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LA CATHéDRALE SAINT-PIERRE DE POITIERS enquêtes croisées Geste éditions sous la direction de Claude Andrault-Schmitt

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La cathédraLe Saint-Pierre de PoitierS

enquêtes croisées

Geste éditions

sous la direction de

Claude Andrault-Schmitt

comité scientifique

Bénédicte Fillion-Braguet

Marie-Thérèse Camus

Cécile Treffort

Vincent Debiais

Claude Andrault-Schmitt

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12 Présentation de l’ouvrage 14 Étudier, conserver et restaurer la cathédrale de Poitiers : le rôle de la Conservation régionale des monuments historiques 15 Remerciements

17 i – deS cLéS Pour découvrir L’œuvre

20 1 – Lire aujourd’hui la cathédrale médiévale  Claude Andrault-Schmitt 21 Une cathédrale sans papiers 22 Une cathédrale vide  27 Une œuvre architecturale singulière : gothique, assurément 31 La cathédrale dans la ville

33 2 – Lectures d’hier Claude Andrault-Schmitt 33 Jérôme Münzer (1494-1495) 33 Jean Bouchet, dans Les Annales d’Aquitaine (1519) 33 Le procès-verbal de 1562 40 Du xvie au xviiie siècle 43 Les premiers antiquaires

44 3 – La cathédrale dans les sources iconographiques Yves Blomme, Bénédicte Fillion-Braguet, Claude Andrault-Schmitt

53 4 – Le dialogue entre l’architecte et l’édifice : l’évolution du regard ces 20 dernières années François Jeanneau

59 ii – Le Projet du miLieu du xiie SiècLe : indiceS, texteS et contexte

62 5 – Le surgissement d’une œuvre monumentale : l’implantation et les fantômes des cathédrales antérieures Brigitte Boissavit-Camus 63 La cathédrale paléochrétienne et du haut Moyen Âge 64 La cathédrale romane 65 Les vestiges situés sous le bras oriental de la cathédrale gothique 67 Quelques réflexions sur le chantier gothique 67 En guise de conclusion

68 6 – Gilbert, jean et les autres : les évêques et leur domus  Claude Andrault-Schmitt 68 Gilbert de la Porrée et ses successeurs (1142-1162) 69 Jean de Canterbury dit Bellesmains, au cœur de l’empire Plantagenêt (1162-1182) 71 De Guillaume Tempier à l’arrivée de Jean de Melun (1184-1235) 72 Les évêques de l’époque rayonnante 73 Les mécènes de la fin du Moyen Âge 75 Le palais épiscopal, première étape du chantier ? 78 Civitatem novam, civitatem munitam (Isaïe 26,1) : les tours de l’évêque

79 7 – aux côtés de l’évêque : le chapitre et ses responsabilités au moyen Âge  Robert Favreau

Sommaire

La cathédraLe Saint-Pierre de PoitierS

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83 iii – traceS, marqueS et SiGneS

86 8 – de la carrière au monument 86 Claude Andrault-Schmitt, Daniel Prigent, Fabrice Mandon

87 La nature géologique de la pierre 88 Les carrières Des dimensions exceptionnelles

89 9 – La pierre de taille et les traces d’outil  Éliane Vergnolle

93 10 – Les marques lapidaires Vincent Debiais Les marques lapidaires de la cathédrale de Poitiers : état de la question Les marques à l’échelle de la cathédrale 96 Le cas du mur oriental du bras nord du transept 98 Pistes de réflexion

99 11 – L’inscription millésimée de la clé de voûte orientale du vaisseau Vincent Debiais 99 Les signes en présence 100 Le contenu du texte 100 Au-delà du texte

101 12 – a.d.a.m. à la clef  Cécile Treffort 102 De sinistro angulo ecclesiae ab oriente… 102 Spéculations numérologiques et quaternité élémentaire 103 Cosmographie ecclésiale : l’église-monde 103 De la chute d’Adam au sacrifice du Christ 104 Adam et le corps du temple du Christ 104 Quasi liber scriptus digito Dei…

105 13 – notes brèves : signes inédits et nouvelles lectures Frédéric Épaud, Vincent Debiais, Laurent Hablot et Jean-Pierre Crémier 105 Les tracés d’épure du collatéral sud de la nef 107 Les perforations aménagées (et décorées) dans les voûtes 109 Des inscriptions peintes 109 La dédicace du vitrail de la Crucifixion 110 La mise en signes de la cathédrale par les armoiries

113 iv – un chantier mené d’eSt en oueSt

116 14 – Le point sur les principales campagnes de construction  Yves Blomme

116 Les deux premières campagnes (troisième quart du xiie siècle) 117 La poursuite du chantier au cours des troisième et quatrième campagnes 120 La cinquième campagne 120 Après le milieu du xiiie siècle

123 15 – La fin du chantier et le style rayonnant  Yves Gallet 123 La fenêtre nord de la première travée de la nef : une fenêtre à rose intégrée 124 La fenêtre à rose intégrée dans l’art rayonnant 125 Hybridation et transfert 126 Une fin de chantier dans la modernité rayonnante

128 16 – La façade occidentale : aspect médiéval, modèles formels et datation Markus Schlicht 128 L’état médiéval de la façade occidentale de la cathédrale de Poitiers 129 Les modèles de la façade de Saint-Pierre 134 Formes copiées, formes autonomes : leur répartition chronologique 138 Jean de Melun et l’introduction de l’opus francigenum 140 Conclusion

