Décor peint et statuaire dans l’édifice majeur du sanctuaire de Viuz-Faverges (Faverges) en...

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Fichier éditeur destiné à un usage privé Actes du colloque de Caen Service Archéologie, conseil général du Calvados 7-8 avril 2011 Sous la direction de Julien BOISLèVE, Karine JARDEL, Graziella TENDRON avec le concours du conseil général du Calvados, Direction Générale Adjointe Jeunesse, Culture et Territoires, Service Archéologie et du Ministère de la Culture et de la Communication, Direction de l’Architecture et du Patrimoine sous-direction de l’archéologie, de l’ethnologie, de l’inventaire et du système d’information. Mémoire XLV - 2012 Décor des édifices publics civils et religieux en Gaule durant l’Antiquité, I er - IV e siècle peinture, mosaïque, stuc et décor architectonique.

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Première partie - Décor des édifices civils : reflet de la cité ? 1

Actes du colloque de Caen Service Archéologie, conseil général du Calvados

7-8 avril 2011

Sous la direction de Julien BoiSlève, Karine JArDel, Graziella TenDron

avec le concours duconseil général du Calvados, Direction Générale Adjointe

Jeunesse, Culture et Territoires, Service Archéologieet du Ministère de la Culture et de la Communication,

Direction de l’Architecture et du Patrimoinesous-direction de l’archéologie, de l’ethnologie, de l’inventaire et du système d’information.

Mémoire Xlv - 2012

Décor des édifices publics civils et religieux

en Gaule durant l’Antiquité, ier - iv e siècle

peinture, mosaïque,

stuc et décor architectonique.

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Décor des édifices publics civils et religieux en Gaule durant l’Antiquité, ier - iv e siècle : peinture, mosaïque, stuc et décor architectonique2

Comité sCientifique du Colloque

Claudine AllAG, ingénieur de recherche, CnRs, ensCatherine BAlmelle, directrice de recherche, CnRs, ensJulien BoislÈVe, Chargé d’étude, conseil général du Calvados, service Archéologiesébastien CoRmieR, Régisseur des collections, mission Archéologique départementale de l’eureChristian CRiBellieR, Conservateur du Patrimoine, service Régional de l'Archéologie, dRAC Bretagnemichel fuCHs, Professeur, université de lausanne (suisse)sabine GRoetemBRil, Centre d’étude des Peintures murales Romaines de soissonsKarine JARdel, Attachée de conservation, conseil général du Calvados, service Archéologiefrançoise lABAune-JeAn, Assistante d’étude spécialisée, inRAP Grand-ouestdominique tARdY, directrice de recherche, iRAA, CnRsGraziella tendRon, Chargée d’étude, conseil général du Calvados, service Archéologie

Comité d’oRGAnisAtion du Colloque

nicola CoultHARd, Conservateur, conseil général du Calvados, service ArchéologieKarine JARdel, Attachée de conservation, conseil général du Calvados, service ArchéologieChristelle leBel, Gestionnaire, conseil général du Calvados, service ArchéologieJulien BoislÈVe, Chargé d’étude, conseil général du Calvados, service ArchéologieGraziella tendRon, Chargée d’étude, conseil général du Calvados, service Archéologienoémie fontAine, stagiaire, conseil général du Calvados, service Archéologiemarie-Anne RoHmeR, Graphiste-dessinatrice, conseil général du Calvados, service Archéologie

Conseil général du Calvados, direction Générale Adjointe Jeunesse, Culture et territoires, service Archéologie36 Rue fred scamaronif - 14000 CAentél. 02 31 57 18 30

Association des Publications Chauvinoises - A.P.C.B.P. 64 - 86300 CHAuViGnYtél. 05 49 46 35 [email protected]

directeur de la publication : max AuBRun

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Première partie - Décor des édifices civils : reflet de la cité ? 3

sommAiRe

Préfaces : f. fiCHet de ClAiRfontAine p. 7 n. CoultHARd p. 9Avant-propos : J. BoislÈVe, K. JARdel, G. tendRon p. 11

liste des auteurs p. 13

1re partie - Décor des édifices civils : reflet de la cité ?

les décors du forum de Bavay (nord) sous l’empire :bilan des découvertes et pistes de réflexion sur la hiérarchisation des espaces. i. BollARd-RAineAu, Ch. louVion p. 17

la frise à rinceaux du musée de Bavay (nord) : suite et rétractation. R. HAnoune p. 31

les cryptoportiques peints de Bavay (nord) et de Reims (marne) sous l’angle de la « copie » et de la « romanité ». C. ViBeRt-GuiGue p. 41

les mosaïques du forum d’Aventicum (Avenches, suisse). s. delBARRe-BÄRtsCHi p. 63

éclat et diversité du décor de l’édifice à plan basilical de Grand (Vosges). n. niKifoRoff p. 77

