(with Catia Antunes), “Les negociants d’Amsterdam, le commerce ouest-Africain et la traite...

17
sTor Sous la direction de Guy Srupn E rAfricains e dans le mon a fi XVe-XIX* siècle

Transcript of (with Catia Antunes), “Les negociants d’Amsterdam, le commerce ouest-Africain et la traite...

sTorSous la direction de

Guy Srupn

E

rAfricains e

dans le mon

arí

fi

XVe-XIX* siècle

Is' ,T. o I '.. R

Sousladireition de

Guy S,tupn

iAfricains,e

dans le mon

EFii

€t\'---.ae\-¿

-¿

Les négociants d'Amsterdam, le commerceouest-africain et la traite négrière, 15S0-1674

Cátia ANruNes et Filipa Rrnrrno oe Srrve

Introduction

Suite à l'obtention d'une cha¡te en 162I par la Compagnie néerlandaisedes Indes occidentales (\flC), cette dernière se vit attribuer le monopoledu commerce et des échanges de la zone atlantiquel. Bien que le rôle de lacompagnie fut à sa création essentiellement commercial, elle devint vite lebras militaire des États généraux des Provinces lJnies, soutenant ces derniersdans leurs efforts d'affaiblissement de la présence ibérique dans I Atlantiqueet outre-mer. Les États généraux avaient pour objectif la réduction des

profits tirés de l'exploitation des colonies ibériques, profits seryant à finan-cer durant la guerre des Quatre-Vingts Ans (1568-1648) la défense des

intérêts et des bastions des Habsbourg au nord et au centre de l'Europe2.Loctroi de cette charte à la'l7IC ne marqua pas la fin ou le début de

l'entreprenariat privé hollandais dans l'Atlantique. Avant que la Compagniene soit fondée, des hommes d'affaires hollandais et étrangers installés auxPays-Bas investissaient principalement dans l'Atlantique sud et l'Amériquedu nord. Après 1621, contrairement à ce que I'on aurait pu attendre,I'entreprenariat indépendant dens I'Atlantique connut un fort développe-ment, reléguant la'S7IC au rang de structure militaire avec un mandatcommercial officiel3.

Une partie des investissements privés des Pays-Bas émanait d'hommesd'affaires hollandais et étrangers dont les activités se développaient dansdes villes telles quAmsterdam et Middelburg, deux des principaux centres

commerciaux de la République hollandaise. Cette étude se propose derecenser et de décrire l'importance du commerce africain, et plus particuliè-rement de la traite négrière dans les portefeuilles d'affaires des entrepreneurs

1. H. den HerJnR, D¿ Geschiedenis u¿n de VIC,Zwphen,'Valburg Press, 2002.2. P C. Eurten, The Dutch in the Atldntic EconomT 1580-1880: trddc, sløaer1 ønd emancipation,

Aldemhot, Ashgate, 1998.

3. C. ANruNes, n Cross-cultural æd inte¡-faith business networks in the Atla¡rtic, 1580-1776 ,, a¡¡iclenon publié présentéà\'European Social Science Histoical Conference, Ghent, 2010.

373

C.ÁTIA ANTUNES ET FILIPA RIBEIRO DA SILVA

privés d'Amsterdam d'origine hollandaise et étrangère. Nous avons ici pourbut principal d'évaluer l'importance générale de la traite négrière dans les

revenus et les plans d'investissement de l'élite commerciale d'Amsterdam.Nous avons concentré notre effort sur les négriers chrétiens (hollandais

et étrangers) et juiß (membres de la Nation portugaise) les plus influents de

la ville, soit un total de trente hommes d'affaires4, sur une période s'éten-dant de 1580 à 16745. Nous avons appuyé notre sélection sur les infor-metions fournies par la New Tiansatlantic Slaue Ti"øde Døtabase (désormais

NTSTD) et par les archives notariales de la capitale hollandaise.Suite à l'étude des documents des archives notariales, nous avons pu

reconstituer les stratégies commerciales, les préférences d'investissementet les compositions des partenariats unissant les négociants considérés etainsi déterminer le poids relatif de la traite négrière dans les affaires de ces

trente hommes6. Nous comparons leurs investissements sur la côte ouest del'Afrique avec leur participation dans d'autres activités et routes commer-ciales afin de pouvoir, d'une façon générale, déterminer le rôle joué par latraite négrière dans leurs portefeuilles d'affaires7.

Nous nous appuyons dans cet article sur un échantillo n de 374 contratsliés au groupe de ffente ma¡chands mentionné plus haut, écha¡tillon incluantdes contrats de natures commerciale et financière, c'est-à-dire des accordsconcernant des entreprises commerciales (contrats de freÐ et des investisse-ments de capital spécifiques (assurances, emprunts, crédits) liés à des activitéssur diftrents continents et passés par des individus ou des firmes collectives8.

Après une première vue d'ensemble, nous nous attachons à fournir unedescription générale de I'engagement de nos marchands dans les activitésfinancières et commerciales liées au marché ouest-africain tour en soulignant

4. Afonso Fidalgo (en partenriar avec Rodrigo Fidalgo), Aron de Pas, Diogo Dias Querido, DiogoNunes Belmonte, Dirck Pietersen Wittepaert, Duarte Palacios (æsocié à David Palacio), Fra¡ciscoFeroni, Hms ru Hontom, Heerman Abrahamsz, Henrico Mathias, Isaac Coijmans, Jacob van de¡'!f'el,

Jacob Venturin, Jan Baptista Liefrinclç Jan Masbloem, Jan Pietersz Baecker, Julia¡ Henriques,L. \Ø Verpoort, Luis Henriques Reinel, Ma¡uel Dias Henriques, Manuel Lopes Homem, ManuelRodrigues Cartagena, Ma¡uel Solis Y Ulhoa (partenaire de Diogo Lopes Ulhoa), Marcus Broen,Mathijs ten Broecke, Michiel va¡ Amelmd, Miguel de Pas, Nicolaes Vis, Phìlip va¡ Hulten et'l7illem van Meeckeren.

5.7674 es¡ l'mnée officielle oir la première llIC laissa place à la seconde $lIC suite à la faillite dela première. Ce désastre économique fut causé par l'incapacité de la première STIC à conserver uncertain degré de sohabilité après avoir bénéficié de plusieurs subventions exuaordinai¡es de la partdes Etats généraux.

6. Ces sources ont été choisies comme bases de notre étude parce qu elles font partie des collections les

plus représentatives d'actes nota¡iés concernmt le commerce au début de l'è¡e moderne. Elles nousdonnent non seulement un aperçu des affaires des négociaas d',4.msterdam, mais aussi de marchandsétablis dms d'auues villes ou pa)¿s aya¡t comme putenaires des enuepreneurs de la capiule.

7. Dans cette étude, nous faisons constamment la difié¡ence entre le commerce ouest-africain générald'une part et la traite négrière de l'autre par souci de cluté. Le commerce ouct-aÊicain fait réfe¡enceà l'exportation de matières premières et esclaves africains, ta¡dis que par uaite négrière, nous faisonsréference au conüats notuiés directement liés à cet horrible commerce.

8, Due à la natu¡e hmudeuse de ce qpe de sources primaires, nou avons complété noue alalpe par des

données provenant de la \lIC fournies par la NTSTD et pu des comptes rendus de voyages publiés.

374

LES NÉ G O CIANTS D',4M STERDAM,,,

leur participation dans le secteur de la traite négrière. Cela nous permetensuite d'évaluer de façon reladve l'importance de cette dernière dans les

marchés d'Amsterdam sur une période d'environ cent ans.

Les potefeuilles d'afiaires

Apres la révolte holla¡daise du milieu duro¡'siècle, les villes du pays durentfaire face aux difficultés communes à toutes les zones géographiques touchées

par les conflits politiques et les gì,rerres civiles. Les sept Provinces Uniesassumèrent la dure tâche de défier la dynastie Habsbourg à la tête, à l'époque,d'un empire n sur lequel le soleil ne se couche jamais >.

Afin ãe rivaliser avec la couronne espagnole, les États généraux se virentcontraints de prendre part à deux guerres : I'une de grande envergure sur le

territoire européen et l'autre d'usure outre-mer. laccueil de négociants et

de capitaux étrangers permit aux villes hollandaises d'obtenir un pouvoir et

un savoir-faire financier sumsants pour faire face à la puissence ibérique en

fuie et dans l'Atlantique. Lobjectif principal des Provinces Unies était alors

simple : les Hollandais entendaient, en attaquant les possessions espegnoles,

s'emparer des profits rapportés à Madrid par le commerce transcontinentaldont les marchandises transitaient des ports de Cadix et Lisbonne vers les

régions nord-ouest et centrales de I'Europe. D'autre part, en participantau mouvement général d'expansion outre-Atlantique, les États générauxcomptaient utiliser les profits générés par le commerce des produits de luxed'Asie et des régions atlantiques comme source régénérative et cumulativede richesse afin de financer les efforts de guerre de la République.

