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LE TRAVAIL COLLABORATIF, UN AVENIR DU TRAVAIL DANS LE DÉVELOPPEMENT DURABLE Serge Le Roux L'Harmattan | « Marché et organisations » 2009/3 N° 10 | pages 171 à 199 ISSN 1953-6119 ISBN 9782296091603 DOI 10.3917/maorg.010.0171 Article disponible en ligne à l'adresse : -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- https://www.cairn.info/revue-marche-et-organisations-2009-3-page-171.htm -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Distribution électronique Cairn.info pour L'Harmattan. © L'Harmattan. Tous droits réservés pour tous pays. La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les limites des conditions générales d'utilisation du site ou, le cas échéant, des conditions générales de la licence souscrite par votre établissement. Toute autre reproduction ou représentation, en tout ou partie, sous quelque forme et de quelque manière que ce soit, est interdite sauf accord préalable et écrit de l'éditeur, en dehors des cas prévus par la législation en vigueur en France. Il est précisé que son stockage dans une base de données est également interdit. Powered by TCPDF (www.tcpdf.org) © L'Harmattan | Téléchargé le 30/05/2022 sur www.cairn.info (IP: 65.21.229.84) © L'Harmattan | Téléchargé le 30/05/2022 sur www.cairn.info (IP: 65.21.229.84)

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LE TRAVAIL COLLABORATIF, UN AVENIR DU TRAVAIL DANS LEDÉVELOPPEMENT DURABLE

Serge Le Roux

L'Harmattan | « Marché et organisations »

2009/3 N° 10 | pages 171 à 199 ISSN 1953-6119ISBN 9782296091603DOI 10.3917/maorg.010.0171

Article disponible en ligne à l'adresse :--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------https://www.cairn.info/revue-marche-et-organisations-2009-3-page-171.htm--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

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Le travail collaboratif,un avenir du travail dans ledéveloppement durable

Serge LE ROUX

Le précédent Forum de l'innovation (Dunkerque, 2006)avait permis de réaliser une première approche (Le Roux,2007) d'une innovation récente en matière d'organisationet de contenu du travail, celle dite du «travailcollaboratif », également dénommée « communautévirtuelle» ou encore «organisation agile» (où l'onretrouve aussi des références aux items « gestion deprojet» ou « gestion de contenu»).

Suivant un bon connaisseur américain de ces sujets,David Chrislip, on l'avait alors définie comme un nouveaumode de travail combinant l'activité simultanée deplusieurs personnes autonomes sur un objet ou un projetcommun unique, tel une base de données: «Lacollaboration se situe au-delà de la communication, de lacoopération et de la coordination. Comme ses racines

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latines (corn et laborare) l'indiquent, elle signifie«Travailler ensemble ». n s'agit d'une relationmutuellement avantageuse entre deux ou plusieurs partiespour atteindre un but commun, dans un processus quiimplique le partage des responsabilités et de l'autorité.C'est donc plus que le simple partage des connaissanceset de l'information (communication) et, également, plusqu'un type de relations permettant à chaque partied'atteindre ses propres buts (coopération et coordination).L'objet de la collaboration est de créer une visionpartagée et des stratégies articulées pour faire émergerdes intérêts communs dépassant les limites de chaqueprojet particulier» (Chrislip, 2002, pp. 41-42). Même siune telle présentation reste théorique et, sans doute, encoreéloignée de la plupart des pratiques concrètes desentreprises, elle souligne bien l'originalité essentielle decette nouvelle forme d'organisation et de contenu dutravail, originalité qui la fait se placer en alternativecrédible au modèle taylorien- fordien prévalent jusque là1.

Le travail collaboratif se présente ainsi sous la forme dela réunion d'un ensemble d'autonomies et de compétencesdifférentes, agissant au sein d'un seul et même processus.Les participants n'ont pas forcément à se connaître nipersonnellement ni physiquement (mode présentiel) etpeuvent exercer leur activité en des lieux différents (c'estmême une des données fortes de cette modalité de travailque de rassembler des individus épars). Chacun de cesparticipants doit pouvoir modifier l'objet voire le projetcommun (dans des limites prédéfinies ou, de manière plusdynamique, par des procédures négociables in situ) sansque les autres membres du collectif n'aient d'avis

I La communication précitée de 2006 faisait état des liens de parenté que letravail collaboratif pouvait entretenir avec les innovations managérialesintervenues lors des dernières décennies, sur le mode générique dumanagement participatif. Il semble bien, qu'au-delà de cet héritage, l'on ait àfaire ici à une césure quant à ce passé, l'élément nouveau étant l'existenced'outils techniques spécifiques, créant ainsi une forme inédite de combinaisonproductive où, en particulier, l'obligation de résultat (contenu du travail fait-y compris sa gestion en termes de services associés - délais, coûts) tend à

primer celle de moyens.172

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préalable à formuler, et, à la limite, n'en aient mêmeconnaissance. Dans ce type d'organisation du travail,l'apport de chacun n'est pas immédiatement décelable. Ceprocessus inédit de construction d'une productioncollective résulte de la mise en convergence d'autonomiesdiverses, réunies spécialement dans l'objectif d'atteindreun résultat donné d'avance, sans que les chemins pour yparvenir ne soient précisément dessinés. On peut qualifierce processus de «globalisation de poly-autonomies »,c'est-à-dire la mise en commun des activités autonomesde participants épars, ou encore le fait de « travaillerensemble séparément ». Travailler de la sorte implique,pour ceux qui sont appelés à y participer, de disposer dequalités particulières:

- des connaissances techniques et une expérienceprofessionnelle développées;

- un sens des responsabilités élevé (dans un projetmulti-firmes, l'opérateur « représente» sonentreprise au sein du proj et) ;

- la capacité de participer à une gestion collective nonhabituelle (travailler avec des intervenantsappartenant à d'autres structures économico-juridiques).

