Study of Additive Manufacturing Applications to Geothermal ...
Report about deep geothermal energy source (28 p.) in French
Transcript of Report about deep geothermal energy source (28 p.) in French
LA GÉOTHERMIE PROFONDE
Enseignants : Louis Boisgibault et Michel Cruciani
Étudiant : Pierre Serkine, master Énergie, Finance, Carbone, promotion 2011-2012
i
SOMMAIRE
Table des Figures ....................................................................................................... iii
Le Contexte ................................................................................................................. 1
1. Les aspects techniques .......................................................................................... 3
1.1. Qu’est-ce-que la géothermie ? ......................................................................... 3
1.1.1. Définition ................................................................................................. 3
1.1.2. Gradient Géothermique ............................................................................ 3
1.1.3. Géothermies au pluriel ............................................................................. 4
1.2. Pourquoi la géothermie profonde ? ................................................................. 6
1.2.1. De l’Énergie aux énergies ......................................................................... 6
1.2.2. L’électricité ou la chaleur ? ...................................................................... 7
1.2.3. Atouts et Faiblesses de la géothermie profonde ........................................ 9
2. Potentiel, Capacité ............................................................................................. 12
2.1. Potentiel et capacité ..................................................................................... 12
2.2. Dynamique actuelle et objectifs pour le futur ............................................... 16
3. Monter un projet de géothermie profonde ........................................................... 18
3.1. Les phases du projet ..................................................................................... 18
3.2. Le calcul de coût ........................................................................................... 20
3.2.1. Le coût d’investissement ........................................................................ 20
3.2.2. Le coût d’exploitation ............................................................................ 22
3.2.3. Le « Levelised Cost of Energy, LCOE » ................................................ 23
3.3. Les aides et le financement ........................................................................... 26
Conclusion ................................................................................................................. 28
Bibliographie .............................................................................................................. 29
Annexes ..................................................................................................................... 30
ii
GLOSSAIRE
ADEME Agence de l'Environnement et de la Maîtrise de l'Énergie
AGEA Australian Geothermal Energy Association
BRGM Bureau de Recherches Géologiques et Minières
EnR Énergies Renouvelables
GES Gaz à Effet de Serre
GETEM Geothermal Electric Technology Evaluation Model
LCOE Levelised Cost of Energy
MIT Massachussetts Institute of Technology
NREL National Renewable Energy Laboratory
PeD Pays en Développement
iii
TABLE DES FIGURES
Figure 1-1- Structure interne du globe terrestre (ADEME, BRGM) ............................ 4
Figure 1-2- Schéma des trois types de géothermie profonde (Source : AGEA) ............ 5
Figure 1-3- Schéma illustrant les relations entre les différents types d’énergie............. 7
Figure 1-4-Évolution de la consommation mondiale d’électricité entre 1973 et 2008
(gauche) et ventilation par secteur de la consommation d’électricité en France en
2008 (droite) ................................................................................................................ 8
Figure 1-5- Évolution de la consommation d’électricité chinoise par secteur d’activité
entre 1980 et 2000 (Cartographie de Sciences Po) ....................................................... 9
Figure 1-6- Émissions de GES de la géothermie profonde EGS selon l'analyse du cycle
de vie (GIEC, 2011) ................................................................................................... 11
Figure 1-7- Représentation des différentes technologies en fonction de leur maturité
(EPRI, Février 2010) ................................................................................................. 12
Figure 2-1- Résumé de l'énergie contenue dans la Terre sous forme de chaleur ......... 13
Figure 2-2- Répartition du potentiel par zone géographique et par utilisation ........... 13
Figure 2-3- Capacité de production d'électricité géothermique en MW dans le monde
et par pays, et représentation du flux de chaleur de la Terre, illustrant les zones de
fortes activités ............................................................................................................ 14
Figure 2-4- Taux de croissance des installations d'actifs de production géothermiques
(électricité et chaleur) ................................................................................................ 14
Figure 2-5- Représentation du potentiel géothermique en Europe de l'Ouest (5km de
profondeur) ................................................................................................................ 15
Figure 2-6- Récapitulatif des projets de géothermie profonde stimulée (EGS) existants
(Wikipedia) ................................................................................................................ 16
Figure 2-7- Participation de chaque type de géothermie à l'objectif de développement
de la filière (AIE, Mai 2011) ...................................................................................... 17
Figure 2-8- Projection de développement de la géothermie électricité d'ici à 2050 par
région (AIE, Mai 2011) .............................................................................................. 18
Figure 3-1- Coûts cumulés d'un projet de centrale géothermique de 4 MWe à 2700m
de profondeur en Allemagne((GEOFAR), 2009) ........................................................ 19
iv
Figure 3-2- Évolution du coût d’investissement de la géothermie en function de la
technologie au cours des 15 dernières années ............................................................. 22
Figure 3-3- LCOE pour 6 projets différents selon le modèle du MIT ......................... 25
Figure 3-4- LCOE estimés pour diverses énergies (centrale entrant en fonction en
2016) (Energy Information Administration, Annual Energy Outlook 2011) .............. 25
Figure 3-5 - Montants de R&D publique investis en moyenne entre 2006 et 2009 en
géothermie, en dollars par tête (AIE, Mai 2011) ........................................................ 26
Figure 3-6- Comparaison des tarifs de rachat de l’électricité géothermale dans les
différents pays cibles de GEOFAR ((GEOFAR), 2009) ............................................. 27
1
LE CONTEXTE
L’énergie est la grandeur physique qui permet le passage d’un système donné d’un
état initial à un état final. Ainsi, utiliser de l’énergie équivaut à transformer un
système. Dans le cadre de notre planète, consommer de l’énergie revient donc à
modifier notre environnement. C’est pourquoi l’impact de l’Homme sur son
environnement n’a cessé de croître à mesure qu’il a augmenté sa consommation
d’énergie. Au départ, seules les énergies développées par l’Homme ou l’Animal étaient
maîtrisées. Puis vint l’énergie provenant de ressources naturelles, à l’image du
Charbon grâce notamment à la machine à vapeur. Cette innovation fut le point de
départ de la Révolution Industrielle, et a conduit à des changements radicaux, et a en
particulier permis l’abolition de l’esclavage1. Puis, la découverte de l’électricité par
Edison a encore démultiplié l’usage d’énergie par l’Homme. A mesure que la
consommation d’énergie a augmenté, le bien-être a donc progressé, mais en
contrepartie les ressources naturelles épuisables se sont amenuisées, et l’impact sur
l’environnement a progressé.