Aménagement et décor de la curie du forum d’Aregenua (Vieux, Calvados). K. JARdel, J. BoislÈVe, G. tendRon p. 91

un atelier de marbrier dans la curie du forum d’Aregenua (Vieux, Calvados). G. tendRon, C. GeRmAin-VAllée, K. JARdel p. 111

la maison au Grand Péristyle à Aregenua (Vieux, Calvados), une relecture du programme décoratif peint et stuqué. J. BoislÈVe p. 135

le décor des édifices publics de lutèce : l’apport des papiers Vacquer. H. éRistoV, d. Busson p. 155

Opus sectile dans un bâtiment à péristyle d’Augusta Trajana - Béroé, actuelle ville de stara Zagora en Bulgarie. l. mAnoloVA-JeAnd’HeuR, avec la collaboration de B. PARZYsZ p. 171

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Décor des édifices publics civils et religieux en Gaule durant l’Antiquité, ier - iv e siècle : peinture, mosaïque, stuc et décor architectonique4

2e partie - Décor des sanctuaires : un écrin pour les fidèles et les dieux

ni stuc ni peinture : un traitement illusionniste des enduits. A. CoutelAs, f. monieR p. 191

décor peint et statuaire dans l’édifice majeur du sanctuaire de Viuz-faverges (faverges) en Haute-savoie. J. seRRAlonGue p. 207

le décor de l’aire cultuelle d’Argentomagus (saint-marcel, indre, fouilles de 1970 à 1980) : peintures et stucs. i. fAuduet, J.-f. fléCHeR p. 219

les roches décoratives du temple 4 d’Argentomagus (saint-marcel, indre). sources d’approvisionnement et organisation du décor. C. VAn lYnden tot oldenAlleR p. 233

le programme ornemental du sanctuaire de tintignac (naves, Corrèze). Ch. mAniquet, s. GRoetemBRil, V. duPHil p. 245

les décors architecturaux du sanctuaire gallo-romain du Vieil-évreux (eure). état de la question sur l’ornement plaqué. s. CoRmieR, l. GuYARd, s. BeRtAudiÈRe p. 271

le décor des thermes de la ville-sanctuaire du Vieil-évreux (eure). s. CoRmieR, l. Bonelli, l. GuYARd, s. BeRtAudiÈRe p. 289

éléments du décor du sanctuaire d’Apollon moritasgus à Alésia (Alise-sainte-Reine, Côte-d’or) : la palestre des thermes et le nymphée. o. de CAZAnoVe, H. dessAles p. 311

le décor architectural du temple de mercure au sommet du puy de dôme (Puy-de-dôme). d. tARdY, J.-l. PAillet  p. 329

le décor architectural du sanctuaire du Gué-de-sciaux à Antigny (Vienne). le temple classique. i. BeRtRAnd, G. tendRon p. 341

la décoration architectonique en cité des tongres : le sanctuaire de Jupille-sur-meuse (Belgique, province de liège). C. Coquelet, C. delPlACe, e. GoemAeRe, m. Gustin p. 361

le dépôt de chaufournier de l’Antiquité tardive du site du pavillon saint-louis à Autun (saône-et-loire) : le temple d’Apollon retrouvé ? A. louis, m. KAsPRZYK, Y. lABAune p. 381

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Première partie - Décor des édifices civils : reflet de la cité ? 5

entre italie, Gaules et Germanies, les formes et le programme décoratif du mithraeum de martigny (Valais, suisse). Y. duBois p. 401

3e partie - Conformisme et particularités des choix décoratifs dans les édifices civils et religieux. Éléments de synthèse

un sanctuaire aux marges de la sphère publique : le mithraeum (état des lieux). Y. duBois p. 425

décors officiels à Avenches et à nyon (suisse). m. fuCHs p. 447

décors de « marbre » dans les édifices civils et religieux de la Gaule. é. duBois-PeleRin p. 467

le décor peint des édifices religieux en Gaule, entre conservatisme et innovation. A. BARBet p. 477

la maiestas des sanctuaires de périphérie urbaine au sommet de la religion civique en Gaule romaine. l. PéCHouX p. 493

monuments publics et ordres d’architecture : quelques remarques sur les Gaules et les provinces alpines à l’époque impériale. Y. mAliGoRne p. 509

Conclusion : Cl. AllAG et d. tARdY p. 533

Index des noms de lieux et monuments cités p. 537

Index des noms de personnes p. 541

Deuxième partie - Décor des sanctuaires : un écrin pour les fidèles et les dieux 207

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Décor peint et statuaire dans l’édifice majeur du sanctuaire de Viuz-Faverges (Faverges) en Haute-Savoie

Joël Serralongue 1

Mots-clés : baies peintes, édifice majeur, Jupiter, méandre à fleurons sur base en volutes, plante aquatique et échassiers, sanctuaire, zone basse, zone moyenne à panneaux rouges et bordures ajourées.

RésuméL’édifice majeur du sanctuaire, implanté au pied de la montagne et au nord de l’enceinte, est relié par des galeries au portique principal et au fanum. Son unique salle, précédée d’un vestibule, couvre une surface de 235 m2. Quelques fragments de statues dont ceux d’un trône jupitérien, trois niches et le soubassement d’un probable autel témoignent de sa vocation religieuse. Les décors peints les plus complets, datables de la seconde moitié du Ier siècle, sont ceux de la zone basse, conservés de part et d’autre d’une des trois grandes baies perçant le mur nord. Le premier est un méandre jaune sur fond noir combiné à des fleurons ; le second, entre deux baies, associe une touffe de plantes aquatiques multicolores à des échassiers. La zone médiane est composée de grands panneaux rouges à bordures ajourées et d’un motif d’hortus conclusus probablement en prédelle.

