De la présence de l’air de cour dans les écrits théoriques du XVIIe siècle : une rhétorique...

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DE LA PRÉSENCE DE L AIR DE COUR DANS LES ÉCRITS THÉORIQUES DU XVII e SIÈCLE : UNE RHÉTORIQUE DE L ACTIO Théodora PSYCHOYOU Polyphonique ou monodique, le genre typiquement français de l’air de cour est un terrain important de la création musicale au temps de Louis XIII ; il interroge tout particulièrement le rapport complexe entre la musique et le texte, ici un texte français. Il constitue aussi, du moins de façon emblématique, le pendant français aux nouveautés musicales italiennes mises en place à l’aube du XVII e siècle, une sorte de réponse à celles-ci 1 . Qu’il y ait eu influence ultramontaine sur ce corpus français nul n’en doute, mais elle n’a probablement pas occupé autant de place qu’on a pu lui concéder : il ne faut pas sous-estimer l’apport des recherches huma- nistes françaises, celles de l’académie de Baïf étant les plus significatives, qui sem- blent participer à une dynamique commune, partagée avec les Florentins et autres humanistes italiens, mais aussi avec les Anglais 2 . Cette dynamique donna lieu à autant d’approches que d’options et « solutions » différentes dans la prise de dis- tance vis-à-vis des canons de la musique de la Renaissance 3 . Comme pour tous les autres genres musicaux contemporains, l’art de composer induit par le répertoire de l’air de cour, dans ses différents visages poétiques et musi- caux, correspond de moins en moins aux codes et aux modèles théoriques disponi- bles : le langage musical qui y est déployé met en avant de nombreuses nouveautés qui ne peuvent être intégrées dans, et assimilées par le discours théorique de façon immédiate. Dans le cas de l’air, ces « nouveautés » concernent les termes intrinsè- quement musicaux 4 mais également la poétique de la mise en musique du texte, une poésie française dont les canons sont, eux aussi, dans la dynamique d’élaboration d’une codification per se, autrement dit de façon autonome, avec ses règles propres et 183 1. C’est un avis relativement répandu que de voir essentiellement, dans cette musique française, la réac- tion à la seconda prattica et l’influence de celle-ci : voir par exemple les brèves synthèses sur la question qu’expose Albert Cohen dans « Jean Millet de Montgesoye », ‘Recherches’ sur la musique française classi- que, VIII (1968), p. 15-23 et dans son introduction critique de La Belle Méthode ou L’Art de bien chanter by Jean Millet, fac-similé, New-York, Da Capo press, 1973, p. VI-VIII. 2. Sur le substrat théorique et philosophique de la production anglaise du début du XVII e siècle et ses rap- ports avec l’Académie de Baïf voir Kristin Rygg, Masked Mysteries Unmasked. Early Modern Music Theater and Its Pythagorean Subtext, Hillsdale (NY), Pendragon Press, 2000. 3. Voir par exemple la comparaison entre les académies de Baïf et de Bardi que propose Jeanice Brooks dans Courtly Song in Late Sixteenth Century France, Chicago, Chicago University Press, 2000, p. 311-315. Isabelle His fit par ailleurs une belle synthèse de la question dans Claude Le Jeune (v. 1530-1600). Un com- positeur entre Renaissance et baroque, Arles, Actes Sud, p. 179-238 (partie III, « L’italianisme musical »). 4. Tels, parmi les plus significatifs, l’abandon de l’ancienne modalité et du système métrique proportion- nel, l’emploi de textures homorythmiques dans le contrepoint, la bipolarité dessus-basse puis l’intégra- tion de la basse continue.

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DE LA PRÉSENCE DE L’AIR DE COUR DANS LES ÉCRITS THÉORIQUESDU XVIIe SIÈCLE : UNE RHÉTORIQUE DE L’ACTIO

Théodora PSYCHOYOU

Polyphonique ou monodique, le genre typiquement français de l’air de cour estun terrain important de la création musicale au temps de Louis XIII ; il interrogetout particulièrement le rapport complexe entre la musique et le texte, ici un textefrançais. Il constitue aussi, du moins de façon emblématique, le pendant françaisaux nouveautés musicales italiennes mises en place à l’aube du XVIIe siècle, unesorte de réponse à celles-ci 1. Qu’il y ait eu influence ultramontaine sur ce corpusfrançais nul n’en doute, mais elle n’a probablement pas occupé autant de placequ’on a pu lui concéder : il ne faut pas sous-estimer l’apport des recherches huma-nistes françaises, celles de l’académie de Baïf étant les plus significatives, qui sem-blent participer à une dynamique commune, partagée avec les Florentins et autreshumanistes italiens, mais aussi avec les Anglais 2. Cette dynamique donna lieu àautant d’approches que d’options et « solutions » différentes dans la prise de dis-tance vis-à-vis des canons de la musique de la Renaissance 3.

Comme pour tous les autres genres musicaux contemporains, l’art de composerinduit par le répertoire de l’air de cour, dans ses différents visages poétiques et musi-caux, correspond de moins en moins aux codes et aux modèles théoriques disponi-bles : le langage musical qui y est déployé met en avant de nombreuses nouveautésqui ne peuvent être intégrées dans, et assimilées par le discours théorique de façonimmédiate. Dans le cas de l’air, ces « nouveautés » concernent les termes intrinsè-quement musicaux 4 mais également la poétique de la mise en musique du texte,une poésie française dont les canons sont, eux aussi, dans la dynamique d’élaborationd’une codification per se, autrement dit de façon autonome, avec ses règles propres et

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1. C’est un avis relativement répandu que de voir essentiellement, dans cette musique française, la réac-tion à la seconda prattica et l’influence de celle-ci : voir par exemple les brèves synthèses sur la questionqu’expose Albert Cohen dans « Jean Millet de Montgesoye », ‘Recherches’ sur la musique française classi-que, VIII (1968), p. 15-23 et dans son introduction critique de La Belle Méthode ou L’Art de bien chanter byJean Millet, fac-similé, New-York, Da Capo press, 1973, p. VI-VIII.

2. Sur le substrat théorique et philosophique de la production anglaise du début du XVIIe siècle et ses rap-ports avec l’Académie de Baïf voir Kristin Rygg, Masked Mysteries Unmasked. Early Modern Music Theaterand Its Pythagorean Subtext, Hillsdale (NY), Pendragon Press, 2000.

3. Voir par exemple la comparaison entre les académies de Baïf et de Bardi que propose Jeanice Brooksdans Courtly Song in Late Sixteenth Century France, Chicago, Chicago University Press, 2000, p. 311-315.Isabelle His fit par ailleurs une belle synthèse de la question dans Claude Le Jeune (v. 1530-1600). Un com-positeur entre Renaissance et baroque, Arles, Actes Sud, p. 179-238 (partie III, « L’italianisme musical »).

4. Tels, parmi les plus significatifs, l’abandon de l’ancienne modalité et du système métrique proportion-nel, l’emploi de textures homorythmiques dans le contrepoint, la bipolarité dessus-basse puis l’intégra-tion de la basse continue.

délibérément exclusives de métrique et de prosodie 5. Que cette codification ait étébâtie sur le modèle gréco-latin largement revendiqué et amplement discuté par lesthéoriciens de l’époque, ne change rien à la démarche, dont l’influence sur la façonde mettre en musique et de chanter les vers est proprement mécanique.

Cette première observation étant posée, un autre aspect doit être pris en compteafin de mieux comprendre la nature du discours théorique au XVIIe siècle et les dif-ficultés auxquelles se sont heurtés les théoriciens. Les canons passés et leurs ava-tars résistent au sein même des « nouveautés » dans l’art de composer ; associée auxnouvelles recherches, cette résistance génère une instabilité et une transformationconstante des termes du langage musical et, par conséquent, elle complique consi-dérablement sa théorisation. Dans le même temps, un phénomène tout à fait ana-logue caractérise le discours sur la musique, qui traverse en ce début du XVIIe siècleune mise en crise de ses propres canons. Si la théorisation des nouvelles pratiquessuppose leur cristallisation, elle implique aussi une prise de liberté dans la codifica-tion, qui se débarrasse des termes de la pratique ancienne et de la théorie musicalequi lui est associée. En d’autres termes, le discours théorique se trouve confronté,au XVIIe siècle, à une mutation double dont les termes s’influencent mutuellement.

L’air de cour s’épanouit dans ce contexte agité. Nouveau genre musical, il estdépourvu d’un canon ancien potentiellement embarrassant. On aurait pu s’attendreà ce que l’air monodique, que son accompagnement soit écrit en tablature de luthou indiqué sous la forme de basse continue, fût le premier genre monodique définien tant que tel dans le discours théorique : ce ne fut pas le cas. D’une façon géné-rale, il ne constitua pas le modèle d’un nouveau style compositionnel, véhicule d’unnouveau type d’écriture, à l’instar de ce que furent les polyphonies sacrées, cellespar exemple d’Eustache Du Caurroy, pour le contrepoint.

Il semblerait que la nécessaire inscription de l’air de cour dans la tradition théoriquepasse essentiellement par un rapprochement avec le modèle de l’antique poète musi-cien et de la poésie chantée, impliquant à la fois une économie de moyens et une exi-gence exceptionnelle d’engagement dans l’actio posée à l’exécutant. Compositeur etchanteur doivent tous deux se montrer dignes « orateurs harmoniques ».

