« Le Triangle atlantique: émergence et expansion de la sphère maçonnique internationale. Une...

27

Transcript of « Le Triangle atlantique: émergence et expansion de la sphère maçonnique internationale. Une...

Nuevo Mundo MundosNuevosDebates

................................................................................................................................................................................................................................................................................................

Dévrig Mollès

Le “Triangle atlantique”: émergenceet expansion de la sphère maçonniqueinternationaleUne analyse statistique (1717-1914)................................................................................................................................................................................................................................................................................................

AdvertenciaEl contenido de este sitio está cubierto por la legislación francesa sobre propiedad intelectual y es propiedad exclusivadel editor.Las obras publicadas en este sitio pueden ser consultadas y reproducidas en soporte de papel o bajo condición deque sean estrictamente reservadas al uso personal, sea éste científico o pedagógico, excluyendo todo uso comercial.La reproducción deberá obligatoriamente mencionar el editor, el nombre de la revista, el autor y la referencia deldocumento.Toda otra reproducción está prohibida salvo que exista un acuerdo previo con el editor, excluyendo todos los casosprevistos por la legislación vigente en Francia.

Revues.org es un portal de revistas de ciencias sociales y humanas desarrollado por Cléo, Centre pour l'éditionélectronique ouverte (CNRS, EHESS, UP, UAPV).

................................................................................................................................................................................................................................................................................................

Referencia electrónicaDévrig Mollès, « Le “Triangle atlantique”: émergence et expansion de la sphère maçonnique internationale  »,Nuevo Mundo Mundos Nuevos [En línea], Debates, Puesto en línea el 25 noviembre 2014, consultado el 23diciembre 2014. URL : http://nuevomundo.revues.org/67498 ; DOI : 10.4000/nuevomundo.67498

Editor : EHESShttp://nuevomundo.revues.orghttp://www.revues.org

Documento accesible en línea desde la siguiente dirección : http://nuevomundo.revues.org/67498Document generado automaticamente el 23 diciembre 2014.© Tous droits réservés

Le “Triangle atlantique”: émergence et expansion de la sphère maçonnique internationale 2

Nuevo Mundo Mundos Nuevos

Dévrig Mollès

Le “Triangle atlantique”: émergence etexpansion de la sphère maçonniqueinternationaleUne analyse statistique (1717-1914)

1 Souvent évoquée mais marginale dans l'historiographie universitaire généraliste1, la franc-maçonnerie a – depuis les années 1960 – retenu l’attention des historien(ne)s et sociologuesfrançais, intrigués par cette « sociabilité »2 où ils voyaient un des laboratoires culturels dela modernité occidentale. À partir des années 1970-1980, des historien(ne)s espagnol(e)s ontrenforcé cette dynamique qui, depuis les années 2000-20103, a pris pied dans les Amériques.

2 Confrontées à un vide quasi total, ces recherches scientifiques ont d'abord privilégié lesperspectives locales et régionales avant d'aborder la perspective nationale et, plus récemment4,internationale. Portant sur certaines localités, certaines régions, certaines nations ou surcertains espaces internationaux, elles ont analysé des publics, des loges, des biographiesindividuelles et collectives, des contenus idéologiques, des structures du sentiment, descultures politiques et des mémoires collectives produites, reproduites et mises en circulation àpartir de cet espace de « sociabilité démocratique »5. Bref, ces études de qualité se sont surtoutpenchées sur les contenus. Mais qu'en est-il des contenants? En effet, le concept de sociabiliténe se résume pas à celui de sensibilité. La dimension « discursive ou symbolique » trouvenécessairement refuge dans une « organisation » :

« Le terme sociabilité revêt […] une double acception, désignant en même temps les réseaux quistructurent et le microclimat qui caractérise un microcosme intellectuel particulier. »6

3 Que sait-on de l’organisation et des réseaux maçonniques dans le monde? Comment passèrent-ils de 250000 membres vers 17897 à deux millions en 19148 pour en réunir aujourd’hui de3 à 8 millions9? Comment, quand et où s’est développée « la plus grande société secrète dumonde »10, « l’une des plus grandes organisations non-gouvernementales du monde »11 ? Cetexte tente d’apporter des réponses concrètes en privilégiant le comparatisme et les regardscroisés sur l’ensemble des Amériques, dans la longue durée des XVIIIe et XIXe siècles.

Sources et historiographies4 Est-il possible de recenser les multiples fédérations créées ou recréées depuis « l’invention

de la franc-maçonnerie »12, ces pôles autours desquels se forment des réseaux « susceptiblesd’évoluer rapidement »13? Même réduit à cette dimension, le sujet est complexe: les histoiresmaçonniques nationales sont souvent mal connues, la documentation généralement dispersée,mal et peu conservée. Trois types de sources ont donc été mis à contribution: des annuairesinternationaux ; des revues, imprimés et manuscrits; des publications scientifiques.

Des Annuaires et des congrès internationaux5 Depuis le XVIIIe siècle, la «  sociabilité  » maçonnique a généré une sphère internationale

composée de Grands Orients, Grandes Loges et Suprêmes Conseils notamment. À partirde 1855, cette sphère commença à produire des systèmes, des congrès et des bureaucratiesinternationales14. Leurs publications, loin d’être exhaustives ou objectives, prenaient parti etpouvaient déformer la réalité. Méconnues, peu utilisées, elles offrent une photographie priseà un moment donné, depuis un point de vue particulier. Leur diversité est donc un atout: ellepermet croiser les éclairages.

6 En 1811 au plus tard, des Annuaires nationaux furent publiés, par exemple en France15.Le premier Annuaire international parut à ma connaissance en 1889. Guide de voyagerédigé en français et parfois en anglais et en allemand, pourvu de presque 900 pages, ilsondait le cosmos maçonnique et établissait des généalogies. Malgré son vaste réseau de

Le “Triangle atlantique”: émergence et expansion de la sphère maçonnique internationale 3

Nuevo Mundo Mundos Nuevos

correspondance, l’auteur – le comte de Nichichievich, greffier au tribunal mixte d’Alexandrie(Égypte) – avertissait que son Annuaire n'était "pas aussi complet" que souhaité en raisonde "l'impossibilité" de réunir "tous les renseignements"16, par exemple pour l’Espagne, laHongrie, la Suisse et la Tunisie. Malgré tout, son regard était large. Il incluait les centresmais aussi les périphéries (Turquie, Égypte, Inde, Perse, Liberia, Tunisie, etc.). Refusant depontifier sur la "régularité" des multiples "Gr.·. Orients, Gr. ·. Loges et Suprêmes Conseils"17,il incluait des catégories sensibles, tels que les afro-américains (les femmes ne créèrent leurspremières organisations maçonniques qu’après 189018).

7 À la veille de la Première Guerre mondiale, malheureusement, femmes et afro-américainsavaient disparu des Annuaires de la Maçonnerie Universelle, composés chacun de 300 à500 pages. Pourquoi ? Le Bureau International de Relations Maçonniques ne promettait-ilpas de recueillir « tous les renseignements sur l’organisation et l’activité de la Maçonnerieuniverselle  »19, sans se prononcer «  sur la régularité ou l’irrégularité  […] des GrandsOrients, Grandes Loges et Sup. Cons.  », sans «  la prétention de classer les Maçonneriesdiverses par rang de valeur  »20? À partir de 1889, des francophones avaient souhaité un« tribunal international des communications fraternelles »21. Fondé en 1902, le Bureau tendaità rapprocher Européens et Américains, mais aussi Latins et Anglo-Saxons. La gestion enfut confiée aux Suisses de la Grande Loge Alpina qui, de leur propre aveu, échouèrent22.La tentative les amena à publier des Annuaires d’une grande richesse, et aussi à d’amèresconcessions. En 1903, par exemple, ils avaient amorcé une liaison afro-américaine, suscitantla protestation indignée des francs-maçons blancs, anglo-saxons et protestants des États-Unis.Le Bureau recula, s’excusant de son « inexpérience » face aux « clandestins »23 qui furentexpulsés des Annuaires. Comme les femmes, les noirs étaient indésirables aux yeux de ceuxqu’on voulait séduire. Par ailleurs, le regard de ces Annuaires était teinté d’eurocentrisme; ilportait sur l’Europe, les États-Unis et, dans une moindre mesure, sur l’Australie et l’Amériquelatine. Des lacunes étaient sensibles, par exemple pour le Mexique et la France (où seuls étaientrecensés le Grand Orient et la Grande Loge, organisations principales mais pas uniques del’hexagone). Malgré tout, à vue d’œil, l’édition 1914 couvrait au moins 90% de la sphèremaçonnique mondiale.

8 Trois annuaires supplémentaires – publiés entre 1956 et 2010 aux États-Unis et en Australie –ont été utilisés avec profit. En pleine Guerre froide, Ray V. Denslow se démarquaitpar son étroitesse. Il hiérarchisait, classant les organisations «  régulières, irrégulières ouclandestines »24. En 2010, cet héritage était assumé par Frederik A. Dolan25. Heureusement,le New Guide to Masonic World – également inscrit dans ce courant – fut plus ouvert enversles afro-américains (dont la situation géopolitique avait évolué en 199426) ; il restait toutefoislimité pour l’Amérique latine et silencieux sur les femmes.

9 Ces Annuaires sont complétés par les actes des trois premiers congrès internationaux de laConfédération internationale du Rite écossais ancien et accepté, réalisés en 1875, 1907 et1912. Sans être exhaustifs, ils sont indispensables pour préciser la généalogie de certains«  Suprêmes Conseils  », un type de bureaucratie liturgique spécialisée très développée enEurope occidentale et dans les Amériques27.

Des sources latino-américaines10 Des sources issues des archives maçonniques argentines, brésiliennes et mexicaines ont été

utilisées28. Une mention spéciale doit être dédiée à la Revista Masónica Americana – l'une despremières du genre en Amérique. En 1872-1873, elle publia 800 pages consacrées à l'Argentinemais aussi aux nations voisines, au Mexique, aux États-Unis, à l’Europe (principalementla France et l'Espagne). Ses éditeurs publiaient régulièrement des statistiques, des analyseset des chronologies internationales. Bartolomé Victory y Suárez –directeur de la revue- futd’ailleurs secrétaire aux Relations internationales du Supremo Consejo & Gran Oriente de laRepública Argentina29. Espagnol et militant ouvrier, il s’était impliqué avec son père dans lalutte armée contre la restauration autoritaire en Catalogne (1856). Exilé avec lui en Uruguaypuis en Argentine, il y fut un pionnier du socialisme, du coopérativisme, du journalisme, de

Le “Triangle atlantique”: émergence et expansion de la sphère maçonnique internationale 4

Nuevo Mundo Mundos Nuevos

la franc-maçonnerie et de la libre-pensée. Cela explique son vaste réseau de correspondance.Sa maîtrise du français et de l'anglais lui donnait accès à la presse maçonnique internationale.Victory était un médiateur entre l’opinion publique qui émergeait en Argentine et ses aînéesd’Europe ou d’Amérique du Nord.

11 Dans la même veine, le Livro Maçônico do Centenário (1922) offrait la vision de libres-penseurs et syndicalistes brésiliens – sympathisants de la cause des femmes et des « hommesde couleur »30. Ses chronologies se sont révélées utiles notamment pour la seconde moitiédu XIXe siècle. Curieusement, les lacunes concernaient le Brésil: en taisant l’existence dedissidences régionales, les auteurs défendaient-ils l’hégémonie du Grande Oriente do Brasil,dont ils étaient membres ?