141 17 – clore la cathédrale : portes et vantaux  Bénédicte Fillion-Braguet 141 Le dossier historique : l’apport des textes 143 Les portes et leurs vantaux : état des lieux et questions en suspens

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147 v – voûteS, SiLhouette et toitureS : LeS queStionS PoSéeS aux conStructeurS et LeurS enjeux

150 18 – Les voûtes angevines de la cathédrale de Poitiers Claude Andrault-Schmitt et Bénédicte Fillion-Braguet 151 Les principes 151 Les deux types 152 Questions d’ingénierie 155 Les reprises récentes de voûtains

156 19 – L’archéologie des combles du chevet et du transept : premiers résultats  Fabrice Mandon

176 20 – La question des maçonneries hautes et de la circulation des eaux pluviales, chéneaux et gargouilles Bénédicte Fillion-Braguet 176 La toiture et ses matériaux 177 Les gargouilles 181 Les chéneaux 182 Les parapets 182 La place des toits de la cathédrale de Poitiers dans le paysage poitevin contemporain

185 21 – Les charpentes  Frédéric Épaud 185 Des toitures provisoires ? 189 Les charpentes des bras du transept et du chevet 201 La flèche de la tour de croisée 201 La nef

206 22 – Structure, silhouette et toiture : un scénario vraisemblable pour les différents projets (xiie-xiiie siècles) Fabrice Mandon, avec la collaboration des autres auteurs impliqués

213 vi – L’architecture miSe en PerSPective, danS Le diocèSe et au-deLà

216 23 – Le contexte du premier gothique : une révolution culturelle et technique ? Claude Andrault-Schmitt 216 1144 : Saint-Denis 218 Le gothique à la française au-delà de Saint-Denis 219 Recherches contemporaines et distinctions 220 Novum contra usum ? Modernus opus ?

222 24 – Le contexte du premier gothique : l’invention du type angevin Bénédicte Fillion-Braguet, Daniel Prigent 222 Les vaisseaux des cathédrales d’Angers et Le Mans 222 Quelques dates pour comprendre la nef de la cathédrale d’Angers 224 La reprise de la nef de la cathédrale du Mans 224 L’invention angevine 227 Le voûtement du chevet de Saint-Martin d’Angers 227 Première campagne 229 Seconde campagne 230 Datation

231 25 – Saint-jean de Lyon : l’œuvre du temps de l’archevêque jean Bellesmains Nicolas Reveyron

231 Jean Bellesmains et Lyon 232 Les grandes dates de la construction de la cathédrale de Lyon  232 Le chantier de la cathédrale de Lyon  234 L’œuvre de Jean Bellesmains à la cathédrale de Lyon 

236 26 – influences reçues, influences émises : un chantier cathédral en continuel dialogue  Yves Blomme 236 La position du problème 238 Le chevet, symbole singulier du pouvoir épiscopal 243 Le transept et les toitures : mutations et symbolisme 245 La nef et la façade occidentale : juxtaposition et discordance

247 27 – L’introduction de l’art rayonnant en Poitou par les moines cisterciens de valence (couhé-vérac) Claude Andrault-Schmitt 247 La « révolution rayonnante » 247 Fondation et construction du monastère de Valence (1227-1230) : la valeur historique du jalon 249 Les formes architecturales à Valence et leurs références 251 Réflexions sur l’avenir de l’architecture à la française dans la région

La cathédraLe Saint-Pierre de PoitierS

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253 vii – introduction à L’étude du décor : couLeurS et moBiLier

256 28 – Les vitraux : au fil du chantier  Karine Boulanger 256 État de la question 258 Le contexte monumental 258 Les remaniements et restaurations 260 Les œuvres : les vitraux de pleine couleur 264 Les œuvres : les grisailles 265 Un programme iconographique ?

266 29 – L’apport de la peinture murale à l’espace intérieur : de la mise en valeur de l’architecture à la création d’un bel oratoire  Claudine Landry-Delcroix 266 Entre témoignages anciens et découvertes récentes 268 État actuel : décors présents, décors en devenir 276 Remarques sur l’ensemble du décor 

279 30 – Les stalles du xiiie siècle, un chef d’œuvre et un jalon Claude Andrault-Schmitt 279 Présentation 282 Lecture des motifs d’écoinçon 286 La question de l’album de Villard de Honnecourt 289 Les autres stalles 290 Une œuvre rayonnante : une commande de Jean de Melun ?

295 viii – La ScuLPture en Son cadre

298 31 – Le premier décor de la cathédrale : entre standardisation et inventions Bénédicte Fillion-Braguet 298 Le sculpteur et l’appareilleur : une collaboration étroite pour un chantier rapide 298 La mise en œuvre des groupes de chapiteaux sculptés en frise continue 302 Le traitement des chapiteaux des angles des arcatures 302 Les modillons et les petits chapiteaux de la corniche 302 Le répertoire des formes de la première sculpture de la cathédrale 302 Les chapiteaux végétaux : fantaisie autour du modèle corinthien 306 Les modillons ou l’art des figurines 312 La formation des sculpteurs 312 L’apport local : la dernière sculpture romane poitevine 313 La rive sud de la Loire, entre Thouet et Vienne : Doué-la-Fontaine, Bressuire et Châtellerault 313 Le rôle des chantiers cathédraux voisins : le Mans, Angers, Tours et Chartres

