Des marchés aux normes

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DES MARCHES AUX NORMES Laurent THÉVENOT in Allaire, G., Boyer, R. (eds.), 1995, "La grande transformation de l'agriculture : lectures conventionnalistes et régulationnistes ", Paris, INRA-Economica, pp.33-51.

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DES MARCHES AUX NORMES

Laurent THÉVENOT

in Allaire, G., Boyer, R. (eds.), 1995,"La grande transformation de l'agriculture :

lectures conventionnalistes et régulationnistes", Paris, INRA-Economica, pp.33-51.

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Le chapitre que l'on va lire rassemble des textes quitraitent, dans le secteur agro-alimentaire, de la qualificationdes biens produits et commercialisés, du recours à des marques,labels, appellations contrôlées, normes, etc., aussi bien que dela qualification des personnes impliquées dans leur fabrication1.Voilà un rassemblement qui aurait paru bien incongru, il y a unedizaine d'années.

Loin de constituer un objet de recherche fondamentale, lesétudes sur la qualité et l'identification des produits étaientplutôt développées au sein même de l'entreprise ou dans desdisciplines étroitement liées à sa gestion. En outre, ces étudesétaient menées dans deux perspectives tout à fait divergentes quicorrespondaient à une différenciation fonctionnelle del'entreprise. Ingénieurs et techniciens engagés dans la productions'attachaient au contrôle de la qualité des produits manufacturésen utilisant des techniques de test et d'inférence issues de lastatistique. D'autre part, des spécialistes du marketing sesouciaient (et se soucient toujours) de la conception, de l'imagedes produits et de leurs diffusions auprès des clients, ens'intéressant à leurs imaginaires ou à leurs styles de vies et entablant sur les signes dont les marchandises doivent être lesvecteurs. Pour ce faire, ils mettent en œuvre des techniquespropres inspirées de travaux de psychologie, de sociologie, et desémiologie, et visant à contrôler le marquage symbolique desproduits.

Ces deux approches ne sont pas simplement juxtaposées dansl'entreprise. On caractérise souvent les changements profonds desannées 80 par un renversement du poids relatif des acteurssupportant chacune d'elle. Le primat antérieur de la définitiontechnicienne d'une qualité mesurée à la sortie de la chaînelaisserait place à celui d'une définition marketing, en amont,armée de méthodes destinées à appréhender et à capter les désirsdu client. Cependant ce constat ne suffit pas, même si l'on reste

1 Ce texte a bénéficié, outre des échanges rendus possibles par les rencontresde Souston dont rend compte le présent ouvrage, de discussions qui se sontdéroulées dans le cadre de la journée d'étude "Normalisation et certification"(24 mars 1993). Cette journée a permis la confrontation, dans le cadre duprogramme "Conventions et coordination de l'action" de l'Institut Internationalde Paris La Défense, d'enquêtes et de recherches menées sur ces thèmes au Centred'Etudes de l'Emploi, à l'INRA (Toulouse) et au GSPM (EHESS-CNRS). Il a tiréégalement profit de la reflexion collective du séminaire "Les objets dansl'action" organisé dans le cadre de ce même programme (Conein, Dodier, Thévenot1993).

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au plus près de l'entreprise. La très large diffusion de méthodesde management qui s'avancent sous l'étendard de la "qualité"obligent à considérer les rapports entre des approches autrefoislargement indépendantes. Elles intègrent en effet des techniquesde mesure de la fiabilité avec un ensemble de procédures destinéesà rapprocher le producteur du désir fluctuant du client. Lacompréhension de cette intégration réclame donc d'embrasser desapproches très différentes dans un cadre théorique unifié qui nesoit donc pas d'analyse.

L'enjeu d'une réflexion systématique sur les modes dequalification est également renforcé aujourd'hui par l'ampleurproprement politique des débats sur la normalisation et surl'autorité respective des Etats nationaux et des instanceseuropéennes de régulation en matière d'édiction de marques, normesou labels.

L'interrogation sur la qualification des personnes a marquéde plus longue date la recherche en économie et sociologie dutravail. Cependant, l'investigation sur les qualités de la maind'œuvre exploitée dans l'entreprise et sur sa valorisation s'estdéveloppée indépendamment de toute réflexion sur la qualificationparallèle des biens. La distance était particulièrement grandeentre des approches techniques ou commerciales des produitsmanufacturés, qui se développaient au sein et autour del'entreprise et, d'autre part, des théories économiques ousociales qui mettaient l'accent sur des lois générales réglant leséchanges marchands ou les rapports sociaux. Les notions de qualitéou de qualification se trouvaient enfermées dans des acceptionstrès restrictives.

Les temps ont bien changé. Les études sur la qualité desbiens et des services, sur les standards, les normes et, plusgénéralement, les règles encadrant les transactions marchandes, setrouvent aujourd'hui non seulement au centre des débats sur lesnouvelles formes d'organisations productives et les méthodes demanagement qui les facilitent, mais aussi au centre desdéveloppements théoriques les plus récents en économie. Loin de larumeur bruissant autour des méthodes qui promeuvent "cercles dequalité" et "qualité totale", les néoclassiques s'intéressent deprès aux conséquences dévastatrices sur l'équilibre de marchéd'une incertitude sur la qualité des biens marchands. Leséconomistes les plus orthodoxes rejoignent ainsi des thèmesdéveloppés en propre par des travaux sur l'économie desstandards (David 1988) et, en France, des recherches entreprisesdepuis dix ans sur l'économie des formes conventionnelles

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(Thévenot 1984, 1986; Eymard-Duvernay 1987, 1989b). Le renouveaude l'économie industrielle passe également par une étude plusattentive de la place des standards et des normes et desconvergences apparaissent avec les recherches d'une économie desconventions qui s'est notamment développée à partir d'uneréflexion sur les investissements dans des standards, des marquesou des qualifications professionnelles, et sur les problèmessoulevés par le doute sur la qualité des biens (Aglietta et Orléan1982, Orléan 1991).

Le secteur de l'agro-alimentaire est de ceux où la floraisonde travaux sur ces thèmes a été la plus notable. Cela tient àl'ancienneté des recherches sur les formes institutionnelles derégulation et à la mise en œuvre d'outils récemment forgés enéconomie des conventions. Mais cela tient également à l'évolutioncritique du secteur qui a ouvert un espace de discussion sur lespolitiques à mettre en place. Cette ouverture a mis fin auxsimplifications dans l'appréciation antérieure du bon mode dedéveloppement, et permis de mettre en valeur une pluralité desystèmes productifs (Allaire 1988 et sa contribution à ce volume)qui était plus difficilement reconnue dans la période antérieure.La discussion sur les politiques à mener s'est très vite portéesur la question de la qualité des produits, sur son évaluation etsur les moyens de la promouvoir.