Des publications spécialisées12 L'historiographie spécialisée –  de langues française, anglaise, portugaise et espagnole  –

complète ce corpus. Trois grandes encyclopédies ont été consultées au regard de l’Amériquelatine  : le Dictionnaire de la franc-maçonnerie de Daniel Ligou, pionnier des étudesscientifiques sur la franc-maçonnerie à partir des années 1950 et membre du Grand Orient deFrance31 ; le Diccionario enciclopédico des francs-maçons et syndicalistes catalans LorenzoFrau Abrines et Rosendo Arús Arderiú32  ; l’encyclopédie de Robert Freke Gould, membredirigeant et historien de la United Grand Lodge of England33. Quelques solides spécialistesont enfin éclairé certains cas nationaux, offrant une base nécessaire dans bien des cas, utiliséedans l’immédiat pour la France, l’Espagne, le Portugal, l’Angleterre, les Caraïbes, le Mexique,le Brésil, l’Argentine et le Chili.

Essaimages et transferts: l’expansion maçonniqueeuropéennePremières disséminations

13 Apparus au tournant des XVIIe et XVIIIe siècles entre les Îles britanniques et la France, lesréseaux maçonniques se disséminèrent dans le monde entier. Quand, où et comment  ? Enrecensant les premières loges institutionnelles (fédérées à une Grande Loge ou un GrandOrient) apparues sur les cinq continents entre 1717 et 1840, la Revista Masónica Americanaoffre, au-delà de ses possibles erreurs et lacunes, un point de départ pour retracer unedynamique d’ensemble (document nº134).

14 C’est à Londres en 1717 que la franc-maçonnerie moderne trouva sa première cristallisationinstitutionnelle. Quatre loges autonomes s’y fédérèrent. Elles intronisèrent un modèleassociatif en fondant une sorte de comité central destiné à réguler leur activité. Cet épicentreirradia rapidement autours de lui: dès 1720-1721, des loges puis des fédérations de logesapparurent en Irlande, en France et en Écosse. Rapidement, ces centres essaimèrent enEurope, touchant les régions océaniques du Nord-Ouest (Belgique, Hollande et Hambourg),les péninsules ibérique et italienne, certains carrefours méditerranéens (Gibraltar, Sardaigne,Malte35), la Scandinavie (Suède puis Danemark et Norvège), le Canal de la Manche (Iles deGuernesey et Jersey) et des terres liées aux échanges commerciaux, migratoires et culturels(Russie occidentale, Saxe, Bavière, Prusse, Autriche, Pologne, Bohême et Hongrie). Cettepremière vague toucha aussi certaines périphéries coloniales en Amérique du Nord (Canada,1721) et dans les Caraïbes (Martinique, Antigua et Jamaïque, 1738-1743)36 notamment. EnAsie centrale et orientale, les Indes britanniques (Bengale, 1727) et la Turquie (1738) ouvrirentla voie. Dans l’Océan indien et en Océanie, les premières loges s’implantèrent sur des littoraux,des caps et des îles tels que Bonne-Espérance (1733) et Java (1730) avant d’atteindre – entre1828 et 1840 – l’Australie et la Nouvelle-Zélande.

15 Qu'en fut-il de l'Amérique ibérique  ? Étroitement surveillée par l’Inquisition et par lesautorités coloniales37, elle resta longtemps en marge de ces circulations internationales. Certes,la bibliographie spécialisée signale, pour le XVIIIe siècle, des tentatives réalisées depuisl'Angleterre vers le Rio de la Plata38 et depuis les colonies anglaises d'Amérique du Nord vers laNouvelle-Espagne39. Elles échouèrent. C’est pourquoi, selon la Revista Masónica Americana,

Le “Triangle atlantique”: émergence et expansion de la sphère maçonnique internationale 5

Nuevo Mundo Mundos Nuevos

les premières loges régionales surgirent en 1808 à Montevideo et Buenos Aires, débarquantavec les régiments anglais et irlandais chargés de prendre contrôle de ces deux ports atlantiquesdevenus flottants; leur présence locale fut éphémère, puisqu'elles repartirent avec les régimentsauxquels elles étaient attachées40.Image 1

Date Europe Amérique Asie Océanie Afrique

1717 Londres1720 Irlande1721 Écosse, France Canada1724 Belgique1725 Hollande1726 Gibraltar1727 Bengale1728 Espagne Bombay, Turquie1730 Hambourg Java1731 Suède, Naples1732 Toscane, Russie

1733 Florence,Portugal Massachusetts Bonne-Espérance

1734 Géorgie1736 Suisse Caroline du Sud C. Costa, Gambie1737 Sardaigne New York

1738 Saxe, Bavière,Prusse, Autriche Martinique Turquie

1739 Pologne1741 Malte1742 Danemark, Rome Antigua1743 Jamaïque1744 Bohême, Hongrie1745 Saint-Thomas

1746 Porto Rico, Saint-Domingue

1747 Norvège1750 Barbade1751 Guadeloupe1752 Madras1753 Guernesey, Jersey Pennsylvanie1754 Hanovre1760 Virginie, Trinidad1762 Nouvelle Écosse1764 Grenade1765 Terre-Neuve

1770GuyaneHollandaise(1770)

1771 Vermont,Bermudes Surata, Ceylan Île Bourbon

1774 Sumatra1778 Caroline du Nord Île de France1780 Carnate1781 Maryland

Sainte-Hélène1800 Perse1808 Rio de La Plata1815 Saint-Thomas1819 Honduras Sierra Léone

Le “Triangle atlantique”: émergence et expansion de la sphère maçonnique internationale 6

Nuevo Mundo Mundos Nuevos

Pondichéry1821 Cuba

1822 Dominique,Brésil Sénégal

1823 Îles Canaries1824 Colombie1825 Mexique1827 Guyane française

1828 New Walles(South)

1830 Alger1840 New Zealand

La dissémination des premières loges maçonniques dans le monde entre1717 et 1840 selon la Revista MasónicaAmericana, Buenos Aires, 1873, p. 50-52

Les exemples de l’Angleterre, de l’Irlande et de la France16 Les Îles Britanniques et la France furent donc au cœur d’un transfert culturel de vaste ampleur.

Cette dissémination s’amplifia-t-elle au cours des XVIIIe et XIXe siècles? En fournissant laliste détaillée des loges européennes actives en 1914 en dehors de leur pays d’origine (logesextraterritoriales), le huitième Annuaire de la Maçonnerie Universelle permet de reconstruirepartiellement cet aspect méconnu de l’expansion européenne41. Certes, des points faibles sontà signaler : ce recensement se bornait aux loges qui, en 1914, étaient actives sous la régulationd’une des institutions reconnues par le Bureau International de Relations Maçonniques,excluant donc celles qui avaient été fondées et dissoutes antérieurement, ou encore celles quifonctionnaient dans un autre cadre institutionnel42 ; par ailleurs, la Grand Lodge of Scotlandy taisait la généalogie de ses loges, pourtant nombreuses à l’étranger ; de même, la Francen’y était représentée qu’à travers la Grande Loge et le Grand Orient de France, organisationsprincipales – mais pas uniques – de l’hexagone ; enfin, certains types de loges étaient absents,telles que les loges navales et militaires43. L’Annuaire couvrait toutefois l’essentiel; mêmeincomplet, il signalait des tendances structurelles que trois cas moteurs et précurseurs mettrontici en lumière : l’Angleterre, l’Irlande et la France44.

17 Les graphiques nº 2, 3 et 4 traduisent un fait premier  : ces disséminations maçonniquestouchèrent toutes les zones d’expansion impériale, commerciale ou migratoire de cespuissances et de ces sociétés européennes. En Méditerranée, en Afrique, en Asie, en Océanieet dans le Pacifique, en Orient et en Amérique, elles suivirent des rythmes communs quis’intensifièrent dans le temps.

18 Second constat : l’expansion britannique fut la plus spectaculaire. L’Angleterre en fut le fer delance, sous le signe des deux organisations rivales unifiées en 181345. L’expansion françaisefut plus modeste, quoique non dénuée d’importance. En 1914, le Bureau International deRelations Maçonniques recensait ainsi 111 loges extraterritoriales françaises contre 777 logesbritanniques (46 irlandaises, 100 écossaises et 631 anglaises).

19 En 1914, le XVIIIe siècle n’avait certes laissé qu’un petit nombre de vestiges repérables. Ceux-ci indiquaient néanmoins certaines tendances émergentes. Au cours de cette phase pionnière,les Français avaient fondé des loges, le long de leurs routes maritimes, dans l’Océan Indien(Île Maurice, 1778) et dans les Caraïbes (Guadeloupe, 1784), alors que les Anglais s’étaientimplantés en Mer Méditerranée (à Gibraltar et sur l’Île de Malte) et en Asie méridionale(Bengale, Indes). Certes, on l’a vu grâce à la Revista Masónica Americana, l’Amériquedu Nord et l’Europe continentale furent également touchées; aucun vestige repérable n’ydemeurait sur pied en 1914 toutefois.

20 Les années 1790-1850 marquèrent-elles un reflux ? Le cas français le suggère puisqu’en 1914ne survivaient de cette période que 11 loges, fondées à Genève (1790) et dans le Sud-Ouest del’Océan Indien (Île de La Réunion, 1816) puis à partir des années 1830, en Algérie (4 loges),en Grèce et en Amérique (Haïti, Guadeloupe, Guyane et Uruguay). Pour leur part, les Irlandaiss’implantèrent à Gibraltar (1826) et en Nouvelle-Zélande (1844). Au contraire, les Anglaisintensifièrent leur déploiement sur l’Île de Malte, au Canada, dans les Caraïbes (11 loges) et

Le “Triangle atlantique”: émergence et expansion de la sphère maçonnique internationale 7

Nuevo Mundo Mundos Nuevos

en Asie méridionale (6 loges au Bengale, 1 à Ceylan et 8 en Inde) ; dès 1810, ils l’élargirentà l’Afrique du Sud et à la Guyane puis, après 1840, à l’Asie du Sud-Est (Birmanie et dansl’Eastern Archipelago) et à l’Asie orientale (Chine du Sud après 1840).

21 Les années 1850-1914 marquèrent une véritable explosion. Par exemple, les Anglais créèrentau moins 567 loges extraterritoriales, dont 190 en Asie, 184 en Afrique du Sud, 129 dansle Pacifique Sud, 41 dans les Amériques et 23 en Méditerranée. Cette explosion signala nonseulement une densification des réseaux préexistants mais aussi l’absorption de nouvellesrégions. Ainsi, les Britanniques consolidèrent toutes les positions prises antérieurement ets’implantèrent dans l’aire méditerranéenne (Chypre, Turquie, Syrie, Égypte), en Amériquedu Sud (Argentine, Uruguay) et dans le Pacifique Sud (Australie, Nouvelle-Zélande et ÎlesFidji). Les Français se répandirent surtout en Afrique (55 loges), essentiellement en Algérieet en Égypte (41 loges fondées à partir de 1850-1860) mais aussi, après 1880, en Tunisie,au Maroc, au Sénégal, au Congo, en Éthiopie et à Djibouti. En Amérique (10 loges), ilss’établirent en Guadeloupe, Guyane, Argentine, au Chili et aux États-Unis46. En Asie (15loges), il s choisirent l’Indochine, la Turquie et la Syrie. En Europe (10 loges), la Roumanieet l’Angleterre devancèrent la Serbie et la Grèce. Dans l’Océan Indien, 9 loges furent crééesen Nouvelle-Calédonie, sur l’Île Maurice, à Madagascar et à Tahiti.

