« L’‘Académie’ de Coutances (1677-1698) : l’institutionnalisation manquée d’un cercle...

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L'"Académie" de Coutances (1677-1698) L'institutionnalisation manquée d'un cercle de beaux esprits0) En 1674, Jean de La Bruyère achète un office de trésorier des finances à Caen. C'est peut-être peu de temps après, à l'occasion d'une visite professionnelle dans les sièges des élections bas-normandes, qu'il découvre la petite ville traditionnellement identifiée à Coutances (2). Le moraliste parisien ne semble pas avoir apprécié la société locale ; il écrit : "Je descends dans la ville où je n'ai pas couché deux nuits que je ressemble à ceux qui l'habitent : j'en veux sortir."<31 Vers la même époque, pourtant, le Mercure galant<41 se it l'écho de la constitution, à Coutances, d'un cercle de gens de lettres qui se donne le nom d'"académie" <51 À l'inverse de La Bruyère, l'un des membres, le sieur de La Fevrerie, habitant de Coutances, dépeint la ville comme un foyer culturel brillant : "Je demeure dans une petite ville qui est presque au bout du monde et qui, n'estant ni ville de guerre, ni ville de commerce, est un séjour fort propre à la retraite et à l'étude. Mais cette ville, pour estre champêtre, est plus peuplée et plus considérable pour le merite de ses habitants qu'une ville celebre d'Allemagne<'1 dont elle porte le nom. Il y a de l'esprit, de la politesse et de la galanterie, autant qu'en aucun lieu du royaume. [ . ..] Si Rome et Athenes sont encore si celebres par les grands hommes qu'elle ont portez et par les ruines de leurs superbes édifices, la ville dont je vous parle sera longtemps recommandable par [ ... ] son académie, et par les beaux esprits qui en ont esté, aussi bien que par son admirable aqueduc qui est digne de la magnificence des anciens Romains." (71 Cet éloge appuyé ne saurait être mis sur le seul compte du patriotisme de l'auteur. Prenant place dans un périodique largement diffusé à Paris et dans les provi nces, le (!) Je remercie Anne Rohfritsch et Luc Daireaux de leurs lectures critiques de ce texte. (2) Cette identification, contestée par Georges Lesage dans le Bulletin de la Société des antiquaires de Normandie, t. XXXV (1921-1923), 1924, p. 496, a néanmoins été reprise depuis par plusieurs auteurs avec les précautions qui s'imposent. Voir par exemple Maurice LANTIER, Comment écrivains et voyageurs ont vu les monuments médiévaux de la Manche (ex-bailliage de Cotentin), XVI'-XX' siècles, choix de textes destiné à accompagner l'exposition "Plans et dessins des Archives de la Commission des monuments historiques relatifs à la Basse-Normandie", Archives départementales de la Manche, Service éducatif, mai 1981, p. 4. Cette citation veut juste illustrer ici les tensions culturelles existant entre Paris et les provinces. (3) Œuvres de La Bruyère, Gustave SERVOIS (éd.), Paris, Hachette, "Les grands écrivains de la France'', t. I, 1865, p. 233 ["De la société et de la conversation", n° 49]. (4) Le grand intérêt des informations parues dans le Mercure galant au sujet de la vie littéraire de province a été souligné depuis Jougtemps : 'The documentary value of the Mercure galant, the review founded in 1672, which La Bruyère considered to be "directement au-dessous de rien'', has not ceased to increase with the passage of time. Interpersed among ivolous poems, conundrums, descriptions of festivals and of styles, one finds announcements of new books, of military campaigns and (what interests us here particularly) accounts, often filled with picturesque detail, of the foundation and the sessions of literary bodies organized in the provinces in the seventeenth century, in imitation of the French Academy. "Voir Mary-Elizabeth STORER," Inrmation furnished by Le "Mercure galant on the French provincial academies in the seventeenth century'', Publications of the modem languages Association of America, t. 50 (1 ), 1935, p. 444. (5) Les principales informations rassemblées sur l' "académie" de Coutances proviennent de trois articles du Mercure galant et de /'Extraordinaire (désormais abrégés en MG et EMG dans les références bibliographiques) : [relation anonyme], MG, janv. 1678, p. 201-203 ; Louis LE VAVASSEUR DE MASSEVILLE, "Lettre LVIII", EMG, janv. 1678, p. 350-355 ; LA FEYRERIE, "Relation academique et galante, à monsieur L. V. D. M. '', MG, juill. 1698, p. 18-63. Le cœur de l'article de La Fevrerie est constitué d'une galerie de portraits des membres de ]'"académie" (p. 23-56) qui, dans ses grandes lignes, semble avoir été écrite bien avant 1698, certains étant, à cette date, morts depuis plusieurs années. En tête et au terme de cette revue, quelques pages dressent un bilan du devenir de ]'"académie" dans les années 1690. Pour Je repérage des articles, voir Monique VINCENT, Mercure galant, Extraordinaire, Aires du temps : table analytique contenant /'inventaire de tous les articles publiés (1672-1710), Paris, H. Champion, 1998. (6) Allusion à Constance (Bade-Wurtemberg). (7) MG, juil!. 1698, p. 19-20 et 24-25. 34

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L'"Académie" de Coutances (1677-1698)

L'institutionnalisation manquée d'un cercle de beaux esprits0)

En 1674, Jean de La Bruyère achète un office de trésorier des finances à Caen. C'est peut-être peu de temps après, à l'occasion d'une visite professionnelle dans les sièges des élections bas-normandes, qu'il découvre la petite ville traditionnellement identifiée à Coutances (2). Le moraliste parisien ne semble pas avoir apprécié la société locale ; il écrit : "Je descends dans la ville où je n'ai pas couché deux nuits que je ressemble à ceux qui l'habitent : j'en veux sortir."<31 Vers la même époque, pourtant, le Mercure galant<41 se fait l'écho de la constitution, à Coutances, d'un cercle de gens de lettres qui se donne le nom d'"académie" <51• À l'inverse de La Bruyère, l'un des membres, le sieur de La Fevrerie, habitant de Coutances, dépeint la ville comme un foyer culturel brillant :

"Je demeure dans une petite ville qui est presque au bout du monde et qui, n'estant ni ville de guerre, ni ville de commerce, est un séjour fort propre à la retraite et à l'étude. Mais cette ville, pour estre champêtre, est plus peuplée et plus considérable pour le merite de ses habitants qu'une ville celebre d'Allemagne<'1 dont elle porte le nom. Il y a de l'esprit, de la politesse et de la galanterie, autant qu'en aucun lieu du royaume. [ . .. ] Si Rome et Athenes sont encore si celebres par les grands hommes qu'elle ont portez et par les ruines de leurs superbes édifices, la ville dont je vous parle sera longtemps recommandable par [ ... ] son académie, et par les beaux esprits qui en ont esté, aussi bien que par son admirable aqueduc qui est digne de la magnificence des anciens Romains." (71

Cet éloge appuyé ne saurait être mis sur le seul compte du patriotisme de l'auteur. Prenant place dans un périodique largement diffusé à Paris et dans les provinces, le

(!) Je remercie Anne Rohfritsch et Luc Daireaux de leurs lectures critiques de ce texte. (2) Cette identification, contestée par Georges Lesage dans le Bulletin de la Société des antiquaires de

Normandie, t. XXXV (1921-1923), 1924, p. 496, a néanmoins été reprise depuis par plusieurs auteurs avec les précautions qui s'imposent. Voir par exemple Maurice LANTIER, Comment écrivains et voyageurs ont vu les monuments médiévaux de la Manche (ex-bailliage de Cotentin), XVI'-XX' siècles, choix de textes destiné à accompagner l'exposition "Plans et dessins des Archives de la Commission des monuments historiques relatifs à la Basse-Normandie", Archives départementales de la Manche, Service éducatif, mai 1981, p. 4. Cette citation veut juste illustrer ici les tensions culturelles existant entre Paris et les provinces.