316 32 – La porte Saint-michel  Bertrand Pilot 316 La porte 316 Le programme 319 Analyse formelle 320 Datation

321 33 – album : la sculpture de la nef Éva Michaud-Avril 321 Modillons de la coursière nord 325 Modillons de la coursière sud 329 Les supports 331 Le décor des salles de la tour nord

332 34 – La sculpture des portails occidentaux : mise en œuvre et artistes  Chiara Piccinini 332 Modèles et sources d’inspiration 332 Les faibles traces de l’histoire, I 333 Les faibles traces de l’histoire, II 334 Un montage laborieux 335 La sculpture : le soubassement 336 Les sculptures inachevées et les traces de la taille 336 La polychromie fantôme : un travail incomplet 338 Sculptures et sculpteurs, I : essai de groupement 340 Sculptures et sculpteurs II : Charroux

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343 ix – Le SenS deS imaGeS : choix et aGencement

346 35 – La crucifixion du chevet : entre liturgie eucharistique et dévotion privée Marcello Angheben

347 Les thèmes 349 Le programme 350 Les interprétations dogmatiques 351 Les interprétations liturgiques 352 Le décor des espaces liturgiques entre le ive et le ixe siècle 352 Peintures et mosaïques romanes 354 Les autres vitraux (1150-1260) 359 Le vitrail de Poitiers à la lumière de la tradition iconographique

360 36 – Le christ, Pierre et Paul au centre de la cathédrale : introduction à la lecture des programmes sculptés  Marie-Thérèse Camus

364 37 – Les clefs de voûte historiées Bertrand Pilot 364 Lecture 366 Deux styles 368 Deux groupes de sculptures formant un seul programme ? 369 La place de l’ensemble dans le programme de la cathédrale

370 38 – iconographie de la frise continue des supports de coursière : têtes monstrueuses et chapiteaux habités dans la partie orientale Sébastien Biay

370 Les modillons sculptés sous forme de tête 374 Les chapiteaux de la corniche et des parties hautes

382 39 – Le « programme » du triple portail Chiara Piccinini 382 Regards du passé 382 Les tympans 384 Les archivoltes 388 Un portail pour l’incrédule

389 40 – conclusions Luc Bourgeois

393 Bibliographie référencée 403 Auteurs et collaborateurs

17 – CLORE LA CATHÉDRALE : PORTES ET VANTAUX

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17 – Clore la cathédrale : portes et vantaux

Bénédicte Fillion-Braguet

L , répartis symétriquement et connectés avec l ’environnement immé-

diat du bâtiment, on l ’a vu. Réalisés entre et environ, ils sont considérés de façon très inégale, puisque les historiens de l ’art se sont essentiellement intéressés à la façade ouest et à la porte Saint-Michel. Les autres, plus modestes et dépourvus de programme iconographique, ont peu suscité l ’intérêt.

Ouverte dans la sixième travée sud, l ’étroite porte Sainte-Croix est la plus ancienne et appartient à la première phase de construction du chevet. Sobrement couverte de voussures et tores en plein cintre, soulignée d’un cordon d’archivolte à demi-besants, elle est agrémentée de chapiteaux végétaux sculptés d’acanthes épineuses, réalisés dans les années [fig. 1]. Ses jambages intérieurs sont parfaitement liaisonnés aux parements et sa largeur est commandée par l ’entrecolon-nement de l ’arcature qui rythme la paroi intérieure.

Les portes Saint-Jean [fig. 2] et Saint-Michel [fig. 3] se font face, occupant la quatrième travée. À l ’est de leur chambranle, se lit une rupture d’assises qui matérialise un arrêt et une reprise du chantier. Masquée par les contreforts à l ’extérieur et visible uniquement à l ’intérieur, cette pause dans le montage semble avoir servi à la mise en œuvre des portails. Réalisées vers , les deux portes sont à priori contemporaines, même si celle du nord est plus aboutie. On a privilégié leur ampleur, au point que leurs dimensions ont imposé et modifié le rythme des arcatures de la travée desservie. Toutes deux sont couvertes d’un arc en plein cintre et toutes deux sont inachevées. Au nord, la porte Saint Michel a reçu ses chapiteaux sculptés, mais son tympan et son archivolte sont désespérément lisses, tout comme les tailloirs des colonnes de droite. La porte Saint-Jean, au sud, a encore ses chapiteaux, tailloirs, tympan et trumeau épannelés, en attente d’une rencontre avec le ciseau d’un sculpteur.

Quant aux trois portails occidentaux, réalisés à la fin du chan-tier, ils sont parés de tympans et de voussures sculptés que l ’on date vers - (voir chapitres et ). Les vantaux ferment des ouvertures qui sont limitées par la sous-face d’un linteau et les jouées des piédroits composés de deux registres, un soubassement d’arcatures et un niveau d’arcatures sous dais. Sous le linteau, en haut des piédroits, les marmousets sont sculptés de petits person-nages, homme ou femme, accroupis en position d’atlante [fig. 4].

La porte « des cloîtres » a été ouverte bien après les pare-ments qui l ’intègrent, durant la seconde moitié du e siècle,

La porte des cloîtres est signalée en : Poitiers, arch. dép., G , p. -.

pour conduire à la cour des chanoines. Cachée par un tambour monumental en chêne ajouté à la Révolution et provenant des Cordeliers, elle est dotée d’un encadrement sculpté avec colonnes et chapiteaux feuillus vers l ’intérieur, mais aussi vers l ’extérieur, dont les motifs formels s’accordent avec une mise en œuvre vers le milieu du e siècle.