22 Quel était le bilan pour les Amériques ? Selon la Revista Masónica Americana, des logesanglaises avaient pris pied dès 1720-1740 (Caraïbes et Amérique du Nord) mais l’Annuaire1914 n’enregistrait ce mouvement qu’à partir des années 1790. L’essaimage britannique s’yintensifia tout au long du XIXe siècle, au Canada, dans les Caraïbes et, à partir des années1860, dans le Cône Sud. En 1914, la United Grand Lodge of England contrôlait 64 logesen Amérique, dont 10 en Amérique du Nord (Québec, Terre-Neuve, Halifax), 31 dans lesCaraïbes (notamment en Jamaïque, dans les Bermudes et à Trinidad, Curação, Turk´s Island,Barbade), 5 en Guyane, 2 à Montevideo et 16 en Argentine (fondées après 1860). Les Écossaiscontrôlaient 21 loges à Terre-Neuve, Panamá, dans les Caraïbes (11 loges), au Pérou, au Chili(5 loges fondées après 1872) et à Buenos Aires. Le Grand Orient et la Grande Loge de Francerégulaient enfin 13 loges en Amérique, à New York et San Francisco, en Guadeloupe et àHaïti, en Guyane, à Montevideo, au Chili et à Buenos Aires.Image 2

Le “Triangle atlantique”: émergence et expansion de la sphère maçonnique internationale 8

Nuevo Mundo Mundos Nuevos

Image 3

Image 4

L’expansion maçonnique européenne : les cas anglais, irlandais et français

Adaptations et hybridations: la multiplication desorganisations maçonniques nationales 

23 Les transferts opérés depuis les Îles britanniques et la France générèrent-ils des hybrides ?Le XIXe siècle, en particulier, signala un « réveil des nationalités »47. Les nouveaux États-nations s’équipèrent-ils en dispositifs autonomes  ? Qu’en fut-il des Amériques à partir deleurs Indépendances ? Que dire périphéries africaines, asiatiques et océaniennes, totalementou partiellement privées de souveraineté nationale?

Problèmes de sources et de méthodes24 Selon la chronologie établie à partir des sources citées, 444 fédérations maçonniques nationales

furent créées entre 1717 et 1914. Au-delà de leur diversité et de leurs spécificités, tous cesGrands Orients, Grandes Loges et Suprêmes Conseils reproduisirent le modèle institutionnelinventé en 1717. Leur souveraineté s’exerça généralement au sein d’espaces politiquesnationaux ou sub-nationaux.

Le “Triangle atlantique”: émergence et expansion de la sphère maçonnique internationale 9

Nuevo Mundo Mundos Nuevos

25 Comment expliquer le décalage entre ce chiffre et celui, quatre fois inférieur, avancépar l’Annuaire 191448  dont les statistiques, même sous-estimées, couvraient environ 90%de l’iceberg maçonnique international? La sphère maçonnique se dilatait par explosionssuccessives, en cycles permanents de scissions et de recompositions. Chaque explosionpouvait générer de nouvelles organisations, parfois durables et souvent éphémères. Dans lamesure du possible, toutes ont été comptabilisées ici ; une minorité manque certainement àl’appel.

26 Un doute se pose: quelle est la place de l’invention de la tradition – c’est-à-dire de la recherchede légitimité historique49  – dans les sources analysées? La création d’une organisationnationale signalait non pas l’introduction des premières loges locales (britanniques oufrançaises notamment) mais le développement de réseaux suffisamment denses pour entrerdans une phase de cristallisation institutionnelle. Dans la plupart des cas, plusieurs décenniesséparèrent ces deux moments. Pourtant, certains des annuaires utilisés confondirent ces deuxmoments dans de nombreux cas, comme le montre la comparaison avec les autres sourcesutilisées50. La chronologie confectionnée pour cette analyse a donc été dotée d’un appareilcritique précis, garantissant la traçabilité et l’examen critique de chaque information. Desdéficiences et des lacunes restent bien-sûr possibles : cette base de données est évolutive.

Rythmes communs et dynamiques territoriales27 Que révèle un premier regard global? Où et quand furent fondées ces 444 organisations ?28 Le graphique nº5 montre que 96% d’entre elles prirent corps au sein du « triangle atlantique »

constitué par l’Europe, l’Amérique anglo-saxonne et l’Amérique latine  ; au contraire,l’Australie, l’Afrique et l’Asie produisirent beaucoup moins d’institutions maçonniquesautonomes des centres européens. Cet indicateur ne doit pas être confondu avec la massedémographique : en 1914 par exemple, on recensait 57686 francs-maçons en Australie, un peumoins de 40000 en Amérique latine et 1000 au plus en Turquie, en Égypte et au Libéria51.

29 Le document nº6 montre cinq phases: après un lent démarrage de 70 ans (1717-1776), lesannées 1777-1829 marquèrent un bond en avant qui, malgré un reflux relatif entre 1830 et1850, se confirma dans le temps. À elle seule, la seconde moitié du long XIXe siècle totalisa69% de ces cristallisations institutionnelles, dont 50% entre 1870 et 1914.

30 Ainsi, l’Europe et les Amériques furent l’épicentre presque exclusif de la productionmaçonnique internationale. Le document nº7 montre leur rythmes communs. Au XVIIIe siècle,l’Europe exerça le monopole de la production maçonnique nationale. Les Indépendancesmirent fin à ce monopole en convertissant les Amériques en pôle de production autonome.Certaines communautés politiques d’Afrique et d’Asie se dotèrent de leurs propres dispositifsà partir des années 1860, suivies à partir de 1880 par l’Australie et la Nouvelle-Zélande.Image 5

Le “Triangle atlantique”: émergence et expansion de la sphère maçonnique internationale 10

Nuevo Mundo Mundos Nuevos

Image 6

Image 7

5, 6, 7. La multiplication des organisations maçonniques nationales dans le monde (1717-1914)

Rythmes européens31 Comment se forma la sphère maçonnique européenne ? Le graphique nº8 localise dans le

temps et dans l’espace les 103 cas de fondation (ou de refonte) institutionnelle mentionnésdans les sources analysées pour l’Europe entre 1717 et 1914. Ces organisations – créées ausein de 19 États-nations du Nord-Ouest, de la Méditerranée et dans une moindre mesure duCentre-Est de l’Europe – proliférèrent en particulier dans les Îles britanniques, en France,en Allemagne et au Portugal. Ces différentes sphères nationales ne possédaient pas le mêmepoids démographique : en 1914 par exemple, les trois Grandes Loges britanniques regroupaient222000 membres, alors qu’à peine 4278 francs-maçons étaient recensés au Portugal52.

32 Au XVIIIe siècle, cette dynamique surgit des Îles britanniques et de France, secondées àpartir de 1740-1760 par Berlin, Stockholm et La Haye. Entre 1776 et 1830, la sphère s’ydensifia53 et se dilata au-delà de ces centres, émulant la création de nouvelles fédérationsnationales en Suisse (1778), Belgique (1817), en Russie occidentale (fugacement54), enEurope méditerranéenne (Portugal, Italie, Espagne) puis au Luxembourg (1847). Les années1850-1914 signalèrent une nouvelle expansion. Si la France demeurait volcanique, lescentres britanniques et allemands se stabilisèrent ainsi que, semble-t-il- la Suisse, la Suède,les Pays-Bas et la Belgique. Les proliférations institutionnelles de cette période se durentessentiellement à l’Europe méditerranéenne (25 organisations, dont 5 en Italie, 5 en Espagneet 15 au Portugal, malgré un public sans doute exigu). De nouvelles aires émergèrent: leDanemark (1858); la Hongrie, la Bulgarie55 et surtout la Roumanie56 (années 1880) ; la Norvègepuis la Serbie et la Croatie peu avant la Première Guerre mondiale (1891 et 1912).

Le “Triangle atlantique”: émergence et expansion de la sphère maçonnique internationale 11

Nuevo Mundo Mundos Nuevos

Image 8

8: La formation de la sphère maçonnique européenne (1717-1914)57

Rythmes américainsUne perspective continentale

33 À partir des Indépendances, l’Amérique devint la seconde sphère régionale de productionmaçonnique. Jusqu’en 1914, 76% des fédérations recensées dans le monde y furent produites.Quels furent les espaces et les temps de cette dynamique ?

34 Les graphiques nº9 et 10 mettent en évidence trois grandes régions de production, plusimportantes au Nord qu’au Sud. Les rythmes américains suivirent les rythmes globaux déjàévoqués, avec une nette intensification au cours des années 1870-1914.

35 Le graphique nº11 autorise un second constat: en 1914, cette sphère de production s’étaitdilatée au sein d’un espace constitué par 22 territoires politiques différents: les États-Unis et leCanada ; le Mexique ; les trois États indépendants des Caraïbes (Cuba, Haïti, Saint-Domingue)et le territoire de Porto Rico ; les six États d’Amérique centrale58 ; et, à l’exception de la Bolivie,tous les États-nations d’Amérique du Sud59.Image 9

Le “Triangle atlantique”: émergence et expansion de la sphère maçonnique internationale 12

Nuevo Mundo Mundos Nuevos

Image 10

Image 11

9, 10, 11: La formation de la sphère maçonnique américaine (1776-1914)60

L’Amérique anglo-saxonne36 L’Indépendance des États-Unis fut le point de départ. Reproduisant le modèle britannique

importé au XVIIIe siècle, la franc-maçonnerie y recrutait entre société politique et sociétécivile, parmi les élites masculines, blanches, anglo-saxonnes et protestantes. Souventimpliqués dans le mouvement nationaliste et révolutionnaire61, et fréquemment liés à laFrance62, ses adeptes se multiplièrent. En 1914, aux États-Unis et au Canada, 136 organisationsavaient été fondées ; la plupart avaient périclité ; beaucoup perdurèrent63.

37 L’expansion maçonnique accompagna la constitution et le peuplement de l’espace national,la Conquête de l’Ouest et l’intégration progressive des États dans l’Union. La conquête del’Est caractérisa les années 1777-1850. Cette première vague vint de l’Atlantique, touchantla Virginie (1777), New York, le Massachusetts, la Pennsylvanie, la Géorgie, la Caroline, leNew Hampshire, le Connecticut, Rhodes Island et le Vermont. À partir de 1800 furent touchéscertains États océaniques du Nord-Est (Delaware  ; le District of Columbia après 1810  ; leMaine après 1820), du Sud-Est (Louisiane, Mississippi puis Alabama), les terres du Centre-Est (Kentucky, Ohio, Tennessee, Indiana, Missouri, Illinois et, dans la région des Grands Lacs,le Michigan). Une seconde vague (1830-1850) absorba deux États océaniques ouverts sur leGolfe du Mexique (Floride et Texas64), un État du Centre-Sud (Arkansas), deux États du Nord-Est (Wisconsin, Iowa) et trois États du Centre-Nord où les institutions maçonniques antérieuresavaient disparu (Illinois, Kentucky, Michigan).

