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Composition des tesselles de mosaïque en verre au VI e siècle en Gaule : Bordeaux, Tours, Nevers et Poitiers À partir de l’étude du décor mural de Notre-Dame-de-la-Place à Bordeaux 1 , nous avons rassemblé des tesselles de mosaïques de la Gaule datées autour du vi e siècle, afin d’en étudier la composition. Les sites concernés sont l’église Notre- Dame-de-la-Place à Bordeaux, le baptistère de Nevers, Saint-Martin de Tours et Saint-Hilaire de Poitiers. L’objectif de cette étude est double. Il s’agit d’une part de déterminer la composition des tesselles de verre employées dans les mosaïques du haut Moyen Âge, c’est-à-dire d’identifier Bénédicte PALAZZO-BERTHOLON leur nature (sodique ou potassique), en relation avec les verres connus pour les périodes comprises entre l’Antiquité et le xii e siècle, que Bruce Velde présente dans ce même volume. D’autre part, nous souhaitons étudier plus par- ticulièrement le cas des tesselles dorées, qui présente des caractéristiques spécifiques de fabrication. Dans le cadre de cet article, nous présenterons dans un premier temps, les résultats d’analyse des tesselles choisies. Puis, nous étudierons la composi- tion, la fabrication et l’altération des tesselles dorées. Enfin, nous comparerons nos résultats d’analyses avec d’autres exemples médiévaux, d’Occident et d’Orient, publiés par ailleurs. Les tesselles colorées Le décor mural est composé de colonnettes, de rinceaux et de feuillages pour les stucs et les enduits peints, mais les motifs sont difficiles à identifier pour la mosaïque. Celle-ci est constituée de trois types d’éléments : des tesselles de verre bien taillées (entre 7 et 10 mm de côté), des fragments de verre informes (provenant de rebut Bordeaux L’étude initiale, qui nous a conduits vers ce sujet, a porté sur un décor d’enduits et de stucs peints associés à une mosaïque murale, trouvé en fouille dans l’église Notre-Dame-de-la-Place (fig. 1) et daté du vi e siècle par la stratigraphie du site 2 .

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Composition des tesselles de mosaïque en verre au vie siècle en Gaule :

Bordeaux, Tours, Nevers et Poitiers

À partir de l’étude du décor mural de Notre-Dame-de-la-Place à Bordeaux1, nous avons rassemblé des tesselles de

mosaïques de la Gaule datées autour du vie siècle, afin d’en étudier la composition.

Les sites concernés sont l’église Notre-Dame-de-la-Place à Bordeaux, le

baptistère de Nevers, Saint-Martin de Tours et Saint-Hilaire de Poitiers.

L’objectif de cette étude est double. Il s’agit d’une part de déterminer la

composition des tesselles de verre employées dans les mosaïques du haut

Moyen Âge, c’est-à-dire d’identifier

Bénédicte Palazzo-Bertholon

leur nature (sodique ou potassique), en relation avec les verres connus pour les périodes comprises entre l’Antiquité et le xiie siècle, que Bruce Velde présente dans ce même volume.

D’autre part, nous souhaitons étudier plus par-ticulièrement le cas des tesselles dorées, qui présente des caractéristiques spécifiques de fabrication.

Dans le cadre de cet article, nous présenterons dans un premier temps, les résultats d’analyse des tesselles choisies. Puis, nous étudierons la composi-tion, la fabrication et l’altération des tesselles dorées. Enfin, nous comparerons nos résultats d’analyses avec d’autres exemples médiévaux, d’Occident et d’Orient, publiés par ailleurs.

Les tesselles colorées

Le décor mural est composé de colonnettes, de rinceaux et de feuillages pour les stucs et les enduits peints, mais les motifs sont difficiles à identifier pour la mosaïque. Celle-ci est constituée de trois types d’éléments : des tesselles de verre bien taillées (entre 7 et 10 mm de côté), des fragments de verre informes (provenant de rebut

BordeauxL’étude initiale, qui nous a conduits vers

ce sujet, a porté sur un décor d’enduits et de stucs peints associés à une mosaïque

murale, trouvé en fouille dans l’église Notre-Dame-de-la-Place (fig. 1) et daté du vie siècle par la stratigraphie du site2.

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Vitrail, verre et archéologie entre ve et xiie siècle

Fig. 1

Tesselles de mosaïque de Bordeaux, église Notre-Dame-de-la-Place

(cliché Ch. Vignaud)

0 2 cm

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Composition des tesselles de mosaïque en verre au vie siècle en Gaule : Bordeaux, Tours, Nevers et Poitiers

plus fortes en calcium (de 6,62 à 9,42 %) et un peu de manganèse (de 0,79 à 1,51 %).

Les rapports MgO/K2O d’une part et Na2O3/Al2O3 d’autre part illustrent les caractéristiques de composition de ces verres4. Le regroupement des points en un nuage serré ne détermine pas de différences significatives du point de vue de la pâte de verre.

En plus des éléments significatifs de la nature chimique du verre et de son type de recette5, certains éléments présents nous renseignent sur la couleur et l’aspect initial du verre, en dépit des altérations. La couleur bleue est obtenue par la combinaison de différents éléments dont nous avons l’illustration dans les tesselles analysées. Dans le cas d’un bleu clair translucide (NDP IX), c’est la combinaison du cuivre et du fer qui donne la couleur. Ou bien la combinaison de bronze (CuO+SnO) et de fer (FeO) dans le NDP III, par exemple6. Mais le bleu peut être obtenu également par l’ajout d’une quantité infime de cobalt, comme c’est probablement le cas pour le NDP IV7. La couleur jaune clair est donnée par le fer à l’état oxydé et la couleur verdâtre est due au même élément à l’état réduit ou bien au cuivre à l’état oxydé. La couleur verte des NDP VIIb, VIIa et VI est due à la présence du cuivre à l’état oxydé ou au fer également oxydé.

Par ailleurs, la décoloration du verre initial est due à l’ajout d’oxyde de manganèse (autour de 1,5 %), appelé « savon des verriers ». La couleur rouge est due au fer et au cuivre à l’état oxydé. Dans le cas de la tesselle opaque rouge (NDP I), les deux éléments sont présents en fortes teneurs, associés au plomb (comme dans les tesselles analysées par Nathalie Brun à Mâcon). La couleur noire (NDP VIII), quant à elle, est due à la combinaison de tous les éléments colorants disponibles, à forte teneur en fer, manganèse, cobalt et cuivre avec, comme résultat, l’annulation des couleurs. Dans le cas de Bordeaux, le fer présente une concentration particulièrement forte (6,06 %).

Nous avons identifié, sur le lot de Bordeaux, trois éléments opacifiants : le plomb associé à l’étain (NDP III)8 et le fer (NDP IX brun, NDP VIII noir et NDP I rouge). En revanche, l’antimoine (Sb2O3), considéré comme le principal opacifiant du verre romain, qui perdure au-delà du vie siècle dans certains

de cuisson ou bien de récupération) et des tesselles de marbre blanc grossièrement taillées et non polies (15 à 20 mm de côté). La mosaïque est posée sur un mortier de chaux, qui conserve à la surface les traces d’un dessin préparatoire en couleurs (rouge, orange, vert clair, gris) destiné à préparer l’agencement des tesselles selon les motifs recherchés. On ne remarque cependant pas de relation logique entre les tracés peints et les couleurs des tesselles posées dessus. La mise en place de la mosaïque relève, de toute évidence, d’un assemblage de matériaux et de provenances divers : des tesselles de verre calibrées, complétées avec des fragments de verre de récupération et des tesselles de marbre blanc grossièrement taillées.

Les tesselles de verre présentent des couleurs variées (fig. 2) : certaines sont opaques, de couleur rouge, brun ou noir et les autres sont translucides, de couleur jaune, verdâtre, bleu foncé, bleu clair ou incolore. Les variables dans la composition des verres concernent essentiel-lement le fondant et le sable. Le fondant est composé de sodium presque pur, mais les impuretés Mg et K sont indicateurs des autres fondants possibles tels que la sali-corne (kali) et les cendres de bois. Le sable peut avoir des teneurs différentes en aluminium et calcium, mais les variations du rapport Na2O/Al2O3 indiquent des varia-tions dans les sources de sable. L’analyse élémentaire de ces tesselles (tableau 1) montre qu’il s’agit de verres si-lico-calco-sodiques et la comparaison des compositions permet de distinguer trois groupes de pâtes de verre3 :

– un premier groupe (composé des NDP III et NDP V) présente une teneur en sodium basse par rapport à l’ensemble (comprise entre 13,7 et 15,2 %), de fortes teneurs en aluminium (2,96 % et 2,75 %) et pas de manganèse ;

– le deuxième groupe (NDP IIb et NDP IV) a de faibles teneurs en calcium (5,85 % et 5,95 %), de fortes teneurs en silicium (69,58 % et 69,8 %) et des valeurs très proches pour d’autres éléments (Al2O3, MnO, Fe2O3) ;

– le troisième groupe (NDP IIa, NDP IX brun 2, NDP I, NDP VIII, NDP IX brun, NDP VIIa, NDP VIIb, NDP VI) est riche en sodium (valeurs comprises entre 16,2 et 20,1 %), avec des teneurs plus faibles en aluminium (entre 1,95 et 2,49 %),