(1) Archéologue départemental, Conseil général de la Haute-Savoie ; [email protected]

Décor des édifices publics civils et religieux en Gaule durant l’Antiquité, Ier - IV e siècle : peinture, mosaïque, stuc et décor architectonique208

Fichier éditeur destiné à un usage privéINTRODUCTION

Un sanctuaire de fond de vallée alpine sur un axe de circulation de moyenne importanceLe sanctuaire de Viuz-Faverges (alt. 500 m) s’étend au pied du Rocher de Viuz (alt. 853 m), dont les falaises de calcaire surplombent le versant nord d’une large cluse se développant à l’amont du lac d’Annecy. Ce passage naturel est emprunté à l’époque romaine par la voie secondaire reliant Genève et le plateau suisse à l’Italie par Annecy (Boutae) (Haute-Savoie), Faverges (Casuaria) et Albertville (Ad Publicanos) (Savoie) où elle se raccorde à la voie principale reliant Vienne (Vienna) (Isère), chef-lieu de la cité du même nom, au col du Petit-Saint-Bernard (Alpis Graia) après avoir traversé Aime (Axima) (Savoie), capitale de la Province des Alpes Graies.En une trentaine d’années, l’archéologie de sauvetage aura révélé quatre sanctuaires antiques au nord de la cité de Vienne, le long des voies menant au col du Petit-Saint-Bernard  : Présilly (Haute-Savoie) 2, Annecy (Haute-Savoie) 3, Faverges 4 et Châteauneuf-les-Boissons (Savoie) 5 (fig. 2).Il en est de même à Faverges où une succession de fouilles de sauvetage menées depuis les années 70, au hameau de Viuz-Faverges 6 et dans l’ancienne église paroissiale Saint-Jean-Baptiste 7, a montré l’importance de ce secteur dans l’Antiquité 8.Les travaux de contournement de l’aggloméra-tion, engagés tout d’abord en 1988-1989, puis développés sur une emprise plus large en 1992-

(2) Fouilles menées par Emmanuel Ferber (INRAP) en 2005 dans le cadre de l’achèvement de l’autoroute A 41, reliant Annecy à Genève.(3) Fouilles conduites par Nathalie Foutrier-Attiah (INRAP) en 1998, puis 1999 dans le cadre de la construction d’un ensemble immobilier.(4) Fouilles conduites dans un premier temps par Alain Canal (SRA Rhône-Alpes) en 1988-1989, puis poursuivies en 1992-1993 par André Rebiscoul (AFAN) et Joël Serralongue (CG74) dans le cadre de la réalisation du contournement routier de Faverges.(5) Fouilles de sauvetage réalisées sous la conduite de Christian Mermet, de 1978 à 1986, dans le cadre du projet d’étude de l’autoroute A 43.(6) Ces recherches ont été menées pour la plupart par Alain Piccamiglio et Michel Duret, membres de l’association « Les Amis de Viuz-Faverges » ; les résultats de ces opérations ont été présentés régulièrement dans le bulletin annuel de cette association.(7) Colardelle 1982 ; Colardelle 1983.(8) Segard 2009.

1993 9, ont permis de reconnaître, sur une surface de 6 000 m2, la partie nord d’un vaste sanctuaire 10 auquel on peut rattacher un certain nombre d’observations faites précédemment 11 ; ainsi, on ne peut exclure l’hypothèse que le bâtiment aux maçonneries en petit appareil, identifié lors des fouilles de l’église Saint-Jean-Baptiste comme ayant été réutilisé par la première église au VI e siècle, ne marque la limite sud du sanctuaire, ce qui porterait son extension nord-sud à plus de 140 m et sa superficie totale à plus de 2,2 hectares.

Une organisation rigoureuse

Le secteur nord du sanctuaire est clos par un mur d’enceinte venant s’ancrer dans les éboulis de bas de pente du Roc de Viuz. Le mur nord s’y développe selon un linéaire irrégulier, long de 160  m, s’adaptant aux pentes, contournant des obstacles, s’interrompant même autour d’un probable nymphée ou bassin de captage (fig. 3) ; au nord-est par contre, à la suite d’une première rupture provoquée par un éboulement, il sera rebâti quelques mètres en amont avant que de

(9) C’est dans le cadre de la seconde intervention, menée sur une emprise plus large en 1992-1993, sous la conduite d’André Rébiscoul (AFAN) et Joël Serralongue (CG 74), que fut découvert le grand bâtiment aux peintures.(10) Serralongue 1994 ; Serralongue 2002.(11) Bertrandy et al. 1999.

Fig. 1. Localisation de la commune de Faverges en Haute-Savoie  (DAO  J. Laidebeur CG74).

