Les fluences verbales : aspects théoriques et nouvelles approches

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F. Gierski A-M. Ergis Les fluences verbales : aspects théoriques et nouvelles approches In: L'année psychologique. 2004 vol. 104, n°2. pp. 331-359. Résumé Résumé Les fluences verbales permettent d'évaluer l'intégrité du stock lexico-sémantique et les processus stratégiques de récupération des mots en mémoire à long terme en considérant le nombre de mots produits appartenant à une catégorie sémantique ou commençant par une lettre donnée dans un temps limité. Toutefois, les seules données quantitatives ne rendraient pas suffisamment compte de la complexité des processus cognitifs mis en jeu dans ce type de tâche. Pour ces raisons, Troyer et al. (1997) ont proposé une nouvelle méthode d'analyse des fluences verbales basée sur les aspects qualitatifs. L'objectif de cet article est de faire un état des lieux des connaissances actuelles sur les fluences verbales, de présenter la méthode développée par Troyer et collaborateurs, ainsi que les limites de cette méthode. L'accent est mis sur l'apport des données neuropsychologiques dans la compréhension des mécanismes cognitifs et neurobiologiques sous-jacents. Mots clés : fluence verbale, analyse qualitative, regroupement, switching. Abstract Summary : Verbal fluency: Theoretical considerations and new approaches Verbal fluency tasks are frequently used in neuropsychological examinations in order to assess semantic storage integrity and strategic word retrieval in long term memory. Performance is usually analyzed in terms of the total number of correct words belonging to a given semantic category or beginning with a given letter generated in a limited time. However, a quantitative analysis of performance may not fully capture the complexity of the underlying cognitive processes. To address this issue, Troyer et al. (1997) proposed a qualitative analysis method based on the distinction between two dissociable components of fluency performance : « clustering » and « switching ». The aim of the present paper is to review the literature about verbal fluency and to present the method elaborated by Troyer and colleagues, as well as its limitations. The contribution of recent neuropsychological findings in understanding the cognitive and neurobiological mechanisms underlying these tasks is emphasized. Key words : verbal fluency, qualitative analysis, clustering, switching. Citer ce document / Cite this document : Gierski F., Ergis A-M. Les fluences verbales : aspects théoriques et nouvelles approches. In: L'année psychologique. 2004 vol. 104, n°2. pp. 331-359. doi : 10.3406/psy.2004.29670 http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/psy_0003-5033_2004_num_104_2_29670

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F. GierskiA-M. Ergis

Les fluences verbales : aspects théoriques et nouvellesapprochesIn: L'année psychologique. 2004 vol. 104, n°2. pp. 331-359.

RésuméRésuméLes fluences verbales permettent d'évaluer l'intégrité du stock lexico-sémantique et les processus stratégiques de récupérationdes mots en mémoire à long terme en considérant le nombre de mots produits appartenant à une catégorie sémantique oucommençant par une lettre donnée dans un temps limité. Toutefois, les seules données quantitatives ne rendraient passuffisamment compte de la complexité des processus cognitifs mis en jeu dans ce type de tâche. Pour ces raisons, Troyer et al.(1997) ont proposé une nouvelle méthode d'analyse des fluences verbales basée sur les aspects qualitatifs. L'objectif de cetarticle est de faire un état des lieux des connaissances actuelles sur les fluences verbales, de présenter la méthode développéepar Troyer et collaborateurs, ainsi que les limites de cette méthode. L'accent est mis sur l'apport des donnéesneuropsychologiques dans la compréhension des mécanismes cognitifs et neurobiologiques sous-jacents.Mots clés : fluence verbale, analyse qualitative, regroupement, switching.

AbstractSummary : Verbal fluency: Theoretical considerations and new approachesVerbal fluency tasks are frequently used in neuropsychological examinations in order to assess semantic storage integrity andstrategic word retrieval in long term memory. Performance is usually analyzed in terms of the total number of correct wordsbelonging to a given semantic category or beginning with a given letter generated in a limited time. However, a quantitativeanalysis of performance may not fully capture the complexity of the underlying cognitive processes. To address this issue, Troyeret al. (1997) proposed a qualitative analysis method based on the distinction between two dissociable components of fluencyperformance : « clustering » and « switching ».The aim of the present paper is to review the literature about verbal fluency and to present the method elaborated by Troyer andcolleagues, as well as its limitations. The contribution of recent neuropsychological findings in understanding the cognitive andneurobiological mechanisms underlying these tasks is emphasized.Key words : verbal fluency, qualitative analysis, clustering, switching.

Citer ce document / Cite this document :

Gierski F., Ergis A-M. Les fluences verbales : aspects théoriques et nouvelles approches. In: L'année psychologique. 2004 vol.104, n°2. pp. 331-359.

doi : 10.3406/psy.2004.29670

http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/psy_0003-5033_2004_num_104_2_29670

L'année psychologique, 2004, 104, 331-360

Laboratoire de Psychologie Clinique et de Psychopathologie* L Université René ( Descartes, Paris V,

Service de Psychiatrie des Adultes, Hôpital Robert- Debré**2 Centre Hospitalier Universitaire de Reims

LES FLUENCES VERBALES :

ASPECTS THÉORIQUES

ET NOUVELLES APPROCHES

Fabien GlERSKI*1- **2 et Anne-Marie ErGIS*3

SUMMARY : Verbal fluency: Theoretical considerations and new approaches

Verbal fluency tasks are frequently used in neuropsychological examinations in order to assess semantic storage integrity and strategic word retrieval in long term memory. Performance is usually analyzed in terms of the total number of correct words belonging to a given semantic category or beginning with a given letter generated in a limited time. However, a quantitative analysis of performance may not fully capture the complexity of the underlying cognitive processes. To address this issue, Troyer et al. (1997) proposed a qualitative analysis method based on the distinction between two dissociable components of fluency performance : « clustering » and « switching ».

The aim of the present paper is to review the literature about verbal fluency and to present the method elaborated by Troyer and colleagues, as well as its limitations. The contribution of recent neuropsychological findings in understanding the cognitive and neurobiological mechanisms underlying these tasks is emphasized.

Key words : verbal fluency, qualitative analysis, clustering, switching.

1. Institut de Psychologie, 71, avenue Edouard-Vaillant, 92100 Boulogne- Billancourt.

2. Avenue du Général-Koenig, 51092 Reims Cedex. 3. E-mail : [email protected].

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1. INTRODUCTION

Les tâches de fluences verbales sont couramment utilisées en neuropsychologie, elles permettent d'évaluer de façon rapide l'intégrité du stock lexico-sémantique et les processus stratégiques de récupération des mots en mémoire. La procédure habituelle consiste à demander au sujet la production du plus grand nombre de mots possible obéissant à un critère en un temps limité.

On distingue classiquement deux types de tâches : les tâches de fluences littérales et les tâches de fluences sémantiques. Les premières, également appelées phonémiques, phonologiques ou formelles, requièrent du sujet de donner le plus possible de mots de la langue commençant par une lettre donnée. Le sujet réalisant ce type de tâche doit dpnc rechercher activement des mots qui commencent par cette lettre et inhiber les autres mots. Dans les tâches de fluences sémantiques ou catégorielles, on demande au sujet d'évoquer le plus possible de mots appartenant à une catégorie sémantique donnée. Ces deux types de tâches se distingueraient sur de nombreux points. De nombreuses données issues de la psychologie cognitive indiquent qu'elles ne sont pas sensibles aux mêmes manipulations expérimentales. De plus, des données obtenues auprès de patients d'étio- logies diverses et en imagerie cérébrale fonctionnelle tendent à montrer que la performance dans les tâches de fluences littérales serait davantage dépendante du lobe frontal, alors que la performance dans les tâches de fluences sémantiques serait davantage dépendante du lobe temporal. Toutefois, il semble que cette simple dichotomie ne rend pas suffisamment compte de la complexité des processus impliqués. C'est pourquoi des études récentes se sont intéressées non plus aux tâches uniquement, mais aux processus cognitifs mis en jeu dans la réalisation de ces tâches. Parmi celles-ci, les travaux réalisés par Troyer et ses collaborateurs constituent vraisemblablement l'approche la plus aboutie. Selon Troyer, Moscovitch et Wino- cur (1997) seul un examen qualitatif des productions permet de clarifier la nature précise d'un déficit. Ces auteurs ont donc proposé l'utilisation d'une méthode d'analyse qualitative des fluences verbales portant sur deux processus : le « clustering » ou regroupement, correspondant à la production de mots appartenant à des sous-catégories sémantiques ou phonémiques et le « switching », correspondant à la capacité de passer d'un regroupement à l'autre. Le regroupement impliquerait des processus temporaux tels que la mémoire verbale sémantique et le lexique phonologique, alors que le switching impliquerait des processus dépendant du lobe frontal tels que la flexibilité mentale, les processus stratégiques de recherche et le « shifting ».