À ces portails, qui mettent en connexion l ’intérieur et l ’exté-rieur de la cathédrale, ajoutons ceux de la salle du chapitre et de la sacristie, construites par les évêques Simon de Cramaud (-) et Hugues de Combarel (-), entre et . Ouverte dans la dernière travée nord du chevet, cette double porte a entraîné la dépose de la banquette périphé-rique et des tambours inférieurs de deux colonnes. Les deux passages sont séparés par un trumeau central dont le chapiteau sculpté sert de console à une statue de saint Michel terrassant le dragon. Le tympan aveugle est souligné d’une archivolte moulurée et sommée d’un fleuron, portée par des colonnettes à chapiteaux feuillus et à bases prismatiques [fig. 5]. L ’ensemble correspond à la datation proposée, du début du e siècle.

Hormis les portails occidentaux, tous les autres étaient pourvus d’un auvent, y compris la porte Saint-Jean dont l ’avant-toit a été détruit par la chute d’une gargouille vers ! Les auvents des portes Saint-Michel et des cloîtres ont

Arch. dép., B .

été largement refaits, mais celui de la porte Sainte-Croix s’ap-puie encore sur des corbeaux sculptés de fleurs à quatre pétales et à rubans plissés qui attestent l ’ancienneté du dispositif.

Le dossier historique : l ’apport des textes

L , on s’est appuyé sur les commentaires et les relevés de Viollet-le-Duc pour décrire des vantaux de la

cathédrale. Dans son dictionnaire publié en , à l ’article « menuiserie», l ’architecte restaurateur les a dessinés et présen-tés. Admirant leur montage qui témoignait selon lui d’un état de transition entre deux savoir-faire, il les datait du début du e siècle. L ’abbé Auber, pourtant si précis, n’y a pas reconnu le travail d’artisans médiévaux et a proposé pour les huisseries le dernier tiers du e siècle, persuadé qu’elles avaient dû être refaites après avoir été entièrement brisées par les Protestants. Bien plus tard, en , les vantaux sont inventoriés par les

Viollet-le-Duc, p. -. Auber /, t. I, p.  et t. II, p. . Il s’appuie sur le procès-verbal de

.

Fig. 1 – Porte Sainte-

Croix, extérieur :

cintre, archivolte et

chapiteaux, cl. Éva

Michaud-Avril / CESCM.

IV – UN CHANTIER MENÉ D’EST EN OUEST

142

Fig. 2 – Porte Saint-Jean, vue depuis

l’impasse, cl. François Jeanneau.

Fig. 3 – La porte Saint-Michel et son

insertion dans l’arcature des parois de la

nef, cl. Éva Michaud-Avril / CESCM.

Fig. 4 – Marmouset d’une porte occidentale,

cl. Éva Michaud-Avril / CESCM.

Fig. 5 – Double porte de la salle capitulaire et

de la sacristie, cl. Bénédicte Fillion-Braguet.

Fig. 6 – Porte des cloîtres, vue de l’intérieur,

cl. Claude Andrault-Schmitt.

Fig. 7 – Porte de la sacristie, serrurerie,

cl. Bénédicte Fillion-Braguet.

Fig. 8 – Porte des cloîtres, partie supérieure,

cl. Claude Andrault-Schmitt.

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17 – CLORE LA CATHÉDRALE : PORTES ET VANTAUX

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ingénieurs du Centre de recherches des Monuments histo-riques qui suggèrent de les placer « vers ». Cette data-tion reposait sur la dédicace du octobre que certains identifiaient comme la fin du chantier. Pourtant, la cérémonie organisée par l ’évêque Bertrand de Maumont ne correspond à aucune phase des travaux et apparaît davantage comme un écho du mécénat de Jean duc de Berry, probablement une remise en état du trésor.

Il fallut attendre pour qu’une analyse dendrochro-nologique apporte une précision de taille, à savoir que les vantaux de la cathédrale ne dataient pas du e siècle, mais du début de la seconde moitié du e siècle. Plus précisément, deux prélèvements furent réalisés sur six des sept portails de la cathédrale, donnant la date d’abattage « de environ », qu’il faut interpréter comme « en ou dans les années qui suivirent ». Parallèlement, les vantaux du portail occidental de Sainte-Radegonde de Poitiers étaient également diagnostiqués, s’avérant être bâtis à l ’aide de bois coupés vers . Ainsi, après avoir été datés du début du e, puis du dernier tiers du e siècle, les vantaux se révélaient finalement plus tardifs qu’on ne l ’avait cru.

Lorsque les vantaux furent posés, venait d’être élu au siège épiscopal de Poitiers Jean du Bellay, dit le jeune, évêque de Poitiers jusqu’en . Protégé de René d’Anjou, aumônier, conseiller et proche du roi Louis XI, il était également abbé de Saint-Florent de Saumur où il résidait. Succédant à son oncle Jean du Bellay dit l ’aîné, il démissionna en pour laisser le titre d’abbé à son neveu Louis du Bellay. Ainsi, au moment où Jean était évêque de Poitiers, il était également à la tête de l ’une des abbayes les plus puissantes d’Anjou ! Comme son oncle l ’avait fait avant lui et comme son neveu le fit après lui, il fut un maître d’ouvrage actif et conduisit le chantier d’em-bellissement de l ’abbatiale dont il fit reconstruire les parties orientales, dotant le chevet d’une couronne de chapelles rayon-nantes. À la cathédrale de Poitiers, il commandita les portes de chœur dans les collatéraux mais aussi le somptueux tour de chœur correspondant, à partir du jubé et autour des stalles. Il fit refaire les vitraux de la rose au-dessus du portail nord, où ses armoiries se voyaient toujours au milieu du e siècle. Comme l ’indique son blason à Celle-l ’Évescault, siège d’une châtellenie appartenant à l ’évêque de Poitiers, il s’occupa d’un nouveau voûtement pour l ’église paroissiale. Il est donc parti-culièrement intéressant que les vantaux de la cathédrale aient été tous refaits du temps de ce prélat, qui prit une part active dans la décoration de son église.

