile, continue à
exercer son pouvoir sur les avoirs patrimoniaux grâce à son rapport juridique fiduciaire
qu’elle entretient avec le prête-nom ou la société de domicile. A l’égard de la banque, force
est d’admettre, que l’ayant droit économique n’a pratiquement pas de droit, par ce que tous
les droits contractuels sont exercés par son fiduciaire. Cependant, les avoirs patrimoniaux
continuent à rester sous la disposition de l’ayant droit économique grâce au fait que son
fiduciaire lui est lié par un contrat, oral ou écrit, stipulé avec l’ayant droit économique.
37. Le cas particulier des personnes politiquement exposées. Les personnes
politiquement exposées, sont des personnes qui exercent ou ont exercé des fonctions
57
Ibid. p.12.
58
P. BERNASCONI, La place financière suisse et la fuite des capitaux, l’Annuaire Suisse Tiers-Monde,
2000, p.56.
- 20 -
publiques importantes, à l’instar les dirigeants d’Etat et leur entourage (familial ou
politique), les hauts fonctionnaires de l’administration (de l’armée, de la justice, des
grandes entreprises étatiques), les politiciens de haut rang au niveau national, font l’objet
dorénavant de surveillance accrue lorsqu’ils ouvrent des comptes sur la place financière
suisse. Les fonds et les avoirs déposés par lesdites personnes, proviennent souvent des
détournements des deniers publics, de la corruption. En somme, ils s’enrichissent de
manière illicite. La Suisse, a fait progresser sa législation dans le but de limiter l’accès à sa
place financière, d’ « avoirs de potentats ». Il s’agit d’un engagement helvétique pour
combattre l’impunité. « La Suisse n’a aucun intérêt à ce que sa place financière héberge
des valeurs patrimoniales de cette nature. C’est pourquoi, dès 1986, suite à la chute du
dictateur philippin Ferdinand Marcos, elle a mis en place un dispositif visant à bloquer les
avoirs de potentats, respectivement à les restituer aux Etats d’origine. Depuis, elle n’a
cessé de développer et perfectionner sa pratique dans ce domaine ». A la suite de l’affaire
Marcos, la Suisse avait décidé de renforcer son dispositif de contrôle pour déterminer si les
fonds déposés n’ont aucun lien avec une PPE (personne politiquement exposée). Lorsqu’on
constate que ces fonds ont un lien étroit avec une PPE, les autorités helvétiques peuvent
procéder au blocage préventif de ces avoirs (art 184 al.3 de la const.fed en cas de
changement de régime politique). « Pour que les avoirs de potentats puissent être
confisqués et restitués à l’Etat d’origine, il faut que leur provenance illicite ait été
préalablement établi dans le cadre d’une procédure judiciaire, soit dans l’Etat concerné,
soit en Suisse. A cet égard, l’entraide internationale en matière pénale constitue un
instrument fondamental car elle permet l’échange de moyens de preuves entre Etats Dès
lors que l’Etat d’origine lui a soumis une demande juridiquement valable, la Suisse a la
possibilité de saisir les fonds au titre de l’entraide judiciaire et de remettre la
documentation bancaire correspondante à l’Etat en question. Les informations relatives
aux comptes suspects peuvent être utilisées comme moyens de preuve dans les procédures
pénales engagées dans l’Etat requérant. Sur la base d’une décision de confiscation, les
avoirs saisis peuvent ensuite être restitués à l’Etat requérant dans le cadre d’une nouvelle
demande d’entraide judiciaire » (60)
.
38. L’intérêt de l’identification. L’identification du titulaire du compte présente un intérêt
non moins important pour l’administration fiscale, notamment dans le cadre du
60
DFAE, Strategie de la Suisse concernant le blocage, la confiscation et la restitution des avoirs de
potentats (« Asset Recovery »), p.5.
- 21 -
prélèvement d’impôt sur le revenu. Dans le cadre des CDI que la Suisse a signées avec les
autres Etats, cette identification permet à la Suisse de prélever l’impôt des contribuables
étrangers pour le compte de l’Etat avec qui elle a signé ces accords.
39. Nouveau procédé d’identification. Le 13 mars 2009, le Conseil fédéral a accepté de
reprendre les standards de l’OCDE en matière d’entraide administrative dans le domaine
fiscal conformément à l’article 26 du modèle de convention de l’OCDE. C’est pour faire
montre de plus de transparence et de coopération avec ses voisins et les pays membres de
l’OCDE, que la Suisse par le biais de son administration a recours depuis lors, à un
procédé nouveau d’identification IBAN (61)
. L’IBAN constitue également un moyen par
lequel l’on peut identifier le titulaire du compte. Celui-ci est un numéro de compte en
banque internationale, permettant et facilitant le lien entre les banques.
C-) La traçabilité des transactions bancaires.
40. Chaque opération que le client effectue sur son compte doit laisser, au moins, un
minimum de traces. La traçabilité des transactions bancaires n’est pas dépourvue d’intérêt
(62). Il est important d’y voir un procédé pour mieux contrôler les mouvements des capitaux
depuis leur origine jusqu’à leur destination.
41. Le suivi des transactions bancaires et définition de la chaine de traçabilité.
L’obligation pour les banques de tenir un inventaire précis et détaillé sur la situation des
avoirs de la clientèle, au moyen d’une gestion de stock rigoureuse et standardisée ne
relève pas d’une fantaisie de la part des banquiers et des autorités fiscales. « Il s’agit au
contraire de la traduction d’une évolution technologique de toute l’industrie financière
mondiale en direction de la création d’une chaîne de traçabilité des avoirs » (63)
écrit
Laurent FRANSCHETTI. A cet effet, l’auteur donne une définition de la chaîne de
traçabilité à laquelle l’on ne peut passer outre, elle serait donc « la capacité de
documenter, de façon standardisée et vérifiable, l’historique des avoirs d’un client en
rendant compte fidèlement de l’objet économique de chaque transaction : notamment
quand une position a été acquise par un client (…) ainsi que tous les événements et
61
IBAN est. l’acronyme d’International Bank Account Number. 62
P.G. MORCOS, Le secret bancaire face à ses défis, éd. Sader & Bruylant, p.415-421. 63
L. FRANCESCHETTI, Banques suisses et gestion de fortune à la taille humaine : Quelles perspectives
dans un horizon de cinq ans ?, Genève, mars 2012, p.10.
- 22 -
paramètres ayant influé sur le revenu. La chaîne de traçabilité doit ensuite être maintenue
au moyen d’une gestion de stock adéquate, qui tienne compte d’achats et des ventes
multiples ainsi que d’événements techniques tels que le transferts internes et les
transformations d’un produit financier (corporate action) » (64)
. Mais, pour que cette
traçabilité puisse devenir effective, le mécanisme interne d’information de la banque joue
un rôle nodal. Les banques disposent d’un service de compliance pour maintenir un niveau
élevé d’informations sur les différents comptes ouverts.
42. La reconstruction du flux financier. Cette traçabilité permet de retracer, à dire vrai,
la reconstruction des flux financiers sur la base du système du paper and asset tracing (65)
.
Cette pratique a été imposée aux banques pour des besoins de facilité de preuve lors des
enquêtes judiciaires permettant de repérer le produit d’une infraction (blanchiment d’argent
plus spécifiquement). En ce sens, toute enquête pénale doit se fonder sur les preuves
documentaires.
43. Un obstacle à la traçabilité : l’opération au comptant. Les flux de capitaux, ainsi
que toutes les autres formes de transactions, dès lors qu’ils sont effectués par une banque
ou par un intermédiaire financier laissent une trace documentaire (paper trail) grâce à la
tenue d’une comptabilité par les banques. La façon, la plus diffusée, d’interrompre cette
trace est représentée par les opérations au comptant. C’est pour cette raison que les
législateurs de nombreux pays ont déclaré, depuis de nombreuses années, la guerre contre
les opérations au comptant, en essayant par tous les moyens de réduire de plus en plus leur
diffusion sinon leur pratique. L’opération au comptant constitue une interruption de la
trace documentaire et, par conséquent un obstacle presque inexpugnable pour les autorités
judiciaires chargées de la reconstitution des transactions bancaires ou du moins de ce flux.
44. L’évolution de la technologie : un obstacle considérable. Dans un monde où la
technologie a évolué à une vitesse exponentielle ces dernières années, il est parfois difficile
de pouvoir véritablement retracer le parcours des capitaux. Car les gens très habiles qui
veulent dissimuler l’arrière fond criminelle de leur transaction bancaire arrivent à atteindre
cet objectif avec une facilité déconcertante. « L’extension très rapide des applications
télématiques aux transactions commerciales et financières (e-commerce et le e-banking)
64
Ibid. p.11.
65 P. BERNASCONI, La place financière suisse et la fuite des capitaux, l’Annuaire Suisse Tiers-Monde,
2000, p.54.
- 23 -
risque de rendre obsolète les pratiques du paper tracing qui ont vu le jour si lentement ces
dernières années. Même le GAFI en est conscient, comme le prouvent ses rapports
annuels, mais la mise sur pied des contre-mesures parait difficile » laisse entendre le Pr.
Paolo BERNASCONI (66)
. Le constat devient alors amer car la traçabilité des transactions
bancaires semble difficile, voire impossible à établir. Cela est dû comme nous l’avions déjà
mentionné, lié au développement croissant de l’usage de l’outil informatique. Les
opérations bancaires en ligne se font avec une très grande furtivité. « L’internet se
présente comme un labyrinthe, qui, couplé, à l’ingéniosité des acteurs et promoteurs de
l’industrie du crime se relève être très hostile toute tentative de déceler les preuves contre
le crime » (67)
.
45. Cela doit donc inciter le banquier suisse de s’efforcer à clarifier l’arrière plan
économique et le but de chaque transaction bancaire qui paraitrait insolite tel qu’il résulte
de l’art.251 du CPS, afin de déterminer si aucune organisation criminelle n’a un pouvoir
sur ces valeurs. La transparence doit être mise en avant afin de lutter efficacement contre
l’infraction du blanchiment d’argent.
Section II : La transparence comme moyen de lutte contre le blanchiment
d’argent.
46. Faiblesses antérieures de la politique suisse dans la lutte contre le blanchiment
d’argent. Durant de nombreuses années, la place financière helvétique n’avait pas une
politique, ni une législation efficaces pour lutter contre le blanchiment d’argent (68)
. De fait,
l’on peut dire que la Suisse faisait application de l’adage latin « pecunio non olet »,
l’argent n’a pas d’odeur, pour satisfaire sa clientèle. En effet, celle-ci manifestait une
grande indifférence envers ce phénomène qui ne cessait pas de prendre de l’ampleur. C’est
ainsi que Jean ZIEGGLER dénonçait cette passivité de la suisse en ces termes : « sur notre
planète la Suisse est aujourd’hui la principale plaque tournante du blanchiment d’argent,
du recyclage de l’argent de la mort. Pendant des générations, elle avait été le symbole de
66
Ibid, p.56. 67
H.M. TCHABO SONTANG, Secret bancaire et lutte contre le blanchiment d’argent dans la zone
CEMAC, Mémoire de DEA, Université de Dschang, 2004, p.36. 68
A.JEANNERET, P. De SELLEIRS, R. CHOPRA, Le blanchiment d’ragent en Suisse, Séminaire
d’économie nationale, Université de Lausanne, mars 2013, p.5.
- 24 -
l’hygiène, de la santé et de la propreté. Elle est aujourd’hui un foyer d’infection. Dotées
des gestionnaires, de financier et d’avocats d’une admirable amoralité, les organisations
multinationales de la drogue et du crime constituent pour les sociétés démocratiques des
ennemis pratiquement invincibles. En ce sens, le cas helvétique est un paradigme » (69)
. De
ce fait, les banques sont devenues de véritables « sanctuaires » (70)
de l’argent sale. Cet
attrait pour la place financière suisse se justifie par l’opacité générée par la pratique d’un
secret bancaire strict. « Si ce secret bancaire est institué au départ au profit de l’économie
au nom du libéralisme, il est cependant de constater de nos jours, que c’est le crime qui
s’en sert, souvent même au mépris des cannons d’une économie libérale. La confidentialité
rend la banque attrayante et vulnérable au blanchiment d’argent » (71)
.
47. L’incrimination du blanchiment d’argent : une évolution de la législation
helvétique. Le processus de l’incrimination du blanchiment d’argent en Suisse fut lent. Il a
été aiguillonné par de nombreux scandales qui ont interpellé les autorités helvétiques sur
l’ampleur du phénomène (72)
. La justice suisse présentait une véritable « carence » pour
pouvoir lutter contre le blanchiment jusqu’au début des années 1990. Des raisons ont été
avancées à ce sujet ; en effet, si « la Suisse n’a pas réussi à lutter efficacement contre le
crime organisé et le crime économique à cause de l’interaction forte qui existe, ou du
moins qui existait, entre le criminel, les politiciens et la magistrature » (73)
. Il était
nécessaire compte tenu des proportions que prenaient le phénomène du blanchiment
d’argent, d’y faire face en adoptant des normes nouvelles en matière pénale et
administrative très contraignantes (74)
afin, d’avoir des armes pour neutraliser, ou du moins,
pour lutter efficacement contre le blanchiment d’argent. C’est ainsi qu’en 1990, étaient
rentrées en vigueur deux modification du code pénal dont l’objectif poursuivi était la
prévention et la sanction du blanchiment d’argent (75)
, il s’agissait des art.305bis
et 305ter
du
69
Cité par A. JEANNERET, P. De SELLEIRS, R. CHOPRA, op.cit, p.5. 70
ATTAC, Paradis fiscaux et judiciaires, cessons le scandale, p.11. 71
H.M. TCHABO SONTANG, op.cit, p.9. V. aussi M. YLÖNEN, in Transparence, crise financière, et
paradis fiscaux, qui affirme qu’ « il est important de garder à l’esprit que les structures du secret favorisent
le crime économique, l’évasion fiscale et le blanchiment d’argent, mais peuvent aussi conduire à une
accumulation de risques énormes », p.57 72
Par ex. les frères Magharian avaient été aidés par le Crédit suisse pour le transport des fonds d’origine
douteuse. Yassar Musullulu était l’un des criminels le plus recherché d’Europe pour vente d’héroïne et trafic
d’armes, il était poursuivi par le FBI, les justices turque et italienne avaient émis un mandat d’arrêt contre lui,
le justice suisse avait refusé de coopérer et en 1983 l’avait libéré. 73
A. JEANNERET, P. De SELLIERS, R. CHOPRA, op.cit, p.38-39. 74
M. HENZELIN, L’immunité pénale dans le domaine économique, bancaire et financier un état de la
pratique Suisse et internationale, in Le droit international des immunités : contestation ou consolidation ?
(sous la dir.) J. VERHOVEN, éd. L.G.D.J & Larcier, p.222 75
E. DAOUD, M. SOBEL, Le blanchiment d’argent de fraude fiscale, RLDA n°83, juin 2013, p.70.
- 25 -
code pénal suisse. Cela n’avait constitué qu’une première étape que la Suisse avait franchie
sur ce terrain. Aussi, le 1er
Avril 1998, elle adopte une loi sur le blanchiment d’argent
(LBA), venant ainsi compléter l’arsenal législatif en la matière.
48. Plan. Il est, dès lors sortable, d’étudier les faiblesses de la législation anti-blanchement
(Paragraphe III) en dernier ressort. Mais toute chose égale par ailleurs, il nous serait
loisible d’ausculter le blanchiment d’argent (Paragraphe I), et d’aborder les mécanismes
mis en place pour rechercher les origines des fonds déposés sur la place financières
helvétique (Paragraphe II).
Paragraphe I : Etude du blanchiment d’argent.
49. Présentation de l’infraction. Le blanchiment d’argent est souvent le produit, la
conséquence, d’une infraction primaire ou originelle. Elle est donc considérée comme une
infraction de conséquence (76)
. Nonobstant le fait qu’il est considéré comme une infraction
de conséquence, le blanchiment d’argent bénéficie d’une certaine autonomie par rapport à
l’infraction principale (77)
. Il peut faire l’objet d’une répression à part entière même si
l’infraction principale n’est pas encore poursuivie. Le blanchiment d’argent est une
infraction qui se déroule en trois étapes à savoir : l’introduction de l’argent, sa
dissimulation, et son intégration. C’est au niveau de la dernière étape que la place
financière suisse est souvent sollicitée.
50. Les personnes incriminées et les éléments de l’infraction. En tenant compte du
sens de l’art.305bis
du CPS, se rend coupable de blanchiment d’argent celui qui aura
commis un acte à entraver l’indentification de l’origine, de la découverte ou la confiscation
de valeurs patrimoniales dont il savait ou devrait présumer qu’elles provenaient d’un
crime. Il nécessite que « des valeurs patrimoniales d’une organisation criminelle sont
systématiquement maquillées au moyen d’opération financières (…) afin de le soustraire à
la perspicacité des organes de poursuite pénale ».
51. Il convient de présenter d’abord les éléments objectifs de l’infraction (A), puis par la
suite étudier son élément subjectif (B).
76
Ibid. 77
L’infraction principale pouvant être la vente d’armes, de drogue, trafic de stupéfiant.
- 26 -
A-) Les éléments objectifs de l’infraction du blanchiment d’argent.
52. Ici nous allons faire mention de l’objet de l’infraction, laquelle est la valeur
patrimoniale (1) provenant d’un crime (2), de l’acte qui constitue une entrave à la
confiscation (3) et enfin, celui qui se rend coupable de cette infraction, donc en somme,
l’auteur du blanchiment d’argent (4).
1- La valeur patrimoniale.
53. Définition de la valeur patrimoniale. L’article 305bis
du CPS emploie la notion de
« valeur patrimoniale » dans son sens le plus large. Ainsi, entrent dans le champ de valeur
patrimoniale tous les biens appréciables en argent. Il peut s’agir des meubles, des
immeubles, y compris les droits qui s’y rattachent, mais aussi les créances ou d’autres
droits ; l’argent liquide et les fonds sur compte bancaire, des avantages quelconques s’ils
ont une valeur économique réalisable et peuvent être portés à l’actif d’une comptabilité. La
notion de valeur patrimoniale retenue par l’article 305bis
du CPS coïncide largement à celle
retenue pour la confiscation définie aux articles 69 et ss du CPS. Malgré cette identité
terminologique dans la définition de la valeur patrimoniale prévue aux art.305bis
et 70 al.1
du CPS, une précision mérite d’être faite ; en effet, il appert que toutes les valeurs
confiscables ne sont pas obligatoirement blanchissables (78)
. Vient ensuite l’analyse de la
provenance criminelle du bien.
2- La provenance criminelle.
54. Le résultat d’un crime. En ce qui concerne la provenance criminelle, il est nécessaire
que le bien provienne d’une activité ayant un lien direct avec l’accomplissement d’une
infraction. L’on évoque souvent dans ce contexte le produit du crime (producta sceleris) et
le prix tiré de l’acte criminel (pretium sceleris) qui est une forme de récompense à la suite
de l’accomplissement d’un crime. De même, il existe une grande indifférence quant aux
critères direct ou indirect de la provenance dans la mesure où le sens et le but de la norme
78
N. BEGUIN, O. UNTERNAEHRER, La responsabilité civile du banquier en cas de blanchiment
d’argent-question d’illicéité, in Jusletter, 20 juillet 2009, p.3-4.
- 27 -
le commande, c’est sur ce point que l’on établit une différence entre le blanchiment
d’argent et le recel. Dès lors le produit doit provenir obligatoirement d’un crime (79)
.
55. La notion de crime est celle prévue par l’article 10 al.2 du CPS ; est ainsi pris en
compte par cette disposition « tout crime préalable ayant engendré un avantage contraire
au droit ». Comme nous l’avions évoqué ci-haut, cette valeur patrimoniale doit tirer sa
source d’une infraction, et celle-ci doit être passible d’une peine privative de liberté de plus
de trois ans au moins. Qui plus est, il n’est pas obligatoire que cette valeur serve à la
commission d’un nouveau crime.
3- L’entrave à la confiscation.
56. Controverse sur la notion d’entrave à la confiscation. Pour que le blanchiment
d’argent puisse se matérialiser complètement, la loi a prévu un troisième élément. Il est
relatif à l’acte d’entrave à la confiscation. Ce point a entrainé de vives contradictions au
sein de la doctrine juridique suisse. A ce sujet, une partie de la doctrine considère que les
notions d’entrave à l’identification et celle relative de la découverte de valeurs
patrimoniales n’ont aucune portée propre et sont absorbées par le concept d’entrave à la
confiscation au sens de l’article 70 al.1 du CPS. Cette question controversée a été tranchée
par le tribunal fédéral lequel, dans un premier temps a estimé que les trois notions étaient
une variante de blanchiment possible (80)
avant de considérer que l’entrave à la confiscation
« en tant que pars pro toto, inclut également l’entrave à l’identification de l’origine et à la
découverte » (81)
. La position de la Haute Cour « doit être saluée car il est peu logique de
pouvoir blanchir des valeurs qui ne sont pas confiscables, vu le lien crée par le législateur
entre confiscation, et blanchiment » (82)
. Aussi, il n’est pas nécessaire que l’acte entrave
définitivement la confiscation, il suffit qu’il y soit apte (83)
.
79
M. KISTLER, La vigilance requise en matière d’opérations financières, étude de l’article 305ter
du code
pénal suisse, Thèse de doctorat, 1994, p.3. 80
ATF 124 IV 274,275 consid.2 81
ATF 129 IV 238, 244= Jdt 2005 IV 87, consid.3.3. 82
N. BEGUIN, O. UNTERNAEHRER, op.cit, p.5. 83
Par ex. Il peut s’agir de tout de nature a empêcher l’identification de l’origine ou de la découverte des
valeurs patrimoniales issues d’un crime et soumises à la confiscation, soit d’un cat qui entrave
l’établissement d’un lien entre le crime préalable et la valeur patrimoniale qui en résulte ou pour faire
- 28 -
4-L’auteur du blanchiment d’argent.
57. Les personnes impliquées dans la réalisation de l’infraction. Le blanchiment
d’argent implique généralement trois personnes ou une organisation criminelle composée
de plusieurs membres. Mais dans toutes les situations liées au blanchiment, il y a entres
autres la victime, l’auteur du crime commis à l’encontre de cette victime et enfin le
blanchisseur. De fait, il est sans contredit que n’importe qui peut commettre un acte de
blanchiment. Cependant, un certain doute demeure sur le point de savoir si l’auteur du
crime primaire pouvait être son propre blanchisseur. Ce délicat problème a été finalement
résolu par la jurisprudence d’après laquelle l’auteur du crime primaire peut être son propre
blanchisseur. Par rapport à la personne de l’auteur il « est moins déraisonnable d’exiger
qu’il s’abstienne de prendre des mesures particulières pour cacher son butin » (84)
.
58. Les différents éléments objectifs susmentionnés ne suffisent pas à eux seuls pour
caractériser l’infraction du blanchiment d’argent, la loi exige également qu’un élément
intentionnel puisse se manifester.
B-) L’élément subjectif du blanchiment d’argent.
59. Infraction intentionnelle. Le blanchiment d’argent ne peut être puni lorsqu’il est la
conséquence d’une négligence. Il est considéré comme une infraction intentionnelle. Seul
celui qui savait ou devrait présumer que les valeurs patrimoniales dont il a entravé
l’identification provenaient d’un crime est, selon la règle, objet de poursuite pénale. Le dol
éventuel est suffisant. Le blanchisseur doit, avoir au moins d’une part, considéré la
provenance criminelle des valeurs patrimoniales qu’il traite, et d’autre part, se comporte de
manière à entraver la confiscation de ces valeurs patrimoniales ; l’intention, respectivement
le dol éventuel, est doublement caractérisé. Selon la formule, « il y a dol éventuel lorsque
l’auteur envisage le résultat dommageable, mais agit néanmoins, même s’il ne le souhaite
pas, parce qu’il s’en accommode pour le cas où il se produirait » (85)
. La personne qui sait
ou doit présumer que des valeurs patrimoniales proviennent d’un crime est celle qui se
trouve en situation lui permettant de nourrir des soupçons quant à l’origine criminelle des
échapper cette valeur de la mainmise des autorités. On peut aussi faire mention du transfert d’argent de
source illicite à l’étranger, l’emploi d’un homme de paille aux fins de dissimuler l’origine illicite de fonds. 84
ATF 120 IV 323, 328 consid.3c. 85
T.F, 22 mars 2007, 6S.537/2006.consid.4.2.2.
- 29 -
fonds qui ont été déposés sur la place financière suisse. Pour un profane, il suffit que celui-
ci considère que l’infraction est grave et susceptible d’être lourdement puni. Pour mieux
lutter contre le blanchiment d’argent il est nécessaire de connaitre au préalable l’origine de
fonds qui ont été déposés sur la place financière helvétique.
Paragraphe II : Les mécanismes de recherche mis en place pour la
détermination de l’origine des fonds déposés.
60. Les obligations incombant au banquier helvétique. L’article 305ter
du CPS impose
un certain nombre d’obligations à l’égard des intermédiaires financiers. Cet article dispose
en son alinéa 1 que « celui qui dans l’exercice de sa profession, aura accepté, gardé dépôt
ou aidé à placer ou à transférer des valeurs patrimoniales appartenant à un tiers et qui
aura omis de vérifier l’identité de l’ayant droit économique avec la vigilance que
requièrent les circonstances, sera puni d’une peine privative de liberté d’un an au plus ou
d’une peine pécuniaire » et « les personnes visées par le premier alinéa ont le droit de
communiquer aux autorités suisses de poursuite pénale et aux autorité fédérales désignées
par la loi les indices fondant le soupçon des valeurs patrimoniales proviennent d’un
crime » al.2. Cette disposition du code pénal instaure un véritable devoir de vigilance (86)
envers les intermédiaires financiers bancaires et non bancaires. C’est dans le cadre d’une
meilleure efficacité dans la lutte contre le blanchiment d’argent que le devoir de vigilance a
été élargi à tous les intermédiaires financiers (A) ; le législateur suisse a ajouté des mesures
complémentaires plus restrictives associées à la vérification de l’origine des fonds déposés
en cas de soupçon ou de doute (B).
A-) L’extension du devoir de vigilance.
61. Les raisons justifiant l’extension du devoir de vigilance. Les intermédiaires
financiers non bancaires sont des avocats, des notaires, et des comptables lesquels, dans le
cadre normal de l’exercice de leur fonction, ils agissent, souvent, en tant que conseiller à
l’égard de leur clientèle. C’est à cause de leur implication croissante dans les transactions
bancaires et du blanchiment d’argent que ces derniers se sont vus imposer le devoir de
86
M. KISTLER, La vigilance requise en matière d’opération financière, étude de l’article 305 du code
pénal, Thèse de doctorat, 1994.
- 30 -
vigilance. Effectivement, l’exercice de telles professions apporte une garantie
supplémentaire au blanchisseur, car ceux-ci sont tenus par la loi de respecter le secret
professionnel. Cela conforte donc le blanchisseur qui y trouve un moyen de dissimuler
efficacement l’origine criminelle de ses fonds par l’intermédiaire de ces derniers. De
même, « leur situation centrale dans le dispositif juridique dans le nombre de transactions
importantes, ainsi que dans la constitution de société dans certains pays, les rends
pratiquement indispensable dans le processus du blanchiment d’argent (…) » (87)
. Ce statu
quo justifie certainement l’implication des ces derniers dans le processus du blanchiment
d’argent. Pour s’en convaincre, il suffit de se référer à Me Francesco MORETTI en 2003,
avait été accusé d’avoir exécuté diverses opérations financières pour le compte de plusieurs
clans mafieux, telle la Cosa Nostras ; il aurait blanchi plus de 63 millions de francs suisse.
62. Renforcement du droit pénal suisse. C’est dans cette volonté de limiter l’implication
des intermédiaires financiers non bancaires que la Suisse s’est dotée d’un véritable arsenal
de textes pour pouvoir juguler le phénomène du blanchiment d’argent. La LBA (loi sur le
blanchiment d’argent) avait précédé l’article 305ter
et même favorisé sa modification, en
tant qu’elle met en place un dispositif complet de prévention et intervient en amont d’un
éventuel acte de blanchiment. Cette loi a introduit deux nouveautés. D’une part, elle a
étendu à l’ensemble des intermédiaires financiers professionnels du secteur non bancaire
des obligations qui avaient déjà été mis en place dans le secteur bancaire à partir de 1977
dans la Convention de diligence des Banques (CDB). Voila pourquoi ces derniers sont
tenus de respecter l’obligation de diligence au même titre que les banques qui découle de la
CDB de 1991.D’autre part, elle a introduit un devoir de communication en cas de soupçon
de blanchiment (2), à cette fin, l’article 23 LBA a mis en place un bureau de
communication en matière de blanchiment (MROS). Mais au préalable il conviendrait
d’analyser le devoir de clarification (1).
1- Le devoir de clarification.
63. La vérification de l’arrière-plan d’une transaction bancaire. L’article 6 LBA,
oblige l’intermédiaire financier de déterminer l’arrière plan économique d’une transaction
87
A. JEANNERET, P. De SELLIERS, R. CHOPRA, Le blanchiment d’ragent en Suisse, Séminaire
d’économie nationale, Université de Lausanne, mars 2013, p.22.
- 31 -
bancaire ou d’une relation d’affaire lorsque celles-ci paraissent inhabituelles ou des indices
laissent supposer que des valeurs patrimoniales proviennent d’un crime ou qu’une
organisation criminelle exerce un pouvoir de disposition dessus, sauf si leur légalité est
manifeste. Cette disposition à vocation de s’appliquer à partir du moment où les
transactions présentent un risque accru provenant du caractère inhabituel ou de
l’émergence d’un certain nombre d’indices liés au blanchiment d’argent. La LBA attache
une importance cardinale à la notion d’indice. Celle-ci y fait souvent référence tandis que
les ordonnances d’application la précisent.
64. Les indices. L’annexe I de l’OBA-FINMA a établi la liste d’indices qui doivent attirer
l’attention des intermédiaires financiers. Ces indices sont catégorisés sur la base des
critères généraux et spécifiques. Sans pour autant prétendre à l’exhaustivité nous allons en
présenter quelques uns. L’on peut, à cet effet, mentionner quelques dispositions :
- le siège ou le domicile du cocontractant et de l’ayant droit économique ou leur nationalité
(art.7 al.2 lit a. OBA-FINMA 1, art.26 al.3 lit b. OBA-FINMA 3) ;
- l’importance des sorties et d’entrées des valeurs patrimoniales (art.7 al.2 lit f. OBA
FINMA) ;
-les pays d’origine et de destination des paiements fréquents (art.7 al.2 lit g OBA-FINMA,
art.26 al.3 lit g. OBA-FINMA) ;
- les détails portant sur les modalités et mesures de clarification qui impliquent de
déterminer l’origine de la fortune du cocontractant et de l’ayant droit économique (art17 et
ss OBA-FINMA1).
65. Surveillance renforcée. L’intermédiaire financier doit être capable d’exercer une
surveillance efficace, continue, et doit effectuer des contrôles lorsque les circonstances le
commandent. « Dès l’instant ou l’intermédiaire nourrit quelque doute sur les origines des
valeurs ou la légalité d’une transaction, il ne peut se retrancher derrière le fait qu’il a
correctement identifié son cocontractant et l’ayant droit économique. Il doit au contraire
pousser plus loin les investigations et entreprendre des démarches supplémentaires pour
comprendre les tenants et aboutissants des transactions et affaires pour lesquelles ses
services sont sollicité » (88)
. En cas de doute ou soupçon fondé, l’intermédiaire financier est
tenu de communiquer les informations recueillies au MROS (Money Laundering Reporting
Office Switzerland, en français Bureau de Communication en matière de blanchiment).
88
N. BEGUIN, O. UNTERNAEHRER, op.cit, p.9.
- 32 -
2- Le devoir de communication.
66. Informer le MROS. Il ressort très symptomatiquement de l’article 9 LBA que
l’intermédiaire financier qui sait ou qui présume, sur la base de soupçons fondés, que les
valeurs patrimoniales impliquées dans la relation d’affaire ont un rapport avec une
infraction au sens de l’article 305bis
du CPS, qu’elles proviennent d’un crime ou qu’une
organisation criminelle exerce un pouvoir de disposition sur ces valeurs doit en informer
sans délai le MROS. Cette disposition à une importance capitale dans la lutte contre le
blanchiment et est reconnue, au niveau international, comme un standard incontournable
par le GAFI.
67. Controverse sur la notion de soupçon et la sanction de la violation de l’obligation
de communication. L’obligation de communication s’exécute lorsque l’intermédiaire
financier à des doutes sur la provenance des fonds et, par la suite ces doutes doivent se
traduire en des soupçons fondés. Mais « la notion de soupçons fondés n’est pas
scientifiques ; les soupçons n’ont pas à atteindre un tel degré qu’ils confinent à la
certitude (…) lorsqu’il existe un signe concret ou plusieurs indices qui font craindre une
origine criminelle des valeurs patrimoniales » (89)
. Aussi, la communication que
l’intermédiaire financier doit effectuer auprès du MROS, doit être circonstanciée. Il doit
fournir des renseignements sur les valeurs patrimoniales, son cocontractant, l’ayant droit
économique, les motifs qui justifient la dénonciation et l’identité des tierces personnes
potentiellement impliquées et concernées. Cette obligation est assortie d’une sanction en
cas de violation. Il s’agit d’une sanction pénale qui est prévue par l’article 37 LBA, qui
dispose : « est puni d’une amende de 500.000 francs au plus celui qui, intentionnellement,
enfreint l’obligation de communiquer prévue par l’article 9 ». De même, celui qui renonce
à la communication, malgré l’existence des soupçons fondés peut être accusé pour
blanchiment d’argent par omission (90)
. Ces mesures ne suffisent pas par elles seules de
pouvoir lutter efficacement contre le blanchiment d’argent.
89
N. BEGUIN, O. UNTERNAEHER, La responsabilité civile du banquier en cas de blanchiment d’argent
– questions d’illicéité, op.cit, p.10. 90
Ibid.