C'est donc dans ce contexte confl.ictuel que les entrepreneurs d'Amsterdam

- hollandais ou étrangers, juiß ou chrétiens - débutèrent leurs activités outre-

mer. Avant d'investir dans les marchés atlantique et asiatique, les activités

marchandes de ces derniers étaient concentrées dans trois zones géogra-

phiques : la Baltique, la péninsule Ibérique et la Méditerranée.Le commerce baltique fut longtemps la colonne vertébrale financière de

nombreuses villes hollandaises. En effet, c'est bien I'importance du rôle des

marins et marchands hollandais en tant qu intermédia-ires dans le commerce

des céréales et du bois qui valut au marché baltique le nom de n commerce-

mère r, laissant ainsi penser que cette zone avait été, et cela depuis l'époque

orì les Pays-Bas étaient encore sous l'égide des Habsbourg, la seconde source

de la majorité des richesses de la Républiquee.Le commerce baltique était directement relié à celui des zones

ibérique et méditerranéenne. Les intermédiaires hollandais exPortaientdu bois (principalement utilisé dans la construction de navires) et des

9. M. va¡r fìerr¡or, Ihe o motbn of dll tnzd¿s ,: the Bøhic grdin tdde ín Amçerd¿m fiom the løn 16ú to

the earþ 19h cennry, Leiden, Brill, 2002; C. vm Bocnov¡ , Tlte economic consequences of the Dutch:ecznomic integrdtion ¿round thc Nortb Sed, 1500-1804 Amsterdam, Alsmt, 2008'

375

CATIAANTUNES ET FILIPA RIBEIRO DA SILVA

céréales (nécessaires à l'approvisionnement de grandes villes, de flottesentières ou encore de colonies). En échange, les produits méditerra-néens et ibériques, tels que le sel, le vin, l'huile d'olive, le liège et les

fruits (frais et secs) étaient importés dans la Baltiquer0. À part la tradi-tionnelle exportation de produits de gros ibériques et méditerranéensvers la Baltique, la réexportation de produits de luxe de la péninsuleIbérique vers la Baltique et l'Europe centrale représentait, elle aussi, unmarché important. Le négoce de ces produits d'origine coloniale se faisaitsouvent avec la communauté portugaise d'Anvers, puis, après le siège dela ville dans les années 1580, avec les ma¡ins et les marchands hollandaisétablis dans des villes comme Amsterdam r1.

À I'exame.r de notre échantillon de négociants, nous avons relevé

que leurs investissements dans \a zone atlantique représentaient environ44 o/o de leurs entreprises, dont un quart seulement (soit à peu près 27 %)correspondaient à un engagement dans le commerce africain, comme nousle démontrons plus loin dans cet article, tandis que leurs investissementsdans la zone européenne se montaient à 56 o/o (voir graphique 1).

Les investissements européens se répartissaient entre les zones de laBaltique, de l'Ibérie et de la Méditerranée, et cela sans que l'on puissenoter de distinctions particulières de nationalité ou de religion parmi les

négociants de notre groupe. Cependant, à l'inverse de ce que I'on auraitpu attendre, la part représentée par les investissements en Baltique dans les

portefeuilles d'affaires européens de nos entrepreneurs ne s'élevait qu à 9 %(voir graphique 2). Seul Louis de Geer, connu pour son rôle primordial dereprésentant du roi de Suède, rôle qui lui valut l'attribution par ce dernierdu monopole sur l'exportation de métaux et plus tard le surnom de o pèrede I'industrie suédoise12 )), ne correspond pas à ce schéma.

La grande majorité des affaires de ces marchands se concentrait doncsur les marchés ibériques et méditerranéens (respectivement 63 o/o et 28 o/o

des investissements européens totaux), ce qui indique que les négociantsexaminés dans cet article étaient impliqués dans le commerce des produitsde luxe plutôt que dans celui des produits de gros, nous permettant ainside les qualifie¡ de marchands globaux13.

10. M. C. ENcn;s, Merchants, interlopers, se¿men and corsairs: the n Flemish t communiry in Liaorno andGenoa (1615-1635), Hilversum, Verloren, 1997; C. AwruNes, Gbbalisation in the Eørþ Modrrnperiod: the economic re/ationship benteen Amsterdøm and Lisbon, 1640-1705, Amste¡dam, Alsa¡t,2004; M, van G¡ros& Tiading places: tbe Nethetl¿ndish merclt¿nts in earþ modøn Wnice, Leiden,B¡ill, 2009.

II. H. Pottr, Die Porngiesen in Antuerpen (l 567-1648) : zur Geschiechte einer Mindqheit,Wiesbaden,Steiner, 1977; J. Isneu, Conflicx of empircs: Spdin, the Lout Coøntries, and the snuglzþr uorUsupremdryt 1585-171i, London, Hmbledon Press, 1997; C. AnruNrs, Glnbalísøtion in the EarþModern period.

12. J. T. LIr.rosr"to, n Rehabilitatie van Louis de Geer (1587 -1652), als vader vm de Zweedse industrie :

reactie op een rrikel in een vorig numner ,, Tijd:chif uoor Geschiedenis 10511, 1992, p,5l-57.13. C. ANru¡res, Globdlis¿tion in the Earþ Modzrn ptiod.

LES NE G O C IAN TS D'A-Ì14 S TE RDA.II4

Gnmurqur l. - Inuestisements des marchand¡ dAmsterdam engagés dans le commerce aficainet la traite négrière (1550-1674). Sources : ëchantillon constituë à parti¡ /ø Stadsa¡chiefvan

Amsterdam (anciennement Gemeente Archief Amsterdam, GAA) et des Archîues notøriales(Notarieel A¡chief , NA).

GnelHrque 2. - Inuestissements eurzPéens des marchands dAmsterdam engagés dans le

commerce ouest-aficain et la tøite négrière (1550-1674). Sources : ibid,.

377376

C^ÁTIA ANTUNES ET FILIPA NBEIR) DA SILVA

Il n y a en fait rien de surprenant à ce que le commerce des produits deluxe, c'est-à-dire la réexportation des produits coloniaux haut de gemmede la péninsule Ibérique vers,A.msterdam, ait été I'activité principale des

hommes d'affaires d'Amsterdam impliqués dans la traite des esclaves surla côte ouest africaine. Leur connaissance des marchés, des réalités etlois ibériques leur off¡ait un savoir-faire et des informations essentielles,leur permettant ainsi de profiter des failles dans la gesrion des entreprisesimpériales dans l'Atlantique de I'Espagne et du Portugal, liant par là mêmeétroitement les réexportations espagnoles et les investissements dans la côteouest africaine avec les portefeuilles d'affaires des marchands d'Amsterdam.

Si 56 o/o de I'investiisement total était dirigé vers I'Europe, avec commezones de prédilection I'Ibérie, la Méditerranée et la Baltique, les activi-tés dans lesquelles investissait notre groupe-témoin représentent, pour laplus grande part, des partenariats commerciaux mixtes, c'est-à-dire quela majorité des contrats signés comprenait simultanément des activitéscommerciales et des activités financières. Ces partenariats représentaient43 o/o des contrats totaux examinés ici. Il faut cependant noter que lapremière catégorie - les échanges commerciaux simples - représentait3l o/o

du total des contrats, tandis que la seconde - les contrats financiers - nes'élevait qu'à seulement 26 o/o (voir graphique 3).

Gvrnutqut 3. - þpes de contrats signés par les inuestisseurs europëens par les marchandsdAm¡terdam engagés dans le commerce ouest-aficain et la traite négrière (1550-1674).Sources : ibid.

378

LES NE GO CANTS D'AMSTERDAM..,

La typologie des contrats montre que les premières préférences d'inves-tissement des marchands allaient aux contrats de nature commerciale,tandis que les investissements financiers venaient en complément des activi-tés commerciales. Cette symbiose est parfaitement illustrée par la relationdirecte entre les contrets de fret et les différentes formes d'assurance proté-geant les cargaisons, équipages et navires - mais surtout les investissements

des marchands - contre les catastrophes naturelles, les guerres, les embargos

ainsi que d'éventuels actes de piraterie14.Cette prédominance des investissements à visée commerciale peut être

expliquée par le développement de la puissance maritime des Provinces Uniesdurant le dernier quart du xvte siècle et la majorité du siècle suivant, puissance

qui reposait sur des flottes commerciales et militaires dévouées aux échanges

commerciaux ou à leur protection. Ce n'est que vers la fin des années 1660et 1670 que les négociants d'Amsterdam orientèrent en priorité leurs inves-

tissements vers des entreprises financières, changement motivé par la fin de

l'hégémonie maritime des Néerlandais au profit de l'Angleterre, les laissant

ainsi sans autre choix que de rediriger leurs investissements de capitaux vers

des produits financiers comme les assurances, les crédits à long terme et

immobiliers, les actions et les obligations d'état.À I'analyse des investissements commerciaux et financiers dans les

marchés européens de notre échantillon, l'on peut remarquer que seuls

23 o/o des partenariats existants réunissaient des hommes d'affaires de

cultu¡es différentes, c'est-à-dire qu'environ un quart des contrats concet-nant les investissements européens furent signés entre marchands de

cultures et religions diftrentes. Toutefois, ce dernier point nous permet de

souligner que ce type d'association était bien plus courant que l'on auraitpu f imaginer, dans un contexte orì le choix de partenaires était largementfacilité par la relation économique de longue date unissant les négociantsbasés à Amsterdam à la Baltique, la péninsule Ibérique et aux villes de larégion méditerranéenne, leur offrant ainsi la possibilité de choisir librementun (ou plusieurs) partenaire(s) potentiel(s). lJn examen plus approfondinous permet de préciser que c'est parmi les contrats de nature financièreque I'on décompte le plus d'occurrences de ces partenariats interculturels(environ 83 o/o des investissements totaux en question). Ce choix pourraits'expliquer par la volonté de certains groupes de détourner les risques prispar un noyau d'hommes d'affaires en les dirigeant vers des cercles extérieurs

d'affaires ou en agrandissant les groupes d'investisseurs, permettant ainsi à

une base plus large d'amasser du capital qui pourrait par la suite être investià moyen ou long terme.