L'étude des opérations de qualification, qu'elles portent surdes objets ou des personnes, est liée à un enjeu de taille dans lathéorie économique. Elle conduit en effet à reconsidérer la notiond'information en la situant dans la perspective d'une coordinationdes activités. Nous voudrions souligner ce point dans une premièrepartie. Dans une deuxième partie, nous nous intéresserons auxcompromis que les diverses procédures de marquage frayent entre lacoordination marchande et d'autres modes de coordination. Dans unetroisième partie, nous porterons attention à la dynamique de cesqualifications et à l'implication des acteurs dans cettedynamique. L'éclairage que les travaux réunis dans ce chapitreapportent sur la dynamique des marques (dans un sens large), leurcréation, leur maintien et leur révision, permet de reconsidérerl'opposition entre une approche historique et contextualiste desconventions, règles et standards, et une approche qui met l'accentsur la généralité de ces repères et leur mise en cohérence.L'étude des différents lieux de gestion de ces repères permet d'entirer des implications macroéconomiques, de dégager certaineslignes de forces et de contribuer ainsi à l'analyse de nouveauxrégimes de régulation (Boyer 1990).

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1. INFORMATION ET COORDINATION DES ACTIONSLa prise en compte de l'information dont disposent les agents

économiques est à l'origine des bouleversements les plus radicauxqu'a connus la théorie économique par rapport au modèle del'équilibre général. C'est la reconnaissance de défauts oud'asymétries d'information qui a affecté en profondeur le cadred'analyse des relations marchandes. Elle a conduit à passer d'uneéconomie des échanges à une économie des contrats, et à élaborerune théorie de l'agence propre à rendre compte de l'efficacité demécanismes réglementaires autrefois réduits au rôle d'obstacles aulibre jeu du marché. Le maniement de cette notion d'information apermis des progrès impressionnants dans la discipline, grâce auxformalisations dans lesquelles elle trouvait aisément place. Maiselle est aussi responsable de blocages qui nuisent sans doute audéveloppement d'une théorie de la coordination des activitéséconomiques.

La notion a pris toute son ampleur dans une théorie del'information que Shannon (Shannon et Weaver 1949) a développée etqui, inspirée des technologies de communication, représentel'information comme un message transmis par un canal moyennant uncode connu de l'émetteur et du récepteur. Cette approche,congruente avec la cybernétique de systèmes qui sont envisagés àpartir des échanges d'informations et des rétroactions, se prêtebien au calcul et à la construction de représentations agrégées :on connaît le succès de considérations très générales surl'entropie des systèmes, exportées bien au-delà des limites devalidité de modèles dans lesquels cette notion trouvait sapertinence.

Le succès de la notion d'information n'est pas sans rapportavec le souci, qui n'est pas si ancien (Desrosières 1993), deprobabiliser le raisonnement économique. On perçoit mieuxaujourd'hui les limites d'une entreprise qui s'émerveillaitd'étendre l'économie à l'incertain, sans parler des tentativesplus grossières encore pour traiter l'information comme unemarchandise. Les intuitions d'un Keynes dans son Traité desprobabilités que Favereau a si justement relevées (Favereau 1983)ou celle d'un Shackle qui ont de longue date attiré l'attentiond'Orléan (Orléan 1986), ont guidé une réflexion contemporaine surla différence entre une incertitude probabilisable et uneindétermination beaucoup plus radicale des états du monde.

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Un premier bénéfice à tirer des recherches présentées icitient à la façon dont elles rapportent l'information à un support,mettant en évidence les investissement de forme qui sontnécessaires pour établir les repères communs qu'exigent la notiond'information. Impossible de ne pas voir, dans l'étude desmarques, normes ou labels, tout le travail préalable à laconstitution de références communes qui autoriseront à parlerd'"information". Mais cette étude fait ressortir un autre aspectmasqué par la notion courante d'information : les repères utiliséspour discriminer l'information sont relatifs à une formed'évaluation, à un jugement de valeur. Tous les repères perceptifsne s'inscrivent pas dans une évaluation, objectera-t-on en citantl'exemple des couleurs2. Mais il se trouve que les informations quinous intéressent le sont et ce caractère évaluatif tient à cequ'elles trouvent leur pertinence dans la perspective d'unecoordination d'actions qui suppose une mise en ordre des traitspertinents. Que l'information véhiculée par le prix soit liée àune valeur est une évidence, mais il en est de même d'uneinformation en terme de notoriété dans l'opinion, de fiabilitétechnique ou de réputation. Comment rester aveugle à la différencede nature entre des "informations" qui reposent respectivement surla notoriété d'un logo, les mesures d'un laboratoire d'essai, oul'appellation d'origine attachée à un terroir et à des savoir-faire traditionnels ? L'analyse de l'information ne doit donc passe limiter à l'identification des imperfections ou des asymétriesmais prendre en compte la relation de pertinence avec undispositif dans lesquelles elles servent à juger3.

2 On pourrait cependant exhiber des situations dans lesquelles les couleurselles-mêmes engagent des jugements de valeur, comme se plaisent à le soulignerles spécialistes du packaging (Caron 1992).3 Arrow (1987) esquisse un mouvement dans le sens de cet argument lorsque,commentant Dasgupta et David (1987), il fait état d'une allocation suboptimaledes ressources lorsque l'information produite pour les besoins d'une institutionou d'une organisation est utilisée pour les besoins, différents, d'une autreinstitution ou organisation (cf. David 1991). Notons que les différences denature de l'information ne sont pas alors rapportées à des ordres de pertinencemais à des institutions ou organisations particulières. Toutefois, dans desremarques orales à un exposé sur le rapport entre type d'information et mode decoordination (Thévenot 1989d), Arrow abonde dans le sens d'une dissociationentre information pour le marché et information pour la réputation à partird'une illustration sur le cas des universitaires. On pourra rapprocher cetteillustration de l'étude qu'a consacrée David (1991) aux rapports entre lagestion des informations scientifiques et celle des informations techniques.

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1.1. Investissements de formes conventionnellesDans l'approche en termes d'investissements de forme, nous

avons replacé la question de l'information dans la dynamique de saconfection et dans l'économie de son usage. Plutôt que de traiterl'information comme une donnée inégalement connue des agents, nousnous sommes intéressés aux opérations nécessaires pour laconstituer, aux bénéfices que les acteurs pouvaient en attendredans la coordination de leurs actions avec d'autres, et auxlimites de ces bienfaits. Nous voulons envisager la contraintepragmatique de la coordination d'actions effectives, en tenantcompte des limites des capacités cognitives et interprétatives desagents, au lieu de partir d'un modèle de l'acteur rationneloptimisateur qui ne tient pas compte de cette économie cognitiveet qui réduit en outre l'action à une décision (Thévenot 1990b).