Du point de vue de la firme d'origine, les difficultés nesont pas moins élevées:

- il va s'agir de pouvoir gérer des collaborateursmomentanément «expatriés» au sein d'un projetdont la maîtrise globale échappe aux managersintermédiaires;

- ces derniers doivent pourtant gérer leur personnel,veiller à son efficacité, à son engagement dans leprojet;

-mais aussi à sa fidélité, à son sens de la discrétion;-et, également, être en mesure de pouvoir organiser au

mieux son retour dans l'entreprise...Ces difficultés nombreuses et significatives pour

l'entreprise, les risques de pertes de substance,d'importation de coûts inattendus, de non respect desobjectifs... pourraient laisser penser que le travail

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collaboratif n'apparaîtrait pas forcément comme unepriorité majeure des organisations existantes, plutôtcomme une obligation par défaut.

Il n'en est rien: dans les structures les plus avancées enmatière de recherche de l'efficacité économique, etcompte tenu des conditions actuelles de la mise en œuvrede la production (comprise ici comme l'ensemble desactivités lucratives mettant en jeu des capitaux et dutravail humain) il est de moins en moins souvent possiblede ne pas recourir à cette forme de travail, qui semble laplus appropriée à permettre une gestion rentable de lacomplexité et de la technicité croissantes de la production,en même temps que l'émiettement planétaire descompétences.

Nous sommes donc dans le modernisme technologique(assemblage des techniques les plus récentes et desméthodes appropriées, incluant le travail humain, pour lesmettre en oeuvre le plus efficacement possible). Laquestion peut se poser de la concordance possible de cemodernisme économique avec les impératifs écologiquesde protection de la planète2 :

-y a-t-il concordance ou fracture entre les unes et lesautres de ces grandes catégories des préoccupationshumaines contemporaines?

-pour certains, joliment dénommés les « objecteurs decroissance », la question est d'emblée résolue: laseule issue envisageable se situerait dans unedécroissance, c'est-à-dire une version moderne de lamanière de trouver dans la disparition définitive dumalade, la solution à sa guérison.

Il nous semble que d'autres chemins, moinscatégoriques, et plus efficaces (selon les deux plansprécités, économique et écologique) semblent aujourd'hui

2 La question ici posée des rapports possibles entre le travail collaboratif,d'une part, et le développement durable, de l'autre, si elle aboutit à unraisonnement crédible, viendrait renforcer la thèse émise lors du précédentForum de l'innovation (où l'analyse portait sur les rapports possibles despratiques innovatrices des PME-PMI avec le travail collaboratif) que l'on setrouverait effectivement en présence d'une innovation générique (cf. Lowe).

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envisageables: loin d'être l'ennemi de la planète, laproduction, à condition de la réformer, de la faire sortirréellement et définitivement de son monde taylorien etfordien, peut en être la condition de sa survie et, peut-êtremême, de sa résurgence.

L'étude sur ce sujet n'a été que peu entreprise, et nousnous contenterons de présenter ici seulement deux pistessusceptibles d'apporter quelques arguments aptes àconforter la viabilité de l'hypothèse avancée de l'existenced'un ~e de travail spécifique au développementdurable:

- la transformation possible du type de contenu de lacroissance économique;

- la capacité à intégrer les critères nouveaux dudéveloppement durable dans chacun des actes deproduction.

Le travail collaboratif, élément d'une alternative crédibleà la thèse de la décroissance

On sait, depuis Adam Smith, la force économique quereprésente la division du travail; après deux siècles derévolution industrielle et de maints phénomènes marquantsqui l'ont accompagnée, comme l'exode rural,l'urbanisation, l'internationalisation de la production, lanaissance de nouveaux moyens de transport et desinfrastructures qui les supportent, la transformation desmodes de vie et de produire... les déplacements ont connudes progressions exponentielles. Aujourd'hui, lestendances anciennes s'intensifient: horizontalisation del'habitat, décomposition à l'infini et mondialisation desprocessus de production (voir le récent et symptomatique«itinéraire d'un tee-shirt») et de consommation,

3 En utilisant ici, par commodité, et pour répondre à l'invitation faite dans cecolloque, la notion de développement durable, nous garderons à l'esprit leslimites propres à la formule même, mais aussi les libertés d'analyse qu'ellepermet: « Répondant à une situation d'urgence, ce concept laisse la porteouverte à toutes les interprétations, aussi multiples que contradictoires:générosité, sincérité, souci d'innovation, mais aussi, et surtout, confusion,verbiage, démagogie, opportunisme, hypocrisie» (Tertrais, p. 49).

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extension planétaire de la sphère du capitalisme. .. rendant,apparemment, de plus en plus problématiques les objectifsde protection écologique de l'environnement.

Il semble à peu près évident à tous aujourd'hui (saufpour quelques esprits astérixiens, comme celui de l'auteurdu récent et stimulant essai Les prêcheurs de l'apocalypse,le professeur Jean de Kervasdoué) que la poursuiteaveugle de ce type de développement n'est plus guèreenvisageable. Mais la question rebondit immédiatement:que faut-il changer? Là, comme en d'autres époques etsur d'autres sujets, un clivage apparaît, séparant, d'uncôté, les partisans d'une transformation révolutionnaire denos modes de vie et de produire et, de l'autre, despromoteurs d'une voie plus réformiste, perspective danslaquelle se situe plutôt cette présentation.

La décroissance, seule solution?

L'argumentation semble imparable: ce qui détruit laterre provient du rêve prométhéen de l'homme detransformer la nature à son avantage, de considérer lamatière comme inerte et inépuisable. Comme dans lemythe ancien, ce qui devait finir par arriver arriveaujourd'hui: les dieux, la nature se vengent et l'hommerisque gros s'il ne se soumet pas immédiatement à leursimpératifs supérieurs.

Pour des auteurs comme Nicholas Georgescu-Roegen,un des chercheurs les plus représentatifs de ce courant depensée, la voie est désormais unique: la seule solution estd'arrêter ce mode de production fondé sur la croissanceéconomique continue, et de transformer subséquemmentnos modes de vie, à la recherche du « toujours plus» pourles rendre planéto-compatibles, sous domination de lanature.