Cet article se propose de faire le point sur les connaissances actuelles sur les fluences verbales, de présenter la méthode développée par Troyer et

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collaborateurs ainsi que les résultats des travaux venus la valider, mais aussi de soulever les limites de cette méthode. L'accent est mis sur l'apport des données neuropsychologiques dans la compréhension des mécanismes cognitifs et neurobiologiques sous-jacents.

2. FACTEURS EXPÉRIMENTAUX ET FLUENCES VERBALES

Critères de production sémantique et littérale

Habituellement, dans les tâches de fluences littérales, les auteurs anglophones utilisent consécutivement les lettres F, A et S (Tombaugh, Kozak et Rees, 1999). Ils additionnent généralement les performances des trois critères afin de déterminer un score global. Cela n'est pas le cas dans la plupart des études francophones où les auteurs utilisent, par exemple, les lettres P, R et V isolément (Cardebat, Doyon, Puel, Goulet et Joanette, 1990). L'utilisation de différentes lettres permettrait de déterminer le niveau de difficulté de la tâche, le nombre de mots produits dans un temps donné pouvant être différent selon la lettre proposée. Cet effet avait été mis en évidence très tôt par Borkowski, Benton et Spreen (1967) qui avaient demandé à des sujets anglophones de réaliser des tâches de fluences pour chacune des lettres de l'alphabet, excepté pour les lettres X et Z. Ces auteurs avaient distingué trois groupes des lettres caractérisées par des niveaux de performance différents et en avaient inféré des niveaux de difficulté : les lettres difficiles (Q, J, V, Y, K, U), de difficulté moyenne (I, O, N, E, G, L, R), et les lettres faciles (H, D, M, W, A, B, F, P, T, C, S) pour lesquelles les sujets avaient obtenu la performance la plus élevée.

Pour la réalisation de tâches de fluences sémantiques, les auteurs ont utilisé différentes catégories telles que par exemple, les animaux, les fruits, les meubles, les outils, ou les articles de supermarché. La catégorie la plus fréquemment utilisée dans la littérature étant semble-t-il celle des animaux (Tombaugh et al., 1999).

On considère classiquement les tâches sémantiques comme étant plus simples à réaliser par le sujet que les tâches littérales. Effectivement, dans l'étude de Cardebat et al. (1990) effectuée auprès de 168 sujets francophones répartis en fonction du sexe, de l'âge et du niveau socio-culturel, les auteurs ont mis en évidence une différence significative entre la performance pour les critères sémantique « animaux » et « lettre P », mais pas de différence pour le critère « lettre R » et la catégorie sémantique « fruits ». Selon ces auteurs, le niveau de performance pour un critère donné serait proportionnel au nombre d'items disponibles dans la langue. Ils soulignent également le statut particulier du critère « animaux » pour lequel le nombre de productions est nettement plus élevé que les autres critères

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qu'ils soient sémantiques ou littéraux. L'hypothèse d'un surapprentissage de ce champ sémantique particulier dès l'enfance et du grand nombre d'items et de sous-champs sémantiques le composant a été avancée par ces auteurs. La difficulté de la tâche ne serait donc pas directement en relation avec le critère sémantique ou littéral mais proportionnelle au nombre d'items disponibles ; ces caractéristiques étant différentes selon le critère et, comme nous le verrons, selon le niveau d'étude, et selon l'intégrité et/ou l'accessibilité du stock mnésique.

Temps de passation

Dans leur forme classique, les tâches de fluences verbales font intervenir la notion de temps limité. Cette contrainte temporelle est déterminée à l'avance par l'expérimentateur et fixe la durée pendant laquelle le sujet devra produire le plus de mots possibles correspondants au critère fourni. Crowe (1998) s'est intéressé à l'analyse quantitative et qualitative des mots produits en fonction du temps. Cet auteur a proposé à des sujets jeunes des tâches de fluences sémantiques et littérales réalisées sur une minute en relevant les productions par paliers de 15 secondes. Deux types de catégories étaient proposés pour chaque tâche, celles dont le champ est important comme « fruits » et « animaux » pour les fluences sémantiques et les lettres F, A et S pour les fluences littérales ; et celles dont le champ est réduit comme « pierres précieuses » et la lettre Z. Les résultats ont montré, sur le plan quantitatif, une production plus importante du nombre de mots dans les 15 premières secondes, une diminution du nombre de mots en fonction du temps et, sur le plan qualitatif, une diminution de la typicalité des mots produits dans les tâches sémantiques et de la fréquence moyenne d'occurrence dans la langue des mots produits dans les tâches littérales en fonction du temps. Ces résultats étaient présents pour toutes les conditions expérimentales et suggèrent, selon cet auteur, que les réseaux sémantiques et lexicaux font partie d'un même système dont les éléments fréquents et typiques sont plus facilement accessibles. La diminution concomitante du nombre de mots et de leur fréquence d'occurrence ou de leur typicalité en fonction du temps aurait pour origine le fait que la recherche active de mots moins fréquents ou moins typiques de leur catégorie serait plus difficile et donc plus longue. Les mots plus fréquents et plus typiques étant produits en début de tâche.

Des études sur de longues durées (15 ou 30 minutes) indiquent que la production de mots ne se distribuerait uniformément sur la période allouée mais tendrait à être marquée par la survenue rapide de groupes de mots entrecoupée de longues périodes de silence (Bousfield et Sedgewick, 1944). Dans les tâches sémantiques, les mots d'un même regroupement tendraient à être sémantiquement reliés (Gruenewald et Lockhead, 1980). C'est à partir de ces constatations que Troyer et al. (1997) ont proposé de distinguer les deux composantes des fluences verbales reflétant la mise en œuvre de processus distincts : le « clustering » et le « switching ».

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Connaissances verbales et niveau d'études

Les connaissances verbales sont importantes pour la performance dans les tâches de fluences verbales, et il est raisonnable de penser que des connaissances plus étendues vont permettre de sélectionner des mots à partir d'un échantillon plus important (Ruff, Light, Parker et Levin, 1997). C'est pourquoi le niveau d'éducation va avoir un rôle majeur. Des arguments en ce sens nous sont apportés par les études normatives chez des sujets sains, qui mettent en évidence un effet global du niveau d'étude se caractérisant par une performance plus élevée chez les sujets de meilleur niveau (voir par exemple : Cardebat et al., 1990 ; Ruff, Light et Parker, 1996 ; Tombaugh et al., 1999). Mais l'effet des connaissances verbales se retrouve également, selon Ruff et al. (1997), à un niveau intra-individuel dans le fait que la performance varie en fonction de la lettre dans les tâches littérales : la différence de fréquence d'occurrence dans la langue de mots débutant par telle ou telle lettre aurait pour effet de réduire la taille du lexique disponible et par voie de conséquence la performance des sujets.

Concernant les tâches de fluences sémantiques, des arguments en faveur d'un effet du niveau d'éducation ont également été apportés par les études normatives chez des sujets sains (voir par exemple : Cardebat et al., 1990 ; Tombaugh et al., 1999). Néanmoins, Capitani, Laiacona et Barbarotto (1999) suggèrent que les connaissances que possède un sujet sur un thème donné sont très variables et seraient dépendantes de variables autobiographiques et de l'exposition à tel ou tel champ sémantique. Selon ces auteurs, les expériences individuelles ont une influence majeure sur le rappel des éléments d'une catégorie déterminée dans une tâche de fluence verbale. Cette hypothèse est compatible avec celle avancée par Cardebat et al. (1990) qui suggéraient un sur apprentissage de la catégorie des animaux pour expliquer la performance très élevée observée dans cette tâche. D'après cela, on peut supposer, par exemple, qu'un jardinier sera meilleur qu'un ébéniste dans une épreuve où la consigne consistera à donner le plus possible de noms de fruits, réciproquement ce dernier devrait être meilleur dans une épreuve où le critère fourni sera la catégorie des meubles.