Le portail des cloîtres, caché par son tambour, n’a pas béné-ficié de prélèvements et n’a donc pas été pris en compte par l ’étude de , pas plus que les vantaux de la double porte du chapitre et la sacristie. Pourtant, l ’analyse structurelle et stylistique de ces ouvrages permet de vérifier que, si les portes de la sacristie et du chapitre appartiennent à une campagne

BnF, fr , fº et Poitiers, Médiathèque François-Mitterrand, ms Fonteneau, t. , p. . Autres sources citées par Favreau , p. .

Jean de France, présent à Bourges à partir du octobre , n’aurait pas assisté à la cérémonie de dédicace du : Rapin , p. .

Dormoy et Perard, . Cette analyse fut demandée par Jean-Pierre Blin, conservateur régional des Monuments historiques, afin de comparer les vantaux de la collégiale et ceux de la cathédrale.

Les trois portails de la façade ouest, le portail Saint-Michel, le portail Sainte-Croix et le portail Saint-Jean. Sur les treize prélèvements effectués, sept ont relevé la présence d’aubier.

Dormoy et Perard . Jean Huynes, Translation des reliques de saint Florent, de Roye à Saumur.

Bibliothèque de l ’école des chartes, , vol. , p. -. Leloup . Auber /, II, p. .

proche, voire identique à celle des six portes principales, il en va différemment de la porte des cloîtres. En effet, comme nous le verrons plus loin, les moulures des panneaux, le montage du bâti et le système de rotation diffèrent, indiquant qu’elle est bien antérieure aux autres. Pour autant, en l ’absence d’analyse sur ces menuiseries oubliées, nous ne pouvons nous permettre de dater la porte des cloîtres de ou celles du chapitre et de la sacristie des années … même si cela reste l ’hypothèse la plus vraisemblable.

Un siècle après avoir été mises en œuvre, les portes de la cathé-drale furent dégradées par des Huguenots, ainsi que nous le précise le procès-verbal de (chapitre ). À la lecture du texte, on comprend que les choses furent bien moins dramatiques que ne l ’avait envisagé Auber. Ainsi, les assaillants forcèrent la porte Saint-Michel, brisant deux panneaux et deux dormants, ce qui leur permit de s’introduire dans la cathédrale. À partir de là, ils dépouillèrent les portes de toutes leurs barres de fer, lesquelles étaient retenues par des crampons fichés dans la maçonnerie des ébrasements. Ils arrachèrent également les serrures à moraillon et verrous, mais laissèrent les vantaux de bois en place. Signalons que la porte Saint-Jean n’est pas mentionnée par le procès-verbal, comme si elle avait été oubliée….

Si le procès-verbal est très précis sur l ’étendue des dégâts opérés, il ne permet pas de savoir si les travaux demandés furent réellement effectués et on ignore si les barres de fer supprimées furent remises à l ’identique ou si l ’on s’orienta vers un autre mode de confortation. Aujourd’hui seule la porte des cloîtres semble avoir conservé son aspect d’avant , puisque son vantail côté ouest (face intérieure) possède encore une barre de fer fichée dans un crampon [fig. 6], d’où pend une chaîne dotée d’un moraillon ainsi que le décrivait le procès-verbal de . Cet ensemble était complété par un palâtre de serrure avec une entrée de clé et une auberonnière qui a malheureusement été volée depuis peu. Heureusement, la porte de la sacristie possède encore un verrou avec moraillon à auberon, assujetti à la serrure placée en dessous qui date vraisemblablement du e siècle, et qui est complétée par une serrure à platine ovale plus récente (e siècle ?) [fig. 7].

À la fin du e siècle, lors des grands travaux conduits par l ’architecte Vétault, les vantaux furent restaurés. Tout d’abord, l ’arrière des trois portails de la façade ouest fut habillé par la mise en œuvre de la tribune d’orgues entre et . Le système de fermeture fut modifié puisque les trois portes ouest ainsi que les portes Saint-Michel et Saint-Jean furent alors pourvues d’espagnolettes. Peut-être à ce moment là le système de fixation a-t-il été renouvelé, comme nous allons le suggérer. Après avoir été mesurées, les portes ont été peintes à la suite du marché du septembre , par lequel le sieur Mariot, grenadier dans le régiment de Conti, alors en garnison à Poitiers, s’engagea à peindre les sept portes de la cathédrale, pour livres en « couleur d’olives un peu claire » à l ’extérieur et en gris à l ’intérieur. Lors de cette campagne, les petites portes intérieures des escaliers à vis furent toutes refaites.

Je remercie Mathieu Linlaud, auteur d’une thèse remarquable sur la serrurerie médiévale, pour sa relecture et ses précieuses remarques : Linlaud .