Le déplacement opéré par rapport à la notion classiqued'information est visible sur plusieurs points.

a) L'investissement d'une forme de généralité assurantrapprochements et équivalences trouve place dans une économiecognitive qui prend acte des capacités cognitives limitées del'acteur et de la nécessité dans laquelle il se trouve deconcentrer son attention sur des repères limités susceptiblesd'être tenus pour communs.

b) L'information est placée dans le mouvement de l'action etappréhendée par des repères qui sont créés et modifiés dans cemouvement qui engage des objets. La notion d'information estétroitement liée à celle d'objet. C'est leur mise en formeconventionnelle, à partir d'une caractérisation commune, qui faitdes objets des supports d'information commune.

c) La notion d'information suppose des repères communs etdoit être située dans la perspective d'une coordinationproblématique d'actions avec d'autres. Les formes investies sontdes biens collectifs liés à des externalités, et les retours d'uneforme conventionnelle tiennent à la coordination qu'ellespermettent.

d) On ne peut traiter l'information comme une donnéetransmise, en dehors de la dynamique de constitution et derévision des repères au fil des actions qui leur confèrent leurpertinence. Cette dynamique dépend de la clôture du jugement depertinence4.

4 Notons que ce mouvement rejoint celui qui a caractérisé le tournant de lapragmatique et l'approche du langage à partir des indéterminations de lasituation de communication. S'appuyant également sur la critique du modèle ducode dans la communication, les approches pragmatiques de la communication

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1.2. Dynamiques des repères : justifications générales ouajustements locaux

Comment s'établissent, se maintiennent et se révisent lesrepères ? L'examen de la dynamique des repères communs montre queles acteurs, pour économiser le coût du tâtonnement et les risquesd'une issue incertaine (l'adoption d'un autre repère), peuventréduire l'arbitraire du repère en cherchant à récupérer desinvestissements de forme déjà réalisés antérieurement, et enarticulant les nouvelles formes sur ces formes déjà investies. Lanature de l'opération d'articulation dépendra alors descontraintes de cohérence qui pèsent sur cette articulation.

Dans l'étape de notre recherche portant sur les modesgénéraux de justification (Boltanski et Thévenot 1987, 1991), nousnous sommes intéressés aux situations dans lesquelles cescontraintes étaient les plus fortes. L'objectif des acteurs estalors de s'accorder sur un ordre de justification qui permetted'encadrer les disputes sur les bons repères et sur leursinterprétations. Les exigences de cohérence dans l'articulationentre formes conventionnelles font de ces ordres de justificationdes cadres très généraux pour gouverner la coordination. Ils sontbien adaptés à des situations dans lesquelles les ajustementsrespectifs doivent s'étendre à une large communauté d'autresacteurs inconnus ou traités anonymement, sans la connaissancequ'assure la familiarité. La pertinence qui régit la sélection etla mise en cohérence des repères est alors liée à une notion debien commun valable pour l'ensemble de la communauté. Le format del'information apparaît clairement lié au mode de coordination danslequel elle trouve sa pertinence (production, échange marchand,relation de confiance, diffusion d'opinions, etc.) etl'information ne vaut que dans une dynamique de preuve, d'épreuve.De cette analyse, on tirera une ligne méthodologique : appréhenderles repères à partir de leur mise à l'épreuve, lorsqu'il s'agit deles utiliser dans une situation particulière ou lorsque, plusgénéralement, leur pertinence est mise en question.

Cette ligne apparaît particulièrement fructueuse pouréclaircir les usages de la notion de "qualité" qui se prête à tantde glissements de sens. On ne peut en rester à des considérationsgénérales sur le caractère collectif ou social de la qualité, ousur la confiance qui la soutient. Il faut rapporter la qualité àl'épreuve de qualification, c'est-à-dire aux moments critiques

reportent sur le contexte de la situation et l'exigence de pertinence (Grice1957) dans la selection de traits (Sperber et Wilson 1986) une partie de lacharge de coordination.

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dans lesquels les repères de qualité sont mis à l'épreuve etsuscitent des débats sur leur pertinence. Il n'est pas dedéfinition substantielle de la qualité en dehors de la perspectived'une épreuve de qualification.

Si les modes généraux de qualification correspondent à destypes d'épreuve dans lesquels est visée une coordination trèsgénérale, il est clair, comme le montrent bien les cheminementsvers de nouvelles normes ou l'étude de la genèse d'une appellationcontrôlée (Letablier et Delfosse, dans ce volume), que lescontraintes de cohérence peuvent être moindres, ce qui justifie deparler de repère plutôt que de convention afin d'embrasser uneplus grande gamme d'exigences sur leur caractère commun. Une desvoies pour préciser ces différences, au delà d'une invocation ducaractère local du repère, consiste à caractériser l'étendue dubien commun sur lequel s'effectue la clôture du jugements. Parrapport à quel bien s'évaluent les actions et s'établissent lesrepères ? Loin de devoir toujours satisfaire une exigenced'universalisation qui se manifeste dans un jugement de valeurlégitime, le bien commun peut se clore sur une communautéd'acteurs restreinte à ceux qui sont impliqués dans une actioncommune, ou encore sur l'espace familier d'un individu qui ajusteson action sur des repères personnalisés (Thévenot 1990d). 1.3. Dispositifs de coordination et compromis

La différenciation des ordres de qualification permetd'analyser les instruments de qualification (organismes decertification, dispositifs d'expertise) mais aussi d'autresdispositifs qui organisent la coordination des activités, del'atelier à l'entreprise et aux relations entre l'entreprise etdes agents extérieurs. Dans une approche des organisations qui metl'accent sur leur rôle dans la coordination desactivités (Favereau 1992), on cherchera à relier la question de laqualification des produits à l'identification de la qualité desressources humaines, à la gestion de la relation salariale, ouencore à la modalité privilégiée de relation avec les clients,usagers ou fournisseurs. L'orientation privilégiée selon un ordrede grandeur (marchand, industriel, domestique) permet de spécifierdes "modèles d'entreprises" (Eymard-Duvernay 1987, 1990) et des"mondes de production" (Salais et Storper 1992). Mais l'analysedes organisations et institutions suppose d'identifier les typesde compromis qu'elles contribuent à frayer et qui sont sans douteleur raison d'être, compromis entre plusieurs modalités decoordination (Thévenot 1989a, 1990a). Dans le cas des organismes

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et institutions de gestion de la qualité, ou des dispositifs pluslocaux internes à l'entreprise, l'analyse des compromis estparticulièrement utile pour mettre au jour les ambiguïtésattachées à la notion de qualité, mais aussi pour mettre enlumière l'efficacité des articulations qu'elle permet. En outre,le repérage de ces compromis contribue à identifier lescomposantes et la dynamique d'un régime de régulationmacroéconomique. Comme dans le cas des règles concernant lesrémunérations, analysées par Bénédicte Reynaud, l'investigationsuppose de ne pas en rester aux règles elles-mêmes mais d'examinerles "tiers et les experts qui sont des intermédiaires quipermettent l'interprétation et la mise en œuvre desrègles" (Reynaud 1992, p.74)5.