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Vitrail, verre et archéologie entre ve et xiie siècle

Fig. 2

Tesselles de mosaïque de Bordeaux, église Notre-Dame-de-la-Place

(cliché Ch. Vignaud)

0 1 cm

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Tableau 2 : Compositions élémentaires des tesselles de verre de Tours

Composition des tesselles de mosaïque en verre au vie siècle en Gaule : Bordeaux, Tours, Nevers et Poitiers

Site Référence Verres sains Na2O MgO Al2O3 SiO2 K2O CaO MnO Fe2O3 CuO SnO2 Pb2O3 TotalBordeaux NDP III opaque bleu turquoise 13,70 0,59 2,75 64,23 0,89 7,01 0,29 1,89 1,25 7,40 100Bordeaux NDP IX brun opâque brun 18,35 0,60 2,15 59,82 0,74 6,63 0,79 9,94 0,58 0,40 100Bordeaux NDP VIII opaque noir 20,10 0,58 1,95 61,90 0,55 6,62 1,03 6,06 0,58 0,63 100Bordeaux NDP I opaque rouge 16,99 0,79 2,49 65,11 0,69 6,71 0,91 2,52 2,68 1,11 100Bordeaux NDP IX brun 2 verre altéré, ext. Brun et

int. Bleu clair translucide19,80 0,74 2,28 66,17 0,72 7,20 1,06 1,00 0,55 0,48 100

Bordeaux NDP VI translucide jaune clair 19,49 0,40 1,97 66,87 0,54 6,68 1,41 1,24 0,63 0,77 100Bordeaux NDP II a translucide verdâtre 17,00 0,67 2,29 68,60 0,68 7,44 1,00 0,88 0,83 0,61 100Bordeaux NDP VII b translucide verdâtre, feuille

d’or + couv. verre, surface16,84 0,56 2,21 68,62 0,54 7,48 1,51 0,76 0,58 0,90 100

Bordeaux NDP VII a translucide verdâtre, feuille d’or + couv. verre, support

16,21 0,86 2,23 67,18 0,69 9,42 1,44 1,17 0,26 0,54 100

Bordeaux NDP V translucide bleu clair 15,20 0,51 2,96 69,77 0,94 7,58 0,56 1,65 0,83 100Bordeaux NDP IV translucide bleu outremer 18,80 0,38 2,08 69,58 0,64 5,95 0,38 0,49 0,93 0,77 100Bordeaux NDP II b translucide incolore, feuille

d’or disparue18,74 0,55 2,06 69,80 1,10 5,85 0,26 0,47 0,55 0,32 0,30 100

Site Référence Verres altérésBordeaux NDP X surface d’altération - avers 0,79 1,13 7,43 31,65 1,44 15,14 30,77 10,00 0,60 1,05 100Bordeaux NDP X surface d’altération - revers 0,25 0,52 11,05 66,95 3,76 7,14 6,15 4,02 0,16 100Bordeaux NDP IX brun mesure 1 sur altération 0,73 0,58 3,66 23,08 0,92 16,88 18,69 34,51 0,95 100Bordeaux NDP IX brun mesure 2 sur altération 0,35 1,05 1,08 0,20 0,20 0,24 96,88 100Bordeaux NDP VII b mesure sur altération :

couverte1,01 0,14 12,54 76,11 4,11 4,73 0,06 0,38 0,73 0,19 100

Bordeaux NDP VIIa mesure sur altération : support

0,53 0,25 10,18 71,83 4,59 7,82 0,04 4,76 100

Bordeaux NDP VI mesure sur altération (moy. 2 mesures)

1,04 0,38 3,46 23,74 1,95 11,77 47,98 8,98 0,39 0,31 100

Bordeaux NDP VI autre mesure sur altération -0,30 0,98 2,19 12,99 1,94 12,18 62,36 6,10 0,52 1,04 100

Site Échantillon Verres sains Na2O MgO Al2O3 SiO2 P2O5 SO3 K2O CaO TiO2 MnO Fe2O3 TotalTours Tours 3 - 3b couleur ? 14,10 0,80 2,48 71,19 0,03 1,24 0,60 8,04 nd 0,69 0,83 100Tours Tours 3 - 2 couleur ? 17,52 0,70 2,14 67,35 0,26 1,04 0,57 7,93 nd 1,58 0,93 100Tours Tours 3 - 6 bleu 16,36 0,86 1,93 66,85 0,15 3,09 0,85 7,77 nd 0,56 1,58 100Tours Tours 2 - 3 vert 16,25 0,79 2,15 65,27 0,06 1,29 0,89 7,33 nd 1,05 4,92 100Tours Tours 2 - 2 noir 17,38 0,71 2,12 62,27 0,19 1,40 0,72 7,23 nd 1,56 6,41 100Tours Tours 2 - 1 or 13,63 0,96 3,13 71,11 0,15 0,04 0,78 9,77 nd 0,00 0,48 100Tours Tours 2 - 4 couleur ? 16,24 0,45 1,92 66,92 0,18 0,59 1,03 7,58 nd 1,10 4,00 100Tours Tours 2 - 5 rouge 15,28 0,71 1,66 58,17 0,20 3,92 0,57 6,87 nd 1,27 11,36 100

Tableau 1 : Compositions élémentaires des tesselles de verre de Bordeaux

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Vitrail, verre et archéologie entre ve et xiie siècle

Site Référence Support / couverte Na2O MgO Al2O3 SiO2 P2O5 SO3 K2O CaO TiO2 MnO Fe2O3 TotalNevers Nevers T - 2 - 1 couverte 10,01 0,75 4,51 71,27 0,07 nd 1,34 7,87 0,00 3,53 0,67 100Nevers Nevers T - 2 - 2 support, couleur ? 12,83 0,51 3,40 67,68 0,34 nd 1,14 9,52 0,00 3,77 0,93 100Nevers T1 couverte (Nevers) translucide,

transparente17,61 0,80 2,74 66,67 0,25 nd 0,60 6,80 0,39 1,86 2,27 100

Nevers T1 support (Nevers) support, couleur ? 19,38 0,84 2,44 65,99 0,19 nd 0,59 5,94 0,09 2,19 2,35 100Nevers T3 couverte (Nevers) translucide,

transparente13,99 0,73 2,50 66,80 0,35 nd 1,03 9,25 0,07 4,37 0,92 100

Nevers T3 support (Nevers) support, couleur ? 13,61 0,66 3,32 66,25 0,05 nd 0,97 10,08 0,00 4,41 0,68 100Nevers T4 couverte (Nevers) translucide,

transparente15,46 0,42 3,06 66,38 0,01 nd 0,91 9,13 0,40 3,78 0,44 100

Nevers T4 support (Nevers) support, couleur ? 14,83 0,73 3,01 64,44 0,14 nd 0,76 10,06 0,15 4,67 1,22 100Nevers T6 couverte (Nevers) translucide,

transparente15,82 0,75 3,09 65,20 0,50 nd 0,77 8,56 0,00 4,45 0,96 100

Nevers T6 support (Nevers) support, couleur ? 15,57 0,91 2,63 65,36 0,00 nd 0,84 9,20 0,26 4,45 0,89 100Nevers T5 couverte (Nevers) translucide,

transparente15,38 0,59 3,26 68,22 0,00 nd 0,95 8,50 0,22 2,25 1,01 100

Nevers T5 support (Nevers) support, couleur ? 13,36 0,46 3,02 70,09 0,35 nd 0,98 9,53 0,00 1,62 0,66 100Bordeaux Bordeaux A couverte translucide,

transparente15,54 0,90 2,85 69,18 0,10 nd 0,63 8,45 0,45 1,01 0,89 100

Bordeaux Bordeaux A support couleur ? 15,28 0,89 2,40 68,76 0,22 nd 0,77 9,16 0,13 1,31 1,08 100Bordeaux Bordeaux B couverte translucide,

transparente16,88 0,90 2,57 67,50 0,00 nd 0,61 8,87 0,31 1,07 1,29 100

Bordeaux Bordeaux B support bleu profond 18,30 1,09 2,51 65,77 0,01 nd 0,74 8,97 0,00 0,78 1,88 100Bordeaux Bordeaux C couverte translucide,

transparente18,27 0,80 2,50 67,32 0,00 nd 0,59 8,40 0,15 1,07 1,01 100

Bordeaux Bordeaux C support bleu profond 18,35 1,26 2,49 65,19 0,08 nd 0,82 8,95 0,12 0,65 2,09 100Poitiers Saint-Hilaire 1 couverte translucide,

transparente12,18 1,02 3,29 67,80 0,00 nd 0,82 12,03 0,22 2,05 0,74 100

Poitiers Saint-Hilaire 1 support dorée, couleur support ?

13,12 0,75 3,16 66,92 0,15 nd 0,79 10,89 0,25 2,98 0,99 100

Poitiers Saint-Hilaire 2 couverte translucide, transparente

12,74 0,60 3,10 66,22 0,00 nd 1,03 10,77 0,19 4,75 0,61 100

Poitiers Saint-Hilaire 2 support dorée, couleur support ?