Une étude réalisée par Ratcliff, Ganguli, Chandra, Sharma, Belle, Sea- berg et Panda v (1998) a permis de distinguer le rôle singulier de l'éducation sur les deux types de fluences verbales. Ces auteurs ont étudié la performance dans les tâches de fluences verbales de sujets de faible niveau d'étude d'une région rurale du nord de l'Inde. Ils ont demandé à ces sujets de fournir d'une part, le plus possible de noms d'animaux et de fruits et d'autre part, le plus de mots possibles commençant par des sons (/p/ et /s/) et non des lettres en raison du fort taux d'illettrisme dans cette région. Les résultats ont mis en évidence un effet différentiel du niveau d'étude sur la performance en fluence verbale sémantique et littérale, celui-ci ayant un effet plus important en fluence littérale qu'en fluence sémantique. La per-

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formance dans la tâche de fluence littérale serait plus directement liée au niveau d'étude par l'implication de l'alphabétisation sur les processus de segmentation phonémique.

Sexe des sujets

Les caractéristiques liées au sexe des sujets font également partie des variables supposées jouer un rôle dans la performance aux épreuves de fluences verbales. La supériorité de la femme dans les épreuves verbales opposée à celle des hommes dans les épreuves visuo-spatiales a été suggérée au vu d'un certain nombre d'études (voir par exemple : Kimura, 1996). Toutefois, dans les épreuves de fluences verbales, l'avantage pour les femmes n'est pas toujours retrouvé (Tombaugh et al., 1999). De plus, des différences dépendantes du critère ont été relevées, Cardebat et al. (1990) ont ainsi observé un effet significatif du sexe au bénéfice des femmes pour les épreuves catégorielles sémantiques correspondant aux critères « meubles » et « fruits ». Le même résultat pour ce dernier critère a également été observé par Capitani et al. (1999) qui ont retrouvé un effet inverse pour la catégorie sémantique des outils. Selon ces auteurs, l'hypothèse d'expériences autobiographiques différentes caractérisées par une plus grande exposition à une catégorie ou à une autre permettrait d'expliquer ces différences.

Les différences catégories-dépendantes liées au sexe pourraient donc correspondre à des épiphénomènes sociaux (Cardebat et al., 1990). Néanmoins, de façon générale, les hormones sexuelles, ou même l'orientation sexuelle (Kimura, 1996), semblent également jouer un rôle dans le niveau de performance des sujets. Ainsi, Maki, Rieh et Shayna-Rosenbaum (2002) ont mis en évidence une modification significative de la performance dans les épreuves de fluences verbales d'un groupe de femmes jeunes (18-28 ans) selon la période du cycle menstruel. La performance était meilleure en milieu de phase lutéale, lorsque les taux d'oestrogènes et de progestérone sont élevés, et plus faible en période folliculaire où ces taux sont au plus bas. Le profil inverse de performance avait été observé dans une épreuve de rotation mentale, suggérant qu'il ne s'agissait pas d'un effet global. Chez l'homme, Wolf, Preut, Hellhammer, Kudielka, Schuermeyer et Kirschbaum (2000) ont mis en évidence un effet délétère d'une injection de 250 mg de testosterone sur la performance en fluence verbale d'un groupe de sujets âgés. Toutefois, lors de l'administration de doses supra- physiologiques à des sujets sains, O'Connor, Archer, Hair et Wu (2001) ont observé une amélioration de la performance. L'influence de la testosterone sur les fonctions cognitives ne serait donc pas univoque et pourrait être dose-dépendante .

L'influence positive et négative sur la performance en fluence verbale des hormones sexuelles permettrait de rendre compte, au moins en partie, des différences observées entre hommes et femmes. Néanmoins, des carac-

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téristiques fonctionnelles (Capitani et al., 1999) et/ou structurales (voir par exemple : Schlaepfer, Harris, Tien, Peng, Lee et Pearlson, 1995) pourraient également être liées à cette différence ; mais l'on retiendra de ces études la rapidité d'action des hormones sexuelles.

3. STRUCTURES CEREBRALES ET FLUENCES VERBALES

L'hypothèse selon laquelle la réalisation de tâches de fluences verbales sémantiques et littérales mettrait en œuvre des structures cérébrales distinctes semble maintenant bien établie. Ainsi, la réalisation d'une tâche de fluence littérale impliquerait davantage la mise en œuvre de processus de recherche stratégiques dépendants du lobe frontal alors que la réalisation d'une tâche sémantique impliquerait davantage les connaissances sémantiques dépendantes du lobe temporal. Martin, Wiggs, Lalonde et Mack (1994) ont testé cette hypothèse en demandant à des sujets d'effectuer des tâches de fluences en situation d'interférence et sans interférence. Deux tâches d'interférence étaient proposées, une tâche motrice supposant activer le lobe frontal (réalisation de séquences complexes avec les doigts) et une tâche de décision d'objet, utilisée pour activer le cortex temporal postérieur. Les résultats ont montré une réduction plus importante de la performance dans la tâche de fluence littérale lors de l'exécution concomitante de la tâche motrice que lors de la tâche de décision d'objet. À l'inverse, la tâche de fluence sémantique était davantage perturbée par la tâche de décision d'objet.

De nombreux travaux s'appuyant sur la méthode de correspondance anatomo-clinique chez des patients cérébro-lésés, ou utilisant des techniques d'imagerie cérébrale chez les sujets sains sont venus soutenir cette hypothèse. Nous proposons d'examiner, à partir d'une revue non exhaustive de la littérature, les résultats des principales études.

Profils de performance des patients avec lésions cérébrales focales

En présence de lésions du lobe frontal, une réduction de la performance dans les tâches de fluences verbales est souvent associée à une atteinte bilatérale ou unilatérale gauche (Janowsky, Shimamura, Kritchevsky et Squire, 1989 ; Stuss, Alexander, Hamer, Palumbo, Dempster, Binns, Levine et Izukawa, 1998). Ces patients présenteraient une réduction de la performance dans les deux types de fluences verbales. Néanmoins, celle-ci serait plus importante dans les tâches de fluences verbales littérales que sémantiques (Coslett, Bowers, Verfaellie et Heilman, 1991 ; Baldo, Shimamura, Delis, Kramer et Kaplan, 2001). Par contre, les données concernant les lésions frontales unilatérales droites sont moins claires : elles montrent

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soit une préservation (Tucha, Smely et Lange, 1999) soit une diminution de la performance dans les tâches de fluences littérales (Miceli, Caltagirone, Gainotti, Masullo et Silveri, 1981 ; Butler, Rorsman, Hill et Tuma, 1993). Les performances dans les tâches sémantiques semblent préservées dans la plupart des études, sauf exception (voir Goulet, Joanette, Sabourin et Giroux, 1997 ; Joanette et Goulet, 1986).

Par ailleurs, il semblerait que les patients présentant une lésion au niveau des lobes temporaux obtiennent de meilleures performances que les patients ayant une lésion frontale dans les tâches de fluences littérales (Corcoran et Upton, 1993). En revanche, ces auteurs n'ont pas retrouvé le profil inverse pour les fluences sémantiques, les deux groupes présentant une production déficitaire. La latéralisation des lésions semble également jouer un rôle sur le profil de performance de ces patients. Un déficit dans les tâches de fluences littérales a été observé à la fois chez des patients présentant une lésion temporale droite et chez des patients présentant une lésion temporale gauche, ces derniers obtenant les scores les plus faibles (Martin, Loring, Meador et Lee, 1990). La performance dans les tâches de fluences sémantiques serait également déficitaire chez ces patients (Martin et al., 1990 ; Loring, Meador et Lee, 1994), et de manière plus marquée chez ceux présentant une lésion temporale gauche (Martin et al., 1990 ; Tröster, Warmflash, Osorio, Paolo, Alexander et Barr, 1995).