Pour conclure, les portefeuilles d'affaire des négriers privés les pluséminents d'Amsterdam incluaient des investissements dans les zones

14. S. Go, Møine insur¿nce in tlte Netherknb 1600-1870: d compardtiue institutionøl approdch,Lelden,

Brill, p. 2009.

379

C,4TIA ANTUNES ET FILIPA NBEIR) DA SILVA

atlantique et européenne. À l'intérieur du continent européen, les marchésbaltique, ibérique et méditerranéen semblent avoir été les cibles principalesdes intérêts commerciaux de la plupart des membres du groupe étudié, bienqu'à terme, les entreprises commerciales dirigées vers la péninsule Ibériquesemblent avoir supplanté celles des autres zones. Malgré rout, une impor-tante part des efforts économiques des négriers d'Amsterdam était réservée

à des placements dans des produits financiers - assurances maritimes etcrédits personnels notamment.

IJengagement africain

IJengagement des négociants étudiés dans le commerce africain et latraite négrière en particulier était minimal, le premier secreur ne repré-sentant que 27 o/o des actes notariés signés par nos hommes d'affaires,dont 10 o/o pour le second (voir graphiques 4 et 5). Les marchands juifs etchrétiens d'Amsterdam, quant à eux, se révèlent engagés dans le commerceouest-africain dans des proportions identiques (voir graphique 6).

C'est dans le commerce des matières premières ouest-africainesqu'opèrent principalement les marchands de confession chrétienne, leurengagement dans la traite négrière riétant, jusqu au milieu du xylr. siècle,qu'indirect (essentiellement à travers l'assurance de navires et de leurscargaisons, assurances contractées par les membres de la nation portugaised'Amsterdam, comme nous le montrons plus en détail plus loin à l'occa-sion de l'analyse de Ia rypologie des contrats passés par ces marchandsJà).La participation commerciale chrétienne directe dans la traite des esclavesne devint réellement active qu à partir des années 1650, soit après I'ouver-ture du monopole de la-!7IC15. Dans le groupe de contrats à I'objet de ceneétude, Henrico Matias, Louis de Geer, Francisco Ferroni, Marcus Broen etIsaac Cojimans comptent parmi les marchands chrétiens d'Amsterdam lesplus activement engagés dans le commerce africain général,et dans la traitenégrière durant cette période (voir graphiqueT)16.

15. Les échmges avec le Brésil et les Ca¡arbes, le commerce avec la Nouwlle-Néerlmde, ainsi que latraite négrière en Angola furent ouverts aux négocimts indépendmts de la République respecti-vement en 1638, 1648 et 1647, Enue 1650 e¡ 1670, ces de¡niers passèrent une suite d'accordscommerciaux avec la rù(4C leur permenmt de fou¡nir des esclaves à Curaçao et à d'autres île¡ desCa¡arbs ainsi qu'aux colonies mé¡icaines espagnoles, esclaves provenant da entrepôts néerlmdaisde Sénégambie, de la Côte d'O¡ et de Lomgo. Deu facceu¡s sont à l'origine de certe ouvertureprogressive du monopole ma¡itime de la !ØC : I'opposition renconrrée par la Compagnie de lapart d'un certain nombre d'hommes d'affai¡es néerlandais et ses difficultés à assu¡e¡ le tra¡sporr erla livraison d'esclaves, matières premières, personnel, soldats, nourriture et munitions.

16. Le NTSTD révè.le quelques noms supplémentaires liés à cs secteurs d'afai¡es entre 1650 et la findes mnées 1670.IJon retrouve parmi ces dernie¡s les noms de Heermm Ab¡ahamsen, Mathijs tenB¡oecke, Villem ro Meeckeren, L. \(4 Verpoort. Michiel vm Amela¡d, He¡s de Houtom, JanBaptista Liefrinck, Vlasboem, Jan Pietersen Baecke¡ Philip van Hulten, ñcolaes Ms, Jacob vander 'Wel, Dirck Pietersen'l7ilterpaert, et Jacob Venturin. Co to,o. ont été identifies à partir desinformations enregistrées ent¡e 1650 et 1675 sur les propriétaires des navi¡es aymt pardcipé au

380

LES NÉGOCANTS DAMSTERDAM

Gnalulque 4. - Particìpation des marchands dAmsterdam dans le commerce luest-llfricdingénéral (1580-1674). Sources : ibid.

Gnerrrrqur 5. - Participation d¿s marchands dAmsterdarn dans la traite négrière (1580-1674).

Sources : ibid.

commerce trmsatlmtique des esclaves. Pour davantage de détails sur ces hommes et leur engage-

ment dms la uaite négrière, se référer à [http://w.slavevoyages.org], 1"'février 2011.

381

C,4Tu ÁNTUNES ET FILIPA RTEEIR) DA SILVA

tCoutlatÉpourl¿Faitengìàr i

Gnerrrrqun 7. - ks plas ìmportønts pdrtici?dntr chrétìens døa lc commerce øfricøi.n et la tøitcnégrière (1580-1674). Soørces : ibld"

Les Portugais séfarades implantés à Amsterdam éraient, à l'inverse,activement engagés dans la traite négrière et dans le comme¡ce des matièrespremières d'Afrique de I'ouest depuÌs 1580. Diogo Nunes Belmonte,Miguel de Pas, Duarte et David de Palacios, ainsi que Manuel DiasHenriques représentaient les figures les plus éminentes et actives dans ces

secteurs pendant la période précédant 1640 (voir graphique 8)17.Lanalyse générale de cette période souligne que l'engagemenr commer-

cial des hommes daffaires juifs et chrétiens dans le commerce ouest-aÊicain

17. Pour davantage de détails, voir : F. &¡¡rno o¡ Srrv Døtch and Portaguese inWestem Afiica.Empírcs, Merchants and the Atløntic System, 1580'1674, Leiden, Brill, 2012, çhap. vr et vrr.

LES NÉGO CIANTS D'AMSTERùAM,.,

général et da¡rs la traite négrière en particulier présente peu de diftrences.En ce qui concerne la traite des esclaves, l'implication des négociants chrétiens

et juifs présente une yariation mineure de l'ordre d'l o/o, avec cependantun engagement légèrement supérieur des Juifs séfarades d'Amsterdamdans le commerce africain comparé à celui de leurs homologues non-juifs(voir graphique 6). Diogo Nunes Belmonte, marchand juif portugais, en

est l'exemple typique. En 1612, en partenãriat avec deux autres mãrúândsportugais séfarades de Venise, il confra une cargaison de marchandisesdevant être vendue sur la Petite Côte du Sénégal à Jacob Pelegrino, un autrenégociant portugais juif d'Amsterdam. Le chatgement fut transporté à bordduJonn,sous les ordres du capitaine DouweAnnes d'Enkhuizen. Le charge-

ment-retour devait, lui, être livré au poft de Livournels.

Gnerurqur 8. - I*s plus importants pørticipants jaiS dans l¿ cornmerce africain et la trdite

négrièrc (1580-1674). Soxrce¡ : ibid.

Les connaissances préalables des marchés acquises par nos négociantsséfarades dans des villes portuaires telles qu'Anvers, Hambourg et Lisbonneou encore grâce à leur engagement dans le commerce colonid portugais avec

l'Afrique et le B¡ésil, ou bien à leurs relations d affaires avec leurs homologuesportugais, espagnols, flamands, allemands et iuliens se révélèrent cruciales

dans la mise en place du commerce ouest-africain et - plus particulièrement -de la traite négrière. À t.rme, leur implication dans ces secteurs commerciauxcontribua de façon substantielle au développement des échanges commer-ciaux entre l'Afrique de I'oue¡t et Ia République.

383

C,{TIA ANTUNES ET FILIPA RIBEIRO DA SILVA

La distribution géographique des zones d'acrivité des marchandsd'Amsterdam en Afrique de I'ouest montre que le nord du continent,l'Angola et le golfe de Guinée recelaient un intérêt commercial parti-culier à leurs yeux. Ainsi, les négociants chrétiens néerlandais concen-traient leurs activités dans le golfe de Guinée, tandis que les Juifs séfarades

opéraient essentiellement dans les régions nord de l'Afrique, en Angola eten Sénégambie (voir graphique 9).

Gnalntqur 9. - Participation des marchands dAmsterdøm du clmmerce aficain général(1580-1674). Sources : ibid.

Néanmoins, les produits africains importés par les deux groupes sont,à peu de chose près, similaires. Dans le golfe de Guinée, les négociantschrétiens faisaient principalemenr commerce de l'o¡ de l'ivoire et de lacire, comme I'illustre l'exemple suivant. Le 2 juin 1668, Marcus Broenet Isaac Oijens, propriétaires du De Coruinginne Ester, signèrent avec

Jillis van Hoornbeek, Jan Baptista van Rensselaer et Abel de \Øollt tousmarchands établis dans la capitale néerlandaise, un conrrar metrant enplace l'achat et le transport de poivre, de défenses d'éléphant er d'aurresproduits. Hoornbeek, Van Rensslaer et De'SØollf, ainsi que le capitaineDirck Jansz van Oldenborch, obtinrent de la chambre du quartier nordde la \ØIC 1e l'autorisation de faire commerce avec les Côtes de I'Or et des

19. La \llC érair divisée en cinq chambres principales :Amsterdm, Zélande, quartier nord, Maæet la chmbre de " la ville er des terres a.lentours >, soit Groningen. La chmbre du quutier nordreprésentait les villes de Rotterdam, Delft et Dordrecht. H, den Her¡rn" n Directores, Stadhouders

384

LES NÉGOCIANTS D'A-I,4STERDAÀ4.,,

Graines en Afrique de l'ouest. La valeur de la cargaison-retour fut évaluée

à 6000 florins et assurée per une hypothèque à la grosse aventure avec unirrtérêt fixe de 28 o/o.Le navire fit route d'Amsterdam vers I'Afrique, puisCuraçao avant de retourner à son point de départ2O.