13,21 0,77 2,67 66,58 0,20 nd 0,72 11,01 0,24 3,73 0,88 100

Site Référence Na2O MgO Al2O3 SiO2 SO3 Cl2O K2O CaO MnO Fe2O3Mâcon moyenne du groupe 1 14,0 1,0 3,8 67,0 0,5 0,8 0,9 8,7 3,0 0,8Mâcon moyenne du groupe 2 18,0 1,6 3,4 63,0 0,8 1,0 0,9 6,5 1,6 2,4Mâcon moyenne du groupe 3 17,0 1,0 2,8 69,0 0,7 1,3 0,5 6,1 0,8 0,6Mâcon moyenne du groupe 4 14,0 1,0 4,1 69,0 0,4 1,1 0,7 9,0 0,1 0,5

Tableau 4 : Compositions élémentaires des tesselles de verre de Mâcon (analyses de N. Brun)

Tableau 3 : Compositions élémentaires des tesselles de verre de Nevers, Bordeaux et Poitiers

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Composition des tesselles de mosaïque en verre au vie siècle en Gaule : Bordeaux, Tours, Nevers et Poitiers

Graphique 1 : Rapport Mg/K2O des tesselles de Bordeaux et Tours

Graphique 2 : Rapport Na/Al des tesselles de Bordeaux et Tours

cas9, est absent des tesselles de Bordeaux10. En réalité, l’emploi de l’antimoine est variable, selon les régions et les époques. Ainsi, on peut trouver de l’antimoine dans des tesselles datées du ixe siècle, comme à San Vincenzo al Volturno (Italie), où l’on a la preuve du recyclage de verre plus ancien et donc le remploi de verre romain local dans les tesselles carolingiennes11. En revanche, les tesselles du ve siècle de la basilique de Photios à Huarte (Syrie) ne contiennent pas d’antimoine. Dans ce dernier cas, il semble être délaissé au profit de l’étain en tant qu’opacifiant, entre le iie et le iiie siècle12.

Saint-Martin de ToursLes tesselles de Tours, datées des ve-vie siècles présentent une composition de verre silico-calco-sodique13. La teneur en Na est comprise entre 13,6 et 17,5 % et le Si entre 58 et 71 %. Les teneurs en magnésium sont faibles, tout comme le potassium, compris entre 0,6 et 1,3 %, tandis que la teneur en Ca varie entre 6,9 et 9,8 %. Le rapport MgO/K2O regroupe les tesselles en un nuage de points de faibles teneurs, caractéristi-que des verres sodiques (graphique 1).

Les tesselles dorées

ProblématiqueL’emploi des tesselles dorées semble être largement diffusé aux ve et vie siècles en Gaule, si l’on considère leur proportion importante dans les lots retrouvés en fouille (Nevers, Mâcon, Tours et dans une moin-dre mesure Poitiers et Bordeaux). Ces tesselles sont constituées de trois couches superposées : le verre de support, une feuille métallique et une couverte de verre appelée également « cartellina » (fig. 3). Le support présente la même épaisseur que les tesselles de couleur et des dimensions semblables. La couverte de verre appliquée en protection de la feuille d’or ne dépasse guère, en revanche, 1 mm d’épaisseur.

0

0,2

0,4

0,6

0,8

1

1,2

0 0,2 0,4 0,6 0,8 1 1,2MgO

K2O

BordeauxTours

0

0,5

1

1,5

2

2,5

3

3,5

BordeauxTours

0 5 10 15 20 25Na2O

Al2 O3

0

0,5

1

1,5

2

2,5

3

3,5

BordeauxTours

0 5 10 15 20 25Na2O

Al2 O3

Le verre de support est le plus souvent translu-cide, de couleur claire (verdâtre ou jaune), mais nous avons également des tesselles dorées constituées de verre de couleur foncée : bleu à Bordeaux ou brun à Saint-Hilaire de Poitiers. On peut s’interroger sur le rôle chromatique du support dans les tesselles dorées, dans la mesure où l’on trouve une grande variété de couleurs parmi les tesselles recouvertes d’une feuille métallique, qu’elles soient opaques ou translucides. Deux explications peuvent être avancées : l’une es-thétique et l’autre technique. Il semblerait en effet, que l’on ait choisi des supports différents selon l’effet recherché pour la réflexion de la lumière, car la feuille métallique n’est pas uniforme : elle présente des dis-continuités qui permettent d’entrevoir le verre de support. Ainsi, la couleur et l’état (opaque ou trans-lucide) du support influenceraient l’effet chromati-que des tesselles dorées14. Par ailleurs, l’adhésion de la feuille métallique sur le verre serait facilitée par la présence d’ions métalliques comme le cobalt (verres noirs et bleus), le cuivre et le plomb dans le support (rouge opaque)15. Ces questions de choix du verre de couleur et de la mise en œuvre des tesselles dorées restent encore à étudier en détail.

Modes de fabrication des tesselles doréesOn n’a pas vraiment de certitudes quant aux tech-niques employées pour la fabrication des tesselles dorées entre le ive et le ixe siècle. Les recettes dis-ponibles pour le Moyen Âge ont été rassemblées et étudiées par différents auteurs au cours de ces dernières années16, à la suite d’Isotta Fiorentini- Roncuzzi qui rassemblait les données sur le sujet dès les années 1980. Selon l’auteur, il existe trois types principaux de recette, dont on trouve ensuite des variantes dans différents manuscrits médié-vaux :

Les verres dorés trouvés dans les catacombes des

premiers chrétiens des iiie et ive siècles (fermeture

des loculi dans les catacombes) étaient obtenus en

34

Vitrail, verre et archéologie entre ve et xiie siècle

Fig. 4

Cliché macroscopique en coupe d’une tesselle écrasée,

déformée par la presse(cliché B. Velde)

Fig. 3

Cliché macroscopique d’une tesselle dorée vue en coupe

(cliché Ch. Vignaud)

0 5 mm

35

Composition des tesselles de mosaïque en verre au vie siècle en Gaule : Bordeaux, Tours, Nevers et Poitiers

appliquant sur le verre de support, à froid, une feuille

d’or fixée à son support de verre à l’aide d’une résine

organique. Par-dessus cette feuille d’or, on plaçait

– toujours à froid – une fine couche de verre qui servait

de protection.

Au xiie siècle une deuxième recette est rapportée par le moine Théophile17 sous l’appellation de « mé-thode byzantine » :

Les maîtres verriers byzantins appliquaient la feuille

d’or sur une couche de verre appelée « support »,

après en avoir humidifiée la surface. Puis, sur la

feuille d’or, ils étendaient une fine couche de poudre

de verre avant d’enfourner. Avec la chaleur, la poudre

de verre formait une fine pellicule vitreuse appelée

« cartellina », qui protégeait l’or.

Fiorentini-Roncuzzi remarque que dans ce cas, l’épais-seur de la couverte est irrégulière et la transparence médiocre18. La troisième recette provient du Codice de la Biblioteca dei Canonici Lucchesi (viiie siècle) et propose le procédé suivant :

Mettre une feuille d’or sur une couche de verre. Et

sur la couche d’or, mettre plusieurs autres couches de

verre. Mettre le tout au four jusqu’à ce que la couche

de verre commence à fondre, puis retirer du feu pour le

faire refroidir. Frotter [ou écraser ?] ensuite la surface

sur une table d’aplomb en pierre de Smirne (arenaria)

afin d’en réduire l’épaisseur, puis la colorer19.

D’après cette description, la feuille d’or est ap-pliquée sur la couche de verre la plus fine (cartel-lina) puis on ajoutait sur celle-ci, en plusieurs fois, le verre de support. La méthode byzantine est adop-tée et perfectionnée plus tardivement (à partir du xiiie siècle) par les verriers vénitiens. La feuille d’or était appliquée sur le verre de support, puis une fine couche de verre soufflé était appliquée sur la feuille d’or. L’adhérence et l’uniformité des couches étaient parfaites. L’ensemble était ensuite repassé au four et le verre doré en sortait plus propre et plus brillant. Par ailleurs, une recette de la fin du xive siècle fait mention d’un liant organique employé pour fixer la feuille d’or au support de verre :

Sur une feuille de verre, fine comme les verres de

lunettes (cartellina), découper la feuille d’or aux

dimensions de la couche de verre et appliquer l’or à

l’aide de blanc d’œuf et mettre ensuite par-dessus

la feuille d’or, l’autre couche de verre et les faire

sécher20…

Une mention de l’emploi de blanc d’œuf pour fixer la feuille d’or figure également dans le Codice Montpellier21.

De manière générale, les indications de ces re-cettes sont partielles et les moyens employés pour obtenir un support et une couverte de verre fin ne sont pas indiqués clairement. L’emploi d’une technique particulière de presse notamment n’est pas spécifié. Ce procédé est pourtant attesté à Tours (Saint-Martin) à partir des fouilles de la basilique paléochrétienne et de l’atelier de ver-rier voisin22. D’après les observations archéolo-giques réalisées sur le matériel issu de la fouille, Motteau propose trois techniques de réalisation des plaques de verre destinées à la fabrication des tesselles de mosaïque. La première consiste à aplatir le lingot de verre incandescent entre deux plaques. La deuxième correspond à la coulée du verre à l’état liquide dans un châssis et la troisième consiste à l’écrasement d’une boule de verre préa-lablement soufflée à la sortie du four23. Il s’agit là de la préparation du support, mais Verità cite l’emploi d’une presse également pour la réalisation des tesselles dorées24. Le même auteur souligne par ailleurs les difficultés rencontrées par les maî-tres verriers afin de fixer la feuille d’or au verre25.