38 L’intégration des nouveaux États de l’Ouest, du Centre et des provinces canadiennes dominala seconde moitié du siècle. Elle commença par les trois grands États océaniques de la Côte

Le “Triangle atlantique”: émergence et expansion de la sphère maçonnique internationale 13

Nuevo Mundo Mundos Nuevos

pacifique, incorporés à l’Union dans les années 1850 (Californie, Oregon et territoire deWashington); le mouvement s’étendit après 1860 à leurs périphéries immédiates (Nevada,Idaho, Montana) et à trois grands États enclavés au cœur du territoire national, au Nord(Minnesota) et dans le Centre (Nebraska et Kansas, puis dans les années 1860 le Colorado).Après 1870, la vague se déversa principalement dans le Centre (Oklahoma, Dakota du Sudpuis du Nord) et dans les États situés plus à l’Ouest, sur la route du Pacifique (Utah, Wyoming,Nouveau Mexique puis Arizona après 1880). Le Canada se munit de ses propres institutionsmaçonniques entre 1855 et 1890 pour l’essentiel  : elle y précéda de peu (dans le cas del’Ontario) ou accompagna (dans les cas de la Nouvelle-Écosse, du Nouveau-Brunswick et duQuébec) la création du Dominion du Canada par l’Acte de l’Amérique du Nord britannique(1867); le même processus suivit de peu l’incorporation de l’Alberta et du Saskatchewan auDominion (1905).

39 Loin de constituer un système unifié, cette franc-maçonnerie reproduisit l’idéologie racistedominante (graphique nº12). Toutefois, entre 1775 et 1784, une brèche avait été ouverte par lacréation, à Boston par des militaires irlandais, d’une African Lodge regroupant des noirs libres.Cette première expérience fut le germe d’une franc-maçonnerie afro-américaine autonome,bientôt ignorée par les anglo-américains65. Selon les Annuaires utilisés, ses premières GrandesLoges apparurent dans le Massachussetts et en Pennsylvanie (1791-1824). Ces premièreslueurs –fragiles- irradièrent. Une réaction en chaîne gagna six États atlantiques66 et l’Ohio(dans les terres, au Sud des Grands Lacs, 1849). Alors que des millions d’Africains et dedescendants d’Africains étaient réduits en esclavage, quel était le public de ces loges  ?Quelques 400000 afro-américains étaient libres mais bannis de l’espace public67  : certainsd’entre eux y trouvaient-il un espace d’autoconstitution et de lutte pour l’émancipation  ?L’engouement engendra une Confédération nationale, la National Compact Grand Lodge(1847). Entre 1856 et 1858, le mouvement se consolida sur la Côte atlantique (Rhodes Island,Floride) et progressa vers l’Ouest, gagnant l’Indiana (au Sud des Grands Lacs et à l’Ouest del’Ohio) et le Tennessee (dans le Centre de la moitié Ouest des États-Unis). Ce n’est, semble-t-il, qu’après la Guerre Civile qu’émergèrent des espaces mixtes. Le Suprême Conseil de laLouisiane, organisation francophone créée en 1839, s’ouvrit en 1867 à «  tous les hommes,sans distinction de religion, de nationalité ni de race »68 et aux « Maçons noirs ou de couleur »qui -après la Guerre civile- allaient entrer dans le «  juste et égal exercice de leurs droitscivils et politiques »69. La dynamique afro-américaine s’intensifia, entre 1863 et 1870, sur lafaçade atlantique (Virginie, New York, Caroline du Sud), le Golfe du Mexique (Louisiane),le Nord-Ouest (Michigan), le Centre-Ouest (Missouri, Kentucky, Illinois) et le Centre-Est(Kansas). Entre 1870 et 1890, les scissions-recompositions furent nombreuses, aboutissantà une crise du National Compact. De nouveaux États atlantiques s’incorporèrent (Géorgie,Connecticut), suivis dans le Centre-Ouest (Arkansas, 1873  ; Iowa, 1881), sur le Golfe duMexique (Mississippi, et Alabama, 1875-1879), dans le Centre-Est (Colorado, 1876) et surla façade pacifique (Californie, 1874). En 1875, au moins 32 Grandes Loges, 412 loges et9000 adeptes étaient actifs simultanément70. Entre 1890 et 1914, une cinquième vague touchale Centre-Ouest (Oklahoma), le Nord (Minnesota) et le Pacifique (Territoire de Washington).Ces proliférations reposaient-elles sur des effectifs humains importants? Au contraire, entreblancs et noirs l’abîme maçonnique était aussi démographique (graphique nº13).

Le “Triangle atlantique”: émergence et expansion de la sphère maçonnique internationale 14

Nuevo Mundo Mundos Nuevos

Image12

Image 13

12 & 13: Aux États-Unis et au Canada: le développement séparé entre blanc et noirs71

L’Amérique latine40 Imperméable – en dehors de quelques ilots caribéens – aux disséminations européennes du

XVIIIe siècle, l’Amérique latine s’intégra au monde maçonnique à partir des années 1800.Jusqu’en 1914 y furent créées 185 organisations autonomes issues de 20 territoires politiques,soit 42% du total mondial et 58% du total américain recensé. Quels furent les rythmes et lesespaces de cette dynamique ?

41 Comme aux États-Unis, les Indépendances ouvrirent une période initiale qui se prolongeajusqu’aux années 1850 (graphique nº14). Jusqu’en 1812, la seule organisation maçonniquedu sous-continent semble avoir été le « Suprême Conseil des Îles du Vent et Sous le Vent »fondé à Saint-Domingue par un militaire franco-américain en 180272, année où les forcesexpéditionnaires françaises réprimèrent la « Révolution noire »73 pour restaurer l’esclavage.La véritable éclosion eut lieu entre 1812 et 1827, dans les Caraïbes, au Mexique, en GrandeColombie, à Rio de Janeiro et dans le Rio de la Plata. Diverses et confuses, ces expériencess’alimentèrent de deux types de publics: des colons européens et créoles temporairementchassés de leurs plantations antillaises puis réfugiés aux États-Unis74 d’un côté, et de l’autre desHispano-Américains (parfois aidés par des Français, des Anglais ou des États-Uniens75). Lesloges Lautaro -disséminées de Buenos Aires et Montevideo à Valparaíso (1812-1820)- sontun cas particulier signalé d’une manière particulière (graphiques nº9 & 14). Réseau politico-

Le “Triangle atlantique”: émergence et expansion de la sphère maçonnique internationale 15

Nuevo Mundo Mundos Nuevos

militaire, autonome et clandestin organisé par de jeunes nationalistes hispano-américains,elles ne parvinrent pas au stade de la cristallisation institutionnelle. Maçonnique ou néo-maçonnique, réseau ou institution, il était difficile d’éluder cet hybride mais impossibled’entrer dans ses complexités historiographiques76. Au même moment surgirent d’autreshybrides à Cuba et Haïti (où le Grand Orient y créa un rite nationaliste), Veracruz, Mexicoet dans le Yucatán, à Carthagène, Caracas et Bogotá (deux ports caribéens et une capitalepolitique enclavée dans les Andes et reliée à l’Océan par fleuve). De toutes ces expériences,celle de Rio de Janeiro fut la plus institutionnelle puisque créée et congelée sous le haut-patronage de Pierre 1er, empereur du Brésil, au moment de l’indépendance nationale (182277).

42 La « longue attente »78 -cet intermède violent postérieur aux guerres d’Indépendance- marquaun reflux à peu près général. Certains pôles entrèrent dans une phase d’extinction liée auxcontextes politiques espagnol (à Cuba par exemple) ou locaux (Argentine). Quelques volcansrestèrent actifs et une petite dizaine de organisations surgirent, dans des conditions politico-militaires difficiles, à la périphérie de Mexico (sous l’influence d’une franc-maçonneriejacobine et nationaliste), en Colombie et, confusément, au Pérou79. À Rio de Janeiro aucontraire, cinq Grands Orients et Suprêmes Conseils se reconstituèrent entre 1830 et 1835,favorisés par le virage libéral de l’Empire et alimentés par une élite blanche ultra-minoritaire.Image 14

14. Les premières organisations maçonniques latino-américaines (1802-1849)80

43 Dans les années 1850-1914, les principaux États-nations de la région s’organisèrentinstitutionnellement et tentèrent de s’insérer dans les réseaux économiques et culturelsatlantiques. Dans un premier temps (graphique nº15), quelques pôles maçonniques  seréveillèrent : la ville de Mexico et le port de Veracruz, Cuba et Saint Domingue81, la Colombieet le Venezuela, le Pérou. Au Brésil, la confusion des années 1840 se dissipa. À partir desannées 1850, la franc-maçonnerie accompagna le régime parlementaire le plus stable dela région et se ramifia nationalement. La scission entre une aile droite et une aile gauche(républicaine) en 1863 démontre-t-elle que l’espace maçonnique embrassait le mouvementd’une opinion publique émergente? Comme l’Empire, la franc-maçonnerie brésilienne sedéploya dans le Cône Sud82 où 7 organisations nationales –souvent éphémères- surgirentdans les ports de Montevideo (1855), Valparaíso (1861) et surtout à Buenos Aires, peuaprès l’instauration libérale-républicaine de 1852 (et grâce à l’expertise d’exilés républicainsfrançais83).

Le “Triangle atlantique”: émergence et expansion de la sphère maçonnique internationale 16

Nuevo Mundo Mundos Nuevos

Image 15

15. Le réveil maçonnique latino-américain (1850-1869)84

44 À partir de 1870, la dynamique s’emballa. La sphère maçonnique mexicaine se démultipliaet, suivant le modèle devenu hégémonique des États-Unis, se régionalisa. Au cours de cettepériode, 78 organisations naquirent dans le District Fédéral et dans 23 des 31 États de lafédération. Le Centre en fut le centre de gravité, suivi par la Côte atlantique, le Nord et dansune moindre mesure le Sud-Ouest (graph. nº16).Image 16

16 : La fragmentation régionale de l’espace maçonnique mexicain (1870-1914)85

45 Dans les Caraïbes, Cuba et Saint-Domingue montrèrent un certain dynamisme sous l’influencenord-américaine notamment. La principale nouveauté fut la création d’une Gran LogiaSoberana à Porto Rico, treize ans avant le Traité de Paris et le passage de cette colonieespagnole dans l’orbite des États-Unis (1898). En Amérique centrale, enfin, émergèrentles premières institutions maçonniques nationales (et parfois binationales) alors que s’ydéployaient les influences et ingérences états-uniennes: Costa Rica et Guatemala (1870),Guatemala (1886), Honduras et Salvador (1898), Costa Rica (1899), Guatemala (1903),Nicaragua (1907, soit cinq ans avant la prise de contrôle directe du pays par les Marines),Salvador (1908) et Panamá (1908, soit cinq ans après la sécession de ce territoire, auparavant

Le “Triangle atlantique”: émergence et expansion de la sphère maçonnique internationale 17

Nuevo Mundo Mundos Nuevos

attaché à la Colombie, et six ans avant l’inauguration du Canal interocéanique soussouveraineté états-unienne) (graphique nº17).Image 17

17: Les organisations maçonniques souveraines fondées dans les Caraïbes et en Amérique centrale entre 1870 et 191486

46 Quelle fut la dynamique en Amérique du Sud  (graphique nº1887)  ? Dans le Nord, enColombie et au Venezuela, Bogotá (1870-1872) et Caracas (1886-1893) orchestraient tousles développements, jouissant dans ce dernier cas de la protection officielle du présidentAntonio Guzmán Blanco88. Au Pérou, après de turbulentes années 1850, l’union maçonniquenationale (1882) fut-elle la conséquence d’une mobilisation patriotique face à la Guerre duPacifique et à l’entrée des troupes chiliennes dans Lima (1881) ? Au Brésil, grand producteurmaçonnique, la réunification des deux Grands Orients (188389) y précéda de peu l’éclosionde dissidences régionales (graphique nº19): peut-on y interroger, partiellement, le dynamismedes oligarchies régionales du Littoral qui conduisirent le coup d’État fédéraliste de 188990 ? EnArgentine – après une brève unification inscrite dans les rythmes politiques nationaux (1862) –l’espace maçonnique se fragmenta en deux vagues de scissions-recompositions, entraînant unegrande fragmentation ; néanmoins, les institutions maçonniques s’attachèrent à éviter touterégionalisation et à demeurer nationales, guidées par Buenos Aires (1873 et 1900-1905)91.Enfin, des États jusque-là vierges s’équipèrent de petits dispositifs maçonniques: le Paraguay,au terme de la Guerre de la Triple Alliance (1865-1870) et sous l’influence de l’Argentine etdu Brésil92 ; et l’Équateur – conduit par le conservatisme catholique jusqu’en 1895 puis, aprèsun Coup d’État, par le libéralisme anticlérical de Eloy Alfaro — dernier État latino-américainà se doter d’une franc-maçonnerie nationale (1912)93.