2. LES COMPROMIS DANS LA QUALIFICATION DES BIENS ET SERVICES : LE SOUTIEN DE GRANDEURS NON MARCHANDES

En examinant prioritairement les modes de qualification quisatisfont les exigences de validité les plus larges et supportentdes jugements généralisables, nous avons identifié ceux qui sontles plus aptes à opérer des médiations entre des ajustementslocaux et des coordinations de très large portée. La géométrievariable de l'ajustement des actions que permettent les ordres degrandeur en fait de puissants instruments de coordination.

Chacun de ces ordres de grandeur étant, par construction,doté d'une capacité de médiation entre un niveau micro et unniveau macro, il est tentant pour les acteurs les plus soucieux decette intégration d'entretenir l'utopie d'un monde à une seulegrandeur. On a bien vu cette tentation à l'œuvre dans deux phasessuccessives de transformation de l'économie française. Dans unephase de développement industriel qui a profondément marqué latransformation du secteur agricole et des industries agro-alimentaires, il pouvait sembler que toutes actions, depuis lesmesures politiques globales jusqu'aux décisions les plusélémentaires prises dans l'atelier ou dans l'exploitationagricole, étaient soumises à une même évaluation, selon unegrandeur industrielle, la mise à l'épreuve des évaluations étant

5 B. Reynaud examine ainsi le rôle de la "Commission Nationale d'Interprétationdes Conventions Collectives" et des cabinets de conseil en recrutement quicentralisent et capitalisent les formes utilisées pour l'expertise. Sur cedernier point, voir Reynaud et Najman, 1992.

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orientée vers le progrès et l'investissement technique porteurd'avenir6.

Dans une phase ultérieure, c'est l'ordre de grandeurmarchand, régi par l'épreuve de la concurrence, qui a été présentécomme unique principe intégrateur de l'ensemble des activitéséconomiques, y compris celles qui semblaient les plus éloignées decette logique parce qu'elles étaient associées à des servicespublics ou à des biens collectifs. Tout en reconnaissantl'extension de cette logique marchande, notamment dans une"agriculture commerciale et de service" (Allaire, dans ce volume,p.35), il faudrait se garder de retomber dans un monisme aussipernicieux que celui du modèle antérieur, même s'il n'est pasorganisé autour du même ordre de grandeur. Robert Boyer a démontréque "la plupart des liaisons que postule ce 'régime d'accumulationlibéral' demeurent embryonnaires et n'apparaissent passusceptibles de promouvoir une croissance forte et durable (Boyer1990, p.16).

La différenciation d'une pluralité d'ordres de grandeurmontre que les dispositifs de coordination efficaces sontcomposites et offrent des possibilités de compromis entre cesdifférents ordres. Allaire note que la remise en cause de laproduction de masse se traduit par "une déstabilisation desconventions industrielles correspondant aux schémasd'intensification par les logiques marchandes et par unerecombinaison de l'organisation productive sous une forme plusflexible via des conventions domestiques" (dans ce volume, p.42).L'analyse des entreprises, mais aussi d'organisations telles quecelles qui se cristallisent autour d'une marque, d'un label,conduit à mettre en question les modèles d'intégration qui sedonneraient comme purs, au regard de l'un ou l'autre de ces ordresde grandeur. Il est clair que les activités agricoles, en dépit dudéploiement d'un vaste dispositif de nature industrielle,échappent largement à cette qualification, en raison notamment dela faible standardisation de l'environnement sur lequel cesactivités prennent appui. Comme le soulignent Codron et Rolle dansleur contribution (p.3), contrairement à l'organisation del'atelier automobile qui offre un dispositif approprié au jugementd'efficacité, beaucoup d'interventions n'ont pas, dans

6 Pour souligner les tensions qu'implique l'extension de cet ordre industriel àl'agriculture, Allaire cite l'exemple du comportement économique d'anticipationimpliqué par une utilisation d'engrais qui suppose de "mettre de l'argent dansla terre". Il souligne que ces pratiques se sont faites, à l'origine, dans lesecret (p.18).

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l'agriculture, un effet immédiatement évaluable et restent sansinfluence visible (et donc sans possibilité d'évaluation de latâche) tant que le cycle propre de la plante n'a pas atteint sonterme. Cependant, "s'il n'est pas mis en forme dans les catégoriesde la qualification (professionnelle), ce travail n'est pas pourautant sans qualité". Les recherches sur les systèmes d'emploidans l'agriculture contribuent à faire ressortir la place decoordinations des activités qui ne sont pas de l'ordre del'efficacité industrielle, et qui recourent notamment à dessolidarités familiales (Allaire dans ce volume, p.11).L'importance de ces liens a été mise en valeur dans le modèle desdistricts industriels italiens, opposé à celui de la production demasse. Pour montrer la généralité de ces liens et des qualitésqu'ils supposent, au-delà du cercle d'une famille ou d'unelocalité, il y a lieu de les rapporter à une forme de coordinationplus générale. Ces qualités peuvent en effet trouver place dans unordre de jugement domestique qui permet de les encadrer dans unjugement de confiance et de donner cohérence à un ensemble d'êtreset de relations qui ne s'ajustent pas selon une logiqueindustrielle7. Mais la référence à cet ordre domestique ne suffitpas et ne doit surtout pas servir à réduire l'espace agricole à unmonde unifié par un ensemble de traditions perpétuées.

Dans leur contribution, Codron et Rolle examinent desdispositifs destinés à gérer une main d'œuvre de salariés agricoleen jouant sur plusieurs modes de qualification entre lesquellesils opèrent des médiations et des compromis. L'une desqualifications, particulièrement développée dans le cas d'une maind'œuvre immigrée employée dans le midi de la France, correspond àl'ordre civique et se manifeste dans des formes collectives et desmodalités d'ajustement égalitaires et solidaires au sein deséquipes de travail. Ce mode de qualification donne consistance àdes collectifs qui se trouvent être les véritables "protagonistesde la relation salariale". Cependant, il entre en tension avec unautre mode de qualification réclamé par l'exploitant désireuxd'individualiser les gratifications dans des formes contractuellesindividualisées. Le système des lonnsbedrijfs, développé aux Pays7 Sur la confrontation de traitements industriel et domestique de la productionde lait, et notamment de la vache laitière, voir Darré, "La fonction deproduction de la vache" (1985a), et Darré 1985b. Sur les méthodesd'identification de ces deux modèles, le parallèle entre la qualification desproduits et la qualification des personnes, et leur mise en oeuvre dansl'industrie fromagère, voir Thévenot, "Economie et politique de l'entreprise;économies de l'efficacité et de la confiance" (1989c), et Boisard et Letablier(1987a, 1989).