- 33 -
B-) Les mesures complémentaires.
68. Dans cette rubrique il importera donc d’évoquer le blocage du compte et sa saisie (1) et
la confiscation des avoirs (2) qui sont des mesures ayant un caractère assez contraignant,
obligent l’intermédiaire financier et les autorités de poursuites pénales qui interviennent
dans le cadre du blanchiment d’argent.
1- Le blocage du compte.
69. Le gel du compte en cas de soupçons fondés. Le devoir de bloquer le compte
incombe à l’intermédiaire financier. Il a pour fondement l’article 10 al.1 LBA, qui impose
à l’intermédiaire financier de bloquer les valeurs patrimoniales qui lui sont confiées si elles
ont un lien avec les informations communiquées au titre de l’art.9. Il convient de préciser
que la notion de valeurs patrimoniales confiées est large et non technique.
70. La durée et les effets du blocage. Il maintient le blocage du compte ou des avoirs
jusqu’à la réception d’une décision de l’autorité de poursuite pénale compétente. Le
blocage ne dure que cinq jours à partir du moment où l’intermédiaire a informé le MROS.
Durant ce délai d’attente, l’intermédiaire financier est soumis à un devoir de discrétion et
ne doit pas informer le titulaire du compte qu’il fait l’objet de soupçon de blanchiment
d’argent. En effet, ce dernier étant informé de la procédure dont il fait l’objet peut détruire
les preuves et effacer toutes les traces de transactions qu’il a effectuées, au risque d’être
poursuivi. L’obligation de bloquer les avoirs est donc la conséquence logique de
l’obligation de communication qui pèse sur l’intermédiaire financier. Dès l’instant où le
compte est bloqué, tout acte de disposition effectué sur ce compte devient illicite, car
l’objectif poursuivi est d’éviter la diminution des valeurs confiées. « De façon somme
toute curieuse, la violation de l’art.10 LBA n’est assortie d’aucune sanction, contrairement
à ce qui prévaut pour l’art.9 LBA. Le lien fort entre ces deux dispositions rend ce choix
d’autant moins compréhensible, si ce n’est le législateur est d’emblée parti de l’idée que la
violation de l’art.10 LBA constituerait le plus souvent un acte de blanchiment réprimé par
l’art.305bis
CP et que l’intermédiaire financier courrait en conséquence le risque de voir
- 34 -
l’Etat faire valoir une créance compensatrice à son encontre » (91)
. Lorsque les soupçons
sont confirmés, l’on procède généralement à la saisie et la confiscation des avoirs
2- La saisie et la confiscation des avoirs.
71. L’intérêt judiciaire de la saisie. Lorsque les soupçons fondés sont confirmés, le
blocage préalablement effectué se transforme en un séquestre, puis par la suite, le cas
échéant, à une confiscation pénale (92)
. Cela intervient lorsqu’une éventuelle infraction est
portée à la connaissance de l’autorité, y compris du MROS. Il relève donc de l’autorité
pénale de mettre sous justice les éléments de preuves découvertes en vue de leur
conservation pour les besoins de l’enquête, et de procéder par la suite à leur confiscation
pour leur production devant la juridiction de jugement (93)
. La saisie, peut dès lors avoir
une portée conservatoire commandée par les besoins de la preuve dans le procès (saisie
probatoire), ou de sûreté pour procéder à la confiscation (saisie confiscatoire), voire en une
fin de garantie pour permettre le paiement à l’Etat des amendes, des frais de procédure ou
d’exécution des peines.
72. Confiscation : décision du juge répressif. En ce qui concerne la confiscation, celle-ci
découle de la décision de l’autorité judiciaire répressive consistant à transférer à l’Etat des
objets ou valeurs patrimoniales en raison de leur périculosité pour la sécurité de personnes,
l’ordre public et la morale, de leur origine ou leur utilisation criminelle. Elle constitue donc
la forme de contrainte la plus aboutie lorsqu’il s’agit des biens. En droit suisse, cette
mesure est obligatoire lorsque les objets ont servis ou devraient servir à commettre une
infraction ou sont le produit d’une infraction (art.58 et ss. du CPS). La confiscation de
valeurs patrimoniales ne peut être prononcée que s’il y est suffisamment vraisemblable
que, les valeurs sont dans un rapport de connexité avec l’infraction (94)
. En cas de doute
d’un lien entre les valeurs patrimoniales et l’infraction, le juge du fond peut renoncer à la
confiscation. En pratique la confiscation n’intervient qu’à la suite d’une mesure de saisie
qui ait été ordonnée, y compris à l’encontre des éléments du patrimoine de la personne
concernée qui pourrait faire l’objet d’une créance compensatrice envers l’Etat d’un
91
N. BEGUIN, O. UNTERNAEHER, La responsabilité civile du banquier en cas de blanchiment d’argent
questions d’illicéité, op.cit, p.12 92
Ibid. 93
G. PIQUEZEZ, Procédure pénale. Traité théorique et pratique, Zurich, Schulthess, n°31, 2000, p.547. 94
M. HENZELIN, op.cit, p.232.
- 35 -
montant équivalent (art.59 al.1 du CPS). Malgré tout l’arsenal de textes que la Suisse s’est
dotée pour lutter contre le blanchiment d’argent, les blanchisseurs arrivent à trouver des
interstices pour atteindre néanmoins leurs objectifs.
Paragraphe III : Une transparence affaiblie par des obstacles.
73. La transparence instaurée par la LBA pour lutter contre le blanchiment d’argent,
rencontre des écueils non moins importants. L’on peut faire ici mention des services en
ligne (A) que les banques proposent, et surtout de l’absence de communication présente
entre les différentes banques de la place financière helvétique (B). Notons toutefois que
cette énonciation n’est pas exhaustive, car les blanchisseurs utilisent d’autres procédés
pour rendre leur argent propre. Mais il nous est apparu opportun de ne retenir que ces deux
là dans le cadre limité de notre travail.
A-) L’usage de l’internet pour des fins de blanchiment.
74. Rapport. L’art de la blanchisserie a su tirer un profit majeur du développement des
technologies, notamment celle relative à l’internet, est un facteur important de la
globalisation des marchés financiers. L’internet accentue donc la difficulté pour les
autorités habilitées à lutter contre le blanchiment d’argent de mener à bien leur travail. En
effet, l’internet est venu accorder aux blanchisseurs davantage de sécurité et de tranquillité,
car ces derniers n’encourent qu’un faible risque d’être appréhendés. Qui plus est, ils
peuvent brouiller leur trace par de multiples procédés en transférant les sommes blanchies
dans plusieurs comptes sur un laps de temps. A la vérité, « (…) travailler sur internet,
c’est être à la fois nulle part et partout, c’est là même l’une des principales illustrations de
la mondialisation. Il n’y a plus, ni barrière, ni frontières entre les pays sur internet. Et en
se décloisonnant et en s’internationalisant, le système financier, opérationnel sur internet
a permis à l’argent de mieux circuler, de mieux se cacher, de mieux se mouvoir, et de
mieux se mettre en valeur, le plus souvent très loin de son lieu géographique et social
- 36 -
d’origine »(95)
. L’on peut ainsi comprendre l’attrait de l’internet pour que les blanchisseurs
puissent y recourir.
75. Aucun danger véritable de l’usage de l’internet pour des fins de blanchiment en
Suisse. Force est cependant de percevoir, qu’en Suisse, l’utilisation de la toile ne présente
pas véritablement un danger en matière de blanchiment (96)
. Il convient, toutefois, de
s’inquiéter avec une certaine réserve. Le rapport du GAFI met plutôt en avant la
conjugaison de trois éléments qui peuvent tendre à des risques certains de blanchiment. Il
s’agit tout d’abord de l’accès facile à l’internet, de la dématérialisation du contact entre le
client et l’institution bancaire, enfin la rapidité des transactions électroniques (97)
. L’on est
donc porté à croire que « la toile est devenue un véritable espace virtuel qu’aucune
frontière ne délimite, qu’aucun fleuve ne borne et qu’aucun pouvoir ne régente » (98)
. Il est
dès lors difficile de combattre le blanchiment qui se fait en ligne. Cette difficulté résulte du
fait que les gestionnaires n’ont pas la possibilité de suivre toutes les opérations à cause du
nombre élevé des comptes malgré leur logiciel de suivi (99)
.
76. Difficultés de tracer les transactions bancaires électroniques. Aussi, établir une
chaine de traçabilité des transactions bancaires électroniques demande un temps
considérable. Et cela malgré la mise en place du système SWIFT par le GAFI en 1992. De
même, les moyens actuels semblent inopérants pour lutter contre le blanchiment qui se fait
en ligne, car les blanchisseurs utilisent et font évoluer des techniques quasiment
indétectables, huilés, qui relèvent parfois de la « virtuosité » (100)
.
77. Exemple de blanchiment. Pour parangon d’un blanchiment d’argent, le quotidien
Milano Finanza en 1999, a pu révélé que plus de 900 millions de francs suisses avaient été
blanchis via internet par la mafia Sicilienne en transitant d’une compagnie américaine en
Nouvelle-Zélande aux Îles Caïmans en passant par Tel-Aviv et Madrid, avant d’être
déposés en Suisse. Il ne s’agit là que de la face visible de l’iceberg, car peu de statistiques
concrètes ont été données jusqu’à ce jour pour déterminer le montant d’argent blanchi via
internet sur la place financière helvétique. Dès lors, « internet se présente comme un
95
H.M. TCHABO SONTANG, Secret bancaire et lutte contre le blanchiment dans la zone CEMAC,
Mémoire de DEA, Université Dschang, 2004, p.37-38. 96
A. JEANNERET, P. De SELLIERS, R. CHOPRA, op.cit, p.25. 97
GAFI, Rapport sur les typologies du blanchiment d’argent, 2000-2001, Paris. 98
M. GOURRAMEN, Secret bancaire et entraide internationale, Mémoire de maîtrise en droit, Université
de Montréal, Octobre 2009, p.70. 99
A. JEANNERET, P. De SELLIERS, R. CHOPRA, op.cit, p.26. 100
Ibid. p.15.
- 37 -
labyrinthe, qui couplé à l’ingéniosité des acteurs et promoteurs de l’industrie du crime
organisé se révèle être hostile à toute tentative de déceler les preuves contre ces derniers »
(101). L’usage de l’internet pour des fins de blanchiment est, aujourd’hui d’actualité, et
pose un problème névralgique, non seulement pour la Suisse, mais aussi et surtout pour la
communauté internationale. Les faiblesses que la Suisse rencontre afin de mieux lutter
contre le blanchiment d’argent, provient aussi d’un autre facteur, celui de l’absence de
communication entre les banques.
B-) L’absence d’échange d’information entre les banques suisses.
78. Absence de communication. Il n’existe pas de communication véritable entre les
banques dans le cadre de la lutte contre le blanchiment d’argent. Cela constitue un autre
facteur qui profite aux blanchisseurs. Les banques n’échangent pas des informations avec
leurs autres partenaires parce qu’ils sont tenus de respecter le secret bancaire, et ce manque
de circulation d’informations constitue un élément à haut risque qui entrave les
mécanismes de lutte contre l’infraction du blanchiment d’argent.
79. Conséquence : difficulté de combattre le blanchiment. Il en est ainsi, par exemple,
lorsque le blanchisseur ouvre quatre comptes dans différents établissements bancaires, et
détient deux pièces justificatives qu’il a gagné légitimement deux millions dans la vente de
marchandises. Avec ces pièces, il peut se présenter dans tous les trois autres banques que
celle émettrice des papiers et y déposer à chaque fois deux millions qui semblent être
légitimes. Par ce procédé il blanchit ainsi, en débitant dans le compte principal qui lui avait
permis d’obtenir les pièces justificatives plus de quatre millions. La faille se situe donc au
niveau de « l’absence de communication entre les banques, car il n’est pas possible de
savoir si la justification a été montrée plus d’une fois » (102)
. Cela permet donc au
blanchisseur de légitimer des fonds d’origine douteuse, et ce dernier peut dormir ainsi
« sur ses oreillers » sans être inquiété d’être découvert.
80. Conclusion. Enfin, pour tout bien considérer, « il y a beaucoup de pressions sur la
Suisse pour qu’elle lève son secret bancaire, secret qui protège parfois, sans le vouloir,
des criminels. Beaucoup de pays utilisent l’argument que la Suisse se rend complice du
101
F. BLASSEL, J.P. BUEHS, Argent sale : internet lave plus blanc, l’Hebdo, 16 mars 2000. 102
A. JEANNERET, P. De SELLIERS, R. CHOPRA, op.cit, p.29.
- 38 -
blanchiment d’argent sale pour tenter de lever le secret bancaire, cela afin de diminuer
l’évasion fiscale en direction de la Suisse ». L’on peut comprendre par là, qu’il ne s’agit
pas seulement du blanchiment d’argent, mais aussi et surtout de l’évasion fiscale, laquelle
justifie toutes les estocades à l’endroit du secret bancaire suisse.
- 39 -
CHAPITRE II :
LE SECRET BANCAIRE SUISSE EN TANT QU’INSTRUMENT
DE L’EVASION FISCALE.
81. Usage abusif du secret bancaire suisse pour des fins d’évasion fiscale. Les coups
d’estoc portés contre le secret bancaire suisse, ont pour cheval de Troie l’épineux problème
de l’impôt éludé. L’usage abusif du secret bancaire (103)
suisse est souvent lié au problème
de l’évasion fiscale. En effet, le secret bancaire suisse avait été conçu comme un
instrument favorisant l’évasion fiscale (104)
. Malgré le maintien par la Suisse d’un secret
bancaire strict pendant de nombreuses années, les besoins fiscaux des Etats pour équilibrer
leurs budgets déficitaires, justifient aujourd’hui la campagne menée contre le secret
bancaire suisse. En effet, ce « regain d’intérêt porté à la thématique de l’évasion n’est pas
une bonne nouvelle pour l’industrie financière suisse en particulier et pour la Suisse en
général. Le secret bancaire a certes toujours été sous de pressions. Mais l’originalité de la
situation actuelle réside dans l’intensité et la multiplication des sources de pressions, et
surtout dans la concentration des critiques et des attaques sur l’aspect ‘évasion fiscale’ du
secret bancaire » écrit Caroline EGGLI (105)
. Le procès mené à l’encontre du secret
bancaire, a pour fondement la recherche pour les Etats d’une justice fiscale, plus
particulièrement l’établissement de l’égalité des citoyens envers les charges fiscales tel
qu’il en ressort de la déclaration des droits de l’homme et du citoyen en son article 13 qui
dispose « pour l’entretien de la force publique et pour les dépenses de l’administration,
une contribution commune est indispensable ; elle doit être également répartie entre les
citoyens, en raison de leurs facultés ».
82. Les conséquences de l’évasion fiscale. Pour mieux lutter contre l’évasion fiscale, il est
important que la Suisse puisse lever son secret bancaire lequel, jusqu'à une époque récente
avait été défendu avec la plus grande fermeté indéfectible (106)
; car il est évident que « le
secret bancaire offre à ce jour, en Suisse, une protection sans faille en faveur des
103
OCDE, Fiscalité et usage abusif du secret bancaire, Paris, Rapport OCDE, 1985. 104
S. GUEX, Les origines du secret bancaire et son rôle dans la politique de la confédération au sortir de la
Seconde Guerre mondiale, Genèse n°34, vol.34, pp.4-27 ; C. EGGLI, Le secret bancaire suisse face aux
pressions internationales, Institut Européen de l’Université de Genève, p.32 ; B. BERTOSSA, De l’éthique
de combattre l’évasion fiscale, p.31. 105
C. EGGLI, op.cit, p.32. 106
S. GUEX, op.cit, p.16.
- 40 -
contribuables indélicats » comme le fait savoir le juge Bernard BERTOSSA (107)
. De
même, il est important de retenir que l’évasion fiscale affecte le tissu social économique et
décourage les honnêtes contribuables qui veulent s’acquitter de leurs obligations à l’égard
du fisc (108)
. « (…) Le secret bancaire apparait ainsi comme exclusivement destiné à
favoriser l’intérêt particulier de ceux qui entendent se soustraire à une participation
équitable à l’effort commun (…) le secret bancaire à l’égard du fisc a pour fonction de
favoriser les tricheurs » (109)
. Ce statu quo fait que la Suisse puisse être considérée comme
un paradis fiscal.
83. Rôle de l’OCDE. Afin de lutter contre le phénomène de l’évasion fiscale, plusieurs
instruments juridiques ont été adoptés dans l’espace européen afin que les Etats membres,
puissent combattre l’évasion fiscale de leurs nationaux lesquels, vont déposer leur argent
sous des cieux cléments telle que la Suisse. L’OCDE n’est pas restée un simple spectateur
bienveillant, bien au contraire elle participe aussi à la lutte contre ce phénomène qui ne
cesse de prendre des proportions démesurées.
84. Plan. Il est utile au préalable d’analyser le problème de l’évasion fiscale dans le cadre
de l’OCDE et de l’Union Européenne (Section I). Néanmoins, il convient de préciser qu’il
existe un terrain de glissement, qui semble annihiler les efforts de la communauté
internationale, c’est qu’en Suisse l’évasion fiscale n’est pas considérée comme une
infraction pénale (Section II)
Section I : L’évasion fiscale du point de vu de l’OCDE et de l’U.E.
85. L’U.E et l’OCDE. « Le principe de la libre circulation des capitaux au sein de
l’Union Européenne a fait du contribuable européen un agent économique sans frontière
au sein de l’Union de telle sorte que la rationalité économique et financière qui dicte ses
107
De l’éthique de combattre l’évasion fiscale, in Place financière suisse, évasion fiscale et intégration
européenne, (Sous la dir.) R. SCHOW, éd. Euryopa, Genève, p. 132. 108
Ibid. l’auteur affirme à juste titre : « tricher avec l’impôt revient donc par un effet purement mécanique,
à faire assumer une part plus importante de la charge fiscale par les contribuables honnêtes, soit ceux qui
par obligation, par conviction ou crainte de la sanction, s’acquittent entièrement de la charge qui leu est
légalement dévolue. Plus la fraude est importante, mus la part théorique de chaque contribuable risque de
s’accroître, avec la tentation plus grande de se soustraire à l’accomplissement de ses devoirs. Par une
sorte d’aspiration, somme toute compréhensible, à l’égalité dans l’illégalité, la violation de la loi fiscale
risque de devenir la règle et son respect l’exception » 109
Ibid. p.132.
- 41 -
choix le conduisent naturellement à localiser la richesse taxable là où l’impôt
correspondant pèse le moins : il s’agit de la concurrence fiscale dommageable » (110)
. Ce
problème alarmant intéresse vivement l’OCDE, dont la majorité des Etats, pour ne pas dire
la totalité, font application d’une économie de marché, favorisant la libre circulation des
capitaux et des personnes, facteurs de développement économique. Ces Etats, quoique
partageant une même idéologie économique, n’ont pas, à proprement parler, une politique
fiscale identique. Cette disparité se manifeste par le fait que certains Etats pratiquent une
fiscalité confiscatoire (France par ex.), et d’autres cependant pratiquent sur leur territoire
une fiscalité préférentielle, attrayante appliquant ainsi des bases d’impositions faibles. Cela
étant, une telle situation ne peut qu’occasionner des fraudes fiscales internationales. Il est
dès lors opportun, d’étudier le dynamisme de l’OCDE (Paragraphe I), et le problème de
l’évasion fiscale au sein de l’Union Européenne (Paragraphe II).
Paragraphe I : Le dynamisme de l’OCDE dans la lutte contre l’évasion
fiscale.
86. Les objectifs de l’OCDE. L’organisation pour la coopération et le développement
économique, est une organisation internationale d’études économiques. Les Etats membres
de cette organisation ont tous un régime démocratique. L’OCDE joue un rôle important
dans l’élaboration de nombreuses études économiques, elle est une assemblée consultative.
Depuis la création de cette organisation, elle a publié de nombreux rapports qui ont eu des
impacts considérables dans les domaines économique et juridique. Bon nombre de ces
rapports ont abordé le problème de l’évasion fiscale, ce qui, l’a donc conduit à dénoncer la
concurrence fiscale dommageable (A) et à instaurer une politique de lutte contre les
paradis fiscaux lesquels, font un usage abusif du secret bancaire (B).
A-) La dénonciation de la concurrence fiscale dommageable.
87. Le problème de la souveraineté fiscale. Il existe un truisme selon lequel, les Etats
n’ont pas une même vision politique en ce qui concerne la fiscalité. En effet, « la politique
fiscale est un sujet éminemment domestique qui ne relève pas de la politique étrangère »
110
J. BURGER, Les délits pénaux fiscaux : une mise en perspective des droits français, luxembourgeois et
internationaux, Thèse de doctorat, Université de Nancy, 2011, p.194.
- 42 -
(111). Chaque Etat adopte une politique fiscale selon ses besoins de stratégies économiques ;
il s’agit là de l’émanation de la souveraineté fiscale de l’Etat. Cela conduit donc les pays
tels que la France et l’Italie de pratiquer une fiscalité lourde qui, favorise l’évasion et la
fraude fiscale des revenus de leurs contribuables vers les « havres fiscaux » (112)
. Qui plus
est, cette situation est davantage accentuée avec la mondialisation qui a favorisé une forte
mobilité des capitaux. S’étant penché sur ce problème, l’OCDE avait adopté un rapport en
1998 ayant pour titre « La Concurrence fiscale dommageable » contre l’avis de deux Etats
membres à savoir : la Suisse et le Luxembourg. Mais ce rapport ne donne pas une
véritable définition de la concurrence fiscale dommageable et celle de sa manifestation
(1), et s’est attaqué par la suite aux pays, qui font un usage abusif du secret bancaire, en
les qualifiant de paradis fiscaux (2), qui constituent un antidote pour les contribuables qui
veulent échapper à des charges fiscales lourdes de leur pays d’origine.
1- Définitions de la concurrence fiscale dommageable et de l’évasion
fiscale.
Nous allons essayer de définir dans cette rubrique la concurrence fiscale dommageable (a)
qui est une notion assez complexe que l’OCDE n’arrive pas jusqu’ à ce jour, à trouver une
définition faisant l’unanimité à l’égard de ses Etas membres ; et l’une de ces conséquences,
à savoir l’évasion fiscale (b) que l’on ne saurait passer sous silence.
a) La notion de concurrence fiscale dommageable.
88. L’expansion de la concurrence : loi du marché. Aujourd’hui, chaque domaine de
l’économie est sujet à concurrence tant sur le plan interne qu’international. En soi, toute
concurrence loyale est saine, quelque soit le domaine sur lequel elle porte, fiscalité
comprise. La concurrence fiscale présente une certaine utilité car, elle « décourage,
notamment les gouvernements d’adopter des régimes confiscatoires, freinant l’esprit
d’entreprise et pénalisant l’économie, et évite un nivellement vers le haut de la pression »
111
M.Y. DEROBERT, Fiscalité de l’épargne : un enjeu de politique étrangère suisse, in Place financière
suisse, évasion fiscale et intégration européenne, (Sous la dir.) R. SCWOK, éd. Europya, p.151. 112
T. GODEFROY, P. LASCOUMES, Havres fiscaux et places financières régulées les cycles d’une
attention politique improductive, Dossier savoir/agir, p.31.
- 43 -
(113) donc constitue « un instrument puissant pour éviter les impôts excessifs »
(114). Sans la
concurrence fiscale, l’économie serait déséquilibrée au sein des Etats de la communauté
internationale. Pierre BESSARD définit la concurrence fiscale « par la liberté d’une
juridiction de fixer les taux d’imposition moins élevées ou de mettre en place un système
fiscal différent » (115)
. Il s’agit là d’une concurrence qui s’exerce dans le respect des droits
d’autres Etats, donc acceptée et ne fait l’objet d’aucune critique. On peut affirmer qu’une
concurrence fiscale s’inscrivant dans ce cadre est loyale. Mais qu’en est-il véritablement de
la concurrence fiscale « dommageable » ?
89. Absence de définition faisant l’unanimité. « Le concept de concurrence fiscale
dommageable est un concept large et flou pour lequel il n’existe pas de définition qui fasse
l’objet d’un consensus. La définition qu’en donne l’OCDE renvoie à une forme de
braconnage sur la base d’imposition d’autres pays, incluant l’ensemble des pratiques
conçues pour attirer des investissements ou l’épargne d’autre origine ou pour permettre
d’échapper aux impôts d’autres pays » fait savoir Caroline EGGLI (116)
. La concurrence
fiscale dommageable a pour origine le fait que certains Etats puissent pratiquer une
fiscalité préférentielle, attirant du même coup les capitaux étrangers, qui veulent se
soustraire à l’impôt ou simplement pour des besoins d’investissement. Cette fiscalité
attrayante est l’un des facteurs de délocalisation de nombreuses sociétés transnationales,
lesquelles se soucient énormément de la rentabilité de leurs investissements car trop ‘’
d’impôts affectent l’investissement’’. Pour les personnes physiques, il s’agit plutôt de fuir
le fardeau de l’impôt de leur pays d’origine et déposent ainsi leurs avoirs dans les havres
fiscaux. Il s’agit moins, comme l’a justement souligné Jeffrey OWENS, « d’attirer des
investissements directs étrangers que de détourner à son profit une bonne partie des bases
d’imposition d’autres pays » (117)
. En somme, l’on constate que l’intérêt premier n’est pas
d’attirer des investissements mais plutôt de favoriser l’évasion fiscale. L’évasion fiscale
est, a cet effet, l’une des manifestations importantes de la concurrence fiscale
dommageable (118)
. Cette concurrence à laquelle se livrent les Etats, est reprouvée par
l’OCDE, mais aussi par les grands perdants de la compétition fiscale, notamment les pays
113
OCDE, Concurrence fiscale dommageable : un problème mondial, Rapport, 1998, p.76. 114
P. SALIN, in Les droits individuels et le combat contre « l’évasion fiscale », avant propos. 115
Les droits individuels et le combat contre « l’évasion fiscale », Institut libéral, Février 2013, p.16. 116
Le secret bancaire suisse face aux pressions internationales, op.cit, p.31 117
J. OWENS était chef de division des affaires fiscales de l’OCDE, Combattre les pratiques fiscales
dommageables, l’Observateur n°215, janvier 2005, p.14. 118
C. EGGLI, op.cit, p.31.
- 44 -
pratiquant une fiscalité lourde sur l’épargne (France, Allemagne…). L’impôt a dans ces
Etats une utilité à ne plus démontrer, voila pourquoi ils mènent ce combat avec férocité
pour défendre leurs intérêts.
90. Le paradoxe. La concurrence fiscale dite dommageable est parfois, constat amer,
favorisée par les Etats à forte imposition à cause de leur politique interne. L’on peut s’en
convaincre en faisant nôtre la déclaration de Clémenceau d’après laquelle, « la France est
un pays où on y plante des fonctionnaires et y pousse des impôts ». On peut déduire par là,
que la fiscalité française n’est pas douce et clémente ; effectivement, depuis le
déclenchement de la crise économique la base d’imposition de l’impôt sur la fortune ne
cesse d’augmenter, ce qui, par exemple a incité l’acteur français Gérard DEPARDIEU a
déplacé son domicile fiscal vers la Belgique, par la suite à changer de nationalité et
devenir russe. Tout ce stratagème c’est pour fuir la France et sa fiscalité confiscatoire.
91. Concurrence fiscale entre cantons. En Suisse, par exemple, la concurrence fiscale
intercantonnale, conjuguée dans certains cas avec la consultation du peuple et des cantons
par les urnes, contient la gourmandise de l’Etat et garantit une fiscalité douce, respectueuse
du contribuable qui, est traité comme un citoyen et non comme un sujet taillable et
corvéable à merci. Cette concurrence entre les cantons a favorisé une mansuétude sur le
plan fiscal et attiré ainsi les capitaux étrangers.
92. Les effets pervers de la concurrence fiscale dommageable. En vérité, « la
concurrence fiscale dommageable affecte la structure fiscale des Etats qui, soucieux de
s’assurer des ressources budgétaires récurrentes, taxent plus lourdement les bases fixes
que les bases mobiles, le travail que le revenu du capital » (119)
. Cela conduit donc à
déplacer la charge fiscale vers les revenus de personnes physique que sur les profits tirés
par les entreprises. Cela étant, cette conséquence négative pousse les contribuables d’aller
déposer leurs fonds sous des cieux cléments. Dans ces conditions, les capitaux cherchent
refuge sous des cieux plus paisibles ne semblent être pas surprenant. L’existence des
havres fiscaux est alors salutaire car ils tempèrent la toute puissance de l’Etat. Cette
situation semble, par moment, assez difficile à circonscrire. S’agit-il d’une évasion fiscale
ou d’une planification fiscale ?
119
J. BURGER, op.cit, p.194.
- 45 -
b) La difficile délimitation de la notion l’évasion fiscale
93. Essai de délimitation. L’évasion fiscale, manifestation de la concurrence fiscale
dommageable, n’est pas aisée à définir. Car, celle-ci se trouve à mi-chemin entre
l’optimisation fiscale, qui est légale, et la fraude fiscale, qui est illégale.
94. Fraude fiscale et planification fiscale. Dans son premier rapport de 1987, l’OCDE
avait défini la fraude fiscale comme « toute action du contribuable qui implique une
violation de la loi, lorsqu’on peut prouver que l’intéressé a agi dans le dessein délibéré
d’échapper à l’impôt » (120)
. La fraude fiscale ainsi définie nécessite donc un élément
intentionnel de la part du contribuable pour éluder soit l’impôt ou de le réduire par des
procédés frauduleux. Tandis que la planification fiscale est légale et avait même déjà été
pris en compte par le Comité des affaires fiscales de l’OCDE ; « en admettant qu’il était
possible de réduire, voire de supprimer, la charge fiscale du contribuable de manière
acceptable, en choisissant par exemple les allègements et les stimulants fiscaux le
processus qui sera le plus avantageux tout en restant compatible avec les transactions
commerciales normales, ou même en s’abstenant de consommer un produit taxé »(121)
. Ce
procédé de réduction d’impôt est légal, parce que l’Etat l’autorise et le reconnait comme un
facteur puissant du développement économique. Ces pratiques permises voire encouragées
sont uniquement celles qui procurent à l’Etat un intérêt compensant le manque à gagner
budgétaire.
95. Evasion fiscale : définition. La notion d’évasion fiscale évoquée par l’OCDE a le
même sens que celle employée dans la langue française. A vrai dire, l’évasion est
l’utilisation par des moyens légaux des failles du système fiscal afin de réduire le montant
de l’imposition. Il est donc difficile de pouvoir combattre un tel phénomène puisqu’il se
base sur le détournement des moyens légaux pour éluder ou diminuer la charge fiscale.
D’après un auteur, « l’évasion fiscale consiste en une action volontaire, non violente et
extra-légale d’un contribuable qui, par la mise en œuvre d’une technique juridique de sur-
adaptation alternative (exercice d’un choix juridique), se place indirectement dans une
situation fiscale donnée, afin d’obtenir un résultat économique équivalent à celui
120
OCDE, Rapport, 1987. 121
J. BURGER, op.cit, p.210.
- 46 -
recherché, tout en étant fiscalement plus favorable » (122)
. Dans les cas d’évasion ou de la
fraude fiscale, l’on est en présence d’une même conséquence, car ces deux infractions
constituent une vraie entorse au recouvrement normal de l’impôt.
96. Diversité de critères de l’évasion fiscale. D’une manière générale, les pays membres
de l’OCDE ne s’accordent pas, sur l’éventail des procédés de l’évasion fiscale qu’ils
entendent combattre, ou qu’ils aient des difficultés sérieuses à l’identifier. De toute
évidence, les procédés d’évasion fiscale mentionnés dans les législations nationale
comportent des détails qui varient d’un pays à un autre. Mais sur la base des conventions
de doubles impositions (CDI), des critères généraux peuvent ou semblent être retenus. En
effet dans la majorité des cas de l’évasion fiscale, un élément artificiel est patent, en
d’autres termes, les multiples dispositions qui ont été prises n’ont pas un objectif
essentiellement commercial ou économique. Aussi, l’existence d’un élément confidentiel
constitue une autre particularité des procédés d’évasion fiscale modernes. Dans d’autres
hypothèses, les conseillers complices particulièrement les avocats, les notaires, les experts
comptables, peuvent innover en créant des nouveaux procédés afin de permettre à leur
client de faire évader leur capitaux sur des places financières plus attractives. C’est ainsi,
que l’évasion fiscale profite des failles de la législation, en cherchant à tirer profit des
dispositions légales à des fins autres que celles qu’elles étaient censées servir.
Toutefois, la réduction de l’impôt ne saurait être un critère prédominant pour identifier
une évasion fiscale. En effet, « il n’est suffisant car il couvrirait un dispositif d’évasion
fiscale acceptable ; il n’est pas nécessaire car un procédé d’évasion destiné à réduire
l’imposition peut échouer » écrit Jonathan BURGER (123)
.
97. Complexification. Certains pays autorisent le contribuable à déduire de sa base
imposable des intérêts, parce que les paiements d’intérêts peuvent réduire sa capacité
contributive, à condition qu’il s’agisse cependant d’un prêt authentique assorti d’un taux
d’intérêt normal. Or, il peut être avantageux surtout en période d’inflation, pour un
contribuable qui est imposable à un taux marginal élevé d’emprunter des fonds pour
acheter des actifs, même s’il existe d’autres moyens pour ce dernier d’obtenir de l’argent.
Mais, s’il profite de la déductibilité des intérêts des prêts, en effectuant une série
d’opération qui lui permettent de se forger un montant d’intérêt anormal dont il réclame la
122
Ch. R MASSON, La notion d’évasion fiscale en droit interne français, L.G.D.J, 1990, p.102. 123
J. BURGER, op.cit, p.212.
- 47 -
déduction, alors même qu’au taux normal il n’encourt pas personnellement de dépenses
plus élevées que si la transaction avait été normale, ceci va constituer un procédé
frauduleux pour les raisons suivantes : l’opération a pour but d’obtenir un avantage fiscal
et non un prêt, l’ensemble du procédé est artificiel car il ne se déroule pas dans les
conditions normales du marché. Dès lors, force est de constater que l’élément artificiel
peut ou ne pas exister, mais dans la grande majorité de situation, les fiscs arrivent avec une
facilité déconcertante à la conclusion que l’ensemble de la transaction constitue un
montage frauduleux et que des mesures doivent être prises pour la combattre. La
dénonciation de la concurrence fiscale dommageable fait aussi appel du rôle joué par les
paradis fiscaux dans le déséquilibre financier.