Le “Triangle atlantique”: émergence et expansion de la sphère maçonnique internationale 18

Nuevo Mundo Mundos Nuevos

Image 18

18: La multiplication des organisations maçonniques nationales en Amérique du Sud (1870-1914)94

Image 19

19: Les organisations maçonniques nationales et régionales créées au Brésil au XIXe siècle95

Conclusion47 Ce texte constitue une des premières tentatives pour sonder les contours de l’iceberg

maçonnique international à partir de données statistiques. Des compléments sont souhaitables,notamment à partir de l’historiographie spécialisée dont l’apport précieux se limite ici àcertains cas (France, Espagne, Portugal, Angleterre, Caraïbes, Mexique, Brésil, Argentine etChili). Quel bilan en tirer ?

48 Inventée aux XVIIIe siècle, la sociabilité maçonnique s’organisa et se diffusa à partirde l’Europe occidentale, dans le sillage des puissances et des sociétés occidentales(paneuropéennes) lancées à la conquête du monde par la « double révolution »96 des XVIIIe

et XIXe siècles. Les années 1776-1830 marquèrent une première accélération. Les années1870-1914 –  âge d’Or de la civilisation libérale occidentale  – signalèrent un sommet. Le«  triangle atlantique  » constitué par l’Europe et les Amériques fut l’épicentre auquel se

Le “Triangle atlantique”: émergence et expansion de la sphère maçonnique internationale 19

Nuevo Mundo Mundos Nuevos

joignirent certaines périphéries de peuplement paneuropéen telles que l’Australie et l’Afriquedu Sud.

49 Les essaimages européens en furent le premier moteur. Partis du Nord-Ouest, ilss’intensifièrent progressivement jusqu’à l’explosion (1870-1914). Dans le sillage del’expansion impériale, commerciale ou migratoire, le long des routes maritimes notamment97,ils disséminèrent un vaste réseau de projections avancées. Ces mouvements reflétaient lasituation européenne. Ainsi, l’Amérique latine – d’abord isolée par l’Espagne et le Portugal–monarchies catholiques hostiles à la franc-maçonnerie – ne fut ouverte à ces transferts culturelsque par les guerres et révolutions du XIXe siècle. Au contraire, l’expansion britannique futpuissante, posant les bases d’un réseau mondial très dense dans toutes les aires d’émigrationet d’influence de l’Empire. Plus modeste, l’expansion française suivit la même dynamique et,dans certains cas, semble aussi avoir suivi la route des exils politiques. D’autres cas mériterontun futur examen: l’Allemagne, l’Italie, l’Espagne et le Portugal notamment.

50 La multiplication des fédérations maçonniques nationales fut le second moteur. Cesproliférations institutionnelles ne reposaient pas nécessairement sur une masse humaineimportante et leur interprétation relève de la perspective nationale. Globalement, après unlent démarrage nord-occidental, les guerres et révolutions du XIXe siècle forcèrent les portesde l’Europe méditerranéenne. Ce n’est qu’après 1850-1880 que la sphère maçonnique sedilata vers le Centre et l’Est de l’Europe. L’irruption des Amériques indépendantes dans cecircuit de production culturelle nationale fut un autre corolaire des Révolutions atlantiques.Un triple mouvement y guida, au XIXe siècle, la multiplications des obédiences  : du Nordvers le Sud, de l’Atlantique vers le Pacifique et des régions océaniques vers les régionsenclavées (comme l’illustre le cas du Paraguay). À partir des années 1867-1880, le Canada,l’Australie et la Nouvelle-Zélande s’équipèrent en dispositifs autonomes, créés sur souchebritannique. Ainsi, cette dynamique accompagna la constitution d’États-nations politiquementindépendants ou de communautés politiques partiellement autonomes (dans les cas du Canadaet de l’Australie). En revanche, l’Afrique et l’Asie ne s’incorporèrent à la sphère maçonniqueque par le truchement de filiales européennes (exception faite de certains cas statistiquementmarginaux qui – faute d’espace – ont été peu évoqués).

51 La sociabilité maçonnique irradiait à partir des centres urbains et maritimes pan-européens,colonies de peuplement et enclaves coloniales incluses. La souple mécanique de sesproliférations institutionnelles mérite réflexion. Comme on l’a vu, le souci de légitimation parla tradition imprègne certains Annuaires internationaux. Ce souci participe d’une géopolitique:pour justifier ses revendications territoriales, telle ou telle institution s’invente un lignage.Cette « création de l’imaginaire radical »98 est sous-tendue par un mythe: ce lignage procéderaitd’un modèle originel (noble) dont les héritiers (véritables) seraient les gardiens d’un templemenacé par des déviations. C’est tout le sens de traités savamment consacrés aux franc-maçonneries « régulières, irrégulières ou clandestines »99.

52 Or, objectivement, l’expansion maçonnique suivait-elle une ligne droite  ? Entredisséminations et cristallisations, entre explosions et recompositions permanentes, elleépousait la logique des rhizomes, le mouvement de la tâche d’huile, des colonies de fourmisou des essaims d’abeilles. Elle se constituait de mille points hétérogènes et autonomes.Chacun pouvait être connecté avec un autre point quelconque. Chacun pouvait être rompuen une partie quelconque pour immédiatement former de nouvelles séries, de nouvellesramifications resignifiées, réorganisées, reterritorialisées et nouvellement essaimées. Fluide,polymorphique et dynamique, la carte du monde maçonnique évoluait constamment. Dotée demultiples entrées, elle était ouverte, connectable, démontable, réversible, adaptable à tous lesterrains100. Elle s’étendait par variations, mutations, captures et mélanges, à l’image du virusde Benveniste et Todaro :

"Les virus peuvent après intégration-extraction dans une cellule emporter, à la suite d'erreursd'excision, des fragments de DNA de leur hôte et les transmettre à de nouvelles cellules : c'estd'ailleurs la base de ce qu'on appelle engineering génétique. Il en résulte que de l'informationgénétique propre à un organisme pourrait être transférée à un autre grâce aux virus. Si l'ons'intéresse aux situations extrêmes, on peut même imaginer que ce transfert d'information pourrait

Le “Triangle atlantique”: émergence et expansion de la sphère maçonnique internationale 20

Nuevo Mundo Mundos Nuevos

s'effectuer d'une espèce plus évoluée vers une espèce moins évoluée ou génitrice de la précédente.Ce mécanisme jouerait donc à contresens de celui que l'évolution utilise d'une façon classique.Si de tels passages d'informations avaient eu une grande importance, on serait même amenédans certains cas à substituer des schémas réticulaires (avec communications entre rameaux aprèsleurs différenciations) aux schémas en buisson ou en arbre qui servent aujourd'hui à représenterl'évolution."101

53 Y-avait-il une langue-mère au sein du monde maçonnique, ou des langues dominantes au seind’une multiplicité fluctuante ? Plutôt que d’établir des généalogies en ligne droite, ne doit-onpas évaluer les communications transversales qui s’établirent entre ces langues différenciées etdimensionner celles qui, dans un contexte déterminé, prévalurent sur d’autres ?

Notas

1 Une première approche dans Mollès, Dévrig, « L’histoire globale et la question maçonnique: élémentspour une analyse », Revista de Estudios Históricos de la Masonería en América Latina & el Caribe 6 (1),mai 2014, p. 3‑33. Cette revue électronique sera désignée comme REHMLAC (http://rehmlac.com/).2 Trois synthèses: González Bernaldo de Quirós, María Pilar, « La ̀ `sociabilidad´´ y la historia política »,Nuevo Mundo Mundos Nuevos [En ligne] Bibliothèque des Auteurs du Centre, mis en ligne le 17février 2008, consulté le 23 septembre 2010. URL : http://nuevomundo.revues.org/24082; Van Damme,Stéphane, « La sociabilité intellectuelle, Les usages historiographiques d’une notion », Hypothèses (2),janvier 1998, p.  121‑132  ; Vovelle, Michel, «  Dix ans de sociabilité méridionale  », in Idéologie etmentalités, Paris, Maspero, 1982, p. 177‑188.3 Deux synthèses récentes sur l’Amérique latine: Ferrer Benimeli, José Antonio, «  Aproximación ala historiografía de la masonería latinoamericana », REHMLAC 4 (1), mai 2012, p. 2‑120 ; MartínezEsquivel, Ricardo, « Hacia la construcción de una historia social de la masonería en Centroamérica »,Estudios (27), 2013.4 Par exemple Jacob, Margaret C., Living the Enlightenment:Freemasonry and Politics in Eighteenth-Century Europe, Oxford, Oxford University Press, 1991  ; Révauger, Cécile et Porset Charles  (éds),Franc-maçonnerie et religions dans l’Europe des Lumières, Paris, Honoré Champion, 1998  ;Beaurepaire, Pierre-Yves, L’Europe des francs-maçons (XVIIIe-XXIe siècles), Paris, Belin, 2002  ;Harland-Jacob, Jessica, « Global Brotherhood: Freemasonry, Empires, and Globalization », REHMLAC(1), 2013, p. 71‑91.5 Halevi, Ran, Les Loges maçonniques dans la France d’Ancien régime : Aux origines de la sociabilitédémocratique, Paris, A. Colin, 1984.6 Sirinelli, Jean-François, « Os intelectuais », in Rémond, René (éd.), Por uma história política, Rio deJaneiro, UFRJ – FGV, 1996, p. 253.7 Cette estimation, réalisée sans appuis documentaires, est de Roberts, John Morris, The New History ofthe World, Oxford, Oxford University Press, 2003, p. 676.8 23812 loges et 2095627 membres selon la sous-estimation du Bureau International de RelationsMaçonniques, Annuaire de la Maçonnerie Universelle, Berne (Suisse), Imp. Büchel & co., 1914, p. 393(8).9 Les estimations prudentes évoquent 2 à 3 millions de membres: Mollès, Dévrig, « Transferenciasy luchas culturales transatlánticas: Feminismo, librepensamiento y redes masónicas entre Europa yAmérica latina (1860-1910) », REHMLAC 4 (2), 2012, p. 92; D’autres évoquent 8 millions: Nefontaine,Luc, La franc-maçonnerie, une fraternité révélée, Paris, Gallimard, 1994, p. 85.10 The New Encyclopaedia Britannica, 15e éd., Chicago-London, 2002, p. 966.11 Önnersfors, Andreas, « Freemasons », in Anheier, Helmut K. & al. (éds), The Encyclopedia of GlobalStudies, Thousand Oaks, California, SAGE, 2012, p. 607‑608.12 Dachez Roger, L’Invention de la franc-maçonnerie, Paris, Véga, 2008.13 Colonomos, Ariel, « Sociologie et science politique: les réseaux, théories et objets d’études », Revuefrançaise de science politique 45 (1), 1995, p. 172.14 Une analyse: Mollès, Dévrig, Triangle atlantique et triangle latin: l’Amérique latine et le système-monde maçonnique (Éléments pour une histoire des opinions publiques internationales), Thèsedoctorale, Université de Strasbourg, 2012, chap. 2.15 Trois exemples: Annuaire maçonnique à l’usage des LL.·. et Ch.·. agrégés à la très R.·. M.·. L.·. duRit écossais philosoph.·. en France, siégeante à l’O.·. de Paris pour l’année 1811, [s. l.], F.·. Porthmann,Imprimeur de la R.·. M.·. L.·. E.·. de France, 1811 (orthographe conforme à l’original); Le Globe: archivesgénérales des sociétés secrètes, non politiques ..., Paris, 1839; Pinon Martin, Annuaire Universel de tousles rites de la Maçonnerie Française et Étrangère, par le F.·. Pinon, Chef de l’Ordre des Défenseurs