Deuxième partie - Décor des sanctuaires : un écrin pour les fidèles et les dieux 209

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Fig. 2. Les quatre sanctuaires récemment identifiés au nord de la cité de Vienne sur les voies menant, de Vienne et de Genève, au col du Petit-Saint-Bernard (DAO  J. Laidebeur, CG74).

Fig. 3. Plan schématique de la partie nord du sanctuaire (relevé F. Pont, INRAP et J. Serralongue, CG74).

Décor des édifices publics civils et religieux en Gaule durant l’Antiquité, Ier - IV e siècle : peinture, mosaïque, stuc et décor architectonique210

Fichier éditeur destiné à un usage privénouvelles chutes de pierres, peu après l’abandon du site, au début du V e  siècle, et une première vague d’exploitation de ses matériaux les plus précieux dans des fours à chaux 12 ne viennent recouvrir l’ensemble.

Le retour oriental de l’enceinte est percé d’une large porte donnant accès à une galerie couverte ou portique, large de 2,50  m, conduisant au terme d’un parcours de 64 m à la galerie sud de l’unique fanum reconnu sur le site  ; le portique se poursuit encore sur 40 m pour aboutir à une enceinte secondaire dans laquelle ont pu être iden-tifiées, parmi de nombreux édifices, huit chapelles (sacella), deux d’entre elles prenant appui sur le mur du téménos. Immédiatement au nord de ces chapelles, l’interruption du mur d’enceinte sur quelques mètres a été interprétée comme une entrée occidentale, placée en vis-à-vis de celle située à l’est, derrière laquelle se profile au loin la masse du massif du Mont Blanc. Sans doute, cette vision concentrait-elle toutes les craintes des voyageurs, amenés à franchir les Alpes par le col du Petit-Saint-Bernard, et devait-elle les conduire très naturellement à fréquenter le sanctuaire pour rechercher les faveurs des dieux et tout particulièrement de Jupiter, protecteur des cols alpins, dont la présence semble assurée dans l’édifice majeur du sanctuaire mais également dans d’autres espaces 13.

Au total, ce sont près de cinquante édifices, structures de liaison et espaces de circulation qui ont été reconnus sans pour autant être tous identifiés avec certitude. L’abondant mobilier recueilli (céramiques locales et d’importation,

(12) Une batterie de fours à chaux sera implantée directement dans les édifices en ruines avant qu’une autre ne lui succède au niveau supérieur du cône d’éboulis venant recouvrir la partie nord du site.(13) Outre deux fragments d’un trône en marbre de Carrare qui pourrait appartenir à une représentation du dieu assis comme on le voit à Beaucaire (Bessac et al. 1987) ou Thun-Allmendingen (Bossert 1988), l’enfouissement au chevet du bâtiment d’un lot de segments sciés d’andouillers de cerf, déposés dans une casserole en bronze, vient rappeler cette assimilation du Cernunnos celtique, le maître des animaux, au Jupiter du panthéon romain. En un autre lieu ont été recueillis les fragments d’une plaquette votive en argent, comparable à celles trouvées dans les sanctuaires voués au culte de Jupiter que sont ceux de Thun-Allmendingen, du Grand-Saint-Bernard et du Petit-Saint-Bernard.

verreries dont des balsamaires de couleur, statuettes en céramique plombifère, palettes à fard en pierre, monnaies, fibules en fer et en bronze, bagues, bracelets, intailles, perles en verre et en pâte de verre, aiguilles et épingles en os, chaîne en fer, rouelles et objets miniatures en plomb ou en bronze, plaquette votive en argent, lames de couteaux, clefs, fragments sciés d’andouillers de cerf déposés dans une casserole en bronze, etc.) au sein des bâtiments ou enfoui à leur périphérie ou encore dans une favissa (?) creusée à l’amont du mur d’enceinte témoigne d’une intense fréquentation entre la fin du Ier siècle av. J.-C. et le début du V e siècle ap. J.-C.

L’édifice majeur du sanctuaire

Du fait de l’ensevelissement du secteur nord sous une épaisse nappe d’éboulis, les murs présentent, en cet endroit, des élévations telles que nombre d’éléments structurant l’édifice comme les percements des baies et des portes ont été préservés, de même que le mur d’enceinte ceinturant l’édifice, encore conservé sur une hauteur de 2,40  m au nord-ouest, à l’arrière du chevet. Accessible par deux portiques secondaires (fig. 3), raccordés pour le premier au portique principal et pour le second à la galerie nord du fanum, ce bâtiment se distingue par son ampleur, son emprise et les espaces de circulation (portiques) ou de regroupement (cours) qui se développent à sa périphérie.Rectangulaire, cet édifice offre un espace intérieur long de 32,40  m pour une largeur de 9,75  m, composé d’une grande salle à nef unique de 235  m2, précédée à l’est d’un espace asymé-trique servant de vestibule d’entrée, mais ouvrant également sur une cour trapézoïdale s’étendant à l’est. Ses maçonneries périmétriques, aux pare-ments de moellons de calcaire soigneusement taillés, ont une épaisseur n’excédant pas 0,60 m. À l’ouest, trois piles maçonnées (1,70 x 1,30 m), chaînées au mur du chevet, devaient abriter des niches comme semble l’indiquer la mise en place d’un niveau de mortier hydraulique, conservé sur la plus haute d’entre elles, à 1,82 m au-dessus du sol intérieur, constitué d’un sol de mortier à éclats de calcaire blanc (fig. 4).