L'économiste d'origine roumaine justifie la nécessité etl'urgence de ce changement brutal de cap, aujourd'hui

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indispensable pour la survie de l'espèce humaine\ maisqui semble si douloureux à effectuer, par une théorie del'évolution physique des systèmes: la thermodynamique.Pour lui, la situation actuelle était totalement prévisible,pour peu que l'on se soit donné la peine de prendre enconsidération la découverte du deuxième principe de lathermodynamique, la loi de l'entropie, par Sadi Carnot en18245.

La loi de l'entropie: «La chaleur s'écoule par elle-même du corps le plus chaud vers le corps le plus froid...une fois que la chaleur d'un système clos s'est diffusée aupoint que la température est devenue uniforme dans lesystème tout entier, la diffusion de la chaleur ne peut êtreinversée sans intervention extérieure... l'énergiethermique libre (utilisable par l'homme) d'un système closse dégrade continuellement et irrévocablement en énergieliée (inutilisable par l 'homme)... l'entropie (c'est-à-dire laquantité d'énergie liée) d'un système clos croîtconstamment... l'ordre d'un tel système se transformecontinuellement en désordre» (Georgescu-Roegen, 2006,pp. 69-70).

4 Pour ce qui est de l'urgence à changer, il est symptomatique de voirl'évolution du titre de l'ouvrage de référence de cet auteur (recueil d'articlesréalisé, les deux fois, par Jacques Grineval et Ivo Rens): Demain ladécroissance en 1979, La décroissance en 2006. On pourrait aisémentopposer à cet alarmisme sans doute excessif, la longue durée de cesphénomènes: « Les forestiers français, habitués à la gestion du capital boissur le long terme, ont rapidement exhumé, dès que la question dudéveloppement durable a commencé à s'imposer, une ordonnance, dite deBrunoy, petite localité en lisière de la forêt de Sénart, au sud-est de Paris,datée du 29 mai J346, prise par Philippe VI de Valois, où il est ditexplicitement dans son article 4 : « Les maîtres des eaux et forêts enquerrontet visiteront toutes les forêts et bois et fèront les ventes qui y sont, en regardde ce que lesdites forêts se puissent perpétuellement sous tenir en bon état ».Pour eux la préoccupation de soutenabilité a donc plus de 650 ans d'âge»(Arnould, p.85)... Philippe VI de Valois, le véritable inventeur de la« sustainability » !S Par exemple, selon Jacques Grineval, dans la présentation qu'il fait del'œuvre de Georgescu-Roegen, celui-ci critique sévèrement, pour sa myopieanalytique, un auteur néoclassique majeur comme William Jevons, créateur del'école marginaliste, en qui il voit, « le brillant représentant del'arithmomorphisme et de l'épistémologie mécaniste de l'économie standardoccidentale» (Georgescu-Roegen, p. 244).

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Contrairement à certaines thèses optimistes, selon cetauteur, la vie n'échappe pas à la loi de l'entropie: « Toutorganisme vivant s'efforce seulement de maintenirconstante sa propre entropie... en puisant dans sonenvironnement de la basse entropie afin de compenserl'augmentation de l'entropie à laquelle son organisme estsujet» (id. p. 71) ; et I'homme lui en rajoute: « L'hommea continuellement cherché à inventer des moyenssusceptibles de mieux capter la basse entropie (id. p. 73).

Inspirée par la philosophie de Bergson et les idées deTeilhard de Chardin, la thèse de Georgescu-Roegen est decomprendre la production industrielle d'une façonessentiellement pessimiste6, comme une transformation dematière d'entropie basse (les matériaux, ressourcesnaturelles de valeur) en produits d'entropie haute (lesdéchets, sans valeur) processus qui aboutirainexorablement à la disparition définitive et irréversibledes premiers, rendant très problématique le maintien envie de l'espèce humaine sauf peut-être que «I 'hommepourrait continuer à vivre en revenant au stade de lacueillette qu'il connut jadis» (id. p. 79).

Des réfutations maladroites

On comprend facilement qu'une thèse aussi vigoureuseet catégorique ait suscité quelque réaction. Il ne sembletoutefois pas qu'un de ces axes d'attaque de cette théorielugubre ait, pour le moment, permis son évacuationdéfinitive.

6 Sans doute un peu effrayé par le risque d'absurdité sur lequel sadémonstration peut déboucher, Georgescu-Roegen cherche à la tempérer unpeu en indiquant que, quand même, cette activité humaine est réalisée dans lebut de produire de « la joie de vivre» (d. p. 72). On retrouve ce même type demalaise des « objecteurs de croissance» vis-à-vis de leur propre théorie chezd'autres auteurs, comme, par exemple, Serge Latouche: « Il ne s'agit paspour nous ni de l'état stationnaire des vieux classiques, ni d'une forme derégression, de récession ou de « croissance négative », ni même de lacroissance zéro C'est un slogan politique à implications théoriques, un« mot-obus », dit Paul Ariès, qui vise à casser la langue de bois des droguésdu productivisme... » (Latouche, pp. 16-17).

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Seul le marché...Une première catégorie d'arguments se situe dans la

croyance en la capacité du marché à résoudre,globalement, ce genre de difficultés (comme toutes lesautres d'ailleurs): ainsi, dans le sillage de la penséed'Arthur Pigou, Wilfred Beckerman (1972) critiquant lerapport Meadows, The Limits of Growth, rédigé pour IeClub de Rome, un peu après la secousse de 1968 (et, sansdoute, comme forme de réponse à celle-ci) offre commealternative à l'augmentation de la pollution due auxactivités économiques et non régulée naturellement par lemarché, la solution néo-classi~ue traditionnelle de lacréation d'une redevance spéciale.