Le “Triangle atlantique”: émergence et expansion de la sphère maçonnique internationale 21

Nuevo Mundo Mundos Nuevos

de la Franc-Maçonnerie Universelle, 4e  édition, Paris, Pinon, auteur et éditeur, 1868 (sur les franc-maçonneries françaises).16 [Il sera désormais désigné comme "Annuaire 1889"]: de Nichichievich (33.·.), Comte F. C. et deBoehme (18.·.), Richard, Annuaire maçonnique universel pour 1889-1890, Alexandrie, Typ. du F.·. J.C. Lagoudakis (3.·.), 1889, p. 3.17 Ibid.., p. 372.18 Seule était mentionnée l’Eastern Star aux États-Unis, une sous-maçonnerie féminine encadrée par leshommes (elle n’est pas intégrée ici). Les loges dites d’adoption étaient apparues en France au XVIIIes., se raréfiant après la Révolution. Les loges mixtes puis féminines n’apparurent qu’après 1890. Voirl’une des principales spécialistes mondiales: Révauger, Cécile, « Les femmes et la franc-maçonnerie,des origines à nos jours », REHMLAC 4 (2), décembre 2012, p. 11‑31.19 [Ils seront désignés comme « Annuaire 1909 » et « Annuaire 1914 »]. Cit.: Annuaire 1914, op. cit.,p. 38‑40 ; Annuaire de la Maçonnerie Universelle, Berne (Suisse), Imp. Büchel & co., 1909 (3).20 Perrelet, Bernard, Le Bureau International de Relations Maçonniques: Organisation, but, activité,Berne – Neuchâtel, Büchler & Co., 1913, p. 8.21 Discours de Frédéric Desmons, pasteur protestant, sénateur radical et dirigeant du Grand Orient deFrance lors de la création du BIRM en 1902 (Genève), in ibid.., p. 5‑6.22 Voir Mollès, Triangle atlantique, op. cit., p. 242‑52, 553‑9.23 Le Bureau international de relations maç.·., Son histoire (1889-1905), Berne (Suisse), Imp. Büchler& Co., 1905, p. 31‑5.24 [Il sera désigné comme "Annuaire 1956"]: Denslow, Ray V., Regular, Irregular and ClandestineGrand Lodges. A Study in Foreign Recognition, Washington D.C., The Masonic Service Association,1956.25 [Il sera désigné comme "Annuaire 2010"]: Dolan, Frederick A.  (éd.), List of Lodges - Masonic,Bloomington, Illinois (USA), Conference of the Masonic Grand Lodges in North America, 2010.26 [Il sera désigné comme "Annuaire 2001"]: Henderson, Kent et Pope, Tony, Maçonaria universal:um novo guia para o mundo maçônico. 2 vols., São Paulo, Madras, 2001. Longtemps ignorés par lesAnglo-Saxons d’Europe et d’Amérique, les Afro-Américains (du moins certains d’entre eux) ne furentinstitutionnellement reconnus par la United Grand Lodge of England qu’en 1994 (p. 142, 176).27 [Ils seront désignés comme "Congrès international" "1875", "1907" ou "1912"]: « Convento Universalde los Supremos Consejos del Rito Escocés Antiguo y Aceptado, realizado en Lausana (Suiza)en septiembre de 1875  », in Frau Abrines, Lorenzo et Arús Arderiú, Rosendo  (éds), Diccionarioenciclopédico de la masonería, vol. 3 / 3, 1re éd., La Habana, La Propaganda Literaria, 1891, p. 335‑350;Conférence internationale de la Conférence internationale des Suprêmes Conseils du 33e et dernierdegré du rite (Bruxelles, 10-15/06/1907), Bruxelles, W. Weissenbruch, Imprimeur du Roi, 1908;Transactions of the Second International Conference of the Supreme Councils 33e, Washington D. C.,Supreme Council for the United States, Southern Jurisdiction, 1912.28 Elles seront mentionnées dans le texte. Citons ici Mollès Dévrig et Gimenez Claudio Ariel, Catálogodel Archivo de la Gran Logia Argentina, Buenos Aires, Gran Logia Argentina, 2014 [Catálogo AGLA].29 Procès-verbaux de la loge Asilo del Litoral, 1873-1877, Archivo Histórico Provincial, Santa Fe, vol.2, p. 127, cité par Bonaudo, Marta, « Liberales, masones, ¿subversivos? », Revista de Indias 67 (240),2007, p.  413  ; Une synthèse biographique dans Tarcus Horacio  (éd.), Diccionario biográfico de laizquierda argentina, De los anarquistas a la « nueva izquierda » (1870-1976), Buenos Aires, Emecé,2007, p. 689‑90.30 [Il sera désigné comme "Annuaire 1922"]: Dias, Everardo, Bastos, Octavio et Carajurú, Optato (éds),Livro Maç.•. do Centenário, Rio de Janeiro, s/ed., 1922, p.  7‑19 & 118‑123 (chronologies), 123‑5&181‑6 (femmes et noirs), 25‑57, 87‑9, 339‑47 (culture politique); Sur les auteurs, voir Ridenti, Marcelo,« Everardo Dias e os origens da Brasilidade revolucionaria », in Brasilidade revolucionária, Um séculode cultura e política, São Paulo, UNESP, 2010 (c. 1).31 Ligou, Daniel (éd.), Dictionnaire de la franc-maçonnerie, 4e éd., Paris, PUF, 1998.32 La première édition semble dater de 1883: Ferrer Benimeli, José Antonio, La Masonería española:La Historia en sus textos, 1996, p. 96 ; Ici ont été utilisées l’édition cubaine de 1891 et l’édition argentine(augmentée) de 1947: Frau Abrines, Lorenzo et Arús Arderiú, Rosendo (éds), Diccionario enciclopédicode la masonería, 3  vol., La Habana, La Propaganda Literaria, 1891  ; Frau Abrines, Lorenzo, ArúsArderiú, Rosendo et Bustos MacKeller, René (éds), Diccionario enciclopédico de la masonería, 3 vol.,9e édition, Buenos Aires, Kier, 1947.33 Ses versions successives montrent des variations intéressantes (1886, 1906, 1911, 1936). J’utilise iciGould, Robert Freke et al., Gould’s History of Freemasonry Throughout the World, 6 vol., New York,Charles Scribener’s Sons, 1936.

Le “Triangle atlantique”: émergence et expansion de la sphère maçonnique internationale 22

Nuevo Mundo Mundos Nuevos

34 « Cronología masónica », Revista Masónica Americana, 1873, p. 50‑52.35 Sur ces cas, voir par exemple: Beaurepaire, Pierre-Yves, « Sociabilité des Lumières et exclusiondans les ports méditerranéens au XVIIIe siècle : l’exemple de la Franc-maçonnerie  », Cahiersde la Méditerranée (69), 2004  ; «  Saint-Jean d’Écosse de Marseille: une puissance maçonniqueméditerranéenne aux ambitions européennes », Cahiers de la Méditerranée (72), juin 2006, p. 61‑95 ;Ferrer Benimeli, José A., « La franc-maçonnerie espagnole en Méditerranée (XVIIIe – XXe siècles) »,Cahiers de la Méditerranée (72), juin 2006, p. 17‑38 ; Mollier, Pierre, « Malte, les chevaliers et la Franc-maçonnerie », Cahiers de la Méditerranée (72), juin 2006, p. 1‑15. (Tous ces articles sont en ligne: http://cdlm.revues.org/)36 Sur les Caraïbes: Ferrer Benimeli, José Antonio, « Vías de penetración de la masonería en el Caribe »,REHMLAC 1 (1), 2009, p. 4‑19.37 Ferrer Benimeli, José Antonio, Masonería e Inquisición en Latinoamérica durante el siglo XVIII,Caracas, Universidad Andrés Bello, 1973.38 Lappas, Alcibíades, La masonería argentina a través de sus hombres, 2e éd., Buenos Aires, 1966,p. 70‑2.39 Voir Martínez Moreno, Carlos Francisco et Guedea Rincón Gallardo, Virginia, El establecimientode las masonerías en México en el siglo XIX, Tesis para obtener el grado de Maestro de Historia,México, Universidad Autónoma de México - Facultad de Filosofía y Letras, 2011, p. 146‑250. Sérieuxet exhaustif, ce mémoire a rendu superflue toute autre source sur le Mexique, grâce notamment auxannexes archéo-chronologiques des p. 596ss., 817ss. Une présentation dans « El establecimiento de lasmasonerías en México en el siglo XIX », REHMLAC 4 (1), mai 2012, p. 213.40 Voir Maguire Patricio, José, La Masonería y la emancipación del Río de la Plata, avec en anexeLa Masonería como instrumento en la lucha de influencias durante el periodo de independencia yorganización de los países hispanoamericanos, Buenos Aires, Ed. Santiago Apóstol, 2000.41 Dans certains cas, toutefois, la date de fondation de ces loges extraterritoriales n’était pas précisée. Ils’agit d’une petite minorité (15 loges sur 631 dans le cas anglais par exemple).42 André Combes signale par exemple des loges françaises en Amérique du Nord, dans les Antilles ou enAllemagne qui ne sont pas comptabilisées ici: Les trois siècles de la franc-maçonnerie française, Paris,Edimaf, 2000, p. 33‑4, etc.43 Voir ibid.., p. 47‑9, 67‑8, 136; Gould, Robert Freke, Military Lodges: The Apron and the Sword orFreemasons under Arms, Londres, Gale & Polden Ltd., 1899.44 Annuaire 1914, op. cit. (pour l’Angleterre, l’Écosse et l’Irlande: p. 250-60, 263-9, 275-80, 309-11,321-2, 342-3, 363-6; pour la France: 261-2, 269-70, 281-4, 311-2, 322-3, 343-4, 366).45 Dans le cas anglais, l’organisation fondée à Londres en 1717 devint la Grand Lodge of England en1738, se divisa en deux branches antagoniques en 1751 et fut réunifiée en 1813 au sein de la UnitedGrand Lodge of England: Révauger Cécile, La Querelle des Anciens et des Modernes: le premier sièclede la maçonnerie anglaise, Paris, Edimaf, 1999.46 La date de fondation des deux loges de San Francisco et New York n’est pas mentionnée dansAnnuaire (1914:311) et elles ne figurent pas sur ces graphiques.47 Selon le mot de Quinet, Edgar, « À Waterloo (2 juin 1852) », in Le livre de l’exilé (1851-1870), suivide Après l’exil. Manifestes et discours (1871-1875), Paris, R. Dentu Libraire-éditeur, 1875 (chap. 16).48 Cet Annuaire (p. 393, etc.) listait 105 organisations issues de 40 territoires politiques nationaux ouquasi-nationaux.49 Hobsbawm, Eric John Ernest et Ranger, Terence, The Invention of Tradition, 1re  éd., CambridgeUniversity Press, 1983.50 C’est le cas notamment des Annuaires de 1909, 1914, 1956, 2001 et 2010. Ils reproduisaientprobablement des informations fournies par les intéressés. Une illustration: l’invention de la traditiontenait certes une place dans le Livro Maçônico brésilien de 1922, qui situait par exemple les originesde la franc-maçonnerie à l’an 926 (op. cit., p. 7) ! Mais paradoxalement, cet ouvrage permet de rectifiercertaines généalogies. Le cas de la Norvège est le plus emblématique. Selon l’Annuaire 1922, confirmépar le silence de l’Annuaire 1889, la première institution maçonnique nationale y fut fondée en 1891.Pourtant, les Annuaires 1909 et 1914 situaient la fondation de cette Grosse Landesloge Von Norwegenà 1747, année de l’introduction de la première loge extraterritoriale (probablement anglaise ou néo-allemande : document nº1). Ces informations trafiquées avaient vraisemblablement été fournies par lesNorvégiens. L’Annuaire 2010 cite la date véritable de 1891.51 Voir Mollès, Triangle atlantique, op. cit., p. 561‑562, d’après Annuaire (1914).52 Selon Annuaire (1914:63-137, 248, 271, 286, 366, 391).53 Total des organisations fondées: Îles britanniques: 4; France: 9; Allemagne: 5 (Berlin, Hambourg,Bayreuth, Dresde et Frankfort).