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a. Un édifice très largement ouvert sur l’extérieur L’accès principal se situe à l’est mais une autre porte, large de 2,50  m, perce le mur sud dans sa partie occidentale alors qu’en vis-à-vis, le mur nord est percé de trois baies d’une largeur identique à celle de la porte. À l’origine, cette porte était contiguë à deux baies, de même largeur que celles perçant le mur nord, la plus proche de la porte fut murée par la suite 14. Les appuis de ces fenêtres se situent à 0,45 m au-dessus du sol intérieur ; non munies de rainures pour la pose de cloisons amovibles ou de claustra mais, semble-t-il, maintenues béantes, ces ouvertures laissaient ainsi entrer largement la lumière. Elles permettaient également aux pèlerins, empruntant l’étroit passage de circulation situé au pied de l’enceinte, de garder un contact visuel avec l’intérieur de l’édifice tout en rejoignant la cour orientale.

(14) Les élévations du mur sud étant bien inférieures à celles du mur nord, seules deux baies ont été décelées et seul le bouchage de l’une d’entre elles a pu être constaté.

b. Aménagement cultuel et vestiges de statuesAu centre de la salle, un massif quadrangulaire de maçonnerie (2,98 x 3,38 m), en grande partie détruit par un four à chaux, peu de temps après l’abandon du site, constitue le seul vestige de ce qui dut être la base de l’autel majeur ou d’une statue monumentale. Ses placages ou ses décors ont totalement disparu mais quelques fragments de sculptures, récupérés dans les niveaux de démolition recouvrant l’espace situé entre cette maçonnerie et le mur du chevet 15, témoignent de la diversité et de la qualité des représentations divines, des objets de culte et des offrandes. Ont ainsi échappé à la destruction par le feu deux frag-ments d’un trône attribuable à Jupiter 16, la partie

(15) Les niveaux d’abandon de ce temple ont livré les émissions monétaires les plus tardives du sanctuaire, à l’effigie de l’empereur Théodose, tout comme sur le site d’habitat des Ilettes (Annecy-le-Vieux) situé au nord d’Annecy, à proximité immédiate de la même voie antique (Serralongue 2010).(16) Les trônes des statues de Jupiter de Beaucaire (Bessac et al. 1987) ou de Thun-Allmendingen (Bossert 1988) offrent de grandes similitudes.

Fig. 4. Vue partielle du sanctuaire et de son emprise supposée jusqu’à l’église située dans l’angle gauche du cliché. Au premier plan : le grand bâtiment aux peintures et l’ambitus le contournant au pied de l’enceinte nord ; on distingue au chevet ses trois piles, la base d’autel (?) au centre, creusée par un four à chaux, et les multiples ouvertures – porte et baies – perçant les murs nord et sud (cliché J. Serralongue, CG74).

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antérieure d’un pied droit de statue féminine, des fragments de bras, de drapé mais également d’une coupe ou labrum (?) et la base moulurée d’un ex-voto encore en place entre deux baies du mur nord. Le premier était en marbre de Carrare, le second en un marbre du Pentélique, vraisemblablement des îles de Paros ou de Naxos, tout comme les autres fragments identifiés comme des marbres de Carrare, Thasos ou Paros ou encore Usak ou Marmara 17. La qualité de ces pièces ne se trouve pas démentie par les rares témoignages du décor peint couvrant à l’origine l’édifice 18.

1. Le DéCOR peINT

Les seuls témoins du décor peint couvrant ce vaste édifice ont été recueillis dans l’angle nord-ouest où ils avaient été protégés par la nappe d’éboulis qui a scellé les murs et les a préservés

(17) Decrouez, Menkveld-Gfeller 1994.(18) Ce grand édifice reste énigmatique, car sans comparaison évidente  ; seuls sa prééminence dans le sanctuaire, quelques éléments structurants et des fragments de sculptures attestent sa destination religieuse.

sur une hauteur proche, par endroits, de 1,80 m. L’essentiel des peintures était conservé à la base du mur nord, sur une longueur de 7,10 m et une hauteur de 0,70 m, complété par quelques rares témoins, épars sur le mur occidental. Le niveau de démolition, au pied de ces mêmes murs nord et ouest, a livré de nombreux fragments complétant la zone inférieure, mais appartenant aussi aux zones supérieures. De fait, seule la zone inférieure de la composition est connue, sur quelques mètres à peine, représentant 1/10 e du décor total de la plinthe. La conservation, quoique lacunaire, de ces quelques mètres est toutefois d’un intérêt majeur dans la connaissance du bâtiment (fig. 5).