Il est fait mention également, que le verre de la couverte ne devait pas contenir de plomb, car l’adhésion est meilleure avec un verre ordinaire26.

Dans le cas de nos tesselles du vie siècle, la cou-verte appliquée sur la feuille métallique est trans-lucide et mince (1 mm d’épaisseur au plus) et son épaisseur vue en coupe est régulière et sans défaut (bulles ou cristaux). Afin de mieux comprendre la fabrication de ces tesselles dorées, nous avons étudié la composition et la structure des trois couches qui la constituent.

support (CaO : 9,42 % et Fe2O3 : 1,17 %) que dans la couverte (CaO : 7,48 % et Fe2O3 : 0,76 %). L’échantillon B présente la même teneur en CaO dans le support et la couverte : on a sans doute em-ployé le même verre pour le support et la couverte. Les deux autres tesselles dorées, en revanche, ont une teneur en CaO légèrement plus forte dans le support que dans la couverte (0,55 et 0,71 points de plus). Du point de vue chimique, la teneur en calcium élève la température de fusion du verre et dans ce cas, la couverte pourrait être en fusion sans que le support ne soit fondu également. Dans cette hypothèse, la couverte aurait été réalisée à chaud, par un recuit de l’ensemble. La transparence de la couverte est bonne et la surface est parfaitement régulière, ce qui ne semble pas correspondre aux défauts soulignés par Fiorentini-Roncuzzi à pro-pos de la recette dite « byzantine » par Théophile. La teneur plus faible en fer dans la couverte peut indiquer que l’on a recherché une meilleure trans-parence du verre intentionnellement, le fer étant opacifiant.

Les analyses complémentaires réalisées sur les échantillons Bordeaux A, B et C montrent que les compositions entre supports et couvertes sont com-parables entre elles. La seule variation significative concerne le Na2O entre le support et la couverte de Bordeaux B (de 16,88 à 18,30 %).

Nevers

Les tesselles dorées de Nevers, que nous avons analysées présentent un verre de support translucide et légèrement teinté en vert ou jaune selon les cas. Sur le support, une feuille métallique est appliquée et protégée par une fine couverte de verre, posée par-dessus.

La composition élémentaire des verres de support divise l’ensemble en trois groupes30. Le groupe le mieux représenté comprend les tesselles T3, T4, T5 et T6. Ces échantillons présentent des teneurs comprises entre 14 et 15,80 % pour le Na2O, entre 64,5 et 70 % pour le SiO, entre 8,5 et 10 % pour le CaO et entre 1,6 et 4,7 % pour le MnO.

Composition des supports et des couvertesBordeaux

La mosaïque de Bordeaux conserve un nombre si-gnificatif de tesselles dorées, dont l’état de conser-vation est plutôt critique dans l’ensemble. Ces éléments se présentent sous la forme d’un support de verre (de 5 à 7 mm d’épaisseur), translucide et de couleur claire (jaune clair ou incolore) ou bien bleu foncé, translucide. Une feuille d’or (inférieure à 10 µm d’épaisseur) est appliquée sur ce support et recouverte d’une seconde couche de verre translu-cide incolore (la cartellina ou couverte) épaisse de 1 à 2 mm27. Cette couche de surface est d’une grande régularité et la transparence de bonne qualité28. La feuille d’or est très fine et contient seulement un peu d’argent associé. Remarquons qu’il est préférable d’employer un or aussi pur que possible, car il est plus ductile, afin de réaliser une feuille plus fine et donc plus économique.

Du point de vue technique, une des tesselles do-rées, correspondant au bord d’une plaque de verre, présente une structure particulière : le verre de sup-port a été déformé, écrasé en quelque sorte, tandis que la couverte est rectiligne et intacte (fig. 4). La vue en coupe de l’échantillon montre que l’on a pressé le verre de support lors de l’application de la couverte, qui elle, n’est pas déformée. D’après ces observations, il semble que l’on a appliqué la couverte à chaud et que l’on a pressé l’ensemble, afin de faire adhérer plus fortement les trois couches entre elles (support, feuille d’or et couverte), ce qui expliquerait la déformation du support. Cette ob-servation sur les tesselles archéologiques confirme le procédé d’écrasement des plaques de verre à mo-saïque cité par Motteau et Verità (voir les notes 22, 23 et 24).

Le support et la couverte des tesselles de Bordeaux présentent une composition semblable29, sauf pour ce qui concerne les teneurs en calcium et en fer, qui sont légèrement plus fortes dans le

36

Vitrail, verre et archéologie entre ve et xiie siècle

37

Composition des tesselles de mosaïque en verre au vie siècle en Gaule : Bordeaux, Tours, Nevers et Poitiers

Le T1 est nettement plus riche en Na2O (17,6 % et 19,4 %) mais il présente un CaO plus faible (entre 5,9 et 6,8 %), de même que le MnO (entre 1,9 et 2,2 %). Sa teneur en FeO est plus importante que les autres échantillons de Nevers, mais cet élément peut être mis en relation avec la couleur ou l’opacité de l’échantillon.

Le Nevers T2 présente une teneur en Na2O plus basse que les autres tesselles de Nevers (entre 10 et 12,8 %), avec une teneur en Al2O3 (entre 3,4 et 4,5 %) plus forte (graphique 3). Le corpus de Nevers présente une tesselle distincte du groupe (T1), avec une teneur en Na2O plus forte et un CaO moins élevé. Parmi les quatre autres tesselles, une couverte est bien moins riche en sodium que les autres verres de cet ensemble (T2 c.), mais les autres sont plutôt proches les uns des autres par le rapport considéré. Cependant, les supports ont une teneur en calcium légèrement plus élevée que les couvertes (entre 0,64 et 1,65 point).

Poitiers, Saint-Hilaire

La mosaïque trouvée en fouille à Saint-Hilaire31 est composée de tesselles de verre de petite dimension (0,8 à 1 cm de côté). Les deux exemples analysés correspondent à des supports translucides mais de couleur sombre (brune), dorée et couverts d’une feuille de verre. L’analyse élémentaire32 des supports et des couvertes montre une composition plus cal-cique et moins sodique que les autres échantillons disponibles à Bordeaux, Nevers et Tours. En effet, la teneur en Na2O ne dépasse pas 13,2 %, tandis que la teneur en CaO dépasse les 10 % (de 10,8 à 12 %), sur les deux tesselles, pour le support comme pour la couverte. La teneur en MnO est cependant plus forte dans un cas (Saint-Hilaire 2), que dans l’autre (Saint-Hilaire 1). Par ailleurs, si l’une des deux couvertes présente une teneur en CaO plus forte que son support (1,14 point), le rapport Na2O/CaO est comparable pour les trois autres mesures, ce qui nous fait dire que l’on a em-ployé le même verre pour les réaliser (deux supports et une couverte).

Fig. 5

Tesselle dorée vue en coupe (cliché MEB, R. Rassineux)

Fig. 6

Zone d’altération sur une tesselle dorée(cliché MEB, R. Rassineux)

Fig. 7

Altération en surface sur la tesselle dorée (cliché MEB, R. Rassineux)

38

Vitrail, verre et archéologie entre ve et xiie siècle

Le rapport Na2O/CaO (graphique 4) peut mon-trer un regroupement des couvertes et des sup-ports de certaines tesselles (Poitiers), tandis que la teneur plus faible en calcium de certaines couver-tes peut indiquer un recuit du verre après l’appli-cation de la feuille métallique et de sa protection (Bordeaux et Nevers). La comparaison avec d’autres exemples contemporains montre que notre corpus est conforme aux compositions de tesselles obtenues sur d’autres sites à la même époque, comme c’est le cas à Nevers et à Mâcon dont Nathalie Brun a réalisé les analyses. Dans ces deux cas :

La couche protectrice et la base ont exactement la

même composition, et ont donc vraisemblablement

été fabriquées simultanément avec le même verre 33.

Dans l’église San Stefano Rotondo à Rome34, la composition du support et de la couverte est éga-lement presque identique, ce qui fait dire aux auteurs que le même verre a été employé pour fabriquer le support et la couverte des tesselles du viie siècle.

Altération des tesselles doréesLes tesselles dorées anciennes (provenant des fouilles et prélevées in situ) présentent fréquemment des phé-nomènes d’altération dus à différents facteurs : la du-rabilité du verre dépend de sa composition initiale35, qui est plus ou moins sensible à la corrosion ainsi que des conditions de conservation, l’humidité étant l’agent agressif principal pour les tesselles36.

Bordeaux

Les tesselles de Bordeaux présentent une adhérence des trois couches médiocre et une partie des tesselles ont perdu leurs couches d’or et de verre à la surface. Celles qui ont conservé leur stratigraphie complète présentent des phénomènes d’altération, notamment à la jonction de la feuille d’or avec les deux couches de verre (fig. 5 et fig. 6). Le décollement de la surface

Graphique 3 : Rapport Na/Al des tesselles dorées de Nevers, Bordeaux, Poitiers, Mâcon

Graphique 4 : Rapport Ca/Na des tesselles dorées de Nevers, Bordeaux, Poitiers, Mâcon

Tesselles dorées : supports et couvertes

0

0,5

1

1,5

2

2,5

3

3,5

4

4,5

5

Al2 O3

NeversBordeauxPoitiersMacon

0 5 10 15 20 25Na2O

0

2

4

6

8

10

12

14

0 5 10 15 20 25Na2O

CaO

Nevers S.Nevers C.Bordeaux S.Bordeaux C.Poitiers S.Poitiers C.