(3) Œuvres de La Bruyère, Gustave SERVOIS (éd.), Paris, Hachette, "Les grands écrivains de la France'', t. I, 1865, p. 233 ["De la société et de la conversation", n° 49].

(4) Le grand intérêt des informations parues dans le Mercure galant au sujet de la vie littéraire de province a été souligné depuis Jougtemps : 'The documentary value of the Mercure galant, the review founded in 1672, which La Bruyère considered to be "directement au-dessous de rien'', has not ceased to increase with the passage of time. Interpersed among frivolous poems, conundrums, descriptions of festivals and of styles, one finds announcements of new books, of military campaigns and (what interests us here particularly) accounts, often filled with picturesque detail, of the foundation and the sessions of literary bodies organized in the provinces in the seventeenth century, in imitation of the French Academy. "Voir Mary-Elizabeth STORER," Information furnished by Le "Mercure galant on the French provincial academies in the seventeenth century'', Publications of the modem languages Association of America, t. 50 (1 ), 1935, p. 444.

(5) Les principales informations rassemblées sur l' "académie" de Coutances proviennent de trois articles du Mercure galant et de /'Extraordinaire (désormais abrégés en MG et E M G dans les références bibliographiques) : [relation anonyme], MG, janv. 1678, p. 201-203 ; Louis LE VAVASSEUR DE MASSEVILLE, "Lettre LVIII", EMG, janv. 1678, p. 350-355 ; LA FEYRERIE, "Relation academique et galante, à monsieur L. V. D. M. '', MG, juill. 1698, p. 18-63. Le cœur de l'article de La Fevrerie est constitué d'une galerie de portraits des membres de ]'"académie" (p. 23-56) qui, dans ses grandes lignes, semble avoir été écrite bien avant 1698, certains étant, à cette date, morts depuis plusieurs années. En tête et au terme de cette revue, quelques pages dressent un bilan du devenir de ]'"académie" dans les années 1690. Pour Je repérage des articles, voir Monique VINCENT, Mercure galant, Extraordinaire, Affaires du temps : table analytique contenant /'inventaire de tous les articles publiés (1672-1710), Paris, H. Champion, 1998.

(6) Allusion à Constance (Bade-Wurtemberg). (7) MG, juil!. 1698, p. 19-20 et 24-25.

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discours sur la ville et ses habitants vise au premier chef à appuyer les demandes de reconnaissance officielle formulées par les gens de lettres qui se réunissent alors à Coutances de manière informelle depuis une vingtaine d'années. Dès 1678, les Coutançais avaient sans détours dévoilé leurs prétentions, espérant que leurs "conférences académiques [ .. . ] pourront estre confirmées avec le temps par l'autorité du roy" csi

. Comme l'explique Michel Taillefer, "les académies ne se présentent pas seulement comme des groupements volontaires de "beaux esprits" rassemblés par le goût commun des lettres, des sciences et des arts ; ce sont aussi des institutions officielles, dotées de structures juridiques et matérielles qui leur assurent permanence et stabilité. Établies par lettres patentes royales, dotées de statuts octroyés par le gouvernement, placées sous la protection d'un grand personnage [ ... ], bénéficiant du soutien des municipalités ou des états provinciaux, elles forment des corps privilégiés, reconnus et contrôlés par la puissance publique." coi

Au "purgatoire académique" c101, l'attente des lettres patentes durait parfois des

décennies. À Coutances, jamais le privilège ne vint. En 1698, ainsi que le rapporte le sieur de La Fevrerie, l'"académie" était en quelque sorte mmte avant d'avoir vécu:

"Soit que l'étoile sous laquelle elle s'assembla fust contraire, ou qu'il en soit d'une académie comme des plantes rares et délicates qui ne viennent pas par-tout, quelque soin qu'on prenne à les cultiver, celle-cy n'a pas duré long-temps, n'a fait que languir, et est morte, pour ainsi dire, avec son protecteur qui luy fut ravy il y a peu d'années. [ ... ]Je ne puis [ ... ] m'empêcher de répandre quelques larmes sur son tombeau, et de dire en passant à sa mémoire:

Pleurez, muses, pleurez; pleurez, tendres amours ! Dans le mesme tombeau, l'on voit ensevelie

Une naissante academie

Avec son protecteur, à la fleur de ses jours.

Pleurez, muses, pleurez; pleurez, tendres amours ! La mort en terminant une si belle vie

A de tous nos plaisirs interrompu le cours." o ii

Pour tenter de comprendre l'échec des tentatives de légitimation du cercle des lettrés de Coutances, on commencera par étudier le recrutement et les activités de l'"académie".

Les membres

Un certain nombre des membres de !'"académie" nous est connu grâce à deux documents de nature différente publiés à une vingtaine d'années d'intervalle. Le premier est la liste des noms des membres dressée par le secrétaire de la compagnie et pame en janvier 1678 dans l' Extraordinaire du Mercure galant c12J. La seconde se compose d'une galerie de portraits littéraires composés par le sieur de La Fevrerie et publiée dans le Mercure de juillet 1698 sous le titre de "Relation academique et galante" 113i. Ces portraits, qui ne donnent pas le nom des personnes auxquelles ils se rapportent, sont d'une utilisation

(8) MG, janv. 1678, p. 201-202. (9) Michel TAILLEFER, "Académies provinciales'', in Dictionnaire de l'ancien régime, Lucien BELY (dir.),

p. 19-21. Roland Mousnier donne des académies la définition suivante : "Ce sont des corps savants, nés d'initiatives privées, mais qui durent subir la tutelle du roi sous forme de la relation de fidélité protecteur­créature". Voir Roland MOUSNIER, Les institutions de la France sous la monarchie absolue (1598-1789), t. 1, Paris, PUF, 1974, p. 355.

(10) L'expression est de Daniel ROCHE, Le siècle des Lumières en province : a,cadémies et académiciens provinciaux, 1680-1789, Paris-La Haye, Mouton, 1978, 2 vol. ; rééd. Paris, Ecole des hautes études en sciences sociales, 1989, p. 17.

(11) MG, juil!. 1698, p. 22-23. (12) Louis LE VAVASSEUR DE MASSEVILLE, "Lettre LVIII", EMG, janv. 1678, p. 351-352 et 354. (13) LA FEVRERIE, "Relation academique et galante, à monsieur L. V. D. M.", MG, juill. 1698, p. 18-63.

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délicate <14J. On s'appuiera donc prioritairement sur la liste nominative, qui fait connaître les "académiciens" suivants : 115J

� Claude- Gilles-Eus/ace DUPREY, seigneur DE PIERREVILLE, né en 1647 °6>, d'une famille cotentinaise anoblie en 1594, premier président au présidial de Coutances, protecteur de l'académie, mort en mars 1693 cl7J. Le sieur de La Fevrerie fait à son sujet le portrait suivant :

"Dans cette ville on le renomme

La terreur des autres maris,

Et le plus galant petit homme

Qui soit de Paris jusqu'à Rome

Et de Rome jusqu'à Paris.

Pour moy qui jamais ne m'arreste

Aux bagatelles que l'on dit,

Je trouve qu'il est fort honneste,

Et je n'en juge pas sur un simple recit

Genereux, Ziberai, affable,

Et de luy sans nul contredit,

Le proverbe est bien veritable

Que dans un petit corps, il loge un grand esprit.