La serrure est connue par des photographies prises en  par Ph. Robichon, du centre de Recherches des Monuments historiques (cl. MH et ). Mathieu Linlaud confirme une mise en œuvre au e ou e siècle de la serrurerie de la porte des cloîtres.

Poitiers, arch. dép., G , le juillet , payé à Vétault, pour les trois espa-gnolettes des grandes portes y compris le raccommodage des vieilles ferrures desdites portes.

Ibidem : toutes les portes sont de pieds de haut et pouces d’épaisseur ; les largeurs varient entre et pieds selon la porte.

Ibidem, marché du septembre entre le sieur Mariot, et les commissaires du chapitre de la cathédrale.

Après la fermeture des couvents de la ville, en , la cathé-drale récupéra entre autres un tambour de bois de chêne provenant des Cordeliers de Poitiers, réalisé en par le frère lai Jean-Louis Gaussat. Il fut placé à l ’arrière de la porte des cloîtres, la faisant disparaître aux yeux des visiteurs.

Réalisés en , les derniers travaux d’importance portè-rent sur la mise en œuvre de tambours recouverts de draperies vertes à l ’arrière des portes Sainte-Croix, Saint-Jean et Saint-Michel. Ces adjonctions exécutées à la demande du chanoine de Larnay furent vivement critiquées par l ’abbé Auber, qui travaillait alors à la rédaction de sa monographie sur la cathé-drale. Elles entraînèrent la mise en œuvre de faux tympans sous les arrières voussures des portes et la découpe des bases et des banquettes. Encore en place dans les années , ces tambours ont été déposés par la suite, mais les faux tympans ont été conservés aux portes Saint-Jean et Saint-Michel.

Lors des restaurations du début du e siècle conduites par Lucien Magne, le niveau de sol extérieur au-devant de la porte Saint-Michel a été abaissé d’une hauteur d’assise, laissant le pied du trumeau de bois flotter dans le vide et dégageant la partie basse des vantaux. Enfin, en , l ’architecte en chef François Jeanneau, pour achever la restauration des trois portails sculptés de la façade occidentale, a fait peindre les vantaux des six portails en bleu-vert.

Les portes et leurs vantaux : état des lieux et questions en suspens

S ’ ’, ce rapide historique ne résout pas toutes les questions. Ainsi, comment expliquer une

mise en œuvre tardive des vantaux ? Les portails n’avaient-il pas de menuiseries avant la seconde moitié du e siècle ? Par ailleurs, les pentures sur gond sont-elles anciennes ? Et sinon, comment pouvaient être fermés et fixés les vantaux à l ’origine ? Enfin, ces portails étaient-ils peints ? Puisqu’à aucune de ces questions les sources ne répondent, il nous faut examiner à la loupe les œuvres en place.

Commençons d’abord par la porte des cloîtres, la plus atypique et la plus ancienne. Doublée vers l ’extérieur par un ensemble constitué de planches larges, ajouté au e ou e  siècle, la porte médiévale des cloîtres se compose de deux vantaux, chacun constitué d’un bâti formé d’une traverse haute et basse, d’un battant de rive et d’un battant meneau, de montants secondaires assemblés à mi-bois avec des écharpes en diagonale. La face externe est composée de longs panneaux biseautés, embrevés dans les montants. Les panneaux et les montants sont fixés aux traverses par des clous à double pointe et les battants haut et bas sont liés aux traverses par des barres métalliques en U au profil plat [fig. 8]. Le battant de rive se prolonge en un tourillon de bois qui vient se loger dans un trou de réservation du dormant, permettant à la porte de pivoter sur son axe. En partie basse, ce dispositif est remplacé par un gond sur penture à tête fleurdelisée. Très différentes

Auber /, I, p. -. François Jeanneau ACMH, DDOE à la restauration des portails occidentaux.

Ministère de la Culture, Drac Poitou-Charentes, mars .

IV – UN CHANTIER MENÉ D’EST EN OUEST

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des autres vantaux de la cathédrale, les menuiseries et les ferrures de cette porte présentent donc des archaïsmes qui correspondent mieux au e siècle qu’au milieu du e siècle. L ’hypothèse d’une mise en œuvre de cette porte au début de la seconde moitié du e siècle est de fait plus que plausible.

Les vantaux des six autres portes ont en commun une structure d’assemblage constituée de registres de panneaux, en partie décorés de biseaux convergents. Insérés entre des montants et des traverses, ces panneaux sont contreventés, côté intérieur, par des décharges obliques et parallèles. Ces dernières sont assemblées à mi-bois aux traverses avec des embrèvements en gorge. Chaque traverse est en outre associée aux panneaux et aux montants à l ’aide de clous à tête carrée et à doubles pointes.

Hormis la porte Sainte-Croix qui est plus étroite, toutes les autres sont constituées de deux vantaux séparés par un trumeau en bois à base, bague intermédiaire et chapiteau mouluré. Chaque vantail est de plus divisé en deux registres par une traverse intermédiaire marquée vers l ’extérieur par un larmier mouluré en bec de corbin, traverse qui se retrouve également à la porte de la sacristie et du chapitre, pour le même montage et le même type de panneaux. Selon la hauteur de la porte, l ’élévation des vantaux diffère, car elle est composée de quatre à six panneaux superposés. Par ailleurs, ces panneaux sont de hauteur variée, utilisant trois modules différents, que pour résumer nous qualifierons de petit, moyen et grand. Ainsi, la porte Sainte-Croix est formée de quatre rangées de panneaux de taille moyenne, toutefois plus grands en bas qu’en haut. La porte Saint-Jean est conçue à l ’aide de quatre rangées de grands panneaux, hormis le vantail inférieur ouest qui est constitué de trois panneaux et non de deux comme celui de l ’est [fig. 9]. La porte Saint-Michel est réalisée à base de cinq rangées de panneaux de plus en plus réduits vers le haut.