(ìnepHrqur 70. - Participation d¿s marchands dAmsterdam à la traite négrière (1580-1674).

,\ources : ibid.

Au nord de I'Afrique, les Séfarades faisaient principalement commercecl'or, d'argent et de pierres précieuses, tandis qu'en Sénégambie, I'or, l'ivoireet les peaux étaient eu centre de leurs activités commerciales, Ainsi, le28 juin 1630, Duarte de Palacios, associé à d'autres membres de la nationportugaise, affrétèrent le De Salm et mirent aux commandes de ce dernierle capitaine Jan Adriaensz. Il avait été convenu que le navire, qui partitd'Amsterdam vers Safi, en passent par d'autres ports de Barbarie, devaitrevenir avec un chargement d'or, d'argent et de bijoux d'une valeur de

8 000 florins en 3 mois2l.En ce qui concerne le commerce des esclaves, c'est dans la côte de

l'Angola, le nord de l'Afrique et le golfe de Guinée que l'on tetrouve la

majorité des investissements du Broupe de négociants étudiés, chaque zone

e Conselhos de administraçáo ,, lz M.'iØrnsennox (ed), O Br¿sil em drquiuos neerl¿ndeses (1624-

1654) : Braziliè in de Nederlanse dchíeuen (1624-1654),Leyde, CN\øS,2005, p.17-43; id.,De geschiedmis uan d¿WC Zutphen, \Øalburg, 1994.

20. GAA, NA 2227 I 27 r-27 6 : 1668-06-02.21. GAA, NA 638/210-21 I : 1630-06-28.

385

g,

ó

aor

E

ë

ñ

Sáìèsdnbie Golfe de Guinée I ñ¡gola

0

o

0

l0¿9

0

C.ÃTIA ANTUNES ET FILIPA NBEIRO DA SILVA

représentant dans leurs portefeuilles des parts respectives de 29 o/o, 16 o/o

et 10 % (voir graphique 10). IJanalyse comparée des activités des hommesd'affaires juifs et non-juifs permet de mettre en lumière des caractéris-tiques particulières à chaque groupe. Ainsi, les chrétiens se fournissaient en

esclaves dans le golfe de Guinée, tandis que les séfa¡ades opéraient principa-lement dans les régions nord de l'Afrique, en Angola et en Sénégambie (voir

graphique 10). Les activités des non-juifs se concentraient dans les zones

encore peu explorées par les Portugais, telles que les Côtes des Graines, de

l'Or et des Esclaves. Les Juiß, quant à eux, semblaient avoir une certainepréférence pour les régions placées sous I'infuence commerciale portu-gaise, cela dans le but de tirer profit autant que possible de leurs relations

ibériques. IJon remarque néanmoins dans les detx cas une volonté évidented'éviter les zones commerciales contrôlées et régulées par la couronneportugaise, y compris les marchands indépendants à son service, à celuides bailleurs des monopoles outre-mer ou encore à celui de ses percepteurs.

Les différences entre les investissements juifs et non-juifs portent aussi

sur le choix des routes commerciales. Celles dédiées à l'acheminementdes esclaves utilisées par les négociants non-juifs reliaient des ports et des

zones sous I'influence commerciale ou tombant sous la juridiction de la\ØIC, comme cela fut par exemple le cas pour la côte d'Or ou encoreCuraçao, lieu principal de transit des esclaves dans les Caraïbes destinéà fournir les colonies hollandaises et non-hollandaises de la région (voirgraphique 10). Francisco Ferroni investit ainsi dans le commerce des

esclaves entre la République, le golfe de Guinée et les Amériques espagnoles

uia Curaçao. Le 16 fëvrier 1669, Ferroni fit affréter la Santa Catharinø,avec aux commandes le capitaine Anthony Collombi;. Le vaisseau quitta lacôte du Bénin (Allardia, anciennement Ardia) avec à son boÅ 447 esclaves

africains. 420 arrlvèrent au port de Curaçao; ils furent ensuite vendus à unmarchand carthaginois. Francisco Ferroni étant, à l'époque, le représentantà Amsterdam , chargé des transactions avec la 'WIC, de Domingo Grilloet Ambrosio Lomelini, tous deux détenteurs deI'asiento espagnol (1662-1669), il est fort probable que le marchand carthaginois en question ait été

l'agent de Grillo et Lomelini22.Les navires négriers juifs reliaient les colonies portugaises et espagnoles

de I'Afrique de l'ouest et les Amériques (voir graphique 9). DiogoNunes Belmonte, par exemple, opérait avant tout en Angola au débutdu x'nI' siècle. Les vaisseaux en direction de I'Angola transportaient des

esclaves africains vers les colonies américaines espagnoles et revenaient à

22. GAA,NA2231|82-89 : 1669-09-09. Pour davantage de détails su¡ l'asiento de Grillo et l¡melini,voir : M. VecÁ Faenco, El tafco dz esckros conAmnica; dsientos de Gillo y Lomelia 1663-1674,Séville, Escuela de Estudios Hisparo-Americanos, 1984, p. 194-202. E. Mm Vru¡, n I¿ sublmcionde Portuga.l y la trata de negros ,, Ibe¡o-Ame¡ìcþdnìsches Archia,2-197 6, p. 171-192; J. M. Posru¡,The Dutch in the Atl¿ntic skue t¿de, 1600-1811 Camb¡idge, Cambridge University Press, 1990,p. 33-38,349-353 (appendix 3).

386

LE S NÉ G O CaNTS D'AM STERDAM.

Séville - puis, plus tard, à Cadix23 - chargés de métaux précieux er eurresproduits. Le 22 mai 1617,\e De Engel Michiel fut affrêú par Belmonte etassuré par un partenariat d'entrepreneurs afin d'effectuer à I'aller le trans-port d'esclaves de Luanda aux Caraïbes et, au retou! celui d'or, d'argent etautres matières premières24.

La NTSTD nous offre une image différente des affaires des marchandschrétiens d'Amsterdam dans les régions ouest-africaines. Ainsi, on découvreque pendant les années 1650 et 1670, les activités de 44 o/o des hommescl'affaires de notre groupe se concentraient dans le golfe du Bénin, 28 %clans les régions centre-ouest du continent et 13 o/o dans le golfe du Biafra etles îles du golfe de Guinée. Cependant, si l'on fait la somme de toutes leursparticipations dans les régions côtières autour de ce même golfe, on obtientrrn total étonnamment élevé de 60 o/o, contre une participation de seule-nìent 28 %o dans l'Afrique centre-ouest (voir graphique 11). Ce décalagecntre les données notariales et celles de la NTSTD peut s'expliquer par lelàit que les informations de cette dernière ne concernent que les proprié-taires de navires sur une période couvrant une trentaine d'années à parti¡rrpproximativement, de 1650, alors que les contrats faisant l'objet de notreótude concernent des voyages antérieurs à la période mentionnée plus haut.Ces différences de résultats sont aussi probablement liées aux contextesrnilitaire et politique de l'époque. En effet, de 1650 à 1670-1680, les

r¡rarchands indépendants engagés dans la traite négrière s'associaient souventI [a'\?lC qui, à l'époque, avait déjà consolidé sa présence sur la Côte d'O¡lc golfe du Bénin et du Biafra, expliquant par là même f importance revêtue

[)ar ces régions-ci dans leurs activités commerciales. Cette situation repré-.sente un contreste majeur avec l'époque précédant l'attribution de la charteI la \ØIC pendant laquelle les négociants d'Amsterdam pouvaient vendreet acheter librement sur toute la côte ouest-africaine tant qu'ils évitaientles flottes royales portugaises stationnées ou patrouillant à la Côte d'Or.La majorité des navires négriers appartenant à des marchands non-juifsclébarquaient leurs esclaves dans les Amériques espagnoles et les Caraïbeslrollandaises et françaises (chaque zone recevant respectivem ent 2l o/o, 46 o/o

et 12 o/o des esclaves transportés). Cependant, une prise en compte globaledes livraisons d'esclaves dans toute la zone caraïbe ainsi qu'en Guyane révèle

que c'est en fait 60 o/o d'entre elles qui s'effectuaient dans cette régionde l'océan Atlantique. IJémergence des Caraïbes en général et de l'île de

Curaçao en particulier comme plateformes privilégiées de redistributiond'esclaves fut favorisée par le parrainage par la'\ilC de colonies perma-nentes à Curaçao et en Guyane hollandaise, mais aussi par l'essor de l'éco-nomie de plantation dans les colonies caribéennes anglaises, françaises etdanoises, et enfin par la fin de la mainmise portugais e sur l' øsiento espagnol,

23. GAA, AN 1461799v-200v :7617-02-23.24. GAA, AN 258vl8 lv : 1673-03-19 ; NA 25411 88-188v : 7614-05-22.

387

CÁTIA ANTUNES ET FILIPA RIEEIR) DA SILVA

source de main-d'æuv¡e esclave dans les colonies américaines espagnoles(voir graphique 12)25. Malheureusement, les mêmes calculs ne peuvent être

appliqués au cas des négociants séfarades d'Amsterdam. En effet, étant pourla plupart affréteurs de navires négriers, les informations les concernant ne

peuvent être trouvées dans la NTSTD, ce tFpe d'information n'y étant pas

répertorié26.