Ainsi, progrès technique et utilisation des ressources ont conduit à notre société
actuelle : en l’espace de 100 ans, la population mondiale est passée de 1,75 à 7
milliards d’individus, notamment grâce aux progrès de la santé et à l’amélioration de
l’alimentation. Par ailleurs, ces 100 mêmes années ont vu les migrations des
campagnes, où le travail (dans les champs) disparaissait, vers les villes où le travail
(dans les industries puis les services) apparaissait. L’Homme a donc peu à peu
produit du Capital (infrastructures, biens,…) en utilisant et dégradant le capital
naturel. Or ce capital naturel nous fournit des services essentiels au maintien de la vie
sur la Terre (photosynthèse, épuration de l’eau, régulation du climat, pollinisation,
biodiversité…). Parmi ces services, certains sont d’ores et déjà substituables par du
capital, tels que l’épuration de l’eau ou bien dans une moindre mesure la pollinisation,
mais d’autres ne le sont pas encore, tels que la régulation du climat ou la biodiversité.
Cependant, depuis les années 70, une prise de conscience a débuté, et certains
concepts ont émergés, à l’image du développement durable. Cette prise de conscience
1 L’esclavage a été aboli en 1807 en Angleterre, le moteur à vapeur (puissant, compact, mobile) étant apparu en 1803. Les esclaves étaient moins productifs, donc économiquement moins intéressants.
2
a gagné en intérêt à mesure qu’étaient observées des modifications du climat
(températures, précipitations, vents, phénomènes extrêmes…). Néanmoins, il n’a pour
le moment jamais été observée de réduction de la consommation mondiale d’énergie,
excepté durant la deuxième guerre mondiale.
Sur le plan climatique, l’Homme a aujourd’hui pleinement connaissance des risques
encourus, sans en connaître précisément ni la mesure ni la temporalité. Cependant, la
question des gaz à effet de serre, principaux responsables du réchauffement climatique
à l’origine du changement climatique, est devenue majeure, particulièrement en
Europe. De fait, l’Union Européenne s’est engagée de manière unilatérale à réduire ses
émissions de gaz à effet de serre, et a entrepris pour cela une politique climatique
d’envergure. Celle-ci concerne en grande partie le secteur de la production
d’électricité et de chaleur, ce dernier étant responsable de la moitié des émissions
mondiales de CO2, lui-même représentant aux alentours de 72% de l’impact des gaz à
effet de serre sur le réchauffement. Il existe donc un lien fort entre changement
climatique et énergie.
Le contexte ainsi décrit est par conséquent particulièrement propice à l’émergence de
nouvelles sources d’énergie décarbonées : ce sont les énergies renouvelables et le
nucléaire. Les énergies renouvelables présentent deux intérêts majeurs, que sont le
développement des pays les moins avancés et des pays en développement, et la
réduction de l’impact environnemental des pays développés, alors que le nucléaire,
n’étant adapté qu’aux pays ayant déjà des infrastructures de réseau, ne présente que
le second intérêt. Par ailleurs, le nucléaire pose des problèmes d’acceptabilité et dans
une moindre mesure d’épuisabilité, qui ne seront pas abordées dans ce document.
Parmi les énergies renouvelables, l’une d’entre elles semble particulièrement
intéressante à étudier et relativement peu exploitée, à savoir la géothermie profonde.
Dans une première partie cette source d’énergie sera abordée d’un point de vue
technique, puis le potentiel géothermique, la capacité déjà installée ainsi que les
objectifs visés seront présentés dans une seconde partie. Enfin, les aspects relevant de
l’économie et de la politique publique, à savoir les coûts et les aides, feront l’objet
d’une troisième partie.
3
1. LES ASPECTS TECHNIQUES
1.1. Qu’est-ce-que la géothermie ?
1.1.1. Définition
La géothermie, du grec « gêo » et « thermos » signifiant respectivement terre et
chaud, est une source primaire d’énergie renouvelable. La chaleur de la Terre provient
de deux sources distinctes : les désintégrations radioactives qui ont lieu dans la croûte
terrestre et qui varient selon les éléments chimiques (uranium, thorium, potassium…)
et l’âge de la roche, et le refroidissement du noyau. La première source est
responsable de 90% de l’énergie dissipée. Malgré ces désintégrations qui augmentent
la chaleur de la Terre, l’énergie perdue par les océans, les continents et les
phénomènes volcaniques est supérieure, ce qui signifie que la Terre se refroidit
naturellement. C’est pourquoi, à l’échelle des temps universels, la géothermie est en
fait épuisable. Cette chaleur est extraite de la Terre en mettant la roche chaude en
contact avec un fluide caloporteur, qui va absorber ces calories grâce au phénomène
physique de la conductivité thermique.
1.1.2. Gradient Géothermique
Suivant la profondeur à laquelle sont effectués les forages, la température de la roche
varie. De manière générale, le gradient thermique de la Terre est en moyenne de
33°C/km mais varie en fonction des régions du globe, selon la présence d’activités
volcaniques, de zones de subduction… En France par exemple, ce gradient peut
atteindre 100°C/km, et peut descendre jusqu’à 20°C/km, selon le Bureau de
recherches géologiques et minières (BRGM). Mais il y a des régions du globe où ce
gradient atteint 1000°C/km, telles que la Nouvelle-Zélande. En réalité, lorsque l’on
parle de gradient thermique de la Terre ou de gradient géothermique, on ne fait
référence qu’à la portion explorable et exploitable techniquement à l’heure actuelle,
c’est-à-dire les 10 voire 12 premiers kilomètres. Cela correspond d’après la Figure 1-1,
à la croûte terrestre. Dans les autres couches de la Terre, le gradient est très
différent.
4
Figure 1-1- Structure interne du globe terrestre (ADEME, BRGM)
1.1.3. Géothermies au pluriel
Par ailleurs, plusieurs types de géothermie sont à distinguer, selon la profondeur et
donc la température à laquelle se trouve la roche. La géothermie à très basse énergie
concerne des températures inférieures à 30°C. C’est par exemple le principe sur lequel
repose l’utilisation de pompes à chaleur. Ces dernières n’ont qu’une utilisation privée,
et ne peuvent être utilisées sur des réseaux de chaleur collectifs. Ensuite, il existe la
géothermie à basse énergie, pour des températures comprises entre 30 et 90°C (soit 1
à 3 km). À ces profondeurs, la chaleur captée est directement « injectable » sur des
réseaux urbains, et peut servir à alimenter plusieurs logements, de manière
décarbonée.