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Bas (Codron et Rolle, p.9), est destiné à rendre compatible cesdeux formes de coordination en constituant des sociétés desalariés qui louent les services de leurs membres et quipermettent que "les collectifs se détachent des exploitations etacquièrent une reconnaissance juridique".

Les dispositifs de qualification et de marquage des serviceset des biens contribuent donc à l'élaboration de compromis, nonseulement à un niveau infra-sectoriel ou sectoriel, mais aussi àun niveau supérieur aux Etats-nations ce qui, comme on le sait, neva pas sans limiter la souveraineté de ces derniers. Quelle est lanature de ces compromis ? En quoi se différencient-ils de ceux quipeuvent caractériser le régime de régulation antérieur ?2.1. l'empire de l'opinion et les stratégies de marketingDes investissements de forme contribuant à l'identification des biens

L'un des apports de l'économie des conventions a consisté àmettre en évidence les organisations et institutions nécessairesau bon fonctionnement d'une régulation marchande par lesprix (Favereau 1989) et à rompre ainsi avec un certain dualismeétabli entre marché et organisation. Exhiber les investissementsde forme nécessaires à l'équivalence sur les qualités des biens ousur les capacités professionnelles a participé de cetéclaircissement (Thévenot 1984). On trouve une idée voisine dansl'analyse que propose Marsden des conditions nécessaires à laréalisation d'un marché externe du travail, l'instauration depostes et de qualifications standardisés permettant de rendre lesévaluations transférables et la main d'œuvre mobile (Marsden 1989;de telles mises en forme font justement défaut aux activitésconsidérées par Codron et Rolle dans ce volume). Ces diverstravaux offrent un nouvel éclairage à des approches antérieures du"screening" des salariés (Spence 1973, Stiglitz 1975; voirThévenot 1986, pp.60-63).Le marketing et la réduction à l'opinion

Mais les investissements de forme ne participent passeulement à l'identification commune de produits standard. Oncaractérise souvent la période récente d'intensification de laconcurrence par la diversification des gammes de produits. Cettediversification exige de nouveaux marquages. Sylvander note ainsi,dans sa contribution à ce volume, que l'instauration de labels dequalité (label rouge pour la volaille) a participé à ladifférenciation de l'offre de biens. La politique dediversification soulève des problèmes d'identification et l'onpeut considérer, à un premier niveau d'analyse, que les

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appellations contrôlées, label rouge, "provenance montagne" etautres signes distinctifs, apportent donc un soutien aufonctionnement normal du marché. Cette thèse est développée parValceschini dans ce volume, et elle reprend les approches dumarketing et des analystes qui s'en inspirent (Kapferer et Thoenig1989). Toutefois, même dans la littérature de marketing, ilapparaît que la différenciation n'est pas tant un soutien de laconcurrence qu'une stratégie pour contourner ce mode decoordination par les prix. La stratégie de différenciation est unestratégie "hors-prix" (Valceschini, p.8) qui, grâce à desprocédures permettant de se démarquer, évite la pression sur lesprix exercée par la concurrence de produits de qualitésidentiques.L'utilisation stratégique d'autres qualifications

Dès lors que l'on est attentif à la diversité des modes dequalification, apparaissent les limites d'une approche demarketing qui a fait de la marque son cheval de bataille. Le modede coordination privilégié par le marketing n'est pas,contrairement à ce que laisse entendre ce terme ou la notion defonction commerciale, celui de la concurrence par le marché. C'estla coordination par l'opinion qui est en jeu, dans laquelle lavaleur est une notoriété et dont le support n'est pas un bienappropriable mais un signe reconnaissable.

Les dispositifs de marquage qui nous intéressent ici peuventparticiper de cette coordination par l'opinion mais, si l'onréduit la qualification des biens à des signes (Valceschini, p.5),on risque de procéder à une réduction de toutes les autres formesde qualification. Il est vrai que, en vue d'une coordination parl'opinion et de l'épreuve de notoriété qui la caractérise, toutesles autres grandeurs peuvent être utilisées stratégiquement. Cetusage stratégique d'autres grandeurs pour produire des signes, endehors de l'épreuve correspondant à ces grandeurs, se vérifieeffectivement lorsque les spécialistes du marketing "enrobent d'unsemblant de tradition" (Valceschini, p.10), ou entretiennent laconfusion dans l'opinion entre le poulet "label rouge" et lepoulet "fermier" (Sylvander, p.20), ou inventent des labelsécologiques en dehors de tout fondement réglementaire ou techniquepropres à les mettre à l'épreuve.

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2.2. La confiance et l'ancrage de la réputation : unespécification du temps et de l'espaceLa différence entre l'ordre de l'opinion et celui de la confiance

On voit bien les limites de cette réduction de différentesformes de qualification à un répertoire de signes unifiés parl'épreuve de l'opinion lorsque l'on examine les spécificités d'uneépreuve de la confiance et de la qualification qui lui correspond.Il ne s'agit plus alors de la diffusion d'un logo, de lacontamination d'une image, d'un mimétisme de croyances telles quecelles repérées dans les mouvements spéculatifs de l'opinion surles actifs financiers (Aglietta et Orléan 1982). La qualificationselon une grandeur domestique passe par un ancrage dans le lieu etdans le temps et dans une spécification des relations spatiales ettemporelles. Faute d'une analyse des différences entre modes decoordination, notamment entre les qualifications par les prix, parl'opinion et par la confiance, on ne pourra analyser correctementles dérèglements du marché (Akerlof 1970, Stiglitz 1987) quirésultent de la confrontation critique entre des épreuvesdifférentes (Thévenot 1989a, p.190; Wissler 1988, 1989) et que lathéorie néoclassique ne peut appréhender qu'en termes d'asymétried'information.L'ordre de la confiance dans la politique de marque

L'existence d'une marque ne suffit pas à reconnaître unequalification domestique par la confiance. De nombreuses petitesmarques sont déposées par des entreprises appartenant à la filièreintensive (Sylvander, dans ce volume, p.15). Même les dispositifsd'appellation d'origine sont des compromis qui comportent souventdes formes industrielles et qui ne se referment pas sur laconfiance entretenue dans les ventes directes, ou via lesbouchers-volaillers, de poulets "fermiers" sans label (id, p.6).Les produits relevant de l'appellation sont mis dans une formelargement reconnaissable d'un public qui y voit plus qu'une marquedépendant de la réputation d'un producteur, puisqu'il y associe uncontrôle réglementaire certifiant l'appellation8.

Il reste que les qualifications qui accompagnentl'industrialisation d'activités artisanales (Sylvander 1992, p.11)procèdent souvent à la traduction d'enjeux sectoriels et régionauxdans une forme domestique de jugement de confiance. A partir d'uneanalyse de la genèse des appellations d'origine, Marie-Thérèse

8 Toutefois, comme le remarque Allaire, cette mise en équivalence favorisée parl'investissement de forme s'accompagne d'une différenciation interne desqualités selon un ordre qu'établissent notamment des concours stimulés parl'appellation d'origine.