Jokeit, Heger, Ebner et Markowitsch (1998) ont examiné la performance de patients non-aphasiques ayant une lésion temporale gauche ou droite dans des tâches de fluences verbales sémantiques et littérales. Les critères correspondaient aux lettres B, F, L et aux catégories sémantiques des animaux, outils, articles de supermarché, meubles, attributs visuels (forme, couleur, taille...). Le résultat global était comparable entre les deux groupes. Toutefois, les patients avec lésion gauche avaient des performances inférieures en fluences littérales et pour la catégorie des animaux, alors que les patients avec lésion droite avaient des performances inférieures pour les outils et les mots se référant à des attributs visuels. Enfin, il n'y avait pas de différence entre les groupes pour les articles de supermarché et les meubles. Les auteurs concluent que les lésions du lobe temporal peuvent produire un déficit catégorie-spécifique dépendant de l'hémisphère lésé. En* plus de cette distinction hémisphérique, une étude récente a mis en évidence l'importance de l'intégrité de l'hippocampe dans le profil de performance des patients présentant une lésion ou un foyer épileptique temporal : Gleissner et Elger (2001) ont observé une réduction plus importante de la performance dans les tâches de fluences verbales sémantiques que littérales lorsque la lésion concernait l'hippocampe par rapport à ceux dont la lésion n'impliquait pas cette structure. De plus, lors de lésion temporale gauche, la performance dans les fluences verbales était déficitaire indépendamment de la détérioration de l'hippocampe. À l'inverse la performance des patients ayant une lésion droite était déficitaire uniquement lorsque l'hippocampe était lésé.

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Le profil des patients cérébro-lésés se révèle complexe et semble davantage lié à des facteurs tels que la latéralisation, la taille de la lésion ou sa localisation précise. Des différences importantes apparaissent néanmoins au niveau des processus. Selon Baldo et Shimamura (1998), les patients frontaux présenteraient un déficit dans l'organisation et la mise en œuvre de stratégies de recherche des mots en mémoire. Au contraire, les patients ayant des lésions temporales présenteraient une détérioration du stock sémantique (Tröster et al., 1995).

Profils de performance dans les pathologies neurodégénératives

De nombreuses études ont souligné la réduction du nombre de mots générés dans les tâches de fluences verbales des patients souffrant de maladie d'Alzheimer (voir par exemple : Salmon, Heindel et Lange, 1999 ; Lambon-Ralph, Powell, Howard, Whitworth, Garrard et Hodges, 2001). Il semble actuellement admis que le déficit est plus marqué dans les tâches de fluences sémantiques que dans les tâches de fluences littérales (Pasquier, Lebert, Grymonprez et Petit, 1995 ; Salmon et al., 1999), toutefois ces résultats n'ont pas toujours été observés (Sherman et Massman, 1999). La détérioration du stock sémantique et/ou la difficulté d'accès à celui-ci permettrait d'expliquer ce profil de résultats. Les patients Alzheimer sont d'une part peu aidés lorsqu'une sous-catégorie leur est fournie, par exemple pour le critère « animaux » : animaux domestiques, animaux de la ferme... (Randolph, Braun, Goldberg et Chase, 1993), d'autre part, lors de la génération des mots, ils tendent à produire moins d'exemplaires d'une catégorie (Martin et Fedio, 1983 ; Ober et al., 1986). De plus, Salmon et al. (1999) ont mis en évidence un déclin différentiel de la performance aux épreuves de fluences verbales en fonction de la progression de la maladie. Dans le cadre d'un suivi sur quatre ans de patients, ces auteurs ont observé une réduction plus importante de la performance pour les tâches de fluences sémantiques que pour les tâches de fluences littérales lors de la progression de la maladie. Selon ces auteurs, la progression des lésions neuronales histolo- giques au niveau des cortex associatifs temporaux et pariétaux dans la maladie d'Alzheimer permettrait d'expliquer le profil de performance des patients par une perte de l'accès et/ou du stock sémantique. Toutefois, le rôle de l'hippocampe, mis en évidence chez les patients épileptiques par Gleissner et Ugler (2001), pourrait également être envisagé d'autant que les lésions précoces dans la maladie d'Alzheimer se situeraient au niveau para- hippocampique et hippocampique (Duyckaerts, Colle, Dessi, Grignon, Piette et Haw, 1998) et que le déficit spécifique dans les tâches de fluences sémantiques s'observerait avant même que le diagnostic ne soit établi : deux ans avant, selon Nielsen, Lolk, Andersen, Andersen et Kragh- Sorensen, 1999.

Chez les patients souffrant de démence fronto-temporale (DFT) les études soulignent un déficit dans les tâches de fluences verbales se manifestant

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aussi bien en fluence littérale que sémantique (Pasquier, 1994 ; Thomas- Antérion, Grangette, Ozanne et Laurent, 1998). Plusieurs auteurs ont observé que les fluences littérales et sémantiques étaient altérées dans les mêmes proportions (Hodges, Salmon et Butters, 1990 ; Pasquier et al., 1995), alors que d'autres ont observé une détérioration plus importante en fluence littérale (Thomas- Antérion et al., 1998). Ces auteurs ont mis en évidence une augmentation du nombre de répétitions et une diminution du nombre de mots sous-ordonnés produits par les patients avec DFT, et ont également montré que la diminution de la production en fluence littérale en début de maladie était plus importante chez les patients avec DFT que chez ceux avec maladie d' Alzheimer. Cependant, cette dissociation entre les deux pathologies n'a pas été retrouvée dans d'autres études (Pasquier et Lebert, 1995). Les résultats de ces études montrent que les performances des patients dans des tâches de fluence catégorielle ne permettent pas de distinguer entre DFT et maladie d'Alzheimer (Binetti, Locascio, Corkin, Vonsattel et Growdon, 2000 ; Perry et Hodges, 2000). Ce déficit en fluence littérale pourrait être dû à des difficultés d'initiation, d'attention et de maintien de la consigne en mémoire de travail, alors que la diminution de performance en fluence sémantique pourrait refléter l'utilisation inefficace des connaissances sémantiques en relation avec un trouble attentionnel et/ou un défaut d'accès à ces connaissances sémantiques (Hartman, 1991 ; Cronin-Golomb, Keane, Kokodis, Corkin et Growdon, 1992).

Un déficit dans les épreuves de fluences verbales a également été observé chez les patients souffrant de maladie de Parkinson. Ce déficit serait plus important chez les patients parkinsoniens déments que chez les patients non déments, mais les profils ne seraient pas directement comparables (Cummings, Darkins, Mendez, Hill et Benson, 1988 ; Beatty, Staton, Weir, Monson et Whitaker, 1989). Chez les patients parkinsoniens déments, on observe une réduction de la performance dans les tâches de fluences verbales littérales et sémantiques (Epker, Lacritz et Munro- Cullum, 1999 ; Piatt, Fields, Paolo, Koller et Tröster, 1999). Ces patients présenteraient, selon Epker et al. (1999), le même profil que celui observé dans la maladie d'Alzheimer.

En revanche, pour les patients parkinsoniens non déments, le profil de performance apparaît plus controversé. Certains auteurs ont observé des performances comparables aux performances des sujets contrôles (Beatty et al., 1989 ; Piatt et al., 1999). D'autres ont observé un déficit dans les tâches de fluences sémantiques mais pas dans les tâches de fluences littérales (Auriacombe, Grossman, Carvell, Gollomp, Stern et Hurtig, 1993 ; Raskin, Sliwinski et Borod, 1992). Toutefois, Epker et al. (1999) ont constaté le profil inverse. Enfin, un déficit dans les deux types de tâches a également été retrouvé (Bayles, Trosset, Tomoeda, Montgomery et Wilson, 1993 ; Flowers, Robertson et Sheridan, 1996), mais pourrait être en rapport avec une détérioration intellectuelle plus générale d'une partie ou de la totalité des patients (Azuma, Bayles, Cruz, Tomoeda, Wood, McGeagh et Montgo-

Les ßuences verbales 341

mery, 1997). Et cela, d'autant plus qu'une relation claire a été établie entre la performance en fluence verbale et l'évolution de la maladie vers la démence (Jacobs, Marder, Cote, Sano, Stern et Mayeux, 1995 ; Mahieux, Fenelon, Flahaut, Manifacier, Michelet et Boiler, 1998). Le déficit des patients Parkinson serait le reflet de difficultés spécifiques dans les processus de recherche et de récupération des mots en mémoire et serait en rapport avec l'effet de la maladie sur la connectivité entre les régions corticales associatives et les régions préfrontales (Beatty et al., 1989). Ainsi, Randolph et al. (1993) ont montré que lorsqu'on fournissait à des patients Parkinson, déficitaires dans une tâche de fluence sémantique, des indices de récupération, leur performance était à nouveau comparable à celle du groupe contrôle.