En effet, il en a du bon et du solide. Il aime les belles lettres, et les personnes qui ont du sçavoir et du merite, et sa maison qui leur est toûjours ouverte, et dont il fait tres bien les honneurs, en est une preuve incontestable." cisJ

Le président de Pierreville avait épousé en 1668 1"l Françoise HüE DE LA ROQUE, d'une famille originaire de Saint-Lô anoblie en 1590, fille d'un avocat au parlement de Normandie 120l ; elle vivait encore en 1698 c211•

(14) En dehors de ceux de M. de Pierreville, de sa femme et de M. du Vaudôme, les évocations n'ont pas paru présenter assez d'indices pour permettre une identification formelle de leurs modèles.

(15) Nous remercions le Cercle de généalogie et d'histoire locale de Coutances, et particulièrement MM. Georges Bottin et Yvon Corfa pour les renseignements qu'ils ont pu nous apporter pour établir ces notices. Nous n'avons pu demander à consulter le fichier Lepesant (Arch. dép. Manche, 204 J) relatif à l'état civil de la bourgeoisie coutançaise.

(16) Fils de Gilles (1604-1681), sieur de La Guerrie, président des élus en l'élection de Saint-Sauveur-Lendelin (sic), conseiller du roi, bailli d'Alençon-en-Cotentin, sieur de la Galaisière, de la Quesnée, des Guerries, de la Mahérie et de Saint-Georges, et de son épouse (mariage en 1631) Marguerite Le Sauvage, dame de Pierreville. Voir Yves NEDELEC, [Généalogie Duprey], notes mss. d'après Pierre DUPRAY­BEUZEVILLE, [Notes généalogiques sur la famille Dupray-Beuzeville], impr. s. !. n. d. [1917-1936], 36 p., Arch. dép. Manche, 13 J 647; André DUPONT, "Les Desmaires, de Saint-Sauveur-le-Vicomte (1482-1710), de l'écritoire de Bayeux à l'alliance avec un d'Harcourt", Revue du département de la Manche, t. VII, 1965, p. 121 ; "Le manoir de la Roque à Hébécrevon (cant. de Marigny, Manche)", Mélanges multigraphiés publiés par la Société d'archéologie et d'histoire de la Manche, 11' série, 1982, p. 166.

(17) Inventaire après décès dressé Je 7 mars 1693 par les notaires de Coutances, Arch. dép. Manche, 5 E 2927, n° 127, 18 f.

(18) MG, juill. 1698, p. 31-32. (19) Mention manuscrite d'Yves Nédélec aux Arch. dép. Manche, dans Henri DE FRONDEVILLE, Les

présidents du parlement de Normandie (1499-1790), recueil généalogique établi sur la base du manuscrit Bigot de la Bibliothèque de Rouen, Rouen, Lestringant, et Paris, Picard, 1953, p. 116. On ne saurait retenir la date de 1688 donnée par "Le manoir de la Roque ... ", art. cit., p. 166. Dès 1678, en effet, Je président de Pierreville était, par sa femme, Je beau-frère de Thomas Hüe de Miromesnil : voir EMG, janv. 1678, p. 355.

(20) Baptisée, semble-t-il, en 1660, fille de Michel Hüe (mort av. 1670), sieur de La Roque, avocat, conseiller aux requêtes, puis aux enquêtes au parlement de Rouen, et de son épouse (mariage en 1632) Marie Du Val (morte en 1684). Voir Henri DE FRONDEVILLE, Les présidents du parlement de Normandie .. ., op. cit., p. 116; André DUPONT, "Les Desmaires . . . ", art. cit., p. 121 ; "Le manoir de la Roque . . . ", art. cit., p. 166.

(21) Contrairement à ce qu'affirmait "Le manoir de la Roque ... ", art. cit., p. 166. Elle vivait encore au mariage de son fils Thomas en 1694: voir André DUPONT, "Les Desmaires . . . ", art. cit., p. 121. La Fevrerie ne la donne pas pour morte en 1698: MG, juil!. 1698, p. 18-63.

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�Jean-Baptiste HACHÉ, abbé DE LA MOTHE, chanoine de la cathédrale de Coutances et archidiacre de Cotentin (22J.

� Charles ENCOIGNARD, abbé DES VIVIERS, né à Coutances en 1656(23\ aîné d'une famille de la bourgeoisie locale, chanoine de Coutances, conseiller aumônier du roi, maître de sa chapelle de Saint-Germain-en-Laye, ville où il réside ordinairement, mort en 1724.

� Jean-Baptiste CORBET, né à Coutances c2•i, prêtre, maître ès-arts et bachelier en théologie de la faculté de Paris, licencié aux lois, principal du collège ( 1645), réside à Coutances à paitir de 1650, chanoine de la cathédrale ( 1651), chapelain de Notre-Dame-de­La-Roquelle(25l, mort en 1708 c26>.

�Nicolas DE L'1SLE(21i, d'une famille présente à Coutances depuis la première moitié du XVI' siècle, avocat, puis conseiller au parlement de Paris, anobli en 1656 puis président en l'élection de Coutances, demeurant en l'hôtel familial de la rue des Cohues, mort sans postérité en 1678.

�Nicolas DAIREAUX, sieur DU VAUDÔME, né à Coutances en 1647(29\ d'une famille de bons marchands, conseiller au présidial, demeurant habituellement rue Saint-Martin, mort en 1701. Possesseur d'une remarquable bibliothèque ouverte à l'historien Toustain de Billy (3oi, amateur de peinture, de gravures, de musique (3•i, il a laissé, manuscrites, Les recherches de la ville de Coutances ( 1680) c32J. La Fevrerie parle de lui en ces termes :

"[C'est] un digne magistrat [ ... ] fort estimé de cette troupe spirituelle qu'il a formée et cultivée, pour ainsi dire, et dont il est un des suppots en qualité d'ancien académicien. Quoique fort appliqué à sa charge et à son devoir, il se dérobe quelquefois aux affaires pour jouir des plaisirs et du commerce du beau monde, et pour caresser les muses, après avoir fait sa cour à Themis (33l. Il possede les sciences et connoist les beaux arts. La musique et la

(22) Voir Jean-Marie GOUESSE, "Coutances", in Répertoire des visites pastorales de la France, !, Anciens diocèsesjusqu'en 1790, 2: Cahors-Lyon, Paris, CNRS, 1979, p. 212.

(23) Fils de Jean (mort en 1693), sieur de La Perrelle, greffier, puis conseiller du roi au présidial, intendant de l'évêque Claude Auvry, et de son épouse (mariage en 1636) D"' Renée Brohon. Voir "L'hôtel Pacquet de Beauvais, 10 rue Saint-Maur à Coutances : notice provisoire", Mélanges multigraphiés publiés par la Société d'archéologie et d'histoire de la Manche, 8' série, 1979, p. 6.

(24) Voir Jacques-Louis DANIEL (abbé), Notice historique sur le collège de Coutances, Caen, Harde!, 1848, p. 27-35.

(25) Fondation d'offices religieux en faveur de l'église Saint-Pierre, le 7 juin 1679, devant les notaires de Coutances, Arch. dép. Manche, Fichier "archives".

(26) Arch. dép. Manche, Fichier "bibliothèque", sans indication de source. (27) Second fils d'Ursin de L'Isle (mort avant 1660) et de son épouse Anne Martin (morte en 1677). Voir

Christiane DAIREAUX, "L'hôtel François-Piel (anciennement "hôtel de L'Isle")", Viridovix, bulletin annuel du Cercle de généalogie et d'histoire locale de Coutances, n° 15, juin 1997, p. 17-18.

(28) Voir Gérard D' ARUNDEL DE CONDE, Dictionnaire des anoblis normands (1600-1790), Rouen, chez l'auteur, 1975, p. 150, n° 494.