L’étude, présentée ici, souffre toutefois de sérieuses carences, obligeant à la considérer comme un travail provisoire qui doit être poursuivi. En effet, elle ne peut être qu’approximative, car elle est basée sur deux ensembles de documents qui ne peuvent, actuellement, être physiquement rapprochés. L’un est formé par la documentation photographique et graphique réalisée durant la fouille avant la dépose des peintures encore conservées en

Fig. 5. Détail du grand bâtiment montrant les enduits encore en place sur les murs ouest et nord (cliché J. Serralongue, CG74).

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place 19, panneaux qui, à ce jour, n’ont pas encore été restaurés, l’autre étant basé sur l’analyse des fragments recueillis au pied des murs, qui pour certains complètent le premier ensemble. Les relevés des peintures en place, exécutés lors de la fouille, nous donnent la composition générale alors que les fragments retrouvés au sol, grâce à leur meilleur état de conservation, apportent des détails révélateurs sur les réelles tonalités de pigments employés 20, les techniques d’exécution et la finesse des détails.Espérons que les études et articles récemment publiés sur ces peintures renforceront l’intérêt qu’elles sont en droit d’attendre des organes de conservation du patrimoine 21.

1.1. La zone inférieure

La zone inférieure (fig. 6) se compose d’une plinthe haute de 23 cm, séparée par une bande blanche, variant entre 1,1 et 1,4 cm, d’un bandeau haut de 39  cm, surmonté d’une bande blanche, large de 5,5 cm, marquant la limite avec la zone médiane dont il ne reste aucun fragment en place.

a. La plinthe est d’un rouge carmin violacé, moucheté de filaments blanchâtres par endroits, rouges dans d’autres, décor que l’on peut compléter sur la base de quelques fragments retrouvés au pied des murs par des motifs composés de larges pastilles de couleur ocre jaune.

(19) L’ensemble de ces enduits muraux a été prélevé par l’auteur selon la méthode du strappo  ; aucune restauration n’a pu être encore programmée à ce jour.(20) Ainsi, il a pu être vérifié que le fond du méandre n’était pas bleu comme cela avait pu être écrit (Serralongue 2010) mais noir, ce qui est plus conforme aux compositions rencontrées par ailleurs.(21) Serralongue 2010.

b. Le bandeau qui surmonte la plinthe est orné successivement, d’ouest en est, de deux compo-sitions : - A : un méandre associé à des fleurons ;- B  : une touffe de plantes aquatiques encadrée d’échassiers dans des panneaux étroits.

- A. Le méandre ou redan se déroule sur la partie ouest du mur nord mais aussi sur le mur ouest, quelques fragments l’attestent, et sans doute se poursuivait-il sur le mur sud jusqu’à la porte ou au-delà jusqu’à la fenêtre, celle qui fut murée dans un second temps. Ce méandre, de couleur jaune, d’une épaisseur comprise entre 1,8  et 2,5  cm, est souligné d’un filet blanc, variant entre 0,4 et 0,6  cm, lui donnant relief et profondeur. Il se développe sur un fond noir où il se conjugue avec des fleurons roses portés ou non, alternativement, par une tige végétale à double volute de couleur verte (fig. 6, 7). En partie supérieure du méandre, le fleuron d’un diamètre de 9 cm est composé d’une couronne de six pétales arrondis et de deux pétales allongés au contour irrégulier. En partie inférieure, le fleuron, porté sur une tige, s’inscrit dans un carré de 21 cm de côté ; la tige de couleur verte, coudée au niveau supérieur, alternativement vers la droite, puis vers la gauche, se termine en pointe alors qu’une volute, à l’extrémité recourbée et arrondie, se développe de part et d’autre (fig.  6). Là encore, quelques fragments retrouvés au pied des murs nous donnent, par leur meilleur état de conservation, une image plus précise de ce décor, nous révélant que les fleurons rose violacé ont reçu quelques touches rapides de pigment blanc sous forme de spirales ou de filets rehaussant les pétales, tout comme les tiges vertes qui, elles aussi, ont reçu

Fig. 6. Restitution du décor peint de la zone inférieure du mur nord (relevé J. Serralongue ; DAO J. Laidebeur, CG74).

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une fine touche de pigment blanc accrochant la lumière.Le décor de méandre s’achève sur un filet blanc encadrant la baie, mais le fond noir se poursuit sous et sur l’appui, associé à un ruban jaune, rappel du méandre  ; son tracé sur l’appui reste toutefois hypothétique, compte tenu de la rareté des témoins conservés (fig. 6). - B. Lui succède à l’est, entre deux baies, une composition à trois panneaux au fond violacé 22, formée au centre d’une touffe multicolore de plantes aquatiques (vert, bleu et jaune) 23, encadrée de deux panneaux étroits, fort dégradés et incomplets, à décor d’échassiers de couleur brune et aux pattes écarlates (fig. 6, 8). Quelques traits du même pigment rouge sur le panneau central suggèrent une composition plus complexe, mais bien trop lacunaire pour lui trouver un sens.