2- Le rôle des paradis fiscaux dans la concurrence dommageable.
98. Eléments identifiants les paradis fiscaux. Les paradis fiscaux sont des territoires qui
peuvent être des Etats ou des dépendances plus ou moins autonome d’autres pays, ils
répondent à la combinaison de plusieurs critères :
- secret bancaire strict qui est opposable notamment au juge étranger ;
- faiblesse ou inexistence de bases d’imposition qu’ils s’agissent des revenus, des
bénéfices, ou des patrimoines, particulièrement des non-résidents ;
- grande facilité d’installation et de création de société avec peu de formalisme, avec
souvent des lois sur des trusts ou donnant effet aux trusts étrangers très libérales ;
Ces éléments entrent dans les critères qui permettent de définir le paradis fiscal, du moins
favorisent son identification. Pour Pierre BESSARD, les paradis fiscaux « englobent aussi
bien des juridictions à relativement faible imposition que celles connaissant des règles
spécifiques pour certaines opérations ou une confidentialité bancaire poussée, ou refusant
d’appliquer les normes d’autres juridictions sur leurs propres territoires pour l’échange
d’information » (124)
. Ces mêmes critères définitionnels sont également repris par l’OCDE.
99. Les résolutions internationales. Pour trouver des solutions à la crise financière, les
pays membres du G20 se sont réunis à Londres le 2 Avril 2009. Et, lors de cette rencontre
des accords importants ont été pris par les Etats afin de parvenir à la stabilité de l’économie
124
Les droits individuels et le combat contre l’évasion fiscale, Institut Liberal, Février 2013, p18.
- 48 -
mondiale. C’est ainsi qu’ils avaient « décidé de prendre des résolutions contre les pays
non-coopératifs, incluant notamment les paradis fiscaux. Nous sommes prêts à déployer
les sanctions nécessaires pour protéger nos finances publiques et nos systèmes
financiers ». Car il était important de mettre un terme à des agissements anti-économiques
de ces territoires, qui avaient affecté le jeu de la concurrence entre les Etats. C’est durant
cette rencontre, d’ailleurs, que l’OCDE avait publié la liste des pays non coopératifs et qui
étaient considérés comme des paradis fiscaux. En effet, lors de sa publication il y avait
quatre listes, chacune de ces listes étaient identifiées par une couleur (blanc, gris clair, gris
foncé et noir) qui témoignait du degré d’absence de coopération. Et, force est de remarquer
que la Suisse faisait parti de la liste grise des pays ayant pris l’engagement de d’adopter
substantiellement les standards internationaux en vue de la coopération avec les autres
Etats.
100. Blanchiment d’argent, évasion fiscale et concurrence fiscale. Le combat mené par
l’OCDE contre les paradis fiscaux se justifie par le fait que, les paradis fiscaux ou
bancaires ont une part importante dans le problème de l’argent sale et de l’évasion fiscale
(125). C’est donc à juste titre qu’ils « (…) sont considérés comme le dénominateur commun
entre le blanchiment d’argent et la fraude fiscale » (126)
. Car historiquement ces pratiques
sont indissociablement liées aux paradis financiers (127)
. Les paradis fiscaux accueillent à
bras ouverts des sommes considérables soustraites aux fiscs nationaux, notamment des
personnes fortunées et des entreprises multinationales. Ce statu quo est un facteur puissant
d’exacerbation de la concurrence fiscale qui devient dès lors dommageable ; car cela créait
des disparités et des inégalités, et empêchent ainsi de nombreux Etats de pouvoir recouvrer
l’impôt. Aujourd’hui, l’OCDE exerce de pressions sur les paradis fiscaux afin que ces
derniers puissent adapter leur droit interne pour qu’ils puissent intégrer les standards
internationaux en matière d’échange d’information en prenant pour modèle l’article 26
MC-OCDE pour la conclusion des CDI. Car, tous doivent coopérer pour diminuer
« l’absence de communication qui favorise la fraude fiscale internationale en direction des
pays appliquant l’opposabilité du secret bancaire à l’administration fiscale » (128)
.
125
S. GUEX, Développement de la place financière helvétique et secret bancaire au 20e
siècle : la Suisse
comme paradis fiscal, Solidarité n°125, Finances, p.4. 126
C. FOUMDJEM, Le blanchiment d’argent et le fraude fiscale, éd l’Harmattan, 2011, p.47. 127
A. JEANNERET, P. De SELLIERS, R. CHOPRA, Le blanchiment d’argent en Suisse, Séminaire
d’économie nationale, Université de Lausanne, p.7 128
C. FOUMDJEM, op.cit, p.61.
- 49 -
101. Critiques sur les missions de l’OCDE. Le rôle de l’OCDE, dans le combat mené
contre les paradis fiscaux fait souvent l’objet de critiques exacerbées. En effet, on
l’accuse souvent de partialité et d’être une organisation « schizophrénique » (129)
, car elle
aurait tendance à privilégier les intérêts des pays qui la financent grandement (U.S.A,
France, Allemagne, Grande Bretagne, Italie). A l’heure actuelle, la lutte contre les paradis
fiscaux est un impératif. « Les gouvernements d’Etats à fiscalité élevée les combattent en
raison des limites qu’ils posent à leur pouvoir de prélever encore d’avantage de ressource
du secteur privé, à la dissimulation des prix excessifs des services publics (…) et à la
possibilité de relever de façon discrétionnaire la pression sur les résidents les plus
productifs » (130)
. Voila pourquoi l’OCDE est devenu une organisation charnière dans la
lutte contre les paradis fiscaux car ces derniers menacent la stabilité de l’économie surtout
dans un monde en crise. C’est ainsi qu’elle argue que « l’évitement fiscal et l’évasion
fiscale signifient moins de ressources pour les infrastructures et les services comme
l’éducation et la santé, ce qui diminue le niveau de la vie tant dans les pays en
développement que dans les pays développés » (131)
. Les sommes qui trouvent refuges dans
les havres fiscaux, qui échappent aux fiscs, constituent un manque à gagner pour les Etats,
et se chiffrent en milliard d’euro ou de dollar. Il a été nécessaire de mettre en place des
mécanismes pour endiguer ce phénomène d’évasion fiscale.
B-) Les mesures prise par l’OCDE pour lutter contre l’évasion fiscale.
102. Transparence fiscale. L’OCDE a pris un certain nombre de mesures pour mieux
lutter contre le phénomène de l’évasion fiscale et adopte un vocable qui se base sur une
meilleure transparence fiscale. Pour parvenir à cet objectif, elle a rendu de nombreux
rapports portant sur le domaine bancaire. D’autant plus que l’on sait le rôle joué par les
banques dans la crise économique de 2008, particulièrement avec la faillite de la banque
américaine Lehman Brothers le 15 septembre 2008. L’OCDE exige : une meilleure
transparence fiscale.
102-1. Le fondement de la transparence. L’OCDE se sert abondamment de ce vocable. Il
nous renvoie à la question de la sphère privée et de sa protection. Les progrès de
129
P. BESSARD, op.cit, pp.18-19. 130
P. BESSARD, op.cit, p.18. 131
OCDE, La lutte contre la fraude fiscale, Rapport, 2011.
- 50 -
l’informatique conjugués avec les pressions de l’administration fiscale et les medias, ainsi
que celles des investigations systématiques liées à la lutte contre le blanchiment d’argent et
le terrorisme, ont rétréci la sphère privée à peau de chagrin. C’est ainsi, dans son rapport
bancaire du 24 mars 2000, le Comité des Affaires Fiscales de l’OCDE avait encouragé les
pays à :
« a) mettre en œuvre les mesures pour empêcher les institutions financières de tenir des
comptes anonymes et pour les contraindre à identifier leurs clients habituels ou
occasionnels, ainsi que toute personne au bénéfice de laquelle un compte ouvert ou une
opération est effectuée.
b) réexaminer toute condition d’un intérêt fiscal national qui empêche leur administration
fiscale de demander ou de communiquer à un partenaire conventionnel, dans le contexte
d’une demande de renseignements spécifiques, des informations qu’elle pourrait obtenir
sur le plan national à des fins fiscales, de manière que ces renseignements puissent être
échangés en modifiant, si possible leur législation, leur réglementation ou leurs pratiques
administratives ;
c) réexaminer les mesures et les pratiques qui empêchent l’administration fiscale d’avoir
accès, directement ou indirectement, à des renseignements bancaires pour l’échange de
tels renseignements dans les affaires fiscale impliquant les actes intentionnels qui sont
l’objet de poursuites pénales de manière à modifier si besoin est, leur législation ou leur
pratiques administratives » (132)
. Ce rapport avait identifié la Suisse et le Luxembourg
comme des pays dans lesquels une définition restrictive de la fraude fiscale combinée à
l’application du principe de double incrimination limitaient grandement l’échange
d’’information pour des fins fiscale. Ce rapport a connu par la suite de nombreuses
modifications notamment en 2003 et en 2007.
102-2. C’est donc au nom d’une meilleure transparence fiscale et dans la crainte de perdre
sa licence que la banque suisse UBS aux Etats-Unis a été contrainte, par le biais de la
FINMA de livrer au fisc américain une liste de clients, essentiellement des américains,
ayant fraudé le fisc. Le dialogue que tient l’OCDE dans la lutte contre l’évasion fiscale ne
s’arrête pas à l’obligation d’une meilleure transparence des banques, mais celui-ci trouve
un certain écho au niveau de la communauté européenne.
132
OCDE, Rapport bancaire de l’OCDE, 24 mars 2000, p.67.
- 51 -
Paragraphe II : Le problème de l’évasion fiscale au sein de l’Union
Européenne.
103. L’U.E est aussi préoccupé par l’évasion et la fraude fiscale qui ne cessent de prendre
de l’ampleur dans sa zone géographique. La difficulté de lutter contre l’évasion fiscale
s’est accentué avec le principe du libre échange, le marché libre instauré au sein de la
communauté, mais aussi et surtout par l’adoption d’une monnaie unique, facteur
exponentiel de fuite transfrontalière des capitaux au sein de la communauté. Il est sortable
d’étudier l’ampleur de l’évasion fiscal et de la fraude fiscale (A), la lente construction de la
fiscalité de l’épargne au sein de l’U.E (B). L’U.E avait songé de dialoguer avec la Suisse
(C) et, un certain nombre de mesures avaient été prises pour lutter contre ce phénomène
(D).
A- L’ampleur de l’évasion fiscale et de la fraude fiscale au sein de l’U.E.
104. Le manque à gagner. Durant l’année 2004, les recettes fiscales de l’Union
Européenne ont représenté près de 30,3% du PIB, soit 4.097,7 milliard d’euros. Et, en 2011
elles représentaient près de 38,8% du PIB de l’Union Européenne. Celles-ci ont connu une
baisse assez significative ces dernières années. Dans l’espace européen le type d’impôt
faisant l’objet de plus de fraude est la taxe sur la valeur ajoutée (TVA).
104-1. Approximation du phénomène. Néanmoins, il convient à préciser que très peu
d’estimations sont disponibles sur l’impôt non collecté à cause de l’évasion et de la fraude
fiscale. D’après la commission européenne, la fraude et l’évasion fiscale sont estimés à
1000 milliards d’euros, ce manque à gagner pour la communauté a donc été l’un des
facteurs qui a stimulé à ce que l’U.E cherche à harmoniser sa fiscalité sur l’épargne.
B- Une construction difficile de l’harmonisation de la fiscalité de
l’épargne
105. La nécessité d’une harmonie. L’harmonisation de la fiscalité de l’épargne est une
question de première importance pour l’espace européen depuis de décennies. Celle-ci en
- 52 -
effet « (…) fait figure de véritable serpent de mer parmi les dossiers européens » (133)
.
Cette harmonisation a été confrontée à de nombreux écueils dus à la protection de certains
Etats européens de leurs intérêts particuliers. Car prélever l’impôt est l’une des
prérogatives régaliennes de l’Etat, traduisant par là sa souveraineté fiscale. Des désaccords
multiples au sein de l’U.E ont constitué pendant longtemps de véritables entraves pour une
harmonisation de la fiscalité de l’épargne. Il est, dès lors important de présenter le
processus ayant conduit à cette harmonisation de la fiscalité de l’épargne dont l’accord de
Feira constitue l’aboutissement concret (2). Mais avant tout, il serait loisible de présenter
d’abord la situation qui prévalait avant ledit accord (1).
1- Avant l’accord de Feira.
106. La recherche d’un équilibre au sein de l’Union européenne. « Il y a bien
longtemps que l’U.E cherche à trouver le dénominateur commun entre ses différents Etats-
membres dans le domaine de la fiscalité de l’épargne » (134)
. En effet, le cheminement vers
un consensus pour la fiscalité de l’épargne a été soumis à rudes épreuves. Les Etats-
membres de l’U.E avaient commencé à manifester des préoccupations pour leur finance
notamment, à la suite de l’adoption d’une politique commune de libre circulation des
capitaux. Cette situation commençait à inquiéter comme on peut le constater avec Victoria
Curzon PRICE selon qui, « l’abandon des contrôles sur les mouvements des capitaux (…)
commence à produire des effets fiscaux pervers (…) il entraine la délocalisation de
l’épargne des particuliers dans le but d’échapper à l’impôt. Non seulement les trésors
publics se trouvent-ils en manque des recettes, mais les Etats doivent multiplier les
‘’cadeaux fiscaux’’ pour persuader les contribuables de garder l’épargne en place » (135)
.
Cette délocalisation des capitaux a attiré l’attention des décideurs politiques européens. Car
il est apparu « du point de vue de l’Union Européenne, que la délocalisation des capitaux
pour des raisons d’évasion fiscale doit être prévenue indépendamment d’un jugement de
valeur sur la moralité du comportement individuel. Elle constitue en effet une entrave au
133
J. ROSSIER, Le véritable débat sur l’évasion fiscale, in Place financière suisse, évasion fiscale et
intégration européenne, (sous la dir.) R. SCHOWK, Europya, p.91. 134
M.Y. DEROBERT, Fiscalité de l’épargne : un enjeu de politique étrangère suisse, in Place financière
suisse, évasion fiscale et intégration européenne, (sous la dir.) R. SCHOWK, éd Euryopa, Genève, 2002,
p.155. 135
Harmonisation ou concurrence fiscale ? L’U.E face à l’érosion de la base d’imposition en matière de
revenus de l’épargne, in Place financière suisse, évasion fiscale et intégration européenne, (sous la dir.) R.
SCHOWK, Euryopa, Genève, 2002 p.95.
- 53 -
bon fonctionnement du Marché intérieur et conditionne négativement la concurrence dans
un marché des capitaux libéralisé. Ces effets économiques négatifs sont amplifiés par
l’existence désormais de l’Union monétaire » (136)
. Ce statu quo avait donc poussé, en
1992, Mme Christiane SCRNVENER qui était commissaire européenne à émettre de
nombreuses propositions allant dans le sens de la fiscalité de l’épargne. Cette initiative
était mal reçue par certains Etats européens car elle se basait sur l’échange d’informations
entre les différentes autorités fiscales des Etats-membres de la communauté européenne.
En effet, la Grande Bretagne et Luxembourg s’y opposèrent vertement, ce qui d’ailleurs
avait conduit à l’échec du projet de la directive sur la fiscalité sur l’épargne, car elle n’avait
pas trouvé un écho favorable au sein des pays membres de l’Union européenne, d’autant
plus que la règle de l’unanimité en matière fiscale devrait être respectée.
107. L’échec du projet de la directive sur la fiscalité de l’épargne. En 1998, un autre
projet de directive sur la fiscalité de l’épargne avait été mis derechef sur la table de
négociation par le nouveau commissaire européen de l’époque Mario MONTI. Ce dernier,
proposait un système dit de coexistence qui devrait permettre aux Etat de choisir soit
l’échange automatique des informations entre les autorités fiscales ou soit percevoir
l’impôt à la source auprès de l’agent payeur. « Cette solution pragmatique tenait compte
des spécificités des différents Etats membres en matière de secret bancaire » (137)
. Malgré
cette notable amélioration du projet de directive, ce dernier tout comme la première était
confrontée à un obstacle majeur. En effet, la Grande Bretagne dans le souci de protéger son
marché d’eurobonds (138)
, menacé par l’introduction d’un impôt à la source a dénoncé
ouvertement ce système et, est parvenu à rallier à sa cause d’autres grands Etats au
détriment du Luxembourg et de l’Autriche. « L’attitude britannique n’a pas manqué
d’impressionner les autres membres de l’U.E, qui redoutaient par-dessus tout un nouvel
échec sur ce dossier brûlant. Pour tuer la retenue à la source, les britanniques se sont faits
les apôtres de l’échange automatiques d’information qu’ils avaient longtemps combattu. Il
ne restait plus qu’à forcer la main au Luxembourg et à l’Autriche, ce qui fut fait à
l’occasion du sommet de Feira, en juin 2000. Depuis lors, l’U.E a officiellement renoncé
au système de coexistence préconisé par M. MONTI ». En somme, malgré les difficultés
136
M.V. ABEELE, Pourquoi l’U.E veut abolir le secret bancaire en matière fiscale, in Place financière
suisse, évasion fiscale et intégration européenne, (sous la dir.) R. SCHOWK, Euryopa, Genève, 2002, p.146. 137
J. ROSSIER, op.cit, p.91. 138
C. BRONTE, Comprendre la logique politique de l’U.E pour comprendre les négociations actuelles, in
Place financière suisse, évasion fiscale et intégration européenne, (sous la dir) R. SCHOWK, éd. Euryopa,
vol.16, 2000, p.61.
- 54 -
rencontrées pour instaurer une harmonisation de la fiscalité de l’épargne, un compromis a
été néanmoins trouvé en 2000 lors du sommet européen à Feira.
2- Le compromis de Feira.
108. Une réussite partielle de l’harmonisation sur la fiscalité de l’épargne. La situation
économique catastrophique allant en s’aggravant, a favorisé une certaine convergence des
intérêts au sein de la communauté européenne. C’est dans ce cadre, et dans le souci de
remédier aux nombreux échecs d’une harmonisation de la fiscalité de l’épargne, que l’U.E
est parvenue à un accord à Feira en juin 2000. C’est donc à Feira lors du sommet européen
que le projet de la directive sur la fiscalité de l’épargne était âprement discuté. Le nouveau
projet de directive en la matière présentait les caractéristiques suivantes : il ne touchait que
les revenus sous formes d’intérêts et non pas les dividendes. Durant les discussions sur
cette thématique, les Etats étaient convenus du maintien du système de coexistence pour
une période transitoire de sept ans durant laquelle l’Autriche, le Luxembourg, la Belgique
devraient être autorisés à percevoir un impôt à la source. Après cette période transitoire, les
Etats devraient par la suite passer à l’échange automatique d’information en matière
fiscale. Cette restriction du champ du projet de la directive avait pour but de ne pas nuire
aux intérêts commerciaux des Etats-membres. Ce projet avait pour vocation de ne toucher
que les revenus des personnes physiques et non les personnes morales. « Compte tenu du
champ d’application restreint de la directive, elle peut difficilement atteindre son objectif
qui est de garantir un minimum d’imposition effective des revenus de l’épargne sous forme
d’intérêts. Elle doit donc être considérée comme un compromis politique mais pas
vraiment comme un moyen efficace de lutter contre l’évasion fiscale »139
. Le projet de la
fiscalité de l’épargne ne devrait pas s’arrêter à l’ensemble des pays de l’U.E mais un
dialogue important devait s’établir avec la Suisse.
139
Ibid.
- 55 -
C-) Le dialogue nécessaire entre l’U.E et la Suisse sur la fiscalité de
l’épargne.
109. Un dialogue constructif entre l’U.E et la Suisse. La Suisse pourtant qui n’est pas
membre de la l’U.E, car elle est l’un des rares pays de l’Europe de ne pas s’être rallié à la
communauté, était dans le collimateur de l’U.E en ce qui concernait le problème de la
fiscalité de l’épargne. En effet, aussi longtemps que les Etats de l’U.E se livraient à une
concurrence, la Suisse ne se posait guère des questions sur la légitimité des pratiques de sa
place financière. Mais quand les pays de la communauté ont décidé de se rallier et
d’harmoniser la fiscalité de l’épargne, il s’est avéré utile d’établir un dialogue constructif
avec la Suisse afin qu’elle ne devienne pas un espace où les capitaux des contribuables de
l’U.E devaient s’exiler davantage. Car la Suisse « n’a aucun intérêt à attirer des affaires
qui ne visent qu’à contourner les nouvelles normes fiscales de l’U.E » affirmait
M.VILLIGER, qui était ministre des finances à l’époque. La Suisse s’engageait
d’appliquer une retenue fiscale selon le modèle de l’agent payeur sur les revenus de
sources non-suisses, associée avec le système de l’impôt anticipé qu’elle pratiquait déjà
afin d’éviter l’évasion fiscale.
110. Le dialogue avec la Suisse était d’une grande importance, car il permettait à
« l’Autriche et au Luxembourg de vouloir s’assurer que leurs concurrents en matière de
gestion de fortune ne bénéficieraient pas, dans le futur d’un avantage concurrentiel en
échappant à la directive européenne » (140)
. Mais malgré tout, la Suisse continuait à
maintenir qu’elle ne changerait pas sa législation et ne lèverait pas son secret bancaire pour
évasion fiscale, pour garantir la protection de la sphère privée de l’individu qui lui est
chère. Néanmoins, malgré la persistance et la résistance suisse, l’U.E avait pris un certain
nombre de mesures pour lutter contre l’évasion fiscale.
D-) Les mesures prises par l’Union Européenne pour la lutte contre
l’évasion fiscale.
111. L’U.E dans le cadre de sa politique fiscale a pris de nombreuses mesures de lutte
contre l’évasion fiscale qui, ne cesse de s’étendre dans son espace économique. C’est ainsi
140
J.J. FRIBOULET, Secret bancaire et fiscalité de l’épargne Un nouvel accord bilatéral entre la Suisse et
l’Union Européenne, p.6.
- 56 -
qu’elle a mis en place une législation pénale au niveau communautaire (1), à laquelle les
Etats sont tenus de respecter ou d’introduire dans leur droit interne. Puis elle milite
davantage pour un véritable échange automatique d’information entre les différents Etats-
membres de la communauté, lequel constitue le cadre administratif de la lutte contre la
fraude et l’évasion fiscale (2).
1- La législation pénale communautaire.
112. Source. Elle a pour origine la convention relative à la protection des intérêts
financiers de la communauté européenne le 26 juillet 1995. L’article 1er
de ladite
convention postule que :
« Aux fins de la présente convention, est constitutif d’une fraude portant atteinte aux
intérêts financiers des communautés européennes :
a) En matière de dépense, tout acte ou, omission relatif à
- à l’utilisation ou à la présentation de déclaration ou de documents faux, inexacts
incomplets ayant pour effet la perception ou la rétention indue de fonds provenant
du budget général des Communautés Européennes ou des budgets gérés par les
Communautés ou pour leur comptes,
- à la non communication d’une information d’une obligation spécifique, ayant le
même effet,
- au détournement de tels fonds à d’autres fins que celles pour lesquelles ils ont
initialement été octroyés
b) en matière de recettes, tout acte ou omission intentionnelle relatif :
- à l’utilisation ou à la présentation de déclaration ou de document faux, inexacts ou
incomplets, ayant pour effet la diminution illégale des ressources du budget
général des communautés européennes ou des budgets gérés par les communautés
européennes ou pour leur compte,
- à la non incrimination d’une information en violation d’une obligation spécifique
ayant le même effet,
- au détournement d’un avantage légalement obtenu, ayant le même effet »
113. La prise en compte des divergences en matière pénale. Cette convention, compte
tenu de la répartition des compétences entres les Etats membres et les communautés, a
- 57 -
pour but d’assurer une plus grande compatibilité entre les lois pénales des Etats-membres,
par la création de normes pénales minimales, afin de rendre la lutte contre la fraude aux
intérêts financiers de la communauté plus efficace et encore plus dissuasives et de
renforcer la coopération en matière pénale entre les Etats membres. Elle trouve son origine
de la constatation du fait que la fraude au budget de la communauté revêtait un caractère de
plus en plus préoccupant.
114. Détails sur la faiblesse d’application de la convention. A titre d’exemple, à
l’occasion de son rapport annuel pour l’année 1994 relatif à la lutte contre la fraude aux
intérêts financiers des communautés, la Commission avait souligné la gravité que
revêtaient cette fraude et l’ampleur des préjudices causés au budget des communautés. Le
budget de l’année de 1995 de la Communauté s’élevait à 75 milliard d’euros, et les fraudes
recensées au titre de communication réglementaire et par d’autres sources d’information
portent, en 1994, sur 1,33 milliard d’euros, soit 1,5% du budget total de l’année. Certes, la
lutte au premier plan incombe au premier chef des Etats membres car, « la lutte contre
l’évasion fiscale est une question de politique interne et non de politique étrangère :
lorsqu’une baignoire fuit, le problème se situe dans la baignoire, pas dans le lieu où l’eau
s’écoule » (141)
; les Etats doivent prendre des mesures nécessaires pour assurer une
prévention et une répression efficaces de tels comportements. De même, il convient à
signifier que d’autres mesures au sein de l’U.E ont été prises et sont pour l’essentiel
administrative afin de lutter contre l’évasion et la fraude fiscale.
2- Les mesures administratives prises pour lutter contre l’évasion
fiscale : les échanges d’informations entre les autorités fiscales.
115. La directive sur l’échange d’information. L’U.E mise grandement pour l’échange
automatique d’informations en matière fiscale, non seulement au sein des pays membres de
la communauté mais aussi avec la place financière helvétique que, nous étudierons
ultérieurement. A cet effet, la directive 2003/48/CE avait mis en place un système
administratif d’échange automatique de certaines informations relatives aux paiements
d’intérêts. C’est dans ce contexte que l’article 2 de la directive prévoyait que les revenus de
l’épargne, sous forme de paiement d’intérêts effectué dans un Etat membre en faveur du
141
M.Y. DEROBERT, op.cit, p.154.
- 58 -
bénéficiaire effectif, qui sont les personnes physiques ayant leur résidence dans un autre
Etat membre, soient effectivement imposés conformément aux dispositions de ce dernier
Etat membre.
116. L’imposition d’intérêts, la mise en œuvre de la directive. A la vérité, le moyen
retenu pour effectuer l’imposition d’intérêts dans l’Etat membre où le bénéficiaire effectif
à sa résidence fiscale a pour socle l’échange automatique d’informations entre les Etats
membres concernant ces paiements d’intérêts. Ainsi, les Etats membres prennent des
mesures appropriées afin de parvenir à l’exécution des tâches requises pour la mise en
œuvre de la directive par les agents payeurs établis sur leur territoire, indifféremment du
lieu d’établissement de débiteur, de la créance produisant les intérêts. En effet, l’article 9
de la directive 2003/48/CE oblige l’autorité compétente de l’Etat membre de l’agent
payeur de transmettre, au moins une fois par an, dans les six mois qui suivent la fin de
l’exercice fiscal de l’Etat de l’agent payeur, à l’autorité de l’Etat membre de résidence du
bénéficiaire effectif un contenu minimal d’information sur l’identité et la résidence de ce
dernier, le nom ou la dénomination de l’agent payeur, le numéro de compte du bénéficiaire
effectif, ou le cas échéant , l’identification de la créance des intérêts, et des informations
concernant le paiement d’intérêts. Cependant, il convient à préciser que durant la période
de transition, certains Etats de la communauté avaient été excipés de la procédure de
l’échange automatique d’informations sur les revenus de l’épargne et devaient appliquer le
système de retenu à la source. Mais, depuis 2013 les Etats comme le Luxembourg et
l’Autriche sont passés progressivement au système de l’échange automatique
d’informations.
117. Notion de bénéficiaire effectif. Le concept de bénéficiaire effectif employé par
l’art.2 de la directive ne propose guère de définition aisée car, il semblerait que « (…) cette
notion est toutefois délicate à utiliser et son interprétation est loin de faire l’unanimité
(…) » (142)
. Malgré la difficulté qui se présente toujours à définir le bénéficiaire effectif
avec clarté, il est permis d’affirmer que ce « (…) concept de bénéficiaire effectif bien
142
X. OBERSON, Coordination entre l’U.E et la Suisse de l’imposition des revenus de l’épargne, in Place
financière suisse, évasion fiscale et intégration européenne, (sous la dir.) R. SCHOWK, éd Euryopa, vol.16,
2002, Genève, p.172.
- 59 -
connu en droit fiscal international devrait à priori permettre d’éviter des constructions
insolites tendant à intercaler de simple sociétés dites de passage » (143)
.
Le problème de l’évasion fiscale ayant été dans le cadre de l’OCDE et de l’U.E, il serait
nécessaire du moins obligatoire de l’étudier dans le cadre du droit interne helvétique.
Section II : L’évasion fiscale en droit interne suisse.
118. Le contribuable protégé par le secret bancaire. « Le secret bancaire offre (…) une
protection sans faille en faveur des contribuables indélicats » (144)
. Cette protection
s’applique de manière égalitaire entre le contribuable suisse et les étrangers ayant placé
leur fonds sur la place financière helvétique dans le but de se soustraire de la charge fiscale
de leur pays d’origine. A vrai dire, le secret bancaire est opposable au fisc en cas d’évasion
fiscale qui n’est pas une infraction pénalement réprimée. En effet, la notion d’évasion
fiscale en droit interne suisse pose des problèmes délicats à l’administration fiscale qui
entend appliquer la loi. Pour essayer de résoudre cette difficulté, la Suisse a donc décidé de
pratiquer un impôt anticipé. L’évasion fiscale n’est pas une notion facile à définir à cause
de sa connexité avec des notions voisines. Néanmoins, elle « désigne le fait par lequel un
contribuable utilise les institutions de droit civil afin d’éviter une charge fiscale tout en
atteignant son objectif économique final » (145)
. Le contribuable use ainsi des procédés
légaux afin de diminuer sa charge fiscale, car il est libre d’organiser son patrimoine.
119. La théorie de l’évasion fiscale : une construction du juge helvétique. Les besoins
de clarté ont donc conduit le tribunal fédéral de retenir la combinaison de trois critères afin,
d’identifier une évasion fiscale. Il s’agit entre autres de :
- la forme juridique choisie par le contribuable parait comme insolite, inapproprié ou
étrange, en tout cas inadapté au but économique poursuivi ;
- ce choix est abusif dans le sens qu’il a pour but d’économiser une imposition due si les
rapports de droit avaient été aménagés de façon appropriée ;
143
Ibid. 144
B. BERTOSSA, De l’éthique de combattre l’évasion fiscale, in Place financière suisse, évasion fiscale et
intégration européenne, (sous la dir.) R. SCHOWK, éd. Euryopa, vol.16, Genève, 2002, p.131. 145
I. KOFMEL, L’évasion fiscale en droit interne suisse, Fribourg, avril 2009, p.4.
- 60 -
- le procédé choisi conduirait effectivement à une notable économie d’impôt dans la
mesure où il serait accepté par l’autorité fiscale.
Ces critères avaient été épinglés pour la première fois par un arrêt rendu en 1933 dans le
cadre d’une double imposition intercantonnale (146)
. En effet, à l’époque aucune disposition
ne prévoyait l’encadrement de cette matière. Voila pourquoi depuis lors, « le tribunal
fédéral commence généralement à rappeler les conditions d’application de l’évasion
fiscale comme si elle était prévue par une base légale avant d’examiner leur réalisation
dans le cas d’espèce. Or, il n’existe pas en droit fiscal suisse de norme générale
consacrant l’évasion comme principe général du droit fiscal, la seule disposition du droit
positif qui prévoit l’évasion étant l’article 21 al.2 LIA, applicable en matière de
remboursement de l’impôt anticipé uniquement » (147)
. Dès lors, l’évasion fiscale devient
un cas spécifique du contournement de la loi, celui qui élude l’impôt ne viole pas
directement la loi ( contra legis agere) mais agit contrairement à l’objectif poursuivi par la
loi ( in fraudem legis agere) (148)
.
120. Particularité de la théorie de l’évasion fiscale en droit interne suisse. La théorie de
l’évasion fiscale élaborée par le droit interne suisse présente une certaine ingéniosité car
elle « (…) permet aux autorités de taxation d’intervenir lorsqu’un contribuable utilise une
structure insolite en vue d’éluder de l’impôt » et donc d’avoir pour finalité « (…) de
mettre en œuvre l’égalité de traitement en matière fiscale et constitue une aide pour
l’autorité chargée d’appliquer la loi. En d’autres mots et formulé de manière
pragmatique : l’astuce ne doit pas triompher du droit » (149)
.
120-1. Plan. Pour ce faire, il conviendrait de présenter la délimitation juridique de
l’évasion fiscale (A), puis, aborder, par la suite, les conditions et les fondements de
l’évasion fiscale (B).
A-) Le délimitation juridique de l’évasion fiscale.
121. Un tracé incertain. Comme nous l’avions précédemment évoqué, l’évasion fiscale se
rapproche inéluctablement avec un certain nombre de comportements que le contribuable
146
T.F, 01/12/1933, consid.7et 8, publié in ATF 59 I 272 147
F. PONCE, L’évasion fiscale en droit interne : Etats des lieux de l’évasion fiscale en matière d’impôt
directs dans la jurisprudence et la doctrine, Texte présenté dans le cadre du prix OREF, 30 Avril 2009, p.13. 148
Ibid. p.7. 149
Ibid.