Enfin, vient la géothermie profonde, pour des profondeurs supérieures à 3-4 km, et
des températures de l’ordre de la centaine de degrés Celsius. Contrairement aux
profondeurs inférieures, la température de la roche permet de transformer l’eau
injectée en vapeur, et de récupérer cette vapeur pour générer de l’électricité,
exactement de la même manière que dans une centrale électrique à énergie fossile ou
fissile, ce qui explique l’intérêt que présente ce type d’énergie renouvelable.
5
Il existe en réalité plusieurs techniques différentes de géothermie profonde, qui
dépendent de la nature du transfert thermique et de la nature de la source. Trois
grandes catégories sont à distinguer : la géothermie convective (à partir de sources
hydrothermales), la géothermie des aquifères profonds, et enfin la géothermie de
conductivité (les « hot rocks » ou roches chaudes) qui sera le sujet de ce document.
On l’appelle également EGS pour « Enhanced Geothermal System » (Géothermie
Profonde Stimulée). La Figure 1-2 permet de se représenter ces 3 types de géothermie
différents.
Figure 1-2- Schéma des trois types de géothermie profonde (Source : AGEA)
D’un point de vue technique, c’est plus complexe qu’on ne se le figure. Le principe est
de forer un premier trou jusqu’à une profondeur où la température est acceptable, de
créer ou profiter des micro-failles dans la roche, qui vont servir d’échangeur naturel,
puis de forer un second trou à quelques centaines de mètres du premier, qui servira de
sortie d’échangeur. La difficulté technique concerne d’une part le forage (du fait de la
profondeur), et d’autre part la création de l’échangeur « naturel ». En fonction de la
porosité de la roche, il faudra plus ou moins stimuler les failles afin qu’elles ne se
6
referment pas. Si la roche est peu poreuse et donc peu perméable, il faudra faire
preuve de plus de stimulation. Cette stimulation peut être soit hydraulique, la
fracturation hydraulique, soit chimique, à l’aide d’un mélange savamment élaboré par
les pétroliers, dont la recette à base d’acide chlorhydrique dépend du type de roche et
est tenue secrète. Cette énergie est donc au cœur de la recherche actuellement, et
relève également des techniques et technologies développées par les grands pétroliers,
notamment sur les questions de forage profond.
1.2. Pourquoi la géothermie profonde ?
1.2.1. De l’Énergie aux énergies
Il a été question jusqu’à présent de l’énergie au sens large. Il est en réalité possible de
distinguer plusieurs types d’énergies, à savoir l’énergie mécanique, chimique,
thermique, rayonnante, nucléaire et électrique. D’après la Figure 1-3, le passage d’une
forme d’énergie à une autre est réalisable, et mise à part l’énergie nucléaire, tous les
passages le sont, plus ou moins directement. Certains de ces passages ne sont
généralement pas souhaités, du point de vue de l’utilisateur, comme par exemple la
transformation d’énergie mécanique en énergie thermique par frottements. C’est ce
qui est souvent considéré comme des pertes du système, et une source d’irréversibilité
des phénomènes physiques. Il serait également possible de parler des pertes
thermiques2 au sein d’un moteur thermique produisant un travail mécanique à partir
d’énergie thermique. Il est également judicieux de comparer ces énergies selon leur
« qualité ». En effet, deux formes d’énergie ne sont pas nécessairement équivalentes.
L’énergie électrique est celle qui présente la meilleure qualité, alors qu’en
comparaison, l’énergie thermique est de qualité bien médiocre. Cette notion de qualité
de l’énergie est en réalité liée à son aspect ordonné ou pas, autrement dit à
l’entropie3.
2 Néanmoins ces pertes sous forme thermique peuvent en partie être récupérées sous forme électrique grâce à l’effet Seebeck, au niveau des gaz d’échappement. 3 Il est à noter que l’Univers dans sa globalité présente une entropie qui ne cesse d’augmenter quoi qu’il advienne.
Figure 1-3- Schéma illustrant les relations entre les différents types d’énergie
1.2.2. L’électricité ou la chaleur
La consommation d’énergie sous forme d’électricité est en forte croissance depuis une
quarantaine d’années comme le montre la
pas substituable par une autre forme de l’énergie, du fait des usages spécifiques
auxquels elle est liée. À titre d’exemple, entre 2001 et 2008, la consommation
électrique de la Chine a été multipliée p
revanche, la distinction doit être faite entre les pays développés, où l’électricité
consommée est en grande partie le fruit du secteur résidentiel et du tertiaire, et les
pays en développement où la consommatio
dépendante de l’activité industrielle, même si les autres secteurs augmentent
parallèlement leur consommation. La
Chine.
7
Schéma illustrant les relations entre les différents types d’énergie
L’électricité ou la chaleur ?
a consommation d’énergie sous forme d’électricité est en forte croissance depuis une
quarantaine d’années comme le montre la Figure 1-4, et n’est pour une grande partie
pas substituable par une autre forme de l’énergie, du fait des usages spécifiques
auxquels elle est liée. À titre d’exemple, entre 2001 et 2008, la consommation
électrique de la Chine a été multipliée par 2.5, celle de l’Inde par 2, selon EDF.