Le motif du méandre dans la décoration pariétale ou les pavements de mosaïqueLe motif du méandre ou redan est attesté dans la peinture romaine à partir du troisième style pompéien, sur fond noir ou sur fond clair 24, et se développe encore dans la seconde moitié du Ier siècle et au siècle suivant. Aucun, toutefois, n’est comparable à celui ornant la composition

(22) La couche picturale superficielle semble fortement dégradée et il faudra attendre la restauration pour tenter d’en préciser la couleur exacte.(23) Là encore, il faudra attendre la restauration pour définir pré-cisément les couleurs d’origine.(24) Barbet 2008, p. 106, 114 et 192.

retrouvée à Viuz-Faverges, dans le chevet du bâtiment. Que ce soit à Nîmes (av. Fr. Roosevelt) (Gard) 25, où le méandre jaune sur fond noir est timbré de fleurons, ou à Aix-en-Provence (rue des Magnans) (Bouches-du-Rhône) 26 où le méandre, toujours sur fond noir, est constitué d’un filet blanc soulignant des carrés à filet jaune timbrés d’un fleuron, aucun de ces éléments floraux n’est porté par une tige en double volute et le méandre reste inerte et ne prend pas la lumière que lui donne, à Viuz-Faverges, le filet blanc. À Nîmes comme à Aix-en-Provence, ce décor, situé également en zone inférieure, appartient à des espaces domes-tiques, le second étant daté de la fin du Ier siècle. Toujours à Aix-en-Provence (Aire du Chapitre) 27, ce même décor est traité dans la deuxième moitié du Ier siècle sur fond jaune, les fleurons se réduisant à des motifs cruciformes (Barbet 2008). Dans la mosaïque, on le retrouve dans les thermes de Banasa (Tunisie), où il sert de bordure au panneau des amours vendangeurs 28.

Recours au décor architecturalL’enquête, menée au sein du décor architectural 29, s’avère mieux documentée sur des compositions voisines ayant pu inspirer ces décors. S’il est présent à Arles (Bouches-du-Rhône) dans le décor de la

(25) Barbet 2008, fig. 152, p. 113-114.(26) Ibid., fig. 284, p. 191-192.(27) Ibid., fig. 134 et 135, p. 106.(28) Thouvenot, Luquet 1951.(29) Gros 1996.

Fig. 7. Détail de la restitution et d’un fragment in situ du décor de méandre (relevé et cliché J. Serralongue ;

DAO J. Laidebeur, CG74).

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corniche en marbre du scaenae frons 30 du théâtre, où les fleurons de différents modèles se trouvent associés à une guirlande d’oves et de palmettes, soulignant une succession de modillons en volutes ou richement décorés de feuillages, ce sont à Rome, toutefois, que les corniches des temples augustéens du Divus Iulius ou encore de Saturne offrent la combinaison du méandre et des motifs végétaux. Le premier présente un redan alternant dans sa partie supérieure avec des palmettes, des fleu-rons et des couronnes de laurier 31 alors que le second offre deux modèles de fleurons dans les dents supérieures du redan 32. Dans les deux cas, le méandre est une simple moulure, facettée, soulignant et contournant la succession des modillons, figurant l’archaïque poutraison de bois des édifices lui ayant servi de modèles.

Loin de Rome mais plus près de Faverges, c’est un exemple viennois qui offre le motif recherché des fleurons portés par des tiges végétales en double volute. Ce décor sculpté, qui orne la frise d’une des petites arcades du forum julio-claudien, offre, dans un contexte urbain et monumental, au sein d’un répertoire d’une grande richesse et d’une qualité exceptionnelle, une succession de neuf plantes

(30) Gros 1996, fig. 343, p. 291.(31) Ibid., fig. 164, p. 147.(32) Ibid., fig. 163, p. 147.

dressées, reliées par des rinceaux en forme de S 33. Parmi celles-ci, toutes différentes malgré leur similitude, on peut extraire un modèle figurant un bouquet de feuilles d’acanthe, la tige centrale s’achevant en un fer de lance entouré d’une volute se prolongeant en un rinceau feuillagé (fig. 9).

En l’absence d’un seul et même décor sculpté, offrant la combinaison redan et plante dressée reposant sur une double volute, force est de constater que le peintre de Viuz-Faverges a opéré cet assemblage quelques décennies après que ces motifs aient été mis en œuvre, les uns à Rome, les autres à Vienne, dans des temples ou un complexe public monumental. Ce qui est remarquable, c’est que ces motifs, ornant originellement les corniches d’édifices monumentaux, civils ou religieux, ont été au contraire réinterprétés, à Viuz-Faverges, sous la forme d’un bandeau ornant la zone inférieure des murs du chevet du temple.

Le deuxième décor, associant plante aquatique et échassiers (fig.  8), est un classique du répertoire iconographique en Gaule romaine où on le rencontre indifféremment, dans la seconde moitié du Ier siècle, aussi bien dans l’habitat, à Vienne (Les

(33) Fellague, Robert 2011.

Fig. 8. Restitution du décor de la zone inférieure entre les deux baies, présentant une touffe de plantes aquatiques entre deux panneaux ornés d’échassiers (relevé J. Serralongue ; DAO J. Laidebeur, CG74).