(29) Fils aîné de Pierre (1613-1683), conseiller commissaire examinateur au présidial, et de sa première épouse (mariage en 1639) Jacqueline Le Monnier. Voir Michel LE PESANT, "Aperçus sur l'origine et l'évolution sociale de quelques familles de la bourgeoisie coutançaise sous l'Ancien régime", Revue du département de la Manche, t. I", fasc. 3, juil!. 1959, surtout p. 177-178 et 186-188 ; Christiane DAIREAUX, "Le Vaudôme à Coutances (les familles Potier, Daireaux du Vaudôme, Le Breton, de Grimouville, Larchant, Fontaine)", Viridovix, bulletin annuel du Cercle de généalogie et d'histoire locale de Coutances, n° 22, juin 2004, p. 6-9.

(30) Voir René TOUSTAIN DE BILL Y, Histoire ecclésiastique du diocèse de Coutances, t. III, A. HÉRON (éd.), Rouen, Métérie, 1886, index, p. 387 et 423 ; du même auteur, Notes diverses adressées à l'intendant Foucault, parmi lesquelles on trouve le "Tiltre de certaines heures qui sont en la bibliotècque de feu Mr Du Vaudôme, conseiller à Contance, imprimées à Paris en 1515 par Simon Vostre" (Bibl. nat., ms. fr. 4901, f. 11): on sait que Nic9las Foucault, bibliophile érudit, recherchait et collectionnait avec passion les livres religieux du Moyen Age et de la Renaissance.

(31) Inventaire après décès dressé le 12 oct. 1701 par les notaires de Coutances, Arch. dép. Manche, 5 E 2930, n° 359, 93 f. Voir aussi les notes de Michel Le Pesant sur les Daireaux, Arch. dép. Manche, 204 J 77.

(32) Seule une partie nous est parvenue : [histoire des évêques], Bibl. mun. Coutances, ms. 22 ; [histoire des églises, communautés et chapelles], Arch. dioc. Coutances, ADC XXXIV (ms. M 9).

(33) Déesse grecque de la Justice.

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peinture sont ses favorites, et ses mains ne brillent pas moins dans le dessein que sur le clavessin. Il chante d'une maniere tendre, et de la bonne méthode, compose de petits airs avec les paroles où il a un merveilleux talent, fait joliment des vers, a beaucoup de recherches curieuses pour l'histoire de la province. Commode et facile dans le commerce de la vie, d'humeur égale et d'agréable conversation, qu'on est bien aise de trouver où l'on est, et qu'on trouve toûjours à dire où il n'est pas, lorsqu'il est question de se bien divertir."<34l

> "M' de LA FEVRERIE" : non identifié, connu seulement par son nom de sieurie <35\ domicilié à Coutances près de l'église Saint-Pierrec36l, célibataire en 170Q<37J. Secrétairec3si très actif de !"'académie", il affirme que "les belles lettres [ ... ] font [son] occupation ordinaire" <39l ; de fait, il semble avoir rencontré un certain succès en publiant un grand nombre d'articles<40>, principalement dans !'Extraordinaire de 1680 à 1685r411 et dans le Mercure galant, de 1695 à 1708C42l.

(34) MG, juil!. 1698, p. 36-39. (35) Ce nom était assez courant dans le Cotentin ; les diverses hypothèses examinées jusqu'à présent n'ont pas

permis d'identifier catégoriquement "le sieur de La Fevrerie'', qui pourrait appartenir aux familles Gaultier, Touraine, A vice, Ra vend ou autre, dans lesquelles ce nom a été porté à la fin du XVII' siècle.

(36) LA FEVRERIE, "Projet d'une histoire du diocèse de Bayeux", MG, nov. 1699, p. 10. (37) LA FEVRERIE, "Condition d'amitié, ou portrait de l'amy que je cherche", MG, oct. 1700, notamment p. 28 :

"Je n'ay jamais senti les violences de l'amour". (38) LA FEVRERIE, "Conversation academique, dans laquelle il est traité des bonnes et mauvaises qualitez de

l'air", EMG, oct. 1683, p. 76. (39) MG, juil!. 1698, p. 19. (40) On connaît de lui, avec certitude, près d'une quarantaine d'articles quelquefois assez longs ; ils sont donnés

par ordre chronologique dans les notes suivantes. Plusieurs de ces travaux ont suscité des réponses en chaîne qui ne sont pas mentionnées ici. Compte tenu des difficultés de repérage ou d'attribution des articles parus dans le Mercure galant et dans /'Extraordinaire, cette bibliographie ne saurait prétendre à l'exhaustivité. On sait d'ailleurs que "le sieur de La Févrerie, du diocèse de Coutances, a fait beaucoup de traitez que l'on trouve répandus dans les Mercures [galants], entre lesquels on peut citer ceux De l'origine des langues, de l'architecture, de la noblesse, du blason, ceux de la véritable sagesse, du silence, des talismans, et de la tarentule" : voir Louis LE VAVASSEUR DE MASSEVILLE, Histoire sommaire de Normandie, 2' éd., t. VI, 1727, p. 449-450.

(41) "De l'origine de la noblesse", EMG, oct. 1680, p. 106-181 ; "De la superstition et des eITeurs populaires'', EMG, avril 1681, p. 12-89 ; "En quoi consiste l'air du monde et la veritable politesse", EMG, juil!. 1681, p. 47-103 ; "En quoi consiste l'honnêteté et la veritable sagesse", EMG, janv. 1682, p. 9-85 ; "De la conversation", EMG, oct. 1682, p. 77-166; "Du style epistolaire", EMG, juil!. 1683, p. 3-67 [Voir Bernard BEUGNOT, La mémoire du texte, essais de poétique classique, Paris, H. Champion, 1994, p. 187-204] ; "Sentiments sur les questions du dernier Extraordinaire", EMG, juill. 1683, p. 322-334 ; "Conversation academique, dans laquelle il est traité des bonnes et mauvaises qualitez de l'air", EMG, oct. 1683, p. 3-76 ; "Sentiments sur les questions posées [aux lecteurs du MG]", EMG, janv. 1684, p. 102-114; "De la lecture'', EMG, avril 1684, p. 3-74; "Sentiments sur toutes les questions du vingt-cinquième Extraordinaire", EMG, avril 1684, p. 164-175 ; "Sentiments sur toutes les questions du dernier Extraordinaire", EMG, juil!. 1684, p. 105-113; "De l'origine de la poésie", EMG, oct. 1684, p. 57-122; "Sentiments sur toutes les questions du vingt-septième Extraordinaire", EMG, avril 1685, p. 232-241 ; "Eloge du Grand Corneille", EMG, avril 1685, p. 253-285; "Conversation academique dans laquelle il est traité de l'origine des tombeaux et des magnifiques sepultures", EMG, juill. 1685, p. 24-93; "Le deuil ridicule, histmiette", EMG, oct. 1685, p. 165-194.