LE S NE G O CANTS D'A-TV S T E RDA,T'T.

40

ì5ùi[ -¡oô

E

PzoîJl15=o*lo

5

0

ös2

!d

5

-oÀ

\usl

I

GrapHrque ll. - Zone¡ d'achat d'esclaues utilisées par les propriëtøires de nauire¡ non-juifdAmsterdam entre 1650 et lafn des ønnées 1660. Sources: [hnp://www.sløueuoyagetcomJ,1' feurier 20 I 1.

25,Pov d'autres informations sur l'esso¡ des plantations aux colonies da¡rs les Carubes et les

,{.mériques, voir : P D. CunrrN, The ise andfatl of the pkntdtion compltx: esøys in Atkntìc hístory,

Cmbridge, Cmbridge University Press, 1998 ; S. B. Scrrw,lnrz, Tiopicøl Babllons: Sugar and the

making of the Athntic World, 1450-1680, Chapel Hill, No¡th Ca¡olina University P¡ess, 2000,Su¡ Ia croissmce et le développement de Curaçao comme entrepôt d'esclaves, voir par exemple,

J. Posrue et V ENrnov¡¡ (ed.), Riches fom Atlantic Commerce, Dutch T\¿nsathntic Tþade andShipping 1585-1817, Leyde, KITLV Press, 1998. Enfin, à propos de l'æiento, se ¡éfé¡er auéminents travaux de H. VrL,c, VrI-AR, u Los asientos portugueses y el contrabando de negros n,

An*¿rio de Estud.ios Ameilcanos,30, 1973, p, 557-599; Hìpanoamerica I el comerci d¿ csclaaos,

S&ille, Escuela de Estudios Hispano-Americ¿¡os, 1977 ; id., Aspecøs social¿s en América cobnial,De extrdnjeros, contrabando y csclauos, Bogota, Instituto Caro Y Cuervo, Universidad de Bogota

Jorge Tadeo Lozato, 2007.26. Da¡s le cæ de l'implication portugaise, espagnole et hollmdaise dans le commerce triangulaire, la

distinction enue propriétaires de navires Qtropietariolreder), armateurs-gérmts (senhorio), afrft-rcvs (fretøànres/beurøchters) er assureurs (seguradores/aerzekeraren) est c¡uciale à la bonne compré-hension de la tomlité de l'opération. Chacme de ces catégories représente des niveau différensd'engagement, de prise de risque et de responsabilité dms les partena¡ias ou accords cornmerciauxdms le comme¡ce négrier. Pour daruuge de détails, voi¡ : S. Solvnren¡ycr-et F. fusnrno oe Srrv4u Reexaming the Geography md Merchants of the \ü?'est Central African Slave Tiade: I-ookingbehind the Numbers t, Africdn Economic History, Special Issue, 38,2010, p. 77-106.

s.is'þr$o

rri'$''.^ùù"sÞ\-

( ltt,tt,tIIqur 12. - Zones d¿ liuraison d'esclaues utilisées par les propriétaires de naaires non-ju$tl'Àn¡terdam enne 1650 et laf.n des annëes 1660, Sources : [hnp://www.slaueuolages.c0m|,l" .féurier 201 l.

Uon retrouve le plus couramment dans les rypes de contrats régulant le( ornmerce avec I'Afrique de l'ouest ceux concernant Ie fret, les procurations,lcs crédits commerciaux et les assurances, chaque catégorie représentantrcspectivement 46 o/o, 19 o/o, 14 o/o et \3 o/o des actes notariés analysésici (voir graphique 13). On peut relever des tendances similaires pour lat rrrite négrière où la majorité des contrats se divise enüe les contrats de fret

Q8 o/o de l'échantillon total), les crédits commerciaux (21 o/o), procura-tions (19 o/o) et enfin les rançons (I4o/o) (voir graphique 14). Ces résultatssoulignent que les marchands d'Amsterdam se préoccupaient principale-rììent de réunir le capital nécessaire au financement de leurs opérationscommercieles dans les échanges ouest-africains et cherchaient avant tout à

recruter les meilleurs représentants possibles. Les instruments financiers tels

que les hypothèques, 1.. "rrnr"nces,

les lettres de change, les obligations outitres de dette publique ne représentent en effet qu un petit pourcentage des

actes notariés de la période concernée (voir graphiques 13 et 14).

Une comparaison entre les contrats de fret passés par les négociantschrétiens et leurs homologues juifs permet de mettre en lumière que, d'unenlanière générale, les membres de la nation portugaise s'intéressaient davan-tage au marché ouest-africain que les marchands non-juifs (les contrats en

question se montant à33 o/o pour les premiers, contre 13 %o seulementpour les seconds). Linverse est vrai pour les contrats liés au commerce

388 389

II

CÁTu ANTUNES ET FILIPA R]BEIR) DA SILVA

triangulaire : ainsi, les contrars de fret passés par les négociants non-juifsreprésentent 24 o/o de l'échantillon toral, conrre 14 o/o pour les marchandsjuifs (voir graphiques 13 et 14).IJn examen chronologique de ces conrratsde fret nous permet de préciser que les négociants de confession juiveétaient essendellement engagés dans le commerce général ouest-africainet la traite négrière avant les années 1640, tandis que leurs équivalentschrétiens n augmentèrent de façon substantielle leur participation dans lesdeux secteurs que pendant les années 1650 et 166027.

È

E

ÌilJrito2.¿

GnelHrqun 1.3. - Participation d¿s marchønd.s dAmsterd.am dans le commerce ouest-aficain :typologie d¿s contrats (1 5s0-1 674). sources : échantillon constitué à partir du GAA et des NA.

IJanalyse qualitative des assurances mer en lumière des tendancessimilaires. Avant 1640, les non-juifs faisaient office d'assureurs tandisque les marchands séfarades, eux, faisaient appel à leurs services, commel'illustre I'exemple suivant. En I6I4,Jan Jansz Smith, associé à Anthoni vanDiemen, Pelgrom Van Dronckelaer, Hans van Soldt de Jonge, HendrickVoet, Albert Schu Bogaert ainsi que d'autreshommes d'affaires am assurèrent une ( cargai-son d'esclaves , et d'argent et autres matièrespremières devant être acheminés de Luanda aux Caraibes, puis des Caraibesà Séville à bord dr De Engel Michiel affrêté par Diogo Nunes Belmonte ercommandé

À parti direct de la nation portugaised'Amsterda I ouest-africain et la traiìe négìière

27. F, fug¡rR.o o,r Srrv,r, Dutch and Pornguese in \I/estem Aficø, chap, vr er vrr.28. GAA, NA 2541188-188v: 1674-05-22.

LE S NE G O C ANTS D'A,¡4 S TE kDA-lv[.

¡r'it fìn, Ses membres devinrent alors des acheteurs et détenteurs de parts delrr WIC (et plus précisément, de la chambre d'Amsterdam), parts achetéeslc ¡rlus souvent à des courtiers hollandais et non pas directement en bourse.l,rt Pllticipation des séfarades dans le commerce ouest-africain et la rrairerrra¡¡rière se fit ainsi indirecte, principalemenr sous forme financière. ManuelI )i;r.s rle Pas, Luis Mendes de Pas, Duarte Dias de Pas, Andrea et Miguel dehrs l{ios comptaient parmi les hommes d'affai¡es d'envergure les plus actifs.l¡r rrs ces secteurs-ci.

t\a i{ us

traite négrière ; rypologîetlrt tultntts (1580-1674). Sources : ibid.

l,cs marchands chrétiens, per contre, augmentèrent leur engagement,r,rurnercial direct dans ces deux marchés, ainsi que dans le domaine des;r\riuf¿lnces. Le 1.'aoû.t 1657,Henrico Mathias signa un contrat avec les,lili¡¡eants de la'!7lC metanr en place la livraison d'esclaves à Curaçao,cs.''lrrves dont le transport serait assuré par le Den Conincþ Salamon2e.IJn accord identique avait été signé entre Heerman Abrahamsen, Dirckl)ictcrsz'S7'ittepaert et Andries Sael et la \ØIC en 1.662, établissant l'appro-vi.sitrrrnernent par le Abrahams Oferønde - propriété des négociants cités

¡tlrrs haut3o - de l'île de Curaçao. D'autres contrats suivirent, comme celuir'{'rrrissant en 1675 d'une part la \ØIC er d'aurre parr Mercus Broen etscs associés, relati[ une nouvelle fois, à l'approvisionnemenr de l'île encsclltvessl. Toutefois, beaucoup de ces marchands chrétiens conservèrenturr ríìl)port indirect avec la traite négrière à travers l'assurance de vaisseaux

.r'), ( ;^4, NA 2118/... : 1657-08-01.rrr, ( iÂÀ, NA 19964/113 : t663-04-28,I l, ( i^^, NA3221675-699 : 1675-04-27;NA32211695 :1675-04-27.

39r

d

;l

ïir

L

Pr ¡curôtiür

l{s

390

CÁTIA ANTUNES ET FILTPA RIBEIRO DA SILVA

et de cargaisons d'autres négociants engagés dans le commerce triangulaire,comme évoqué précédemment32.