Les portails ouest montrent six rangées de panneaux, de taille différente d’une porte à l ’autre. Ainsi, le portail de la Vierge présente, en bas, deux grands modules sommés d’un petit et en haut deux grands panneaux couronnés d’un moyen ; le portail du Jugement Dernier offre trois modules moyens en partie basse et deux grands modules soulignés d’un petit module en partie haute [fig.  10] ; enfin, le portail de Saint-Romas propose en partie basse deux grands modules et un petit module, tandis que le registre supérieur est formé de trois modules moyens.

Toutes les portes, à l ’exception de celle du portail central de la façade ouest, ont un guichet pour faciliter l ’accès. Comme si la porte centrale n’était pas un outil de passage pour le simple piéton, mais que, s’ouvrant de ses deux vantaux, elle était desti-née uniquement à accueillir le Peuple entier des fidèles : cette considération nous renvoie parfaitement aux réalités médié-vales et à l ’ouverture exceptionnelle, voire processionnelle, des portails principaux des façades occidentales.

Les vantaux sont renforcés par des bandes de fer pliées en U, telles des pinces qui enserrent les montants au niveau des traverses. Ces bandes, assez épaisses, présentent un profil légèrement triangulaire [fig. 11] ; elles s’achèvent en milieu de vantaux par un empâtement et sont fixées par des clous à tête aplatie. Pour autant, ces bandes sont-elles d’origine ? Des renforts de configuration semblable existent aux vantaux de Sainte-Radegonde de Poitiers, réalisés vers , ainsi qu’à ceux du portail nord de la façade occidentale de la cathédrale d’Auxerre, datés du troisième quart du e siècle. Dans ces

Dormoy et Perard, . Aumard , p. .

deux cas, les bandes semblent bien anciennes, fixées dès le départ aux traverses qu’elles soulagent, et il en est sans doute de même pour celles de la cathédrale de Poitiers.

En revanche, ces bandes métalliques ne doivent pas être confondues avec les pentures qui, elles, sont suspendues à un gond [fig. 12]. De section plus fine, les barres de pentures sont placées à endroit fixe pour remplir correctement leur fonction et, de ce fait, elles ne sont pas toujours clouées aux traverses, ce qui peut rompre la verticalité décorative des panneaux. De toute évidence, elles ne sont pas d’origine et se sont substi-tuées à un système ancien. Grâce à quelques éléments encore en place, on peut restituer un ensemble à gonds sur pentures à bandes verticales, lesquelles ont été conservées aux guichets des portes ouest ainsi qu’aux vantaux de la sacristie et du chapitre. Aux portes Saint-Jean [fig.  13] et Saint-Michel, on trouve également, côté extérieur, des pentures verticales sur gonds, comme fossilisées parce que prisonnières au niveau de la traverse moulurée en bec de corbin ; leur mise en œuvre a visiblement obligé à entailler les piédroits de pierre. En partie haute des vantaux intérieurs du portail Saint-Michel, se devi-nent encore les anciens gonds de ces pentures à bandes verti-cales [fig. 14], abandonnés au profit de gonds pour pentures horizontales. Enfin, on remarque également dans les ébrase-ments intérieurs de nombreux raccords de maçonnerie qui pourraient correspondre au comblement des vides laissés après la suppression de ces anciens gonds.

Il faut comprendre que les vantaux d’origine étaient moins lardés de métal qu’ils ne le sont aujourd’hui, puisque les pentures horizontales ont été ajoutées pour conforter ces menuiseries monumentales et soulager leur poids important. Pour autant, il est impossible de savoir si les ajouts métalliques ont été compris dans les travaux du e ou du e siècle, conjointement ou séparément.

On a vu que l ’essentiel des organes de fermeture datent du e siècle, avec l ’introduction d’espagnolettes et des serrures modernisées, mais il reste encore quelques verrous à moraillon, notamment à la porte des cloîtres (e  siècle), à celle du chapitre (milieu e siècle) et à la porte Sainte-Croix. Reste que pour la serrure de cette dernière, il est difficile d’avancer une date (e ? e siècle ?).

Pour ce qui est de l ’existence de vantaux avant le e siècle, le bon sens voudrait qu’au fur et à mesure qu’une porte est achevée par les maçons, elle soit pourvue de sa clôture, provi-soire ou définitive. L ’examen des portes permet de constater que les traverses, bandes de fer et pentures sur gonds ont entraîné la réalisation d’entailles dans les piédroits des portes Saint-Jean et Saint-Michel [fig. 15], tandis qu’à la porte Sainte-Croix, on a préféré se placer bien à l ’arrière du chambranle afin de ne pas endommager les chapiteaux sculptés, créant même un vide [fig. 16]. De ces entailles, on peut déduire un ajustement lié à la nature même des portails en place et qui n’avait pas été prévu à l ’origine. On imagine alors un système de vantaux sur pivots fichés dans des dormants ajustés à l ’arrière de la porte. Les choses sont un peu différentes aux portails de la façade occidentale où l ’on retrouve les entailles dans les chambranles, mais où, en plus, les personnages formant consoles au sommet des piédroits sont entaillés dans le sens de la largeur. La trace d’une feuillure est visible aux linteaux du portail central et Saint-Romas [fig. 17]. Importante, elle devait accueillir une menuiserie qui n’est pas celle en place, mais celle d’un dormant logé contre le chambranle de la porte.