- 61 -
peut adopter pour diminuer ou éluder l’impôt. A la vérité, force est de constater que
l’attitude adoptée peut être légale (1) ou relever foncièrement des infractions fiscales (2) ou
encore d’une simulation (3) qu’il conviendrait de distinguer avec la distribution dissimulé
des bénéfices (4) et, in fine, de mettre en exergue le rapport entre l’évasion et
l’interprétation économique (5). Une délimitation de l’évasion fiscale « présente un tracé
frontalier incertain » (150)
.
1- L’économie d’impôt.
122. Le principe de la libre gestion du patrimoine. La jurisprudence suisse consacre le
principe de la liberté d’agencer son patrimoine et ses affaires de façon à diminuer la charge
fiscale pour chaque individu (151)
. Cette liberté de gestion reconnue et accordée au citoyen
permet à ce dernier d’être libre de ses mouvements et, dans ses affaires. A cet effet, comme
le souligne le Pr Martin COLLET que « (…) la liberté serait le meilleur gage de la
prospérité. Bien que ce principe ait pris beaucoup de plomb dans l’aile, depuis que la
fiscalité sert aussi à orienter les comportements, il irrigue ainsi encore certaines règles de
droit », car un « bon impôt doit être un impôt qui n’influence pas les entreprises et les
personnes dans la manière de gérer leur argent, d’investir dans tel bien plutôt que dans tel
autre » (152)
. Il aurait donc pour conséquence, de reconnaitre au citoyen la liberté de se
domicilier dans une commune ou dans un canton qui pratique une imposition faible et
attrayante ; ce procédé semble être légal. Dans le cadre de ses affaires, le citoyen a le droit
de choisir une structure juridique destinée à lui procurer un allègement d’impôt. C’est
ainsi que l’on peut affirmer, avec la dernière énergie que « le principe de la liberté des
‘’choix fiscaux’’ et celui du choix de la voie la moins imposés découlent des droit
fondamentaux tendant à protéger la sphère privée du particulier contre les interventions
étatiques » (153)
.
123. Les limites au principe de la libre gestion du patrimoine. Néanmoins, force est de
notifier que ce principe de liberté dans l’aménagement du choix de gestion soulève
150
M. COLLET, Droit fiscal, 2eme
éd.PUF, 2009, n°399, p.227. 151
T.F, 28 novembre 2005 ; consid.3.5.1.
152
M. COLLET, op.cit, p.177. 153
I. KOFMEL, op.cit, p.8; V. aussi M. COZIAN, Les grands principes de la fiscalité des entreprises,
Litec, 32e éd, 2008.
- 62 -
d’innombrables interrogations. A dire vrai, les différents choix opérés par le contribuable
« sont à l’origine de l’inégalité de traitement entre les contribuables, non pas en fonction
de leurs situations de fait respectives, mais des choix plus ou moins judicieux et plus ou
moins éclairés qu’ils effectuent. Cela semble contredire la vision traditionnelle de l’égalité
devant l’impôt » (154)
. Cette planification ou optimisation fiscale doit rester dans les limites
de la légalité. Quand un contribuable dépasse la frontière de l’économie fiscale en faisant
un usage abusif des structures juridiques autorisées par le droit civil suisse, cet acte doit
être pris en compte par le droit fiscal. Cependant, une difficulté presqu’inexpugnable se
présente toujours, celle relative du tracé entre l’économie d’impôt et l’évasion fiscale. Le
fisc pour vaincre ce phénomène d’évasion fiscale est parfois obligé de garder une certaine
méfiance constante envers les contribuables (155)
.
124. La manifestation de l’économie d’impôt et distinction avec l’évasion fiscale. Il y a
économie d’impôt si le contribuable profite d’une lacune proprement dite qui était prévue
ou acceptée par le législateur. « Cette souplesse permet parfois aux contribuables
d’atteindre le but économique souhaité en recourant à des formes juridiques surprenantes
et imaginatives leur permettant à première vue de ne pas tomber sous le coup de l’impôt.
Bien que le souci de l’impôt soit légitime, la grande majorité des Etats considèrent que les
limites doivent être posées afin de combattre les situations dans lesquelles l’avantage
fiscale obtenu serait injustifié ou intolérable » (156)
. A contrario, est considéré comme une
évasion fiscale, le fait pour le contribuable de profiter d’une lacune non prévue par le
législateur en vertu du caractère incomplet de la disposition et qu’il jouisse, de facto, des
mêmes avantages économiques offerts par l’état de fait qui serait imposable. Cela nécessite
donc de la part du contribuable de l’usage d’un élément insolite pour arriver ainsi à éluder
l’impôt, ce critère est celui retenu par la jurisprudence (157)
. Cette distinction ayant été
établi, il est aussi nécessaire de distinguer l’évasion fiscale aux infractions fiscales
proprement dites selon le droit fiscal suisse.
154
M. COLLET, op.cit, p.177-178. 155
B. ROLLI, Précis de droit fiscal suisse (impôts direct), 4e éd., Berne, 2002, p.72.
156 F. PONCE, op.cit, p.1
157 T.F, 01 décembre 1933, consid.7 et 8.
- 63 -
2- Les infractions fiscales.
125. Le besoin de clarté. L’évasion fiscale, est souvent confondue avec deux infractions
fiscales, particulièrement la fraude et à la soustraction d’impôt. L’évasion fiscale relève du
droit administratif tandis que les deux autres rentrent véritablement dans le champ des
droits fiscal et pénal suisses. Afin d’éviter toute confusion, il convient à préciser que la
terminologie en français et celle en anglais ne correspondent pas en matières d’infractions
fiscales. A vrai dire, l’évasion fiscale (steuerungeheung) est connue en anglais sous le
terme de tax avoidance, tandis que la soustraction fiscale ( steuerhinterziehung) se traduit
par tax evasion, alors qu’en matière de fraude fiscale (steuerbetrug), la traduction anglaise
tax fraud ne prête pas à confusion.
a) La soustraction d’impôt.
126. Caractéristiques de la soustraction d’impôt. La soustraction d’impôt en droit suisse
est prévue par les articles 175 al.1 LIFD et 56 LHID. Selon ces dispositions, la soustraction
d’impôt consiste à faire en sorte qu’une taxation ne soit pas effectuée alors qu’elle devrait
l’être ou qu’une taxation entrée en force soit incomplète. Le contribuable omet de déclarer
ou déclare de manière incorrecte des éléments imposables. Dans ce cas le contribuable
dissimule donc à l’administration fiscale un état de fait qui, selon la loi fiscale devrait être
imposé. Chose somme toute étrange, selon la législation helvétique celui qui élude l’impôt
en faisant en sorte que sa situation ne soit pas pris en compte par la loi fiscale par le biais
de l’utilisation des structures insolites, dont l’objectif est l’allègement de la charge fiscale,
ne commet pas à cet effet, une soustraction fiscale car son état est présenté clairement au
fisc (158)
. Ainsi, l’acte d’évasion a lieu « à un moment où l’individu n’est pas encore
contribuable, où l’impôt en question n’est pas encore dû ».
127. Distinction avec l’évasion fiscale. La distinction qui existe entre l’évasion fiscale et
la soustraction se résume à leurs effets. L’évasion fiscale est traitée en droit suisse comme
un simple écart administratif, car « celui qui élude un impôt ne viole pas une disposition
légale mais agit contrairement à son but » (159)
. Et dans ce cas le prélèvement de l’impôt ne
158
I. KOFMEL, op.cit, p.11. 159
Ibid.
- 64 -
se fondera pas sur la structure inadaptée choisie par le contribuable mais sur la base de la
« réalité économique » (160)
. Tandis que la soustraction d’impôt induit l’administration
fiscale en erreur par la fourniture des faux renseignements de la part du contribuable, est
traitée comme une contravention punissable d’une amende.
b) La fraude fiscale.
128. Une infraction spécifique. La fraude fiscale est une forme particulière de la
soustraction fiscale. Elle est prévue par les articles 186 LIFD et 59 LHID. Dans
l’hypothèse d’une fraude fiscale, le contribuable agi délibérément – d’une manière
intentionnelle- pour se soustraire au paiement de l’impôt par la production et l’usage de
faux titres ( la notion de titre est celle mentionnée par l’article 251 du CPS), falsifiés et
éloignés de la réalité dans l’objectif d’induire l’administration fiscale en erreur. Elle
constitue un délit qui est punissable d’une peine d’emprisonnement ou d’une amende allant
jusqu’à 30.000 francs suisse.
3- La simulation.
129. Définition de la simulation. La notion de simulation (161)
en matière fiscale (162)
peut
être comprise « lorsque les parties font un acte apparent dont elles conviennent de
modifier ou de détruire les effets par une autre convention demeurée secrète » (163)
. Dans le
sens de l’article 18 du CO, un acte est simulé lorsqu’il est éloigné de la réalité. Il s’agit des
« mensonges juridiques » selon l’expression du Pr Maurice COZIAN (164)
. Un tel acte est
nul faute de volonté et l’acte dissimulé réellement voulu par les parties, est valable pour
autant qu’il n’outrepasse pas d’autres dispositions. Pour la jurisprudence, d’un point de
vue fiscal, cet acte simulé ne lie pas l’autorité fiscale qui doit apprécier les faits sans égards
à la simulation en vue de l’imposition (165)
.
160
F. PONCE, op.cit, p.4-9. 161
F. TERRE, Introduction générale au droit, 6e éd. Dalloz, pp.375-377.
162F. DEBOISSY, La simulation en droit fiscal, L.G.D.J, coll. Thèse de Droit privé, 1997, 496 p. ; V. aussi
F. DURAND, L’apparence en droit fiscal, L.G.D.J, coll. Thèse, avril 2003, 250 p. 163
Définition proposée par la civiliste français DE PAGE. 164
Grands principes de la fiscalité des entreprises, 4e éd.Litec, 1999, p.17.
165T.F, 21 janvier 2003, consid. 4. 3, publié in Archives 72, p.736, traduit in RDAF 2003 II 382.
- 65 -
130. Etablissement de la distinction. La distinction que l’on peut établir entre la
simulation et l’évasion fiscale est la suivante : contrairement à la simulation qui masque
l’acte que les parties entendaient conclure, l’évasion fiscale est un comportement
réellement voulu par le contribuable qui le révèle à l’autorité fiscale. Ainsi, « la distinction
théorique au moins, entre les deux phénomènes réside dans la présentation des faits à
l’autorité de taxation » (166)
. L’évasion fiscale se rapproche aussi de la distribution
dissimulée des bénéfices avec laquelle il conviendrait d’établir la distinction.
4- La distribution dissimulée de bénéfices.
131. L’imposition des bénéfices dissimulés. Les sociétés de capitaux en Suisse, lors de la
réalisation des bénéfices sont doublement imposées. En effet, les bénéfices sont imposés
auprès de la société au moment de sa réalisation, et par la suite, lesdits bénéfices sont à leur
tour imposés sur les mains de l’actionnaire lorsque celui-ci reçoit les dividendes. Les
bénéfices, lorsqu’ils sont repartis entre les actionnaires sous formes de dividendes, font
l’objet d’un régime spécifique (167)
. Ces dividendes « largement entendus, (…) sont
quasiment confondus avec la notion purement fiscale de revenus distribués, résultants de
la répartition les plus diverses, notamment opérées de manière déguisée ou occulte » (168)
.
En effet, « la distribution dissimulée peut être définie comme l’octroi d’un avantage par la
société à un actionnaire ou à une personne le touchant de près à qui la société n’aurait
pas accordé un tel avantage s’agissant des tiers » (169)
. Ces distributions sont dissimulées
parce qu’elles ne figurent pas sur la comptabilité de la société et, qu’elles ne servent pas à
couvrir des dépenses justifiées par l’usage commercial. C’est sur cette base que
l’administration fiscale cherchera à les réintégrer dans les bénéfices nets imposables de la
société.
132. Manifestation de la distribution dissimulée des bénéfices. La jurisprudence suisse
(170) retient qu’il y a distribution dissimulée de bénéfices lorsque trois conditions sont
remplies à savoir :
166
I. KOFMEL, L’évasion fiscale en droit interne suisse, Fribourg, avril 2009, p.12. 167
A. AMER-YAHIA, Le régime juridique des dividendes, éd. l’Harmattan, 2011, 450p. 168
Ibid. pp16-17. 169
I. KOFMEL, op.cit, p.14. 170
T.F, 20 juin 2005, consid.2.1.
- 66 -
- la société ne reçoit aucune contrepartie ou pas de contre prestation équivalente ;
- le bénéficiaire acquiert directement ou indirectement (par exemple par l’intermédiaire
d’une personne ou d’une entreprise qui lui est proche) un avantage qui n’aurait été accordé
à un tiers dans les mêmes conditions, ce qui rend la prestation insolite ;
- lorsque le caractère de cette prestation était reconnaissable pour les organes de la société.
133. Une ressemblance limitée. L’évasion fiscale et la distribution dissimulée des
dividendes partagent un petit point de convergence. En effet, force est d’observer que les
deux structures présentent un caractère insolite. Le caractère insolite de l’évasion fiscale se
matérialise par le fait que le contribuable choisit une forme juridique uniquement pour
économiser des impôts qui seraient dus si le rapport de droit était aménagé de façon
appropriée. Tandis que le caractère insolite de la distribution dissimulée des bénéfices se
manifeste quand il y a une disproportion entre la prestation faite par la société à son
actionnaire ou à une personne proche et la contreprestation en constitue donc l’élément
insolite. Le rapprochement entre les deux structures peut être fait sur la base de leurs effets
juridiques. Cette convergence résulte du fait que lors de la constatation par l’administration
fiscale qu’un impôt a été éludé, celle-ci fonde l’imposition « non pas sur la forme choisie
par le contribuable mais sur la situation qui aurait dû être l’expression appropriée au but
économique poursuivi par les intéressés » (171)
.
134. Distinction. Malgré tout, une distinction mérite d’être faite entre les deux structures.
En effet, la distribution dissimulée des bénéfices est un état de fait qui est prévu par
l’article 58 al.1 lit.b LIFD, tandis que l’évasion fiscale se cristallise par le fait que le
contribuable choisit une forme qui n’est pas prévue par la loi fiscale. Aussi, l’on ne saurait
s’arrêter là pour autant, en effet, il est sortable aussi de distinguer l’évasion fiscale avec le
problème de l’interprétation économique.
5- L’interprétation économique.
135. Les différentes méthodes d’interprétation et le juge helvétique. Nous allons
présenter très succinctement les différentes méthodes d’interprétation (172)
que le juge
helvétique utilise pour déterminer le sens de la loi. Il utilise en premier lieu la méthode de
171
ATF 131 II 627 (635) consid.5.2, RDAF, 2005, II 532 (532) 172
F. GENY, Méthode d’interprétation et source en droit privé positif, 1914 ; v. F. TERRE, op.cit, pp.434-
439.
- 67 -
l’interprétation littérale qui consiste à interpréter la loi selon la lettre, ensuite il peut utiliser
la méthode de l’interprétation historique qui se base sur les travaux préparatoires du texte
de loi. De même, il convient d’ajouter la méthode d’interprétation téléologique qui consiste
à rechercher le but de la règle de droit en se basant sur l’esprit du texte, mais aussi aux
valeurs sur lesquelles elle repose ; enfin, il peut faire usage de la méthode systématique qui
se repose sur l’examen de la relation du texte légal avec les autres dispositions. « (…) Si
plusieurs interprétations sont admissibles, il convient de choisir celle qui est conforme à la
Constitution » (173)
.
136. Prise en compte des considérations économiques. La méthode d’interprétation
économique s’applique uniquement lorsque la règle se laisse guider par des considérations
économiques ou en d’autres mots, lorsque « les termes empruntés du droit civil revêtent
un sens plus large que leur seule portée juridique » (174)
. Dans l’analyse des normes
fiscales ayant un point de rattachement économique, l’approche économique consiste à
analyser un état de fait selon la réalité économique, l’approche économique consistera
donc à étudier un état de fait selon la réalité économique sans se préoccuper de
l’apparence que donne l’opération réalisée par le contribuable, c'est-à-dire en faisant
abstraction de la forme juridique d’une transaction pour saisir sa nature économique.
L’interprétation économique est considérée comme une sous catégorie de la méthode
d’interprétation téléologique.
137. Distinction. L’interprétation économique se distingue véritablement de l’évasion
fiscale, car leur champ d’application n’est pas le même. « L’interprétation économique
s’impose pour les dispositions à rattachement économique, mais est exclue pour les
dispositions qui se reposent sur un concept de droit civil » (175)
. En réalité, l’interprétation
économique se base sur une interprétation abstraite d’une norme et non pas sur la solution
d’un cas concret. « Bien qu’elle n’appartienne formellement à l’herméneutique juridique,
sa portée concerne principalement l’appréciation de l’état de fait juridique et économique.
Elle demeure néanmoins une appréciation juridique qui implique la détermination d’un
élément constitutif et la subsomption de l’état de fait à cet élément » (176)
. Force est dès lors
de dire que, le fisc n’a pas le droit d’apprécier un seul et même état de fait en se fondant
173
ATF 131 II 562 (567) consid.3.5. 174
175
I. KOFMEL, op.cit, p.20. 176
F. PONCE, op.cit, p.4.
- 68 -
une fois sur la norme juridique et une autrefois sur la réalité économique. Un tel
comportement de l’autorité de taxation serait contradictoire et violerait le principe de
bonne foi (art.9 de la Const.). Somme toute, l’évasion fiscale que nous avons essayé
d’étudier et de rapprocher avec les autres notions, à un champ et de nombreux fondements
auxquels il conviendrait de consacrer une analyse dans cette étude.
B-) Les conditions et les fondements de l’évasion fiscale en droit interne
suisse.
138. L’évasion fiscale en droit interne suisse est caractérisée par la réunion d’un certain
nombre de conditions (1) qui appelle à une analyse. De même, elle est fondée sur des
principes (2) qu’il serait loisible d’ausculter.
1- Les conditions de la manifestation d’une évasion fiscale.
139. Présentation des critères retenus par la jurisprudence. Comme nous l’avions déjà
susmentionné, pour caractériser l’évasion fiscale il est important qu’il y ait la combinaison
de trois éléments d’après la jurisprudence helvétique (177)
. Point n’est besoin de rappeler, à
cet effet, qu’il y a :
- la forme juridique choisi par le contribuable apparait comme insolite, inapproprié ou
étrange, en tout cas inadapté au but économique poursuivi ;
- il y a lieu d’admettre que ce choix n’a été arbitrairement exercé uniquement dans le but
d’économiser des impôts qui seraient dus si les rapports de droit étaient aménagés de
façon inappropriée ;
- la technique utilisée conduirait à une économie notable d’impôt dans la mesure où il
serait accepté par l’autorité fiscale.
140. Caractère insolite. La première condition retenue par la haute cour est le caractère
insolite de la forme choisie par le contribuable pour effectuer une opération. D’autres
termes similaires sont aussi utilisé par le juge, « inapproprié, étrange, inadapté », pour
qualifier l’opération conduisant à une évasion fiscale. Ce critère que la jurisprudence a
177
T.F, 01 décembre 1933, consid.7 et 8, publié in ATF 59 I 272 ; T.F, 28 septembre 2007, consid.4.3.
- 69 -
retenu, est considéré comme une condition objective. En effet, la forme choisie par le
contribuable doit lui permettre d’atteindre le même résultat économique que l’état de fait
qui aurait été soumis à une imposition lourde. Il convient de préciser à ce sujet que les
contribuables ont, à l’aune du principe de la liberté contractuelle qui tire sa source de
l’article 19 al.1 C.O, le droit d’aménager leurs contrats comme ils le souhaitent. L’autorité
de taxation ne saurait s’y opposer que si la forme choisie se présente comme inapproprié
ou insolite par rapport au but économique recherché. « La construction insolite est définie
négativement comme une forme juridique qui n’est pas choisie habituellement et qui ne
doit pas être choisie pour atteindre le but économique visé » (178)
. En pratique, toutefois, la
condition insolite du procédé est très aisément admise comme réalisé lorsqu’il y a eu une
potentielle épargne fiscale, le Tribunal Fédéral mélangeant finalement, bien souvent, le
caractère insolite et celle de l’économie de l’impôt dans son appréciation de l’état de fait.
141. Question probatoire sur le second critère. Vient par la suite l’élément subjectif qui
est la seconde condition. Cette condition est remplie lorsque le contribuable choisit la
forme juridique insolite dans le but d’économiser l’impôt. En principe, la charge de la
preuve des conditions objective et subjective incombe à l’administration fiscale dans la
mesure où il s’agit d’une situation créant ou augmentant la charge fiscale. In concreto,
l’administration et les tribunaux arrivent difficilement à apporter la preuve de cet élément
subjectif, il est par conséquent courant que cette condition ne soit pas véritablement
examinée lorsque la structure de l’opération ne semble, se justifier que par l’expectative
d’une économie d’impôt, les autorités recourent dans ce cas à une présomption. Il convient
de préciser, toutefois, qu’il ne s’agit pas d’une présomption légale, mais d’une simple
présomption de fait fondée sur l’expérience. Qui plus est, l’économie doit être « le seul but
de la forme choisie par le contribuable » (179)
.
142. Caractère portant sur la réduction de la charge fiscale. La dernière condition est
relative à l’économie notable d’impôt. Il est nécessaire d’examiner si l’application stricte
des règles fiscales aux opérations choisies par le contribuable conduirait à une imposition
significativement moindre que celle à laquelle il aurait été exposé en recourant à une forme
usuelle. A noter qu’en pratique, le caractère notable de l’économie d’impôt est aisément
admis comme réalisé lorsqu’il y a eu une économie d’impôt clairement quantifiable. A cet
178
I. KOFMEL, op.cit, p.23. 179
F. PONCE, op.cit, p.21.
- 70 -
effet, « l’économie d’impôt peut être de trois sortes : premièrement, le contribuable, ne
peut pas devoir payer un impôt dû d’après le ratio legis. Deuxièmement, en raison de la
construction inappropriée, l’impôt dû peut être diminué. Troisièmement, contrairement au
but de la loi, l’économie d’impôt peut provenir de l’ajournement de la naissance de
l’impôt» (180)
. Mais ces conditions de l’évasion fiscale ne s’appliquent pas toujours comme
la jurisprudence suisse les a construites. En effet, « l’évasion fiscale telle que définie par le
tribunal est en effet problématique puisqu’elle laisse à première vue penser qu’elle n’est
applicable que sous trois conditions strictes alors qu’en réalité il n’en est rien. La
condition de l’intention d’économiser l’impôt est présumée si la construction à un
caractère insolite est examinée en lien direct avec l’économie d’impôt potentielle. Il
s’ensuit que l’évasion fiscale est très vite réalisée lorsqu’il y a économie d’impôt. Il est
donc douteux que ces conditions soient de nature à délimiter l’évasion fiscale de
l’économie d’impôt » (181)
. Après avoir étudié les conditions ou les critères de l’évasion
fiscale, il convient d’analyser les fondements de la théorie de l’évasion fiscale selon le
droit interne helvétique.
2- Les fondements de l’évasion fiscale.
143. Plusieurs fondements. S’agissant du fondement de l’évasion fiscale, plusieurs
principes ont été épinglés afin de trouver celui qui correspondrait le mieux adapté à la
théorie de l’évasion fiscale. C’est ainsi, que l’on peut faire mention à juste titre du principe
de la légalité (a), celui de la bonne foi (b), de la prohibition de l’arbitraire (c) et enfin celui
de l’abus de droit (d).
a) L’évasion fiscale au regard du principe de la légalité.
144. Portée du principe de la légalité. Le principe de la légalité est un principe central de
la fiscalité. Il se base sur l’intervention du législateur qui doit « prévoir les cas
d’imposition et le cercle des contribuables, de même que l’objet de l’impôt et son montant
180
I. KOFMEL, op.cit, p.25. 181
F. PONCE, op.cit, p.22;
- 71 -
maximum » (182)
. Celui-ci est subdivisé en deux sous principes. Le premier est relatif au
principe de la suprématie de la loi en vertu duquel les organes de l’état doivent se
soumettre à l’ordre juridique (art.5 al. de la Const. fédérale de la confédération suisse). Le
second est celui de l’exigence de la base légale, selon lequel toute atteinte aux droits
fondamentaux doit se fonder sur la loi (art.36 al.1 Const).
145. Fondement constitutionnel du principe. Le principe de la légalité a une portée
particulière en application avec la Constitution fédérale elle-même. Ainsi en vertu de
l’article 127 al.1 Const, il est exigé que les principes généraux définissant le régime fiscal,
à savoir la qualité de contribuable, l’objet de l’impôt et son mode de calcul, doivent figurer
dans une loi. « L’évasion fiscale ne s’applique par définition que lorsque le champ
d’application d’une norme n’est pas suffisamment large pour garantir une décision
appropriée dans chaque cas concret ». Elle permet aux tribunaux de l’administration
fiscale de modifier l’état de fait afin qu’il entre dans le champ de la norme. Dans de telle
circonstance, il s’agit d’élargir le champ d’application de la loi aux hypothèses non prévues
par le législateur dû à l’étroitesse de la loi ouvrant à des abus. C’est ainsi que « l’évasion
fiscale constitue une claire entorse au principe de la légalité dans la mesure où elle fonde
une imposition par une modification des éléments de la loi qui définissent le sujet de
l’impôt (qualité du contribuable) ou de l’objet de l’impôt » (183)
.
146. Quand le cas d’évasion est prévu par un texte de loi, sa validité a pour fondement un
texte formel qui n’affecte pas la sécurité du droit. C’est ainsi que l’on recherche aussi le
fondement de l’évasion fiscale sur la théorie de bonne foi.
b) L’évasion fiscale au regard du principe de bonne foi.
147. Principe ayant un fondement constitutionnel. Le principe de bonne foi a un
ancrage constitutionnel depuis 1943 en droit interne suisse. Celui-ci découle de l’article 5
al.3 de la Const qui règle l’activité de l’état par le droit. Cette disposition constitutionnelle
oblige les organes étatiques et les administrés à un comportement loyal, et doivent agir de
« manière conforme aux règles de la bonne foi ». Il est considéré comme un principe
182
ATF 102 IB (151) 155 consid 3a 183
Ibid.
- 72 -
général de droit public, mais aussi comme un droit subjectif que le contribuable ou
l’administré peut invoquer sur le fondement de l’article 9 de la Const (184)
.
148. Principe déterminant pour caractériser l’évasion fiscale. En effet, il n’en demeure
pas moins vrai que l’évasion fiscale a été considérée comme une violation du principe de la
bonne foi et autorisera le fisc à faire abstraction de la construction juridique même en
l’absence de toute base légale. Il arrive, à maintes reprises, que le tribunal fédéral puisse
faire mention de ce principe pour justifier l’évasion fiscale, mais une partie de la doctrine
helvétique dénonce avec force qu’il ne saurait être considéré comme le fondement
convaincant de l’évasion fiscale ; car le « principe de la bonne foi s’applique dans les
relations concrètes entre administration et administré, mais ne vise pas à réglementer le
comportement de l’administré en lien avec une norme de droit public » (185)
. En sus, il
convient d’ajouter que le principe de bonne foi n’a pas vocation de s’appliquer quand la loi
est claire. Celui-ci cède ainsi sa place vis-à-vis du principe de la légalité.
c) L’évasion fiscale au regard du principe de la prohibition de
l’arbitraire.
149. Justification du principe. La prohibition de l’arbitraire a été retenue par le Tribunal
Fédéral lorsque la décision appliquée par l’autorité étatique a pour fondement une
disposition qui « est manifestement insoutenable, qu’elle se trouve en contradiction claire
avec la situation de fait, qu’elle viole gravement une norme ou un principe juridique
indiscuté, ou encore lorsqu’elle heurte de manière choquante le sentiment de la justice et
de l’équité » (186)
. Cette décision du Tribunal Fédéral ne fait que traduire sa volonté de faire
respecter le texte constitutionnel qui, prohibe l’arbitraire dans la résolution des conflits. En
effet, il s’agit de l’article 9 de la Const. qui établit ce principe ; elle prévoit que : « toute
personne a le droit d’être traité par les organes de l’état sans arbitraire et conformément
aux règles de la bonne foi ». Le principe de la prohibition de l’arbitraire a pour vocation
d’accomplir le sentiment de la justice par une interprétation allant au-delà du texte légal
par l’autorité. Cela étant, il protégerait « non seulement le particulier contre les atteintes
184
I. KOFMEL, L’évasion fiscale en droit fiscale interne suisse, p.30 ; F. PONCE, L’évasion fiscale en droit
interne : Etats des lieux de l’évasion de l’évasion fiscale en matière d’impôt directs dans la jurisprudence et
la doctrine, p.13. 185
F. PONCE, op.cit, p.14. 186
ATF 129 I 8(9) consid.2.1.
- 73 -
(…) mais préserverait encore la communauté en cas de violation grave par un particulier
du sentiment de justice » (187)
. Le principe de la prohibition de l’arbitraire aurait donc, pour
but principal de protéger l’individu contre la toute puissance de l’administration fiscale
(188). Ce qui sous-entend que les particuliers ont le droit d’être traité par l’autorité sans
arbitraire (189)
. Il est considéré comme « une institution qui permet de corriger la loi
lorsqu’elle ne repose pas sur des motifs objectifs et sérieux ou n’a ni sens ni but ou lorsque
son application stricte conduirait à un résultat choquant, allant à l’encontre de tout
sentiment d’équité » (190)
. En dernier lieu, il nous reste d’envisager le rapport de l’évasion
fiscale avec le principe de l’interdiction de l’abus de droit.
d-L’évasion fiscale au regard du principe de l’interdiction de l’abus de
droit.
150. Prohibition de l’abus et fondement textuel du principe. « Neminem laedit qui suo
jure utitur » l’exercice d’un droit ne peut, en principe nuire à autrui. Mais il s’est avéré que
l’homme puisse abuser des prérogatives que le droit lui accorde ou reconnait. Voila
pourquoi la jurisprudence a élaboré la théorie de l’abus de droit pour limiter toute forme de
déviation ou de détournement d’une institution légale. Le principe général de l’abus de
droit en suisse est prévu par l’article 2 al.2 du Cc qui dispose : « l’abus manifeste d’un
droit n’est pas protégé par la loi ». Pour le Tribunal fédéral il y a abus de droit
« lorsqu’une institution juridique est utilisée à l’encontre de son but pour réaliser des
intérêts que cette institution ne veut pas protéger » (191)
. La Haute cour suisse apprécie la
théorie de l’abus in concreto, c'est-à-dire en appliquant la casuistique. Cette appréciation
au cas par cas n’aboutit, à la rétention de l’abus de droit que lorsque les juges constatent
qu’il y a bel et bien un abus manifeste dans l’exercice d’un droit. Pour servir de
justification à l’évasion fiscale, la théorie de l’abus de droit prévu par l’article 2 al.2, deux
hypothèses sont à envisager. La première concerne l’applicabilité de la théorie de l’abus de
droit en matière fiscale, et la seconde hypothèse est de parvenir à qualifier une évasion
fiscale comme abus de droit.
187
I. KOFMEL, op.cit, p.32. 188
J.C. RICCI, Les prérogatives de l’administration fiscale, Thèse de doctorat, éd. PUAM, 189
I. KOFMEL, op.cit, p.33. 190
F. PONCE, op.cit, p.17. 191
T.F , 28 septembre 2008, consid.4.3.
- 74 -
151. Portée du principe. Le principe de l’interdiction de l’abus de droit est considéré
comme un principe général qui ne se limiterait pas uniquement au droit privé. A la vérité, il
aurait pour fondement constitutionnel le principe de la bonne foi d’après lequel « les
organes de l’état et les particuliers doivent agir de manière conforme aux règles de la
bonne foi ». La théorie de l’abus de droit à vocation de s’appliquer dans les tous les
domaines du droit, et la matière fiscale ne saurait y faire exception.
152. Problème de qualification. Pour qualifier une évasion fiscale d’abus droit, le
Tribunal Fédéral a retenu l’usage par le contribuable d’une construction de droit privé
inadapté aux données économiques (192)
. Lorsque le contribuable fait le choix d’une forme
insolite dans le but de faire une économie notable d’impôt, ce choix est considéré comme
relevant de l’abus. Dès lors, l’impôt éludé est défini comme « l’utilisation abusive par le
contribuable des possibilités qui lui sont ouvertes par la législation pour minimiser son
impôt ou d’échapper à toute charge fiscale » (193)
.
Conclusion de la première partie.
153. Le combat contre le secret bancaire en général, et celui de la Suisse en particulier se
justifie pour de nombreuses raisons. La première, et somme toute, la plus importante est la
mise en œuvre des mécanismes efficaces pour mieux réguler les flux financiers
internationaux transitant sur la place financière helvétique. Et la communauté
internationale n’a ménagé aucun effort pour atteindre ses fins. Ces pressions
grandissantes, depuis plus trois décennies, ont fini par porter leurs fruits. Elles ont entrainé
en Suisse l’amélioration de la législation en matière de blanchiment d’argent, ce qui a été
considéré comme une avancée notable en la matière par le GAFI. En effet, la LBA a
restreint l’accès des blanchisseurs aux banques suisses, qui, autrefois semblaient être « des
passoires » et n’accordaient aucune importance quant à l’origine des fonds. Ce
changement est vite intervenu sous le vocable de transparence. Cette transparence a donc
permis à la Suisse d’avoir les armes juridiques pour influer sur le comportement des
banquiers dans l’exercice de leur fonction, soumettant ainsi ces derniers à plus de
192
ATF 98 Ib 314 (323) consid. 3d. 193
J.M. RIVIER, Droit fiscal suisse : L’imposition du revenu et de la fortune, 2éme
éd., Lausanne, 1998, p.
106 et ss.
- 75 -
prudence et de vigilance à l’égard des fonds déposés au sein de leurs banques et, malgré
leur obligation professionnelle de discrétion. Mais malgré cette évolution de la législation
helvétique, celle-ci n’a pas cédé sur la distinction entre la fraude et l’évasion fiscale. C’est
pour protéger sa place économique, qu’elle a longtemps refusé d’accorder de l’aide à ses
voisins européens pour lutter contre l’évasion fiscale, afin de conserver l’attrait des
capitaux étrangers sur son territoire. Malgré sa ténacité, et pour ne pas faire l’objet de
sanction sur le plan international, elle a décidé néanmoins à faire certaines concessions,
répondant par la même aux attentes de la communauté internationale.