Ces modifications dans l'implication de nos marchands dans la traitenégrière sont liées aux changements relatifs au cadre juridique régulantles activités commerciales dans l'Atlantique hollandais pendant la périodeétudiée. Avant 162I, on peut parler d'une ère de libre-échange qui prit finaprès la création de la'!7IC (1621-1624). Les marchands indépendantsse virent interdire les échanges commerciaux evec l'Afrique de l'ouest et

d'autres zones de l'Atlantique et furent forcés de retirer en deux ans (de 1621à 1623) leurs biens ainsi que leur personnel des comptoirs commerciauxqu'ils y avaient établis33. Ces restrictions commerciales restèrent effectivesjusqu'en i638 pour le Brésil et les Caraïbes,1647 pour l'Angola et 1648pour l'Amérique du Nord. Toutefois, les années 1640, puis les décenniessuivantes, virent apparaître des signes d'affaiblissement de la'S7IC qui se

révéla peu à peu incapable de mener à bien les échanges commerciaux ouencore de garantir l'acheminement de produits et d'esclaves par les routesintercontinentales, provoquant ainsi l'ouverture progressive des monopolesde la Compagnie aux initiatives privées3a contre des frais commerciauxreprésentant 2,5 o/o de la valeur des importations et exportations effectuéespar ces marchands indépendants. Ces changements affectèrent l'impli-cation des négociants indépendants dans les échanges entre d'un côté laRépublique et de l'autre l'Atlantique et l'Afrique de l'ouest. Ils soulignentaussi l'engagement croissant des hommes d'affaires de la Républiquedans le commerce triangulaire après 1640, et plus particulièrement des

années 1650 aux années 1660. C'est à partir de 1630 que cet accroisse-ment devient visible, et plus précisément encore durant les décennies quisuivirent comme Ie montrent clairement les informations offertes par leNTSTD (voir graphique 15).

Entre 1630 et la fin des années 1640,laparticpation grandissante dela République dans le commerce négrier transadantique fut dynamisée par

32. F. fuselnoolSrrve, DutchandPortugueseintVesternAfricø,chap. vrett'lr.33.J. A. Scurrrr.wr,, n Legislation, jurisprudence, md law in the Dutch tVest Indian colonies:

The Orde¡ of government of \629 ", Pro Memorie 512, 2003, p. 320-321. Her¡en, n Directores,Stadhouderes e Conselhos de administraçáo ù, o?. cit,, p. 17-43.

34. À partir de 1642,\es n Gentlemen Nineteen, àmmencèrent à évoquer la possibiliré d'ouwir lemonopole de la traite négrière à Lua¡da au muchmds prives de la République, cæ les employes dela Compagnie s'étaient graduellement révélés incapables de pallier les insuffisances de cette dernière.Ainsi, les différentes chmb¡es de la Compagnie demient compter sur la coopération de marchandsindépendants afin de pouvoir æsurer de façon régulière l'importation et I'aportation de matièrespremières. La discussion déboucha sur l'adoption d'une réglementation approuvée par les É,tats

générau en 1648 accordmt au muchmds indépendants de la République la permission d'achete¡des esclaves à Luanda et de les vendre en Nouvelle-Hollmde (Brésil) et au Cararbes. Cependant,étmt donné les ¡éférences multiples au colons et ma¡chands indépendmts à Lumda à partir dumilieu des mnées 1640, il est possible que cette réglementation fut en fait mise en pratique avantmême son approbation par les Etats générau. GAA 54 : Reglement [. . .] over the openstellen varde hmdel op S. Paulo de l-omda. The Hague, 1648. K. R-rrrrn,sro, Os Holand¿ses no Brasil e naCosta Afirann. Angola, Kongo e S,ão Tòmê (1 600-1 650), Lisbonne, Vega, 2003, p. 3 1 0-3 I 5.

392

LES NEGOCANTS D'AJI4STERDÀM ,

l.' r',t.hat des capitaineries du nord-est du Brésil et d'Angola par la\ØIC,t,rrrtlis quc, durant les vingt années qui suivirent, elle fut stimulée par letr,rnsfcrt au Surinam du système économique lié à I'exploitation des planta-t ir rrrs, p:rr la transformation de Curaçao en entrepôt majeur responsable del',r¡r¡rrrrvisionnement en esclaves des marchés caribéens et espagnols améri-, ,ri rrs, L¿r croissance des deux décennies suivantes fut facilitée par la présence

¡lr,rntli.s.sante des employés de la'!7IC sur la Côte d'Or, dans les golfes,lrr lìi'nin et du Biafra. Enfin, l'accord de permissions par la Compagnie.nrx nrrrrchands indépendants de la République joua un rôle prépondé-r,rtrt tluns cette croissance, leur permettant désormais de faire commerce,l','st l¡rve.s et de produits variés avec l'Afrique de l'ouest. Ainsi l'accès direct,rrrx ¡rlocluits des côtes ouest-africaines et l'approvisionnement en esclavesrlr'r rnrrrchés de consommation américains firent toute Ia difftrence dansI'lrrr¡rlication de capitaux privés dans la traite négrière transadantique. Bien,¡rr'ils rrc devinrent jamais des négriers d'envergure, les négociants de lal{,:¡rrrlrliclue acquirent une part stable dans le marché représenté par la traitetrri¡1t'ir\tc de même que dans les ressources nécessaires à l'approvisionne-nr.'rrr tlc multiples colonies européennes da¡s les Ca¡aïbes et les Amériques,,,'¡',rntl:rrt ainsi aux besoins des Espagnols, des Danois, des Français et des

;\rr¡lliris (du moins jusqu'au début de la guerre de Succession d'Espagnel l /o l- t714))35.

Lt's procurations et les crédits commerciaux nous donnent un excellent,rlr('r'\u rle la composition sociale des partenariats interculturels évoqués

¡'lrrs lraut (et cela, sans tenir compte des contraintes imposées par lesl:t.rts crrropéens sur le commerce colonial). Le cas de Francisco Ferronil'n ('st r.ure bonne illustration, En 1664, Ferroni accorda procuration àfrl,u'tin Noell aÊn que ce dernier puisse signer un accord avec les agents deI ).rrrirrgo Grillo et d'Ambrósio Lomelini établis à la Barbade merrant en

¡rlrrtc' lrr livraison de 600 à 1000 n Indiens noirs ou maures n aux Caraibes,'r¡',rgnoles. Martin Noell était un négociant londonien actionnaire de la( ìorrr¡ragnie Royale des Marchands Aventuriers d'Angleterre; Grillo etI .rrrrclini, on l'a vu plus haut, avaienr en charge l'asiento espagnol. Quelques;rnrrócs plus tard, Ferroni fut lui-même promu représentant à Amsterdam, h's .lcux hommes d'affaires; c'est pour le compte de ces derniers qu'il signacn l(t75 un contrat de 100 000 florins établissant l'approvisionnemenr en,'sr l¡rvcs cles Caraïbes espagnoles ui.ø Curaçao avec les administateurs del,r ( lhanrbre d'Amsterdam de la

-S7IC. Pour passer outre les resrricrions

iru¡lo.sécs aux navires hollandais sur le transport de lingots entre Curaçao et

11 l, N4. l)osrv,r, The Datch in the Atlantic sløue tade, p 33-38. Voi¡ aussi : H. Jono¡rx, n 'The( ìrrr,r1ro Slave Mrker: FromAsiento uade to F¡ee t¡ade , 1700-1730 o, lz J. Posnm et V ENrHovsN1.1,), llirlns fom Atløntic Commerce. Dutch Tiansatlantic Ti¿de ønd Shipping, 1585-1817,1-eyde,llr ill, 2003, p. 219-58. Se référer aussi au autres chapitres t¡aitant ds mêmes su.)ets dans cetter,rllcrrion d'essais.

393

-60

950

140t

zto

."a5 .6- ,ñT rs'

CÁTUANTUNES ET FTLIPA RTBEIRO DA SILVA

Carthagène, des arrangements furent mis en place pour assurer la rémunéra-

tion de I'agent de Grillo et Lomelini sur l'île. Joseph de Castillo, marchandbruxellois, prit lui aussi part à ces transactions en fournissant une Parde ducapital nécessaire à l'entreprise36.