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Fig. 9. Une des neuf plantes sculptées sur la corniche d’une des petites arcades du forum julio-claudien de Vienne  (cliché Monique Zannettacci, Service archéologique de la ville de Vienne).

Fig. 10. a.b.c.d. Fragments de la zone médiane présentant différents types de galons brodés et bordures ajourées ; e. Fragment de la zone médiane au décor d’hortus conclusus probablement en prédelle (cliché J. Serralongue, CG74).

Nymphéas) 34, que dans le fanum de Champlieu (Oise), en Gaule Belgique 35.

Synthèse sur la zone inférieure occidentaleLes rares témoins en place du décor peint de cet édifice monumental nous révèlent que la zone inférieure du secteur occidental était composée de deux décors bien distincts prenant appui sur un soubassement de couleur rouge violacé :- A. un décor de méandre jaune et fleurons roses sur fond noir dans la partie ouest du bâtiment, se développant sur le mur ouest, au pied des niches, puis se poursuivant latéralement sur une longueur de 6,20 m, puis - B. un décor de plante aquatique et d’échassiers sur une longueur minimum de 2  m, soit entre deux baies.

(34) Il s’agit des peintures de la plinthe du péristyle 1 de la résidence des Nymphéas, quai Riondet à Vienne, où touffes de plantes vertes et échassiers blancs se découpent sur un fond noir ; Barbet 2008, p. 122, fig. 162 et 163.(35) Ibid., p. 101-102, fig. 131.

Sur la base de ces observations, bien des hypo-thèses peuvent être proposées pour le décor de l’ensemble de la zone inférieure, nous laissant supposer un décor répétitif faisant se succéder méandre et plantes aquatiques/échassiers ou faisant intervenir d’autres décors tels des chasses, des décors géométriques, des faux marbres, etc.Une autre particularité tient au fait que le décor de la zone basse se poursuit sur l’appui de la baie et sur les montants comme en témoignent, par endroits quelques fragments du méandre jaune ou du mortier de pose de la peinture, permettant de supposer que l’ensemble de la baie était peint, ce qui s’observe parfois lorsque les percements sont conservés. Bien qu’il soit hasardeux de convenir de la hauteur à accorder à ces baies, on doit bien admettre que les dimensions

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Fichier éditeur destiné à un usage privéimportantes du bâtiment incitent à leur donner une hauteur pouvant être égale aux deux tiers de la largeur, soit près de 3,75 m, comme on le voit à Ostie ou Pompéi. Ainsi la partie supérieure de la baie était-elle, sans doute, totalement intégrée au décor de la zone moyenne en usant de la couleur rouge, majoritaire si l’on en croit les fragments retrouvés.

1.2. Le décor de la zone médiane

Ce décor, très lacunaire, n’est représenté que par quelques centaines de petits fragments d’enduits peints, retrouvés au pied des murs ouest et nord. Au pied du mur nord, on en a recueilli sur une longueur de 20 m ce qui représente les deux tiers de la longueur de l’édifice. Ils appartiennent tous au même répertoire décoratif, soit à de grands panneaux rouges à encadrement de bordures ajourées de couleur blanche (fig. 10). Un probable motif d’hortus conclusus, également de couleur blanche mais rehaussé de pigment vert à la base  (?), semble devoir être replacé en prédelle au bas de la zone médiane (fig. 10e). Sans doute l’examen attentif de ces quelques centaines de menus fragments à fond rouge révèlera la présence d’autres motifs.

CONCLUSION

En l’absence d’éléments de datation en relation directe avec cet édifice, malgré les sondages effec-tués à son contact, les deux décors, appartenant à la zone inférieure et les quelques fragments de celui évoquant la zone médiane, permettent de proposer une datation dans la seconde moitié du Ier siècle ap. J.-C., pour sa mise en couleur et sans doute sa construction. Si les deux décors de la zone inférieure se rencontrent fréquemment à cette époque dans des ensembles domestiques de Narbonnaise, il semble que leur juxtaposition soit à ce jour un unicum. Si le décor, combinant plante aquatique et échassiers, se rencontre également en zone inférieure dans le sanctuaire de Genainville, il semble que le décor de méandre combiné à des éléments végétaux soit à rechercher dans les parties supérieures de certains édifices monumentaux, dans les décors sculptés des corniches d’époque augustéenne de certains temples, alors que le fleuron reposant sur une double volute s’enrichit ici du tout proche modèle représenté à Vienne sur l’une des petites arcades du forum julio-claudien.Quant aux rares fragments de la zone médiane permettant de restituer une succession de panneaux rouges à bordures ajourées et un probable motif en prédelle d’hortus conclusus, ils ne font que renforcer l’harmonie chatoyante et contrastée de cet ensemble. En jouant sur les contrastes entre le riche et diversifié décor de la zone basse et la masse quasi monochrome de la zone moyenne, les témoins de ce décor, très étroitement associé à l’architecture puisque les montants des percements participent à cette mise en couleur, apportent une richesse d’informa-tions sur cet édifice qu’il est encore bien difficile d’évaluer à sa juste mesure, les comparaisons étant encore bien trop rares.

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