0

2

4

6

8

10

12

14

0 5 10 15 20 25Na2O

CaO

Nevers S.Nevers C.Bordeaux S.Bordeaux C.Poitiers S.Poitiers C.

est fréquent, car le séjour en terre de plusieurs siècles et l’humidité favorisent les altérations dans des zones préférentielles telles que l’interface entre les couches de verre et la feuille d’or (fig.7)37.

Selon François Rassineux38, ces phénomènes peuvent être expliqués de la manière suivante : les zones d’altération correspondent aux infiltrations de l’eau dans le réseau vitreux qui induit alors un phé-nomène de foliation. On observe des phénomènes de précipitation de certains éléments lors de l’altération : certains éléments sont éliminés en premier, comme le sodium, tandis que d’autres précipitent en certaines zones favorables, comme l’aluminium, le manganèse ou le fer.

La forte teneur en potassium, trouvée à la jonction de feuille d’or avec les couches de verre (K2O : 4,59 % et 4,11 %) n’est en rapport, ni avec la composition des verres – qui n’en contiennent pratiquement pas –, ni avec les produits d’altérations qui ne montrent pas de tels pourcentages dans les autres échantillons (à l’exception de NDP X revers). En réalité, la forte présence de potassium localisée autour de la feuille d’or pourrait être le marqueur chimique d’une colle employée pour fixer la feuille d’or au support de verre lors de la fabrication, avant l’application de la cou-verte39.

San Stefano Rotondo à Rome

Nous avons pensé utile de comparer nos données sur les tesselles à feuille d’or avec des résultats précé-demment publiés, dont la problématique était voi-sine et la période semblable.

En effet, la mosaïque du viie siècle de San Stefano Rotondo à Rome40 est composée de tesselles à feuilles d’or, qui présentent un détachement fréquent de la couverte, induisant un réel problème de conserva-tion.

Contrairement au cas de Bordeaux, la couverte de verre se détache mais aucune trace de corrosion n’est visible à l’interface avec le métal : « leur détachement serait plutôt dû à l’agression de l’humidité et de la pol-lution (comme à Saint-Vitale de Ravenne, pour des tesselles de même composition) ». Selon les auteurs,

la nature du verre silico-calco-sodique n’adhère pas

suffisamment au métal, ce qui provoque le déta-

chement de la surface. L’observation au microscope

polarisant permet de mesurer des tensions existantes

à l’interface avec la feuille d’or, c’est-à-dire la

compression due à l’association de deux matériaux au

coefficient de dilatation thermique différent (l’or a un

coefficient deux fois plus élevé que le verre, qui pour

les tesselles 1, 2, 3 présentent 25, 65 et 38 kg/cm2).

Ces valeurs sont élevées mais insuffisantes pour provo-

quer le détachement des couvertes.

Finalement, il est apparu dans les tesselles saines, que de nombreuses bulles étaient piégées à l’interface couverte-support, avec des dépôts de sels (silicates de sodium et calcium + grains argileux). Ces points de discontinuité rendent encore plus précaire l’adhésion de la couverte au support : formés au cours du réchauffement des plaques de verre, peut-être par la réaction d’un liant (eau de chaux ?) employée pour faire adhérer à froid la feuille d’or sur le verre.

Aussi, le détachement des couvertes de tesselles dorées à Rome, San Stefano Rotondo est dû à plusieurs facteurs, pour des mosaïques conservées en place. Tout d’abord

les mauvaises conditions de conservations (les

variations de température accentuent le stress à

l’interface à cause de la dilatation différentielle des

matériaux et des sollicitations mécaniques, telles

que la vibration des parois de support). Ensuite, l’im-

portance des tensions à l’interface couverte/feuille

d’or/support et enfin, la faible adhésion du verre à

la feuille d’or41.

À San Stefano Rotondo, certaines tesselles trans-lucides de couleur violacées présentent des altérations plus importantes (tableau 5). Dans le cas de ces tes-selles turquoise altérées, le phénomène d’altération serait dû, selon les auteurs, à une quantité insuffisante d’oxyde de calcium dans la composition du verre42. La surface altérée qui se forme avec le temps n’a pas eu l’effet protecteur semblable à la patine des métaux, face à l’agression de l’eau et l’altération s’est propagée à la masse du verre.

39

Composition des tesselles de mosaïque en verre au vie siècle en Gaule : Bordeaux, Tours, Nevers et Poitiers

Tableau 5Compositions élémentaires des tesselles de verre de

San Stefano Rotondo, Rome(d’après Basile, Pandolfi, Mazzone, et al.)

Vitrail, verre et archéologie entre ve et xiie siècle

40

Référence SiO2 Al2O3 Na2O K2O CaO MgO SO3 P2O5 Cl TiO2 Fe2O3 MnO Sb2O3 CuO SnO2 CoO As2O31-a turc. 66,70 2,05 21,30 0,35 3,10 0,70 0,35 0,05 0,95 0,17 0,95 0,55 3,00 0,01 0,081-bb turc. 67,00 1,70 18,80 0,40 4,50 0,45 0,38 0,06 0,75 0,09 0,50 1,50 3,50 0,09 0,031-bp turc. 66,20 2,20 21,60 0,45 1,75 0,55 0,35 0,04 1,50 0,16 0,72 1,60 2,70 0,07 0,01 0,031-bp couche corrodée

73,50 2,50 3,00 2,00 1,90 0,55 0,35 0,04 1,00 0,25 0,82 1,60 2,60 0,09 0,01 0,03

2-b violet (verre sain)

67,00 1,95 18,00 0,60 5,70 0,77 0,28 0,10 0,75 0,10 0,57 2,30 1,70

2-a violet (verre altéré)

65,40 2,10 21,30 0,42 6,80 0,85 0,33 0,09 0,90 0,11 0,62 1,15 0,10

1 support 70,00 2,18 18,60 0,65 5,70 0,55 0,30 0,17 0,60 0,07 0,60 0,15 0,551 couverte 70,00 1,85 19,10 0,65 5,50 0,55 0,30 0,12 0,75 0,07 0,40 0,15 0,552 support 64,40 2,35 20,30 0,20 5,30 0,90 0,30 0,08 0,75 0,45 2,50 2,402 couverte 65,00 2,35 20,70 0,25 5,30 0,90 0,30 0,05 0,70 0,45 1,55 2,403 couv. supp. 69,50 1,90 19,70 0,40 5,40 0,50 0,30 0,09 0,80 0,05 0,44 0,15 0,62

Les analyses de verres médiévaux publiées antérieu-rement permettent de comparer les compositions des tesselles de Bordeaux, Nevers Poitiers et Tours avec d’autres exemples européens.

Ainsi, les tesselles de nos quatre sites présentent une teneur en Na comprise entre 10 et 22 %. Le rapport Na2O/Al2O3 montre que la teneur en Al diminue lorsque la teneur en Na2O augmente43. Quant aux teneurs en MgO et K2O, elles sont faibles dans tous les cas, avec des teneurs comprises entre 0,4 et 1,3 % de MgO et entre 0,38 et 1,35 % de K2O. Nous avons donc à Bordeaux, Poitiers, Nevers et Tours, des tesselles de verre de composition semblable, avec des caractéristiques élémentaires conformes aux verres silico-calco-sodiques de type romain, fabriqués à base de natron.

La comparaison de nos résultats avec les tesselles (ve-vie siècles) analysées à Saint-Clément de Mâcon par Nathalie Brun44 montre une réelle similitude de composition45. À partir des moyennes que l’auteur dégage sur quatre ensembles de composition, on remarque que la teneur en Na2O est comprise entre 14

et 18 % et la teneur en CaO, entre 6 et 9 %, ce qui est conforme à notre échantillonnage. Les teneurs en MgO (1 à 1,6 %) et K2O (0,5 à 0,9 %) sont faibles et comparables également à ce que l’on trouve dans les tesselles de Bordeaux, Nevers, Poitiers et Tours.

À partir de nos résultats, les tesselles de mosaïque en verre, datées entre le ve et le viie siècle et analysées pour la Gaule (Bordeaux, Poitiers, Nevers, Tours et Mâcon), présentent un profil de composition ho-mogène, avec les caractéristiques suivantes : de fortes teneurs en Na (de l’ordre de 10 à 20 %), du Ca com-pris entre 6 et 11 % et des teneurs en MgO et K2O faibles (comprises entre 0,5 et 1,6 % pour le MgO et entre 0,6 et 1,4 % pour le K2O).

Afin d’élargir notre réflexion sur la composition des verres au haut Moyen Âge, nous avons comparé ces résultats à d’autres analyses de tesselles de verre publiées pour nos périodes (ve-xiie siècles), à savoir : San Stefano Rotondo à Rome, Torcello près de Venise et des tesselles byzantines et orientales (Qal’at Sem’an).