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5. Sur la question des vers mesurés, c’est Baïf qui reste le poète et théoricien le plus emblématique, bienqu’il ne fût ni le premier, ni le seul. La redécouverte de la Poétique d’Aristote, reçue comme le grandmodèle de codification, a généré plusieurs essais dans le sens d’une poétique du français : voir notam-ment Joachim du Bellay, L’Art Poétique [i.e. La Deffence, et illustration de la langue francoyse], Paris, ArnoulL’Angelier, 1549 et Jacques Pelletier du Mans, L’Art Poétique, Lyon, J. de Tournes, 1555. Quant à lamétrique du français en particulier, le premier essai de Michel de Boteauville (L’art de metrifier françois,1497 ; F-Pn/ Mss. fr. 2189) n’a pas eu une grande réception, et celui de Jacques de La Taille, écrit en1562 ne fut publié que des années plus tard (La manière de faire des vers en françois, comme en grec & enlatin, Paris, Morel, 1573). Frédéric Morel, l’imprimeur qui publia La Taille, était également poète et phi-lologue ; il fut impliqué dans cette aventure et collabora avec Mersenne, dans les Quaestiones celeberrimaein Genesim de 1623 (Paris, Sébastien Cramoisy), sur les chapitres concernant la métrique, où sont déve-loppés en détail les travaux de Baïf. C’est lui également qui traduisit pour la première fois du grecl’Introduction à l’art musical de Bacchius l’ancien, ainsi qu’une grande partie de l’œuvre du professeur derhétorique et sophiste polygraphe Libanius.

Pourtant, au vu des sujets abordés dans les traités, la question initiale du statut del’air de cour se constitue en un faisceau de sujets plus amples, mais qui ne lui sontpas propres. La principale difficulté pour cerner cette théorisation vient de ce quele terme air de cour est quasi introuvable dans le corpus des traités contemporains.S’il est acquis pour nombre de compositeurs et pour toute une dynastie d’éditeursde musique qui ont su l’imposer depuis le Livre d’air de cours miz sur le luth parAdrian Le Roy de 1571 6, ce terme ne semble pas faire partie du vocabulaire des théo-riciens pour désigner les airs strophiques aux paroles profanes en langue vernacu-laire chantés à la cour.

LES SOURCES THÉORIQUES : UNE PRÉSENCE DISCRÈTE DE L’AIR DE COUR

Les grandes thématiques abordées dans les écrits théoriques contemporains quiintéressent, certes de façon non exclusive, le répertoire de l’air, concernent la« force » de la langue française mise en musique (prononciation, prosodie et décla-mation), et les enjeux musicaux qui lui sont directement liés : une rhétorique de l’artde composer (invention de beaux airs, disposition juste des parties, utilisation desparamètres du langage appropriés) et une rhétorique de l’action du chanteur, queMarin Mersenne associe à « la force de la voix ». Les termes de cette rhétorique sontici énoncés à dessein de façon progressive et ordonnée, sur le modèle des partiessuccessives de la rhétorique classique 7.

S’il n’y est pas question spécifiquement du genre, l’on peut toutefois puiser dansles traités de fort nombreux commentaires et remarques utiles pour la compréhen-sion de l’air de cour ; parmi eux se trouvent des thématiques qu’on aurait eu ten-dance à lui attribuer comme propres, notamment la question de la mise en musiquede la poésie en français. C’est le statut des écrits qui permet de comprendre parexemple pourquoi les discours concernant la question du français chanté ont puiséleurs paradigmes essentiellement dans les paraphrases de psaumes et poésies spiri-tuelles.

Si l’on tient compte des discours concernant le chant français en général, ainsi quede tous les passages de textes esquissant, d’une façon ou d’une autre, une typolo-gie de genres ou de styles comprenant l’air, alors les principaux auteurs qui livrentdes informations sur le sujet qui nous occupe sont l’encyclopédique MarinMersenne, le compositeur et chanoine de la cathédrale d’Ambrun Jacques de Goüy,le jésuite Antoine Parran dans une moindre mesure et, de façon totalement anecdo-tique, le maître de musique et religieux Annibal Gantez. Les sources théoriques de

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6. Pour un aperçu commenté de la production éditoriale de recueils d’airs de cour, voir l’inventaire qu’endresse Laurent Guillo dans Pierre I Ballard et Robert III Ballard. Imprimeurs du roy pour la musique (1599-1673), Liège, Mardaga, 2003, (Études du Centre de Musique Baroque de Versailles), vol. 1, p. 135-144.

7. Il s’agit plus précisément des inventio, dispositio, elocutio, actio et memoria selon les termes latins, soit,dans la terminologie grecque, euresis, taxis, lexis, hypocrisis, mnemé. Nous n’aborderons pas ici la questionde la mémoire. Il sera question plus loin de l’actio, que nous pouvons associer au terme de l’art hypocri-tique, ainsi que du modèle grec plutôt que latin qui semble avoir inspiré les théoriciens français, à com-mencer par Mersenne.

la première moitié du siècle les plus significatives pour cette question de l’air 8 setrouvent en effet dans les écrits de Marin Mersenne : dans l’incontournableHarmonie universelle de 1636, mais également dans d’autres traités qui, contraire-ment à l’Harmonie universelle, ne sont pas consacrés exclusivement à la musique età sa théorie. Il s’agit plus précisément de quelques passages conséquents dans lepremier ouvrage de Mersenne, les Quæstiones celeberrimæ in Genesim, publiées en1623 et, à un degré bien moindre, d’allusions dans son Traité de l’harmonie universel-le de 1627, de la vingt-septième de ses Questions inouyes de 1634, et d’un passage deses Cogitata physico-mathematica de 1644, un des derniers opus du Père minime, décé-dé en 1648. Antoine Parran commente le style d’air dans son Traité de la musiquethéorique et pratique de 1639 mais c’est surtout Jacques de Goüy, dans une préfacetrès intéressante à ses Airs à quatre parties, sur la Paraphrase des Pseaumes de MessireAntoine Godeau de 1650, qui nous livre des informations concernant précisément l’airde cour. Un peu plus tard, dans les années 1660, dans leurs traités de chant respec-tifs, Jean Millet, chanoine sur-chantre de la cathédrale de Besançon, et Bénigne deBacilly, maître de chant et, lui aussi, prêtre de son état, explorent les voies du « bienchanter » et du « bien prononcer », surtout en langue française. Dans le dernier tiersdu XVIIe siècle, le genre et ses compositeurs sont particulièrement absents ; au débutdu XVIIIe siècle, l’on rencontre l’évocation de noms de compositeurs d’airs, citésdans des passages souvent « catalographiques » de textes d’ordre historiographique 9

ou poético-pamphlétaire 10 : ils figurent généralement au titre de meilleur maître dechant – et non de compositeur –, aux côtés de tel illustre maître de viole, de luth oude clavecin.

Plus précisément, en dehors de Mersenne et de Bacilly, seul Lecerf de LaViéville, dans sa Comparaison de la musique italienne et de la musique française de 1705,cite les noms de Pierre Guédron et d’Henry Le Bailly. Étienne Moulinié est citépar Mersenne, Goüy, Gantez, puis Lecerf. Seul Antoine Boesset échappe à ce relatif oubli et, même s’il n’est pas cité exclusivement au sujet de ses airs, ni uni-quement de ses chants en français, il apparaît a fortiori comme le compositeur leplus emblématique de ce genre selon le sentiment des théoriciens et musicogra-phes de la seconde partie du siècle ; son nom est cité par une douzaine d’auteurs,depuis Mersenne jusqu’à Bonnet et Serré de Rieux, au début du siècle suivant 11.Notons que Marin Mersenne lui consacre un éloge dans ses Cogitata physico-mathe-

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8. Afin de contextualiser quantitativement les occurrences qui touchent à l’air de cour, voir l’ANNEXE II

p. 202-205 : elle propose une chronologie des traités français qui concerne les deux premiers tiers duXVIIe siècle, jusqu’en 1668, année de publication de Remarques curieuses sur l’art de bien chanter, et particu-lièrement pour ce qui regarde le chant françois de Bénigne de Bacilly.

9. Par exemple dans l’Histoire de la musique de Bonnet-Bourdelot (Paris, Cochart, Ganeau et Quillau, 1715).10. Voir la Comparaison de la musique italienne et de la musique française de Lecerf de la Viéville (Bruxelles,

Foppens, 1705) ou la Musique, poème divisé en quatre parties de Serré de Rieux (Lyon, Laurens, 1714).11. Hormis les trois auteurs déjà signalés, Annibal Gantez, Bénigne de Bacilly et Lecerf de la Viéville le

citent aussi, mais également André Maugars, Guillaume Du Manoir, Claude Perrault, FrançoisRaguenet, Sébastien de Brossard, voire Saint-Evremont dans sa lettre Sur les opéra de 1684, bien quel’on ne puisse pas savoir avec certitude s’il s’agit là d’Antoine ou de Jean-Baptiste Boesset : il est, eneffet, très souvent question de « M. Boesset », sans préciser s’il s’agit du père ou du fils.

matica 12, cas unique, du moins pour cette époque, dans le cadre d’un traité. Lamusique de Claude Le Jeune est évoquée plus souvent mais, à l’exception notablede Mersenne, aucun théoricien ne s’y réfère au sujet, entre autres, de ses airsmesurés ; c’est surtout le contrapuntiste qui, entouré de Lassus et de Du Caurroy,traverse le XVIIe siècle, dans des pages consacrées essentiellement aux modèles del’écriture à plusieurs parties 13. Du reste, la musique mesurée à l’antique est totale-ment absente des traités français après Mersenne. Dans la seconde moitié du siècle,alors que la pratique du mètre « mesuré à l’antique » à proprement parler est tota-lement abandonnée, seul René Ouvrard consacre au sujet un bref paragraphe dequelques lignes dans la Musique rétablie, son grand œuvre resté manuscrit. Il s’agitd’une description d’ordre technique où n’est cité aucun des artisans de cette prati-que, tels Baïf, Mauduit ou Le Jeune. Il y est simplement question « De la mesured’air » 14, qu’Ouvrard associe alors non pas à quelque idéal orphique qui aurait étéréactualisé un siècle plus tôt, mais à la pratique du faux-bourdon, plus réelle etconcrète aux oreilles de ce chanoine de la cathédrale de Tours qu’un archétypeantique déjà abandonné. Notons que son exemple induit que le terme « air » est icisynonyme d’« air mesuré ». Ce très bref paragraphe dans le manuscrit de RenéOuvrard en est l’unique occurrence dans le corpus de la seconde moitié du siècle :les méthodes consacrées aux principes de musique, soucieuses d’établir une classi-fication simple des différents types et signes de mesure à l’attention des amateursou des enfants, ne font jamais état de cette pratique considérée alors sans doutecomme étant révolue.