Le “Triangle atlantique”: émergence et expansion de la sphère maçonnique internationale 23

Nuevo Mundo Mundos Nuevos

54 La Grande Loge Astrea (Saint-Pétersbourg) fut dissoute par le tsar (1815-1822) (Annuaire 1922).55 L’expérience fut réprimée dès 1889 selon Annuaire (1889, p. 285).56 Annuaires (1889, p. 547-552), (1914, p. 368-385). Entre 1880 et 1886 y furent créées une GrandeLoge nationale et cinq organisations de rites écossais, Swedenborg et Royal Arch (peut-être porteurs desrelations avec la France, l’Allemagne et l’Angleterre ?)57 Sources: Annuaires (1889, p. 7-561, 686), (1909, p. 50-245); (1914, p. 62-263), (1922, p. 7-19, 121-4),(2010, p. 209, 284, 293, 313-5, 318-9, 330-7, 343-4); Conférences internationales 1875, 1907, 1912; pourla France: Grande Loge Nationale Française, History of the French National Grand Lodge (1913-1963),The Jubilee of French Regular Freemasonry, Paris, 1964 ; Combes, Trois siècles, op. cit., p. 19,25, 30‑40,62‑7, 74‑6, 92, 96‑8, 117‑118, 134‑6, 147 ; Sur le Royaume-Uni: Révauger, La Querelle des Anciens etdes Modernes, op. cit. ; Ligou, Dictionnaire, op. cit. ; Harrison David, The York Grand Lodge, Londres,Lewis Masonic, 2014  ; Faÿ, Bernard, La francmasonería y la revolución intelectual del siglo XVIII,Buenos Aires, Huemul, 1963, p. 135, 224‑225, 237‑238 (1o ed.: Paris, 1935) ; Sur l’Espagne et le Portugal:Chato Gonzalo, Ignacio, «  Sobre la masonería en Portugal: una revisión historiográfica  », in FerrerBenimeli, José Antonio (éd.), La Masonería española en el 2000: una revisión histórica, vol. 1, Zaragoza,CEHME, 2001, p. 109‑125 (Symposium internacional de historia de la masonería española 9) ; FerrerBenimeli, José Antonio, « El Grande Oriente Lusitano Unido y los masones españoles (1869-1878) »,in Ferrer Benimeli, José Antonio  (éd.), La masonería en la España del siglo XIX, Salamanca, Juntade Castilla y León, 1987, p. 497‑528 (Actas del Symposium Internacional de Historia de la MasoneríaEspañola 2) ; Ferrer Benimeli, José Antonio, Masonería española contemporánea, 2 vol., 2e éd., Madrid,Siglo XXI, 1987 ; Ferrer Benimeli, José Antonio, « Los masones en la historia contemporánea española »,Historia 16, novembre 1977, p. 57‑76.58 Guatemala, Honduras, Salvador, Nicaragua, Costa Rica, Panamá. Cela exclut le Belize, devenu en1981 un État autonome en qualité de Royaume du Commonwealth.59 Le graphique nº9 comprend la catégorie de « Rio de la Plata & Cône Sud », utilisée en tant que régiongéographique pour les années 1777-1830.60 Sources: Annuaires (1889, p. 571-869), (1909, p. 246-299, 316-322, 331-336), (1914, p. 287-342),(1922, p. 7-19, 118-124), (2001, vol. 1, Amériques), (2010); Conférence internationale (1907); Lesencyclopédies: Gould’s History of Freemasonry, op. cit., vol. IV (Argentine: p. 169-177; Brésil: 177-186;Mexique: 105-119; Uruguay: 174-177) ; Frau Abrines, Arús Arderiú et Bustos MacKeller, Diccionario,op.  cit., vol.  III  ; Ligou, Dictionnaire, op.  cit., p.  167‑9  ; Sur les États-Unis: «  De la Franche-Maçonnerie parmi les Noirs ou hommes de couleur dans toute l’étendue des États-Unis de l’Amériqueseptentrionale », Bulletin du Grand Orient de France - Suprême Conseil pour la France et les possessionsfrançaises, nº2, 1868 ; « La Masonería de color », Revista masónica americana, 1873, p. 61‑62, 769‑776 ;Révauger Cécile, « Blacks and Freemasonry », in Snoek Jan A. M. et Bogdan Henrik (éds), Handbookof Freemasonry, Leiden, Brill, 2014, p. 422‑438; Les Caraïbes et le Nord de l’Amérique du Sud: FerrerBenimeli, « Vías de penetración », art.  cit.  ; Combes, Trois siècles, op. cit., p. 59  ; Hivert MessecaYves, « Essor et développement du Rite écossais ancien et accepté », in Colloque Origines, essor etdéveloppement du Rite écossais ancien et accepté, Marseille, Grand Orient de France - Suprême Conseilde France, 2004 ; Le Mexique: Martínez Moreno, El establecimiento, op. cit., p. 596ss., 817ss. ; et pourle cas ponctuel du Nuevo León: Gran Logia del Estado de Nuevo León, Breve reseña histórica de lamasonería en el Estado, Monterrey, 1938  ; Le Brésil: Exposição histórica da Maçonaria no Brasil,particularmente na Província do Rio de Janeiro, em relação com a Independência e a integridade doImperio, Rio de Janeiro, 1857 (in Boletím do Grande Oriente do Brasil, vol. 4, n°3 à 12, Rio de Janeiro,1875) ; « Bases da união da família maçônica do Brasil », Boletim do Grande Oriente do Brasil, 1883,p. 443ss. ; Constituição do Novo Grande Oriente do Brazil, Rio de Janeiro, 1907 ; Arão, Manoël, Históriada maçonaria do Brasil, 2 vol., Recife, 1926, p. 394  ; Kloppenburg, Frei Boaventura, A maçonariano Brasil: orientação para os católicos, Petrópolis, Vozes, 1956, p. 22 ; Castellani, José, Historia doGrande Oriente do Brasil, Brasilia, Grande Oriente do Brasil, 1993, p. 141 ; Colussi, Eliane Lucia, Amaçonaria gaúcha no século XIX, São Paulo, Universidade de Passo Fundo, 1998, p. 125‑8, etc. ; MansurBarata, Alexandre, Luzes e sombras, A ação da maçonaria brasileira (1870-1910), Campinas (SãoPaulo), Unicamp, 1999 ; Maçonaria, sociabilidade ilustrada e independência do Brasil (1790-1822),São Paulo, Annablume – FAPESP - UFJF, 2006 ; Morel, Marco, « Sociabilidades entre luzes y sombras:apontamentos para o estudo histórico das maçonarias da primeira metade do século XIX », Estudoshistóricos (28), 2001, p. 3‑22 ; O poder da maçonaria, A história de uma sociedade secreta no Brasil,Rio de Janeiro, Nova Fronteira, 2008, p. 134‑41, 183‑4, 197‑8 ; Le Mexique et le Brésil: Mollès, Dévrig,« Au carrefour des modernités républicaines: la franc-maçonnerie et les jeunes générations atlantiques(Mexique, Brésil, 1830-1880) », in Rolland, Denis et Aarão Reis, Daniel (éds), Modernités alternative,Paris, L’Harmattan, 2009, p.  117‑136  ; Le Cône Sud: del Solar, Felipe S., «  Secreto y sociedadessecretas en la crisis del Antiguo Régimen. Reflexiones para una historia interconectada con el mundohispánico », REHMLAC 3 (2), décembre 2011, p. 134‑159  ; Las logias de Ultramar. En torno a losorígenes de la francmasonería en Chile (1850-1862), Santiago, Occidente, 2012 ; González Bernaldode Quirós, Pilar, Civilidad y política en los orígenes de la Nación Argentina, Las sociabilidades en

Le “Triangle atlantique”: émergence et expansion de la sphère maçonnique internationale 24