- 76 -
Deuxième Partie :
LES ATTENTES DE LA COMMUNAUTE INTERNATIONALE
ENVERS LE SECRET BANCAIRE SUISSE.
154. Des critiques fondées. Les critiques incessantes manifestées contre le secret bancaire
suisse, comme nous l’avions précédemment évoquées, trouvent leurs justifications dans la
lutte contre la criminalité financière et économique (blanchiment d’argent, fraude ou
évasion fiscale), mais aussi, contre le terrorisme grandissant qui menace les intérêts
particuliers des autres Etats. Le terrorisme est à l’heure actuelle un problème majeur
auxquels les grandes démocraties veulent s’attaquer, car il existe une certaine connexité
entre le secret bancaire et le terrorisme. Pour perpétrer leurs actes, les terroristes ont besoin
des fonds importants pour atteindre leur objectif et profite de l’opacité que leur offre le
secret bancaire. Compte tenu de toutes ces dénonciations (194)
il est apparu évident
qu’ « aucun gouvernement ne peut non plus demeurer de marbre lorsque les sirènes de la
concurrence fiscale poussent au magasinage et à l’évasion » (195)
car il est important que
« (…) dans une chaloupe en dérive sur une mer déchainée, il vaut mieux que tout le
monde rame dans la même direction (…) Et si le lac vient à s’agiter, inutile d’attendre les
ordres pour agir en conséquence. En fait, c’est le nœud du problème, non seulement les
gouvernements peinent à surmonter leur méfiance mutuelle et à s’engager dans l’action
collective au nom de l’intérêt commun, mais qui, plus est, à défaut de mettre le bien
commun devant la défense des intérêts particuliers, les défenseurs de la coopération
n’auront d’autre choix que d’en appeler à l’urgence d’agir » (196)
. C’est ce statu quo qui a
perduré. La Suisse est restée pendant longtemps un pays non coopératif et avait, d’ailleurs,
été placée dans la liste des paradis fiscaux en 2008 par l’OCDE.
155. Flexibilité de la position helvétique. La Suisse pour sortir de cette liste avait décidé
de modifier progressivement sa politique, dont le tournant important c’est opéré le 13 mars
2009, en retirant sa réserve qu’elle avait formulé sur l’article 26 du MC-OCDE et, avant
194
P.G. MORCOS, Le secret bancaire face à ses défis, éd. Sader & Bruylant, pp.421-446. 195
C. DEBLOCK, M.RIOUX, Le triangle impossible ou les limites de la coopération fiscale internationale,
Cahiers de recherche-CEIM, mars 2008, p.16
196
Ibid.
- 77 -
le sommet du G20 figurait dorénavant dans la liste des pays ayant adopté substantiellement
les standards de l’OCDE en matière d’échange d’informations fiscales. Cette volonté de la
Suisse de coopérer est louable car « ces crimes ne sauraient être protégés par le secret
bancaire » (197)
. En dépit, de l’actualité des critiques adressées au secret bancaire suisse, il
est important de préciser que celui-ci n’avait pas été conçu comme inviolable. Il devenait
inopposable à l’égard de l’administration fiscale en cas de commission d’une fraude
fiscale. Malgré cette limitation du secret bancaire d’un point de vue interne, la Suisse est
décidé de coopérer avec les pays de l’U.E et les U.S.A pour lutter contre la criminalité
financière (Chapitre I).
156. Un avenir incertain. Mais une question taraude notre esprit, compte tenu de
l’ampleur des pressions de la communauté internationale, l’on n’est porté à s’interroger sur
la destinée du secret bancaire suisse ; d’autant plus que ses concurrents européens à savoir,
le Luxembourg et l’Autriche ont accepté l’échange automatique d’informations en matière
de fiscalité. L’avenir du secret bancaire s’impose (Chapitre II), et se discutera donc sur un
plan essentiellement politique qu’économique.
197
- 78 -
Chapitre I :
LA NECESSITE D’UNE COOPERATION INTERNATIONALE.
157. La mondialisation, crise économique et coopération. La mondialisation des
économies, facteur de développement des Etats, a entrainé aussi des effets pervers car, les
difficultés économiques d’un espace monétaire important finissent par affecter les autres
systèmes économiques (198)
. Cette interdépendance des économies nécessite un dialogue
constructif entre les Etats. Ce dialogue doit conduire à une coopération des Etats. Cette
coopération tant souhaitée est d’une importance cardinale vu l’ampleur du marasme
économique auquel les Etats sont exposés depuis une certaine période. Elle va permettre
aux Etats d’adopter un minimum de règles communes pour faire face à la crise économique
actuelle et, pour mieux lutter contre la criminalité financière.
158. Ensemble. Il est vrai qu’ « il ne se passe pas un jour sans que les médias suisses ne
rendent compte d’un conflit fiscal entre la Suisse et un autre pays voisin. Cela n’est pas
étonnant dans la mesure où les rapports de droit fiscal se sont internationalisés avec la
mondialisation croissante de l’économie et les conditions de vie en général. Ainsi, la
coopération transfrontalière en matière fiscale est devenue de plus en plus un sujet brulant
au niveau international » (199)
. Cela a pris une tournure particulière lors du sommet du G20
en avril 2009, durant lequel on avait vivement annoncé que l’ère du secret bancaire était
révolue parce que « les capitaux et les revenus sont devenus d’autant plus mobile et leur
traçabilité d’autant plus difficile qu’il n’existe plus de contrôle à l’entrée et à la sortie, que
les technologies permettent les transferts instantanés d’un compte à l’autre, que les
paradis fiscaux se sont multipliés depuis les années 1980 et que les autres pratiques de
gestions financières se sont raffinées et sont devenues beaucoup plus opaques » (200)
.
198
C. FOUMDJEM, Blanchiment d’argent et fraude fiscale, éd. l’Harmattan, février 2011, p.54. L’auteur
affirme à juste titre que « le renforcement de l’interdépendance économique et financière internationale a
intensifié les répercussions fiscales d’un pays à l’autre » 199
AFC, Assistance administrative et entraide judiciaire en matière fiscale (Etat de la législation :1er
février
2013), Division études et supports, Berne, 2013, p.1. 200
C. DEBLOCK, M.RIOUX, op.cit, p.7.
- 79 -
L’immensité et la gravité du problème appellent donc les Etats de renoncer à leur attitude
« crusoenne », en d’autres termes « le reflexe isolationniste » (201)
est éculé, dépassé.
159. L’engagement. La Suisse ne pouvait plus rester « de marbre » et a décidé
d’améliorer le dialogue avec l’OCDE, l’U.E, et les U.S.A afin d’aboutir à une coopération
en matière de fiscalité. Elle a donc adapté sa législation et changé de ton politique envers
les autres Etats. A cet effet, la coopération que le Suisse accorde aux autres Etats se
manifeste à un double niveau. Elle accorde, en effet, une assistance administrative (Section
II), et une entraide en matière judiciaire pénale qui provoque l’érosion du secret bancaire
suisse (Section I). Ces deux notions doivent être différenciées. L’assistance administrative
concerne la collaboration entre les autorités administrative tandis que l’entraide judiciaire,
pris dans son sens le plus large, comprend toutes les mesures prises par un Etat (Etat
requis) sur demande d’un autre Etat (Etat requérant) en vue de soutenir la poursuite et la
répression d’infractions pénales dans l’état requérant. Elle est avant tout mise en œuvre
par les autorités de poursuite pénale. Malgré cette coopération que la Suisse accorde à ses
Etats partenaires, il n’en demeure pas moins vrai qu’il n’existe des difficultés en cette
matière (Section III).
Section I : L’érosion du secret bancaire en matière d’entraide pénale.
160. Les limites apportées au secret bancaire. L’article 47 de la loi fédérale de 1947
concédait déjà des exceptions au secret bancaire, pratiquées en Suisse, en cas d’ouverture
d’une procédure pénale sur un contribuable. Le secret bancaire devrait donc être
inopposable en cas de commission d’un crime dans le sens du droit pénal suisse. C’est sur
cette base que la Suisse avait signé avec de nombreux Etats des accords sur l’entraide
judiciaire, et s’est dotée par la suite d’une législation spécifique régissant cette matière. Il
s’agit, à proprement parler, de la loi sur l’entraide internationale en matière pénale (EIMP).
Cette loi, est en application depuis le 1er
janvier 1983, se divise en quatre chapitres :
l’extradition, les autres actes d’entraide, la délégation de la poursuite pénale et exécution
des décisions étrangères. Elle a connu depuis lors de nombreuses modifications dues en
partie aux pressions de la communauté internationale, mais aussi de la volonté de la Suisse
de collaborer efficacement avec les autres Etats.
201
J. OWENS, Fiscalité et mondialisation, l’Observateur de l’OCDE, n°230, janvier 2002.
- 80 -
161. Plan. Cette entraide en matière pénale que la Suisse accorde à ses partenaires, pour
s’appliquer doit remplir un certain nombre de conditions (Paragraphe I), et implique aussi
l’examen de la procédure y afférente (Paragraphe II). Mais il convient à préciser que la
Suisse accorde aussi son entraide en matière sur la base des accords bilatéraux et
multilatéraux qu’elle a eu à signé (Paragraphe III).
Paragraphe I : Le respect des conditions d’entraide en matière pénale.
162. L’encadrement de la procédure d’entraide. L’entraide internationale en matière
pénale que la Suisse peut accorder aux autres Etats est sujette à une réglementation
spécifique. En effet, c’est la loi fédérale sur l’EIMP du 1er
janvier 1983 qui encadre cette
matière. Ce texte a établi un grand nombre de principes que l’Etat requérant est tenu de
respecter pour que sa demande d’entraide puisse aboutir auprès de la Suisse. Sans pour
autant prétendre à l’exhaustivité et au risque de vampiriser cette rubrique, nous allons
traiter que d’un nombre limité de ces règles, à savoir quatre conditions, qui à notre avis
semblent être les plus importantes de toutes. Pour ce faire, nous envisagerons à analyser
successivement le principe de la double incrimination (A), la règle de la spécialité (B), les
conditions de la réciprocité et de la proportionnalité (C), enfin le principe de la réserve
fiscale (D).
A-) La condition de la double incrimination.
163. Exposé du principe. La condition de la double incrimination est appliquée en matière
d’extradition depuis fort longtemps. Et la Suisse a retenu cette condition pour pouvoir
assurer une entraide en matière pénale fiscale dans la loi sur l’EIMP aux articles 63 et 64
al.1. En effet, l’entraide judicaire doit être accordée dans la mesure du possible et, malgré
que l’acte décrit dans la demande n’est pas punissable en Suisse. Cependant, en pratique il
n’en est rien. Il est obligatoire que le fait exprimé dans la demande judiciaire doive
correspondre aux éléments objectifs d’une infraction sanctionnée par le droit pénal
helvétique. En présence d’une telle situation, « l’octroi de l’entraide judiciaire repose dès
lors sur le principe de la double incrimination, qui pose comme condition que les faits
sous-jacents à la demande étrangère soient considérées comme une infraction passible
- 81 -
d’une peine privative de liberté s’ils avaient été perpétré en Suisse » (202)
. Le respect de
cette condition de double incrimination a été même consacré par une décision du Tribunal
Fédéral qui, a statué qu’il suffisait que l’acte décrit dans la demande soit puni par les deux
Etats comme un délit qui conduit naturellement à la coopération internationale (203)
.
164. L’exclusion de l’entraide en matière d’évasion fiscale. En vérité, la Suisse
n’accorde pas toujours l’entraide judiciaire surtout lorsqu’il s’agit de l’évasion fiscale,
laquelle n’est pas traitée comme une infraction pénale, parce que l’article 3 al.3 EIMP
prévoit que « la demande est irrecevable si la procédure vise un acte qui parait tendre à
diminuer des recettes fiscales, ou contrevient à des mesures de politique monétaire,
commercial ou économique ». Dès lors, elle ne peut accorder l’entraide dans les cas de
fraude ou de l’escroquerie fiscale, de droits de douanes ou d’autres contributions
publiques, considérés comme des infractions pénales. Néanmoins, l’entraide pourra être
accordée par la Suisse à l’Etat requérant que si l’acte pour lequel la coopération est
demandée, doit être qualifié selon la législation suisse de fraude fiscale. Ce n’est que dans
le cas où ce comportement ne tombe pas sous le coup d’aucune incrimination dans l’Etat
requis qu’on pourra conclure que la condition de la double incrimination n’est pas remplie.
Cette position a été corroborée par la jurisprudence suisse qui atteste que pour le constat de
la double incrimination en matière de corruption d’un fonctionnaire est, que « les faits
reprochés à la personne poursuivie à l’étranger doivent être transposés, dans la mesure
du nécessaire et selon leur sens, pour juger de leur punissabilité selon le droit interne de
l’état requis, en se fondant sur l’hypothèse que les actes auraient été commis sur le
territoire de cet Etat ou mieux encore qu’il serait soumis à la juridiction de cet Etat (…) en
l’occurrence, le juge suisse doit donc raisonner comme si non seulement le corrupteur
présumé avait agi en Suisse, mais que le fonctionnaire corrompu appartenait à une
administration suisse » (204)
.
165. Un principe nuisible à la coopération. Cette condition posée par l’EIMP peut
s’avérer être aussi un goulot d’étranglement pour la coopération entre les Etats. Il semble
évident qu’il existe des divergences notables de législation entres deux Etats, car l’idée
202
Conseil Fédéral, Entraide judiciaire et entraide administrative en matière fiscale – Egalité de traitement,
Rapport, 18 décembre 2013, p.6.
203T. F, 3 mai 2004, 1 A.3/2004, consid.10.1.
204 M. DELMAS-MARTY, Criminalité économique et atteinte à la dignité de la personne, éd. M.S.H, 2001,
p.64.
- 82 -
d’une double incrimination signifierait, parallèlement, une incrimination identique. Ce
principe est donc dénoncé par les autres Etats, mais aussi et surtout par la doctrine (205)
. Il
est important de spécifier que la règle de double incrimination à laquelle la Suisse
s’attachait s’est érodée lors de la signature du traité sur l’entraide judiciaire en matière
pénale conclu en 1973 avec les U.S.A. Celle-ci s’est davantage s’effriter avec le scandale
de la Banque suisse UBS aux U.S.A. Elle avait facilité une fuite importante des revenus de
contribuables américains vers la Suisse tout en éludant l’impôt.
166. Quelques accords du droit communautaire portant sur la double incrimination.
Le principe de la double incrimination est posée de manière facultative dans par les textes
internationaux. L’article 51 §1 a de la convention européenne sur l’entraide judiciaire
(CEEJ) du 20 avril 1959 dispose que : « Toute partie contractante pourra se réserver la
faculté de soumettre l’exécution des commissions rogatoires aux fins de perquisitions ou
de la saisie d’objet à la condition que l’infraction motivant celles-ci soit punissables selon
le droit de la partie requise ». Au niveau de l’U.E, ce sont les articles 1§5 et 2§4 du
protocole du 16 octobre 2001 de l’Union européenne sur l’entraide judiciaire (UEEJ). Le
principe de la double incrimination n’est pas la seule règle à laquelle la Suisse se base pour
accorder une entraide. Il y aussi, pour dire vrai, le principe de spécialité.
B-) Le principe de spécialité en matière d’entraide judicaire.
167. Exposé du principe. Le principe de spécialité est consubstantiel au droit à
l’extradition, car elle avait « (…) été la forme la plus ancienne de la coopération pénale,
elle a influencé les autres formes de collaboration entre les Etats notamment par la
transposition de cette règle de la spécialité en matière judiciaire internationale » (206)
. Le
principe de spécialité est prévu par l’article 67 EIMP qui dispose que « les renseignements
et les documents obtenus ne peuvent, dans l’état requérant, ni être utilisés aux fins
d’investigations ni être produits comme moyen de preuve dans une procédure pénale
visant une infraction pour laquelle l’entraide est exclue ». Il impose donc à l’état requérant
de respecter la matière (fraude fiscale, blanchiment d’argent) pour laquelle l’échange
d’information a été accordé (207)
. Les renseignements ainsi transmis par l’Etat requis ne
205
C. FOUMDJEM, op.cit, p.392. 206
Ibid. p.399. 207
Ibid.
- 83 -
doivent pas changer d’utilisation ou de fin. « Cette règle permet en réalité à l’état requis
de veiller à ce que l’état requérant n’utilise pas les informations reçues dans le cadre de
l’entraide judiciaire pour la poursuite des infractions politiques, militaires ou fiscales. Elle
interdit aussi au juge requérant de transmettre, les informations reçues de l’étranger et
pouvant révéler des irrégularités fiscales à l’administration fiscale de l’Etat requis »
affirme Célestin FOUMDJEM dans sa thèse de doctorat (208)
. De même, « l’Etat requis
doit au moment de la transmission des éléments de preuve mentionner expressément
l’interdiction d’utiliser ces renseignements dans le cadre d’une procédure autre que celle
pour laquelle l’entraide a été fournie »209
.
168. Absence de consécration en droit communautaire européen. Une précision
néanmoins mérite d’être faite, la règle de la spécialité n’est pas prévue par la CEEJ bien
qu’elle soit de plus en plus incluse presque de manière mécanique dans les accords
d’entraide judiciaire (210)
. Elle ne garantit pas aussi une confidentialité renforcée des
informations qui sont transmises par l’Etat requis à l’Etat requérant. Reste alors à étudier
les conditions de la réciprocité et de la proportionnalité.
C-) Les principes de la réciprocité et de la proportionnalité en matière
d’entraide judiciaire pénale.
169. La portée du principe de réciprocité. Le principe de réciprocité, d’après la doctrine
ne joue qu’un rôle de moindre importance dans le cadre de l’entraide judiciaire en matière
pénale. Effectivement, elle est diluée et fait partie intégrante du principe de la
proportionnalité. Le principe de réciprocité est établi par l’article 8 EIMP qui stipule « en
règle générale, il n’est donné suite à une demande si l’Etat requérant assure la réciprocité.
L’office de la justice du Département fédéral et police (office fédéral) requiert une
garantie de réciprocité si les circonstances l’exigent ». Cette réciprocité n’est plus exigée,
en particulier, si l’exécution de la demande parait s’imposer en raison de la nature de l’acte
commis ou de la nécessité de lutter contre certaines formes d’infractions (art.8 al.2 let. a
EIMP).
208
C. FOUMDJEM, Blanchiment d’argent et fraude fiscale, éd. l’Harmattan, 2011, p.399. 209
Ibid, pp.404-405. 210
AFC, Assistance administrative et entraide judiciaire (Etat de la législation), op.cit, pp.19-20.
- 84 -
170. Exposé du principe de réciprocité en matière pénale. En matière d’échange de
renseignements, le concept de réciprocité voudrait qu’une partie contractante, lorsqu’elle
collecte des renseignements pour le compte de l’autre partie contractante, soit uniquement
tenue d’obtenir ces informations en vertu de ses propres lois dans les circonstances
analogues. « L’idée qui sous-tend le concept de réciprocité consiste à dire qu’une partie
ne doit pas pouvoir se prévaloir du système de renseignements de l’autre partie
contractante si ce système est plus étendu que le sien. La partie requise peut refuser de
fournir les renseignements lorsque la partie requérante ne peut obtenir ou fournir de telles
informations sur la base de législation ou lorsque ses pratiques (…) aboutissent à un
manque de réciprocité » (211)
. Une application trop stricte de ce principe empêcherait
inexorablement à l’échange des renseignements. C’est ainsi, que la jurisprudence ne lui
accorde qu’une place résiduelle.
171. Fondement constitutionnel du principe de proportionnalité. S’agissant du principe
de proportionnalité, il convient de notifier qu’elle a une assise constitutionnelle. En effet,
c’est l’article 5 al.2 de la constitution fédérale qui pose ce principe. Cet article dispose que
« l’activité de l’Etat doit répondre à un intérêt public et proportionné au but visé ». Ce
principe a donc pour vocation de s’appliquer à toutes les activités de l’Etat, et l’entraide
judicaire ne fait pas exception à cette règle. In concreto, il présente des similitudes avec le
principe de réciprocité. Cela signifie que l’Etat requérant ne peut, en principe, exiger une
entraide qu’après qu’il ait épuisé ses moyens d’investigations internes. De même, l’autorité
d’exécution dans l’Etat ne doit pas non plus dépasser son mandat. L’on ne saurait s’arrêter
par là, car il nous est important d’étudier aussi la procédure qui encadre l’assistance en
matière pénale.
Paragraphe II : La procédure en matière d’entraide judiciaire.
172. Déroulement de la procédure. D’après l’article 78 al. 1 & 2 EIMP, les demandes
d’entraide judiciaire étrangères doivent être transmises à l’Office Fédéral de la Justice
(OFJ) qui en examine la recevabilité. Quand la demande a été acceptée, elle est ensuite
transmise par l’OFJ à l’autorité fédérale ou cantonale compétente en vertu du droit interne
211
OCDE, Manuel de mise en œuvre des dispositions concernant l’échange de renseignements à des fins
fiscales, OCDE, 23 janvier 2006, p.14.
- 85 -
suisse, par exemple, à l’administration fédérale des contributions (AFC). L’autorité
fédérale ou cantonale procède à un examen préliminaire de la demande, en cas
d’irrecevabilité de la demande, l’autorité d’exécution la renvoie à l’autorité requérante par
la même voie que celle suivie lors de son acheminement conformément à l’article 80
EIMP. Lorsque la demande d’entraide judiciaire a été déclarée recevable, l’autorité
compétente rend une décision d’entrée en la matière sommairement motivée et exécute les
actes d’entraide conformément à son propre droit de procédure (art.80a al.1 EIMP).
173. S’agissant des autorités administratives de la confédération, c’est la loi fédérale
portant sur le droit pénal administratif qui s’applique. Il sied de dire qu’à partir du moment
où l’entraide a été exécutée, l’autorité d’exécution rend une décision finale motivée
(art.80d EIMP). Si tous las ayants droits ont donné leur consentement à la remise de
renseignements, la procédure simplifiée (art 80 EIMP) peut s’appliquer de manière
analogue à la procédure administrative.
174. Possibilité de recours prévue par la loi sur l’entraide internationale en matière
pénale. L’EIMP a mis en place une procédure de recours. En effet, la décision finale ainsi
que les décisions incidentes précédentes peuvent faire l’objet d’un recours auprès du
tribunal fédéral pénal. Un recours en matière de droit public peut, dans des cas
particulièrement importants, être déposé contre la une décision du tribunal fédéral auprès
fédéral auprès du Tribunal Fédéral (art.84 LTF). En dehors de la loi EIMP, la Suisse peut
accorder l’entraide à un autre Etats s’ils ont signés des conventions régissant les matières.
Paragraphe III : L’octroi de l’entraide judiciaire pénale sur la base des
traités internationaux.
175. L’entraide basée sur les conventions internationales. Présentation. Outre la loi
suisse sur l’entraide en matière pénale qui encadre ce domaine, celle-ci peut accorder son
accord à un autre Etat sur la base d’une convention bilatérale. En effet, il sied de dire que
la Suisse a signé de nombreux traités bilatéraux en matière d’entraide pénale avec
plusieurs Etats. Mais très peu, à dire vrai, porte sur les délits fiscaux, hormis quelques cas
exceptionnels qu’il conviendrait de présenter :
- 86 -
- le traité du 25 mai 1973 qui avait été signé entre la Suisse et les U.S.A en matière pénale.
En principe ce traité exclut l’entraide lorsqu’il est question de procédure portant sur une
violation des prescriptions concernant certains impôts, les droits de douane (art 2 du traité).
Cela étant, il prévoit entres autres, une entraide judiciaire renforcée pour la lutte contre le
crime organisé. Dans son article 7, l’entraide judiciaire est accordée, également, en cas de
soustraction d’impôt. Cette entraide avait été perçue comme un abandon par la Suisse de
la règle de la double incrimination, dans la mesure où la personne physique impliquée
dans une procédure américaine concernant la violation des prescriptions relatives à l’impôt
fédéral américain sur le revenu est soupçonnée vraisemblablement d’appartenir à
l’échelon supérieur d’un groupe de criminels organisés ;
- il y aussi l’accord Suisse et l’Italie en vue de compléter la convention européenne
d’entraide judiciaire en matière pénale du 20 Avril 1959 et d’en féliciter l’application. Son
art. II al.3 énonce que l’entraide est également accordée si la procédure vise des faits qui
constituent une escroquerie en matière fiscale telle que définie par le droit de l’état requis ;
- dans les accords récents des Suisses avec les autres Etats partenaires, les clauses selon
lesquelles en cas d’escroquerie fiscale sont devenues habituelles (Argentine art.3 chap. I,
let.C ; Canada art.3 chap.1, let. a). Outre l’entraide en matière pénale, la Suisse assure aussi
une coopération administrative.
Section II : L’assistance administrative en matière fiscale.
176. La notion d’assistance administrative et le changement du droit interne
helvétique. L’assistance administrative est définie par la coopération dans les procédures
administratives, particulièrement en matières fiscales, entre les autorités fiscales des
différents Etats. Le Forum Mondial sur la Transparence et l’échange de renseignements
pour des fins fiscales, avait été constitué par l’OCDE dans le cadre de la lutte contre les
paradis fiscaux. Il est devenu l’organe de prédilection dans la mise en œuvre en niveau
international, des normes établissant la transparence fiscale. La Suisse est membre de cet
organe. Le travail accompli par cet organe, conjugué avec la pression des autres Etats, ont
finalement poussé la Suisse à retirer sa réserve sur l’article 26 du modèle de la convention
de l’OCDE (MC-OCDE). La Suisse devrait dès lors « (…) se soumettre aux exigences de
la communauté internationale et de réduire la portée du secret bancaire de manière
- 87 -
significative » (212)
. Ce changement important s’était produit en mars 2009 lors de la
déclaration du Conseil Fédéral. La Suisse jusqu’à cette date se refusait toujours d’échanger
des informations fiscales, a du se plier. Cette attitude de la Suisse est très exceptionnelle ;
elle a permis de réduire significativement la portée de son secret bancaire, en modifiant, sa
législation et d’adopter les standards internationaux d’échange d’informations.
177. Plan. Cela étant, nous envisagerons successivement les fondements (Paragraphe I),
les modalités d’application (Paragraphe II), le déroulement (Paragraphe III) de
l’assistance administrative et enfin la possibilité pour la Suisse d’accepter une coopération
en matière de recouvrement de l’impôt (Paragraphe IV).
Paragraphe I : Les fondements de l’octroi de l’assistance administrative.
178. L’octroi de l’assistance administrative à l’égard des autorités fiscales étrangères se
base essentiellement, sur les standards élaborés par l’OCDE (A) sur lesquels le droit
matériel helvétique se fonde (B).
A-) Les standards internationaux de l’OCDE en matière d’échange de
renseignements.
179. Le respect des standards internationaux. L’OCDE avait publié pour la première
fois 1963 un modèle de convention dans l’optique d’éviter les doubles impositions
internationales sur les revenus et la fortune. Ce modèle comprenait un article important
(art.26 MC-OCDE) traitant de l’échange de l’information lequel, a été modifié à plusieurs
reprises (213)
dont la version actuelle en vigueur est celle de 2012. La seule modification
notable porte sur l’alinéa 2 qui, précise désormais que les renseignements obtenus par voie
d’entraide par l’Etat requérant peuvent être utilisés à d’autres fins lorsque cette possibilité
212
R.H. WEBER, Le secret bancaire face à l’administration fiscale en droit suisse, R.D.L.A, n°49, mai
2010, p.76. V. aussi X. OBERSON, L’évolution en Suisse de l’échange international de renseignements
fiscaux : de l’arbalète
au « big bang », R.D.F n°24, 13 juin 2013, p.110.
213
L’article 26 MC-OCDE a été révisé en 1977, 2000, 2005, enfin en 2012.
- 88 -
est admise par les législations des deux Etats, mais aussi lorsque l’autorité de l’Etat requis
autorise cette utilisation. Les modifications de cette disposition ont été adoptées le 17 juin
2012 par le Conseil de l’OCDE, et les pays membres de l’organisation sont tenus de les
respecter. Il convient à préciser que le MC-OCDE et son commentaire ne sont pas
juridiquement contraignant pour les tribunaux, ni pour les contribuables des Etats
membres. Nonobstant ce statu quo, il ne sera pas possible pour la Suisse de conclure des
clauses d’assistance administrative qui ne sont pas conformes aux standards internationaux
sans que les autres Etats ne prennent à moyen terme des mesures de rétorsion.
180. C’est sur la base de cet article que l’OCDE définit le standard international en matière
d’échange de renseignements, particulièrement les demandes concernant non pas des
individus désignés nommément avec leur adresse, mais de groupes de contribuables définis
selon un modèle de comportement particulier, à condition que la demande ne soit pas une
simple recherche de preuves (pêches aux renseignements). Cela a considérablement influé
sur la législation suisse sur l’assistance administrative internationale en matière fiscale
aboutissant à l’abrogation de l’article 4 al.1 qui visait à restreindre l’assistance
administrative aux demandes portant sur des cas particuliers car, « l’échange de
renseignements ne doit pas être limité. Le but est plutôt de permettre l’échange de
renseignement le plus large possible ». Concrètement, cela signifie que les exigences
posées par le droit interne suisse concernant une demande d’assistance administrative ne
doivent plus empêcher l’entraide pour des besoins d’efficacité (214)
.
181. Hypothèse de recouvrement de l’impôt. Une assistance administrative sans
mécanisme de recouvrement de l’impôt par l’état requis pour le compte de l’Etat requérant
ne présenterait guère d’intérêt pratique. C’est donc dans ce contexte que l’OCDE a ajouté
une disposition relative à l’assistance pour le recouvrement de l’impôt lorsque la fraude à
l’impôt s’est avérée (art.27 MC-OCDE). Nous allons développer cette idée plus tard dans
notre travail. Le caractère obligatoire de certaines dispositions du MC-OCDE a entrainé un
changement considérable dans le droit interne helvétique.
214
AFC, op.cit, p.4.
- 89 -
B-) L’aménagement nécessaire du droit interne suisse.
182. Une question de hiérarchie. Point n’est besoin ici, de rappeler la primauté du droit
international sur le droit interne, oblige la Suisse d’aménager son droit interne afin qu’il
puisse être conformes aux standards internationaux sur l’échange de renseignements,
notamment à la suite de la rétractation de la réserve qu’elle avait longtemps maintenu sur
l’article 26 MC-OCDE. Cette adaptation la législation suisse est devenue effective par la
l’entrée en vigueur le 1er
février 2013 de la loi fédérale sur l’assistance administrative
internationale en matière fiscale. Elle régit, en effet, les aspects procéduraux de l’exécution
de l’assistance administrative, et se limite donc au plan interne à régler les compétences, la
procédure et les voies de droit. Cette loi a été complétée par une ordonnance d’application
en cas de demandes groupées d’après les conventions fiscales internationales du 16 janvier
2013.
Paragraphe II : Les modalités d’application de l’assistance
administrative en matière fiscale.
183. Une assistance restrictive. La Suisse accordait depuis longtemps son assistance
administrative envers les autres Etats sur la base des CDI (Conventions de doubles
impositions ou contre les doubles impositions). Mais cette assistance était très restrictive,
mais depuis 2009 l’on assiste à un changement de la position traditionnelle, maintenue
pendant longtemps par la Suisse. Aussi, il convient de mentionner que depuis 2002
l’OCDE avait mis en place un système alternatif pour les Etats qui ne voulaient pas
observer l’article 26 MC-OCDE. Ce modèle alternatif était la signature par les Etats d’un
accord limité à l’échange de renseignements en matière fiscale (AERF) que nous allons
présenter ensemble avec les CDI (A), puis par la suite étudier sommairement la LAAF
pouvant s’appliquer sur une simple demande de la part de l’Etat requérant (B) adressée à la
Suisse.
- 90 -
A-) Les CDI et l’AERF.
184. Le but des conventions de doubles impositions. Les conventions de doubles
impositions avaient toujours été considérées par la Suisse comme des accords destinés à
éviter les doubles impositions internationales. En effet, quand la Suisse signait une CDI,
elle s’engageait à assister le cocontractant dans l’application des dispositions de la
convention selon le droit international, il s’agissait pour la Suisse de respecter la fameuse
règle de « Pacta sunt servanda ». La Suisse était dès lors tenue, sur la base de ce principe,
d’échanger des informations pour une application effective de l’accord. C’est sans doute la
raison pour laquelle elle a longtemps refusé d’intégrer des clauses d’assistance
administrative dans les CDI. Elle refusait d’introduire des clauses d’assistance
administrative à cause de la réserve qu’elle avait formulé sur l’article 26 MC-OCDE. La
teneur de sa réserve est la suivante : « Pour la Suisse, le but d’une convention de double
imposition consiste à éviter les doubles impositions internationales ; les renseignements
nécessaires à une application régulière et propre à empêcher l’utilisation abusive d’une
convention peuvent déjà être échangés dans le cadre des dispositions existantes
concernant la procédure amiable, la réduction des impôts perçus à la source, etc. Pour la
Suisse, une disposition particulière sur l’échange de renseignements est superflue, puisque
même une formule expresse ne pourrait prévoir, conformément au but de la Convention,
que l’échange de renseignements qui sont nécessaires à une application régulière et
propre à empêcher une utilisation abusive de la convention. En conséquence, la Suisse
oppose une réserve expresse à l’article concernant l’échange d’information ». Elle n’était
disposée à déroger à ce principe que dans ses accords avec les pays membres de l’OCDE,
pour autant que l’autre Etat contractant l’évoque expressément. Sur le plan matériel cela
n’avait rien changé, car cette petite clause d’assistance administrative oblige les
cocontractants à échanger des renseignements qu’ils sont de toute façon contraints de
fournir dans le cadre de l’application de la convention. Seule la convention de 1951 avec
les U.S.A contenait une clause d’assistance élargie prévoyant que les Etats parties
échangeaient les renseignements qui sont utiles à la prévention de la fraude fiscale et des
délits semblables.