Concernant ce sujet du statut de la musique mesurée et de son opposition aucontrepoint figuré 15, il convient de revenir, pour la nuancer, sur l’absence du genreet de ses compositeurs dans le dernier tiers du XVIIe siècle constatée ci-dessus et ilfaut à ce titre citer l’essai De la musique des anciens du médecin, architecte et philolo-gue Claude Perrault, essai qui participe à la querelle des Anciens et des Modernes.Dans ce texte, publié en 1680 dans le deuxième volume de ses Essais de physique,Perrault évoque les noms, entre autres, de Le Jeune et de Boesset, mais unique-ment pour regretter leur science, alors oubliée, pour le contrepoint à plusieurs par-ties, apanage de la musique des Modernes, et pour déplorer les usages de son tempsqui privilégiaient une écriture plus pauvre à ses oreilles, à une voix et basse conti-nue. Symbole de la modernité musicale du XVIIe siècle, la monodie accompagnée,celle précisément qui avait été légitimée à l’aube du siècle par le fait qu’elle sem-

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12. « Antonii Boësseti Elogium » précédé de « Meurtr’innocent », air de Boesset sur la paraphrase del’Épître aux Galates (ch. 2, v. 20) dans les Cogitata physico-mathematica, Paris, Antoine Berthier, 1644,p. 327-328.

13. Selon le sentiment, par exemple, d’Antoine Parran, d’Antoine de Cousu, de Claude Perrault, de PierreBourdelot, de René Ouvrard, mais aussi des Gantez, Lecerf, Serré de Rieux, ou encore d’Étienne Louliélorsqu’il recopie des passages de Mersenne.

14. Dans La musique rétablie depuis son origine (ms. autogr., F-TOm/ Ms. 822, f. 63v), René Ouvrard donne cebref exemple « De la mesure d’air» :

15. Soulignons cette distinction : la musique figurée, à plusieurs parties, est opposée non seulement à lamonodie accompagnée, mais aussi au contrepoint simple, autrement dit homorythmique. C’est le cas parexemple de la musique mesurée : certes polyphonique, elle n’est toutefois pas figurée.

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blait la plus proche de la poésie lyrique des Grecs, se trouvait inévitablement, lorsde la querelle des années 1680, dans le camp des Anciens. Ce modèle orphique futainsi considéré par certains théoriciens, et cela bien avant le début officiel de la que-relle des Anciens et des Modernes, comme le symbole d’une antiquité de plus enplus encombrante. Pour Perrault, il ne s’agissait pas d’un problème de savoir-fairede la part de ses contemporains : l’art des compositeurs de son temps aurait pu êtreà la hauteur de celui de ses prédécesseurs, si les premiers n’avaient pas cédé à la faci-lité et à la mode d’un public peu désireux, voire incapable, de goûter à la complexi-té contrapuntique,

— « [à] cette agréable diversité, qui n’est pour la plus grande partie du monde qu’une impor-tune confusion. C’est pourquoi les Maitres de Musique, pour parvenir à la principale finde leur Art, qui est de plaire, ont changé depuis peu leur manière de composer ; &quelque persuadez qu’ils soient que la perfection de la Musique consiste dansl’Harmonie de plusieurs parties, ils ne font plus leurs Airs & leurs Motets que par recits ;& ces Motets sont chantez par un dessus, une basse, & les autres parties ; mais elles setaisent pendant qu’une chante ; & de même chacune à son tour chante pendant que lesautres se taisent ; de sorte qu’il y a grande apparence que nôtre Musique ne tardera guerea retourner à la simplicité qu’elle avoit chès les Anciens, puisque l’on void que les excel-lens ouvrages d’Orlande, de Claudin, de Boësset, & des autres illustres Auteurs decomposition à plusieurs parties ne sont plus chantez, & que des airs il ne s’imprime plusque le sujet : ou si la basse y est ajoutée, ce n’est que pour conduire la Symphonie desTuorbes, des Clavessins, & des Basses de viole, à qui il n’est plus permis de se faireentendre, & de servir d’autre chose que comme bourdon. » 16

En d’autres termes, si l’avantage des Modernes sur les Anciens ne peut tenir quedans leur science de la polyphonie et du contrepoint, inconnus des Anciens, lamusique qui peut défendre le mieux les arguments des Modernes n’est pas celledes récitatifs et airs entendus à l’Académie royale de musique, mais les motets etchansons polyphoniques qui résonnaient dans les cathédrales, les palais et les hôtelsparticuliers de la fin du XVIe siècle. À mi-chemin entre les maîtres connus pour leurart du contrepoint, Lassus, Du Caurroy, mais aussi les Le Jeune et Boesset desœuvres polyphoniques d’une part, et le maître absolu du style moderne auprès dupublic, c’est-à-dire Lully d’autre part, l’espace laissé à ces compositeurs d’airs, dontl’art ne pouvait non plus être classé de façon franchement univoque d’un côté ou del’autre, fut très étroit, d’où une réception assez discrète, surtout après le milieu dusiècle. Leur hybridité et leur mode alors révolue firent qu’ils ne pouvaient intéres-ser particulièrement ni les auteurs de principes de musique, fidèles ne serait-ce quepour des raisons pédagogiques à la musique de Lully, présente à l’esprit et auxoreilles du lectorat visé, ni les partisans de la Querelle.

Mais revenons à la première moitié du XVIIe siècle et aux traités contemporains :c’est dans les différents sens donnés au mot « air » qu’il faut évaluer l’existence de

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16. Claude Perrault, « De la musique des anciens », Essais de Physique, Paris, Jean-Baptiste Coignard, 1680,Tome II, p. 397-398.

l’air de cour en tant que genre, puisque le terme lui-même ne fut pas employé demanière significative pour le désigner précisément.

À LA RECHERCHE DE L’AIR DE COUR : UN TERME DISCRET

Comme il a déjà été évoqué précédemment, le terme d’air de cour est pratique-ment absent du discours théorique, au profit de l’air, terme plus générique qui per-met de considérer les pièces en langue française sans exclure les airs composés surdes paroles spirituelles : parce que beaucoup d’auteurs étaient eux-mêmes des reli-gieux, ils ont préféré, lorsqu’il était question de paroles françaises mises en musique,l’exemple des paraphrases de psaumes aux vers d’amour, fussent-ils issus desplumes des plus nobles poètes de leur temps. Plus précisément, sauf omission dema part, l’unique occurrence du terme dans l’Harmonie universelle de Mersenneconcerne paradoxalement une transcription instrumentale : il s’agit d’un exemplemusical donné dans les pages organologiques consacrées aux flûtes, à savoir d’un« Air de cour pour les Flustes d’Allemand » 17, et donc sans paroles, du compositeurHenri Le Jeune, spécialiste des instruments à vent. En dehors de cette occurrenceanecdotique, c’est plus volontiers le terme d’air qui sera employé. Un inventaire desexemples musicaux notés dans les traités 18 avec des paroles en français, montreque, là aussi, ce sont les airs spirituels qui sont ordinairement présentés. Dans l’uni-que cas de proposition fondée sur l’exemple d’un air de cour, le célèbre « N’espérezplus mes yeux » de Boesset suivi de différentes diminutions du même, d’AntoineMoulinié et de Le Bailly, Mersenne utilise le terme, encore plus générique qu’air,de chant. Il s’agit d’une proposition qui consiste à « Donner des exemples de ladiminution et de l’embellissement des Chants, et la méthode de faire de bonsChants, et de les embellir par la diminution » qui se trouve dans la quatrième par-tie du sixième livre, « De l’art de bien chanter » des Traitez de la voix et des chants.Cette quatrième et dernière partie est consacrée aux mouvements mesurés, à laprosodie et à la métrique 19. Le sujet traite des « chants », et Mersenne choisit unexemple d’« air ».

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17. Voir le cinquième livre du « Traité des instruments à cordes, des instruments à vent et de l’orgue »,consacré aux instruments à vent, p. 244 ; il s’agit de l’arrangement assez fidèle de l’air de cour « Sus ber-gers et bergerettes » de Pierre Guédron (je dois cette concordance à Thomas Leconte).

18. Voir l’ANNEXE I, p. 199 : inventaire chronologique des pièces et extraits, avec des paroles françaises, don-nés à titre d’exemples musicaux dans les traités français (ou en langue française), 1623-1666.

19. Il s’agit de la « Proposition XXVIII » [sic : XXIX] du « Livre Sixiesme de l’art de bien chanter », Harmonieuniverselle (Paris, 1636), p. 410-415.

Première page de l’exemple de diminutions donné par Mersenne : l’air de Boesset est suivi de deux variations du chant, une proposée par Le Bailly et une par Boesset

lui-même. Aux pages suivantes viennent les propositions de d’Antoine Moulinié, concernant à la fois la partie du dessus et celle de la basse (voir ANNEXE I, année 1636).

© Paris, Conservatoire national des arts et métiers

Aux termes d’« air »et de « chant » vient se joindre également celui de « chanson »,tel par exemple que Pierre Maillart, chantre et chanoine de la cathédrale deTournay, dans son traité paru en 1610, l’oppose, parmi les genres de musique figu-rée, au motet et au madrigal. Il est question, dans ce passage, du statut des tons duplain-chant par rapport aux modes de la musique 20 :

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20. L’on distinguait, en effet, dans la terminologie du discours théorique, le plain-chant, domaine à partentière, de la musique, sous-entendu la musique figurée ; chacun de ces deux mondes sonores possédait sonrépertoire et ses canons théoriques, esthétiques et pratiques propres. Maillart cherche à clarifier, dansson traité, la frontière entre ces deux mondes sonores du point de vue du statut et des enjeux de leurssystèmes scalaires respectifs (voir, note suivante, le titre précis de l’ouvrage).