Comparaison des résultats

41

Les tesselles de mosaïque de San Stefano Rotondo datées du viie siècle, présentent les caractéristiques d’un verre romain silico-calco-sodique avec de fortes teneurs en Na2O et très faibles en MgO et K2O (tableau 5). Les tesselles translucides sont fabriquées avec du natron comme fondant. Les teneurs en éléments présentent des rapports comparables aux verres analysés sur les sites de Bordeaux, Poitiers, Nevers, Tours et Mâcon.

En revanche, les tesselles opaques rouges et jaunes analysées à San Stefano sont fabriquées avec un fon-dant à base de cendres végétales, dans des conditions particulières d’oxydoréduction de la matière vitreu-se et de l’atmosphère du four. Cette caractéristique propre aux tesselles opaques de San Stefano n’est pas reproduite dans les cas que nous avons étudiés : ainsi à Bordeaux, les tesselles opaques rouges ne présentent pas de teneur importante en Mg qui témoignerait de l’emploi de cendres végétales.

Par ailleurs, les tesselles provenant du site de Torcello (près de Venise) proposent d’autres résul-tats comparatifs46. Ces fragments de mosaïque ont été mis au jour lors d’une fouille réalisée entre l’é-glise Santa Fosca et le Palais du Conseil (Palazzo del Consiglio). Ces tesselles sont datées par la stratigra-phie de la fouille et sont classées en deux ensembles : viie-xe siècle et xe-xiie siècle. Sur la base du rapport Na2O/CaO, on remarque que les échantillons pré-sentent un regroupement très homogène des points (graphique 6), avec une teneur en Na2O forte, com-prise entre 16 et 20 % et une teneur en Ca comprise entre 3 et 8 %. Ces valeurs élevées en Na témoignent de l’emploi de natron comme fondant pour la fabri-cation de ces verres du haut Moyen Âge.

Inversement, le rapport MgO/K2O est très faible pour les tesselles des viie-xe siècles, avec des valeurs comprises entre 0,5 et 1,2 % pour le MgO et entre 0,5 et 0,8 % pour le K2O, ce qui témoigne également de l’absence de fondant végétal (de type « cendres de fougères »), caractéristique de la production de verre islamique (graphique 5). Nous sommes donc, avec cet ensemble vénitien du haut Moyen Âge, dans le ca-dre d’une production de verre silico-calco-sodique, de type romain.

Les tesselles plus tardives de Torcello, compri-ses entre le xe et le xiie siècle, présentent en revan-che deux groupes bien distincts (graphique 5 et 6). La teneur en sodium est plus variable, car certains échantillons présentent des teneurs en Na inférieures à 13 %, mais la différence entre les deux ensembles de tesselles est sur la base du rapport MgO/K2O, qui présente un premier groupe aux teneurs comparables au groupe précédent (viie-xe siècle) et dont les valeurs sont comprises entre 0,5 et 1,5 % pour le MgO et entre 0,4 et 1 % pour le potassium. Le second grou-pe, en revanche, présente un rapport MgO/K2O net-tement plus élevé, avec des teneurs en MgO compri-ses entre 2 et 3,2 % et des teneurs en K2O comprises entre 2,1 et 5,4 %. Ce second groupe présente donc les caractéristiques d’un verre de type islamique, fa-briqué à partir d’un fondant végétal.

En regroupant toutes les tesselles sur un même graphique (graphique 6) (rapport Na2O/CaO), on remarque qu’elles présentent des teneurs en sodium comprises entre 9 et 20 %, mais le nuage de points ainsi formé est dispersé. Sur le graphique du rapport MgO/K2O, en revanche, apparaissent clairement deux ensembles distincts : les verres de type romain dans le rectangle du bas, près des abscisses et les verres de type islamique au-dessus du cadre (graphique 5).

Afin d’élargir davantage nos perspectives, nous avons comparé les tesselles de Gaule avec les verres de Qal’at Sem’an (graphique 7)47. On constate alors la même répartition des verres, dont les teneurs en MgO et K2O sont comparables, bien qu’il s’agisse dans ce cas de verre creux et non de tesselles.

Par comparaison encore, les analyses de tessel-les de mosaïques réalisées par Freestone48 sur un échantillonnage byzantin, permettent de distinguer trois groupes de fabrication. Les tesselles les plus an-ciennes, datées du ve siècle se regroupent dans le rec-tangle du bas, avec des teneurs en MgO et K2O très faibles, tandis que les verres islamiques présentent des teneurs plus élevées, mais uniquement pour le ma-gnésium (le potassium n’augmentant pas). Les verres fabriqués à partir de cendres de bois, quant à eux, présentent des teneurs en MgO et K2O toutes deux plus élevées (graphique 8).

Composition des tesselles de mosaïque en verre au vie siècle en Gaule : Bordeaux, Tours, Nevers et Poitiers

Vitrail, verre et archéologie entre ve et xiie siècle

42

Graphique 5 : Rapport Mg/K dans les tesselles de Torcello, Venise

(d’après M. Verità)

Graphique 6 : Rapport Na/Ca dans les tesselles de Torcello, Venise

(d’après M. Verità)

Conclusion

0

1

2

3

4

5

6

0 1 2 3 4MgO

0

2

4

6

8

10

12

0 5 10

CaO

15 20 25

Na2O

X-XIIe

X-XIIe

VII-VIIIe

K2O

0

1

2

3

4

5

6

0 1 2 3 4 5MgO

K2O

I

II

III

plant ash

mineral

0

2

4

6

8

10

12

14

0 1 2 3 4

MgO

K2O

Islamic

wood ash

VeLa comparaison des tesselles de Bordeaux, Poitiers, Nevers et Tours, avec d’autres tesselles de même pé-riode montre que les verres de Gaule ne présentent que des compositions silico-calco-sodique de tradi-tion romaine. Seul le natron est utilisé comme fon-dant pour le haut Moyen Âge dans notre échantillon-nage. Ces résultats d’analyse montrent que le passage du verre sodique au verre potassique n’est pas visible à partir de ces tesselles des ve et vie siècles et que la tradition du verre romain se prolonge au cours de cette période. Le verre ancien était probablement ré-cupéré, remployé et refondu pour fabriquer de nou-veaux objets.

Ainsi, aucune tesselle à Bordeaux, Tours, Poitiers ou Nevers n’a été fabriquée à base d’un fondant vé-gétal, caractéristique des verres islamiques et témoin d’une évolution de la fabrication et de la circulation du verre, comme l’a défini Bruce Velde dans ce volume.

Aussi, le passage du type romain vers le type is-lamique s’effectue-t-il plus tard. D’autres tesselles analysées pour la France (Vicq, Yvelines) et datées des viie-ixe siècles présentent des compositions conformes encore à la recette romaine, bien qu’il s’agisse de verres creux et non de tesselles de mosaïque49. Cependant, l’étude menée sur des verres à vitre datés entre le ve et le ixe siècle à Tours et à Autun notamment, illustre le passage du verre sodique au verre potassique50.

Du point de vue des composants intervenant sur la coloration, la décoloration ou l’opacification du verre, nous n’avons pas d’antimoine dans nos tes-selles, contrairement à l’idée communément admise que l’opacifiant le plus employé dans le verre de type romain est l’antimoine51. Ceci peut être confirmé pour certaines régions comme l’Italie, mais dans les tesselles de Gaule au vie siècle, ce sont le fer et le plomb qui remplissent le rôle d’opacifiant.

43

Composition des tesselles de mosaïque en verre au vie siècle en Gaule : Bordeaux, Tours, Nevers et Poitiers

Dans l’exemple de Bordeaux, la mosaïque a été réalisée à partir de tesselles de récupération (sur une mosaïque antique plus ancienne) additionnées de fragments de verres informes et de tesselles de marbre blanc grossièrement taillées52. Les mosaïques de Nevers et de Poitiers semblent plus homogènes du point de vue de la composition et de la typologie des tesselles. Aussi, est-il possible que les tesselles n’aient pas été récupérées sur des productions anti-ques, mais leur composition est homogène, fidèle à la tradition romaine. À Saint-Martin de Tours, les tesselles ont été trouvées à proximité d’un atelier de verrier et il semble probable qu’elles aient été débitées à la même époque que la réalisation de la mosaïque. À partir des différents exemples dont on dispose, les mosaïques du haut Moyen Âge en Gaule sont réalisées, soit à partir de tesselles récupérées sur des mosaïques plus anciennes (gallo-romaines), soit

à partir de verre fabriqué ou recyclé selon la recette romaine traditionnelle.

Pour le cas particulier des tesselles dorées, leur em-ploi semble largement diffusé aux ve et vie siècles, car nous en trouvons en grande proportion dans les lots étudiés. La composition des verres de support et des couvertes présentent des caractéristiques semblables, de sorte que l’on peut dire que le même verre de base a été employé pour fabriquer les deux couches consti-tuant la tesselle.