La performance dans les tâches de fluences verbales dans la maladie de Huntington a été moins étudiée, vraisemblablement parce que les résultats observés sont homogènes et soulignent le déficit massif de ces patients dans les deux types de fluences (Rosser et Hodges, 1994 ; Ergis, Bachoud-Lévi, Boissé, Dalla-Barba, Bartolomeo, Gely-Nargeot et Degos, 1998). Ce déficit progresse en fonction de l'évolution de la maladie aussi bien pour les fluences littérales que pour les fluences sémantiques (Bachoud-Lévi, Maison, Bartolomeo, Boissé, Dalla Barba, Ergis, Baudic, Degos, Césaro et Peschanski, 2001 ; Ho et al., 2002). Toutefois, il semblerait que la perturbation de la performance dans les tâches sémantiques soit plus précoce, et présente avant l'apparition des premiers signes moteurs (stade pré-clinique) chez des sujets à risque (Lawrence, Hodges, Rosser, Kershaw, Ffrench-Constant, Rubins- ztein, Robbins et Sahakian, 1998). Il a été suggéré, comme pour la maladie de Parkinson, que le déficit des patients Huntington dans les tâches de fluences verbales soit en grande partie dû à des difficultés dans la mise en œuvre de processus d'initiation et de récupération des mots en mémoire, en raison de déconnexions de circuits frontostriataux (Rosser et Hodges, 1994).

Les profils de performances des patients présentant des pathologies dégénératives corticales et sous-cortico-frontales évoqueraient donc un déficit d'accès et/ou la détérioration du stock sémantique dans la maladie d'Alzheimer, un déficit dans la mise en œuvre de stratégies de recherche active des mots en mémoire dans la chorée de Huntington et chez les patients parkinsoniens non déments. En revanche, dans la démence fronto- temporale le déficit observé aurait une origine multifactorielle associant un déficit des processus d'initiation de recherche en mémoire et une dégradation du stock sémantique.

Profils de performance dans les pathologies psychiatriques

La réduction du nombre de mots générés dans les tâches de fluences verbales des patients souffrant de schizophrénie a été clairement établie (Joyce, Collinson et Crichton, 1996 ; Elvevag, Weinstock, Akil, Kleinman et Goldberg, 2001), et pourrait selon certains auteurs être considéré comme

342 Fabien Gier ski, Anne- Marie Er gis

un marqueur cognitif de la maladie (Dollfus, Lombardo, Bénali, Halbecq, Abadie, Marié et Brazo, 2002). Selon Joyce et ai. (1996) ces patients présenteraient un déficit aussi bien dans les tâches sémantiques que dans les tâches littérales, mais les résultats d'une récente méta-analyse (Bokat et Goldberg, sous presse) indiquent que la performance dans les tâches sémantiques serait davantage affectée que la performance dans les tâches littérales. Toutefois, en utilisant la procédure élaborée par Randolph et al. (1993), Joyce et al. (1996) ont montré que lorsque les patients schizophrènes bénéficiaient d'indices de récupération, leur performance dans la tâche sémantique était à nouveau comparable à celle du groupe contrôle, suggérant que le déficit a pour origine des difficultés d'organisation de la recherche en mémoire sémantique. Selon ces auteurs le profil de performance des patients schizophrènes serait donc comparable à celui de patients présentant des pathologies frontostriatales (Maladie de Parkinson et de Huntington). L'opposition entre un déficit dans l'accès et la recherche d'informations lexicales et sémantiques et un déficit dans l'organisation de la mémoire sémantique est encore actuellement soumise à débat. En outre, la schizophrénie est une pathologie très hétérogène, tant sur le plan clinique que sur le plan cognitif, dont il est difficile de dresser un profil type d'atteinte cognitive. Ainsi, par exemple, selon Johnstone et Frith (1996), le déficit dans les tâches de fluences verbales serait plus important chez les patients présentant une Symptomatologie déficitaire et désorganisée prédominante (ralentissement psychomoteur, troubles du cours de la pensée, dissociation mentale), alors que chez les patients présentant une Symptomatologie positive prédominante (hallucinations, idées délirantes), la performance serait normale ou subnormale.

Plusieurs études ont également mis en évidence une réduction de la performance dans les tâches de fluences verbales dans la dépression. Cette réduction a été observée aussi bien dans les tâches littérales que dans les tâches sémantique (Elliot, Sahakian, McKay, Herrod, Robbins et Paykel, 1996) et serait en relation avec les symptômes cliniques de la maladie tels que le ralentissement psychomoteur et l'alogie ; le stock lexical et sémantique étant semble-t-il préservé (Tariot et Weingartner, 1986). Toutefois, selon Fossati, Le Bastard, Ergis et Allilaire (2003), ces difficultés auraient pour origine un déficit des processus stratégiques de recherche des mots en mémoire associé à une perte de flexibilité cognitive chez ces patients, des études ayant mis en évidence un trouble des fonctions executives en relation avec un hypométabolisme frontal observé en tomographie par émission de positons (voir : Fossati, Ergis et Allilaire, 2002).

Etudes en imagerie cérébrale fonctionnelle

Les techniques d'imagerie cérébrale fonctionnelle constituent une approche complémentaire de la méthode anatomo-clinique classiquement utilisée en neuropsychologique. Les études réalisées chez des sujets volon-

Les fluences verbales 343

taires sains en imagerie cérébrale fonctionnelle ont montré une activation des lobes frontaux et temporaux dans les tâches de fluences verbales. Ces études ont permis de conforter les résultats observés dans les populations de patients cérébrolésés en mettant en évidence une activation différentielle des aires cérébrales selon le type de tâche engagé. Dans leur ensemble, elles soulignent l'implication du lobe frontal gauche dans la réalisation des tâches de fluences littérales et une implication bilatérale ou frontale droite lors de tâches sémantiques. Par exemple, dans une étude réalisée en SPECT, Audenaert, Brans, van Laere, Lahorte, Versijpt, van Heeringen et Dierckx (2000) ont observé un profil d'activation différent entre les deux types de tâches de fluences verbales. La partie postérieure du cortex préfrontal inférieur gauche était activée dans les deux tâches, avec une activation supplémentaire de la partie antérieure du cortex préfrontal inférieur gauche lors de la tâche de fluence sémantique. En revanche, une activation du cortex préfrontal inférieur droit était observée dans la tâche sémantique, mais pas dans la tâche littérale. De la même façon Cardebat, Démonet, Viallard, Faure, Puel et Celsis (1996) ont observé une élévation modérée de l'activité des régions frontales dorsolatérales droites et médio-frontales lors de la tâche de fluence sémantique, en comparaison à la ligne de base, mais n'ont en revanche pas observé d'activation spécifique pour la tâche de fluence littérale. Selon ces auteurs, l'absence d'activation de lobe frontal gauche dans les deux tâches serait en relation avec l'utilisation du paradigme de soustraction des activations et s'expliquerait par l'importante activation de cette région lors de la ligne de base (autorépétition d'un mot). L'activation des régions frontales droites dans la tâche de fluence sémantique, refléterait la mise en œuvre de stratégies de catégorisation.

Wood, Saling, Abbott et Jackson (2001) ont comparé le profil d'activation IRM et le niveau de performance dans une tâche de fluence littérale réalisée en dehors de l'iRM. Ils observent une corrélation entre niveau de performance et l'activation du lobe frontal gauche mais pas du lobe frontal droit. De plus, la performance dans les 30 premières secondes de la tâche était corrélée avec l'activation du cortex frontal inférieur gauche. En revanche, la performance dans les 30 dernières secondes de la tâche était corrélée avec l'activation du cortex frontal médian gauche suggérant une implication différentielle du cortex préfrontal dorsolatéral et ventrolatéral dans les processus cognitifs spécifiques à la production du langage.

Enfin, dans une étude comparant une situation de tâche de fluence sémantique et une situation de tâche de comptage, Pihlajamaki, Tanila, Hanninen, Kononen, Laakso, Partanen, Soininen et Aronen (2000) ont observé une activation de lobe temporal médian gauche, des cortex frontaux inférieurs et retrospléniaux bilatéraux et du lobule pariétal supérieure gauche. L'activation du lobe temporal médian gauche était présente, selon les sujets, au niveau de la formation hippocampique et/ou du gyrus para- hippocampique. Selon ces auteurs, l'activation du lobe temporal médian serait le reflet de l'activation du stock sémantique.