— « Car pour cent Motetz, cent Chansons, cent Madrigales, & cent autres choses sembla-bles, qu’on veult chanter, il n’y as jamais question de parler ou s’informer au prealable, dequel ton ils sont [contrairement aux psaumes]. » 21

Rappelons que le critère qui définit le motet est la langue, latine, alors que chansonet madrigal se distinguent en premier lieu par leur forme poétique, strophique pourl’un et continue pour l’autre : l’association entre chanson et air est de ce point de vuetout à fait cohérente.

Dans le même ordre d’idées, en 1639, le jésuite Antoine Parran assimile le géné-rique air à l’air mesuré. Il n’est pas ici question d’une typologie de genres, mais decaractères, de « façons de composer » ; Parran distingue quatre styles dans la com-position :

— « Selon que j’ay peu cognoistre jusques a present par une longue experience, me sembleque l’on peut composer en trois ou quatre façons principalement : en air, où le battement,ou mouvement commun ne se baille point par mesure reglée : mais on bat quasi a chaquenote, & s’appelle Musique d’air [i.e. Mesure d’air]. Secondement en Musique legere &gaye, approchant de l’air, où se baille la mesure reglée commune, où les parties vont leplus souvent ensemble de mesme pied sur un mesme sujet, bien qu’on puisse meslerquelque peu d’industrie. Ceste façon de Composition est en ce temps en vogue, mais nel’est plus tant qu’elle a esté : tesmoin la Musique gaillarde de Granier, & d’Intermet jadis.Troisiémement, en Musique grave & devote propre pour l’eglise, en laquelle on meslebien souvent de l’industrie, accompagnée de Fugues naturelles, & non contraintes : Telleest la musique d’Orlande, & Bournonville. La quatriesme sorte est une Musique grande-ment observée, toute pleine d’industrie & doctrine, où l’on fuit ce qui est commun avecobservation de Cadences rompües, pour chercher ce qui est plus rare, & moins usité :comme pourroit estre celle de Claudin, du Caurroy, & plusieurs autres Maistres de cetemps, comme l’on peut voir au Puy de Saincte Cecile. Cette maniere de Composition,& Contrepoint observé, ne plaist gueres qu’aux Maistres, qui jugent & goustent ce quiest d’artifice en la disposition & meslange d’accords bien observez, & pressez. » 22

La caractéristique de l’air est ici ce mouvement mesuré qui se « bat quasi àchaque note », à chaque syllabe plus précisément, où toutes les voix procèdent defaçon homorythmique. Cette verticalité distingue également la musique fondée surles mouvements de danse, deuxième style énoncé, « approchant de l’air ». Parransemble préférer le troisième et surtout le quatrième style qui, contrairement auxdeux premiers, relèvent de la musique figurée, déploient des constructions fuguées,et procèdent par la superposition « grandement observée » et originale des diffé-rentes parties à la fois complexes et égales dans leur fonction contrapuntique.Notons enfin que la particularité de l’air exposée ici ne considère et ne précise nilangue ni structure des vers, strophique ou organisée en chants et rechants, maisuniquement la métrique ; comme il a été mentionné précédemment, René Ouvrard,quelques années plus tard, lorsqu’il traite « De la mesure d’air », entend le termeexactement de la même façon.

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21. Pierre Maillart, Les Tons, ou Discours sur les modes de musique, et les tons de l’église, et la distinction entre iceux,Tournay, Charles Martin, 1610, p. 196.

22. Antoine Parran, Traité de la musique théorique et pratique, Paris, Pierre Ballard, 1639, p. 85-86.

Quatre ans après Parran, en 1643, dans la cinquante-sixième lettre de son Entretiendes musiciens, Annibal Gantez considère deux groupes d’airs, les « airs à boire » et les« chansons d’amour », qu’il désigne également par les termes d’airs « de table » etairs « du lict ». Sa condition de prieur et de chanoine semi-prébendé de la cathé-drale Saint-Étienne d’Auxerre l’oblige à éviter les seconds, le choix restant, pardéfaut, n’étant pas pour déplaire à son tempérament et à ses habitudes. Entre lesdeux, Gantez, qui à plusieurs occasions dans son Entretien, ne cache pas son atti-rance pour le vin, choisit clairement les premiers :

— « D’ailleurs les Chansons d’Amour attristent, & celles à boir resjouissent. Voilà pourquoyun Religieux m’en ayant un jour demandé, je lui dis : Mon Pere vous ne serez jamaismarry que je vous en donne à boire plutost que d’Amour, puisque l’un vous est defendu& non pas l’autre. » 23

Gantez mentionne ensuite les meilleurs compositeurs d’airs à boire. Moulinié etLambert, dont Bertaut chante les airs avec succès, nous précise-t-il, sont ses préfé-rés. Boesset est excellent, ajoute-t-il, mais n’a malheureusement pas composé d’airà boire. Cela sans doute relève de la modestie de cet habile musicien : s’il en avaitcomposé, il aurait été non pas compositeur excellent, mais proprement parfait, cequi était impossible car « nemo perfecto nisi solus Deus » 24.

L’on pourrait multiplier les exemples de différents termes, mais le constat serait lemême: le terme air de cour est très rare. Certes, les questions abordées, même lors-que Mersenne étudie les diminutions de « N’espérez plus mes yeux », ne sont passpécifiques et propres au genre ; une telle absence reste toutefois étonnante, surtoutalors que le genre connaît un franc succès auprès du public et que le nombre derecueils d’airs de cour publiés est tout à fait considérable. De même, les questions demétrique et de prosodie du français transcendent les axes transversaux qui séparentle sacré du profane, le polyphonique du monodique, le strophique du continu. Ladiminution appartient à l’art de bien chanter et non exclusivement à l’air de cour,même si c’est dans ce domaine précisément que les compositeurs, souvent chan-teurs eux-mêmes, déploient les moments les plus excellents de l’art vocal. Mais c’estpour illustrer cet art du chant que l’exemple de l’air de cour est convoqué.

Un autre paramètre dont il faut par conséquent tenir compte, concerne précisé-ment le statut des compositeurs d’air de cour. Lorsque, plus tard, les noms deJacques Champion de Chambonnières ou du sieur de Sainte-Colombe sont cités,auteurs et lecteurs y associent automatiquement des genres sous-jacents : lamusique pour clavecin pour l’un, celle de viole pour l’autre. Cela est particulière-ment fort pour les compositeurs-instrumentistes dont la musique fut consacréeessentiellement à leur instrument, et dont l’évocation dans les traités concerne bien

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23. Annibal Gantez, L’Entretien des musiciens, Auxerre, Jacques Bouquet, 1643, p. 288.24. « Personne n’est parfait, si ce n’est Dieu », Ibid., p. 289. En effet, Antoine Boesset ne toucha guère au

genre de l’air à boire, si ce n’est dans cet air, unique en son genre et certainement pas du goût deGantez : « Buvons à longs traits de ces eaux » dans ses Airs de cour à quatre & cinq parties [premier livre],Paris, Pierre Ballard, 1617 (je dois cet exemple à Thomas Leconte).

sûr leur musique mais, surtout, leur art instrumental, leur pratique de musicien.Inversement, les noms de Du Caurroy ou de Le Jeune sont cités pour évoquer unstyle, le contrepoint « sçavant » de la musique figurée. Là aussi, l’air de cour et sescompositeurs subissent le phénomène de l’entre-deux : ni Boesset, ni Moulinié nese sont consacrés exclusivement au genre, et leurs noms sont associés à la musiquereligieuse autant qu’à l’air. Même si leur pratique de l’art du chant est louée, ils setrouvent placés plus volontiers parmi les compositeurs « sçavants ». L’évocationd’Henri Le Bailly, au contraire, renvoie à l’excellence dans le chant : certes, il s’agittrès souvent de chanter l’air [de cour], mais l’association n’est pas exclusive. Pourdéfendre, par exemple, la légitimité du chant en français sur des vers mesurés,Mersenne oppose, aux éventuels sceptiques, que :

— « L’expérience fait voir que le chant n’empesche pas qu’on n’entende distinctement lesparoles, et le discours qu’on recite, particulierement quand quelqu’un chante seul avec leluth ou la lyre comme fait Monsieur le Baillif l’Orphée de nostre siecle. » 25

Il est très tentant d’imaginer Le Bailly chanter précisément des airs de cour, etsans doute Mersenne songeait-il à cela pour cet exemple. Le préciser n’aurait tou-tefois rien apporté au propos du « bien chanter », dans cet exemple comme danstous les autres ; l’omettre, en revanche, permet de ne pas exclure les autres piècesen français, notamment celles fondées sur des paraphrases et poésies spirituelles.En d’autres termes, la catégorisation des musiciens telle qu’elle était alors formuléeconsidérait généralement « ceux qui touchent les instruments, et qui chantent, ouqui composent » 26, séparant ainsi les exécutants des compositeurs. Le cas de l’air etde ses musiciens se trouve particulièrement partagé entre les deux aspects, l’art decomposer et l’art de bien chanter, ce qui ne fut pas le cas d’autres genres vocaux, telpar exemple le motet.