Outre les habituelles stratégies des acteurséconomiques de contoumement, bien connues en matièrefiscale, on peut objecter à cette thèse:

-qu'elle contribuera à augmenter « artificiellement» lacroissance, la taxe étant répercutée dans le prix,donc dans le chiffre d'affaires et, in fine, dans lePIB;

- qu'elle incitera les grandes entreprises à se défausserd'une partie des problèmes posés sur leurs sous-traitants ou sur leurs clients;

- qu'elle n'économisera qu'une faible partie desressources naturelles, tout en sauvegardant,toutefois, les apparences qu'une réelle politiqueécologique est bien menée, tant par les instancespubliques que par les principaux décideurséconomiques;

-que les défenseurs de l'économie de marché trouventune solution dans ce qui est sa négation, l'Etat(même s'ils ont, au fil du temps et de l'épaisseur descontradictions, fini par trouver desaccommodements présentables avec la théorie pureinitiale) ;

7 Pour d'intéressants développements sur ce thème, on peut se reporter à(Robertson).

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- que le marché ne sera efficace en matière écologiquequ'à partir du moment où ce secteur présentera untaux suffisant de rentabilité des capitaux quipourront y être investis8.

L'homme est fait pour progresserUn second courant de pensée estime que l'on doit

extrapoler les grandes tendances nées depuis l'apparitionde l'homme sur la terre, et que celui-ci a toujours réussi àrésoudre les difficultés qui apparaissaient: l'économisteaustralien Colin Clark (1961) est représentatif de cecourant; il s'oppose à la vision malthusienne, qui consiste,par exemple, à refuser le progrès scientifique appliqué à laproduction agricole (l'usage de pesticides) qui aboutirait àaccroître les famines et maladies dans le monde. Pour cetauteur, à l'époque conseiller du Vatican, la croissanceéconomique est nécessaire pour le développement humain.

Si ce raisonnement paraît inattaquable quant à seslouables intentions, il reste marqué par un optimismequelque peu béat, qui le rend vulnérable aux critiquesécologistes. Une prise en compte des évolutions desmanières de produire, y compris de celles qui seraientalternatives au modèle occidental, permettrait d'assurerplus fortement la démonstration.

Introduire le travail dans le débat: une nouvelleperspective

Au-delà de ces affrontements quelque peu évanescents,on pourrait se demander si la solution au problèmeenvironnemental posé (considérons-le comme réel) neserait pas plus prosaïquement, et dès maintenant, à laportée de la main. Il suffirait, pour cela, d'ouvrir la boîtenoire de la production, pour y trouver des éléments de

8 Pour être encore plus précis: « ... les investissements environnementaux ontune rentabilité privée inférieure à celle qui leur est attribuée par le public. Ladifférence entre rentabilité privée et publique provient d'une internalisationdéfaillante des coûts sociaux dans les calculs économiques privés»(Bürgenmeier, p. 239).

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réponse plus convaincants. Il suffirait (euphémisme) parexemple, de considérer les technologies nouvelles, cellesqui oeuvrent dans le champ de l'information et de lacommunication, pour ce qu'elles sont, et pour ce qu'ellesfont (ou permettent de faire).

Ce qu'elles font: en suivant, là sans hésitation, ColinClark, on peut en effet observer que la productioncontemporaine est composée de plus en plus de services,d'éléments immatériels. Un des tours de passe-passe desthéories de la décroissance est de chercher à faire croireque la croissance du PIB est toute entière constituée deproductions matérielles, alors que celles-ci n'enreprésentent plus qu'une proportion réduite (même s'ilfaut, bien sûr, prendre en compte les valeurs absolues deces productions et de leurs effets environnementaux).

Ce qu'elles sont: en suivant des auteurs ancienscomme J. D. BernaI ou Daniel Bell, on peut aisémentprendre en considération le fait qu'elles constituent,appellent, développent... de nouvelles manières deproduire, économes en travail humain, sobres en énergie,sûres et fiables (baisse des déchets) un appel à la créationde modes opératoires inédits de transformation de lanature... Particulièrement, en ce qui concerne le travailcollaboratif, qui peut permettre de suppléer lesdéplacements physiques des êtres humains producteurs etconsommateurs (et aussi une partie des déplacementsphysiques de matières) par des échanges immatérialisés.

Flécher le développementCertes, ce mouvement ne peut se constituer en voie

royale, en une nouvelle version d'un optimisme irraisonné.Le déterminisme n'est jamais total et, de fait, plusieurstypes d'utilisation d'une découverte scientifique sonttoujours possibles. On sait que la révolution del'électronique pourrait favoriser fortement ledéveloppement humain, plus que cela n'a été fait dansI'histoire; ou, au contraire, ces mêmes possibilitéstechniques importantes peuvent être affectées à des tâchesmoins nobles, comme celles des industries militaires par

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exemple. Entre l'une ou l'autre branche de l'alternative, lechoix dépend des décisions humaines. On sait aussi quecelles qui entraînent le plus d'effets sont souvent prises enfonction des objectifs de maximisation de larentabilisation des capitaux et de la vitesse du retour surinvestissement. Cette caractéristique du processus dedéveloppement technologique a pu faire penser à certains(Commoner, Dumont, Ehrlich) qu'aucune alternative nepouvait efficacement exister et qu'aucune solution nepouvait se trouver en dehors d'un retour à l'ordre ancien.Des usages récents des technologies de réseau, créés parles utilisateurs eux-mêmes, démontrent heureusement qu'ily a encore place pour une vision autrement optimiste del'avenir.

Grenelle, le monde des yeux closFaute d'une vraie réfutation, les thèses de la

décroissance gagnent maintenant du terrain. Les récentsdébats du Grenelle de l'environnement, et les orientationsqui en sont sorties, sont malheureusement là pour entémoigner: s'il est vrai que la question de la production aété marginalisée lors de ces sessions, il n'est pas trèsdifficile de dresser la carte des parentés avec les thèsessus-évoquées.

La création d'une redevance spéciale, une des mesuresphares des Assises, se présente bien comme un échoparfait de la suggestion de Beckerman, et se situe doncpleinement parmi les tentatives de réponse néo-classiquetraditionnelles.

Spécial « Grenelle de l'Environnement»Communiqué de l' AFTT

Communiqué de Presse AFP

L'Association Française du Télétravail et desTéléactivités (AFTT)* vient de prendre connaissance des

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propositions des groupes de travail du Grenelle del'Environnement.