Du point de vue de leur fabrication, l’hypothèse la plus probable semble correspondre à l’application d’une couche de verre soufflé sur la feuille d’or préa-lablement fixée au support à l’aide d’un liant (eau de chaux ou colle animale ou végétale ?). La finesse, la régularité et l’absence de défaut dans les couvertes semblent proposer cette solution. Dans le cas parti-culier de Bordeaux, la couverte semble être pressée à

Graphique 8 : Rapport Mg/K dans les tesselles de verre byzantines

(d’après I. C. Freestone)

0

1

2

3

4

5

6

0 1 2 3 4MgO

0

2

4

6

8

10

12

0 5 10

CaO

15 20 25

Na2O

X-XIIe

X-XIIe

VII-VIIIe

K2O

0

1

2

3

4

5

6

0 1 2 3 4 5MgO

K2O

I

II

III

plant ash

mineral

0

2

4

6

8

10

12

14

0 1 2 3 4

MgO

K2O

Islamic

wood ash

Ve

Graphique 7 : Rapport Mg/K dans les tesselles de verre de Q’al at Sem’an

(d’après B. Velde)

44

Vitrail, verre et archéologie entre ve et xiie siècle

1. Voir les notices correspondantes dans Le Stuc, visage oublié de l’art médiéval (catalogue de l’exposition au musée Sainte-Croix de Poitiers, 16 septembre 2004-16 janvier 2005), C. Sapin (dir.), Paris/Poitiers, Somogy/musées de la Ville de Poitiers, 2004, p. 111-116. Voir également B. Palazzo-Bertholon, « Église Notre-Dame-de-la-Place, Bordeaux (33) », in Étude et caractérisation d’un ensemble de stucs et d’enduits peints associés à une mosaïque murale, rapport d’étude, Service régional de l’archéologie de la région Aquitaine, Poitiers, novembre 2004.

2. D. Barraud, « Bordeaux, Église Notre-Dame-de-la-Place », in Les Premiers monuments chrétiens de la France, vol. 2, Sud-Ouest et Centre, N. Duval (éd.), Paris, Picard, 1996, p. 31-34. Voir également : D. Barrault, Bordeaux, fouille de sauvetage de Notre-Dame-de-la-Place, 17 rue Pey-Berland, avril-août 1983, rapport de fouilles, Service régional de l’archéologie, Poitiers, avril-août 1983.

3. Analyses réalisées au sein du laboratoire Études, Recherches et Matériaux (ERM) de Poitiers avec François Rassineux.

4. Voir le graphique MgO/K2O (graphique 1) et le graphique Na2O3/Al2O3 (graphique 2).

5. Voir pour cela l’article de Bruce Velde, consacré aux recettes de verre connues dans l’Antiquité et au Moyen Âge dans ce volume.

6. L’emploi de bronze à la place du cuivre résulte probablement d’une économie de récupération, du recyclage d’objet en bronze dans la fabrication des colorants pour le verre.

7. Le cobalt n’a pas été identifié formellement lors de l’analyse élémentaire, car nous étions au-dessus du seuil de détection de cet élément ajouté au verre pour lui donner la couleur bleue. Notre interprétation de l’usage du cobalt provient de l’élimination des autres possibilités connues par ailleurs, soit le fer et le cuivre, qui ne sont pas présents dans cet échantillon de manière significative (moins de 1 %). Pour le

chaud sur la feuille d’or, déformant le support sur les bords de la plaque.

Les tesselles dorées, nombreuses dans ces mo-saïques, témoignent de l’emploi fréquent de cette couleur dans les compositions artistiques, mais leur mode de fabrication n’est pas défini précisément et le détachement fréquent de la couverte témoigne de la difficulté à faire adhérer ensemble trois couches de natures variables.

Dans quelle mesure le choix de la couleur du sup-port des tesselles dorées est-il esthétique ou technique ?

Comment évaluer la part des tesselles remployées telles quelles, de verre antique recyclé et l’éventuelle production originale (si elle existe ?) dans les mo-saïques du haut Moyen Âge ?

Les tesselles provenant de Bordeaux, Tours, Poitiers et Nevers apportent des informations qui renforcent l’hypothèse d’un maintien du verre romain en Gaule au haut Moyen Âge. La réalisation d’autres analyses sur des tesselles un peu plus tardives permettrait sans doute de préciser le moment et les conditions du pas-sage du verre silico-calco-sodique au verre potassique ?

détail des compositions, voir le tableau récapitulatif des analyses élémentaires des verres de Bordeaux, tableau 1.

8. Ce produit artisanal est obtenu par la calcination des deux métaux ensemble (plomb et étain). L’association du plomb et de l’étain en tant qu’opacifiant a été mis en évidence à la même période en d’autres lieux, notamment Ravenne au ve siècle et Rome au viie siècle (Saints-Côme-et-Damien, Santa Maria in Trastevere). M. Verità dans Medieval Mosaics. Light, Color, Materials, E. Borsook, F. G. Superbi, G. Pagliarulo (éd.), Milan, Silvana Editorale, 2000, p. 63. Signalons que l’oxyde d’étain en tant qu’opacifiant aurait été également mis en évidence dans un décor de verre soufflé datés des ive-ve siècles, provenant de l’église Santa Giulia de Brescia.

9. En Italie, il semblerait que toutes les tesselles analysées entre le ve siècle et la fin du xiiie siècle, contiennent de l’antimoine en tant qu’opacifiant. Ces tesselles sont également toutes de type silico-calco-sodiques, à base de natron. M. Verità, « Tecniche di fabbricazione dei materiali musivi vitrei », in Medieval Mosaics…, op. cit., p. 59. À San Giusto (Lucera, Italie), la basilique paléochrétienne datée des ve-vie siècles, contient des tesselles de mosaïque dont l’opacifiant employé est également l’antimoine. Dans M. Macchiarola, G. Ercolani, C. Fiori, M. Vandini, « Studio di vetri musivi di epoca bizantina (v-vi sec.) provenienti da scavi della Capitanata (Foggia) », La Storia economica di Roma nell’alto Medioevo alla luce dei recenti scavi archeologici. Atti del seminario, Roma, 3-4 febbraio 1992, L. Paroli, P. Delogu (dir.), Firenze, All’insegna del giglio, 1993, p. 431-440.

10. L’antimoine (Sb2O3), en effet, entre souvent dans la composition des verres antiques. Il peut avoir un pouvoir décolorant à faible dose (< 0,3 %) et opacifiant à forte dose (> 1,5 %). Ainsi, il peut être ajouté intentionnellement ou bien présent accidentellement, par association avec un autre composant à l’état natif. Parmi les publications consultées sur le sujet, l’antimoine indiqué comme opacifiant est présent en quantité supérieure à 1 % et plus généralement compris entre 2 et 6 %. Voir notamment les publications suivantes à titre d’exemple : G. Basile, A. Pandolfi, B. Mazzone, et al., « Il restauro del mosaico di San Stefano Rotondo a Roma », Arte Medievale, II serie, anno VII, no 1, 1993, p. 213 et 217 ; I. C. Freestone, « Composition and microstructure of early opaque red glass », in Early vitreous Materials, M. Bimson, I. C. Freestone (dir.), Londres, British Museum, no 56, 1987, p. 184 ; M. Verità, A. Renier, S. Zecchin, « Chemical analyses of ancient glass findings excavated in the Venitian lagoon », Journal of Cultural Heritage, 3, 2002, p. 261-271 ; M. Verità, B. Profilo, M. Valloto, « I mosaici della Basilica dei Santi Cosma e Damiano a Roma : studio analitico delle tessere vitree », Rivista della Stazione Sperimentale del Vetro, 5, 2002, p. 13-24 ; R. G. Newton, S. Davison, Conservation of glass, Londres, Butterworths, 1989, p. 10-11.

Les tesselles de verres analysées dans le cadre de notre étude (Bordeaux, Poitiers, Tours, Nevers) ne contiennent pas d’antimoine, malgré le soin apporté à la détection, lors de

l’analyse, de chacun des éléments susceptibles d’être présent dans ces échantillons. Il en est de même pour les autres lots étudiés précédemment par Nathalie Brun à Saint-Clément de Mâcon et Nevers. Voir N. Brun, « Les tesselles en verre doré », in La Cathédrale de Nevers, du baptistère paléochrétien au chevet roman, C. Sapin (dir.), Paris, Société française d’archéologie, 1995, p. 111-119.

Il est possible que des teneurs en Sb2O3 calculées en dessous de 0,5 % aient pu nous échapper, mais compte tenu des teneurs d’antimoine publiées comme étant intentionnelles (entre 2 et 6 % dans les publications citées précédemment), nous considérons que les tesselles analysées ne contiennent pas d’antimoine à des valeurs significatives.

11. R. Hodges, La Basilica di Giosue a S. Vincenzo al Volturno, Montecassino, Abbaye de Montecassino, 1995, p. 76.

12. C. Lahanier, « Étude des tesselles de mosaïques et de verres à vitres syriens », Huarte, Sanctuaire Chrétien d’Apamène (ive-vie siècles), P. et M.-T. Canivet (dir.), t. CXXII, Paris, Bib-liothèque archéologique et historique, 1987, p. 331-346.

13. Voir le tableau récapitulatif des compositions des tesselles de Tours, tableau 2.

14. M. Verità dans Il colore della luce. Angelo Orsoni e l’arte del mosaico, C. Moldi Ravenna et al. (éd.), Venise, Marsilio, 1996, p. 79.

15. M. Verità, Medieval Mosaics…, op. cit., n. 10, p. 52.16. Notamment les contributions des ouvrages suivants : Il colore

della luce…, op. cit., n. 18 et Medieval mosaics…, op. cit., n. 10.