344 Fabien Gierski, Anne- Marie Ergis

Les données de l'imagerie confirment donc les données relevées auprès des patients et suggèrent une implication plus importante du lobe frontal dans la tâche de fluence littérale et une implication temporale et frontale dans la tâche de fluence sémantique. En accord avec les résultats de Martin et al. (1994), la tâche de fluence sémantique serait cependant davantage dépendante de l'intégrité du lobe temporal et permettrait d'évaluer l'intégrité du réseau sémantique. En revanche, la tâche de fluence littérale impliquerait davantage le lobe frontal et permettrait d'évaluer les capacités de recherche stratégique.

Concernant la latéralisation des processus, la prédominance de l'hémisphère gauche dans les fluences littérales semble bien établie. En revanche, dans la tâche de fluence sémantique l'implication frontale bilatérale ou seulement droite et temporale gauche ou droite en fonction du critère est encore sujette à controverses.

4. UNE NOUVELLE METHODE D'ANALYSE DES PROCESSUS COGNITIFS DANS LES FLUENCES VERBALES

Présentation

Dans les différentes études de fluences verbales, l'analyse a été réalisée sur le niveau de performance, c'est-à-dire le nombre de mots évoqués pendant un temps donné. Ce score global fournit cependant peu d'informations quant aux processus cognitifs mis enjeu et ne permet pas de répondre à des questions telles que pourquoi un groupe de patients particulier présente des performances déficitaires dans cette tâche, ou pourquoi une condition expérimentale est associée à une réduction de la fluence verbale (Troyer, 2000). De plus, comme nous l'avons vu, l'examen de la littérature met en évidence de nombreuses discordances. La dissociation entre une performance déficitaire dans les tâches de fluences littérales lors d'une atteinte frontale et une performance déficitaire dans les tâches de fluences sémantiques lors d'une atteinte temporale apparaît trop simpliste, et ne reflète pas la relation complexe qui associe la performance dans les tâches de fluences verbales et les lésions cérébrales. Selon Troyer et al. (1997) un examen qualitatif des productions des patients dans ce type de tâches permettrait de clarifier la nature précise du déficit. Pour ces raisons, ces auteurs ont proposé l'utilisation d'une méthode d'analyse qualitative des fluences verbales. Ces analyses portent sur deux processus mis en jeu dans ce type de tâche : (a) Le « clustering », ou regroupement, correspond à la production de mots appartenant à des sous-catégories sémantiques ou phonémiques. (b) Le « switching » correspond à la capacité de passer d'un regroupement à l'autre.

Les fluences verbales 345

Le regroupement nécessite différents types de traitement, dépendants du critère littéral ou sémantique de la fluence. Pour une tâche de fluence avec un critère littéral, les sujets doivent engager une analyse phonologique pour produire des mots commençant par la même lettre. Le regroupement phonémique va donc consister à générer à la suite des mots proches sur le plan phonologique comme par exemple des mots qui riment ou des mots commençant par le même phonème. De la même façon, le regroupement sémantique va consister à générer à la suite des mots appartenant à des sous-catégories communes comme par exemple la sous- catégorie des oiseaux pour la catégorie sémantique « animaux ». Nous proposons en annexe une version adaptée en langue française des différentes sous-catégories proposées par Troyer et al. (1997). Cette version présente quelques modifications par rapport à la classification d'origine, certaines sous-catégories ont été ajoutées, et le nombre d'items par sous- catégorie a été étendu. Ces modifications ont été apportées d'après les observations d'une étude que nous avons réalisée auprès de 80 sujets sains (Gierski, Ergis, Cuervo et Peretti, en préparation). Par exemple, la sous- catégorie des mots associés dans la langue a été ajoutée, car comme l'ont fait remarqué Lafont, Médecin, Robert, Beaulieu, Kazes, Danion, Prin- guey et Darcourt (1998), des associations comme le corbeau et le renard ou le loup et l'agneau qui font références aux fables de Jean de La Fontaine sont fréquemment rencontrées et peuvent être considérées comme des regroupements.

Selon Troyer et al. (1997), une performance optimale dans les tâches de fluences verbales implique la génération de mots à l'intérieur d'une sous- catégorie (regroupement) et le passage à une autre sous-catégorie (« switching ») quand la première est épuisée. Le « switching » nécessite une flexibilité cognitive pour permettre de passer d'une sous-catégorie à une autre. La figure ci-dessous illustre de façon schématique la répartition des regroupements et des « switches » dans les deux types de tâches. La tâche littérale avec critère « lettre P » est composée de deux regroupements de mots commençant par le même phonème (/pa/ et /pwa/) et d'un regroupement composé de mots qui riment (panier et prunier). La tâche de fluence sémantique avec critère « animaux » est constituée d'un premier regroupement de noms d'animaux domestiques, un plus grand regroupement de noms d'animaux de la ferme et un dernier regroupement de noms d'animaux d'Afrique. En général, et comme on le voit dans l'exemple ci-après, les productions relevées lors de tâches littérales sont composées de regroupements de petite taille et de « switches » fréquents, alors que les productions relevées lors les tâches sémantiques sont constituées de regroupements plus grands et de peu de « switches ».

346

Tâche littérale

Fabien Gier ski, Anne- Marie Er gis

Tâche sémantique

Fig. 1. — Exemple de regroupements et de « switches » dans les tâches de fluences verbales littérales et sémantiques

Example of clusters and switches in phonemic and semantic fluency tasks

Données de la neuropsychologie

Des études récentes se sont intéressées à l'observation qualitative de la performance dans les tâches de fluences verbales chez des patients cérébro- lésés. L'utilisation de cette méthode d'analyse auprès de diverses populations de patients a permis de mettre en évidence des dissociations, les processus de regroupement et de « switching » étant différemment affectés selon la pathologie.

Les processus de regroupement apparaissent le plus souvent déficitaires chez les patients porteurs de lésions temporales comme les patients ayant subi une résection temporale (Troyer, Moscovitch, Winocur, Alexander et Stuss, 1998), les patients Alzheimer (Tröster, Fields, Testa, Paul, Blanco, Harnes, Salmon et Beatty, 1998 ; Troyer et al., 1998 b ; Beatty, Salmon, Testa, Hanisch et Tröster, 2000 ; Beatty, Salmon, Tröster et Tivis, 2002), et les patients présentant une épilepsie temporale partielle (N'Kaoua, Les-

Les ßuences verbales 347

pinet, Barsse, Rougier et Claverie, 2001). L'examen des différentes études montre néanmoins que les résultats sont plus complexes. Ainsi, Troyer et al. (1998 a) n'ont pas observé de déficit de regroupement dans les tâches de fluences littérales mais uniquement dans les tâches de fluences sémantiques avec le critère « animaux », contrairement à ce qu'ils attendaient. De plus, il existerait un effet de latéralisation des lésions. Les patients présentant des lésions gauches produisaient des regroupements sémantiques plus petits que les patients avec lésions droites. Cependant, N'Kaoua et al. (2001) ont observé le profil inverse. Cette étude incluait des patients ayant une épilepsie temporale droite et des patients ayant une épilepsie temporale gauche, auxquels une tâche de fluences littérale, phonétique (mots qui riment) et sémantique était proposée. Les patients ayant une épilepsie temporale gauche présentaient un déficit dans les trois types de tâches. En revanche, les patients ayant une épilepsie droite étaient déficitaires uniquement dans la tâche de fluence sémantique. L'analyse qualitative portait sur le critère sémantique « articles de supermarché » selon une méthodologie spécifique définie par Tröster et al. (1995). Les patients avec lésion droite produisaient moins d'exemplaires par catégorie, donc des regroupements plus petits, que les patients avec lésion gauche. La différence dans la méthodologie employée et dans le critère de production, animaux et articles de supermarché, pourrait expliquer la divergence entre les deux études. Dans ce cadre, et comme nous l'avons vu précédemment pour la performance globale (voir Jokeit et al., 1998), les effets de latéralisation seraient dépendants du critère.

Le profil observé dans la maladie d'Alzheimer apparaît de manière plus nette : selon Troyer et al. (1998 b) ces patients produisent des regroupements plus petits que les sujets contrôles et que les patients souffrant de maladie de Parkinson déments et non déments. Ces résultats se retrouvent pour les deux tâches, sémantiques et littérales, suggérant selon ces auteurs une détérioration du stock lexico-phonémique et de la mémoire sémantique. En revanche, selon Tröster et al. (1998), la réduction de la taille moyenne des regroupements sémantiques des patients Alzheimer pourrait également être liée à un déficit dans l'accès au stock sémantique. À l'appui de cette hypothèse, Tröster et al. (1998) ont retrouvé le même profil de résultats chez des patients parkinsoniens déments appariés aux patients Alzheimer en termes de sévérité de la démence par le score à l'échelle de Mattis et chez des patients Huntington. Chez ces patients, les difficultés se situeraient au niveau de l'accès et non pas de l'intégrité du stock sémantique.