Or dans ces rapports, à aucun endroit, il n'estmentionné le recours au télétravail pour réduire lestransports quotidiens (domicile-travail) de millions desalariés du secteur privé comme du secteur public.

Alors que dans tous les pays du monde: USA, Canada,Japon, Pays-Bas, Grande-Bretagne, Allemagne, Italie,Espagne, etc. les pouvoirs publics ont mis en avant letélétravail comme l'une des actions les plus significativespour réduire les émissions de CO2, la France, déjà bonnedernière en matière de télétravail salarié avec moins de2%, affiche publiquement son obscurantisme et sa cécitésur le sujet. Rappelons qu'aux Etats-Unis, plus de 40% dela population active exerce en télétravail, qu'au Pays-Basles télétravailleurs sont plus de 25%, qu'en Allemagne eten Grande Bretagne, plus de 13%, etc.

L'AFTT entend en conséquence alerter une nouvellefois les pouvoirs publics et la population que l'on peutvivre et travailler différemment à condition d'un véritablechangement de mentalité qui ne se fait toujours pas dansce pays et le Grenelle de l'Environnement démontre quec'est au niveau le plus haut qu'il doit s'opérer.

A force de ne pas considérer le télétravail comme uneopportunité pouvant répondre à la réduction des gaz àeffet de serre, comme à bien d'autres problématiquesactuelles, la France continue de se réfugier dans larigidité, les mécanismes établis et les grands discours, enpassant à côté de l'essentiel: le travail des hommes auquotidien dans la combinaison productive à reconsidérer.

* Le rédacteur de la communication est également vice-présidentde l 'AFlT,. ce qui est dit ici sur le télétravail pourrait être facilementétendu au travail collaboratif (dont il n'a pas été plus question lorsdes Assises).

Le travail collaboratif, alternative crédibleLa vraie solution ne serait-elle pas à l'intérieur de la

fameuse boîte noire de la production, là où ni les tenants183

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de la décroissance, ni leurs critiques ne veulent aller, sansdoute parce qu'ils savent, les uns et les autres, qu'il s'agitde domaines interdits au débat public?

Si cette intervention était malgré tout tentée, parexemple dans l'introduction maîtrisée de pratiques detravail collaboratif, peut-être s'apercevrait-on qu'il existeune possibilité réelle et forte d'activation des potentialitéstechniques existantes dans le sens du développementhumain: s'il y a des choses à changer dans le mondeéconomique actuel, c'est peut-être moins la quantité debiens et de services offerts aux populations (et pensonsaux plus pauvres pour qui la décroissance doit avoir ungoût un peu amer) que la manière dont ceux-ci sontproduits, le travail collaboratif permettant de substantielleséconomies en matière écologique en ouvrant des voiesnouvelles pour :

- la réduction massive des déplacements domicile-lieu(x) d'activités;

- d'importantes diminutions dans la circulation desmatières premières et des produits semi-finis (ondevrait assez facilement pouvoir fabriquer un tee-shirt avec moins de déplacements matériels).

Le travail collaboratif, un moyen unique d'intégrer ladimension écologique dans chacun des actes productifs

Si le flou et l'ambiguïté semblent bien marquer le fonddes débats concernant les rapports théoriques entrel'économie et l'écologie, brouillard, plus ou moinsvolontairement entretenu, qui masque les véritablesalternatives possibles (la boîte noire du travail et de laproduction) la situation n'est guère plus brillante si l'onamorce l'analyse par l'examen des pratiques desentreprises.

C'est maintenant un fait patent que les grandesorganisations économiques prennent sérieusement enconsidération les dimensions environnementales de leursactivités, et que diverses mesures relevant de cettepréoccupation figurent parmi les objectifs courants de leurgestion interne et, surtout, externe.

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Là encore, la question qui se pose immédiatement est:qu'est-ce qui change effectivement dans les entreprises?On voit bien que plusieurs réponses peuvent s'étagerentre, à un pôle, une seule prise en compte purementcommunicationnelle des efforts environnementauxengagés par les firmes et, à l'autre extrémité de cet arc,une transformation profonde des combinaisonsproductives.

Les observations les plus souvent opérées semblentmontrer que les pratiques courantes se situent plutôt versl'amorce molle du spectre que vers des situations où laquestion de la forme concrète d'organisation des activitésproductives (qu'est, par exemple, le travail collaboratif)serait ouverte, dans le but d'intégrer, dans chaque acte detravail, la dimension environnementale.

La question suivante serait de savoir si ce type d'intérêtde l'entreprise pour la préoccupation écologique, marqué,à la limite, jusque dans ses profondeurs les plus intimes,doit plutôt revêtir la forme d'une décision unilatérale,d'une norme librement acceptée ou de l'application d'uneobligation générale, réglementaire.

Dans l'une ou l'autre de ces configurationsinstitutionnelles, le travail collaboratif se présente commeune variable, à la fois emblématique et opérationnelle, detransformation possible de l'état ancien (non écologiste)en un état nouveau (imprégné des préoccupationsécologiques). Cette capacité singulière tient à sacaractéristique fondatrice, soit la capacité d'associer demanière intriquée et dynamique, des apports hétérogènes,provenant d'origines juridico-économiques diverses,présentant des natures, des contenus, des procédures toutesspécifiques.. .

Il ne paraît pas, dès lors, au moins potentiellement,devoir être hors de portée des décideurs, à tous leséchelons où l'idée écologique marque désormais lesstratégies engagées, d'inclure une dimension relevant decette préoccupation, dans chacun des processus internes etexternes de l'entreprise. Une démarche de ce type pourraitmême être systématisée, de façon volontaire ouréglementaire, dans l'esprit du mainstreaming, méthode

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qui a fait largement preuve de son efficacité quand lesmécanismes routiniers ne parviennent plus à faire pénétrerdes préoccupations nouvelles dans les actes quotidiens desparticipants aux constructions économiques ouinstitutionnelles.