185. Acceptation du standard international en matière d’échange d’informations. Un
changement radical s’est produit en 2009 comme nous l’avions susmentionné. En effet,
pour sortir de la liste des pays non coopératifs, la Suisse devrait signer ou modifier plus de
- 91 -
12 CDI en incorporant l’article 26 MC-OCDE. Ce qui d’ailleurs a été fait par la Suisse, en
signant plus d’une trentaine de CDI adoptant le standard international en la matière. A la
vérité, la clause d’assistance administrative dorénavant s’insère dans les CDI conclues par
la Suisse avec les autres Etats presque de manière automatique.
186. AERF, une autre solution. Outre les CDI, l’assistance administrative peut être
accordée sur la base d’un accord sur l’échange de renseignements en matière fiscale
(AERF) mis en place par le Forum Mondial sur la transparence en 2002 comme, une
alternative à la disposition de l’article 26 MC-OCDE. En effet, un AERF permet aux Etats
et aux juridictions ne souhaitant conclure entre eux de CDI, par exemple si en l’absence
d’un système fiscal dans l’un des deux Etats contractants ne risque pas d’aboutir dans les
relations bilatérales à une double imposition, de s’entendre sur une procédure d’assistance
administrative en matière fiscale conforme sur le plan à l’article 26 du MC-OCDE. Les
Etats qui désirent souvent signé des AERF peuvent être classés en deux groupes.
187. Les Etats concernés par les AERF. La première catégorie est constituée des Etats
cherchant à conclure activement des AERF avec des places financières et des paradis
fiscaux avec lesquels ils ne souhaitent pas conclure de CDI. Il s’agit principalement
d’Etats membres de l’OCDE, à commencer par les pays scandinaves qui ont conclu plus de
35 AERF, de la France (29 AERF), et des Pays-Bas (28AERF). Parmi les pays en
développement l’Argentine est la plus active avec 11 AERF.
187-1. La deuxième catégorie est composée des Etats ou juridictions assimilées à des
places financières ou à des paradis fiscaux et donc des Etats sommés par l’OCDE et le G20
de conclure des AERF. Parmi, ces Etats passifs ou non coopératifs nous avons les
Bermudes (31 AERF), Jersey (27 AERF) et les Îles Caïman (26 AERF). Mis sous
pressions par le Forum Mondial sur la transparence et l’échange de renseignements pour
des fins fiscales, ces juridictions sont devenues flexibles pour échanger des informations
selon le standard international. A cet effet, les Etats non coopératifs ont signé entre eux des
AERF sans grande portée pratique.
- 92 -
B-) L’assistance administrative accordée sur demande.
188. Conditions d’assistance sur demande. Lorsque l’Etat requérant adresse une
demande d’assistance administrative à la Suisse, sa demande doit contenir les indications
prévues par la convention signée entre les parties d’après l’article 6 al.1 LAAF. Il convient
à préciser que l’article 26 du MC-OCDE ne spécifie aucunement les indications devront
figurer porter sur la demande, dans ce cas c’est l’article 6 al.2 LAAF qui doit s’appliquer.
D’après cette disposition, la demande doit porter les indications suivantes :
- l’identité de la personne concernée, l’indication des renseignements recherchés, le but
fiscal dan lequel les renseignements sont demandés, les raisons qui donnent à penser que
les renseignements demandés se trouvent dans l’Etat requis, le nom et l’adresse du
détenteur supposé des renseignements, une déclaration confirmant que l’autorité requérante
pourrait obtenir les renseignements en vertu de son doit interne et précisant qu’elle a
utilisé tous les moyens disponibles en vertu de sa procédure fiscale interne. L’identification
du contribuable peut se faire d’une autre manière en dehors de son nom et de son adresse.
Quand certaines indications manquent à la demande l’AFC, d’après l’article 6 al.3 LAAF,
peut demander à l’autorité requérante de compléter sa demande.
- les renseignements susceptibles d’être échangé-. L’assistance administrative en matière
fiscale peut être accordée même en l’absence de soupçons de la commission du délit.
Néanmoins, force est de dire que l’article 26 du MC-OCDE exige que les renseignements
requis doivent être vraisemblablement pertinents («foreseeable relevant »). Pour admettre
la pertinence des informations demandées, il est important de se placer du coté de l’Etat
requis. Il ressort du commentaire de l’article 26 du MC-OCDE, que le standard des
renseignements vraisemblable pertinents à pout but d’assurer un échange de renseignement
qui soit le plus large possible (« to the widest pomble extents ») tout en excluant la pêche
aux renseignements (« fishing expéditions »), en d’autres termes, on vise à échanger des
renseignements les plus larges possibles sans qu’il se traite d’une pêche aux
renseignements. Les pêches aux renseignements, d’après le commentaire de l’article 26 du
MC-OCDE, portent sur des demandes spéculatives sans rapports évidents avec une
recherche ou une enquête en cours. Aussi, il résulte des commentaires de l’article 26 al.3
du MC-OCDE, que l’échange d’information ne doit pas être refusé sur la base du secret
bancaire fiscal. Cependant, en droit interne suisse, l’article 8 al.1 LAAF dispose que pour
obtenir des renseignements, seules sont autorisées les mesures prévues par le droit interne
- 93 -
suisse qui pourraient être prise, en vue de la taxation (sur le revenu et la fortune, entrent
surtout en ligne de compte des mesures) et de la perception des impôts visés par la
demande ; puisque la majorité des CDI s’applique aux impôts sur les revenus et la fortune,
entrent surtout en ligne de compte des mesures qui sont possibles dans le cadre de la
taxation et de la perception de ces impôts (cf. art.117 à 129 LIFD et art.43 à 45 LHID)
188-1. De même, l’échange d’information ne doit pas être refusé uniquement parce que
ceux-ci sont détenus par une banque, un autre établissement financier, un mandataire ou
une personne agissant en tant qu’agent ou fiduciaire ou parce que ces renseignements se
rattachent aux droits de propriété d’une personne (art.26 al.5 MC-OCDE ajouté en 2005
dans la convention).
189. Admission générale des demandes groupées-. En droit interne suisse, l’assistance
administrative n’était accordée que pour un cas particulier ce qui excluait par hypothèse
des demandes groupées. En juillet 2012, le Département Fédéral des Finances a accepté le
principe des demandes dites groupées dans le cadre des CDI révisées selon le modèle de
l’article 26 du MC-OCDE. Cette situation a incité la Suisse d’intégrer le standard
international par l’OCDE. L’article 4 al.1 LAAF a dû donc être révisé et sa version
actuelle se contente de disposer que l’assistance administrative est accordée exclusivement
sur demande, cela signifie que les demandes groupées sont désormais acceptées par la
Suisse. Néanmoins, il est important de distinguer les demandes groupées de la pêche aux
renseignements interdite. L’Etat requérant devra fournir une description détaillée du
groupe ainsi que les faits et les circonstances ayant conduit à la demande, une explication
de la loi applicable et pourquoi il y a des raisons de penser que les contribuables du groupe
faisant l’objet de la demande n’ont pas respecté cette loi, le tout étayé sur une base
factuelle claire. En sus, il est exigé que les renseignements demandés aident à déterminer la
discipline fiscale des contribuables du groupe.
190. En cas de violation de l’obligation de confidentialité. Les informations échangées
doivent être secrète (art 26 al.2 du MC-OCDE), seules les autorités concernées auront
accès à ces renseignements. Si l’obligation de confidentialité n’est pas satisfaite par l’Etat
requérant, la Suisse peut décider de suspendre la transmission des renseignements, jusqu’à
ce que ce dernier puisse être capable de remplir cette condition. A la vérité, les
renseignements reçus par l’Etat requérant ne doivent pas être divulgué à des Etats tiers de
- 94 -
la procédure d’assistance administrative, exception faite s’il existe une disposition dans la
CDI qui le prévoit.
Paragraphe III : Le déroulement de la procédure d’assistance
administrative.
191. Lorsqu’une demande d’assistance administrative est adressée à la Suisse, ou celle
émanant de la Suisse adressée à l’Etat requérant, sont toutes traitée par l’AFC. Le
déroulement de la procédure s’effectue en trois phases : l’AFC doit premièrement
examiner la recevabilité de la demande formulée par l’Etat requérant (A), puis, par la suite
décide que l’assistance administrative puisse être accordée (B) et en dernier procède à la
transmission des renseignements vers l’Etat (C) et ce, dans le cadre du strict respect des
procédures de recours (D).
A-) L’examen préalable de la recevabilité de la demande.
192. L’AFC, après réception de la demande de l’autorité étrangère pour une assistance
administrative, procède en premier lieu à un examen préliminaire. Cet examen n’a pas pour
but principal de vérifier si les conditions pour un échange de renseignement sont remplies.
Mais plutôt de voir si les conditions pour un éventuel échange de renseignements ont été
rendus vraisemblables.
193. Contenu de la demande. Il ressort de l’article 6 al.1 LAAF que, la demande doit être
adressée par écrit et dans l’une des langues officielles suisses ou en anglais. En ce qui
concerne, le contenu de la demande, celui-ci doit comprendre les informations prévues par
la CDI applicable ou par l’article 6 al. 2 LAAF. La demande ne doit pas être une pêche aux
renseignements et doit respecter le principe de bonne foi, au cas contraire l’AFC ne
donnera pas suite à la demande. Lorsque les éléments de la demande sont incomplets,
l’AFC accorde la possibilité à l’autorité requérante de compléter sa demande si l’une des
conditions de l’article 6 al.2 LAAF n’est pas remplie. Quand les conditions de la
recevabilité sont réunies, l’AFC prend une ordonnance de production. Ladite ordonnance
s’adresse à la personne concernée (art.9 LAAF), au détenteur des renseignements (art.10
LAAF) à une administration fiscale cantonale (art.11 LAAF). A cet effet, la personne
- 95 -
concernée et le détenteur de renseignements pertinents en leur possession ou sous leur
contrôle (art.9 al.3 et art.10 al.3 LAAF).
B-) L’acceptation possible de l’assistance administrative et la
transmission des renseignements.
194. Les critères pour l’échange d’information. Les renseignements vraisemblablement
pertinents pour appliquer soit, les dispositions de la convention, soit les la législation
fiscale interne suisse devraient être échangés (art.26 al.1 du MC-OCDE). Selon un arrêt du
tribunal administratif fédéral (215)
, les faits décrits dans la demande d’assistance
administrative doivent provoquer un soupçon motivé que des infractions ont été commises,
justifiant ainsi l’assistance administrative.
194-1. Il revient donc à l’AFC de vérifier si les conditions d’assistance administrative sont
remplies. Quand elle parvient à la conclusion que les renseignements demandés sont
pertinents, elle peut accepter que l’assistance administrative puisse être accordée. Dans ce
cas elle notifie à chaque personne habilitée à recourir de prendre la décision finale dans
laquelle elle justifie l’octroi des l’assistance administrative et précise que l’étendue des
renseignements à transmettre (art.17 al.1 LAAF) tout en garantissant la confidentialité
desdits renseignements.
195. La fin de l’assistance administrative. En cas de rejet de la demande d’assistance
administrative de l’Etat, aucune transmission de renseignements à l’Etat partenaire ne peut
avoir lieu. Dans une telle hypothèse, la procédure administrative est close et la nouvelle est
communiquée par la Suisse à l’Etat requérant. La Suisse a aussi prévu une possibilité de
recours de la décision prise par l’AFC.
C-) Le respect des procédures de recours.
196. Un recours extrêmement limité. Il n’existe qu’une seule disposition encadrant la
procédure de recours, il s’agit de l’article 19 LAAF. Le recours ne peut intervenir qu’à la
suite de la décision fiscale rendue par l’AFC, en d’autres termes, l’ordonnance de
215
TAF, 29 mars 2013, consid.6.
- 96 -
production et les éventuelles décisions incidentes ne sont susceptibles de recours qu’à la
fin de la procédure. L’article 19 al.2 traite de la qualité pour recourir. En effet, ont la
qualité pour recourir de la décision du rejet de l’assistance administrative, la personne
concernée ainsi que les autres personnes qui remplissent les conditions prévues par l’article
48 PA, ainsi que toute personne ayant pris part à toute la procédure devant l’autorité
inferieure ou a été privé de le faire , est spécialement atteint par la décision attaquée et, a
un intérêt digne de protection à son annulation ou à sa modification. Le détenteur de
renseignement a aussi la possibilité de recourir pour autant qu’ils puissent les remplir les
conditions prévues a cet effet.
197. La durée de contestation. Le délai de recours est de 30 jours (article 37 LTAF). Des
lors qu’il est introduit, il produit un effet suspensif (art.19 al.3). De même un recours en
matière de droit public contre une décision du TAF rendue dans le domaine de l’assistance
administrative internationale en matière fiscale peut être déposée dans un délai de 10 jours
après notification auprès du TF (art. 84 LTF).
Paragraphe IV : Une possibilité envisageable pour la Suisse d’accorder
une assistance pour le recouvrement de l’impôt.
198. Intérêt de l’assistance pour le recouvrement de l’impôt. Quand la Suisse s’était
engagée d’établir une retenue à la source pour récolter l’impôt des contribuables étrangers
sur sa place financière, l’objectif était de réduire l’évasion fiscale. Cette action de la Suisse
était perçue par les autres Etats comme une assistance pour le recouvrement de l’impôt
dans l’intérêt de l’Etat requérant. L’assistance administrative étant le moyen pour assurer
la justice fiscale (216)
, il n’en demeure pas moins vrai qu’elle est limitée. « Il faut
également que l’impôt correspondant soit effectivement recouvré. Autrement dit, les
clauses d’échange d’informations ont une portée pratique limitée lorsque les
administrations ne disposent pas du pouvoir de recouvrir l’impôt dans un autre Etat
contractant » (217)
. Cette coopération pour le recouvrement de l’impôt est d’une importance
capitale car, il va permettre à l’Etat requérant de pouvoir bénéficier de l’aide de l’Etat
requis pour le prélèvement de l’impôt dû pour l’un de ses contribuables dont les fonds sont
216
A. PIATIER, L’évasion fiscale et l’assistance administrative entre Etats, Librairie Recueil Sirey, Paris,
1938, p.301. 217
R. KILIC, L’instrument privilégié de la lutte contre l’évasion et la fraude : la coopération administrative
en matière fiscale, Gestions & Finance publiques, n° 12, décembre 2011, p.932.
- 97 -
déposés à l’étranger. Elle est donc la suite souhaitée, indispensable, à l’échange
d’information en matière fiscale quand, la base d’impôt éludé a été établi avec certitude par
l’Etat requis pour le compte de l’Etat requérant qui entend rattraper la fuite de cet impôt.
Dès lors, il n’en demeure pas moins vrai qu’ « elle représente tout aussi bien un moyen
efficace de lutte contre la fraude, l’évasion fiscale internationale qui, indépendamment de
la dissimulation des revenus imposables, consistent pour un contribuable à organiser son
insolvabilité dans le pays qui a établi les impositions » (218)
199. Origine. Historiquement, la coopération pour le recouvrement de l’impôt a pour
pierre angulaire de la convention franco-belge du 16 Mai 1931, qui a grandement changé le
sillage du droit international fiscal. Il est sans contredit, qu’elle prévoyait la possibilité du
recouvrement forcé d’impôts d’un Etat (219)
. Mais depuis janvier 2013 l’OCDE a introduit
dans son modèle de convention une disposition spécifique régissant cette coopération en
matière de recouvrement de l’impôt (art.27 du MC-OCDE).
Il importera donc d’analyser la coopération en matière de recouvrement d’impôt (A) et la
position helvétique en la matière (B).
A-) L’analyse de la coopération en matière de recouvrement d’impôt.
200. Spécificité. La coopération internationale pour le recouvrement de l’impôt ne peut
intervenir entre les Etats partenaires que dans le cadre d’une convention spéciale en
matière fiscale ayant pour but une assistance pour but une assistance administrative
internationale, mais aussi dans le cadre d’une CDI. L’objectif de ces conventions est de
permettre aux autorités de l’Etat requérant de recourir à des mesures exécutoires
applicable et disponibles dans l’Etat requis (La Suisse). Il s’agit, en effet, de profiter des
pouvoirs contraignant des administrations de l’Etat partenaire qui ferait le nécessaire,
comme s’il s’agissait de l’une de ses propres créances fiscales. La coopération fiscale en
matière de recouvrement établit des mécanismes de collaboration a posteriori intervenant
après que la créance est déterminée, alors que l’échange de renseignements exige
préalablement de vérifier la justesse du calcul du montant de la créance fiscale. A la vérité,
l’entraide eu recouvrement de l’impôt ne peut être sollicité que lorsque la base
d’imposition a pu être établie d’une manière incontestable (art.27§ 3 du MC-OCDE).
218
Ibid. 219
Ibid.
- 98 -
201. Les garanties. Pour garantir le recouvrement de cet impôt, l’Etat requis peut prendre
des mesures conservatoires. « Si l’on attend que la créance fiscale soit définitive en ce
sens qu’il reste plus que les voies judiciaires, on ne pourra pas employer efficacement la
procédure d’assistance administrative au recouvrement » (220)
.
202. Contenu de la demande pour le recouvrement de l’impôt : respect des conditions
prévues dans la convention. La demande de recouvrement doit contenir un certain
nombre d’éléments pour être recevable par l’état requérant. Ainsi, elle doit faire mention
du nom du contribuable concernée, son adresse, et la date au titre de laquelle cette
imposition est établie. Cette obligation (221)
provient du modèle de convention de 1981 de
l’OCDE (art.13) et de la convention multilatérale (art.18). Quand la demande d’assistance
remplit et respecte les dispositions de la convention, l’Etat requis doit valider le titre
exécutoire administratif qui va permettre à l’administration fiscale de prendre les mesures
exécutoire. Force est cependant de préciser, que le contenu de l’assistance administrative
en matière de recouvrement dépend des règles fiscales internes de cet Etat de même que les
mécanismes prévus pour l’exécution des créances fiscales. « Les créances fiscales l’Etat
requérant sont ainsi assimilé aux créances fiscales de l’Etat requis. Etant donné que l’Etat
recouvre cette créance de l’Etat étranger comme s’il s’agissait de sa propre créance il
peut consentir un délai de paiement ou un paiement échelonné si sa législation ou sa
pratique administrative le permet dans les circonstances analogues » (222)
. Cette assistance
en matière de recouvrement connait cependant un obstacle, en effet, l’état requérant doit
d’abord épuiser les voies internes de sa législation pour essayer de recouvrer l’impôt
faisant l’objet de l’entraide. Le refus de l’assisté a été prévu par l’article 27 du MC-OCDE.
« On constate cependant que la voie de l’épuisement des voies de droit interne n’est pas
une condition préalable de l’assistance au recouvrement. Autrement dit, l’Etat requérant
peut demander à son partenaire son assistance même si lui-même ne dispose pas de
moyens pour recouvrer l’impôt » (223)
.
203. Rejet d’assistance pour le recouvrement d’impôt. Les modèles de convention de
l’OCDE (art.6§4 al.b du modèle de 1981, art.27§2 du MC-OCDE), rappellent
expressément que si l’Etat requis estime que la créance fiscale de l’Etat requérant est
220
R. KILIC, op.cit, p.932. 221
Ibid. 222
Ibid. 223
Ibid., p.933.
- 99 -
incompatible avec les dispositions de la convention fiscale signée entre les deux Etats, il
peut encore rejeter la demande d’assistance au recouvrement. La convention multilatérale
ajoute à cela que, l’imposition de l’Etat requérant doit être compatible, également avec les
principes d’imposition généralement admis pour que l’Etat requis accorde son assistance. Il
peut en être ainsi, par exemple, lorsque l’Etat requis juge que l’imposition de l’Etat
demandeur à un caractère confiscatoire, ou encore que la sanction du délit fiscal soit
excessive.
B-) La position de la Suisse en matière de coopération pour le
recouvrement de l’impôt.
204. Caractère facultatif de l’assistance pour le recouvrement d’impôt. L’assistance en
matière de recouvrement de l’impôt est d’apparition récente. Et sa mise œuvre n’est pas
vraiment effectif dans les accords signés par les Etats dans leurs CDI. En effet, il est
topique de constater que la faiblesse de cette pratique se justifie par le fait que l’OCDE
avait reconnu dès l’introduction de cet article dans son modèle de convention, qu’il n’était
pas obligatoire et contraignant envers les Etats cocontractants en tenant compte de leur
législation nationale ou des considérations d’ordre politique. Ainsi, il est très facile pour un
Etat de formuler une réserve sur cette disposition.
205. Utilisation encore restrictive. Il est évident que, la Suisse n’a pas encore jusqu’à
l’heure actuelle inclus une disposition dans ses CDI en prenant en compte l’article 27 du
MC-OCDE. Mais, elle a accepté d’inclure l’assistance en matière de recouvrement d’impôt
avec l’accord qu’elle avait signé avec l’Autriche, qui prévoit une saisie sur salaire pour les
créances fiscales exécutoires portant sur les revenus d’une activité salariée exercée en
Suisse par des personnes physiques domiciliées en Autriche (224)
. Cette assistance ne pourra
s’appliquer que dans le cas où la personne a délibérément éludé l’impôt dans son pays
d’origine, et que l’Autriche est essayée avec tous les mécanismes de récupérer cet impôt
éludé en utilisant toutes les voies légales que son droit interne lui offre (225)
. Aussi, on peut
voir cette assistance en matière de recouvrement dans le protocole d’accord, du 27 août
2009, que la Suisse avait pu conclure avec la France. Il est important, somme toute, de dire
que cette assistance en matière de recouvrement d’impôt n’est pas encore assez répondue
224
C.F , op.cit, p 34. 225
Ibid, p.23.
- 100 -
parmi les Etats membres de l’OCDE à l’heure actuelle. Il se pourrait que dans un avenir
proche que l’OCDE puisse élever l’article 27 du MC-OCDE au rang de standard
international contraignant pour tous les Etats. Sans aucun doute, l’OCDE pourra changer sa
politique d’ici là. Il n’est pas inintéressant de dire que les progrès accomplit par la Suisse,
son ouverture en accordant une assistance en matière d’échange d’informations, est louable
par la communauté internationale néanmoins il existe toujours des difficultés importantes
qu’il faudra surmonter pour atteindre une coopération internationale effective.
Section III : Les obstacles de la coopération internationale.
206. Nonobstant le dispositif législatif mis en place par la Suisse, et le retrait de sa réserve
sur l’article 26 du MC-OCDE, pour arriver à une coopération effective, il existe toujours
des poches de résistance, qu’elle ne cesse de se prévaloir. En effet, comme nous avons
essayé de le montrer que la coopération en matière pénale entre les Etats est le fruit de la
manifestation respective de leur volonté pour collaborer. Car, il est un principe en droit
international selon lequel qu’ « aucun Etat ne saurait être lié dans ses relations
internationales sans la manifestation expresse de son consentement ». Le consensualisme
est considéré comme le socle, le fondement du droit international. C’est sur la base de sa
souveraineté qu’un Etat peut exprimer son consentement à signer ou non une convention
internationale. Force est dès de constater que la Suisse entend toujours protéger sa
souveraineté malgré la pression de la communauté internationale (A). Il est évident compte
tenu de la difficulté rencontrée par l’Etat requérant d’obtenir des preuves pour savoir si
leurs contribuables ont fraudé ou non le fisc, il arrive quelque fois que les administrations
fiscales de ces Etats utilisent des procédés controuvés pour parvenir à leur fin. Ainsi, ils
achètent ou vol des données bancaires d’origine illicite pour lutter contre la fraude ou
l’évasion fiscale. Cette attitude que certains Etats ont adopté pour obtenir l’entraide de la
Suisse est critiquable, voila pourquoi elle s’est toujours refusé d’accorder sa coopération en
matière pénale ou fiscale en cas d’utilisation de tels procédés illégaux par l’Etat requérant
(B), ce qui d’ailleurs nous semble justifier car il dénote un comportement déloyal de l’Etat
requérant.
- 101 -
A-) La protection de la souveraineté fiscale helvétique.
207. La fiscalité, un problème domestique. Comme nous l’avions déjà dit, la fiscalité est
éminemment un problème domestique. Il appartient à l’Etat, selon son ordre juridique
interne, d’édicter des lois pour encadrer les différentes activités de ces nationaux. C’est
ainsi que le législateur peut prendre des lois pour réprimer tel ou tel comportement qui
troublera l’ordre et la paix sociale. C’est sur la base de sa souveraineté que le législateur
helvétique traite l’évasion fiscale comme un simple écart administratif et, non comme une
infraction pénale. Dans ce cas, l’entraide que la Suisse pourra accorder sera très restrictive
compte tenu de la distinction que son droit interne fait entre l’évasion, la soustraction
d’impôt, et la fraude fiscale. Elle ne peut lever son secret bancaire qu’en cas de fraude ou
d’escroquerie fiscale.
208. Les efforts helvétiques jugés insuffisants. Il appert que les efforts fournis par la
Suisse, pour assurer une coopération minimale, font toujours l’objet de critiques de ces
voisins. Ces critiques se fondent essentiellement sur le laxisme observé dans sa législation
qui ne sanctionne pas véritablement l’évasion fiscale, mais plutôt semblerait la favoriser,
du moins la tolérer sur sa place financière.
209. Les raisons de l’absence d’une coopération effective. Il y a, dans ces critiques,
parfois, une forme certaine d’hypocrisie, puisque certains Etats européens jusqu’en 2013
(Luxembourg, Luxembourg, Lichtenstein, Chypre) entravaient la coopération fiscale pour
protéger leurs économies. Ces pays s’opposèrent, pendant longtemps, à appliquer les lois
étrangères sur leur territoire, la Suisse aussi avait adopté la même attitude réserviste
notamment avec les accords portant sur l’échange des renseignements. « Or, nous ne
voulons pas, par une application extraterritoriale de lois étrangères, transformer notre
système en un Etat fouineur. L’activité de la presse de boulevard nous montre où cela nous
mène » écrit Franck BLANKART (226)
pour défendre les intérêts de la Suisse. Quand un
Etat cherche à protéger ses intérêts, cela se fait au nom de sa souveraineté, car ses intérêts
sont en jeu. Pour dire vrai, « le problème, en fait, n’est pas que les gouvernements ne
veulent pas coopérer, ni qu’il n’y ait pas de coopération, mais le gouvernement demeurent
accrochés à leurs institutions nationales et que toutes les initiatives en faveur d’une
226
Le secret bancaire comme éthique, in Place financière suisse, évasion fiscale et intégration européenne,
(sous la dir). R.SCHOWK, éd Euryopa, 2000, pp.119-122.
- 102 -
coopération fiscale globale, voire régionale, sont boquées sous le couvert de protéger les
institutions nationales » (227)
.
210. Jonction faible des intérêts à défendre. Malgré les convergences d’intérêt au niveau
européen pour une harmonisation au niveau de la fiscalité de l’épargne, les Etats
demeurent toujours sceptiques car certains problèmes vont perdurer et ce, malgré les
compromis trouver car « la fiscalité appartenait au domaine régalien, qu’elle établit l’une
des expressions fondamentales de la souveraineté nationale et qu’harmoniser les
politiques fiscales » présente de grandes difficultés.
211. Les organisations internationales fournissent des perspectives, des modèles, que les
Etats peuvent décider d’accepter de suivre ou non. Mais aujourd’hui certaines négociations
se déroulent sous le joug de menaces, des pressions de toutes sortes ; le mirage qui se
profile à l’horizon changera certainement la construction des rapports entre les Etats. La
résolution des problèmes économiques étant la trame de fonds des dialogues sur la fiscalité
et pour le maintien de la circulation des capitaux propres dans les finances internationales,
doit trouver des solutions qui n’affecteront pas la souveraineté des Etats. Il est topique de
dire, outre la protection des intérêts particuliers qui sont liés à l’émanation de la
souveraineté, un autre obstacle à la coopération est le refus de l’entraide lorsque les
moyens utilisés ont été obtenus frauduleusement.
B-) Le refus de coopération en cas de demandes basées sur le vol des
données bancaires.
212. Avant. La Suisse autour de 2010, ne pouvait pas empêcher un pays ayant sa
possession des données bancaires obtenues illégalement pour imposer ses contribuables
d’en faire usage. Et de nombreux scandales avaient éclaté durant cette période, et le secret
bancaire avait été maintes fois violé par l’utilisation de ces données en vue d’une
coopération par les autorités fiscales étrangères. Mais, La Suisse considérait qu’un pays
violerait le principe de bonne foi énoncé dans la convention de Vienne sur le droit des
traités, s’il venait à demander une entraide fondée sur des renseignements volés.
227
C. DEBLOCK, M.RIOUX, Le triangle impossible ou les limites de la coopération fiscale internationale,
Cahiers de recherche-CEIM, mars 2008, p.4.
- 103 -
213. Position actuelle de la Suisse. Dans le cadre de l’examen des révisions de
conventions contenant une clause d’assistance administratives conforme à la norme de
l’OCDE, les arrêtés fédéraux correspondants ont été complété par l’article 3 LAAF. Il y est
précisé que le Conseil fédéral n’accorde pas l’assistance administrative en matière fiscale
lorsque les données ont été obtenues illégalement. Néanmoins, un accord avait été conclu
avec la France quant aux données bancaires volées à la filiale genevoises HSBC (228)
. La
France ne se basera sur ces données pour obtenir une assistance administrative à la Suisse,
et elle préviendra la Suisse si elle communique ces données à d’autres Etats au titre de
l’entraide administrative.
214. Des critiques. Malgré, les dispositions législatives prises par la Suisse pour refuser
d’accorder son assistance administrative se fondant sur des données bancaires obtenues
illicitement, plusieurs pays sont parvenus à obtenir ces données, non pas par l’achat d’un
CD, mais, d’un autre pays par la voie de l’assistance administrative, ont montré qu’ils
n’étaient pas prêts à accepter la position de la Suisse (Espagne par ex.). Ils rétorquent
qu’on ne peut les reprocher d’avoir violé le principe de bonne foi et n’excluent pas de
prendre des sanctions à l’encontre de la Suisse si elle continuait à maintenir ses positions.
Le Forum mondial de l’OCDE sur la transparence et l’échange d’informations à des fins
fiscales a dû examiner la compatibilité de cette position Suisse avec la norme.
228
C.F , op.cit, p. 19
- 104 -
Chapitre II :
L’AVENIR DU SECRET BANCAIRE SUISSE.
215. Interrogation justifiée sur la destinée du secret bancaire suisse. « Existe-t-il
encore un secret bancaire ? Pendant des décennies, poser cette question en Suisse eut été
incongrue. La discrétion assurée aux clients des banques étaient considérée comme un
pilier immuable de l’ordre juridique helvétique – presque au même titre que la neutralité,
la démocratie directe ou le fédéralisme. La défense des patrimoines face à la voracité des
fics, notamment étrangers reflétaient les valeurs fondamentales de la Confédération :
protection de la vie privée face à l’état, respect de l’argent et de la richesse, souveraineté
du pays. Se proclamer l’ennemi du secret bancaire, c’était dans l’Esprit de beaucoup,
trahir les intérêts nationaux, faire preuve d’un manque de patriotisme » (229)
. Mais
aujourd’hui, il appert que cette question puisse se poser et ce, malgré le passé assez
tranquille que le secret bancaire a bénéficié. Cela est d’autant plus vrai compte tenu de
l’ampleur des pressions de la communauté internationale envers la place financière
helvétique peuvent être perçues, comme des armes employées pour conduire à la mort
inéluctable du secret bancaire. Il est topique de dire que les criminels ont toujours su tirer
profit du secret bancaire, pour les vaincre, il est important de l’impérativité de la levée du
secret bancaire. En vérité, « le secret bancaire sous sa forme actuelle ne sera plus tenable
à long terme car les intérêts économiques des adversaires sont trop vitaux, la position du
défenseur est trop difficile (…) Nous devons tôt ou tard céder du terrain. La question est
seulement de savoir où et quand » (230)
. Cette heure semble arriver pour la Suisse « de faire
évoluer le secret bancaire. Nous devrons aussi vivre dans l’avenir avec nos voisins.
Vouloir seulement conserver ce qui existe n’est pas une stratégie suffisante » (231)
.
216. La nécessité du changement. Vouloir maintenir le statu quo ayant prévalu durant de
nombreuses années par la Suisse, ne sera pas une attitude judicieuse de sa part. Elle est
tenue de faire des compromis, des concessions afin que sa place financière ne puisse pas
229
S. BESSON, Le secret bancaire : la place financière suisse sous pressions, 2e éd. Presses
Polytechniques et universitaires romandes, p.9. 230
Ibid., p.117, l’auteur cite l’économiste Saint-Gallois. 231
Ibid., p.30.
- 105 -
continuer à être la plaque tournante des capitaux d’origine douteuse. En vérité, elle a bien
compris qu’elle ne pouvait plus résister longtemps et a donc procédé à la refonte de son
secret bancaire (Section I). L’analyse des discours de l’OCDE et des grandes puissances
ne présagent rien de bon pour l’avenir du secret bancaire suisse. Celui-ci n’est t-il pas en
train de tendre vers une fin certaine ? (Section II).
Section I : La refonte du secret bancaire suisse.
217. Vers le progrès, vers le changement attendu. La refonte du secret bancaire suisse
s’est faite sous la forme d’une stratification successive. Elle ne s’est pas produite sponte
sua, mais résulte de la combinaison de plusieurs facteurs. Les pressions de la communauté
internationale et de certains organismes internationaux (OCDE, FMI ...) y ont certainement
joué un rôle de premier plan dans le processus de l’érosion. Le paradigme ayant prévalu,
durant de longue période, d’après lequel « le secret bancaire est considéré comme un
principe absolu, opposable même aux intérêts supérieurs de l’Etat et que le banquier doit
pouvoir défendre par tous les moyens, y compris par la force » (232)
a subi des entailles
profondes et, ne tient plus debout.