revanche, la distinction doit être faite entre les pays développés, où l’électricité
consommée est en grande partie le fruit du secteur résidentiel et du tertiaire, et les
pays en développement où la consommation d’électricité est encore fortement
dépendante de l’activité industrielle, même si les autres secteurs augmentent
parallèlement leur consommation. La Figure 1-5 montre parfaitement cet aspect en
Schéma illustrant les relations entre les différents types d’énergie
a consommation d’énergie sous forme d’électricité est en forte croissance depuis une
, et n’est pour une grande partie
pas substituable par une autre forme de l’énergie, du fait des usages spécifiques
auxquels elle est liée. À titre d’exemple, entre 2001 et 2008, la consommation
ar 2.5, celle de l’Inde par 2, selon EDF. En
revanche, la distinction doit être faite entre les pays développés, où l’électricité
consommée est en grande partie le fruit du secteur résidentiel et du tertiaire, et les
n d’électricité est encore fortement
dépendante de l’activité industrielle, même si les autres secteurs augmentent
montre parfaitement cet aspect en
8
Figure 1-4-Évolution de la consommation mondiale d’électricité entre 1973 et 2008 (gauche) et ventilation par secteur de la consommation d’électricité en France en 2008 (droite)
Ainsi, la consommation électrique, fortement liée à l’activité industrielle du pays et à
la modernisation des moyens de communication ainsi qu’à l’augmentation du confort,
croit actuellement plus vite que la consommation de chaleur dans les pays en
développement. C’est la première raison pour laquelle la géothermie profonde parait
plus pertinente que la géothermie à basse énergie. De plus, l’électricité est utilisée
pour des usages spécifiques où la substitution n’est pas envisageable. Ces usages
forment un socle fondamental pour le développement et la qualité de vie (éclairage
pour l’éducation, réfrigérateur pour l’hygiène…) dans les pays les plus défavorisés, ce
qui constitue le second intérêt. Néanmoins, dans un pays tel que la France (qui est
une exception), où la majeure partie de la consommation électrique est due aux
secteurs tertiaire et résidentiel, et donc en grande partie au chauffage, la géothermie
basse énergie peut s’avérer très pertinente. Pour autant, cette dernière peut nécessiter
des infrastructures un peu plus coûteuses et un transport sur des distances
nécessairement plus courtes, tandis que le réseau électrique, bien développé, peut
permettre une production plus éloignée. Enfin, il est à rappeler que la géothermie
profonde offre l’opportunité de récupérer soit la chaleur sous forme « brute », soit de
la transformer en électricité, soit encore de combiner les deux, en re-captant l’énergie
contenue dans les condensats de vapeur (co-génération).
9
Figure 1-5- Évolution de la consommation d’électricité chinoise par secteur d’activité entre 1980 et 2000 (Cartographie de Sciences Po)
1.2.3. Atouts et Faiblesses de la géothermie profonde
Outre l’avantage environnemental évident sur les énergies fossiles (réduction des
émissions de GES, préservation des ressources naturelles épuisables), la géothermie
profonde présente divers atouts majeurs. Certains sont partagés par l’ensemble des
EnR, comme la décentralisation possible des installations et par conséquent un
moindre coût pour les zones isolées (particulièrement intéressante dans le contexte
des PeD), et d’autres sont propres à cette énergie. C’est le cas de la non-intermittence
de la production électrique.
En effet, la chaleur de la Terre ne présente pas de variabilité importante, saisonnière
ou journalière, rendant la production intermittente, comme dans le cas de l’éolien ou
du solaire. Par ailleurs, la géothermie profonde est bien plus résiliente en matière
d’évènements climatiques extrêmes que l’éolien ou encore l’hydroélectricité, et
présente une faible utilisation de terres. Il est souvent considéré que la géothermie
profonde présente un facteur de charge de l’ordre de 90%, semblable au nucléaire, les
10
seuls arrêts relevant de la maintenance des installations. Néanmoins, bien que cette
source d’énergie soit dite renouvelable, la chaleur est soutirée à la Terre à un rythme
plus élevé que celui auquel la croûte est chauffée par le noyau par conduction. Ainsi,
après 20 ou 30 ans d’exploitation, la température du réservoir d’énergie thermique a
chuté de 10°C. Nous pourrions cependant envisager exploiter le puits de manière
durable, c’est-à-dire en n’extrayant qu’à un rythme inférieur ou égal à celui auquel la
terre se réchauffe, mais cela ne serait économiquement rentable que dans le cadre
d’une société basée sur un paradigme de durabilité forte et non dans celui d’une
économie néoclassique.
D’un autre côté, la géothermie profonde à tout de même quelques désavantages
notamment vis-à-vis de l’environnement. À titre d’exemple, bien que la pollution
thermique ne soit pas encore régulée, elle peut présenter un impact sur
l’environnement. Comme toutes les centrales de production d’électricité à partir de
chaleur, une installation de géothermie profonde pollue thermiquement son
environnement. Mais dans le cas de la géothermie profonde, comme la chaleur de la
Terre ne permet pas d’atteindre des températures très élevées en entrée (en
comparaison avec une centrale à gaz ou une centrale nucléaire), la pollution
thermique par unité de production électrique est bien plus grande. Selon certaines
études (panel 2006)une centrale de géothermie profonde de 100MW polluerait
thermiquement autant qu’une centrale à gaz de 500MW. Cet aspect est mitigé
lorsque des températures plus élevées sont atteintes en entrée, autrement dit lorsque
le forage est plus profond, toutes choses égales par ailleurs.
Aussi, comme nous l’avons exposé précédemment, le forage lui-même peut induire de
la micro-sismicité du fait de la fracturation hydraulique de la roche. Ces micro-
séismes peuvent atteindre une magnitude de 2.9 sur une l’échelle de Richter, ce qui
peut apparaitre très problématique dans des zones très urbanisées (plaintes des
riverains). Par ailleurs, cette fracturation hydraulique de la roche n’est pas sans
conséquence, et peut déstabiliser l’équilibre de la tectonique des plaques, et cette
fracturation peut également conduire à la contamination des nappes phréatiques par
les hydrocarbures contenus dans le sol. Cela dépend en réalité de la position relative
des hydrocarbures, des nappes phréatiques et des forages. Il est donc crucial, d’un
11
point de vue environnemental, d’accorder une grande attention à la phase
d’exploration du sol, afin de déterminer ces paramètres.
Enfin, la géothermie profonde utilisant de l’eau pour fonctionner, il n’est pas
souhaitable qu’elle entre en concurrence avec l’eau utilisée pour la population ou bien
même pour faire pousser les cultures. À court terme, l’eau peut être considérée
comme bien plus cruciale que le changement climatique et ses impacts (qui
comprennent d’ailleurs l’accès à l’eau potable).
Selon l’analyse du cycle de vie, la géothermie profonde représente entre 22 et 80 gCO2
eq/kWh, avec une moyenne aux alentours de 55 gCO2 eq/kWh (GIEC 2011).
Figure 1-6- Émissions de GES de la géothermie profonde EGS selon l'analyse du cycle de vie (GIEC 2011)
Enfin, d’un point de vue purement technico-économique, l’EGS est une technologie de
géothermie fournissant de l’électricité qui se trouve à un moment crucial de maturité,
comme le montre la Figure 1-7 (EPRI Février 2010). En effet, l’EGS en est au milieu
de sa phase de développement, et a donc besoin qu’on fasse des efforts particuliers
pour lui donner l’opportunité de « passer le pic » et ainsi présenter une courbe
d’apprentissage donnant lieu à des réductions de coûts.