Ce système de gonds verticaux est également présent aux portails nord (après ) et central (-) de la façade occidentale de la cathédrale d’Auxerre.

Autrement dit, les vantaux actuels des trois portails occiden-taux, plus grands que les précédents, seraient posés plus en retrait que les vantaux d’origine.

On a souvent évoqué la question des trumeaux de pierre, avançant la largeur exceptionnelle des trois portails ouest. Le procès-verbal de n’en disant mot, on avait dû admettre que la question était insoluble. L ’analyse des vantaux permet au moins de dire que les menuiseries du milieu du e siècle intègrent un trumeau de bois. Mais on peut également remar-quer que les feuillures en sous-face des linteaux présentent une réservation centrale et centrée plus ou moins nette pour rece-voir des trumeaux. De bois ou de pierre, ces derniers – s’ils ont été posés – auraient de toute façon été supprimés au milieu du e siècle avec la pose des menuiseries actuellement en place !

Enfin, ces vantaux étaient-ils peints ? Voilà une question à laquelle il est difficile de répondre, car les sources sont muettes sur cet aspect jusqu’à la fin du e siècle. Bien entendu, le vert et le gris posés en sont alors des couleurs très à la mode qui ne sauraient être représentatives de l ’aspect médié-val. Des traces ocre jaune existent bel et bien sur les vantaux extérieurs de la porte des cloîtres, mais ces vantaux consti-tués de lames horizontales ne sont pas médiévaux et ont été posés à une date tardive. Quant au rouge que l ’on aperçoit sur un vantail intérieur de cette porte des cloîtres, il s’agit d’un essai récent et il y a tout lieu de croire que les vantaux de la cathédrale, comme ceux de Sainte-Radegonde, n’étaient pas peints. Ce qui ne veut pas dire qu’ils étaient laissés sans protection. Pour avoir traversé les siècles et résisté aux intem-péries comme ils l ’ont fait, ils devaient être protégés par un mélange, que les rares sources précisent être fait à base d’huile, le plus souvent d’huile de noix, et d’un siccatif additionné ou non d’un pigment (rouge à brun). En l ’absence de pigment, il en résultait une couleur bois, comme c’est toujours le cas à Sainte-Radegonde et comme le dessinateur Louis Boudan le représenta sur les aquarelles de la collection de Roger de Gaignières aux portails des cathédrales du Mans, d’Angers, de Chartres et d’Évreux.

À défaut d’avoir pu bénéficier de l ’analyse scientifique qu’une dépose aurait pu nous fournir, cette première approche montre l ’étendue des informations que les menuiseries ont encore à offrir. Considérés comme accessoires, les vantaux de la cathédrale de Poitiers sont pourtant riches d’enseigne-ments sur l ’histoire du bâtiment. La question non résolue la plus importante est celle du remplacement complet au milieu du e siècle. Doit-on ces clôtures à la seule générosité d’un évêque, quelque peu gratuite? Ou l ’enjeu était-il d’offrir à la cathédrale, en voie d’achèvement, une présentation homo-gène ? En effet, il y a tout lieu de croire que chacun des portails était clos, de façon provisoire ou définitive, après son achè-vement. Si tel était le cas, peu après le milieu du e siècle, profitant de la livraison de la sacristie et de la salle du chapitre, on aurait voulu uniformiser ou compléter un ensemble hétéro-gène constitué de menuiseries datant des années… , , et . S

Lors de la restauration du portail de Sainte-Radegonde sous la direction de François Jeanneau, le laboratoire ERM a effectué des prélèvements de peintures, dont les résultats se sont avérés négatifs : ERM, Caractérisation de matériaux, église Sainte-Radegonde de Poitiers ( ). Prélèvement du juin . ERM . DM – octobre , (échantillon nº , p. ) joint à l ’étude préa-lable à la restauration du portail occidental, François Jeanneau, juin .

17 – CLORE LA CATHÉDRALE : PORTES ET VANTAUX

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Fig. 9 – Porte Saint-Jean, intérieur,

cl. Bénédicte Fillion-Braguet.

Fig. 10 – Revers de la façade occidentale, porte

centrale, cl. Bénédicte Fillion-Braguet.

Fig. 11 – Façade occidentale, porte de la Vierge,

piédroit de droite, cl. Bénédicte Fillion-Braguet.

Fig. 12 – Porte Saint-Michel, piédroit

intérieur, cl. Bénédicte Fillion-Braguet.

Fig. 13 – Porte Saint-Jean, piédroits et trumeau

de bois, cl. Bénédicte Fillion-Braguet.

Fig. 14 – Porte Saint-Michel, gonds et pentures de

la porte-guichet, cl. Bénédicte Fillion-Braguet.

Fig. 15 – Porte Saint-Michel, cl. Bénédicte Fillion-Braguet.

Fig. 16 – Porte Sainte-Croix, détails,

cl. Bénédicte Fillion-Braguet.

Fig. 17 – Façade occidentale, portail Saint-

Thomas, cl. Éva Michaud-Avril / CESCM.

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