Comme il vient d’être évoqué, l’attachement à la poésie spirituelle, tel qu’ils’impose dans l’étude des questions de prosodie et de déclamation du français, éla-borées essentiellement sur des paroles pieuses et sur les paraphrases de psaumes,laisse peu de place au genre à proprement parler de l’air de cour. Étudié en dehorsdu champ de ce dernier, le statut de ces paroles françaises ne privilégie, de fait, nil’étude du genre, ni l’emploi du terme précis. Il est en revanche question spécifi-quement d’air de cour lorsqu’il s’agit d’interroger le rapport entre pièces profanes etspirituelles en langue vernaculaire. Ce n’est pas Mersenne, mais le compositeurJacques de Goüy en 1650 qui se réfère de façon significative à ce genre enemployant le terme précis. L’unique passage qui traite explicitement de l’air de course trouve ainsi, paradoxalement, dans le texte introductif d’un recueil de pièces spi-rituelles. Dans la « Préface » de ses Airs à quatre parties, sur la Paraphrase des Pseaumesde Messire Antoine Godeau 27, Goüy tente de démontrer tant la singularité que la

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25. Marin Mersenne, Traité de l’harmonie universelle, Paris, Baudry, 1627, p. [XVI].26. Ibid., p. [XIV].27. Dans la « Préface » de ses Airs à quatre parties, sur la Paraphrase des Pseaumes de Messire Antoine Godeau,

Paris, Robert Ballard et l’auteur, 1650, partie de dessus, f. [I-XVI]. Cette préface fut publiée dans l’antho-logie de J.-G. Prod’homme, Écrits de Musiciens (XVe-XVIIIe siècles), Paris, Mercure de France, 1912, p. 156-173.

légitimité de l’air spirituel par rapport, justement, à l’air de cour 28. En 1650, l’air decour est un modèle d’autorité, le lecteur est donc prévenu : ces pièces sur la paraph-rase de psaumes appartiennent légitimement au genre de l’air, puisqu’elles ressem-blent, à dessein, à l’air de cour. La filiation au modèle est également une garantiede succès :

— « On m’a conseillé de m’accommoder au temps, & faire des chants sur le modele des Airsde Cour, pour estre introduits par tout avec plus de facilité, & receus avec plus d’agrée-mens. Et de vray, puisque nous souhaittons que ces chants soient en toutes les bouches,il est bon, afin de plaire plus universellement, que leur nouveauté soit authorisée par lacoustume presente. » 29

Plus loin, en conclusion à son discours, il considère avoir démontré cette filiation :

— « La conformité qu’il y a de mes Pseaumes aux Airs de Cour, a fait que j’ay donné à monLivre le titre d’Airs. » 30

Se sentant sans doute responsable de la transparence de ce nouveau genre, Goüyexplicite sa démarche compositionnelle et décompose toute sa rhétorique de miseen musique de ces psaumes. Comme l’air de cour, il s’agit de poèmes en languefrançaise et, surtout, de forme strophique. Il souligne, bien entendu, l’importancedu juste rapport de la musique aux paroles :

— « J’ay creu aussi, que pour une Paraphrase les chants ne devoient pas estre simples, maisproportionnez à la Poësie, c’est à dire, pleins de divers mouvemens, & portant l’Image despassions & des sentimens qui sont renfermez dans les paroles. » 31

Mais la grande contrainte de la composition d’un air, qui ne se pose pas dans le caspar exemple du motet, est précisément cette forme qui consiste à chanter toutes lesstrophes sur la même musique. Comment cette contrainte peut-elle s’accorder avecla volonté d’observer dans la musique le sens des paroles ? Bien que l’idée généralede la pièce ne doive pas être perdue de vue, ce sont inévitablement les paroles dela première strophe qui imposent leur caractère, au détriment des autres :

— « Davantage j’ay pensé qu’on devoit choisir un mode, ou une maniere de chanter conve-nable à tout le Pseaume, mais particulierement au premier couplet, dautant que le Musicienest obligé d’exprimer les passions qui s’y r’encontrent, & non pas celles des autres versets.Il en de mesme de l’argument d’un discours, parce qu’on a une veuë generale de toute lamatiere, neantmoins on n’y marque pas toutes les pensées qui le composent ; mais seule-ment celles qui sont les plus plus considerables. Or le premier couplet est à mon advis, leplus remarquable en cela ; partant le mode luy doit plutost convenir qu’à nul autre. » 32

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28. Notons que cette démarche est un exemple de l’attitude générale, dans le discours théorique de l’époque,qui consiste à procéder par couples afin de définir des objets, à défaut d’un discours propre (le style fran-çais défini par rapport au style italien, les Modernes par rapport aux Anciens, etc.).

29. Jacques de Goüy, « Préface », op. cit., f. [IV-IVv].30. Ibid., f. [IXv].31. Ibid., f. [IVv].32. Ibid., f. [V-Vv].

Il n’est toutefois pas question de chanter toutes les strophes exactement de lamême façon. La contrainte strophique exige des chanteurs une grande inventiondans leur exécution. C’est en cela que tient la singularité du genre. Goüy doncpoursuit :

— « De plus, j’ay observé pour me rendre conforme aux Airs de Cour, qu’il estoit expedientde faire des reprises, où l’occasion se trouveroit favorable ; & de ne mettre pareillementque les paroles du second couplet, pour donner sujét à ceux qui sçavent la maniere dechanter, d’employer tous les artifices de l’Art sur ces saintes paroles. » 33

UNE RHÉTORIQUE DU STROPHIQUE : L’IMPORTANCE DE L’ACTIO

La contrainte de la disposition strophique qui consiste à chanter tous les coupletssur la même musique, associée à la volonté de mettre musicalement en valeur laforce expressive des paroles, provoque une série de phénomènes. Même si le com-positeur privilégie ouvertement, dans sa mise en musique, le sens et le caractère desvers de la première strophe, il est toutefois obligé de limiter les figures trop osten-sibles qui visent à mettre en valeur des mots précis, tels des enchaînements parti-culièrement dissonants ou de longues vocalises. Une attitude inverse risquerait trèsprobablement de générer des contresens musicaux dans les couplets suivants, lesfigures correspondant alors à des mots différents, et a fortiori des sens différents, deceux du premier couplet. De là résulte, également, une mise en musique générale-ment syllabique des paroles dans l’air de cour. Notons ici, du reste, l’avantage depoèmes de caractère contemplatif, tels les complaintes ou les poèmes d’amour, surles vers narratifs : si le chanteur peut participer de façon significative à une certaineévolution des affects, s’il peut, au moyen de son art du chant, créer une gradation, ilne pourrait changer totalement le caractère du premier couplet étant donné que lessuivants sont chantés sur la même musique. Un poème narratif ne pourrait donc pastoujours devenir un bon air de cour. En d’autres termes, si l’air de cour ne déploiepas en général des moyens aussi spectaculaires que ceux trouvés dans les motets oules madrigaux, ce n’est pas pour autant que sa musique est plus « facile » et moinssavante que d’autres. Contre l’avis de ceux qui considéraient l’air moins savant etdonc musicalement inférieur aux polyphonies en contrepoint figuré, Jacques deGoüy souligne la difficulté du genre ; malgré la brièveté de ces pièces et le renon-cement délibéré à la complexité des parties, leur composition est particulièrementdifficile :

— « La composition des Airs est la plus difficile de toutes ; d’autant que le Dessus & la Basseestant composez, on ne les change pas pour y faire les autres parties : Et neantmoins il fautqu’elles expriment les passions, & la prononciation, qu’elles changent agreablement, &qu’elles soient dans la contrainte des reigles de la composition simple, qu’on nomme ordi-naire contrepoint, note contre note. Il n’en est pas de mesme pour les Motets, ny pour lesMeslanges, parce qu’il n’y a point de Dessus, ny de Basse qu’on ne change, pour faire lesautres parties selon la volonté du Compositeur.

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33. Ibid., f. [Vv].

Pour une autre raison, cette façon de composer, est incomparablement bien plus penibleque la figurée ; d’autant qu’en figurant, on esvite toutes les difficultez qui se presentent,ce qui est impossible de faire icy, où toutes les parties vont ensemble.Je sçay que ceux qui ne s’adonnent pas à la composition des Airs, s’imaginent que cettemaniere n’est pas considerable : mais je trouve que l’on peut faire trois ou quatre Motetspour un Air qui aura toutes ses parties bien proportionnées, avec toutes les circonstancesque j’ay des-ja dites. » 34

La part qui revient à la pratique du chant dans l’efficacité des pièces vocales ettout particulièrement de l’air strophique est donc décisive. Mersenne a beaucoupdiscuté la force expressive de la voix et du chant ; le lien qu’il tient à observer dansses discours avec la pratique, volonté constante dans l’Harmonie universelle, est par-ticulièrement fort dans la partie consacrée à l’« Embellissement des Chants ». Avantde rappeler l’historique des travaux de Baïf 35 et de détailler les principes de l’artrythmique, il consacre un chapitre à ce qu’il désigne comme la musique accentuelle,celle concernant la manière idéale dont les chanteurs devraient rythmer et accen-tuer leur musique, tels, dit-il, de véritables « orateurs harmoniques ». Il avait déjàcirconscrit brièvement cet espace en 1627, dans un « théorème » de son Traité del’harmonie universelle :

— « La Musique Accentuelle n’est autre chose que la connoissance qu’on a de la manierequ’il faut prononcer & accentuer chaque parole, ou chaque periode des discours qu’onfait, qu’on recite ou qu’on chante, & est Speculative, ou Pratique. » 36

Mersenne développe davantage cette idée en 1636 ; l’analogie qu’il cherche à éta-blir alors avec la rhétorique n’est pas en premier lieu celle du modèle canonique etstructurel, de l’inventio et, surtout, de la dispositio et de l’elocutio. Il fait plutôt réfé-rence au modèle de l’actio, autrement dit de la pratique de la déclamation, une actioqui se trouve à l’origine et constitue l’objet même de la théorie :

— « Cette partie de Musique semblera peut estre nouvelle à plusieurs, encore qu’elle se pra-tique par ceux qui chantent en perfection, & qu’elle accomplisse l’Art de l’OrateurHarmonique, qui doit connoistre tous les degrez, les temps, les mouvemens, & lesaccents propres pour exciter ses auditeurs à tout ce qu’il veut, comme faisoit Timothée.[…] Or je suy l’ordre & le nombre des Propositions precedentes, afin de continüer ce livreen expliquant tout ce qui concerne les Accents des passions, ce qui aidera grandement àperfectionner toutes sortes de chants, qui doivent en quelque façon imiter les Harangues,afin […] que l’Art de composer des Airs, & le Contrepoint ne cede rien à laRhétorique. » 37

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34. Ibid., f. [VI-VII].35. Travaux que Mersenne avait exposés in extenso en 1623, dans ses Quæstiones Celeberrimæ in Genesim. Quant

au traitement de la question dans l’ouvrage de 1636, voir Jean Vignes, « L’Harmonie universelle de MarinMersenne et la théorie du vers mesuré », À haute voix, Diction et prononciation aux XVIe et XVIIe siècles, actesdu colloque de Rennes (1996), Paris, Klincksieck, 1998, p. 65-85.