12
Figure 1-7- Représentation des différentes technologies en fonction de leur maturité (EPRI Février 2010)
2. POTENTIEL, CAPACITÉ
Après avoir exposé les différents aspects de la géothermie profonde, il semble central
de discuter du potentiel de cette énergie et d’exposer la dynamique actuelle autour de
cette technologie.
2.1. Potentiel et capacité
Selon le dernier rapport spécial du groupe de travail 3 du GIEC qui a pour rôle de
synthétiser l'état des connaissances, la Terre renfermerait 403 106 EJ accessible entre
0 et 10 km de profondeur, sans faire de distinction entre l'énergie renfermée dans les
roches chaudes (et utilisée par l'EGS) et celle provenant des sources hydrothermales.
En faisant la distinction, il résulte que 110.4 106 EJ sont accessibles à partir des
roches chaudes. Selon le même document, le cœur de la Terre transmet l'équivalent
de 315 EJ/an à l'ensemble de la croûte, ce qui signifie qu'en exploitant 1051.8 EJ/an
comme proposé dans le tableau de la Figure 2-1, l'exploitation globale n'est pas
durable. Néanmoins il faut relativiser ce fait par la comparaison à la quantité totale
d'énergie primaire consommée par l'ensemble de la planète sur une année, qui s'élève
à 500 EJ(chiffre de 2008).
13
Figure 2-1- Résumé de l'énergie contenue dans la Terre sous forme de chaleur
Ce potentiel géothermique peut être détaillé suivant la zone géographique du globe,
ainsi que l'utilisation que l'on peut en faire (chaleur ou électricité). La Figure 2-2
représente cette ventilation (GIEC 2011). D'après la Figure 1-4, la planète avait
consommé en 2008, 18 603 TWh, soit 66.971 EJ, donc un peu moins de 21% de la
limite basse du potentiel technique mondial, à 10 km de profondeur. Cela signifie
donc que cette énergie pourrait occuper une place importante dans le mix énergétique
des pays, mais il faudrait pour cela mettre les moyens nécessaires à l'amélioration des
techniques de forage et de stimulation, afin de réduire le coût du kWh produit. Ces
aspects économiques sont abordés dans la prochaine partie du document. Il est à
préciser que ce potentiel n'est pas spécifiquement celui des roches chaudes dont ce
document parle, mais de tous les types de géothermies profondes, notamment la
géothermie des aquifères.
Figure 2-2- Répartition du potentiel par zone géographique et par utilisation
Ce potentiel n'est bien évidemment que très peu exploité, comme en témoigne la
Figure 2-3 qui provient également du rapport spécial du GIEC (GIEC 2011). Nous
pouvons cependant noter que des pays tels que l'Italie ou l'Islande ont une capacité
installée importante en Europe avec respectivement 843 et 575 MW installés.
L'Islande est même le pays du monde où la géothermie occupe la place la plus grande,
14
avec 27% de son électricité produite à partir de la chaleur de la Terre. De l'autre côté
du globe, les Philippines sont aussi très en avance sur la géothermie, avec 22% de
l'électricité produite à partir de cette source.
Figure 2-3- Capacité de production d'électricité géothermique en MW dans le monde et par pays, et représentation du flux de chaleur de la Terre, illustrant les zones de fortes activités
Il est également pertinent de relever que même dans les pays en développement cette
énergie peut avoir sa place, et qu'elle n'est pas une énergie dédiée aux pays opulents.
C'est le cas des Philippines comme nous l'avons signalé, mais également du Salvador
(12% de la production d'électricité d'origine géothermique).
Figure 2-4- Taux de croissance des installations d'actifs de production géothermiques (électricité et chaleur)
15
Enfin la Figure 2-4 montre que le taux de croissance annuel des installations de
centrales d'électricité à partir de la géothermie a cru entre 1975 et 1985, passant de
10.4% par an à 17.7% par an (période des chocs pétroliers), puis a décru très
fortement entre 1985 et 2005, tombant à 2.3% en 2005. Cela n'est pas le fait d'un
plafonnement qui serait lié au potentiel technique, puisqu'il a été montré que le
potentiel était très largement sous-exploité, mais c'est le fait d'une énergie fossile très
bon marché. Par ailleurs, il peut être noté que ce taux annuel a recommencé à croître,
puisqu'en 2010 il était de 3.7%. Concernant l'utilisation directe de la géothermie pour
la chaleur, une forte croissance est à remarquer depuis les années 1980, puisque la
capacité installée est passée de 1300 MWth en 1975 à 50 583 MWth en 2010, à un
taux annuel moyen de 11% contre 7% pour l'électricité sur la même période.
La Figure 2-5 montre le potentiel géothermique du sous-sol terrestre à 5 km de
profondeur, en Europe de l'Ouest. Il est à remarquer que ce potentiel n'est pas
également réparti, et que la température varie d'un facteur 1 à 4 suivant les régions.
En France, il y a deux régions particulièrement intéressantes, à savoir l'Alsace et le
massif central. En Italie, la Toscane est également propice à la géothermie profonde,
de même que la région de Valence en Espagne. Néanmoins, malgré cette inégale
répartition, une partie non négligeable du territoire présente une température de
l'ordre de 150°C. Cette température est suffisante pour créer de l'électricité à partir
de chaleur.
Figure 2-5- Représentation du potentiel géothermique en Europe de l'Ouest (5km de profondeur)
16
2.2. Dynamique actuelle et objectifs pour le futur
Le tableau présenté sur la
Figure 2-6 recense les projets de géothermie profonde stimulée (EGS) ayant vu, ou
voyant bientôt le jour dans le monde. Parmi ceux là, nous pouvons mentionner le
projet français de Soultz-sous-forêts en Alsace ainsi que celui de Cooper Basin, qui est
le projet dont la capacité est la plus importante au monde (250 MW, avec un
potentiel de 5 à 10 GW). Le projet d'Alsace qui est d'une puissance de 1,5 MWe a
beaucoup apporté sur le plan de la R&D. Le projet a débuté en 1987, et il est
actuellement exploité à 1,5 MWe, mais il est prévu d'en augmenter la puissance à
3MWe.