LES NÉGo CIANTS D,AMS TE RDAM

,,,risisl/. Ainsi, en octobre 1637,la Santa Maria, afffttée par David de

lr,rl;rrios, erì route de Hambourg vers le nord de I'Afrique øl¿ Lisbonne, fut,rtt.rr¡rr{'c ¡rar des pirates ottomans. Le navire et sa cargaison furent amenés

,rr lx)rr de Salé et l'équipage vendu au marché d'esclaves local. Georgelìljst<'r'vcld, consul de Hollande au Maroc, tenta de racheter l'équipage, mais

lcs rrúgociations furent considérablement entravées par la guerre opposant

l.' Mrrloc et l'empire Habsbourg38. Les marchands européens réservaient,

¡torrl lcul part, un traitement similaire aux vaisseaux et équipages mauÍes :

lrr l(r.]4, des négociants anglais, hollandais et français ayant des intérêtsrir orronric¡ues à Salé et Madère rapportèrent ainsi que 22 Maures avaient été

,,r¡rtrrrl's puis vendus comme esclaves au gouverneur de Madère3e.

lin bre[, la faible participation des marchands établis àAmsterdam dans

l,'.r,rrrrnerce ouest-africain et la traite négrière est directement liée aux

rrr,,.lc.s cle consommation des marchés européen et américain, aux cadres

lra¡i,rrrx et juridiques les régulant ainsi qu'aux risques et spécificités inhérents

,ur (()rìrrnerce ouest-africain lui-même. A partir du xr¡'siècle, les villes de

l'l;,rrlopc du Nord et de la Baltique devinrent les principaux marchés de( r,nr()nìrnation des produits coloniaux portugais et espagnols. Livoire,l',,r, lc' ¡roivre, la cire et I'ambre gris africains, ainsi que le sucre et le bois,lc tcinture brésiliens, l'or et l'argent des Amériques espagnoles et autres

r¡¡,rrthrrndises provenant d'Asie partaient de ports ibériques en direction durr,rl,.tusqu'en 1585, A¡vers joua le rôle de centre de redistribution de ces

¡,r,rtltrirs coloniaux vers les marchés de consommation d'Europe du nord,,k' l;r l]altique et de la Scandinavie avant d'être supplanté Par Amsterdam,l,rrrs lcs années 159040. La compétition sur ces marchés était rude pour les

¡,r,rrlrrits africains : on observe par exemple une concurrence acharnée entre

Ic rr¡c le en provenance de Sao Tomé et le sucre brésilien, réputé de qualité.rr¡,,(ricure41. Lor africain était, lui, en compétition avec l'or des Amériques

,',¡,,r¡¡noles, tandis que le poivre africain se mesurait à son équivalentlrr.licn. Seul l'ivoire af¡icain était l'objet d'une demande stable et garantie

r¡rroique limitée - sur les marchés européens. En effet, I'ivoire, produit,1.' rriche, était destiné à la production artisanale de pièces originales pourr¡rrc úlite de consommateurs aisés. D'une part, la compétition à laquelle les

¡rrotluits africains devaient faire face et, d'autre Part, les petits marchés de

rrithe qu'ils approvisionnaient, laissaient entrevoir la possibilité de profits

| /. À propos des politiques de rançonnage, voir : J. Isre¡r, The Jews of Spanish North Aftìcø I600- I669'l.ondon, The Jewish Historical Sociery in Englmd, 7979: G' DÁvro et P. Fooon (ed.), Ransotn

.\ltucry alnng the Ottomdn Borders (earþ ffieenth - earþ eighteenth centuries), læyde, Brill, 2007;

f. E. TuortlsoN, Mercenaries, Phates and Souereigns. State-Build.ing dnd Extrdtenitorial Violence in

l:lrly Modtrn Europe, Prlnceton, Princeton University Press, 1994.

,rn (ìA.A', NA 14201188 :1637-04-23.r(). ( ;AA, N A 9 48 I 23 6-238 : 1635 -03-02.40, (1. ArruNes, Gbbølisation in the Earþ Modzrn period.

'l l, À propos des prix du sucÌe sur le marché d'Amste¡dam, voi¡ : N. lü4 Posrnuvus, Nederkndse

¡rijsgæchiedenis, Leyde, Brill, 1943

395

GnapHrqur 15. - Participation holl¿ndnise dans l¿ traite nëgrière transatlantiquz (1590-1670).

Sources : J. Vos, D, Ems et D. Rtcn¡nosoy o The Dutch in the Atlantic World: Neu Perspeaiue

fom the Slaue Tiad¿ with Particul¿r Rcþence to the Afiican Origins of the Tiaffc ,,lz Extending

the F¡ontiers: Essays on the NewTia¡sada¡tic SlaveTiade Database, édité par Dauid Ebis and

Daaid FJchardson, New Hauen, Yalz Uniuersity Pres, 2008, p. 249 (annexe 8.1).

Pour finir, nous nous pencherons brièvement sur les contrats de

rançon. Les négociants séfarades signèrent de nombreux accords de ce

type, contrairement aux marchands non-juifs qui n'en passèrent que

très peu. La différence peut s'expliquer par les niveaux d'engagementdes séfarades d'Amsterdam dans le commerce nord-africain. En effet, les

vaisseaux qui suivaient les routes commerciales reliant le nord de l'Afriqueet la République étaient souvent la cible d'attaques de pirates des États

barbaresques évoluant le long la côte marocaine uia GibreJtar. Ces attaques

avaient pour fréquent résultat la capture des navires, de leur cargaison,

de leur équipage et de leurs passegers. Ces derniers étaient destinés à être

vendus comme esclaves. Les ma¡chands et leurs agents se voyaient alors

forcés à négocier avec les ravisseurs la restitution des biens et personnes

36. GÁ.A, NA 1148/205 : \664-03-12;NA32211395 : t675-04-27 ; NA 36788/919 : 1669-07-01;N A 2231 I 82-89 : I 669 -09 -09.

394

CATIA ALYTUNES ET FILIPA RIBEIRO DA SILVA

potentiellement élevés mais incertains, augmentant les risques des investis-sements dans ces branches commerciales et, par la même occasion, les prixdes assurances. IJaugmentation des coûts généraux de transaction retintcertainement une partie de l'élite commerciale d'Amsterdam de s'engagerpleinement et durablement dans l'importation de produits africains.

À l'inrr...., la demande de main-d'æuvre esclave venait essentiellementde péninsule lbérique, du bassin méditerranéen et des colonies portugaiseset américaines espagnoles42. Jusqu'aux années 1580, Lisbonne et les porrsibériques du sud constituèrent d'importanrs centres de redistributiond'esclaves, aussi bien en provenance du nord du continent africain que de

l'Afrique subsaharienne. Ces ports étaient chargés de fournir les îles atlan-tiques de Madère et des Canaries, de même que le Brésil et les Caraïbesespagnoles. Les circuits commerciaux furent plus tard - soit au xvl'siècle -réajustés et les colonies ibériques d'Amérique commencèrent à recevoirleur main-d'æuvre directement d'Afrique de l'ouest. Les marchands étaientdonc certains d'investir dans un secteur sfir orì Ia demande était constante,et le marché fiable et garanti. Alors comment expliquer la faible parti-cipation des négociants d'Amste¡dam dans cette branche commerciale ?

IJimportation d'esclaves en Europe uiøIes routes commerciales atlantiquesdevait faire face à la concurrence représentée par les routes négrières transsa-hariennes qui fournissaient en esclaves la Méditerranée et le Moyen-Orient.Ces dernières auraient pu constituer une menace pour les circuits négrierschargés de l'approvisionnement de la péninsule Ibérique, mais pas pourceux fournissant les colonies espagnoles et portugaises qui ne souffraientd'aucune compétition et étaient, à l'époque, des marchés en plein essor43.

42.L. A. N¡wsoN et S. MrNcHrN, Frotn captute to s¿h: the Portuguese slaue ndde to Spanish SouthAmericø in the earþ seuenteenth cennrl, Leyàe, Btill, 2007; M. Tonn-Áo, n Actividade comer-cial qterna de Cabo Verde : organiaçáo, funcionmento, evoluçáo ,, inL. de Areuqueaque,M. E. M¡oeru Se,..rros (ed.), História geral de C¿bo Verd¿, Lisboa./P¡aia, Cabo Verde, Centro deEstudos de História e Catogra6aAariga, Instituto Nacional da Cultura de Cabo Verde, 1991,v_ol. 1, p. 249-255; id., dos portugueÍndias de Castela : abæ 'tn II ReunitioA dimensão øtlântica d¿ de Outubro ø

Universidade de Sáo Paulo, 1997, p. 203-222; l/., u Rotas comerciais, agentes económicos e meiosde pagamento ,, in M. E. M,lD¡rRA SANTos (ed.), História Ger¿l de Cabo Wrd¿,Lis5oelPrua, CaboVerde, Cent¡o de Estudos de História e CutografiaAntiga, Instituto Nacional da Cultu¡a de CaboYeÅq 199 5, vol, 2, p. 17 -123 ; M. da G. A. M. VeNruRA, Potugueses no Peru do tempo da []niãoIbéricd: mobilidade, cumplicidades e uiaências,3 vol., Lisboa, Imprensa Nacional - Casa da Moeda,2005; E. VIu VIt *, Hi4tanoamerica 7 el comercio dz escl¡uos, Sevilln, Escuela de Estudios Hispmo-Americaros, 1977 ; J. L.Yocr, * The ealy Sáo Tomé-Príncipe Slave Tiade with Mina, 1500-1540 ,,The IntnnationølJournal ofAfricøn Historical Sndies 613,1973, p. 453,467; I. Ern, n The volumeofrheerlyAtlandcslavetrade,1450-152I,,JournalofAfricanHixory38lI,1997,p.3l-75.

43. O. PÉrrÉ-GR¡NourLLE.A.ur Les fidites négières: esai d'histoire globale,Pa¡is, Gallimard,2004;H. S. Kr¡rN, . The Atlantic slave trade to 1650 u, lz S. B. Scr¡v'rnrz (eð,.), Tiopical Bafulons;Sugdr and the mahing of the Atlantic WorlL 1450-1680, Chapel Hill, North Carolina UniversityPress, 2004, p. 20I-236: A. Tnrx¡ru ¡¿. MorA, ( Enüée d'esclaves noirs à Velence (1445-1482) :

le remplacement de la voie Saharìenne pa la voie Adartique n, in Sol, le patvle et l'écrit: 2000 dns

d'histoitz africaine : nélanges en hommage à Røymond Mdøny Pais, Société française d'histoired'ourre-mer, 1981, vol. 2, p.579-594.