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Letablier et Claire Delfosse mettent en évidence lesjustifications de cet ordre qui passent par l'ancrage dans unterritoire et dans une tradition, et les difficultés lorsque, acontrario, les attaches territoriales se dérobent (cas du Langres).Soulignons que la tradition peut toujours être redéfinie parrapport au présent. L'utilisation du passé dans une coordinationdynamique ne peut, bien qu'elle se réfère à une origine passée quigénère le présent et dessine une histoire, impliquer un simpledéterminisme. Une telle détermination rigide par le passécontredirait en effet les exigences critiques de remise àl'épreuve qui confèrent leur dynamique aux ordres de grandeur etpeuvent s'interpréter aussi bien à partir d'exigences de justiceque d'exigences pragmatiques d'ajustement.

Il est clair que la coordination domestique entre en tensionavec une coordination marchande dès lors que se resserre l'épreuvede la concurrence. Au nom de la concurrence marchande serontdénoncés les barrières à la concurrence (Valceschini dans cevolume, p.13), les monopoles, les "protections de rente régionaleou de micro-secteurs d'activité" (Sylvander 1992, p.5), lessituations d'entraves suscitées par les appellations contrôlées.L'arrêt dit du "Cassis de Dijon" de la Cour européenne témoigne deces dénonciations (id, p.10)9.La différence entre des relations personnelles et un jugement de confiance

L'un des obstacle à une analyse systématique de la généralitéd'une coordination par la confiance tient à sa réduction à desrelations personnelles, ou au manque de spécification de la notionde lien local ou de proximité. Les économistes orthodoxes qui sesont souciés de ce type de coordination ne l'ont appréhendé qu'aumoyen de la notion d'"investissement spécifique" (Klein et Leffler1981, Williamson 1985; voir Thévenot 1989c pp.191-193) sans voirque ces investissements "spécifiques" soutiennent une coordinationgénérale, non limitée à la relation, même durable, engageant deuxcontractants. Les analyses rapportant l'économie de la confiance àun réseau de relations personnelles (Karpik 1989, Granovetter1985) la différencient clairement d'une relation marchande régléepar les prix, mais ne permettent pas toujours de caractériser lagénéralité du jugement de confiance et le transport de sa validitéet d'en marquer les différences avec des relations personnelles,d'amitié ou de voisinage. Les repères utilisés dans le jugement deconfiance doivent permettre des rapprochements au-delà de9 Notons que l'analyse des relations principal-agent (Rey et Tirole 1986) tend àjustifier des contraintes verticales ou des restrictions territoriales (Thévenot1989a, Glais 1991).

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l'expérience partagée d'une histoire commune. On voit clairementcette différence dans les textes de ce recueil qui portent sur ladynamique de confection d'une marque ou d'un label (Letablier etDelfosse; Sylvander). D'abord édictés par un groupe deprofessionnels qui se sont entendus entre eux, ces marques doiventpouvoir s'étendre et gagner une légitimité dont sont dépourvus lesrepères résultants de simple ententes mutuelles.2.3. Les investissements de formes industrielles dans lacertification : le spectre de Taylor ?

On peut s'interroger sur les rapports entre les différentesmodalités de marquage des produits et la coordination industrielleen considérant les relations, positives ou négatives, entre laconcentration industrielle et les édictions de labels (Sylvander,p.15, 24) ou appellations d'origine. Ainsi la recherched'appellations d'origine peut aller de pair avec une concentrationqui résulte du rachat de petits producteurs couverts parl'appellation d'origine mais mis en difficulté par une stratégiede dumping dans les circuits de grande distribution.

Les investissements de forme assurant une standardisation etune normalisation des biens sont liés à des rendements d'échelleset au souci de planifier et de régulariser la production. Chandlera montré la place de ces investissements dans le développement dela grande entreprise (Chandler 1977) et on peut y voir un indicede l'extension d'un modèle industriel, particulièrement dans lecas d'entreprises agro-alimentaires qui doivent apprêter leurenvironnement et leurs matières premières dans ces formesstandardisées (Thévenot 1989c, pp.166-169). Cette qualificationindustrielle des produits à partir de normes et de standards nevient pas seulement au secours d'une identification déficiente desbiens pour leur négociation sur un marché. Le type dequalification industrielle entre en effet en tension avec ladynamique de régulation propre à la concurrence qui suppose unediversification intense des produits. Sous ce rapport, normes etstandards peuvent être dénoncés pour les freins qu'ils apportent àl'innovation, à la flexibilité des gammes de produit et à leurvariété. La loi de 1884 définissant l'usage de la dénomination"beurre" bridait l'innovation en matière de "pâtes à tartiner àbase de beurre" jusqu'à la loi d'orientation agricole de 1988 quidéfinit le "beurre allégé" (Sylvander 1990, p.9). En outre,derrière une norme on pourra dénoncer l'avantage recherché par unindustriel qui a participé activement à ses spécifications entirant parti des caractéristiques de ses propres produits (Kessous

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1992). De fait, ce sont souvent "des entreprises pouvant prétendreau leadership" dont l'engagement dans les organes de normalisationest "franc et massif" (Boulin 1991).

Mais nous voudrions attirer l'attention sur un autre aspectde la relation entre la normalisation des produits et ledéveloppement de dispositifs de coordination industrielle, parcequ'il est plus récent et préfigure sans doute un mouvement profonddu système de production. En outre la bannière du management de laqualité peut contribuer à le brouiller.

Le management de la qualité tire en effet son efficacité dela pluralité des modes de qualifications qu'il contribue à mettreà l'épreuve. Une analyse précise du dispositif des cercles dequalité montre qu'il est destiné à stimuler à la fois (mais pasdans les mêmes phases de sa mise en oeuvre) les coordinationscorrespondant aux différents ordres de grandeur : marchande, enrendant présents dans l'entreprise les désirs des clients et leursinsatisfactions à l'égard du produit ou du service rendus;industrielle, par la mise en place de méthodes de raisonnement etde recherche des causes, d'instruments d'enquête et de mesurestatistique des performances et des dysfonctionnements;domestique, par la mobilisation de savoir-faire informelsaccumulés par l'expérience, dans une atmosphère conviviale au seinde l'entreprise et dans des liens durables avec des interlocuteursextérieurs qui incitent à la confiance et maintiennent desréputations; civique, par des procédures incitant à ladélibération autour d'un projet collectif vis-à-vis duquel lesmembres sont solidaires et également engagés; inspirée, par desdispositions favorables à l'expression de la créativité et àl'émergence d'idées originales et d'innovations; de l'opinion, pardes méthodes de communication contribuant à sensibiliserl'opinion, dans et hors de l'entreprise, sur les succès desprojets entrepris et à en assurer une bonne image grâce à unecouverture médiatique.