Figure 2-6- Récapitulatif des projets de géothermie profonde stimulée (EGS) existants (Wikipedia)
L'Australie fait partie des pays particulièrement actifs dans ce secteur, comme en
témoigne la feuille de route de l'AIE sur le sujet (AIE Mai 2011). Nous pouvons y lire
que :
-En Europe, 20 projets d'EGS sont actuellement en développement ou en discussion
-Les États-Unis ont intégré la géothermie EGS dans le cadre d'initiative de
développement des énergies propres
-En Australie 50 entreprises détiennent environ 400 licences d'exploration, et le
gouvernement a octroyé 205 Millions de USD pour soutenir l'exploration et le
développement de sites pilotes
-La Chine compte actuellement 3 projets de test de l'EGS : un au nord-est, un au
sud-ouest et un au sud-est
17
-L'Inde présente un potentiel important pour la technologie EGS (du fait du large
volume de granite), mais aucune initiative dans le sens du développement de cette
énergie n'a encore vu le jour
D'après l'AIE, comme le montre la Figure 2-7, à horizon 2050, la technologie EGS
représentera 50% de la géothermie, avec une capacité installée d'environ 100 GW.
Mais pour cela, il est nécessaire qu'une cinquantaine de projets employant cette
technologie et ayant une puissance de 10 MW en moyenne voient le jour d'ici 2020. Il
faut donc que la dynamique actuelle soit soutenue dans le temps. À noter que parmi
ces 50 projets, l'Europe en compte déjà 20, ce qui la place en bonne position.
Figure 2-7- Participation de chaque type de géothermie à l'objectif de développement de la filière (AIE Mai 2011)
Ensuite, l'AIE fournit également la répartition du développement de la géothermie
électricité suivant les régions du monde, comme en témoigne la Figure 2-8. Nous
pouvons immédiatement remarquer que la région du monde présentant la projection
de développement la plus importante se trouve être l'Asie en développement (c'est-à-
dire les pays d'Asie tels que la Thaïlande) et non l'Europe, l'Afrique ou encore la
Chine et l'Inde.
En 2050, selon l'AIE, la géothermie devrait représenter 3,5% de la production
mondiale d'électricité, avec 1400 TWh produits par an.
18
Figure 2-8- Projection de développement de la géothermie électricité d'ici à 2050 par région (AIE Mai 2011)
3. MONTER UN PROJET DE GÉOTHERMIE PROFONDE
3.1. Les phases du projet
Un projet de géothermie profonde est, par rapport à tous les autres types d’EnR,
extrêmement capitalistique et dépendent de la technique. Ainsi les risques
économiques et technologiques sont également plus importants. En outre, le risque
économique est accru par la durée du projet, souvent longue. S'agissant du risque,
tant qu'aucun forage n'a été effectué dans la zone d'implantation du projet, la
température espérée et le débit associé sont inconnus, et le risque est élevé. En
fonction du couple (Température,Débit), le projet sera ou non rentable, suivant les
prévisions faites en amont.
Nous pouvons distinguer trois phases dans un projet de géothermie, à savoir :
-l’étude et l’exploration du sol (forage de test)
-la construction des installations de conversion de l’énergie
-l’exploitation de la centrale, avec l'entretien et la possibilité de devoir reforer
19
Figure 3-1- Coûts cumulés d'un projet de centrale géothermique de 4 MWe à 2700m de profondeur en Allemagne ((GEOFAR) 2009)
Ces phases ne présentent pas les mêmes risques, ni les mêmes intensités
capitalistiques. L’Annexe 1 permet de résumer tous ces aspects et provient de l’étude
du MIT (panel 2006). La Figure 3-1 montre également que le risque est le plus élevé
au début du projet, alors même que les coûts ne sont pas négligeables. Cela provient
du fait de devoir explorer le sous-sol par des forages. Ces forages, bien que ne
représentant pas une part très significative d'un projet complet qui aboutit, sont
suffisamment élevés pour dissuader les banques et investisseurs. De fait, les pétroliers
et autres spécialistes du forage ont un rôle clé dans cette filière, car ils peuvent
mettre à profit leur expérience pour soutenir et faire décoller cette filière. De plus,
comme la plupart des forages pétroliers se font actuellement off shore et que les têtes
de forage utilisées pour ces derniers ne sont pas les mêmes que celles utilisées sur
terre, cela signifie qu'il y a beaucoup de matériel pour l'exploration sur terre qui n'est
pas exploité. Par conséquent, l'offre étant grande, et la demande faible, le coût de la
20
location du matériel (et des équipes de forage) est plus faible qu'à une certaine
époque. C'est donc à la fois une opportunité pour la filière EnR, et à la fois pour les
entreprises spécialisées dans le forage, telles que Schlumberger, pour assurer une
reconversion ou diversifier leurs portefeuilles de clients.
Une fois que la phase d'étude a été menée, le risque décroit significativement, mais le
coût augmente d'autant. En effet, il faut alors commencer à forer et à construire la
centrale de conversion d'énergie. Cette étape est aujourd'hui mature, c'est la raison
pour laquelle le risque est moindre.
Enfin, arrive la phase d'exploitation, où les seuls coûts sont liés à la maintenance et
aux autres coûts d'exploitation. En moyenne, une centrale de géothermie a une durée
de vie de 30 à 35 ans. Ensuite, du fait du refroidissement de la source, il devient plus
rentable de cesser l'exploitation, mais il pourrait être envisagé de ne pas exploiter la
chaleur à un rythme plus important que celui auquel la terre est réchauffée par le
noyau. De cette manière, nous ne serions jamais amenés à mettre fin à l'exploitation,
et pourrions garder la centrale bien plus longtemps.
3.2. Le calcul de coût
3.2.1. Le coût d’investissement
Les coûts fixes correspondent au coût d’investissement. Ceux-ci se composent de :
-l’exploration et la confirmation de la ressource
-le forage des puits de production et d’injection
-les installations
-la centrale de conversion
La première composante correspond au permis de construire, à l’exploration
géologique ainsi qu’aux forages d’exploration et aux tests. Cela représente 10-15% de
l’investissement total, mais peut descendre à 1 à 3% dans le cas de projets de grande
envergure (GIEC 2011). Cette composante dépend également du terrain (type de
roche, profondeur, disponibilité du matériel de forage). Dans le cas d’un projet
21
greenfield, le taux de succès de l’exploration est de 50 à 60%, et de 20 à 25% pour le
premier forage d’exploration.
Concernant la seconde composante, le taux de succès est de 60 à 90%. Cela dépend
de la perméabilité du terrain, de la température, de la profondeur, du design des puits
forés… Ce sont 20 à 35% de l’investissement.
La composante infrastructure dépend principalement du coût des matières premières
(ciment et acier majoritairement), de la conception de la centrale, du nombre de
pompes, réservoirs, et par conséquent de la profondeur des forages et de la
température… Ce sont environ 10% de l’investissement total.