LE S tYE G O CANTS D'AÀ4 S TERDAÀI.

À cela s'ajoutait un certain nombre de contraintes inhérentes à lar;rturc même du commerce négrier. Entre les années 1580 et 1620, les( ()rr'()rìnes ibériques détenaient le monopole de la traite des esclaves portu-li,risc ct espagnole. Les marchands indépendanrs devaient donc acheter,lcs liccnces commerciales aux monarques ibériques aÊn de pouvoir prati-,¡rrcl lc commerce des esclavesaa. La lourde taxetion sur ce secteur-ciIrrr¡rosúc par les monarques portugais et espagnol représentait une aurrei ')nrrili¡ìte à prendre en compte45, Toutes les zones mentionnées précé-rlt'rrrrrrcnt se trouvaienr sous le contrôle des Habsbourg, ennemis jurés del,r l{1'¡rrrblique. Ainsi, le confit opposanr cetre dernière à l'Espagne, aulÌrrtug'rl, ainsi qu'à leurs empires coloniaux eut un impact majeur sur le

' ilililucrce atlantique en général et la traite négrière en particulier, affec-t,rrrt ¡tltrs précisément les routes de transport, les zones d'approvisionne-rr('lr (.t les marchés de consommation46. La combinaison de ces circons-Lur( cs l)¿rrticulières dissuada bon nombre de négociants d'investir dans ler I II II ntcrce triangulaire.

I ;r ¡rlatique de la traite négrière er du commerce ouest-af¡icain en général',rl'lx)srrit aussi de la part des marchands de la République une connaissance,r¡,¡'r,,íìrndie des marchés côtiers de i'Afrique de I'ouest et des Amériques,rl!'\ nr()(les de demande et de consommation, des pratiques commerciales,,1,'r ¡r.rssibles rivatx et partenaires, des prix et des taux de change, etc. liés,ru \('(tcur en question, ce dernier étant en effet connu pour ses spécifi-r' ,, lru'ticulières. Ainsi, il fallait prendre en compte, pour route transaction, rr t\liit¡ue de l'ouest, des coutumes locales et des intérêrs particuliers des,lillt(rcrrt.s chefs tribaux. Les marchés côtiers avaient leurs propres carectéris-t[¡rrt's cn termes de types de produits er d'esclaves, à l'instar des difftrentstn,rr.lri's cle consommation leur correspondant. La demande elle-même était,l,trr. soumise à de constantes variations dues aux fl.uctuations des goûts, r ,k's lresoins des acheteurs4T. Aussi les hommes d'affaires d'Amsterdam

¡¡r\l.r lir¡tluxrr'siècle, lesystèmedeventedirectedelicencesfutremplacépatnsystèmedeleøsinglt rrrrcttrnt aux hommes d'affai¡es de diriger et exploiter les monopoles et vendre eu-mêmes desllr ( n( cs cornmerciales à des tie¡s. NswsoN er Mtc:ørN, From Capnre to Sah, chap. r; f. Rlgerno n\\ttt,¡, I )utch and Portuguese in\Yesten Africa, chap. t; id., n Trmsferring European Fiscal Systems( )vt rscns: The Portuguese home md colonial fiscal sysrems: a compaison,, lz S. Cevecrocnr (ed.),I iutl.\ystems in the European Economlfom the l3'h to the 18'h centuries, Firenze, Firenze Universiryl'rcrs, 2008, p. 553-556, 558-560.

I'r lhil.,¡t,552-553,567.Pou¡davmtaged'informationssurlataxationdelatraitenégrièreportugaise,v,,ir ; lì RIsstR.o oe Srrve, o Portuguese md Afriø fiscal systems in ¡he context of the TrmsatlmticSl.rvc'liade, 1500-1800 ,, inA.Ft'trt-Duver er D. RocsRs (ed.), Legal Structures and Locdlisedlhtttites ofSlaaery from the fourteenth to the nineteentlt centuries (Europ*Afica-Americøs), Ptis,K.rr t lrrla (sous presse).

,l(r, ( :, /\N luNEs, Globdlisation in the Eørþ Modzt n Peiod; F. Rrs¿rR.o oe Srrve, Dutch and Portugueseit \l/rsrem Afica, chap. v.

.t / 1,. llrlrrno ol Srrve, n Dutch vessels in African waters. Routes, commercia-l strategies, trading¡rr,rrriccs and intra-continental rade (c,1590s-I674) ,, Tijd:chr{t uoot Zeegeschiedenis I,2010,l', I 9 ,lU ; J. D. LA Frtun (trans. et ed) ., Pieter u¿n den Broecþei journal of uoyages to Cape Wrde,tititttrt ntd Angola (1605-1612), London, The Haklu¡ Sociery 2000, p. 26-29; u A¡dreu

397396

Q4TIAANTUNES ET FILI?A NBEIRO DA SILVA

se devaient-ils d'accorder une attention toute Particulière et constante aux

leur origine, difiërentes tâches étaient attribuées.

Le commerce ouest africain et Ie commerce triangulaire exigeaient tous

deux de grandes compétences commerciales, mais aussi des vastes réseaux

de routes-commerciaÈs couvrant de multiples zones géographiques. Afin

de garantir un certain niveau d'efficacité, les négociants de la République

devaient donc soit directement s'installer dans les comptoirs commerciauxengagers point-o fixes o

dédiés à

indispensables et précieuses dans les ports de débarquement américains

car ili veillaient à la bonne réception des marchandises et des esclaves, ainsi

le commerce africain en général,

LES NÉ G O CIANT S D'ÁM S T ERDAM

( )orrclusion

Nor¡s avons démontré dans cette étude que les négriers d'Amsterdam

¡,,,ss1'tlrricnt donc des portefeuilles d'affaires variés, dans lesquels l'Europer,'¡'r'/'st'ntait plus de la moitié des investissements, alors que ceux concer-

r,,rrrr lrr z-one atlantique n'atteignaient qu'environ 44 o/o du total. Dans le( rlnr('xlc atlantique, le commerce africain représentait un Peu plus d'un

'lu,u't (lcs investissements atlantiques complets, dont seulement 11olo

,,,rrcs¡ronclent à la traite négrière, ainsi qu'aux activités y étant liées. Cela

lrrtlit¡rrc la part, mais aussi I'apport négligeable que ce dernier secteur

r,'¡rr'1'scnte dans les capitaux des investisseurs indépendants d'Amsterdam.t¡'.t¡t 1674.

'lirrrtefois, il convient de ne pas confondre cette faiblesse des inves-

rlrrcrrrc¡rts dans la traite négrière des négociants d'Amsterdam avec un,'v.'rrrrrcl manque d'intérêt pour ce marché ou encore une possible absence

,1,' rcntrl¡ilité de ce dernier. La nature complémentaire de la principale/on(' (l'iuvestissement, soit la péninsule Ibérique et les routes atlantiques,rr,,rrs ur¡rène à penser que, bien que I'importance absolue du commerce,r I r lt rr i r¡ et de la traite négrière fut basse, comme le montrent les données,,t,rtistir¡ues tirées des contrats notariés, la relative importance qui fut,r, . ,rltlL'e aux marchés, monopoles et infrastructures de transport ibériques

, rr llrrrope et outre-mer dans un contexte de pénétration, de contrôle, r rl't'x¡rloitation de ces derniers, montre à quel point ces portefeuillesr r,r ¡cnt cntremêlés.

( lc dernier point devient incontestable à l'examen de la rypologie,1,'r tontrats, à l'issue duquel l'on trouve un lien évident entre les activi-

rrl\ (()¡ìrmerciales et financières, bien que la première catégorie Prenne,l,rvirrrtage d'importance avant la fin de la guerre de Quatre-Vingts Ans,

r,rrr.lis que la dernière ne devient importante qu'avec le troisième quart,lrr xvn" siècle, soit au moment oir la République commença à perdre

rrrrr hégémonie maritime au proût de l'Angleterre. Les hommes d'affaires

,l'Ânrsrerdam, comme bien d'autres des Provinces Uuies, durent rediriger

It.uls investissements vers des produits Êuatrciet's - et dorÌc laisser de côté

It's cntreprises commerciales - afin de protéger letrrs portefeuilles et de

( ()ntirìuer à accumuler du capital.l,a uature symbiotique du commercc ct tlcs écharlges commerciaux

nt(.tìtionnée plus haut est aussi reflétée 1t'.tr lrr corrrposition culturelle des

¡rtrrtenariats étudiés. Bien que dans les zotìcs ittLttìti(lttc et européenne seul

un (luart environ du total des partenariats lticrtt lt('intcrctrlturels, il semble

,¡rrc le secteur de la traite négrière, aittsi t¡ttt'1.'s (()lltrars financiers liés à

( (.trc activité, furent exploités par une ócrrrs¡urtc rrrrrjorité cle partenariats

irrtclculturels. Cela s'explique par le fìrit c¡trc tt's tlt't'tticrs !ïarâtìtissaient nonr,.rrlcrnent une connaissance des rnalclr{'s .lc r'r,rtsottt¡tuttiotr, mais aussi des

.)99398

CÁTTAANTUNES ET FILTPA RIBEIRO DA SILVA

cadres institutionnels et des systèmes d'échange d'information à l'intérieur,

à travers et enrre les frontières impériales et ( nationales , imposées de façon

artificielle par les pouvoirs centraux européens50.

50. Tiaduction du texte par Cmille Bachelier, UFR lmgues, unive¡sité de Nantes

400