218. Plan Le processus de la reconfiguration du secret bancaire avait pour point de départ
la décision du Conseil Fédéral du 13 mars 2009 (Paragraphe I). Malgré des changements
intervenus depuis cette date sur la place financière suisse, la communauté internationale a
exprimé un souhait, qu’elle puisse abandonner la distinction qu’elle établit entre la fraude
et la soustraction d’impôt (Paragraphe II). Force est de constater, malgré l’amélioration
du dialogue entre la Suisse et ses partenaires, qu’une frange de résistance demeure. En
effet, la Suisse accorde une protection particulière à la vie privée du contribuable
(Paragraphe III).
232
Ibid., p.28.
- 106 -
Paragraphe I : La portée de la décision du Conseil Fédéral du 13 mars
2009.
219. Retrait de la Suisse des pays non-coopératifs. La Suisse a fourni des efforts
considérables, pour se voir être retiré de la liste de l’OCDE, avant la rencontre du G20, des
paradis fiscaux et des pays non coopératifs en matière d’échange d’informations pour des
fins fiscales. La rencontre pays membres du G20 avait été dictée pour des besoins urgents
de trouver des solutions efficaces afin de pouvoir faire aux conséquences dévastatrices de
la crise économique. Depuis la décision prise par le Conseil Fédéral, la Suisse s’était
engagée de signer de nouvelles conventions, ou en procédant simplement à des
modifications des conventions antérieures pour les adapter au standard international de
l’article 26 du MC-OCDE. Cette disposition a pour but de faciliter ainsi l’échange de
renseignements avec l’étranger. Cette concession faite par la Suisse était inimaginable de
part le passé. « Le terrain concédé par la Suisse depuis le fameux 13 mars 2009 est
considérable » estime Pascal SAINT AMANS, directeur du centre politique et
d’administration fiscale de l’OCDE. Elle a pu monter par la suite à ses partenaires que les
accords qu’ils avaient signé devraient s’appliquer. Depuis lors, il a été possible, sur la base
de l’entraide ou de l’assistance administrative en matière fiscale, d’accéder aux
informations sur l’identité des détenteurs de comptes, de société, de trust, qui sont sur son
territoire et même des institutions financières suisses basées à l’étranger.
220. Scandale de la banque UBS. Les gages politiques donnés par la Suisse se sont
traduites en acte. Le scandale récent de fraude fiscale impliquant la banque suisse UBS aux
USA a été un levier important afin que la Suisse parvienne à assister les autres Etats en
matière fiscale. La banque UBS avait été soupçonnée d’avoir aidé des clients étrangers,
notamment les américains et français, à frauder le fisc de leur pays, a marqué les esprits.
Elle avait été victime des pressions très fortes de la part du fisc américain à livrer les noms
de ses évadés fiscaux au risque, de perdre sa licence d’exercice sur le sol américain, mais
aussi sous le coup d’une lourde sanction économique. Cette situation d’une extrême
particularité avait égratigné le secret bancaire suisse puisque le Conseil Fédéral avait
accepté les exigences américaines en leur livrant tous les noms de leurs contribuables ayant
fraudé le fisc par le biais de la banque suisse UBS. Cela étant, la Suisse se trouve
aujourd’hui entre le marteau et l’enclume. Contrainte d’avancer au milieu du gué, elle doit
- 107 -
faire face à des pressions qui s’accroissent constamment, tant de la part de l’OCDE que des
Etats-Unis, mais aussi des grands pays de l’Union européenne à l’instar de la France et de
l’Allemagne.
221. L’influence des pressions. Ce mélange d’agressivité dirigée vers la place financière
helvétique a incité cette dernière a modifié profondément sa législation afin d’accorder une
assistance administrative en matière fiscale à tous les Etats requérant sur la base d’une
CDI, mais aussi en fonction de sa LAAF. L’événement le plus marquant a été, sans aucun
doute, le retrait de sa réserve sur l’article 26 du MC-OCDE, qui entrainé une modification
significative du droit interne suisse. Mais, pour certains Etats, tous ces efforts accomplis
par la Suisse semblent insignifiants ; ils veulent que la Suisse puisse opérer une refonte
importante de son droit pénal, en abandonnant la distinction entre fraude et soustraction.
Paragraphe II : La suppression souhaitée de la distinction entre la fraude
fiscale et la soustraction d’impôt.
222. Le fondement du système fiscal helvétique. « Le système fiscal suisse, notamment
en matière d’impôt direct, repose depuis toujours sur la trilogie qui tend à distinguer
l’évasion fiscale, la soustraction d’impôt et la fraude fiscale » (233)
. Cette trilogie est
essentielle au fondement même du droit fiscal suisse, constitue néanmoins un obstacle
avéré pour l’administration de pouvoir prélever l’impôt normalement, mais aussi d’avoir
accès à certaines informations pour des besoins de transparence et d’équité devant les
charges fiscales. Comme nous l’avions déjà présenté, l’évasion fiscale n’est pas qualifiée
en droit interne suisse en une infraction pénale mais, simplement le fait pour le
contribuable d’utiliser une structure insolite, critère retenu par la jurisprudence, dans le but
d’économiser l’impôt. L’administration fiscale utilise la théorie de la réalité économique
pour encadrer la situation particulière du contribuable et de parvenir à une taxation de
l’impôt éludé.
223. Problème. Mais, le nœud gordien, en matière d’infraction, a pour point focal, la
recherche d’une délimitation entre la fraude fiscale et la soustraction d’impôt. Le maintien
de cette distinction a entrainé de vives controverses et critiques tant sur le plan interne
233
X. OBERSON, Refonte de la fiscalité Une boite de Pandore, La Lettre (Groupement des banques
privées Genevois), n°34, mai 2008, p.2.
- 108 -
qu’international. A cet effet, « des voix se sont fait entendre dans certains milieux
politiques pour proposer d’abroger purement et simplement cette distinction. En d’autres
termes, l’idée serait de transformer la soustraction fiscale simple en délit fiscal. Cette
proposition de prime abord, a le mérite de simplicité. En réalité une analyse un peu plus
poussée conduit à montrer qu’elle remettrait en cause, de façon approfondie, l’ensemble
du système fiscal suisse. A terme, on peut même se demander si la justification de certains
impôts ne devrait perdre de son importance avec, comme corollaire, des pressions accrues
en vue de leur modification, voire leur suppression » (234)
; cette analyse pertinente du Pr.
Xavier OBERSON, nous pousse à nous interroger sur la portée actuelle de la distinction
entre la fraude fiscale et la soustraction d’impôt ? (A). Aussi, il importe d’analyser par la
suite, les incidences éventuelles de la suppression entre ces deux infractions (B).
A-) Quelle est la portée actuelle de la distinction entre la fraude fiscale et
la soustraction d’impôt en droit interne suisse ?
224. La levée du secret bancaire lors de la commission d’une infraction. Répondre à
cette question mérite de procéder par une analyse argumentative évolutive. Il convient de
dire que la distinction entre la fraude fiscale et la soustraction d’impôt est fondamentale en
droit interne suisse. En effet, le secret bancaire est opposable à l’administration fiscale en
cas de soustraction d’impôt ; l’administration fiscale ne pourra obtenir les informations
nécessaires qu’auprès du contribuable et non directement auprès la banque. Le secret
bancaire est maintenu dans le cadre d’une procédure administrative mais, pourra être levé
lors de l’ouverture d’une procédure pénale (235)
. La procédure pénale ne peut être initiée
que dans l’hypothèse de la commission d’une infraction pénale, pour illustration en cas de
fraude fiscale. Elle aura donc pour conséquence de lever le secret bancaire afin de
permettre au fisc de rassembler les preuves de cette infraction. Ce n’est que dans une telle
situation que la banque est tenue de répondre directement aux demandes du fisc.
225. Particularisme du droit fiscal suisse. « Cette distinction est une particularité de
l’ordre juridique suisse et reste mal compris et peu accepté par l’étranger » affirme le Pr.
234
Ibid. 235
R.H. WEBBER, Le secret bancaire face à l’administration fiscale en droit suisse, RLDA, n°49, mai
2010, p.77.
- 109 -
Rolf H. WEBER. Pour compenser la difficulté rencontrée par le fisc d’avoir accès aux
informations sur le contribuable, protégé par le secret bancaire, la Suisse avait mis en place
un système de retenue à la source de 35% sur le montant total des sommes déposées sur sa
place financière. Cette distinction présente un intérêt particulier. Elle « (…) est également
essentielle en droit fiscal international. Elle délimite en particulier les conditions de
l’assistance administrative et de l’entraide judiciaire » (236)
. C’est sur ce fondement que la
Suisse peut accorder ou non l’entraide à un autre Etat. Comme nous l’avions montré ci-
haut, la Suisse n’accordait son entraide en matière judicaire que dans le cas où l’infraction
était sanctionnée dans les deux Etats sur le fondement du principe de la double
incrimination. L’acte commis à l’étranger, doit être punissable par une peine privative de
liberté. Une seule exception avait été apporté à ce principe, c’est, celle relative à la
convention signée par la Suisse avec les U.S.A. l’objectif poursuivi par cette convention
était que la Suisse puisse accorder son entraide en matière d’escroquerie, laquelle est
assimilée à la fraude fiscale. A l’évidence « (…) les autorités fiscales ne peuvent exiger des
banques, en cas de soustraction d’impôt, qu’elles leur fournissent des renseignements sur
leurs clients : le secret bancaire interdit en effet de fournir des renseignements à des tiers.
Il en va tout autrement dans le cadre d’une procédure pénale : en effet le banquier ne peut
alors refuser de fournir les renseignements demandés (art.47 chap.4 de la loi sur les
banques » (237)
. Il est topique de constater que cette entraide est assez restrictive (238)
,
puisqu’elle est accordée qu’en cas d’escroquerie fiscale, conformément à l’article 3 al.3
EIMP (239)
.
226. Aussi, il convient à relever que depuis la décision du Conseil Fédéral du 13 septembre
2009, la Suisse a entamé de nombreuses négociations des CDI qu’elle avait conclues avec
les autres Etats ; cette décision a conduit à l’étiolement de la distinction entre fraude fiscale
et soustraction d’impôt.
236
X. OBERSON, op.cit, p.3. 237
S. GUEX, Quelques réflexions historiques sur le secret bancaire suisse, in Place financière suisse, évasion
fiscale et intégration européenne, (sous la dir.) R. SCHOWK, Euryopa, 2002, p.26. 238
G. PERROULAZ, Place financière suisse, l’Annuaire Suisse de politique de développement [en ligne],
vol. 22, n°1, 2003, p.137. 239
X. OBERSON, op.cit, p.4.
- 110 -
B-) Les incidences de la disparition de la distinction entre la fraude
fiscale et soustraction d’impôt.
227. Une suppression aux conséquences variables. La suppression de la distinction entre
la fraude fiscale et la soustraction d’impôt, selon le Pr. Xavier OBERSON, aura des
répercussions tant en droit interne suisse qu’en droit international (240)
. Le souhait de
nombreux Etats se verra ainsi se réaliser. Ils pourront facilement obtenir l’assistance
puisque l’une des barrières importantes pour la coopération internationale est cette
particularité du droit interne suisse. Le maintien de cette distinction n’est plus
« absolument tenable » (241)
. L’une des conséquences que l’on doit envisager en cas de la
disparition de cette distinction, serait de voir la retenue à la source devenir obsolète. Le
système de la retenue à la source avait été adopté par la Suisse, pour atténuer
l’opposabilité du secret bancaire au fisc, sans pourtant que ce dernier puisse être levée.
« Le système suisse de la retenue à la source (…) fonctionne correctement puisque la
Suisse connait l’un des taux les plus bas de fraude fiscale dans le monde » (242)
.Force est,
cependant, de dire qu’en levant cette distinction, cela affecterait le bien-fondé de l’impôt
anticipé (243)
. « L’impôt perdrait en effet son rôle de garantie, pour le moins lorsque le
bénéficiaires sont des résidents suisses, dans la mesure où les autorités fiscales auraient
accès aux comptes bancaires des contribuables (…) » (244)
.
228. Ce problème de la suppression est d’une grande délicatesse. En effet, l’idée de cette
suppression de la distinction n’est pas à prendre à la légère ; cela serait assimilé à
l’ouverture de la « boite de Pandore » (245)
, à la recherche de la capture « du monstre du
Loch Ness ». La conséquence envisagée par le Pr. Xavier OBERSON serait qu’ « on peut
tabler sur le fait que la Suisse, en remaniant son propre modèle, renoncerait du même
coup au système actuel de retenue à la source au profit de l’échange automatique
d’informations » (246)
. De même, les différents accords passés entre la Suisse et l’U.E,
notamment en matière de l’harmonisation de la fiscalité de l’épargne, n’auront plus
240
Ibid. 241
G. PERROULAZ, op.cit, p.139. 242
H. SCHAWMM, Pourquoi l’Union européenne mise-t--elle sur l’échange automatique d’information ?,
Euryopa, 2002, p.72. 243
X. OBERSON, op.cit, p.5. 244
Ibid. 245
Ibid, p.1. 246
Ibid, p.6.
- 111 -
d’importance, puisqu’elle va se livrer maintenant à l’échange automatique d’informations.
Or, il sied de notifier que la Suisse a toujours été hostile à l’échange automatique
d’informations afin, de protéger son secret bancaire lequel a déjà « (…) été égratigné par
la procédure UBS et par l’adoption du code de l’OCDE en matière d’échange
d’informations. Nous ne pouvons pas aller plus loin. Ce serait de la déloyauté » (247)
. La
suppression de cette distinction affecterait l’ossature de tout le système juridique
helvétique. Elle entrainera donc, à proprement parler, une refonte considérable du droit
fiscal suisse.
229. Recherche d’un compromis. En vérité, le maintien de cette distinction traditionnelle
« est au cœur d’un savant compromis entre la protection de la sphère privée, d’un coté et
le droit de contrôle de l’administration fiscale de l’autre. Remettre en question ce
compromis aboutit à ouvrir une véritable boite de Pandore. Le système fiscal suisse que
nous connaissons aujourd’hui ne serait assurément plus le même. Dès l’instant où le fisc
dispose du pouvoir de contraintes similaires à ceux des délits fiscaux, l’idée, au cœur
même de l’édifice, selon laquelle l’imposition (le cas échéant à la source) remplace ou au
mieux incite le contribuable à déclarer ses avoirs n’a plus de raison d’être » (248)
. Il est
évident que la protection de la sphère privée de l’individu constitue, somme toute, un
obstacle pour la refonte du secret bancaire.
Paragraphe III : Un îlot de résistance pour la refonte du secret bancaire :
la protection de la sphère privée du contribuable.
230. La sphère privée du contribuable. La refonte du secret bancaire doit prendre en
considération la sphère privée du citoyen ou du contribuable. Elle doit être la plus
restrictive possible (249)
, tout en garantissant la protection de la sphère privée de l’individu.
La sphère privée ou vie privé est appréhendée de différentes manières dans les pays de
l’Europe. «L’analyse comparée dévoile l’extraordinaire variété des facettes de la vie
privée. Il s’agit à n’en pas douter d’une notion dont le caractère protéiforme explique la
difficulté méthodologique auquel est confronté tout chercheur qui s’aventure dans cet
univers. Nonobstant cette complexité, il ressort que la notion, dans tous les systèmes, est
247
K. HUMMLER, L’impôt à la source, une solution d’avenir pour la Suisse, Horizons et Débats, n°36, 21
septembre 2009, p.1. 248
X. OBERSON, op.cit, p.8. 249
O. LONGCHAMP, La reconfiguration du secret bancaire suisse, l’Economie politique, avril 2010, p.25.
- 112 -
marquées par une évolutivité certaine. Un tel constat n’étonne guère. La vie privée est
éminemment reliée à des considérations d’ordre culturel, immanquablement liées à des
valeurs changeantes contingentes » (250)
. Malgré les spécificités de chaque législation,
certains éléments sont à prendre ensembles. La vie privée recouvre l’intimité de la
personne qui ne peut pas être exposée au public sans avoir obtenu au préalable
l’autorisation de l’intéressé. Ce bastion inviolable de l’individu comprend certains droits de
la personnalité (l’image, le domicile, la vie familiale) mais aussi aux privilèges que le droit
objectif lui reconnait (secret de la correspondance, secret médical).
231. Plan. Mais ce qui est étonnant, en Suisse, c’est que l’argent rentre dans la sphère
privée de l’individu cela, n’est pas le cas en France. C’est ainsi qu’en Suisse
l’administration n’a pas le droit de s’immiscer dans la gestion de fortune de l’individu, ni
d’en connaitre l’utilisation, toutefois, dans la limite de la légalité. Il est important dans
cette rubrique de présenter les fondements de la protection de la vie privée d’après une
analyse comparative des différents textes des pays européens (A), puis par la suite
démontrer que le maintien de la protection de la sphère privée du contribuable, est l’une
des caractéristiques d’un Etat de droit ou démocratique (B)
A-) Les fondements de la protection de la vie privée du contribuable.
232. Fondement de la vie privée en droit communautaire. L’article 8 de la convention
européenne des droits de l’homme (CEDH) consacre le respect de la vie privée et
familiale, cette disposition est d’une portée considérable. Cet article prévoit en effet que :
« 1. Toute personne a droit au respect de sa privée et familiale, de son domicile, de sa
correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d’une autorité publique dans l’exercice de
ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue dans la loi et qu’elle constitue une
mesure qui, dans une société démocratique est nécessaire à la sécurité nationale, à la
sureté publique, au bien être économique du pays, à la défense de l’ordre et à la
prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou la
protection des droit et libertés d’autrui ». Le fondement communautaire de la protection de
la vie privée a été ressenti pour mieux protéger le citoyen contre les immixtions, parfois,
illégales de l’Etat ou bien de ses différents services administratifs. Il ne serait pas
250
L. BURGORGUE-LARSEN, L’appréhension constitutionnelle de la vie privée en Europe (Analyse
croisée ses
- 113 -
inintéressant de dire que « le but du droit considéré est de prémunir l’individu contre des
ingérences arbitraires des pouvoirs publics » (251)
. Cette consécration au niveau de l’U.E
n’est pas restée sans incidence dans le droit interne de certain pays européens. A titre
d’illustration, on peut se référer à l’Espagne, dans sa constitution du 21 octobre 1978, à
l’article 18 consacre la vie privée a travers la notion générique d’intimité (252)
. En France,
elle se fondait essentiellement sur l’article 9 du C.civ, d’après lequel « chacun a droit au
respect de sa vie privée » ; mais il fallait attendre jusqu’à la décision du conseil
constitutionnel relative à la Vidéosurveillance du 18 janvier 1995 (253)
pour qu’elle puisse
indirectement avoir une base constitutionnelle.
233. Fondement constitutionnel de la vie privée en Suisse. En Suisse, la vie privée a un
ancrage constitutionnel (254)
. Il est prévu par l’article 13 de la constitution fédérale qui
dispose, à cet effet, que « 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et
familiale, de son domicile, de sa correspondance et des relations qu’elle établit par la
poste et les télécommunications. 2. Toute personne a le droit d’être protégé contre
l’emploi abusif des données qui la concernent ». Dès lors on peut se demander quel lien
existe-t-il en droit interne suisse entre le secret bancaire et la vie privée ? La thésaurisation
de l’argent doit-elle être considérée comme un élément de la vie privée ? En Suisse, la
gestion des fonds déposés par le contribuable est un élément de la vie privée, voila
pourquoi le secret bancaire suisse fait l’objet d’une protection particulière. Ces questions
nous poussent à considérer la protection de la vie privée comme étant un élément important
caractérisant un Etat démocratique. En effet, il existe a n’en point douter un lien étroit
entre le secret bancaire et la sphère privée de l’individu.
B-) Les justifications de la protection de la sphère privée du contribuable.
234. Patrimoine, composante de la vie privée. Le patrimoine du contribuable est
considéré comme une composante de la vie privée en Suisse, ce qui ne semble pas être le
cas, par exemple, en France où celui-ci est exclu de la sphère privée. Il est remarquable de
dire que « dans un Etat démocratique, chacun a droit au respect de sa personnalité car
251
I. ROAGNA, La protection au respect de la vie privée et familiale par la convention européenne de droits
de l’’homme, Conseil de l’Europe, Strasbourg, 2012, p.11. 252
L. BURGORGUE-LARSEN, op.cit, p.1. 253
Ibid. 254
P.G. MORCOS, op.cit, p.220.
- 114 -
elle représente l’une des garanties fondamentales de la liberté individuelle telle que
reconnue par les droit de l’homme. L’obligation de discrétion du banquier garantit dans le
domaine financier le droit au respect de la vie privée » (255)
. Le maintien du secret bancaire
trouve donc sa justification dans la protection de la sphère privée de l’individu, mais aussi
par le souci de protéger les libertés individuelles car, l’homme serait un être bien
malheureux s’il ne pouvait se sentir en sécurité même pour ses finances.
234-1. S’il faudra le reconfigurer, il sera nécessaire pour les dirigeants, de prendre en
considération de ne pas trop écorner la liberté du citoyen en levant le secret bancaire soit,
partiellement ou totalement. C’est en ce sens qu’un auteur a suggéré que cette
reconfiguration puisse être la plus restrictive possible (256)
. Le caractère restrictif de la
refonte se justifie par le fait que « le secret bancaire en Suisse n’est pas une sorte
d’institution offshore créée pour attirer des riches étrangers, mais le reflet de la
conception que nous avons de la protection de la sphère privée » (257)
.
235. Justifications du maintien du secret bancaire suisse. Le secret bancaire a été
protégé pendant longtemps des menaces étrangères, parce qu’il est considéré comme un
élément d’identité culturelle nationale. Il a permis d’établir « une culture de confiance
entre citoyen et l’Etat » (258)
. Il n’est pas inintéressant de dire que c’est pour tempérer la
toute puissance de l’Etat, particulièrement à travers ses différents services (l’administration
fiscale par exemple), qu’il s’est avéré utile que l’individu puisse se sentir en sécurité pour
ses fonds déposés en banque. Ce souci de « la justice requiert ainsi que la confidentialité
financière, qui découle directement du droit de la personne et du droit de la propriété, doit
être protégée contre l’immixtion indue de l’Etat : ce n’est qu’en cas de soupçon grave
d’activité illicite que le secret bancaire devrait pouvoir être levé. Sinon, l’Etat viole
l’équilibre nécessaire entre les sphères publiques et privées, il ne s’agit plus en
qu’instrument subsidiaire pour garder la paix dans une société civilisée, mais se mue pour
une menace pour cette dernière » (259)
. De même, le champ de protection du secret bancaire
ne peut faire l’objet d’un empiètement délibéré, il s’agit là d’une idée importante du
255
M. AUBERT, Le secret bancaire suisse, Genève, 1995, p.2. 256
O. LONGCHAMP, La reconfiguration du secret bancaire Suisse, l’Economie politique, avril 2010,
p.25. 257
J. WATTEVILLE cité par S. GUEX, in Développement de la place financière helvétique et secret
bancaire au 20e siècle : la Suisse comme paradis fiscal, Solidarités-Bimensuel, n°125, p.4. lien direct :
http :www.solidarités.ch./journal/d/article/84 pdf.
258P. BESSARD, Les droits individuels et le combat contre « l’évasion fiscale », Institut Libéral, Février
2013, p.27. 259
Ibid, p. 24.
- 115 -
libéralisme (260)
. En effet, « le libéralisme est un monde de murs, et chacun d’entre eux
engendre une liberté nouvelle » écrit le philosophe américain Michael WALZER dans son
ouvrage Pluralisme et démocratie (261)
. Cette protection de la sphère privée a favorisé le
développement de bon nombre des Etats européens.
236. Le rôle de l’Etat dans la protection de la vie privée. Point n’est besoin de rappeler
ici que l’Etat, doit donc protéger cette sphère privée contre les multiples atteintes.
Lorsqu’on porte atteinte à la confidentialité financière, en l’absence de motif légal, l’on
peut être amené à qualifier l’Etat qui encourage ces atteintes, d’autoritaires. Qui plus est, le
fait de « réclamer la transparence des patrimoines individuels à l’égard de l’Etat : c’est
agir comme si l’Etat avait un droit de regard sur l’usage que les citoyens font de leurs
biens, comme si a priori, et comme s’était le cas sous les régimes communistes (tout
appartenait abord à l’Etat), qui consentait ensuite aux citoyens la propriété de certain bien
– pour autant qu’ils puissent justifier de leur usage. Exiger la transparence des citoyens
envers l’autorité, c’est revenir à des notions absolutistes de la nation et du pouvoir en
général. Du point de vue des libertés fondamentales, c’est un retour de plusieurs siècles en
arrière » (262)
.
236-1. Il est topique de préciser qu’en Suisse, et ce même récemment, le secret bancaire
s’appliquait de manière égalitaire tant à l’égard des étrangers que des nationaux. Il est
donc logique d’affirmer que « si un pays considère ses propres citoyens, qu’il n’y a rien
de faire prévaloir leur sphère privée sur ses propres intérêts fiscaux, il doit aussi pouvoir
tenir le même raisonnement pour les étrangers qui veulent bien confier leur épargne à ses
banques » (263)
.
237. Le secret bancaire est-il un droit de l’homme ? Malgré toute cette analyse, il sied
de dire que la Suisse considère la protection du secret bancaire comme « un droit de
l’homme » (264)
, « il ferait partie de notre système de vie car il contribue à la lutte de
260
Il a été cité par F. DERMANGE, in L’Ethique de l’abolition du secret bancaire, Euryopa, 2002, p.125. 261
F. DERMANGE, op.cit, p.126. L’auteur affirme que « la thèse de l’Etat libéral est simple : Our homes
are Our castles. Nous n’attendons pas que l’Etat se prononce, sur la forme de notre sexualité, sur les
livres que nous aimons ou sur nos conversations avec nos amis. Le même principe vaut en matière
bancaire : la tâche de l’Etat n’est pas de dicter quelles activités les individus doivent entreprendre,
comment gérer leur argent, s’il est loisible ou non qu’ils s’enrichissent. Ce que nous attendons de l’Etat
est qu’il protège les frontière étanches et laisse chacun de développer à sa guise ses propres visées du
bien ». 262
T. AFSCHRIFT, Réflexions sur l’avenir du secret bancaire, Institut Libéral, Rapport, mars 2009, p.4. 263
Ibid, p.5. 264
S. BESSON, Le secret bancaire : la place financière sous pressions, 2e éd actualisée PPUR, p.110.
- 116 -
l’individu contre les tendances de la société à l’enfermer dans des normes qui brident ses
libertés essentielles » (265)
. Nonobstant la protection que la Suisse accorde à tous les
déposants, l’ampleur des pressions ne laissent rien présager de bon pour la Suisse. Il y a
lieu de s’interroger sur la mort prochaine de cette institution qu’est le secret bancaire.
Section II : Vers la délitescence du secret bancaire ?
238. « Avec la signature du 15 octobre 2013 d’une convention de l’OCDE concernant
l’assistance administrative mutuelle en matière fiscale, la Suisse poursuit inexorablement
sa marche vers l’échange automatique des données, affirmant sa volonté de mettre fin au
secret bancaire, qui semblait pourtant indissociable de son paysage culturel et de la
pratique bancaire suisse » déclare l’avocat Enzo MESCOLA. En effet, si elle a signé cette
convention, c’était dans le souci de coopérer avec les autres Etats. La Suisse a fait de
nombreuses concessions pour protéger non seulement ses intérêts, mais aussi et surtout
ceux de ses partenaires. Ces concessions faites par la Suisse sur son secret bancaire, ont
inexorablement entrainé à son érosion. Il ne cesse de recevoir des coups d’estoc qui
l’écorchent davantage. On peut, à juste titre se demander si le secret bancaire ne serait pas
t-il moribond ? N’est-il pas victime de son époque ? A la vérité, « le secret bancaire est
déjà en état de mort clinique » (266)
.
239. Plan. Il est évident que dans une période où les économies sont affectées par la crise,
les Etats ne veulent plus perdre un seul centime de leurs contribuables. « La situation des
budgets des Etats s’est tellement détérioré que la perspective des recettes supplémentaires
serait un argument de poids dans les négociations » (267)
. Ces négociations ayant conduit à
une refonte du secret bancaire suisse. Mais quand on observe les changements rapides qui
se produisent au niveau international pour parvenir à la « moralisation » des flux de
capitaux, il y a lieu de se dire que le secret bancaire pourra disparaitre dans un avenir
proche. « L’ère du secret bancaire est révolu » semble t-il. Il ne serait pas inintéressant de
présenter les causes de la mort du secret bancaire (Paragraphe I), et examiner par la suite
265
Ibid. 266
C. WILHELM, Le secret bancaire déjà en état de mort clinique, Le Temps, 04 janvier 2010. 267
K. HUMMLER, L’impôt à la source, une solution d’avenir pour la Suisse, Horizons et Débats, n°36 , 21
septembre 2009, p.1.
- 117 -
quelles pourront être les conséquences de la disparition de cette institution (Paragraphe
II).
Paragraphe I : Les causes de la mort prochaine du secret bancaire.
240. Le facteur le plus important conduisant à la mort du secret bancaire semble, à notre
avis, la crise économique de 2008. Elle est donc venue aiguillonnée et renforcée le combat
mené contre les paradis fiscaux ; d’une manière générale contre tout système ayant adopté
un système économique dénué de toute transparence. Ce besoin de transparence semble
être fondé, augmentant ainsi les pressions dirigées contre le secret bancaire (A). Aussi,
depuis les attentats du 11 septembre 2001 aux U.S.A, un certain rapprochement a pu être
établi entre secret bancaire avec le terrorisme (B). Mais l’accord FACTA que la Suisse a
signé avec les U.S .A sonnera certainement le décès du secret bancaire (C).
A-) Des pressions fortes justifiant l’assainissement des finances
internationales.
241. Instabilité économique due aux paradis bancaires. « Une partie de l’instabilité
financière est attribuée aux flux croissants qui transitent par les paradis fiscaux et les
places bancaires faiblement régulées » (268)
. Cette situation a attiré l’attention des grandes
puissances économiques, lesquels veulent, voire même cherchent, à imposer à ces
territoires leur désir de coopération afin de réduire de manière significative l’instabilité que
connait, à l’heure actuelle, l’économie mondiale. Il est donc patent de dire que, ce marasme
économique mondial a aiguillonné le combat contre les paradis fiscaux et bancaires. Il est
donc fondamental, que tous les flux qui transitent dans ses territoires puissent être traçables
depuis leur origine jusqu’à leur destination. Pour atteindre cet objectif, il est obligatoire
que tous les Etats puissent participer dans cette action commune. En cela, il est primordial,
pour réguler les flux internationaux de capitaux, que les Etats observent les standards
internationaux élaborés par les différents organismes, pour lutter contre la criminalité
financière transnationale. En effet, la criminalité financière a, longtemps été favorisé par
l’absence de transparence dans les transactions bancaires. Et, ces flux de capitaux illicites
268
T. GODEFROY, P. LASCOUMES, Havres fiscaux et places financières sous-régulés Les cycles d’une
attention politique improductive, Dossier savoir/agir, p.32.
- 118 -
sont un poison pour l’économie. Ces flux de capitaux circulaient avec beaucoup de facilité,
en profitant de l’opacité que leur offraient certains territoires, notamment la Suisse.
242. Il aurait donc facilité l’expansion de la criminalité financière. En effet, plusieurs
groupes de trafiquants de drogues, de la mafia ont su tirer profit du secret bancaire suisse,
en blanchissant ainsi leur argent sale. Et la circulation de tels capitaux, ayant une origine
douteuse, dans le circuit économique, comme étant des capitaux sains, sera comparable à
de la gangrène. L’économie se trouve ainsi fragilisé car, ces fonds ne font pas l’objet
d’aucune imposition, leurs bénéficiaires cherchant à maximiser leur profit tout en les
dissimulant correctement. L’argent du crime circulait sur plusieurs places financières sans
pourtant que des contrôles puissent avoir lieu.
243. La lutte internationale contre la criminalité financière. Vue l’ampleur que prenait
le phénomène de cette criminalité financière, l’ONU s’était attelé, a prendre des mesures
pour le combattre. C’est ainsi, en 1988 sous ses auspices, avait été signé à Vienne, une
convention ayant entrainé un assouplissement notable du secret bancaire. Cette convention
laisse une part importante à la coopération internationale, recommandée par les banques
centrales (269)
. Depuis cette date, la question de la sécurisation des finances internationales
se posaient déjà avec une acuité particulière. Mais la solution la plus importante, serait
d’empêcher la libre circulation de ces capitaux illicites, et de restreindre l’accès des
banques aux criminels. Le GAFI, joue dans ce cadre un rôle de premier plan. En effet, les
recommandations prises par le GAFI deviennent de plus en plus contraignante pour les
Etats.
244. Mais aujourd’hui, l’ampleur des pressions a revêtu ou a atteint son paroxysme, à tel
point que la mort du secret programmé semble être annoncée. Malgré ces pressions, le
secret bancaire doit faire face à l’épineux problème du terrorisme.
B-) Le secret bancaire face à un nouveau défi : le terrorisme.
245. Il est sortable de définir d’abord ce que l’on entend par terrorisme (1) puis envisager
le rapport qu’il entretient avec le secret bancaire (2).
269
Ibid.
- 119 -
1- La notion de terrorisme.
246. Une notion complexe à cerner. Les attentats du 11 septembre 2001 sur le sol
américain ont changé la configuration du monde. L’on a assisté à une prolifération des
textes internationaux ou nationaux condamnant le terrorisme. Toutefois, malgré la grande
diversité des textes sur le terrorisme, il n’existe pas une définition qui puisse être
universellement acceptée ou admise. « La doctrine met en effet traditionnellement en
exergue l’impossibilité ou à tout le moins les difficultés considérable – qui pèsent sur la
tentative de trouver une définition universelle légale du terrorisme. En ce sens, certains
n’ont pas hésité à comparer la recherche d’une telle définition à la quête du Saint Graal
ou à considérer que, si le terrorisme est un problème sérieux, il n’est pas une notion
juridiquement utile. D’autres estiment en revanche que les problèmes apparemment
juridiques rencontrés dans les tentatives de définitions du terrorisme sont, à la vérité,
avant tout des problèmes politiques et que, quels que puissent être les intérêts stratégiques
d’une définition légale universelle, l’arsenal du droit positif contemporain est suffisant
pour circonscrire la notion (…) » (270)
. Cette absence d’uniformité dans la recherche de la
définition du terrorisme constitue un obstacle à n’en point douter et, ce, malgré le nombre
des conventions et des protocoles signés sous l’égide de l’ONU.