(42) "Défense des bouts rimés, en réponse à la lettre de M. de Bellocq", MG, mai 1695, p. 118-168, et in Recueil de pièces curieuses et nouvelles, t. IV, La Haye, Moetjens, 1695 ; "Eloge historique de Mme la princesse de Conti douairière'', MG, avril 1696, p. 262-265; 'Traduction d'une épigramme latine", MG, juin 1697, p. 116-117 ; "Quelle est la déesse suprême ... [traduction de vers latins au bas du portrait de Madame de La Suze]", in La nouvelle Pandore, ou les femmes illustres du siècle de Louis Le Grand, Paris, Veuve C. Machuel, 1698 ; "Relation acadernique et galante, à monsieur L. V. D. M.", MG, juill. 1698, p. 18-63 ; "Le soldat danseur, ou les merveilleux effets de la tarentole", en trois livraisons, 1: MG, janv. 1699, p. 9-74; 2: MG, août 1699, p. 9-96 ; 3 : MG, sept. 1699, p. 8-119 ; "Projet d'histoire du diocese de Bayeux", MG, nov. 1699, p. 9-49 ; "Nouvelle et curieuse dissertation sur le commencement du siècle'', MG, déc. 1699, p. 9-82 ; "Feste galante des trois Helenes [donnée à Avranches, avec une intéressante description des lieux et des environs]", MG, déc. 1699, p. 135-177; "Réponse [sur le commencement du siècle]", MG, avril 1700, p. 98-121; "Réponse sur la question du siècle futur", MG, août 1700, p. 33-50 ; "Eloge du silence", MG, sept. 1700, p. 227-264 ; "Condition d'amitié, ou portrait de l'amy que je cherche", MG, oct. 1700, p. 38-82 ; "Pièces de vers", MG, janv. 1701, p. 9-16 ; "Deux madrigaux", MG, janv. 1701, p. 79-99; "Défense de la physionomie", MG, fév. 1702, p. 8-66 ; "Epitaphe de Saint-Evremont", MG, nov. 1703, p. 28-59 ; "Madrigaux à la gloire du roi de Suède", MG, juil!. 1707, p. 349-352; "Sermons à la mode", MG, avril 1708, p. 185-191 ; "Air nouveau [u·aduction d'une chanson espagnole]", MG, déc. 1708, p. 267-268 (avec pl. notée).

38

> Léonor-Antoine LANGEVIN , né à Carentan en 1653 c43\ professeur de philosophie et de mathématiques c44>, docteur de Sorbonne, chanoine de Saint-Benoît à Paris, où il est mort en 1707. Il a publié un ouvrage de controverse catholique intitulé L'infaillibité de l'Eglise dans tous les articles de sa doctrine touchant la foi et les mœursc45J,

> François ANDRÉ, sieur DE SAINT-ANDRÉ, né en 1654, docteur en médecine de l'université de Caen, médecin ordinaire du roi à Coutances, domicilié rue de la Mission, mort en 1727 c46J. Il a publié plusieurs ouvrages ou articles relatifs à la médecine et à la magiec47i,

> Louis LE VAVASSEUR, sieur DE MASSEVILLE, né à Montebourg en 1648 (48\ prêtre, secrétaire de l"'académie"c491, réside au séminaire de Valognes au début du XVIIIe siècle1501, mort âgé, pauvre et grabataire à Valognes, rue de la Croix-Morville, en 1733 15'l. Il s'est rendu célèbre par son Histoire sommaire de Normandie 1''J et son État géographique de la province de Normandie mais il est aussi l'auteur de tableaux géopolitiques, de vers et de maximes 154l.

(43) Fils de Guillaume, écuyer, sieur de Pontaumont, conseiller du roi au présidial de Coutances. Voir Emile LECHANTEUR DE PONT AUMONT, "Léonor-Antoine Langevin", Annuaire du départe111ent de la Manche, 1833, p. 281 ; Charles DUHERISSIER DE GERVILLE, Etudes géographiques et historiques sur le département de la Manche, Cherbourg, 1854, p. 254-255 ; Amable REGNAULT, "Thomas Langevin de Pontaumont", Annuaire du département de la Manche, 1855, p. 92-95.

(44) Il présidait le jury de thèse de Robert de Baupte de La Verrière dont le titre portait : Deo opt. 111ax. Conclusiones philosophico-mathematicae de cometis ; quibusdam argwnentis confirmatae ; de quibus, Deo

favente, respondebit Robertus de Baupte de La Verriere, Carenteniensis. Arbiter erit Leonorius-Antonius Langevin, philosophicae et mathematicae professor. Die aprilis a1111. 1681, a 2 ad. vesp. in scholis Carentenaeis, Constantiis, ex typographia Petri Bessin, 1681. - In-4°, (4), 20 p.

( 45) Paris, Roulland, 1701, 2 vol. in-12. (46) En 1678, il avait épousé en premières noces une nièce de !"'académicien" Nicolas de L'Isle, nommée

Marguerite Néel, fille de Gilles Néel, sieur de la Champagne, et de Gillette de L'Isle. Voir François MARTIN, Bio-bibliographie normande "Athenae Normannorum ", manuscrit inédit du R. P. François Martin, cordelier, publié pour la première fois, avec introduction, notes, additions et corrections, Victor BOURRIENNE et Tony GENTY (éd.), Caen, Jouan, 1901-1904, p. 66-68; René LE CLERC, "Le corps médical de Coutances, XVI'-XVII'-XVIII' siècle", L'année médicale de Caen et de Basse-Normandie, 51' année, n° 8, août 1930, p. 7-8 ; Christiane DAIREAUX, "L'hôtel François-Piel ... ", art. cit., p. 17 ; Inventaire après décès de sa seconde épouse, Marguerite Lecouvey, dressé le 9 déc. 1730 par les notaires de Coutances, Arch. dép. Manche, Fichier "Inventaires de Coutances".

(47) On connaît de lui : Entretiens sur l'acide et l'a/kali (Paris, L. Roulland, 1677 et 1680, in-12, et Paris, L. d'Houry, 1687, in-12; trad. en latin, italien et anglais); "Des talismans", EMG, mars 1680, p. 29-45 ; Reflexions nouvelles sur les causes des maladies et de leurs symptômes (Paris, L. d'Houry, 1687 et 1688, in-12); Prae/ectiones in Hippocratis librum de internis affectionibus (Caen, Cavelier, 1687); Réflexions sur la nature des remèdes, leurs effets et leurs manières d'agir (Rouen, F. Vaultier [C. Jore], 1700); Lettres de M. de Saint-André, conseiller médecin ordinaire du roi, à quelques-uns de ses amis au sujet de la magie, des maléfices et des sorciers (Paris, 1723 ?, Paris, R.-M. Despilly, C. Osmont, J.-B. de Maudouyt, 1725). Peut-être faut-il y ajouter les articles médicaux suivants, signés "le philosophe [inconnu] de Coutances" dans /'Extraordinaire: "Des effets de l'eau minérale", EMG, janv. 1681, p. 97-106; "Discours de la santé et de la maladie, où l'on examine la question : si la santé peut estre alterée par les passions", EMG, avril 1681, p. 209-314; "De l'origine, des progrez et de l'état present de la medecine", EMG, juil!. 1681, p. 292-332. D'autres articles seraient peut-être encore à porter à son crédit ; voir par exemple : "Si l'eau minérale en quelque manière qu'elle soit prise, est utile ou dangeureuse", EMG, avril 1684, p. 201-229.

(48) Fils de Floxel (mort avant 1677) et de Bazille Lefrançois. Voir Louis BOIVIN-CHAMPEAUX, "Masseville, notice sur un ancien historien normand", Assises scientijïques, littéraires et artistiques fondées par A. de Caumont, Compte-rendu de 1896, Rouen, Leprêtre, 1897, p. 273-282.

(49) MG, juill. 1698, p. 21-22. (50) Voir Pierre COSTIL, "Le collège de Valognes, pages d'histoire ancienne : M. de Laillier, les prêtres eudistes,

le séminaire, collège (1724-1777)", Mémorial de /'Institut Saint-Paul [de Cherbourg], août 1925, p. 264. (51) Inventaire après décès dressé le 7 août 1733 par les notaires de Valognes, Arch. dép. Manche, 5 E 14838,

ff. 487-491. (52) Rouen, P. Ferrand et A. MatUTy, 1688-1704, 6 vol. in-12; Rouen, A. Maurry, puis 1.-B. Besongne, 1708-

1727, 6 vol. in-12 ; Rouen, J. -B. Besongne, 1733-1734, 2 vol. in-12 ( t. I et V seuls). (53) Rouen, J.-B. Besongne, 1722, 2 vol. in-12. (54) Voir Frédéric PLUQUET, Curiosités littéraires concernant la province de Normandie, Caen, T. Chalopin,

1827, p. 23.