36. Traité de l’harmonie universelle, op. cit., p. 199.37. Harmonie universelle, op. cit., p. 365.

Cette importance de la déclamation dans le chant, véritable lien organique entrela rhétorique et l’art de chanter est mise en évidence à plusieurs reprises, dans lesécrits qui font suite à ceux de Mersenne. Bénigne de Bacilly bâtit ses Remarquescurieuses sur Art de bien chanter sur cette idée. Comme la rhétorique est l’art de « biendire », de même le chanteur ne doit pas simplement chanter, mais « bien chanter » ;comme l’orateur, il doit convaincre et émouvoir :

— « Mais à present qu’il semble que le Chant est venu au plus haut degré de perfection qu’ilpuisse jamais estre, il ne suffit pas de prononcer simplement, mais il le faut faire avec laforce necessaire ; & c’est un abus de dire qu’il faut Chanter comme l’on parle, à moins qued’ajouster comme on parle en Public, & non pas comme l’on parle dans le Langage fami-lier. » 38

Le discours de Bacilly est fondamentalement technique : il examine en détail laprosodie, la quantité des syllabes et la prononciation ; il essaie d’épuiser tous les caspossibles, un à un, ceux de toutes les voyelles et consonnes, jusqu’au moindre pho-nème.

Dans le domaine de la rhétorique musicale, les théoriciens français se sont parti-culièrement attachés au modèle de l’actio, surtout dans la première moitié du XVIIe

siècle 39 : les propos concernant l’orateur harmonique et l’enjeu de la déclamation ledémontrent. Les théoriciens, Mersenne comme Bacilly ou Millet et d’autres, plustard, s’adressent au compositeur, au sujet de la manière dont la prosodie des parolesdoit être unie au dessein de la mélodie. Mais ils s’adressent également au chanteur,qui doit déployer tous ses moyens, la force de la voix selon les termes de Mersenne,pour véhiculer et communiquer l’ethos du chant, c’est-à-dire son pouvoir expressif.De par sa nature strophique, la beauté de l’air de cour et l’efficacité de son poten-tiel expressif dépendent de façon déterminante de l’intelligence de l’interprétationet de l’art de bien chanter des exécutants.

En synthèse, l’air de cour n’a pas intéressé les théoriciens en tant que genre musi-cal. Monodique ou homorythmique, il s’est heurté à l’ancien modèle d’excellencedans l’art de composer, toujours véhiculé dans les traités, à savoir le contrepoint« sçavant » des Roland de Lassus ou Eustache Du Caurroy : Jacques de Goüy le rap-pelle, le genre ne jouissait pas d’une grande considération en termes de langagemusical. Il n’a pas été non plus le lieu exclusif ou privilégié de la recherche sur laprosodie de la langue française, grand chantier poétique et musical depuis les tra-vaux de l’Académie de poésie et de musique d’Antoine Baïf : Mersenne, comme

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38. Bénigne de Bacilly, Remarques curieuses sur l’art de bien chanter, et particulièrement pour ce qui regarde le chantfrançois, Paris, l’auteur et Ballard, 1668, p. 250.

39. Ce modèle est discuté aussi plus tard dans le siècle par les Français, bien que Mersenne y consacre leplus de commentaires, mais s’y ajoutent également des propos, certes de façon moins directe, concernantla dispositio, en d’autres termes la structure formelle d’une pièce. Pour un développement plus ample decette question des modèles de la rhétorique dans le discours sur la musique en Françe, qu’il me soit per-mis de renvoyer à ma thèse, L’évolution de la pensée théorique, en France, de Marin Mersenne à Jean-PhilippeRameau : vol. I. Les modèles de la théorie musicale (Université de Tours, 2003), p. 93-103 et 111-122.

tous les autres théoriciens, pratiquement tous religieux par ailleurs, lui préférèrentles paraphrases des psaumes. À la fois genre et pratique musicale, l’air de cour fut tou-tefois le lieu emblématique de l’art de bien chanter, véhicule d’une rhétoriquepropre à « l’action de l’orateur », cette force de la voix si chère au modèle français. Àla fin du XVIIe siècle, les théoriciens y reconnaissent l’essence et la principale res-source du récitatif de la tragédie en musique.

« Adorables rigueurs et vous charmants mepris » pour dessus et basse,suivi du début de la version ornée de la partie de dessus, telle que la propose Jean Milleten 1666, dans La belle méthode ou l’art de bien chanter (Lyon, Jean Grégoire, 1666), p. 52-53.

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ANNEXES

I. Inventaire chronologique des pièces et extraits, avec des paroles françaises, donnés àtitre d’exemples musicaux dans les traités français (ou en langue française), 1610-1666.

Cet inventaire signale les exemples musicaux avec paroles en français notés dans les traitéscontemporains du répertoire de l’air de cour. Par souci de cohérence, tout exemple musicalaccompagné de paroles en langue française a été retenu. La confrontation de la présente listeavec celle de la chronologie donnée en ANNEXE II (p. 202-205), met en évidence le caractèreexceptionnel de ce type d’exemples dans la période concernée : seulement dix documents ont puêtre retenus, dont trois de façon quasi anecdotique étant donné la brièveté et le caractère desexemples concernés (Jules de La Ménardière, 1639, Salomon de Caus, 1615 et, surtout, PierreMaillart, 1610), sur un corpus de textes tout à fait considérable par ailleurs, qui déploie un grandnombre d’exemples de musique latine ou sans paroles (notamment dans les études de cas decontrepoint). Un autre constat intéressant est la présence majoritaire de textes spirituels, paraph-rases de psaumes ou de cantiques. Cela n’est pas étranger à la condition des auteurs, presque tousdes religieux hormis deux d’entre eux. Pour ce qui concerne l’ingénieur Salomon de Caus, c’estsa confession protestante qui explique sans doute le choix des psaumes dans ses brefs exemples ;quant à Jules de La Ménardière, médecin et membre de l’Académie française, son ouvrage n’estpas un traité de musique à proprement parler, mais une Poétique, qui interroge, dans un des cha-pitres, le statut de la musique dans le théâtre : ses brefs exemples montrent des cas de récit lyri-que selon deux rapports différents entre sens des paroles et rythme. Pour ce qui concerne lesrares exemples d’air de cour à proprement parler (Mersenne, 1636, Parran, 1639, et Millet, 1666),le terme n’est jamais donné. Enfin, deux cas atypiques méritent d’être soulignés : 1° les para-phrases de psaumes de Jacques Mauduit dont les vers mesurés de Baïf sont notés selon l’alpha-bet phonétique de ce dernier, dans la perspective de faire apparaître sur le papier l’ampleur de larecherche et la qualité de l’expérimentation entreprises sur la question de la prononciation et dela quantité des syllabes ; 2° les exemples d’ornementation que propose Jean Millet, qui mêlentairs et motets. Si l’art de bien chanter, avec tous les paramètres de qualité et quantité de syllabesinduits par la langue, a été étudié essentiellement sur le terrain de l’air, de par aussi la pratiquedes chanteurs les plus habiles de l’époque, le champ de la prosodie et du chant latin n’a pas lais-sé pour autant les théoriciens indifférents, bien au contraire 40.

1610 Pierre Maillart, Les tons ou discours sur les modes, Tournay, Charles Martin.Bref exemple de la notation grecques (alypienne) d’après Boèce avec sa transcription ; l’exemplevient du Solitaire de Pontus de Tyard (1555).« Plus d’une paix rebelle », voix seule (Ut 1) (p. 131).

1615 Salomon de Caus, Institution harmonique, Francfort, Jan Norton.Exemples des douze modes (ut –> la) avec leurs propriétés, à une voix, sur des paraphrases de psaumes.Premiere Mode Anthenique [ut] : « Chantez gayement à Dieu nostre force », voix seule (Ut 1), para-

phrase du psaume 81 [80] (2e partie, p. 21).Seconde Mode Plagalle [ut] 41 : «Du seigneur les bontés sans fin je chanteray », voix seule (Ut 4 [sic]),

paraphrase du psaume 89 [88] (2e partie, p. 22).

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40. Pour un aperçu des sources théoriques du XVIIe siècle relatives à cette question, voir Patricia M. Ranum,Méthode de la prononciation latine dite « Vulgaire » ou « à la française » : Petite méthode à l’usage des chanteurset des récitants d’après le manuscrit de dom Jacques Le Clerc (vers 1665), Arles, Actes Sud, 1991.

41. En réalité, Salomon de Caus donne tout cet exemple en mode de la ; il s’agit sans doute d’une erreur declef (ut 4 au lieu de ut 3), répétée sur les trois lignes de l’exemple.

Troisiesme Mode [ré] : « Sus sus mon am’il te faut dire bien de l’eternel », voix seule (Ut 4) (2e partie,p. 22).