Si l'on peut imaginer tracer une telle voie d'évolutionpour une prise en compte effective de la dimensionécologique par et dans les organisations économiquesmajeures, il reste aussi à mesurer les prérequisitesnécessaires. Une façon d'estimer la longueur et la teneurde ce parcours d'évolution peut être approchée parl'analyse des conditions dans lesquelles la préoccupationécologique est apparue au sein des entreprises. On peutaussi chercher quelles ont été les déterminations desstructures chargées de l'établissement des normesapplicables par les entreprises en cette matière.

La préoccupation écologique des entreprises

Longtemps peu présentes, du moins en apparence9, lespréoccupations de protection de l'environnement et deproduction maigre en effets néfastes sur celui-ci, sontmaintenant largement affichées parmi les objectifs de laplupart des grandes firmes internationales.

Pour l'entreprise, aujourd'hui, la question peut se poserde savoir s'il s'agit, là, d'une mode, d'un mauvais momentà passer sous les pressions médiatico-militantes, de

9 Il est difficile d'analyser sereinement de tels phénomènes, la réflexionacadémique finissant toujours par être polluée par les effets de mode:actuellement, chaque firme doit être exemplaire sur le plan écologique; et toutse passe comme si rien n'avait existé, dans ces domaines, avant cetteépiphanie; or, les pratiques de gestion des ressources par les bureaux desméthodes et les directions d'atelier ont toujours connu une dimension deréduction des coûts, assimilable en partie aux productions maigres aujourd'huipromues... A titre d'exemple, on peut citer le cas de l'entreprise Lafarge, dontl'objectif n° I en matière de développement durable se présente sous la formede la recherche d'économies dans le process de production: «

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souhaite:-accroître l'efficacité énergétique par la modernisation des procédés;-privilégier l'utilisation de sous-produits industriels à la place de la matièrepremière (calcaire) ;- recourir aux déchets industriels comme combustible alternatif» (Reynaud,p.28).

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l'amorce d'une évolution imposée mais jugée irréversible,ou encore d'un engagement profond, pensé et construitdans l'immédiat et à plus long terme. Il est à peu prèscertain que l'on ne peut donner de réponse définitive àcette question, et que, probablement, la réponse effectivedes firmes doit se situer dans un subtil et changeantcocktail mêlant ces diverses préoccupations.

Pour en rester à des visées plus concrètes, on peut, dansune première approche, déceler plusieurs plansd'intervention dans le choix écologique des grandesentreprises.

Un marché porteurComme cela a été indiqué plus haut, le véritable

engagement du système économique pour la protection del'environnement ne peut réellement intervenir qu'à partirdu moment où cette question se traduit par l'engagementde capitaux dans des productions estimées rentables. Ilsemble bien que tel soit la caractéristique de la situationactuelle:

- des secteurs nouveaux apparaissent, comme celui deséquipements pour la production d'énergies nonfossiles;

- d'autres se modernisent et changent de dimension:traitement de l'eau ou gestion des déchets;

- certains, classés jusqu'alors négativement, tendent àacquérir un statut plus présentable: industrienucléaire.

Des risques: importance de l'image de marqueL'image de marque a sans doute été le facteur

déclencheur du virage réalisé ces dernières années, par lesgrandes firmes. On cite fréquemment, à cet égard, les casde Shell ou de NikelO, qui ont su retourner à leur avantagedes campagnes d'opinion les mettant dans des situationsdéfavorables. Modifiées sous ces pressions extérieures, on

10On pourrait également citer le parcours hautement signifiant de nombreusesautres firmes ou industries, comme, par exemple, celui, spectaculaire, del'industrie automobile.

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peut, bien sûr, rester sceptique sur la sincérité, et donc lapérennité, de ce type de stratégie affichée par les grandesfirmes. On peut aussi estimer que ces pressions necesseront plus, la force des circuits d'information et decommunication, les expériences acquises et, peut-êtreaussi et surtout, les nouvelles normes qui en seront sortiesrendant impossibles des tentatives de retours en arrière.On atteindrait ainsi la prévision souhaitée par les expertsselon laquelle l'engagement de la firme «ne doit pas serésumer à un effet de mode}) mais devenir « un processusincrémentai, sans retour possible, et sur lequel ledirigeant doit être persuadé qu'il peut en tirer profit: enterme d'évitement de coûts (déchets et rebus) demobilisation de son personnel autour de ce concepthumaniste de gestion de son image de marque}) (Dion&Wolff, 2008, p. 5).

Les efforts de normalisation

Si les entreprises veulent réellement s'engager dans lesvoies d'une nouvelle production écologiquementéconome, elles doivent prendre la mesure deschangements à opérer. Chacune d'entre elle, en fonctionde ses caractéristiques propres (type de production et demarché, organisation productive, importance de l'image demarque, historique, etc.) cherche à définir un chemin quilui convienne. Pour parvenir à cette définition, le recours àdes travaux scientifiques et/ou corporatifs peut s'avérergrandement utile.

Le contenu d'une stratégie de firme favorable àl'environnement

De très nombreux modèles existent et il n'est pasquestion ici d'en dresser un état, a fortiori une analysecritique. Prenons-en un qui semble pertinent, celuiprésenté par les économistes américains Thomas Gladwin(de l'université du Michigan) et James Kennely (deNew York University) :

« ... on reconnaît cinq dimensions au concept dedéveloppement durable:

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- connectivité : les problèmes de développementsont systématiquement interconnectés etinterdépendants ,.

- inclusivité: le développement doit inclure lestrois dimensions du développement durable, soit lesvariables économique, environnementale et sociale ,.

- équité: les activités humaines ne doivent pastransférer les coûts ou s'approprier la propriété dedroits des ressources, aujourd'hui et demain, sansune compensation,. de plus, les actions pour undéveloppement durable doivent assurer unedistribution équitable des richesses produites ,.

- prudence: dans le choix d'actions pour ledéveloppement durable, l'on doit s'abstenird'actions qui pourraient affecter le développementde façon irrémédiable en termes de capacité derégénération et de capacité de support del'environnement ,.

- sécurité: l'objectif de tout développement doitêtre de contribuer à une haute qualité de vie, saineet sécuritaire pour la présente et les futuresgénérations» (Lafleur, 2008, p. 47).