39

);>- "M' Du Bosc, professeur" : non identifié.

);>- Antoine PLESSARD, seigneur et patron DE SERVIGNY, baron de Gouville, né en 1664<55l, d'une famille cotentinaise anoblie en 1580, conseiller du roi, second président au présidial de Coutances, receveur des consignations, "homme de méritte" <56\ domicilié dans l'enclos du cloître Notre-Dame, mort en 1720 <57l.

Le recrutement de l' "académie" de Coutances fait ressortir la tension entre les volontés d'ouverture de la compagnie et la nécessité de conserver une société choisie. Autour du groupe initiateur, les personnes qui la composent, sont "triées au volet" <53l ; elles "ne sçauroient avoir qu'un commerce fort galant et fort spirituel" <591• Donnant la liste des membres au début de l'année 1678, le secrétaire énumère les noms de onze hommes, chiffre modeste. On ne sait s'il existait à proprement parler un numerus clausus, mais c'est la mort de l'un des "académiciens" qui provoque le recrutement d'un nouveau, choisi par cooptation pour le remplacer <60l. Leur petit nombre explique sans doute l'absence de classes de membres (honoraires, résidents, correspondants, etc.), mais l'égalité n'est pas pour autant de mise. Le rang de chacun dans la hiérarchie interne est, semble-t-il, remis aux votes à chaque fois qu'on élit un nouveau membre, et ce rang est inscrit au catalogue de !"'académie" <611• La compagnie se réunit sous le patronage d'un protecteur qui figure naturellement au premier rang de celui-ci <62l. En dehors de ce personnage, seul le secrétaire occupe une position particulière, et on n'a pas trace d'autres officiers au sein de l' "académie" <63l.

Ces caractères institutionnels, très marqués dans les premières années de la société <64l, semblent néanmoins disparaître assez vite. À la fin du siècle, en effet, suite aux difficultés rencontrées par la petite société et à !'échec de sa consécration comme académie de plein droit, la galerie de portraits des membres figurant dans la "Relation academique et galante" du sieur de La Fevrerie dévoile une tout autre composition du cercle coutançais. Différence fondamentale par rapport aux listes publiées aux débuts de !"'académie", la présence des femmes, naguère ignorée, est ici révélée.

"Comme autrefois le beau sexe y partageoit la gloire du bel esprit, et en faisoit tout l'ornement, il se trouve dans ce lieu-cy plusieurs dames d'un merite distingué, et dont l'esprit et la vertu relevent la beauté et les autres qualitez. " <G5l

(55) Fils de Jacques (vers 1626-1693), écuyer, sieur de Pontrilly, seigneur et patron de Négreville et de Servigny, bailli de la haute justice de Bricquebec, conseiller du roi, lieutenant particulier ancien civil et criminel du vicomte de Valognes, receveur des consignations du bailliage de Valognes, président au présidial de Coutances, et de son épouse Catherine Merlet. Voir Jack LEPETIT-V ATTIER, Demeures de Bricquebec et de ses environs, Saint-Lô, Société d'archéologie et d'histoire de la Manche, "Etudes et documents'', 2001, p. 250-253.

(56) PieITe GOUHIER, L'intendance de Caen en 1700, édition critique des mémoires "pour /'instruction du duc de Bourgogne", Paris, CTHS, 1998, p. 375.

(57) Voir Remy VlLLAND, La cour de Saint-Martin, à Saint-Martin-le-Hébert (cant. de Bricquebec), Saint-Lô, Société d'archéologie et d'histoire de la Manche, s. d. [4 p.] ; Inventaire après décès dressé le 24 juil!. 1720 par les notaires de Coutances, Arch. dép. Manche, Fichier "Inventaires de Coutances".

(58) MG, juil!. 1698, p. 57. (59) Ibid. (60) M. de Servigny est élu à la place de M. de l'Isle : voir EMG, janv. 1678, p. 355. (61) Voir ibid., p. 352 et 355, et MG, janv. 1678, p. 202. (62) Voir EMG, janv. 1678, p. 351. (63) Voir EMG, oct. 1683, p. 76 et MG, juill. 1698, p. 21-22. (64) "The society at Coutances appears most academic of ail : every member was obliged to make an address, the

purity of the French language was discussed, and new works were examined", concluait Mary-Elisabeth STORER, "Information furnished by Le Mercure galant ... ", art. cit., p. 444.

(65) MG, juil!. 1698, p. 41-42.

40

Sur quinze portraits, sept se rapportent à des dames, parmi lesquelles figurent l'épouse et la fille du protecteur, ainsi que des parentes et des amies de celles-ci. Au contraire, la présence du clergé, importante dans la liste des onze membres donnée par Masseville (un aumônier du roi, deux chanoines, un prêtre), se trouve drastiquement réduite dans l'évocation littéraire de La Fevrerie, qui ne consacre qu'un de ses quinze portraits à un homme d'Eglise. La bourgeoisie à talents (médecin, homme de loi, professeurs de collège), bien représentée dans la première liste, disparaît presque de la seconde.

En somme, on passe du recrutement caractéristique d'un groupe savant, dominé par des praticiens des lettres, du droit et des sciences, à celui d'un cercle galant et noble uni par les seuls liens de la famille et de l'amitié.

Les activités

Faute de textes réglementaires régissant la discipline intérieure, les travaux de !'"académie" se laissent tout de même découvrir dans les articles du Mercure.

Dès les origines de la compagnie, la manifestation la plus ordinaire de ses activités consiste en la tenue d'une réunion privée hebdomadaire 166). Après avoir discuté des affaires relatives à la société, les membres écoutent une communication présentée par l'un d'entre eux sur son sujet de prédilection ; à défaut, il arrive que l'on se penche sur les ouvrages composés par l'un des "académiciens" 167). L'actualité éditoriale ou littéraire est ensuite examinée avec attention. Entre ces travaux savants, on se distrait en écoutant des pièces mondaines ou quelque morceau de musique interprété par les membres 168).

"Chacun de son costé y contribue de son propre fond, ou par des connaissances acquises. La lecture des bons livres, les questions galantes, les heureuses rencontres, les nouvelles sont des matieres abondantes. Et tout cela, assaisonné de temps en temps par de petits concerts meslez de voix et d'instruments, ne laisse point de place à J'ennuy.

Jamais on ne demeure court,

On a pour l'entretien un fond inépuisable.

Le Mercure galant est toujours sur la table.

L'énigme et la chanson fournissent à leur tour

Des affaires du temps le recit veritable,

Des vers galants, l'histoire et ce qu'on met au jour,

Les uns parlent de guerre, et les autres d'amour." 169)

L'ensemble des moyens nécessaires à la bonne conduite des ces activités semble être assumé par le protecteur. Le président de Pierreville met à l a disposition des "académiciens" son hôtel urbain de la rue Saint-Nicolas dont il a fait un lieu tout propre aux travaux académiques :

"Jamais d'aucunfâcheux la presence ennemie

Ne trouble cette academie.

Cet hôtel est si bien gardé

Qu'elle n'est point interrompue.

L'etranger, l'inconnu, n'y font point de cohue

Et nul n'y vient s'il n'est mandé'' 170l

(66) Voir MG, janv. 1678, p. 201-202. (67) Voir EMG, janv. 1678, p. 354. (68) Sur les talents de musiciens des membres, outre le passage cité au sujet de Daireaux du Vaudôme, voir MG,

juill. 1698, p. 40, 48, 50. (69) Ibid., p. 58-59. (70) Ibid., p. 59-60.