Quatriesme Mode [ré] : « Estant assis aus rives aquatiques de Babilon », voix seule (Ut 3), paraphrasedu psaume 137 [136] (2e partie, p. 23).

La Cinquiesme Modie, dite Plagalle [mi] : « O Dieu je n’ay Dieu fors que toy », voix seule (Ut 4) (2e par-tie, p. 23).

Sisiesme Mode, dite Plagalle [mi] : « O Dieu tout puissant mon sauveur », voix seule (Ut 2), paraphrasedu psaume 88 [87] (2e partie, p. 24).

Septiesme Mode Antentique [fa] : « Or sus tous humains frapez de vos mains », voix seule (Ut 3), para-phrase du psaume 47 [46] (2e partie, p. 25).

Huitiesme Mode, dite Plagalle [fa] : « Vouloir m’est pris de mettr’en escriture », voix seule (Ut 4), para-phrase du psaume 101 [100] (2e partie, p. 25).

Neufiesme Mode Antentique [sol] : « Aye pitié, aye pitié de moy », voix seule (Ut 3), paraphrase dupsaume 57 [56] (2e partie, p. 26).

Disiesme Mode Plagalle [sol] : « Sois ententif mon peupl’à ma doctrine », voix seule (Ut 4), paraphrasedu psaume 78 [77] (2e partie, p. 26).

Onziesme Mode Antentique [la] : « Tes jugements, Dieu veritable », voix seule (Ut 2), paraphrase dupsaume 72 [71] (2e partie, p. 27).

Douziesme Mode, dite Plagalle [la] : « Je t’aymeray en tout’obeissance », voix seule (Ut 4), paraphrasedu psaume 18 [17] (2e partie, p. 27-28).

1623 Marin Mersenne, Quæstiones celeberrimæ in Genesim, Paris, Sebastien Cramoisy.Sept pièces en français de Jacques Mauduit sur des vers de Jean-Antoine de Baïf. L’identification desauteurs des pièces musicales vient à la fin du dernier exemple : « Psalmos omnes a Joanne AntonioBaïfio tam latinis, quàm Gallicis versibus reddito, ut in hoc tractatu monui, brevi accipere poteris, si eos petasa Jacobo Moduito musico celeberrimo, & huiusce nostræ musicæ autore præcipuo, qui eos pulcherimâ musicâexornavit, & in lucem, cum voluerit, proferet ». Mersenne réitère cette attribution dans l’Harmonie uni-verselle, puisqu’il y renvoie à ces exemples « où les vers mesurez François sont de Baïf, & la Musiqueest de Jacques Mauduit » (au livre de l’Art de bien chanter, p. 393). Toutes les paroles des pièces enfrançais, en vers mesurés, sont notées selon l’alphabet phonétique de Baïf.

« Dieu se levera soudein » [à 4 voix ; texte en alphabet phonétique de Baïf], Ps. 67 (col. 1640-1643).« An son tanple sakre’ loue’s le kran-Dieu » [à 5 voix ; alphabet phonétique de Baïf ; psaume 150]

(col. 1644-1649).« Juje le droet de ma kooz » [à 5 voix ; alphabet phonétique de Baïf], psalmus 42 (col. 1650-1656).« Pardon, e’ justiss’ i me plet de �ante’r » [à 4 voix ; alphabet phonétique de Baïf ; Ps. 100] (p. 1655-

1656).« Ô ciel, ô mer, ô terre armez vous de colere, Armez vous de fureur » [à 4 voix] (col. 1659-1660).« Loue’s le Seigneur toute-jans » [à 4 voix ; alphabet phonétique de Baïf], Ps. 116 (p. 1661-1662).« Sus:tou ses servans bénise’s le Seigneur » [à 4 voix ; alphabet phonétique de Baïf], Ps. 133

(col. 1663-1664).

1627 François de Sermes [id est Marin Mersenne], Traité de l’harmonie universelle, Paris,Guillaume Baudry.Quelques-uns des exemples à deux voix sur les douze modes portent un même texte en vers hexa-metre François ». À la toute fin du volume se trouvent deux paraphrases de psaumes: elles figurentuniquement dans certains exemplaires, ceux achevés d’imprimer vers mars 1628, portant toutefois lamême page de titre – mais sans nom d’auteur – que la première émission (imprimée vers octobre 1627).« O Seigneur mon Dieu que tu es grand en ta grandeur », exemples à deux voix sur les modes 7 à 12

(p. [304b-c])« Puisque le Monarque des Anges », paraphrase du psaume 146 par Habert de Serisy 42, dessus et

taille, musique donnée pour les deux premiers versets « dont le premier couplet est du PremierMode, et le second du Deuxième ».

« Grand Dieu dont nos soupirs », paraphrase du psaume 43, premier verset, à quatre parties (petitesclés) « qui serviront pour chanter les autres couplets ».

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42. Le poète est identifié dans l’Harmonie universelle, où sa paraphrase du psaume 146 figure à nouveau maisdans une mise en musique différente, de Charles Racquet (voir exemple suivant : 1636).

1636 Marin Mersenne, Harmonie universelle, Paris, Sébastien Cramoisy (et RichardCharlemagne, et Pierre Ballard).Douze couplets pour chacun des douze modes composés par Charles Racquet, sur autant de versetsde la paraphrase du psaume 146 en vers français par Habert de Serisy, dessus et basse (l. 5 : compo-sition de musique, p. 284-289).Premier Mode : « Puisque le monarque des Anges » (p. 284)2. Mode : « Sa main, la source de tout estre » (p. 284)3. Mode : « Ce Dieu lisant dans nos pensées » (p. 285)4. Mode : « Se trouve t’il rien dans le monde » (p. 285)5. Mode : « En vain tous nos soins » (p. 286)6. Mode : « Des mesmes bras dont sa justice » (p. 286)7. Mode : « Donc lisant dans vos consciences » (p. 287)8. Mode : « Dites qu’il forge le tonnerre » (p. 287)9. Mode : « Dites qu’il pare les campagnes » (p. 288)10. Mode : « Que sa Divine providence » (p. 288)11. Mode : « Qu’il hayt ceux dont l’orgueil se fonde » (p. 289)12. Mode : « Mais jamais ses mains ne sont lasses » (p. 289)Fuga in Diapente & Diatessaron de Coffin, « Vive le Roy Louis », une partie, « trois voix sur les six voix

de la Musique » (l. 5 : composition de musique, p. [3]18).Canon à quatre voix de Charlonye, « Si jour et nuit je soupire » (l. 5 : composition de musique, p. [3]20).Fugue double à quatre de Claudin le Ieune, [« Chantez en exultation au Dieu qui habite en Sion »] 43

(l. 5 : composition de musique, p. 321).Air de Monsieur Boesset, « N’esperez plus mes yeux », dessus seul (l. 6 : art de bien chanter, p. 411).

Diminution de Monsieur le Bailly, « Les pleurs n’ont plus de lieu », dessus seul [2e strophe de l’airprécédant] (l. 6 : art de bien chanter, p. 411).Autre diminution de Monsieur Boesset, « Les pleurs n’ont plus de lieu », dessus seul (l. 6 : art de bienchanter, p. 411).

Autre façon de chanter de Monsieur Moulinié, dessus et basse (l. 6 : art de bien chanter, p. 412-413).Chant simple : « N’esperez plus mes yeux »Port de voix : « N’esperez plus mes yeux » [les deux voix sont ornées]Second couplet en diminution : « Les pleurs n’ont plus de lieu » [les deux voix sont ornées]

Rechant « Eau vive source d’amour », Mauduit et Baïf, dessus, texte en alphabet phonétique de Baïf(l. 6 : art de bien chanter, p. 419).

« Divine Amarillis » (Antoine Boesset) tablature de luth seule, suivi des 4 parties vocales (l. 2 : traitédes instruments à cordes, p. 90).

Dessus de l’air précédent avec la Tablature du Luth d’Anthoine Boësset (ibid., p. 92).Chanson composée par le Roy, & mise en tablature par le Sieur de la Barre… : « Tu crois ô beau soleil »dessus et partition de clavier (l. 6 : des orgues, p. 391).

Diminutions des deux premières mesures de la tablature précédente… (ibid., p. 394-395).

1639 Hippolyte-Jules Pilet de La Ménardière, La poétique, tome premier, Paris, Antoine deSommaville.Les auteurs de ces exemples à une partie ne sont pas précisés. Les caractères de musique sont pro-bablement ceux de Ballard.Rythmes languissants. Camille : « Flambeaux injurieux dont les rayons funebres » (p. 428-429).Rythmes precipitez. « Il me vid, il m’aima, sa flame fit ma flame » (p. 430).

1639 Antoine Parran, Traité de la musique théorique et pratique, Paris, Pierre Ballard.« Suzanne un jour » [quatre voix en petites clés, exemple du contrepoint à quatre] (p. 94).La Musique au Roy : « Je suis la Reyne des Concerts », dessus et basse (p. 139).Sur la naissance de Monseigneur le Dauphin : « En fin nos vœux sont exaucez », dessus et basse(p. 140-141).

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43. Paroles manuscrites ajoutées de la main de Mersenne sur son exemplaire personnel (F-Pcnam F° N. 3).

1644 Marin Mersenne, Cogitata physico-mathematica, Paris, Antoine Berthier.Vivo ego jam non ego : vivit vero in me Christus. « Meurtr’innocent qui me fait vivre, Sainct Amourqui me fait mourir ». Antoine Boesset, voix et basse-continue [paraphrase de l’épître aux Galates,ch. 2, v. 20] (p. 327).