247. Il convient, malgré cette difficulté définitionnelle, de se référer à la définition que
nous propose l’OTAN. A cet effet, le terrorisme est défini comme « l’utilisation ou la
menace de l’utilisation illicite de la force ou la violence contre des personnes ou des biens
dans une tentative de contraindre ou d’intimider les gouvernements ou les sociétés à
atteindre leur objectif politique, religieux ou idéologique ». L’U.E, de sa part, ne donne
aucune définition du terrorisme. Mais va plutôt dans le sens de l’acte terroriste comme
étant « l’acte intentionnel, par sa nature ou son contexte, peut gravement nuire à un pays
ou à une organisation internationale établie comme un crime en vertu du droit
international, commis dans le but d’intimider une population, de contraindre indirectement
un gouvernement ou une organisation internationale à accomplir un acte ou à s’abstenir
de le faire, ou gravement déstabiliser ou détruire les structures fondamentales politiques ,
constitutionnelles, économiques, sociales d’un pays ou une organisation ».
270
L. HENNEBEL, G. LEWKOWICZ (Sous la dir.), Juger le terrorisme dans l’Etat de droit, Bruylant,
octobre 2009, pp.18-19.
- 120 -
2-Le rapport entre secret bancaire et terrorisme.
248. Origine des fonds. Les terroristes pour réaliser leur dessein ont besoin des fonds et,
cet argent, ils peuvent l’obtenir de manière légale ou illégale. Le procédé légal de
l’obtention de ces fonds peut résulter des dons personnels et des profits provenant
d’entreprise ou d’organismes caritatifs. En ce qui concerne la voie illégale, les terroristes
peuvent obtenir ces fonds par le trafic de stupéfiants, de la vente d’armes, de la fraude, les
enlèvements ou l’extorsion.
249. Dissimulation des fonds. Pour dissimuler l’origine de ces fonds, les terroristes ont
recours à des techniques semblables à celles du blanchiment d’argent, cela, c’est pour
éviter d’attirer l’attention des autorités de poursuite et de protéger l’identité de leur
commanditaire, mais aussi des bénéficiaires de ces fonds. Et pour minimiser les risques, ils
font de plus en plus usage du système bancaire pour atteindre cet objectif. C’est ainsi, que
l’on a constaté que ces fonds transitaient dans des territoires ayant une pratique stricte du
secret bancaire, au point même où il est difficile de déterminer les véritables bénéficiaires
de ces fonds.
250. L’absence de rapprochement concret. Mais, une précision mérite d’être faite. A ce
jour, aucune étude empirique n’a été faite pour démontrer l’usage du système bancaire
suisse par des terroristes. Pour autant, cela ne signifie pas qu’il n’existe pas de connexité
entre le secret bancaire et le financement du terrorisme, surtout après les attentats du 11
septembre 2001 il était devenu urgent pour les Etats d’empêcher les terroristes d’avoir
accès au système bancaire international. La lutte contre le terrorisme a, changé la
nomenclature des actes répréhensibles du GAFI en matière économique. Son champ s’étant
élargi. En effet, il ne s’intéresse plus seulement à la lutte contre le blanchiment mais aussi à
combattre le financement du terrorisme. Il a ainsi pris de nombreuses recommandations
pour essayer de juguler les fonds servants pour des activités des groupes terroristes.
L’OCDE, de son coté, n’est pas restée inactive. Elle a créé le Financial Action Task Force
pour analyser le problème du financement du terrorisme.
- 121 -
C-) FACTA : un accord mortel pour le secret bancaire suisse.
251. FACTA : une loi à la dimension internationale. Les Etats-Unis ont adopté le 18
mars 2010 le Foreign Account Tax Compliance Act, qui vise à assurer l’imposition des
avoirs détenus à l’étranger par des contribuables américains. Cet accord oblige les instituts
étrangers de s’enregistrer auprès de l’IRS, et doivent rendre périodiquement des rapports
sur les comptes détenus par les contribuables américains. Mais, il est nécessaire au
préalable, de recevoir l’accord du détenteur du compte. Les établissements bancaires qui
refuseraient de participer à cette mesure seront considérés comme non coopératifs et,
doivent ainsi prélever pour le compte du fisc américain un impôt à la source de 30%
même si le paiement est encaissé pour des clients qui ne sont pas de personnes
américaines. « Les instituts financiers suisses sont contraints de participer au FATCA, car
ils ne peuvent pas se permettre de subir la déduction d’un tel impôt à la source » (271)
. La
Suisse s’est opposée vivement à cette retenue à la source.
252. Les deux modèles proposés par le FACTA. Pour faciliter la mise en œuvre du
FATCA, les USA ont proposé deux modèles d’accord bilatéraux aussi appelés
Intergovernemental Agreements (IGA). Selon Le modèle 1, dont il existe deux variantes,
l’une avec réciprocité et l’autre sans réciprocité, est fondé sur l’échange automatique de
renseignements: les instituts financiers des Etats qui ont conclu un accord selon le modèle
1 avec les Etats-Unis communiquent les renseignements sur les comptes détenus par des
personnes américaines à leurs propres autorités fiscales, qui transmettent ensuite
automatiquement ces renseignements à l’IRS. Le modèle 2, qui ne comprend pas de
réciprocité, prévoit en revanche des communications directes des instituts financiers à
l’IRS. Ce système de communication est complété par un échange de renseignements sur
demande relatifs aux comptes des personnes américaines pour lesquels l’institut financier
n’a pas reçu de consentement pour leur communication. Cela permet aux Etats-Unis de
déposer des demandes groupées et d’obtenir, par la voie de l’assistance administrative, les
renseignements sur les comptes de ces personnes que l’institut financier aurait dû livrer à
l’IRS s’il avait obtenu le consentement nécessaire.
271
Conseil Fédéral, Entraide judiciaire et entraide administrative en matière fiscale- Egalité de traitement,
Rapport, 18 décembre 2013, p.26.
- 122 -
253. Le modèle choisi par la Suisse. La Suisse a adopté le modèle 2. Cet accord avait été
signé le 14 février 2013 et, est en cour de ratification. En principe il devrait s’appliquer dès
le 1er
janvier 2014 mais il a été retardé de six mois (272)
. Les établissements suisses vont
conclure un contrat FFI (Forgien Financial Institutions) avec l’IRS aux termes duquel, ces
établissements vont s’engager (273)
:
- identifier les comptes américains ;
- à communiquer à l’IRS, sur la base d’une déclaration de consentement du titulaire du
compte, les renseignements sur ce compte ;
- à n’ouvrir de nouveaux compte pour les contribuables américains que si celle-ci lui ont
remis une déclaration de consentement ;
- à donner suite aux demandes de renseignements complémentaires déposés par l’IRS dans
le cadre d’une procédure vérification et d’application.
Le modèle d’accord choisi par la Suisse ne repose pas, en tant que tel, sur l’échange
automatique d’informations mais semble s’en rapprocher (274)
. L’IRS pourra demander sur
cette base des renseignements précis sur les comptes concernant les demandes groupées
(Accord FACTA art.5) (275)
. Il convient à signifier que la Suisse n’est pas le seul à avoir
signé cet accord. Il y a aussi la France, l’Italie, la Grande Bretagne. La portée de cet
accord que la Suisse a conclu avec les USA pour prélever l’impôt sur le compte des
contribuables américains ouvert sur la place financière suisse, a davantage affecté « le mur
du secret » et de la confidentialité financière. Le secret bancaire se réduit désormais à
« peau de chagrin ».
254. Réflexions au niveau européen d’un accord similaire au FACTA. Actuellement,
au sein de l’U.E, des initiatives allant dans le sens du FACTA ont été envisagé. On pourra
assister dans quelles années à la signature du même type d’accord entre l’U.E et la Suisse.
La Suisse serait amenée à livrer toutes les informations nécessaires des comptes de tous les
contribuables européens ayant effectué des dépôts dans des banques helvétiques. On peut
272
Ibid. 273
Message du Conseil Fédéral, 10 avril 2013 relatif à l’approbation de l’accord entre le Suisse et les USA sur
leur coopération visant à faciliter l’application du FACTA ainsi qu’au projet de la loi fédérale sur la mise en
œuvre de cet accord, p.7 et s. 274
X. OBERSON, L’évolution en Suisse de l’échange international de renseignements fiscaux : de l’arbalète
au « big bang », RDF, n°24, 13 juin 2013, p.115. 275
Ibid.
- 123 -
donc en tirer la conclusion que le secret bancaire est condamné à disparaitre dans un futur
proche. Sa mort n’affecterait-elle pas la place financière Suisse ?
Paragraphe II : Les conséquences de la disparition du secret bancaire
suisse.
255. Si le secret bancaire venait à disparaitre, l’attractivité de la place financière suisse
pour les capitaux étrangers va diminuer. En effet, ce dernier avait été conçu pour favoriser
l’évasion fiscale, attirant ainsi un flux important des capitaux étrangers sur son territoire.
La fin de cette institution va entrainer irrémédiablement une fuite importante des capitaux
jusque là gérés par les grandes banques helvétiques vers des places financières plus
attractives et moins coopératives que la Suisse (A). Et cette délocalisation des capitaux
fragilisera certainement l’économie suisse vue l’importance du secteur bancaire dans la
production de la richesse nationale (B). Chercher à « assassiner » le secret bancaire n’est ce
pas là, une manière pour les grandes puissances économiques de combattre la concurrence
fiscale (C).
A-) La délocalisation des capitaux vers des havres fiscaux plus attractifs.
256. Menace à l’horizon. « Haut lieu de la gestion de fortune privée, la Suisse va sans
doute subir en profondeur les conséquences du changement de règles qui s’est imposé
dans le domaine de l’échange international d’informations fiscales. Le scénario tablant
sur l’imminence d’un exode massif de capitaux est invraisemblable. À long terme, il s’agit
cependant d’appliquer une stratégie qui vise le respect de toutes les normes
internationales en matière de taxation et qui ne tolère aucune transgression ni zone grise »
(276). Mais pourtant présentement l’on assiste à la régression de confiance accordée aux
banques suisses.
257. L’affaiblissement de la confidentialité. C’est à partir scandale de l’affaire UBS que
les banques suisses ont vu leur clientèle craindre que la confidentialité qui leur était offerte
autrefois puisse disparaitre. Cette discrétion que faisait montre le banquier était un facteur
276
T.D. COCCA, Le secret bancaire en mutation: conséquences et perspectives pour la gestion de
fortune privée, R.P.E, 2009, p.1.
- 124 -
important d’attraction pour la place financière suisse. Mais aujourd’hui avec les
nombreuses concessions faites par la Suisse, l’on peut s’interroger si la part importante
des fonds qu’elle a longtemps gérés pour le compte des déposants étrangers ne va pas subir
une régression. L’on assiste depuis les démêlés de l’affaire UBS une perte progressive des
banques helvétiques de leur clientèle étrangère (277)
, affectant la gestion offshore des
fortunes, domaine dans lequel les banques suisses détienne une part importante du marché
mondial de l’ordre de 30% à 40% (278)
. Il convient cependant à préciser que cette
délocalisation ne pourra pas se faire si rapidement car les clients doivent être renseignés
sur les conséquences de la politique Suisse en l’état actuel en matière d’échange
d’informations. Aussi, l’OCDE milite grandement à ce que les grandes places financières
et les paradis fiscaux puissent adopter les standards internationaux en matière fiscale. Cette
uniformisation des règles internationales ne serait pas en soi une mauvaise nouvelle pour la
Suisse.
258. Fuite des capitaux vers des lieux plus opaques. Cependant, certaines places
financières asiatiques (Hong-Kong, Singapour) rechignent à adopter ces standards. Elles
pourront devenir, à la longue, des places privilégiées pour la fuite des capitaux. Il est dès
lors de la plus haute importance que l’OCDE entre en négociation avec ces territoires afin
d’éviter des distorsions dans la concurrence fiscale internationale. Cette délocalisation
affectera inéluctablement l’économie helvétique.
B-) Une économie suisse fragilisée.
259. Des changements inéluctables. « La Suisse est une économie ouverte, fortement
intégrée dans l’économie mondiale, et ce non seulement au niveau des échanges
commerciaux de marchandises, mais également au niveau des échanges internationaux des
services, qui sont en pleine expansion. La Suisse compte d’ailleurs parmi les principaux
exportateurs de services financiers » (279)
. Ce rôle croissant, que la Suisse a joué durant ces
dernières années, n’a plus la même portée qu’autrefois. Aujourd’hui, il est évident de dire
que « le secteur financier fait en règle générale partie des secteurs économiques très
277
Ibid. 278
S. GUEX, op.cit, p.2. 279
M. ZUMSTEIN, Importance du secteur financier suisse et position de négociation du Conseil fédéral, in
Place financière suisse, évasion fiscale et intégration européenne, (sous la dir.) R.SCHOWK, Euryopa,
Genève, 2002, p.85.
- 125 -
réglementés. Plusieurs comités internationaux veillent au respect de toute une série de
normes minimales acceptées sur le plan international pour réglementer les places
financières. Les défis à relever sont d’autant plus grands pour les autorités ; en particulier
pour celles d’une petite économie comme la Suisse, dont le secteur financier est
comparativement très important » (280)
. La recherche de cette application minimale des
règles internationales a fortement égratigné le secret bancaire suisse. Ce statu quo produit
inéluctablement des effets sur l’économie suisse.
260. Le poids économique des activités bancaires. Le secteur financier est cardinal pour
l’économie helvétique. Le domaine dans lequel la Suisse a excellé est sans l’ombre doute
le secteur de la gestion des fortunes. D’après les estimations de la banque UBS, en 1998,
avaient montré que les plus-values dans le domaine de la gestion des fortunes s’élevaient à
près de 22 milliards de franc suisse, soit près de 60% des plus values créées dans
l’ensemble du secteur financier et près de 43.000 emplois y était rattachée (281)
. L’on
remarque que ce secteur peut être considéré comme l’un des poumons de l’économie
helvétique. En 2001, les estimations du montant de la fortune gérée par la Suisse était de
près de 4000 milliard de FS, et 58% de ce montant, soit 2300 milliards de FS
proviendraient des déposants étrangers (282)
. Et le secteur bancaire en Suisse aurait crée
plus de 100 milles emplois. Si le secret bancaire venait à disparaitre, cela affecterait
l’économie toute entière de la Suisse, sa survie est donc une question importante pour la
préservation des emplois que le secteur bancaire a généré. Il faut donc le protéger car la
suppression du secret bancaire « serait une catastrophe pour la place financière, qui se
paierait par des pertes massives d’emplois » et pour la Suisse, elle « (…) aura donc à
terme des conséquences dramatiques » (283)
. Somme toute, si la mort du secret bancaire
semble être programmée, il sied de dire que l’on pourra assister à la fin éventuellement de
la concurrence fiscale.
280
Ibid. 281
Ibid, p.86. 282
S. GUEX, op.cit, p.2. 283
J. ZIEGLER, Mort programmée du secret bancaire, Le Temps, Février 2001, p.12
276
OCDE, Concurrence fiscale dommageable : un problème mondial, Rapport, 1998, p.76.
- 126 -
C-) La fin de la concurrence fiscale.
261. Répercussion. La mort du secret pourrait avoir pour signification que, la concurrence
fiscale à laquelle se livraient les Etats tend vers sa fin. Or, la concurrence est un élément
important du développement des marchés économiques. Le combat mené contre les paradis
bancaires malgré leur fondement justifié aggravera certainement l’instabilité économie. En
effet, le maintien d’une telle concurrence fiscale « décourage notamment les
gouvernements d’adopter des régimes confiscatoires freinant l’esprit d’entreprise et
pénalisant l’économie, et évite un nivellement vers le haut de la pression fiscale » (284)
. Si
cette institution importante de la concurrence disparaissait, l’équilibre qui existait jusque là
vacillera.
262. Rôle positif des paradis fiscaux dans la concurrence fiscale. Aussi, les discours
que les grandes puissances tiennent sont teintés parfois d’hypocrisie. En effet, dire qu’ « il
n’y plus de paradis fiscaux et laisser croire que l’économie mondiale sortie de la crise
pourra se dispenser de cette précieuse ressource, ce n’est qu’un propos d’estrade » (285)
. Il
sera difficile de combattre les paradis bancaires ou même les refuges fiscaux. Car leur rôle
dans l’économie mondiale est salutaire. De même, ils permettent de tempérer la hausse de
la charge fiscale et cet ingrédient est indispensable. A la vérité, « les paradis fiscaux
augmentent ainsi l’efficacité des marchés internationaux des capitaux et, partant,
l’efficacité de l’allocation de capital vers les investissements les plus productifs. Ils
encouragent par là même l’augmentation du niveau de vie. Les paradis fiscaux profitent
donc à tous les résidents, qu’ils en fassent directement ou non. Ils servent à canaliser les
capitaux en évitant une double, voire triple imposition dans les pays fortement imposés et
mènent à une prospérité supérieure dans ces pays là. Ils servent en quelque sorte à limiter
l’assujettissement excessif des ressources productives à l’impôt et à atténuer le gaspillage
et la dissipation qui caractérisent en grande partie la gestion publique, en particulier dans
les grands Etats centralisés » (286)
. Cela dit, l’on peut comprendre que le maintien de
certaine institution est utile et leur fin serait désastreuse. Pourtant il important de limiter
285
T. GODEFROY, P. LASCOUMES, Havres fiscaux et les places financières sous régulées Les cycles
d’une attention politique improductive, Dossier savoir/agir, p.25. 286
P. BESSARD, op.cit, p.18.
- 127 -
parfois les abus que l’on constate sur ces territoires. La méthode de la « carotte et du
bâton » semble être la voie de l’équilibre, de la justice, de l’équité même.
263. Le maintien du secret bancaire. Il est donc inadéquat de chercher à faire mourir le
secret bancaire. Mais plutôt, le maintenir avec des adaptions importantes tout en prenant en
compte l’environne économique du monde. La mondialisation en tirera davantage profit, et
sans la concurrence l’on assisterait à la stagnation des marchés des capitaux. L’ombre tout
comme la lumière, doit pouvoir jouer son rôle. Trop d’ombre serait un danger.
Conclusion de la deuxième partie :
264. Conséquences des pressions exercées envers la place financière helvétique. Les
pressions de la communauté internationales, ont conduit la place financière à changer son
discours, sa législation et de faire un certain nombre de compromis. C’est ainsi que nous
avions vu la Suisse levée sa réserve qui faisait obstacle à l’échange de renseignements en
matière fiscale et de prendre les mesures nécessaires pour coopérer avec ses partenaires.
Malgré que certains obstacles demeurent encore, l’évolution des rapports de la Suisse avec
ses partenaires est passée, à un véritable dialogue constructif. Le secret bancaire, autrefois
« intouchable » tend certainement vers un simple devoir de discrétion susceptible d’être
levée en cas de fraude fiscale ou lors de la commission d’une infraction pénale.
L’administration fiscale de l’Etat requérant peut, sous le respect de certaines conditions,
être aidé et même assistée par les autorités compétentes suisses. « L’alternative réside dans
La coopération internationale face au détricotage des systèmes de redistribution d’impôt »
(287).
265. Il est remarquable de constater que tous ces progrès ont fini par édulcorer le secret
bancaire suisse. Il semble avoir perdu de sa superbe d’antan. Le contexte actuel de
l’économie mondial ne saurait tolérer le maintien des systèmes opaques favorisant le
crime. Ce combat s’internationalisant, justifie donc les agressions dont a été victime la
place financière suisse. L’assainissement des flux des capitaux est devenu une exigence
afin d’empêcher les criminels d’avoir accès aux services bancaires. Toutes ces raisons, ne
287
M. LEWIS, L’évasion fiscale internationale et pauvreté, article paru dans le Social Watch Report 2006,
Montevideo, sous le titre : « Global tax evasion ».
- 128 -
laissent rien présager de bon pour la place financière suisse, et du secret bancaire en
général. L’avenir du secret semble empreint de nombreuses zones d’ombre, d’incertitude.
Pourrait-elle résister aux pressions actuelles avec la ténacité d’autrefois !
- 129 -
Conclusion générale :
266. Autrefois sacralisé, le secret bancaire semble subir l’usure et l’injure du temps. En
effet, l’heure n’étant plus à l’observation et à laisser choir les systèmes économiques, sans
rien faire de la part des Etats serait une attitude irresponsable. Les actions ont été menées
pour essayer de réguler les flux internationaux circulant dans les juridictions opaques. Tout
doit être transparent, même la circulation de l’argent. La communauté internationale
s’étant rendu compte que la crise économique a été occasionnée par l’absence de contrôle
effectif des activités bancaires ayant profondément conduit à l’effondrement de l’économie
mondiale. Depuis, les pressions n’ont cessé de croitre, des rencontres internationales se
sont multipliées pour trouver des solutions à la crise. A cet effet, tous les systèmes
bancaires ne fournissant pas assez de transparence dans les flux de capitaux ont été
dénoncés vertement. Cette situation a conduit à la remise en cause du secret bancaire
suisse, lequel a fait preuve de résistance pendant de nombreuses années. Les pressions
dirigées vers la place financière helvétique ne datent pas d’aujourd’hui. Mais, actuellement
elles ont pris une forme particulière. Cela semble se justifier, car l’évasion, la fraude, la
corruption, le blanchiment d’argent, et le terrorisme se développent par le biais de cette
institution.
267. « L’ère du secret bancaire est révolu » cette phrase mémorable parait être un truisme
à l’aune des évolutions internationales présentes. « Tout n’est sans soute pas encore joué,
mais, sans grande surprise, on peut d’ores et déjà percevoir les grandes lignes du paysage
des paradis bancaires de demain. L’offensive sans précédent menée par quelques
dirigeants de pays à forte imposition contre le secret devrait leur permettre d’atteindre du
moins en partie d’atteindre leurs objectifs » (288)
. Ces objectifs se concrétisent
progressivement. En effet, le Luxembourg, l’Autriche ont renoncé récemment à leur secret
bancaire pour passer à l’échange automatique d’informations. Et la Suisse suivra, nous le
pensons, le pas. « La Suisse est une place financière majeure, pour laquelle le secret
bancaire est un facteur de compétitivité important ; elle est susceptible d’attirer les
capitaux d’origine douteuse en provenance des pays en développement. Ceci implique que
la Suisse doit constamment veiller à ce qu’il n’y ait pas d’abus de sa place financière »
288
T. AFSCHRIFT, Réflexions sur l’avenir du secret bancaire, Institut Libéral, mars 2009, p.1.
- 130 -
(289). Pour éviter les abus potentiels de l’utilisation de sa place financière, elle a accepté
les standards internationaux pour lutter contre l’évasion, le blanchiment en renonçant au
maintien de la protection de son secret bancaire. L’érosion du secret bancaire est manifeste
au point où il se réduit à « peau de chagrin »290
. Certaines prédictions annoncent même sa
levée complète. Il est victime de son époque, entre scandale, crise économique, sa mort est
déjà programmée, il est condamné (291)
à disparaitre. Mais quand ? Nous ne saurons y
répondre avec exactitude et précision.
289
CAD, Examen en matière de coopération pour le développement : Suisse, Dossier du CAD, 2000, vol.1,
n°4, pp.52-53. 290
E.J. NAVEZ, Quelle est encore la portée du secret bancaire fiscal en matière d’impôt sur les revenus,
Kluwer, Doctrine, n°25.941, p.201. 291
S. GUEX, op.cit, p.6.
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U4 EXPERT ANSWER, Les promesses de la CNUCC vis-à-vis de la réduction des flux
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7- Codes, textes, lois.
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- 140 -
- La directive européenne sur la fiscalité de l’épargne;
8- Jurisprudence.
-ATF 120 IV 323, 328
-ATF 129 IV 238, 244= Jdt 2005 IV 87
-ATF 124 IV 274,275
-T.F, 01/12/1933, consid.7et 8, publié in ATF 59 I 272
-T.F, 01 décembre 1933
-T.F, 21 janvier 2003, consid. 4. 3, publié in Archives 72, p.736, traduit in RDAF 2003 II
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-T.F, 20 juin 2005.
-ATF 131 II 627 (635) consid.5.2, RDAF, 2005, II 532 (532
-ATF 131 II 562 (567)
-T.F, 01 décembre 1933, consid.7 et 8, publié in ATF 59 I 272 ;
-T.F, 28 septembre 2007, consid.4.3
-ATF 102 IB (151) 155
-T.F, 28 septembre 2008
-ATF 98 Ib 314 (323)
-T. F, 3 mai 2004, 1 A.3/2004, consid.10.1
-TAF, 29 mars 2013.
- 141 -
TABLES DES MATIERES
Liste des principales abréviations.
Sommaire.
Introduction….............................................................................................1
Première partie : LES PRESSIONS DE LA COMMUNAUTE I NTERNATIONALE
JUSTIFIANT LA LEVEE DU SECET BANCAIRE SUISSE…………………………………………9
CHAPITRE I : LA TRANSPARENCE DANS LES TRANSACTIONS
BANCAIRES……………………………………………………………………………..11
Section I : la notion de transparence et ses contours……………………………………....11
§I-) La notion de transparence…………………………………………………………….12
§II-) Les contours de la notion de la transparence en matière bancaire…………………...14
A-) la régulation des activités bancaires, facteur de transparence………………………...15
B-) L’identifiction du titulaire du c
B-) La traçabilité des transactions bancaires………………………………………………16
Section II : la transparence comme instrument de lutte contre le blanchiment d’argent….21
§I-) Etudes du délit du blanchiment d’argent………………………………………….…..23
A-) Les éléments objectifs de l’infraction…………………………………………………23
a) La valeur patrimoniale provenant d’un crime……………………………………..24
b) La provenance criminelle……………………………………………………….…24
c) L’entrave à la confiscation………………………………………………………...25
d) La personne de l’auteur du blanchiment d’argent…………………………………25
B-) L’élément psychologique (subjectif) du blanchiment d’argent……………………….26
§II-) La recherche de la nature l’origine des fonds déposés dans la place financière
helvétique………………………………………………………………………………….26
- 142 -
A-) l’extension du devoir de vigilance…………………………………….……………...27
1-) Le devoir de clarification. ……………………………………………………...….28
2-) Le devoir de communication ………………………………………………..…….29
B-) Les mesures complémentaires mises en place pour lutter contre le blanchiment
d’argent…………………………………………………………………………………….30
1-)Le blocage du compte………………………… …..……………………………….30
2-) La saisie et la confiscation des avoirs ………...…………………………………..31
§III-) L’exigence de transparence affaiblie par des obstacles……………………………..32
A-) L’usage de l’internet pour des fins de blanchiment d’argent………………………… 33
B-) L’absence d’échange d’information entre les banques ……………………………….34
CHAPITRE II : LE SECRET BANCAIRE SUISSE EN TANT QU’INSTRUMENT
PRIVILEGIE DE L’EVASION FISCALE. ……………………………………………36
Section I : l’évasion fiscale du point de vue de l’OCDE et de l’Union Européenne……..37
§I-) le dynamisme de l’OCDE dans le problème de l’évasion fiscale…………………….38
A-) la dénonciation de la concurrence fiscale dommageable……………………………..38
a-) définition de la concurrence fiscale dommageable……………………………………39
b-) l’évasion fiscale facteur important de la concurrence fiscale dommageable………….39
c-) la lutte contre les paradis fiscaux………………………………………………………41
B-) Les mesures prises par l’OCDE dans la lutte contre l’évasion fiscale……………….43
§II-) L’évasion fiscale au sein de l’Union européenne……………………………………46
A-) l’ampleur du phénomène……………………………………………………………...47
B-) Une construction difficile de l’harmonisation de la fiscalité de l’épargne au sein de
l’Europe……………………………………………………………………………………48
1-) Avant l’accord de Feira…………………………………………………………......48
2-) Le compromis de Feira………..……………………………..………………….......49
C-) Le dialogue nécessaire de l’Union Européenne et la Suisse sur la fiscalité de
l’épargne…………………………………………………………………………………..50
- 143 -
D-) les mesures prises par l’Union européenne pour combattre l’évasion fiscale………...51
a-) La législation pénale communautaire………………………………………………….52
b-) l’échange automatique d’information entre les Etats-membres de L’Union
européenne………………………………………………………………………………..52
Section II : l’évasion fiscale en droit interne suisse……………………………………….55
§I-) Délimitation juridique de l’évasion fiscale…………………………………………...57
1- L’économie d’impôt……………………………………………………………….57
2- Les infractions fiscales………………………………………………………….....59
a)La soustraction d’impôt………………………………………………………….59
b) La fraude fiscale………………………………………………………………...60
3- la simulation……………………………………………………………………….60
4- La distribution dissimulée des bénéfices ………………………………………….61
5- L’interprétation économique………………………………………………………62
§II-) conditions et fondements de l’évasion fiscale……………………………………….64
A-) Les conditions de l’évasion fiscale……………………………………………………64
B-) Les fondements de l’évasion fiscale…………………………………………………..66
a) L’évasion fiscale au regard su principe de la légalité……………………...…66
b) l’évasion fiscale au regard du principe de bonne foi…………………………67
c) l’évasion fiscale au regard du principe de la prohibition de l’arbitraire……...68
d) L’évasion fiscale au regard du principe de la prohibition de l’abus de droit…69
Conclusion de la première partie………………………………………………………..70
PARTIE DEUXIEME : LES ATTENTES DE LA COMMUNAUTE INTERNATIONALE ENVERS LE SECRET BANCAIRE SUISSE…………………………………………………………… 72 CHAPITRE I: LA NECESSITE D’UNE COOPERATION INTERNATIONALE……………74 Section I: L’érosion du secret bancaire en matière d’entraide pénale……………………..75
§I-) Le respect des conditions en matière d’entraide pénale………………………………76
- 144 -
A-) La condition de la double incrimination………………………………………………76
B-) Le principe de spécialité en matière d’entraide judiciaire pénale……………………..78
C-) Les principes de la réciprocité et de la proportionnalité en matière d’entraide judiciaire
pénale……………………………………………………………………………………...79
§II-) La procédure en matière d’entraide judiciaire………………………………………80
§III-) L’octroi de l’entraide judiciaire pénale sur la base des traités internationaux……..81
Section II : L’assistance administrative internationale fiscale…………………………….82
§I-) Les fondements de l’octroi de l’assistance administrative…………………………...83
A-) Les standards internationaux de l’OCDE en matière d’échange de renseignements…83
B-) L’aménagement nécessaire du droit interne suisse………...........................................84
§II-) Les modalités d’application de l’assistance administrative en matière fiscale…...…85
A-) Les CDI et l’AERF……………………………………………………………………85
B-) L’assistance administrative accordée sur demande…………………………………...87
§III-) Le déroulement de la procédure d’assistance administrative……………………...89
A-) L’examen préalable de la recevabilité de la demande………………………………...90
B-) L’acceptation possible de l’assistance administrative et la transmission des
renseignements…………………………………………………………………………….91
C-) Le respect des procédures de recours………………………………………………….91
§IV-) Une possibilité envisageable pour la Suisse d’accorder une assistance dans le
recouvrement de l’impôt…………………………………………………………………..92
A-) L’analyse de la coopération en matière de recouvrement d’impôt……………………94
B-) La position de la Suisse en matière de la coopération pour le recouvrement de
l’impôt……………………………………………………………………………………..95
Section III : Les obstacles de la coopération internationale……………………………….96
§I-) La protection de la souveraineté fiscale helvétique…………………………………..97
- 145 -
§II-) Le refus d’entraide en cas de demande basées sur le vol des données bancaires……99
Chapitre II : L’AVENIR DU SECRET BANCAIRE SUISSE………………………100
Section I : La refonte du secret bancaire suisse…………………………………………..100
§I-) La portée de la décision du Conseil Fédéral du 13 mars 2009………………………102
§II-) La suppression souhaitée de la distinction entre la fraude fiscale et l’évasion
fiscale…………………………………………………………………………………….103
A-) Quelle est la portée actuelle de la distinction entre la fraude fiscale et la soustraction
d’impôt en droit interne suisse ?........................................................................................104
B-) Les incidences de la disparition de la distinction entre la fraude fiscale et soustraction
d’impôt…………………………………………………………………………………...106
§III -) Un îlot de résistance pour la refonte du secret bancaire : la protection de la sphère
privée du contribuable. …………………………………………………………………..107
A-) Les fondements de la protection de la vie privée du contribuable…………………...108
B-) Les justifications de la protection de la sphère privée du contribuable……………...110
Section II : Vers la délitescence du secret bancaire ?.........................................................111
Paragraphe I : Les causes de la mort prochaine du secret bancaire……………………...112
A-) Des pressions fortes justifiant l’assainissement des finances internationales………..113
B-) Le secret bancaire face à un nouveau défi : le terrorisme……………………………113
1- La notion de terrorisme…………………………………………………………....114
2- Le rapport entre secret bancaire et terrorisme…………………………………….115
C-) FACTA : un accord mortel pour le secret bancaire suisse…………………………...115
Paragraphe II : Les conséquences de la disparition du secret bancaire suisse…………...117
A-) La délocalisation des capitaux vers des havres fiscaux plus attractifs………………117
B-) Une économie suisse fragilisée………………………………………………………119
- 146 -
C-) La fin de la concurrence fiscale……………………………………………………...120
Conclusion de la deuxième partie :………………………………………………………121
CONCLUSION GENERALE........................................................................................123
BIBLIOGRAPHIE……………………………………………………………………...125
TABLE DES MATIERES……………………………………………………………135