17. Theophilus, De Diversis Artibus, II, XV, C. R. Dodwell (trad. et éd.), Oxford, Clarendon Press, 1986, p. 46.

18. I. Fiorentini Roncuzzi, Il mosaico. Materiali e tecniche dalle origini ad oggi, Ravenne, Longo, 1984, p. 81.

19. I. Fiorentini Roncuzzi, Il mosaico…, op. cit., n. 22, p. 81-82 et p. 59 : « Poi metti uno strato d’oro sopra uno strato di vetro. E sopra lo strato d’oro metti sopra strati e, sopra, molti altri. Metti tutto in fornace, finché cominci a fondere lo strato di vetro ; poi tira fuori perché si raffreddi. Poi lo prendi e sfrega la superficie in una tavola da piombo di pietra di Smirne (arenaria) finché si assotigli lo spessore ; poi coloralo. »

20. « Per metter l’oro in sul vetro… prendi il vetro sottile come quasi da occhiali ; taglia le foglie dell’oro come le lunghezze del vetro, e metti l’oro sul vetro con chiaro dell’uovo, e metti poi sopra a quello oro l’altro vetro di sopra, a seccale ; e poi metti nel fornello, e stieno in luogo piano che non pendino, acciò che non corresse il vetro, e quando sono rosse pel fuoco, caricale con un ferro per modo ch’elle incarnino e appinchinsi insieme ; e poi metti in su la volta della fornacetta, e lasciare freddare a poco a poco », dans G. Milanesi, Dell’arte del vetro per musaico, Bologne, 1864, n. V, p. 5-6 ; n. XXIII, p. 17. D’après D. Staffiani, « Ricette e ricettari medievali. Fonti per una storia delle techniche di produzione delle tessere musive vitree », in Medieval Mosaics…, op. cit., n. 10, p. 79.

45

Composition des tesselles de mosaïque en verre au vie siècle en Gaule : Bordeaux, Tours, Nevers et Poitiers

21. Il colore della luce…, op. cit., n. 18, p. 82.22. « Certains blocs [de verre à mosaïque] proviennent de boules

soufflées puis écrasées entre deux plaques ; c’est le cas pour le verre foncé, opaque, d’aspect noir ». J. Motteau, « Le verre dans la construction », Recherches sur Tours, 4, Tours, Laboratoire d’archéologie urbaine, 1985, p. 42.

23. Ibid., p. 39-49 (ici p. 42).24. « La plaque de verre incandescente [support + feuille

métallique + couverte] est alors extraite du four et pressée soigneusement afin de garantir une bonne adhésion des trois couches entre elles », Il colore della luce…, op. cit., n. 18, p. 77-78.

25. « Dans le procédé conforme et approprié d’adhésion à chaud, afin que le métal soit fixé chimiquement au verre, sa surface doit être recouverte d’une fine couche d’oxydes. L’or et l’argent, en tant que métaux nobles, ont peu de capacité d’oxydation, ce qui rend leur adhésion au verre particulièrement difficile. L’oxydation superficielle nécessaire ne peut être produite que par la surface métallique, accompagnée de certains traitements à chaud, dans l’atmosphère du four. Par ailleurs, au cours du refroidissement de la pâte de verre, se produisent des tensions à l’interface verre-métal en raison de la différence de contraction des matériaux (double pour les métaux par rapport au verre). Ces tensions peuvent provoquer le détachement de la couverte au cours du découpage des tesselles ou bien après leur mise en œuvre. », Il colore della luce…, op. cit., n. 18, p. 78-79.

26. Recette « a far mosaicho d’oro », Il colore della luce…, op. cit., n. 18, p. 82.

27. La couverte est le plus souvent incolore pour les périodes qui nous intéressent. Il semble que l’on ait ensuite coloré volontairement la couverte en jaune ou en mauve (à partir du xiie siècle, probablement), afin de produire davantage de variété dans l’aspect des tesselles à feuille métallique. Ibid., p. 79.

28. Voir la vue en coupe d’une tesselle de Bordeaux au MEB, fig. 3.

29. Voir tableau 3 : Compositions comparées des supports et couvertes des tesselles dorées.

30. Voir tableau 3 : Tableau récapitulatif des compositions élémentaires des tesselles.

31. Voir la notice dans Le Stuc, visage oublié de l’art médiéval, op. cit., n. 1, p. 57.

32. Voir le tableau récapitulatif des compositions élémentaires, tableau 3.

33. N. Brun, « Les tesselles en verre doré », op. cit., n. 12, p. 115.

34. G. Basile, A. Pandolfi, B. Mazzone, et al., « Il restauro del mosaico… », op. cit., p. 197-228.

35. Dans les verres les plus résistants, c’est-à-dire riches en silice et peu d’alcali et un bon pourcentage d’éléments dits « stabilisants » comme le Ca, Mg et Pb, le processus d’altération est ralenti et stoppé par la formation d’une couche de silice hydratée. Dans les verres dont la teneur

en silice est inférieure à 60 % en revanche, le processus d’altération peut s’étendre à toute l’épaisseur du verre.

Pour davantage de détails, voir M. Verità, R. Falcone, M. Vallotto, P. Santopadre, « Study of the weathering mechanisms and chemical composition of ancient mosaic tesserae », Rivista della Stazione Sperimentale del Vetro, 6, 2000, p. 33-44. Voir également M. Verità, « Technology and deterioration of vitreous mosaic tesserae », Reviews in Conservation, 1, 2000, p. 66-76.

36. Les phénomènes d’évaporation et de condensation produits à la surface des tesselles par les variations hygrométriques (humidité et température), favorisent la cristallisation des sels et la formation de micro fractures, qui sont aggravées en présence de pollution atmosphérique.

37. Le réseau vitreux est fracturé et certains éléments comme le manganèse et l’aluminium contenus dans le verre reprécipitent sur ces zones de rupture (correspondant aux formations blanches développées sur les fissures noires).

38. Nous remercions tout particulièrement F. Rassineux, de la société Études, Recherches et Matériaux (ERM) de Poitiers, pour avoir rendu possible et encadré ces analyses de verre au MEB.

39. La fixation de la feuille d’or à l’aide d’un liant organique est cité dans une des recettes mentionnée plus haut. M. Verità signale qu’« en appliquant une fine couche d’adhésif, comme le blanc d’œuf ou d’autres liants organiques avant l’enfournement, une couche de dépôt organique reste à la surface et se décompose avec la chaleur, ce qui créé des gaz qui perturbent le processus d’adhésion », Il colore della luce…, op. cit., n. 18, p. 78.

40. G. Basile, A. Pandolfi, B. Mazzone, et al., « Il restauro del mosaico… », op. cit., p. 212-218.

41. Ibid., p. 214-215.42. Composition de ces verres turquoises : SiO2 entre 65,4

et 73,5 %, Al2O3 entre 1,70 et 2,50 %, Na2O entre 18 et 21,6 % (sauf partie altérée = 3 %), K2O entre 0,35 et 2 %, CaO entre 1,75 et 6,80 %, MgO entre 0,45 et 0,85 %.

43. Voir les corrélations Na/Al pour les quatre sites : Bordeaux, Nevers, Poitiers et Macon, graphique 3.

44. N. Brun, « Les tesselles en verre doré », op. cit., n. 12, p. 115-119.

45. Voir les graphiques de corrélation Na/Al comparés de Bordeaux et Tours, graphique 2 et graphique 4 pour les tesselles dorées de Bordeaux, Poitiers, Nevers, Mâcon.

46. M. Verità, A. Renier, S. Zecchin, « Chemical analyses of ancient glass… », op. cit., p. 261-271.

47. D’après B. Velde, O. Dussart, P.-M. Blanc, J.-P. Sodini, « Glass from Qal’at Sem’an (Northern Syria) : The Reworking of Glass during the Transition from Roman to Islamic Compositions », Journal of Glass Studies, vol. 46, 2004, p. 67-83.

48. I. C. Freestone, « Primary glass sources in the mid first millennium AD », Annales du 15e congrès de l’Association internationale pour l’histoire du verre, 2003, p. 111-115.

49. B. Velde, « Alumina and calcium oxide content of glass found

46

Vitrail, verre et archéologie entre ve et xiie siècle

in western and northern Europe, first to ninth centuries », Oxford Journal of Archaeology, 9, 1, 1990, p. 105-117.

50. Voir B. Velde, dans ce volume.51. Voir l’argumentaire et les références bibliographiques

correspondantes aux note 9 et 10.52. La récupération et le remploi des matériaux tels que le

verre semble être une pratique courante au haut Moyen Âge,

comme en témoigne le pape Hadrien I, qui aurait consenti au dépouillement de certaines mosaïques à Ravenne, afin que Charlemagne puisse orner son palais d’Aix-la-Chapelle de nouvelles mosaïques. Par ailleurs, Théophile indique dans son deuxième livre, que les tesselles de verre colorées pouvaient être réduites en poudre et ainsi recyclées. M. Verità, Il colore della luce…, op. cit., n. 18, p. 58.

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Composition des tesselles de mosaïque en verre au vie siècle en Gaule : Bordeaux, Tours, Nevers et Poitiers