On le voit, ce programme paraît, somme toute, assezraisonnable, mais on voit aussi en quoi il contrecarre biendes pratiques historiques des entreprises. S'il faut changer,le chemin à parcourir paraît bien long et hasardeux.Désormais, la plupart des grandes firmes semblent s'y êtrelancées. Mais la question peut se poser de considérer si cetensemble de buts hautement estimables peut être atteint,en totalité ou au moins partiellement mais de façonsignificative, si l'entreprise ne procède pas à unaggiornamento complet de son organisation, du contenude ses activités et de ses procédures, de ses critères degestion, si elle ne réalise pas, en quelque sorte, une remiseen cause à 360 degrés.

Les moyens mis en oeuvreTémoins de ce réel engouement, les moyens concrets

mis effectivement en œuvre par les firmes semblent, defait, imposants. On peut trouver, en effet:

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- des codes d'éthique, où sont combinées actions surdes valeurs (équité, intégrité, honnêteté, respect);des attitudes (<<aucune n'est ressortie clairement del'ensemble de celles qui ont été mentionnées»(Dion, 2008, p. 65); des buts organisationnels (laréputation corporative); des objectifs directementrelatifs au développement durable (santé et sécuritéau travail, protection de l'environnement) ;

- une variante, des « arbres des valeurs» comme, parexemple, celui de la MAIF (Lamarque, 2008,p. 86) ;

- des business models intégrant ces mêmes dimensionsnouvelles (Soparnot & Grandval, 2008, p. 123) ;

- des définitions plus larges de management durable(Wolff, 2008, p. 141) (à propos du cas de Nike) :« une nouvelle ère du management» (id. p. 145) ;« ... la notion de développement durable pouvaitprésenter une nouvelle forme de coordination, unnouveau corpus de valeurs, susceptibles decompenser les divergences entre, d'une part, lesattentes et les préoccupations des parties prenanteset, d'autre part, la logique économique et financièredes marchés» (id. p. 147) ;

- et, surtout, des guides normatifs, comme ceux duGlobal Reporting Institute (GR!) organisationinternationale privée, soutenue par l'ONU qui apermis une certaine homogénéisation du reportingdes firmes en ce domaine; ou encore celui del'Afnor (SD 21000): «Le SD 21000 se présentecomme un recueil méthodologique, d'applicationvolontaire... Ce guide propose un cadre global pourla mise en œuvre du développement durable dans lemanagement de l'entreprise... cadre compatibleavec les principales certifications internationalespréexistantes dans le domaine du management:ISO 9001 pour la qualité des process,' ISO 14001pour le management environnemental... LeSD 21000 fut construit selon une double approche.L'approche par les parties prenantes,habituellement privilégiée, fut considérée comme

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une condition nécessaire à laquelle il était impératifd JI adjoindre une méthodologie centrée sur lanotion d'enjeux pour l'entreprise... Cetteméthodologie comporte trois étapes principales: untravail sur les enjeux du développement durableappliqué à l'entreprisell,' un audit des partiesprenantes,' une hiérarchisation des enjeux... » (id.pp. 150-152).

Bien qu'impressionnante, cette liste peut laisserl'observateur un peu sceptique car l'on en sent le caractèreoutrancièrement volontariste et la marque de visions àconsonances exagérément normatives, dans le sens où lelien entre l'objectif attendu et la manière d'y parvenirn'est pas précisé, ce qui laisse une place trop large pourdes pratiques seulement superficielles. Le monde de laproduction reste bien, pour le moment, une boîte noire.

L'introduction du travail collaboratif dans l'entreprise auservice du développement durable: pour une organisationde type mainstreaming.

Si des progrès indéniables peuvent être ainsi, malgrétout, comptabilisés dans l'engagement écologiste des

11« L'identification des enjeux s'appuie sur une liste préétablie constituée detrente-quatre domaines... On y retrouve:- des enjeux transversaux: produits/écoconception, politique d'achat, gestionet prévision des risques, stockage, intégration territoriale de l'organisme etgestion des externalités, transports des salariés et accessibilité du site;-des enjeux économiques: relations commerciales, production et politique detarification, coûts et investissements, rentabilité et partage de la valeurajoutée;-des enjeux sociaux: conditions générales et ambiance au travail, équité,emploi, compétences, formation, hygiène-sécurité-santé ;- des enjeux environnementaux/écologiques : eau (pollution et consommation)énergie (consommation) air (pollution et gaz à ejJèt de serre) gestion desdéchets, gestion et pollution des sols, biodiversité, bruits et odeurs, transportset logistique;- des enjeux liés à la gouvernance et aux pratiques managériales:engagement de la direction, stratégie, politique et objectifs, système demanagement, organisation et responsabilités, participation et implication dupersonnel, communication interne, communication externe, veilleréglementaire, prise en compte d'autres facteurs, identification des partiesprenantes et lien entre les attentes des parties prenantes et la politique del'entreprise ».

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grandes entreprises, on doit rester insatisfait quant à uneprise en compte totale de cette dimension dans le cœurmême de l'entreprise, à savoir son propre process deproduction. L'enjeu est déjà signalé: «Les besoinshumains doivent être satisfaits par un usage juste etefficace de l'énergie et des ressources naturelles. Celanécessite un accroissement de l'efficacité technique etorganisationnelle partout sur la planète, particulièrementdans les régions les plus riches» (Lafleur, p. 50). Depremiers signes d'avancées, sur ces terrains escarpés,commencent à apparaître.

Des orientations à définirIl semblerait que, chez certains spécialistes, cette idée

progresse d'une approche globale de l'intégration de ladimension «Développement durable» dans les différentsactes de gestion de l'entreprise; une de ces approchesprometteuses tient dans le concept de «performanceorganisationnelle », ainsi définie par deux universitairescanadiens, Estelle Morin et André Savoie (2002) quiproposent: « quatre dimensions de la performance:

- la pérennité de l'entreprise: qualité des produits etservices, compétitivité, satisfaction des partenaires(clients, fournisseurs, actionnaires, créanciers)

- l'efficience économique: économie des ressources,productivité, rentabilité;

- la valeur du personnel: engagement des employés,climat de travail, rendement des employés;

- la légitimité organisationnelle: respect de laréglementation, responsabilité sociale,responsabilité environnementale» (Saulquin &Schier, 2008, p. 163).