41

Le cabinet du maître des lieux, où !'"académie" paraît se réunir, est une pièce assez grande dont le lambris est surmonté d'une corniche garnie de "trois figures de piastre". Il est meublé d'une "table carrée", de plusieurs sièges, dont "quatre grandes chaises de repos", d'un bureau avec son "escriptoire de maroquin noir". Aux murs, sont accrochés un "grand miroir" et une vingtaine de peintures de toutes tailles représentant notamment des paysages, un saint Jérôme, un "petit tableau de Rolande". La décoration est complétée par divers objets d'art, tels une cassette peinte de miniatures, des boîtes et des coffrets, des tabatières, des étuis de cuir, l'un contenant "plusieurs compasts et autres instruments de matematicque", une médaille d'or gravée d'armoiries 111i

.

À côté des séances ordinaires, les concours annuels constituent un moment fort dans les activités de la compagnie, celui où elle s'ouvre sur la vie citadine. Ces concours permettent à l"'académie" d'encourager le goût des lettres et le travail d'écriture chez un plus large public, de repérer les beaux esprits de la contrée et d'affirmer son autorité intellectuelle en décernant un prix, selon une tradition bien vivace en Normandie. À en croire la relation de La Fevrerie, de tels concours ont en effet eu lieu à Coutances, et c'est à l'occasion de l'un d'eux qu'il aurait découvert l'existence de ]"'académie" :

"Comme je passais un jour dans un des quartiers de la ville, je lus cette affiche qui me frapa la veue.

À tous les curieux, à tous les beaux esprits

On donne un avis d'importance,

Dans ce lieu, l'on tient conference,

Pour juger des cutteurs, et leur donner le prix."<72l

Les sujets examinés au cours de ces manifestations permettent de découvrir quels étaient les domaines d'intérêt et les goûts littéraires des membres de la compagnie. Le Mercure de janvier 1678 explique qu'"on parle [ ... ] de ce qui paroist essentiel à la pureté de nostre langue. On y prend des sujets de morale, de physique, d'histoire et de géogra­phie." <73l Peu de temps après, le secrétaire Masseville se montre plus précis :

"Voicy les sujets [des discours] qui ont esté prononcez: les sciences rendues illustres par les soins du roy, l'éloge de l'histoire de France, la manière de bien employer le temps, quel caractère d'esprit doit avoir un académicien, le triomphe de /'éloquence, de la raison et de l'expérience, de la beauté et de la diformité, de la jeunesse et de la vieillesse." 1741

Les premiers sujets cités, en rendant hommage aux fastes de la monarchie, s'inscrivent dans la stratégie de conquête des lettres patentes. Peu après, l'un des discours, en normalisant le comportement du parfait "académicien", fonctionne comme un règlement de la discipline interne que se donne la compagnie. Ensuite, les travaux cités relèvent avant tout d'une esthétique mondaine. À la lecture des articles du Mercure galant et, en premier lieu, de la relation du sieur de La Fevrerie, se dégagent deux modèles d'institutions littéraires qui permettent d'apprécier la culture des gens de lettres cou tançais : l'Académie française et l'hôtel de Rambouillet.

L'Académie française est une référence attendue, car les académies provinciales ont souvent recherché l'affiliation aux grands corps savants de la capitale 1751• À Coutances, cependant, elle est assez peu présente : les aspects institutionnels évoqués plus haut ne font pas ressortir avec netteté le modèle parisien ; l'intérêt des Coutançais pour la défense et

(71) Inventaire après décès dressé le 7 mars 1693 par les notaires de Coutances, A:rch. dép. Manche, 5 E 2927, n° 127, 18 f.

(72) MG, juill. 1698, p. 27. (73) MG, janv. 1678, p. 202. (74) EMG, janv. 1678, p. 354. (75) Voir Daniel ROCHE, Le siècle des Lumières en province . . . , op. cit., p. 19-24.

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illustration de la pureté de la langue française ne saurait renvoyer à la seule Académie française, qui, à l'âge classique, n'avait pas le monopole dans ce domaine ; enfin, l'unique mention explicite de cette institution (76J est plutôt anecdotique, et ne montre aucune espèce d'affinité particulière à son égard.

La référence élogieuse à l'hôtel de Rambouillet, quoiqu'elle déferle communément sur la vie littéraire jusqu'au beau milieu du XVIIIe siècle, étonne un peu plus dans le cercle de nos "académiciens" cotentinais. En vérité, elle constitue la trame même du discours du sieur de La Fevrerie :

"De gens choisis en petit nombre,

Comme à l'hôtel de Rambouillet,

Y vient, non pas jouer à l'hombre,

À la bassette, au lansquenet,

Mais tenir cercle et cabinet.

Et chacun y fait la figure

Ou de Balsac, ou de Voiture,

Ou de tel autre bel esprit

Que cet hôtel mit en crédit. " <77J

L'hôtesse de l'"académie", Françoise Hüe de La Roque, est bien entendu assimilée à Arthénice, et sa fille à Julie :

"La dame du logis merite avec justice

Pour ses rares vertus et pour sa qualité

Le celebre nom d'Artenice,

Et sa fille dont la beauté,

L'agrément et l'air enchanté,

Font une personne accomplie,

Doit avoir par raison le beau nom de Julie." osi

Poursuivant la métaphore, La Fevrerie reconnaît autour d'elles, parmi les Coutançais, quelques figures marquantes des salons parisiens : le marquis de Pisani <79l, Mmes de Sablé, de Saintot, de Villes a vin, et Mlles Paulet, de Vertus et du Vigean <30l. Les principaux auteurs évoqués, cités ou pastichés par La Fevrerie sont Maynard (mort en 1646)<'1J, Voiture (mort en 1648)<82\ Vaugelas (mort en 1650)<33l, Guez de Balzac (mort en 1654)<34l, Scarron (mort en 1660) <35l, Mme de Villedieu (morte en 1683) <86l, Ménage (mort en 1692)<'7> et La Bruyère (mort en 1696) <3'l. Toutes ces références, ainsi que le choix du genre du portrait lui-même, indiquent l'influence esthétique de la littérature féminine ou galante et du commerce littéraire des salons, avec une prédilection particulière pour la génération active au milieu du siècle. Une étude plus détaillée de l'ensemble de l'œuvre de La Fevrerie permettrait

(76) Faisant le portrait de l'un des membres de !"'académie" de Coutances, La Fevrerie écrit : "Luy seul peut composer une academie, du moins on peut dire qu'il n'est peut-estre point entré de plus beau parleur et de plus agréable lecteur que luy dans l'Académie française." Voir MG, juil!. 1698, p. 41.

(77) Ibid., p. 28. (78) Ibid., p. 29-30. (79) Ibid., p. 41. (80) Ibid., p. 42 et 49. (81) Ibid., p. 35. (82) Ibid., p. 28, 47 et 49. (83) Ibid., p. 53. (84) Ibid., p. 28. (85) Ibid., p. 36. (86) Ibid., p. 55-56. Marie-Cathe1ine Desjardins, Mme de Villedieu, fit paraître sonAlcidamie en 1661. (87) Ibid., p. 53. (88) Ibid., p. 43.

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du siècle. Une étude plus détaillée de l'ensemble de l'œuvre de La Fevrerie permettrait sans doute de montrer que l'image que renvoie, en 1698, la "Relation academique et galante" ne tient pas tant au travail d'écriture propre à l'auteur qu'à l'ambiance qui régnait alors dans les réunions de !'"académie" de Coutances <39>_

Les raisons d'un échec

Pourquoi la société des beaux esprits de Coutances n'est-elle pas parvenue à obtenir les lettres patentes qui auraient fait d'elle une académie à part entière ?