Le « switching », qui permet de passer d'un regroupement à un autre, nécessite une flexibilité cognitive. Il apparaît déficitaire chez les patients présentant un dysfonctionnement frontal tel que les patients ayant une lésion frontale (Troyer et al., 1998 a), présentant une démence à point de départ sous-cortico-frontal comme la maladie de Parkinson (Tröster et al., 1998 ; Troyer et al., 1998 b) et la maladie de Huntington (Ergis et al., 1998 ; Tröster et al., 1998 ; Rich et ai, 1999 ; Ho et al., 2002) ou présentant une

348 Fabien Gierski, Anne- Marie Ergis

pathologie psychiatrique telle que la schizophrénie (Robert, Lafont, Médecin, Berthet, Thauby, Baudu et Darcourt, 1998 ; Zakzanis, Troyer, Rieh et Heinrichs, 2000) ou la dépression (Fossati et al., 2003).

Ainsi, Troyer et al. (1998 a) ont relevé une réduction du nombre de « switching » dans les tâches de fluences littérales et sémantiques chez un groupe de patients ayant des lésions frontales, en comparaison à des sujets témoins. Toutefois, la localisation précise des lésions frontales souligne l'hétérogénéité du profil de performance de ces patients. Un nombre réduit de « switches » a effectivement été observé lors de lésions frontales dorso- latérales gauches et médio-frontales supérieures, mais pas lors de lésions frontales dorso-latérales droites, ni de lésions médio-frontales inférieures. Selon ces auteurs, les résultats sont en accord avec les données de la littérature concernant les nombreuses persévérations et le déficit d'initiation comportemental des patients ayant des lésions frontales dorso-latérales et médio-frontales supérieures.

Dans la maladie de Parkinson, une réduction du nombre de « switches » pour les tâches de fluences littérales et sémantiques chez les patients déments a également été observée, alors que les processus apparaissaient préservés chez les patients non déments (Troyer et al., 1998 6; Tröster et al., 1998). D'après les résultats de l'étude de Tröster et al. (1998), le nombre de « switches » des patients parkinsoniens déments dans les tâches littérales serait inférieur au nombre de « switches » des patients Alzheimer de niveau de sévérité de démence équivalent (score à l'échelle de Mattis). En revanche, cette différence ne s'observerait plus en corrigeant le nombre de « switches » par le nombre de mots produits. De plus, dans le groupe des patients parkinsoniens déments, cet indice serait différent des sujets témoins uniquement pour les tâches littérales.

Des résultats comparables ont été observés dans la maladie de Huntington. Ces patients présenteraient une réduction du nombre de « switches » dans les tâches de fluences littérales et sémantiques corrélée aux performances cognitives (MMSE, Mattis) et motrices (QNE, UHDRS) (Ergis et al., 1998 ; Tröster et al, 1998 ; Rich et al., 1999 ; Ho et al., 2002). Alors que ce déficit s'accentuerait avec l'aggravation de la maladie dans les tâches de fluences littérales (Rich et al., 1999 ; Ho et al., 2002), il resterait stable dans les tâches sémantiques (Ho et al., 2002).

Le profil observé dans la schizophrénie est moins évident. Ainsi, Robert et al. (1998) ont observé une réduction du nombre de « switches » dans les tâches littérales et une réduction du nombre de « switches » et de la taille moyenne des regroupements dans les tâches sémantiques. Mais il existerait, selon Zakzanis et al. (2000), chez les patients schizophrènes une très forte hétérogénéité, reflet de différences entre les sous-types physiopa- thologiques. Ces auteurs ayant mis en évidence plusieurs profils d'atteinte cognitive. Certains patients présentaient un déficit des fonctions executives et une détérioration du stock sémantique, et présentaient une réduction du nombre de « switches » et de la taille moyenne des regroupements, alors

Les fluences verbales 349

que d'autres présentaient uniquement un déficit des fonctions executives et présentaient uniquement une réduction du nombre de « switches » et que d'autres, enfin, ne présentaient aucun déficit cognitif et obtenaient des performances normales.

Les résultats de l'étude réalisée par Fossati et al. (2003) chez des patients souffrant de dépression montre clairement l'intérêt de la méthode d'analyse qualitative des fluences verbales. En effet, ces patients présenteraient une déficit dans les tâches sémantiques (Elliot et al., 1996), alors que selon Tariot et Weingartner (1986) le stock sémantique serait préservé. En appliquant la méthode d'analyse qualitative des fluences verbales, Fossati et al. (2003) ont montré qu'en réalité le déficit observé dans la tâche sémantique avait pour origine une réduction du nombre de switches, alors que la taille moyenne des regroupements était normale suggérant que le déficit observé était le reflet de difficultés dans le fonctionnement exécutif.

Les études réalisées auprès de ces patients confirment l'hypothèse d'une dissociation entre les deux composantes des fluences verbales définies par Troyer et al. (1997). Les processus de regroupements, correspondant à la production de mots appartenant à des sous-catégories sémantiques ou phonémiques, seraient préférentiellement affectés lors de lésions des lobes temporaux et impliqueraient la mémoire sémantique et le lexique phonologique. En revanche, le « switching », correspondant à la capacité de passer d'un regroupement à l'autre, impliquerait des processus dépendant du lobe frontal tels que les processus stratégiques de recherche, la flexibilité mentale et le « shifting ». Il serait préférentiellement affecté chez les patients présentant un dysfonctionnement frontal ou sous-cortico-frontal. Ces patients auraient des difficultés spécifiques à initier des stratégies de recherche active des mots en mémoire et à passer rapidement d'une sous- catégorie à une autre.

Limites de la méthode

La méthode d'analyse qualitative des fluences verbales proposée par Troyer et al. (1997) présente l'avantage d'être très bien définie. Cela lui apporte des qualités métriques comme par exemple, une excellente fidélité inter-cotateur (Abwender, Swan, Bowerman et Connolly, 2001 ; Ross, 2003) ; mais cela apporte également une certaine rigidité qui convient peu à la pluralité des mécanismes cognitifs. Par exemple, le chameau qui se trouve en Asie est généralement considéré par les sujets comme un animal vivant en Afrique. Lorsque cet item est énoncé au sein d'un regroupement de noms d'animaux d'Afrique faut-il considérer qu'il s'agit d'un « switch » ? La classification des catégories sémantiques proposée par Troyer et al. (1997) n'est vraisemblablement pas le reflet strict de l'organisation de la mémoire sémantique ; elle présente cependant le mérite de s'en approcher.

D'autre part, dans leurs différents travaux, Troyer et son équipe ont uniquement analysé les regroupements phonémiques dans les tâches de

350 Fabien Gierski, Anne-Marie Ergis

fluences littérales et les regroupements de type sémantique dans les tâches de fluences sémantiques, considérant que les regroupements phonémiques dans les tâches de fluences sémantiques et les regroupements sémantiques dans les tâches littérales étaient rares. D'autres auteurs ont cependant choisi de les prendre également en considération (pour une revue voir : Abwender et al., 2001).

Des critiques ont également été formulées quant à la méthodologie employée dans le calcul des différents indices. L'argument majeur étant que la comparaison de deux groupes ne devrait être effectuée sur le plan qualitatif que si la performance globale est identique. En effet, si l'on compare deux groupes ayant des performances différentes (20 mots versus 10 mots) et que la taille moyenne des regroupements est identique, le nombre de « switches » sera obligatoirement différent. Dans ce cas de figure, Mayr (2002) précise qu'il ne sera pas possible de distinguer s'il s'agit d'un déficit de vitesse de traitement de l'information ou d'un trouble du « switching ». Pour ces raisons, Tröster et al. (1998) proposaient de calculer également un indice « switches »/nombre de productions afin de prendre en compte le niveau de performance globale des sujets. Cependant, Troyer (2000) considère que le fait de corriger le nombre de « switches » par le nombre de mots reviendrait à corriger une cause par son effet. Dans un travail, comparant la performance de sujets jeunes et âgés (Gierski et al., en préparation), nous avons proposé de pallier ce problème en effectuant des analyses pour un nombre déterminé de mots produits. Le nombre de réponses correctes dans un temps donné a été remplacé par le temps mis pour produire un nombre déterminé de mots. Les résultats ont montré que pour un même niveau de performance les processus étaient différents selon le groupe.