Nuevo Mundo Mundos Nuevos

Buenos Aires, 1829-1862, 1re édition, Buenos Aires, FCE, 2001, p. 9, 29, 111‑145, 164‑170, 185‑236,251‑304, 323  ; Mollès, Dévrig, «  Exiliados, emigrados y modernizadores: el crisol masónico euroargentino (Europa- Rio de la Plata, 1840-1880) », in Ferrer Benimeli, José Antonio (éd.), La masoneríaespañola: represión y exilios, vol. 1, Zaragoza, Universidad de Zaragoza - Gobierno de Aragón, 2011,p. 47‑70 (Actas del Symposium Internacional de Historia de la Masonería Española 12) ; « ¿Derecha oizquierda? El anticlericalismo argentino frente a la cuestión social (1904-1910) », Travesía, Revista dehistoria económica y social (14)‑(15), 2014, p. 249‑276 ; Revista masónica americana, Buenos Aires,1872, p. 416‑425, 457‑61, 416, 477‑88, 570‑4, etc. ; « Guía masónica para el año 1879, por el H.•. A.•.F.•. Papke, secretario de la logia Germania », Buenos Aires, 1879 ; Catálogo del Archivo de la GranLogia Argentina, op. cit., vol. 547, 548, 549, 899,936,950,957, etc. ; Supremo Consejo & Gran Orientepara la República Argentina, «  Lettre au Bureau International de Relations Maçonniques  », BuenosAires – Neuchâtel (Suisse), décembre 1906 ; Cowlishaw, William, Notes on the History of the DistrictGrand Lodge of South America (Southern Division), Buenos Aires, UGLE, 1931 ; Sur le Chili: GarcíaValenzuela René, Contribución al estudio de la historia del Supremo Consejo de Chile, Primera época(1870-1924), Santiago, 1969.61 Voir Bullock, Steven C., Revolutionary Brotherhood: Freemasonry and the Transformation of theAmerican Social Order, 1730-1840, 2e éd., Williamsburg, Virginia, University of North Carolina Press,2011.62 Voir par exemple Lerat, Christian, «  Benjamin Franklin, pionnier de la franc-maçonnerietransatlantique », Lumières, Revue du Centre interdisciplinaire bordelais d´étude des Lumières (7), 2006,p. 51‑70.63 Respectivement 122 et 14.64 Grand Lodge of the State of Texas (1837), Rite de York. Le Texas entra en sécession et se proclamacomme République indépendante en 1836, provoquant une guerre entre le Mexique et les États-Unis en1846 et son annexion par ces derniers (28e État).65 La date de 1775 est citée dans Annuaire (1889, p. 770); elle semble correspondre à la création dela première African Lodge sous Constitutions anglaises durant la guerre d’indépendance; Les dates de1791 et 1824 sont citées dans Annuaire (2001, p. 141‑2). Selon l’une des principales spécialistes de cettequestion, la African Lodge reçut sa Constitution de Londres en 1784, mais existait bien avant. La UnitedGrand Lodge of England lui retira sa reconnaissance en 1813: Révauger, « Blacks and Freemasonry »,art. cit., p. 422, 426 ; Voir aussi Révauger, Cécile, Noirs et francs-maçons aux États-Unis, 2e édition,Paris, Dervy, 2014 (2e éd. augmentée).66 Au total, les sources utilisées recensent la formation de 11 nouvelles organisations entre 1830 et 1850,à New York en 1845, Caroline du Nord, Maryland, District de Columbia, New Jersey, Delaware. Toutecette analyse repose sur les Annuaires 1889 (p. 761, 770, 799, 801, 810, 825, 829, etc.), 2001 (p. 101-2,137-142, 160-6, 175-6, etc.).67 Le Bureau du recensement évalue le nombre des gens de couleur libres en 1840 et en 1850 àrespectivement 386303 et 434495; la population des esclaves en 1840 et en 1850 à respectivement2487455 et 3204313, selon Spring, Suzanne B., « Réflexions sur la valeur de la liberté: Mary Ann Shadd,la conscience anti-esclavagiste et la fonction de la lettre ouverte », Argumentation et Analyse du Discours(5), 2010, p. 1.68 « La Masonería de color », art. cit., p. 770.69 « De la Franche-Maçonnerie parmi les Noirs », art. cit.70 Selon le grand-maître afro-américain de l’Ohio, cité dans la revue Le Monde maçonnique (Paris), citéin « La Masonería de color », art. cit., p. 769‑770.71 D’après les sources citées pour le graphique nº11.72 Le capitaine Alexandre-Auguste de Grasse Tilly, fils de l’amiral, vétéran de l’indépendanceaméricaine et cofondateur du Rite écossais ancien et accepté, qui rentra à Saint-Domingue en 1802:Combes, Trois siècles, op. cit., p. 62.73 Murgueitio Manrique, Carlos Alberto, « La revolución negra en Saint Domingue », Historia y Espacio(33), septembre 2012.74 Ferrer Benimeli, « Vías de penetración », art. cit.75 Par exemple l’agent nord-américain Joël Robert Poinsett: Vázquez Semadeni, María Eugenia,« Historiografía sobre la masonería en México. Breve revisión », REHMLAC 2 (1), 2010, p. 16‑30 ;Maguire, La Masonería y la emancipación del Río de la Plata, op. cit.76 Voir del Solar Felipe Santiago, « Secreto y sociedades secretas », art. cit.77 L’épisode est bien connu. Voir par ex. Mansur Barata Alexandre, Maçonaria, sociabilidade ilustradae independência, op. cit.

Le “Triangle atlantique”: émergence et expansion de la sphère maçonnique internationale 25

Nuevo Mundo Mundos Nuevos

78 Halperin Donghi, Tulio, Historia contemporánea de América Latina, 13e éd., Madrid, Alianza, 1996,ch. 3: « La larga espera (1825-1850) ».79 « Gran Logia de Perú, creada en 1831, reconst. en 1852 »: Annuaires (1889:604); la date de 1832est retenue dans Annuaire (1922:11, 118). Les deux mentionnent également un Suprême Conseil et unGrand Orient.80 D’après les sources citées pour le graphique nº11.81 Sous influence états-unienne et malgré l’illégalité de la franc-maçonnerie en Espagne jusqu’à larévolution libérale de 1868: Ferrer Benimeli, « Vías de penetración », art. cit., p. 8.82 Mollès Dévrig, « Au carrefour des modernités », art. cit.83 Mollès, « Exiliados, emigrados y modernizadores », art. cit.84 D’après les sources citées pour le graphique nº11.85 Martínez Moreno, El establecimiento, op. cit. ; Gran Logia del Estado de Nuevo León, Breve reseñahistórica, op. cit.86 Sources: Annuaires (1889, p. 595, 606); 1914 (318); 1922 (121); (2001, p. 287-91, 316-7); (2010, p.326); Ferrer Benimeli José Antonio, « Vías de penetración », art. cit., p. 12.87 Conférence internationale 1912; Annuaires 1889, 1909, 1922, 2001, 201088 «Gr. protector de la masonería venezolana: M. Il. H. Antonio Guzmán Blanco, Gr. 33, Presidente dela República»: Annuaire (1889, p. 609).89 «  Bases da união da família maçônica do Brasil  », Boletim do Grande Oriente do Brasil, 1883,p. 443ss.90 Pernambouc et Maranhão (1884-1885), São Paulo, Minas Gerais et Porto Alegre (1893) puisAmazonas, Paraná et Rio de Janeiro (1904-1907). Sur la question des oligarchies régionales: Lynch,Christian E. Cyril, Brésil, de la monarchie à l’oligarchie. Construction de l’État, institutions etreprésentation politique (1822-1930), Paris, L’Harmattan, 2011.91 Les seules obédiences régionales recensées furent la Gran Logia Provincial de Santa Fe et la GranLogia Bonaerense, apparues entre 1900 et 1905.92 Après une première expérience congelée par le retrait des troupes d’occupation (1870-1876), uneseconde tentative se cristallisa à partir de 1893-1895: Annuaires (1922, p. 14, 118), (2001, p. 277-8),Conférence internationale (1912).93 Annuaire (1922, p. 118). Eloy Alfaro gouverna effectivement de 1895-1901 et 1906-1911.94 D’après les sources citées pour le graphique nº11.95 D’après les sources citées pour le graphique nº11.96 Une révolution économique dont l’épicentre principal fut l’Angleterre et une révolution politico-culturelle dont l’épicentre principal fut la France. Le concept est de Hobsbawm, Eric J. E., La Era dela Revolución (1789-1848), Barcelona, Crítica, 1997, n° 1, p. 62 ; La Era de los Imperios (1875-1914),Barcelona, Crítica, 1995, p. 16.97 Sur ce thème: Révauger, Cécile et Saunier, Éric (éds), La franc-maçonnerie dans les ports, Pessac,Presses Universitaires de Bordeaux, 2012 ; analysé par Ferrer Benimeli, José Antonio, « Reseña de Lafranc-maçonnerie dans les ports », REHMLAC 5 (1), 2013, p. 228‑236.98 « La collectivité ne peut exister qu’institutée. Ses institutions sont toujours ses propres créations mais[…] tendent à devenir fixes, rigides, sacrées » : Castoriadis, Cornelius, « Psicoanálisis y política », inEl mundo fragmentado, La Plata (Arg.), 2008, p. 122 (Conférence à la New School for Social Research,New York, 1987).99 Denslow, Regular, Irregular and Clandestine Grand Lodges. A Study in Foreign Recognition, op. cit.100 «  Chacun considère la franc-maçonnerie depuis le cadre plus ou moins étroit de ses idées etpréoccupations, et celle-ci adopte la physionomie des pays dans lesquels elle se développe. » : Lavergne,Eduardo, « Rito Sud Americano », Revista masónica, Buenos Aires, mai 1899, p. 25‑28.101 Sur le travaux de Raoul E. Benveniste et George J. Todaro, voir Yves Christen, « Le rôle des virusdans l’évolution », La Rechercbe, n°54, mars 1975, p. 271, cité par Deleuze, Gilles et Guattari, Félix,Rizoma, 3e éd., México, Coyacán, 2001, p. 19 (Traduction de Rhizome, Paris, Ed. de Minuit, 1976, versionmodifiée et publiée comme introduction à Mille Plateaux, vol. 2 de Capitalisme et Schizophrénie, Paris,Ed. de Minuit, 1980).

Para citar este artículo

Referencia electrónica

Le “Triangle atlantique”: émergence et expansion de la sphère maçonnique internationale 26

Nuevo Mundo Mundos Nuevos

Dévrig Mollès, « Le “Triangle atlantique”: émergence et expansion de la sphère maçonniqueinternationale  », Nuevo Mundo Mundos Nuevos [En línea], Debates, Puesto en línea el 25 noviembre2014, consultado el 23 diciembre 2014. URL : http://nuevomundo.revues.org/67498 ; DOI : 10.4000/nuevomundo.67498

Autor

Dévrig MollèsDirecteur scientifique des archives de la Gran Logia Argentinadocteur en histoire contemporaine par l'Université de Strasbourg (2012)membre du conseil scientifique de la Revista de Estudios Históricos de la Masonería en Latinoaméricay el Caribe (www.rehmlac.com)

Derechos de autor

© Tous droits réservés

Resúmenes

 Que sait-on de l’organisation et des réseaux maçonniques dans le monde? Comment passèrent-ils de 250000 membres vers 1789 à deux millions en 1914 pour en réunir aujourd’hui de 3 à 8millions? Comment, quand et où s’est développée « la plus grande société secrète du monde »,« l’une des plus grandes organisations non-gouvernementales du monde » ? Ce texte tented’apporter des réponses concrètes en privilégiant le comparatisme et les regards croisés surl’ensemble des Amériques, dans la longue durée des XVIIIe et XIXe siècles. What do we know about the masonic organizations and networks in the world? How did theygrow from 250000 members by 1789 to 2 millions in 1914 and 3 to 8 millions nowadays?How, when and where did they spread? This paper aims to provide concrete answers fromstatistical and comparative views, with a focus on the Americas, in the long eighteenth andnineteenth centuries.

Entradas del índice

Mots clés : franc-maçonnerie, histoire globale, XVIIIIe-XIXe sièclesKeywords : Freemasonry, global history, 18th-19th centuries