Enfin, la partie de l’investissement correspondant à la centrale de conversion de
l’énergie représente entre 40 et 80% de l’investissement. Ce sont les turbines, les
condenseurs, les génératrices, le système de refroidissement…
Ces données sont récapitulées dans le Tableau 1.
Composante Variables intervenant dans
cette composante
Tx de
réussite
Part dans
l’investissement
total
Exploration Terrain, profondeur, type de
roche… 50-60% 10-15%
Forage de
production
Profondeur, type de roche,
conception, disponibilité du
matériel…
60-90% 20-35%
Infrastructures
Conception, profondeur, type de
centrale, coût des matières
premières…
Très élevé 10%
Centrale Conception, maturité de la
technologie Très élevé 40-60%
Tableau 1- Composantes du CF et part dans l’investissement
Entre les années 80’ et 2003-2004, les coûts d’investissement ont diminué, puis depuis,
ils ont plutôt tendance à augmenter. Cette tendance était commune à l’ensemble du
secteur de la production d’électricité. Cela peut s’expliquer par la part de plus en plus
importante de la partie ingénierie dans les projets, ainsi que par l’augmentation du
22
coût des commodités. La Figure 3-2 montre parfaitement ce phénomène (GIEC 2011).
Néanmoins, les valeurs données sur ce graphique ne correspondent pas à la
technologie EGS, pour laquelle les retours d’expérience sont trop peu nombreux pour
être capable d’en tirer une estimation précise du coût d’investissement. Selon une
publication de 2007 (Sanyal, Morrow et Butler 2007), ce coût serait au minimum de
4000 USD2006/kW, et pourrait très rapidement augmenté, si c’est un projet isolé, si le
volume de stimulation est trop faible, que le nombre de modules est réduit…
Figure 3-2- Évolution du coût d’investissement de la géothermie en function de la technologie au cours des 15 dernières années
3.2.2. Le coût d’exploitation
Le coût d’exploitation d’une centrale de génération d’électricité est composé de
plusieurs sortes de coûts : combustible, réparation (maintenance), services, assurance,
administratif… On l’appelle généralement O&M pour Opérationnel et Maintenance.
Dans le cas de la géothermie, le combustible est gratuit. Il s’agit simplement de l’eau
qui sera injectée au niveau des puits. À ce jour, l’eau n’est pas une commodité et n’a
pas de prix (ayant pourtant une valeur inestimable). Cependant, nous pourrions être
tenté, dans le but de promouvoir une exploitation soutenable d’une centrale de
géothermie profonde, d’intégrer une composante temporelle (afin de ne pas exploiter
plus rapidement que le noyau de la terre nous fournit la chaleur) au coût, afin qu’elle
se répercute dans le prix. Cette variable temporelle reflèterait le rythme auquel est
23
exploitée la chaleur. Ce pourrait être un coefficient multiplicatif, supérieur à 1 lorsque
le rythme est inférieur à celui de renouvellement de la chaleur, et inférieur à 1 dans le
cas contraire. Ainsi, il serait économiquement sous-optimal d’exploiter la chaleur de
façon non durable.
En réalité, cette composante est prise en compte dans le coût d’exploitation par
l’intermédiaire des forages à effectuer pour maintenir un flux de chaleur extraite
suffisant. Le coût de ces nouveaux forages est typiquement inférieur à celui des
premiers, et le taux de succès est supérieur.
Ce coût d’exploitation comprend une part fixe et une part variable. D’après les
travaux du GIEC, (GIEC 2011), les coûts fixes sont compris entre 152 et 187
USD2005/kW.an aux États-Unis, et entre 80 et 117 USD2005/kW.an en Nouvelle-
Zélande. Pour ce qui est des coûts variables, ils sont estimés à environ 2.5
cUSD2005/kWh aux États-Unis et à 1,2 cUSD2005/kWh en Nouvelle-Zélande.
3.2.3. Le « Levelised Cost of Energy, LCOE »
Le LCOE permet de comparer les différents types d’énergie entre eux. Pour le
calculer, il faut prendre en compte non seulement le coût d’investissement et les coûts
d’exploitation, mais également le taux d’actualisation et le coût du capital.
Voici ci-dessous la formule permettant de calculer le LCOE (wikipedia):
Comme précédemment, puisqu’il n’existe pas vraiment de site commercial
d’exploitation de la géothermie avec cette technologie, ou du moins pas suffisamment
de cas différents pour avoir une estimation précise, nus présenterons les estimations
de quelques publications.
24
Selon certains (Huenges et Ledru juin 2010), le LCOE de l’EGS est compris entre
0.26 et 0.32 €/kWh. Mais l’étude la plus complète sur le sujet est sans doute le
modèle développé par le laboratoire de Princeton () à la demande du NREL, intitulé
GETEM, pour Geothermal Electric Technology Evaluation Model. Ce modèle faisant
sous forme d’un tableur Excel, fait intervenir 80 variables techniques et économiques
telles que le taux d’inflation, le levier financier, la perte de température… Ce modèle
a été amélioré par des travaux du MIT (panel 2006). Nous ne rentrerons pas dans les
détails de ces deux modèles, mais nous soulignerons que le document cité comporte
des études de sensibilité du LCOE à divers variables (coût du forage, coût de la
stimulation, débit d’eau…). La Figure 3-3 donne un aperçu des valeurs de LCOE
avancées par le MIT. Nous pouvons noter que le gradient thermique semble avoir un
impact non négligeable sur le coût de l’énergie, ce qui semble tout à fait cohérent,
puisque plus le gradient est faible, plus il va falloir forer profond, et donc plus le coût
d’investissement va être élevé.
Nous remarquons également que la fracturation hydraulique est d’autant plus
coûteuse que le début est important. Cependant, le fait que le débit soit plus
important peut permettre d’améliorer le rendement de l’installation.
Aussi, selon les estimations du MIT, le LCOE dans le cas où la technologie serait
mature serait compris entre 3,6 et 9,2 cents USD/kWh. Il est cependant à noter que
la valeur de 9,2 cents USD/kWh est bien plus élevée que les autres, car elle
correspond à une installation de géothermie dont la profondeur serait de 10 km.
Ces valeurs de LCOE sont à rapprocher de celles actuelles estimées (10,3 à 74,7 cents
USD/kWh), et à comparer aux valeurs des autres énergies, renouvelables et non-
renouvelables. Pour ces autres énergies, la Figure 3-4 recense le LCOE pour diverses
énergies, en considérant que le démarrage de la centrale concernée aura lieu en 2016.