L'impératif dit de "qualité totale", étend la procédure àl'ensemble de l'entreprise pour éviter les essoufflements et lesblocages observés après plusieurs années de fonctionnement descercles. L'une des coordinations privilégiées reste cependant lacoordination marchande et l'accent est mis sur la satisfaction desdésirs fluctuants du client par une diversification des produitset une flexibilité de l'appareil productif. Or, le développementde procédures de certification et le mouvement généraliséd'extension de la certification à l'entreprise ont conduit àcontrôler les méthodes de contrôle de la qualité - et non plus

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seulement la qualité elle-même - par des audits internes ouexternes (Gorgeu et Matthieu 1990, 1992; Gomel, Gorgeu et Matthieu1992). Les procédures d'assurance qualité vont de pair avec undispositif conçu pour attribuer des responsabilités en cas dedéfaut (Gorgeu et Matthieu 1990, p.8-9). Or ce contrôle passe parde lourds investissements de formes industrielles qui ne sont passans rappeler ceux préconisés par Taylor (Thévenot 1986a, pp.24-36), alors même que Taylor fait figure de bouc émissaire dumanagement de la qualité. Sorti par la fenêtre, il rentre par laporte ouverte par la certification. On peut d'ailleurs se demanders'il n'y a pas là une adaptation du management japonais de laqualité (lui-même inspiré, comme on le sait, du managementaméricain : Coriat 1991) qui donne une importance beaucoup plusgrande à l'épreuve de grandeur industrielle et aux formesd'évaluation qu'elle exige, alors qu'au Japon la coordination parla confiance reste plus importante. Le déroulement de laproduction, pour être contrôlable, doit être explicité dans desrepères généraux qui sont la condition du jugement et del'imputation de responsabilité. Les procédures d'assurance qualitéfavorisent donc la référence à des organigrammes, des manuelsqualités, des instruments de traçabilité (Gorgeu et Matthieu 1990,p.21). Plus généralement, l'enregistrement écrit doit êtredéveloppé aux dépens d'un savoir-faire déposé dans un individu,voire distribué dans des individus différents (Thévenot 1992b). Unauditeur que nous avons interrogé met clairement cette exigence enévidence en nous déclarant :

"Nous allons plutôt travailler à partir de documents, voir s'il est prévu que lessalariés eux-mêmes prélèvent de temps en temps des produits pour faire un certaintype de contrôle <...> Nous leur demandons que cela ne soit pas seulement dit,nous leur demandons que cela soit écrit, pour être sûr que ce ne soit pas le super-ingénieur qui fait tout ce qu'il faut faire..."

2.4. la défense du citoyen-consommateur et les limites de lasouveraineté de l'Etat

Le dernier type de compromis que nous voudrions aborder parcequ'il joue un rôle important dans le secteur agricole et agro-alimentaire implique un contrôle de la qualité orienté vers lasécurité et la santé des consommateurs. Justifiées par laprotection des citoyens, ces qualifications relèvent d'un ordre degrandeur civique. Même si nous ne nous intéressons ici qu'à descompromis, puisque les dispositifs que nous examinons necontribuent qu'à aménager un marché par des procédures decertification, de labellisation ou de réglementation, soulignons

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que le compromis entre grandeurs civique et marchande, comme lesprécédents, peut être soumis à rude épreuve car les deux grandeursimpliquées se trouvent dans une tension critique l'une par rapportà l'autre. La qualification civique fournit en effet de puissantspoints d'appui critiques pour mettre en cause la mise en valeurdes bienfaits du marché (Walzer 1983). Elle sert à dénoncer lesrisques que fait peser la vente libre de produits dangereux, ventequi, dans une logique purement marchande, serait régulée par lamise en marché du risque, ce qui exige un marché de l'assurance etun achat en toute connaissance de cause (exprimé par la maxime ducaveat emptor: Kessous 1992, p.19).

Il est logique que la mise en oeuvre d'un ordre civique, etles mesures de protection du citoyen qu'elle implique, soientsupportées par l'Etat, notamment par un appareil législatif.Cependant, pas plus que l'Etat ne se confond avec un dispositifcivique, l'ordre civique ne se réduit à la sphère de l'Etat.L'enjeu économique mais également politique des opérations dequalification et des dispositifs de normalisation apparaît alorsdans toute son ampleur, nous montrant un des lieux detransformation profonde des liens entre l'économie et l'Etat. Sile rôle de l'Etat fut dominant dans le mouvement de réglementationhygiénique des produit, les mesures plus récentes portant sur lasanté et la sécurité reposent également sur des dispositifs nonétatiques qui mobilisent des institutions européennes aussi bienque des associations de défense des consommateurs ou de protectionde la nature, comme en témoignent les nouveaux labels quiidentifient des produits biologiques "à faibles taux derésidus" (Sylvander, p.5; Glandières 1991). Notons cependant quel'accroissement de la place d'un impératif écologique peutcontribuer à la relance d'une qualification civique des produitsmais que l'impératif écologique ne recouvre pas simplement cetordre de grandeur (Lafaye et Thévenot 1992). L'évaluationécologique peut se mouler dans d'autres ordres de grandeur (Godard1990), comme dans la défense domestique d'un patrimoine quisoutiendra une politique d'appellation contrôlée ou deconservation d'espèces traditionnelles. Mais il peut aussi ouvrirsur de nouvelles formes de bien commun telles que celles quiembrassent des non-humains et justifient notamment le maintiend'une diversité des espèces favorable à l'évolution. Etant donnéela relativement faible implication de l'Etat dans cettejustification écologique, au regard du soutien apporté par desassociations qui tendent à décentraliser le dispositif de

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coordination, ce terrain est également favorable à une remise encause de sa souveraineté dans la défense de l'intérêt général.

3. LA DYNAMIQUE DES REPERES COMMUNS ET L'IMPLICATION DES ACTEURS

Le développement de procédures de contrôle de la qualité desproduits est souvent rapportée à une logique interne d'extensiondu marché, ces procédures étant vues comme autant de moyens quipermettent d'identifier des marchandises et d'informer l'acheteur.Une analyse plus fine des différents compromis impliqués dans lecontrôle de la qualité des produits nous a montré que lestransformations étaient plus profondes et plus complexes dans lamesure où elles engageaient des modes de qualification qui necorrespondent pas aux mécanismes de la concurrence.