1646 Antoine Parran, Traité de la musique théorique et pratique, Paris, Robert Ballard (rééd.).Voir 1639

1666 Jean Millet, La belle méthode ou l’art de bien chanter, Lyon, Jean Grégoire.Les airs qui suivent sont de Millet (identification sur la page de titre de l’ouvrage : « L’on voit à la finquelques Airs, composés par l’Autheur »).« Ce n’est fait à ce coup Iris nous va quitter », dessus et basse, suivi du dessus orné de la 2e strophe« Le nœud qui vous unit » (p. 50-51).« Adorables rigueurs et vous charmants mepris », dessus et basse, suivi de la version ornée de la par-

tie de dessus (p. 52-54).« Quand je partis d’auprès de vous », dessus et basse, suivi du dessus orné de la 2e strophe « Lors

que pour des beaux yeux absens » (p. 54-56).« Vous me demandez, Amarante, des chansons », dessus et basse (p. 56-57).

II. Aperçu chronologique des traités de musique français, 1602-1668.

Le terminus ad quem est la première parution des Remarques curieuses de Bacilly. Quant au pointde départ, il s’agit du début du XVIIe siècle. Dans cet aperçu figurent à la fois les ouvrages (en lan-gue française et/ou publiés en France) entièrement consacrés à la musique et ceux qui y consa-crent une partie ou chapitre. Précisons enfin que cette chronologie ne tient pas compte des sour-ces théoriques qui ont pour objet exclusif le plain-chant.

date Auteur et titre1602 Anonyme [préface de Ballard], Traicté de Musique contenant une théorique succinte

pour méthodiquement pratiquer la composition, rééd. (1re éd. : 1583)[1603 ca] Nicolas Bergier, Musique spéculative, ms.1606 Jean Boiseul, Traité contre les danses1608 Michel Coyssard, Traicté du profit que toute personne tire de chanter en la Doctrine

Chrestienne1610 Pierre Maillart, Les tons ou discours sur les modes1615 Salomon de Caus, Institution harmonique

Salomon de Caus, Les raisons des forces mouvantes avec diverses machines tant utilesque plaisantes

1616 Anonyme [préface de Ballard], Traicté de Musique, contenant une sommaire instruc-tion pour méthodiquement pratiquer la composition, rééd.

1617 Jean François de Cecier dit Colony, Brieve instruction de musiqueAnonyme [préface de Ballard], Traicté de Musique, contenant une sommaire instruc-

tion pour méthodiquement pratiquer la composition, rééd.1618 René Descartes, Compendium Musicæ, ms. 44

1620 Anonyme, La fluste de Robin1621 Étienne Binet, Essay des merveilles de nature (« La musique ») [nombreuses rééd.][1623 avant] Barthélemy de Montagut, Louange de la danse1623 Marin Mersenne, Quæstiones celeberrimæ in Genesim

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44. Date attestée de composition du texte ; la source de 1618 est toutefois perdue.

Marin Mersenne, Observationes & emendationes ad F. G. Veneti ProblemataFrédéric Morel [éd.], Bacchii senioris, Iatromathematici ��)�����́ �́� �

������~� sive Introductio methodica ad musicam per Dialogismum, traduit dugrec en latin François de Lauze, Apologie de la danse

1624 Marin Mersenne, Impiété des déistes, athées & libertins de ce temps Salomon de Caus, Les raisons des forces mouvantes (rééd.)

1625 Marin Mersenne, Vérité des sciences1627 Marin Mersenne, Traité de l’Harmonie universelle

René Descartes, Compendium musicæ, ms.1631 Louys Chaveneau, Définitions nécessaires pour l’intelligence de la musique1633 Jacques Cossard, Méthodes pour apprendre à lire, écrire, chanter & compter ou

Méthode pour apprendre à bien chanterJacques Cossard, Pour apprendre à chanterRené Descartes, L’Homme (« De l’ouïe & de ce qui fait le son »), ms.

1634 Marin Mersenne (et François La Mothe Le Vayer), Questions harmoniquesMarin Mersenne, Questions inouïes ou Récréation des savantsMarin Mersenne, Questions théologiques, physiques, morales et mathématiquesMarin Mersenne (et Pierre Gassendi), Préludes de l’harmonie universelle ou

Questions curieuses utiles aux prédicateurs…1635 Marin Mersenne, Harmonicorum libri

René Descartes, Compendium musicæ, ms.1636 Marin Mersenne, Harmonicorum libri (autre émission)

Marin Mersenne, Harmonicorum Instrumentorum libriMarin Mersenne, Harmonie Universelle (et Gilles Personne de Roberval, Traité de

mécanique)1639 André Maugars, Réponse faite à un curieux sur le sentiment de la musique d’Italie

Antoine Parran, Traité de la musique théorique et pratiqueHippolyte-Jules Pilet de La Ménardière, Poétique : La Musique

1640 François La Mothe Le Vayer, De la musique ; De la danse ; Discours sceptique sur lamusique (rééd. ; 1re éd. dans M. Mersenne, Questions harmoniques, 1634)

Pierre Trichet, Traité des instruments de musique, ms.Hippolyte-Jules Pilet de La Ménardière, Poétique : La Musique, rééd.

[1640 ca] René Descartes, Compendium musicæ, ms.1641 M. de Saint-Hubert, Manière de composer et faire réussir les ballets[1642] Charles Guillet, Institution harmonique, ms.1643 Jean Denis, Traité de l’accord de l’épinette

Annibal Gantez, Entretien des musiciens[1643-1645] M. de La Roullière-Malherbe, Méthode très facile pour apprendre promptement la

musique1644 Ismaël Boulliau (éd.), Theonis Smyrnæi… Expositio mathematicis (« De Musica »),

éd. bilingue grec et traduction latineMarin Mersenne, Cogitata physico-mathematica

1646 Antoine Parran, Traité de la musique théorique et pratique, rééd.1647 François La Mothe Le Vayer, De la musique ; De la danse ; Discours sceptique sur la

musique, rééd.Marin Mersenne (et Gilles Personne de Roberval), Novarum observationum phy-

sico-mathematicarum1648 Marin Mersenne, Harmonicorum libri, rééd.

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[1649 ca] René Descartes, Compendium musicæ, ms.1650 Jean Denis, Traité de l’accord de l’épinette, rééd.

René Descartes, Compendium musicæ, éd. en latinJacques de Goüy, Airs à quatre parties : Préface

1651 Gilles Personne de Roberval, Elementa musicæ1652 Marin Mersenne, Harmonicorum libri, rééd.1653 Pierre Gautruche, Mathematicæ totius philosophiæ institutio (« Musica »)

René Descartes, Excellent compendium of musick, éd. en anglais1654 François La Mothe Le Vayer, De la musique ; De la danse ; Discours sceptique sur la

musique, rééd.1656 La Voye Mignot, Traité de musique

René Descartes, Compendium musicæ, rééd. en latinPierre Gautruche, Mathematicæ totius philosophiæ institutio (« Musica »), rééd.François La Mothe Le Vayer, De la musique ; De la danse ; Discours sceptique sur la

musique, rééd.1658 Jacques de Billy, Tractatus de proportione harmonica

Antoine de Cousu, Musique universellePierre Gassendi, Miscellanea : Manuductio ad theoriam musices ou Manuductio ad theo-

riam seu partem speculativam musicæClaude François Ménestrier, Remarques pour la conduite des balletsÉtienne Moulinié, Meslanges des sujets chrestiens : AvertissementRené Ouvrard, Secret pour composer en musique

1659 La Voye Mignot, Traité de musique, rééd.1660 Nicolas Fleury, Méthode pour apprendre facilement à toucher le théorbe

René Ouvrard, Secret pour composer en musique, rééd.François Roberday, Fugues et caprices a quatre parties : Avertissement

1661 René Descartes, Kort begryp der zangkunst, éd. en néerlandaisJean-Baptiste Geoffroy, Musica sacra : Systema generale harmonicumPierre Gautruche, Philosophiæ ac mathematicæ totius institutio (« Musica »), rééd.

1662 François La Mothe Le Vayer, De la musique ; De la danse ; Discours sceptique sur lamusique, rééd.

René Descartes, De Homine, éd. en latin (trad. du français)R. de Manley, Apologie pour la danse

1663 Anonyme, Établissement de l’Académie royale de danseJean Bruguier, Discours sur le chant des psaumes

1664 Guillaume Du Manoir, Mariage de la musique avec la danse ou Plainte et sentiments dela musique

René Descartes, « De l’ouïe et de ce qui fait le son » dans L’Homme, éd. en français1665 Guillaume-Gabriel Nivers, Livre d’orgue contenant cent pièces de tous les tons

Pierre Gautruche, Philosophiæ ac mathematicæ totius institutio (« Musica »), rééd.1666 Robert Ballard [attr.], Instruction pour comprendre les préceptes de la musique, 3e éd. (et

seule conservée)Du Buisson, Traité de viole, ms.La Voye Mignot, Traité de musique, rééd.Jean Millet, La belle méthode ou l’Art de bien chanter

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Guillaume-Gabriel Nivers ou Jean Le Maire [attr.], Méthode facile pour apprendre àchanter la musique

1667 Guillaume Gabriel Nivers, Traité de la composition de musiqueGuillaume Gabriel Nivers, Livre d’orgue contenant cent pièces de tous les tons, rééd.

1668 Bénigne de Bacilly, Remarques curieuses sur l’art de bien chanterRené Descartes, Abrégé de musique, éd. en français, suivi de Nicolas-Joseph

Poisson, Descartes, Opuscula posthuma, physica et mathematica : Elucidationes physi-cæ in Cartesii Musicam ou Éclaircissements physiques sur le Traité de Descartes

Michel de Pure, Idée des spectacles anciens et nouveaux

Exploration phonétique de la prononciation du français par Jean-Antoine de Baïf : « En son temple sacré » de Jacques Mauduit sur la paraphrase de Baïf du psaume 150,

partie de superius. Marin Mersenne, Quæstiones celeberrimæ in Genesim(voir ANNEXE I, année 1623).

© Paris, Bibliothèque nationale de France

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