L'octroi de lettres patentes par le roi avait une valeur distinctive : elles n'étaient accordées qu'aux compagnies les plus dynamiques et dont la cause était plaidée auprès de la monarchie par de puissants soutiens. La sanction royale ne venait ainsi légitimer et encourager que des sociétés bien établies, autonomes quant à leur gestion matérielle, assurées d'un recrutement de qualité, et signalées par la constance de leurs travaux savants. À Coutances, de telles conditions ne paraissaient pas réunies.

Peu d'années après sa fondation, en effet, !'"académie" rencontre de graves difficultés: en 1698, la dispersion semble bel et bien consommée, et La Fevrerie peut écrire :

"On voit donc encore icy quelques membres de cette academie qui valent bien des statues antiques, et qui font regretter aux curieux la séparation des parties d'un corps qu'Apollon et les muses semblaient avoir composé. Ceux à qui il reste encore un peu de vie et de chaleur, c'est-à-dire la vie de l'esprit, et l'amour des belles lettres, tâchent de se réunir et d'inspirer aux autres qui en sont touchez le desir de leur rétablissement, ou du moins de les imiter en quelque sorte, par des assemblées et des conversations, où la politesse et la galanterie soient jointes aux ouvrages de!' esprit." <90J

C'est, en 1693, la mort du président de Pierreville, protecteur de !'"académie", qui porte le coup de grâce au petit cercle. Sa veuve continue certes à accueillir chez elle les beaux esprits de Coutances, mais on ne retrouve pas véritablement de protecteur. Dès lors, tout espoir de se voir reconnaître par le pouvoir royal s'évanouît. La période probatoire avait peut-être été trop courte pour que les Coutançais aient pu se distinguer. Faute de renseignements plus précis, on en est réduit à évoquer l'insuffisance de leurs relais 190 et de leurs appuis <92l

.

Pour expliquer l'échec des gens de lettres cou tançais, les raisons apparentes, qui mettent en cause la personnalité des soutiens de l"'académie" ou un concours de circonstances malheureuses, ne sauraient masquer l'existence de faiblesses plus profondes.

(89) Voir aussi !'esprit des conversations académiques rapportées par Marpain (?) et par La Fevrerie qui mettent en scène, sans les nommer, un "abbé" [Encoignard des Viviers ?], un "chevalier" [La Fevrerie lui-même?], un "docteur" [Saint-André ?], un "marquis" et un "président" [peut-être Duprey de Pierreville et Plessard de Servigny], ainsi qu'un "conseiller" [Daireaux du Vaudôme ?] : voir MARPALU, "Conversation academique [sur le sommeil de l'aprés-dînée], à Madame la comtesse de C. R. C.", EMG, avril 1680, p. 3-31 ; LA FEVRERIE, "Conversation academique, dans laquelle il est traité des bonnes et mauvaises qualitez de l'air, à Madame la comtesse de C. R. C.", EMG, oct. 1683, p. 3-76 ; LA FEVRERIE, "Conversation academique dans laquelle il est traité de l'origine des tombeaux et des magnifiques sepultures, à Madame la comtesse de C. H. C.", EMG, juil!. 1685, p. 24-93.

(90) MG, juil!. 1698, p. 25-26. (91) Aux Archives nationales, la Correspondance des intendants avec le contrôleur général des finances (1677-

1689), sous-série G7: inventaire analytique, par Anette SMEDLEY-WEILL, t. 1 [dont Caen, p. 244-288], Paris, Archives nationales, 1989, est muette au sujet de !'"académie" de Coutances.

(92) L'un des principaux appuis de la compagnie était à coup sûr le frère de Françoise Hüe de La Roque, épouse du président de Pierreville, Thomas Hüe de Miromesnil (1634-1704), intendant de la généralité de Châlons de 1673 à 1689, puis de Tours de 1689 à 1701. Sa position est d'ailleurs symptomatiquement évoquée dans la lettre de Masseville publiée dans !'Extraordinaire de janv. 1678, p. 355. Voir Henri DE FRONDEVILLE, Les présidents du parlement de Normandie . . . , op. cit., p. 116.

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D'une part, l'étude de la composition de la compagnie a montré comment, en vingt ans, on est passé d'un groupe savant à une "troupe" c93J galante : cette évolution tend à souligner la difficulté qu'il y a à maintenir un niveau de recrutement élevé dans une cité comme Coutances. La mort rapide de Nicolas de L'Isle, le départ de Louis Le Vavasseur de Masseville pour Valognes, celui de Léonor-Antoine Langevin pour Paris, le vieillissement des autres "académiciens" ont dû contribuer à mettre en difficulté la compagnie. La part des auteurs, c'est-à-dire des gens de lettres qui ont publié, paraît assez remarquable dans la liste des membres dressée en 1678 ; mais les choses changent par la suite. C'est que les académiciens se recrutent en priorité dans les capitales administratives de provinces, dans les métropoles ecclésiastiques, dans les sièges de cours souveraines ou supérieures, dans les chefs-lieux de généralités, dans les centres universitaires, ce que Coutances n'est pas c94i_

Hormis les cités méridionales, bénéficiant d'un mouvement de sociabilité particulier, les seules villes à voir reconnaître leur académie avant 1700 sont Soissons (en 1674) et Angers (en 1685)C95i, Caen, fondée en 1652, n'obtient ses lettres patentes qu'en 1705. Au regard de ces exemples, les chances de Coutances pouvaient sembler bien modestes.

D'autre part, l'étude des activités des gens de lettres coutançais a permis d'observer un certain gauchissement des centres d'intérêt entre 1678 et 1698. Les travaux proprement académiques annoncés aux débuts laissent bientôt place à des passe-temps plutôt mondains. L'"académie" est un lieu de formation ou d'assimilation de savoirs anciens, voire dépassés, plus que de recherches érudites ou nouvelles. Peut-être même faut-il croire que "l'esprit naturel" a pris le pas sur "le savoir et l'étude", pour reprendre les mots du sieur de La Fevreriec96i. Ce faisant, !'"académie" de Coutances s'écartait des objectifs de la politique d'encouragement des arts, des lettres et des sciences telle que l'entendait la monarchie.

Vers le milieu du XVIII' siècle, l'auteur inconnu du Traité des académies évoquait, avec une ironie mordante, la séduction exercée par le modèle académique sur la vie culturelle des élites de province : dès qu'il y a dans une ville deux aspirants au bel esprit, ils sont tourmentés par la "démangeaison de figurer dans les gazettes" ; ils réunissent alors "les liaisons de la table et de la galanterie", "du jeu et de la musique", ils rassemblent "le prévôt, le bailli, le doyen, le président" et "investissent le grand de la contrée" du titre de protecteur <97J. Mais, passé ce moment fondateur, encore fallait-il durer pour parvenir à se faire reconnaître. À Coutances, le déclin du recrutement et des activités se fait sentir en moins d'une génération. Si, par ses propres choix et par la force des choses, cette "académie" s'éloignait d'une norme en cours de définition, ses ambitions, précoces et clairement affirmées, témoignent tout de même du rôle des petites villes de province dans la diffusion, à l'échelle du royaume, d'une culture artistique, littéraire et scientifique.

Alexis DOUCHIN

(93) MG, juil!. 1698, p. 36. (94) Voir Michel TAILLEFER, "Académies provinciales", in Dictionnaire de l'ancien régime, Lucien BELY

(dir.), p. 19-20. (95) Voir Daniel ROCHE, Le siècle des Lumières en province . . . , op. cit. , p. 19-20. Comme Coutances, les

académies de ces deux villes se font connaître dans le Mercure Galant : voir Monique VINCENT, Mercure galant . . . , op. cit., p. 49-57.

(96) MG, juil!. 1698, p. 48-49. (97) Bibl. mun. Nîmes, ms. 241, cité par Daniel ROCHE, Le siècle des Lumières en province . . . , op. cil., p. 15.

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