Dans cette dernière partie, nous voudrions en tirer desenseignements sur la modification des places respectives dévoluesaux entreprises, à l'Etat et aux autres acteurs économiques dansla régulation des activités économiques. Selon les modes dequalification mis en valeur, l'identité des acteurs pertinents,voire légitimes, varie. Mais les textes présentés ici nous inviteaussi à suivre les acteurs dans des actions communes qui ne sontpas soumises aux exigences d'un jugement généralisable. C'est lecas notamment des moments dits de "négociation", une négociationdont on souligne souvent le caractère contextuel, historique, etla dépendance à l'égard des acteurs impliqués.3.1. Attaches contextuelles et dynamique de détachement

L'examen de la dynamique d'élaboration des repères communspeut nourrir une opposition entre deux conceptions desconventions, entre une conception qui mettrait l'accent sur lecheminement et la dépendance contextuelle et une approche desconventions qui privilégierait les épreuves de cohérenceauxquelles sont soumis ces repères à l'intérieur de cadresgénéraux de jugement. Je voudrais plutôt insister ici sur lanécessité d'une articulation entre ces conceptions, et m'appuyerpour cela sur plusieurs contributions. L'histoire des marques et leur dépendance contextuelle

L'examen du cheminement qui conduit à l'instauration desmarques peut servir à en mettre en lumière la contingence, commedans les approches de la path-dependency qui soulignent l'arbitrairedu point de départ consolidé par les effets démographiques deseuils dus aux externalités qui croissent avec le nombre desusagers faisant référence aux mêmes repères (David 1988). Les

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repères communs élaborés au cours de ce cheminement ne sont queles éléments ponctuels et explicites d'un processus qui aconstitué une communauté à partir du groupe de ses artisans. Cetype de dynamique, que l'on peut décrire comme une normalisation"par le bas" (Sylvander), une "auto-organisation" ou uneharmonisation "horizontale" (Valceschini), s'oppose à l'édictioncentrale et hiérarchique d'une règle qui redescend dans lesinstances chargées de son application.

Il ne faut cependant pas trop opposer ces deux dynamiques carelles correspondent à des aspects complémentaires des conventionset leur rapprochement est nécessaire à une bonne théorie de laconvention articulant le repère conventionnel et la tolérance del'interprétation. La communauté constituée est en effet unecommunauté d'interprétation et elle est nécessaire à l'applicationdes normes ou règles aux cas particuliers, de façon à arrêter larégression infinie sur les règles d'application des règles. Iln'est pas jusqu'aux règles les plus formellement et centralementédictées qui n'aient besoin de cette communauté d'interprétationcomme on le voit dans le recours à une jurisprudence. Le détachement nécessaire au transport

Mais le formel et l'explicite des repères est également exigépour qu'ils se détachent de la communauté qui les a élaborés, etqu'ils se transportent au-delà de ses limites. Cette exigenced'une conventionnalisation des repères est particulièrement clairelorsque l'on cherche à encadrer les disputes sur lesinterprétations (Livet et Thévenot 1991). Avec cette exigencevient celle d'un tiers qui n'est pas le groupe des acteursimpliqués. La contribution de Letablier et Delfosse analyse trèsfinement ce processus de conventionnalisation, à partir d'unecoopération initiale entre des acteurs locaux. Ce processusimplique notamment la mise en cohérence dans les formes du dossierde demande d'appellation, la construction de preuves admissibles,la mesure commune. Il est bien des cas dans lesquels l'organismecertificateur reste professionnel (Roquefort; label rouge;assurance qualité dans l'automobile : Gorgeu et Mathieu 1990).Mais l'extension de la validité des repères suppose souvent une"objectivation institutionnelle" (Sylvander dans ce volume, p.12)qui réclame l'indépendance de l'organisme certificateur et lejugement d'un tiers. Un repère n'est utilisable comme norme quelorsqu'il a coupé ses racines, même si on conserve une trace deces origines dans l'invocation de l'"esprit de la règle" ou de"l'intention du législateur".

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3.2. Nouveaux compromis de régulationNouvelles modalités de régulation et place de l'Etat

Une instance européenne fait souvent office de supérieurcommun pour encadrer les différends sur la qualification. Sicertaines harmonisations entre Etats ont été remises en causelorsqu'elles procédaient par des négociations politiques à proposde la reconnaissance mutuelle des certifications (Valceschini), ilest peut-être abusif de dresser le tableau d'un effondrement duniveau européen de la normalisation au profit d'une "harmonisationhorizontale". Nous avons vu que l'exigence d'autonomisation desorganismes certificateurs à l'égard de leurs attachesprofessionnelles implique un mouvement d'extension de la validitéet de la légitimité des repères qui conduit souvent à recourir àune normalisation au niveau européen (Sylvander, p.25). Cetteexigence est particulièrement développée lorsque des impératifsciviques de protection de la sécurité et de la santé entrent enligne de compte et que l'accord de professionnels n'est pasconsidéré comme une garantie suffisante. Le rôle de l'Etat estcependant amoindri et son action est moins souvent uneprescription qu'une incitation à une coopération entre les partiesimpliquées. En outre, la normalisation ne porte plus sur leproduit, ce qui entrerait directement en tension avec lacoordination marchande, mais se replie sur des "exigencesessentielles" (Valceschini, p.19), catégorie "floue" délibérémentconçue pour laisser place à une activité d'interprétation (Kessous1992, Thévenot 1992a). L'extension des procédures de normalisations'est donc traduite par un déplacement des instances de marquagedans les organes de normalisation européenne, et à un niveauinfra-national, dans des instances professionnelles ou régionales.Le marché aux normes et la place des conventions collectives sur la qualité des produits

Le compromis fordien pouvait se caractériser à la fois commeun compromis entre des acteurs collectifs se partageant les fruitsd'une croissance favorisée par l'indexation des salaires, et uncompromis entre une coordination marchande et une coordinationindustrielle qui contribuait à la stabilisation et à lastandardisation de la demande et disciplinait ainsi la dynamiquepropre au marché. On sait que ce compromis a été remis en causepar une relance de l'épreuve marchande de la concurrence et parles dispositifs qui la font remonter jusque dans l'entreprise.Mais, comme l'a clairement démontré Boyer, ce mouvement n'impliquepas pour autant le déploiement d'une pure et simple coordinationmarchande que prônent les tenants d'un libéralisme libérateur.

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Les dispositifs de marquage des produits contribuent àchanger en profondeur le profil de régulation macroéconomique. Lagestion de la marque n'est plus seulement entre les mains d'unagent économique, l'entreprise, non plus que la réglementation desproduits ne serait attachée à l'action de l'Etat. Les conventionsautour des produits redéfinissent les relations entre acteurs etnotamment entre entreprises. Elles déplacent les compromis quicaractérisaient le rapport salarial fordiste. Ces traits nepeuvent suffire à caractériser un nouveau "régime" mais nousvoudrions suggérer, en conclusion, qu'ils dessinent certaineslignes de force d'une régulation dans laquelle des "conventionscollectives" autour de la qualification des produits jouent unrôle aussi important que celui joué, dans le régime antérieur, pardes conventions collectives portant sur la qualité de la maind'œuvre.

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