Nous pouvons voir que pour une turbine à gaz à cycle combiné, le LCOE est de 6,6
cents USD/kWh, ce qui l’ordre de grandeur de la valeur pour une centrale de
géothermie EGS arrivée à maturité. Or, le temps que cette technologie arrive à
maturité, disons dans 30 ans, le coût des combustibles fossiles aura certainement
continué à augmenter. Cela rendra par conséquent la géothermie compétitive. Mais
pour qu’elle le soit dans 30 ans, il faut que les investissements nécessaires au
développement de la filière se fassent aujourd’hui.
25
Figure 3-3- LCOE pour 6 projets différents selon le modèle du MIT
Figure 3-4- LCOE estimés pour diverses énergies (centrale entrant en fonction en 2016) (Energy Information Administration, Annual Energy Outlook 2011)
26
3.3. Les aides et le financement
Comme nous venons de le souligner, si nous souhaitons que la géothermie se
développe, et en particulier la géothermie profonde EGS ou géothermie profonde
stimulée, il faut que les pouvoirs publics incitent en ce sens, voire qu’ils
subventionnent de la R&D dans ce secteur. La Figure 3-5 donne un aperçu des pays
du monde qui consacrent le plus de fonds de R&D pour la géothermie, au prorata du
nombre d’habitants du pays. Nous remarquons que ce sont de petits pays peu peuplés
qui sont en largement en tête, puis vient l’Allemagne en troisième position. La France
se situe juste devant les États-Unis, en 6ème position, et ce, grâce au projet de Soultz
en Alsace.
Figure 3-5 - Montants de R&D publique investis en moyenne entre 2006 et 2009 en géothermie, en dollars par tête (AIE Mai 2011)
Lorsqu’il s’agit de financement public, le document de GEOFAR ((GEOFAR) 2009)
fournit une analyse détaillée des différents instruments mis en place dans les divers
pays d’Europe, ainsi qu’une comparaison dans ces pays. Comme le montre la Figure
3-6, le pays où le tarif de rachat est le plus élevé est l’Allemagne, suivi par l’Italie
puis la France métropolitaine avec un tarif de 12 c€/kWh. Pour qu’un projet soit
rentable, il faut donc que le tarif de rachat surpasse le LCOE. D’autre point de vue,
nous pouvons dire qu’il faut que le taux d’actualisation du projet résultant de
l’égalisation entre le LCOE (fonction du taux r) et le tarif de rachat soit au minimum
27
positif, ce qui assure la rentabilité du projet. Dans les faits, il faut que ce taux
permette une juste rémunération, tout en prenant en compte l’inflation.
Ainsi, cela laisse peut de marge de manœuvre, étant donné que le LCOE de la
géothermie profonde EGS se trouve entre 10,3 à 74,7 cents USD/kWh. Par ailleurs,
cette situation de différentiel entre l’Allemagne et la France peut poser des
problèmes, puisque la centrale de Soultz se trouve à proximité de la frontière, et qu’il
pourrait donc paraitre plus intéressant d’installer une centrale EGS dans la même
région mais du côté allemand que du côté français, ce qui créerait une distorsion.
Figure 3-6- Comparaison des tarifs de rachat de l’électricité géothermale dans les différents pays cibles de GEOFAR ((GEOFAR) 2009)
En plus de ce système de tarif de rachat obligatoire, d’autres instruments incitatifs
existent, et sont récapitulés dans le tableau de l’Annexe 2, issu du rapport de
GEOFAR ((GEOFAR) 2009).
D’un point de vue plus générale, il semblerait souhaitable que l’Union Européenne
adopte une politique homogène de promotion des EnR en son sein, en harmonisant les
différentes politiques existantes à l’heure actuelle. L’harmonisation des politiques
semble cohérente avec la politique énergétique et climatique de l’Union, qui se traduit
par l’adoption du paquet « énergie-climat ».
28
CONCLUSION
La géothermie est une source d’énergie qui peut être employée directement sous forme
de chaleur (en injectant cette chaleur dans un réseau ou en consommant in situ cette
chaleur) ou bien servir à produire de l’électricité. C’est cette dernière hypothèse qui a
été étudiée dans ce document. En particulier, nous nous sommes intéressés ici à la
géothermie profonde stimulée, car elle offre un potentiel bien plus conséquent que la
géothermie des aquifères, et ne pose pas autant de problèmes relatifs à la
contamination des nappes phréatiques. Cette technique nécessite la création d’un
échangeur naturel, en fracturant la roche de manière hydraulique. C’est une
technologie qui commence à se développer, et qui nécessite, du fait de son stade de
maturité, d’investissements et de soutien publics importants.
Forces
• R&D déjà bien avancée
• Structuration du tissu social
• EnR non intermittente
• Ressource quasi illimitée
• Faible impact
environnemental
Faiblesses
• Fracturation hydraulique ou
stimulation chimique
• Coût de l'exploration
• Incertitude sur le potentiel
• Pollution thermique
• EnR très capitalistique
Opportunités
• Appel à Manifestation
d'Intérêt (AMI ADEME)
• Mutualisation des efforts de
R&D (pétroliers et CCS)
• matériel de forage onshore
disponible
• Potentiel réparti
• Technologie exportable
Menaces
• Acceptabilité (cf CCS)
• désintéressement de la
contrainte énergie-climat du
fait de la conjoncture
• Forte récession
• Abandon de l'AMI
29
BIBLIOGRAPHIE
(GEOFAR), Geothermal Finance and Awareness in european Regions. “Instruments
financiés dédiés aux projets de géothermie profonde.” 2009.
AIE. “Technology Roadmap:Geothermal Heat and Power.” Mai 2011.
EPRI, Electric Power Research Institute. “Geothermal Power : Issues, Technologies,
and Opportunities for Research, Development, Demonstration and Deployment.”
Février 2010.
GIEC. “Special Report on Renewable Energy Sources and Climate Change
Mitigation.” 2011.
Huenges, Ernst, and Patrick Ledru. Geothermal Energy Systems: Exploration,
Development, and Utilization. John Wiley & Sons, juin 2010.
panel, MIT-led Interdisciplinary. "The Future of Geothermal Energy : Impact of
Enhanced Geothermal Systems (EGS) on the US in the 21st century." 2006.
Sanyal, Subir K., James W. Morrow, and Steven J. Butler. “Is EGS commercially
feasible?” GRC Transactions, 2007.
30
ANNEXES
Annexe 1- Risques et coûts des différentes phases de développement d'un projet de géothermie profonde