Enfin, différents auteurs se sont intéressés à l'utilité diagnostique de la méthode développée par Troyer et collaborateurs. Selon Troyer et al. (1998 6), l'analyse en termes de regroupement et de « switching » serait supérieure à l'analyse en termes de performance globale pour discriminer des patients présentant une maladie d' Alzheimer, des patients présentant une maladie de Parkinson avec démence et des témoins. Toutefois, Epker et al. (1999) retrouvent, au contraire, une équivalence ou une supériorité de la performance globale sur l'analyse qualitative pour discriminer ces mêmes patients. De plus, des études cherchant à établir des facteurs prédictifs de l'évolution de patients Alzheimer n'ont pas permis de mettre en évidence de rôle prédictif de ces mesures (Beatty et al., 2000, 2002).

5. CONCLUSION

La méthode d'analyse qualitative des fluences verbales proposée par Troyer et collaborateurs s'inscrit clairement dans le champ de la neuropsychologie cognitive. Cette méthode qui distingue les processus de regroupe-

Les fluences verbales 351

ment et les processus de « switching » permet en effet de situer les analyses au niveau des composantes cognitives et non plus uniquement au niveau des tâches. Au regard des données de la littérature, il apparaissait effectivement de plus en plus clair que la simple distinction entre tâches littérales et sémantiques était insuffisante et ne rendait pas suffisamment compte de la complexité des processus mis en jeu.

Bien que des critiques méthodologiques aient été récemment formulées, le nombre toujours croissant de travaux utilisant cette approche montre l'intérêt qu'elle suscite auprès des chercheurs. Son amélioration progressive devrait conduire à une meilleure compréhension et modélisation des processus mentaux mis en œuvre dans les tâches de fluences verbales.

Annexe

Les regroupements sémantiques sont composés de noms d'animaux appartenant à une même sous-catégorie et générés successivement. Les différentes sous-catégories proposées par Troyer et al. (1997) et adaptées en langue française sont présentées ci-dessous (adaptation libre).

Milieu de vie

Afrique : antilope, autruche, bison, buffle, caméléon, chacal, chimpanzé, cobra, crocodile, dromadaire, élan, éléphant, fennec, gazelle, girafe, gnou, gorille, guépard, hippopotame, hyène, impala, lamantin, léopard, lion, mangouste, panthère, phacochère, rhinocéros, singe, zèbre, zébu...

Amérique du Nord : blaireau, caribou, castor, cerf, couguar, grizzly, lynx, orignal, ours brun, puma, raton-laveur, wapiti...

Amérique du Sud : ara, condor, fourmilier, iguane, jaguar, lama, tamanoir, tapir, tatou, unau, varan, vigogne...

Asie : chameau, éléphant, jaguar, panda, porc-épic, rhinocéros, tigre, yack...

Australie : diable de Tasmanie, émeu, kangourou, kiwi, koala, opossum, ornithorynque, wallaby...

Pôle Nord, Arctique : caribou, manchot, morse, ours polaire, pétrel, pingouin, phoque, renne...

Aquatique : alligator, baleine, cachalot, calamar, crapaud, dauphin, écrevisse, grenouille, homard, huître, lamantin, langouste, loutre, manchot, marsouin, moule, ornithorynque, otarie, phoque, pieuvre, poissons, poulpe, rat musqué, requin, salamandre, tortue, triton...

Sous-terrain : taupe, ver de terre...

352 Fabien Gierski, Anne-Marie Ergis

Ferme : agneau, âne, bélier, bouc, brebis, canard, cheval, chèvre, cochon, coq, dinde, dindon, jars, laie, lapin, mouton, mulet, oie, paon, pintade, porc, poulain, poulet, poussin, taureau, truie, vache, veau, verrat...

Catégories zoologiques

Bovines : bœuf, bison, buffle, taureau, vache, veau, yack... Camélidés : chameau, dromadaire, lama, vigogne... Canidés : chacal, chien, coyote, fennec, hyène, loup, renard... Caprines : bouquetin, chamois, chèvre, isard, mouflon, mouton... Cervidés : biche, caribou, cerf, chevreuil, daim, élan, faon, renne,

wapiti... Crustacés : araignée de mer, crabe, crevettes, écrevisses, homard, lan

gouste... Félidés : chat, couguar, guépard, jaguar, léopard, lion, lynx, ocelot,

panthère, puma, tigre... Insectes et arachnides : abeille, araignée, blatte, cafard, chenille, cigale,

coccinelle, criquet, fourmi, grillon, guêpe, hanneton, libellule, mante religieuse, mouche, moustique, papillon, pou, puce, punaise, sauterelle, scarabée, scorpion, termite, tique, ver...

Mammifères insectivores : fourmilier, hérisson, musaraigne, tamanoir, taupe...

Mollusques : calamar, escargot, huître, limace, moule, pieuvre, poulpe, seiche...

Mustélidés : belette, blaireau, fouine, furet, hermine, loutre, mangouste, martre, putois, vison...

Oiseaux : aigle, albatros, autruche, bouvreuil, buse, caille, canari, cardinal, chat-huant, chouette, cigogne, colibri, colombe, condor, coq, corbeau, cormoran, coucou, cygne, dindon, émouchet, épervier, étourneau, faucon, fauvette, geai, grive, grue, héron, hibou, hirondelle, ibis, linotte, loriot, martinet, merle, mésange, moineau, paon, paradisier, pélican, perroquet, pie, pigeon, pintade, pivert, poule, roitelet, rouge-gorge, serin, toucan, tourterelle, vautour...

Poissons : ablette, anguille, bar, barbue, brème, brochet, cabillaud, carpe, congre, gardon, goujon, hareng, limande, maquereau, merlan, mérou, morue, perche, raie, roussette, sandre, sardine, saumon, sole, tanche, thon, truite...

Primates : babouin, chimpanzé, gorille, macaque, orang-outan, ouistiti, rhésus...

Reptiles : alligator, anaconda, boa, caïman, caméléon, cobra, couleuvre, crocodile, crotale, iguane, lézard, orvet, python, tortue, varan, vipère...

Rongeurs : campagnol, castor, chinchilla, cobaye, cochon d'inde, écureuil, hase, hamster, lapin, lièvTe, loir, marmotte, mulot, porc-épic, ragondin, rat, rat musqué, souris...

Les ßuences verbales 353

Usage humain

Animaux apprivoisés, de compagnie : canari, chat, chien, cochon d'Inde, hamster, perroquet, perruche, poisson rouge, tortue...

Bête de somme : âne, bœuf, chameau, cheval, dromadaire, éléphant, lama, mulet, zébu...

Fourrure : castor, chinchilla, hermine, lapin, ragondin, renard, vison, zibeline...

Gibier : bécasse, biche, cerf, chevreuil, colvert, daim, faisan, grive, lapin, lièvre, perdrix, sanglier...

Associés dans la langue / Fables : chien/chat, chat/souris, corbeau/ renard, cigale/fourmi, grenouille/bœuf, lièvre/tortue, loup/agneau...

RÉSUMÉ

Les fluences verbales permettent d'évaluer l'intégrité du stock lexico- sémantique et les processus stratégiques de récupération des mots en mémoire à long terme en considérant le nombre de mots produits appartenant à une catégorie sémantique ou commençant par une lettre donnée dans un temps limité. Toutefois, les seules données quantitatives ne rendraient pas suffisamment compte de la complexité des processus cognitifs mis en jeu dans ce type de tâche. Pour ces raisons, Troyer et al. (1997) ont proposé une nouvelle méthode d'analyse des fluences verbales basée sur les aspects qualitatifs. L'objectif de cet article est de faire un état des lieux des connaissances actuelles sur les fluences verbales, de présenter la méthode développée par Troyer et collaborateurs, ainsi que les limites de cette méthode. L'accent est mis sur l'apport des données neuropsychologiques dans la compréhension des mécanismes cognitifs et neurobiologiques sous-jacents.

Mots clés : fluence verbale, analyse qualitative, regroupement, switching.

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(Accepté le 26 novembre 2003.)