Dans cette approche, on voit apparaître des élémentsqui concernent le travail même des salariés de l'entreprise.Les indications données (<<engagement des employés,climat de travail, rendement des employés») permettraientde composer des dimensions efficaces de constructionscollaboratives.

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Des actions à entreprendreDe ces orientations générales peuvent également

découler des programmes d'action plus circonscrits,comme le référentiel de compétences établi parl'Académie britannique de la responsabilité sociale desentreprises (RSE); six catégories de compétences sontainsi définies comme objectifs à atteindre pour disposerd'un personnel qualifié en matière environnementale :

« Un référentiel de compétences pour le développementdurable:

-mieux comprendre la société;-construire les capacités de gestion de la RSE ;-remettre en question les habitudes de gestion;-gérer les relations avec les parties prenantes;-adopter une vision stratégique;- s'efforcer de lutter contre les discriminations»

(Gond, 2006, pp. 96-99).Dans ce modèle, d'autres objectifs peuvent aussi être

ajoutés, comme la diversité culturelle, le respect desdroits, les solidarités intergénérationnelles, partransmission des savoirs, construction des compétences,formalisation des connaissances, définition des modalitésde transfert, dialogues, mise en questionnement, créationprogressive de combinaisons productives enrichies. .. Il estsouligné que ce type de politique peut avoir des effetsbénéfiques pour l'entreprise, en termes d'attractivité,d'implication des salariés... Il semble que ce type deconstruction pointe avec une réelle efficacité les domainesclés où des changements dans les comportements usuelsdu travail doivent évoluer.

Et, au bout du compte, une nouvelle organisationproductive

Si tous ces efforts sont particulièrement louables, etpotentiellement producteurs d'effets vertueux pourl'environnement et, sans doute aussi pour le climat internede l'entreprise, on peut néanmoins estimer que, malgrétout, la totalité du chemin n'est pas encore parcourue,puisque, pour l'essentiel, on en reste encore dans dessphères périphériques à la production. Le pas qui reste à

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accomplir, la transformation du mode d'action de lacombinaison productive, est sans doute le plus difficile.

A ce niveau, le travail collaboratif apparaît bien êtreune des formes d'organisation et de transformation ducontenu du travail qui soit apte à ouvrir une perspectivevers une totale prise en compte des objectifs écologiques,dans chacun des actes de la vie productive, par chacun desparticipants, internes ou externes à l'entreprise.

Le travail collaboratif permet cette espérance car sanature même est d'agréger en un processus unique, desapports, des modes d'intervention disparates et éparpilléspour les objectiver dans un produit-service unique,correspondant aux attentes d'utilisateurs, eux-mêmesintégrés dans le processus constructif.

Techniquement (logiciels) et humainement(compétences) les conditions de réalisation d'un telprogramme sont désormais disponibles. Il reste(euphémisme) à faire passer la potentialité à l'étatd'effectivité: là, l'approche « mainstreaming» peuts'avérer le moyen requis pour atteindre ce but.

Par ces voies, on peut espérer atteindre les objectifsd'une gestion adéquate aux attentes des salariés, etconforme aux exigences de la production moderne, c'est-à-dire responsable, sociale, écologique te exemplaire (cesvoies multiples pour réformer la production peuvent ainsi,peut-être, former une vision tout aussi révolutionnaire quecelle de la décroissance, mais en faisant tourner la roue deI'histoire dans un tout autre sens, progressiste) que l'onpeut ainsi définir: « Reconnaître les salariés comme unedes parties prenantes de l'entreprise est un actefondamental. Les reconnaître collectivement partieprenante est source de motivation. Tout aussi fondamentalest de considérer chaque salarié, à titre individuel, commepartie prenante de l'entreprise. Son insertion sociale, horsde l'organisation, dépend de son rôle dans l'entreprise.Ses options familiales dépendent bien souvent de sontravail. Sa philosophie personnelle ainsi que celle de sesproches vont être impactées par sa vie dans l'entreprise.Ces enjeux que nous qualifions de « supraprofessionnels »seront déterminants dans l'adhésion de chaque salarié au

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projet de l'entreprise. Tant dans leur métier que dans leurvie personnelle hors de l'entreprise, les salariés ontbesoin de comprendre le sens des actions dans lesquellesils ont un rôle à jouer» (Calisti & Karolewicz, 2005,p.49).

Conclusion

Potentiellement apte à réconcilier production etprotection de la nature, le travail collaboratif serait, de lasorte, candidat à la fonction de « travail du développementdurable », place à prendre, puisque les réflexions actuellesl'ont, pour l'instant, laissée vacante.

A la question initiale, en grande partie saugrenue, dechercher les relations possibles entre travail collaboratif,d'une part et développement durable, de l'autre, on voitainsi peut-être se dessiner un semblant de réponsepossible, celle d'une certaine revanche du travail réel surle travail prescrit.

Ce dernier, en effet, qui a largement dominé lescomportements productifs pendant les décennies de larévolution industrielle, avait la prétention del'exhaustivité, et ce aussi bien pour ce qui est del'organisation de l'intervention humaine sur le traitement àappliquer à la matière qu'à cette matière elle-même, toutesdeux jugées comme éléments inertes et dociles. Si lemonde du travail (au sens conceptuel) a su et pumanifester certaine résistance à cette soumission voulue(résistance qui s'est, en partie, manifestée par le maintiend'une existence - surprenante, aux yeux du Bureau desméthodes - d'un travail dit « réel ») celui de la nature nes'est que plus récemment réveillé.

Au terme de cette courte réflexion, on peut dire qu'il nesemble pas qu'il y ait une antinomie majeure entre cesdeux mouvements, celui des hommes quant à leur rapportà la matière et celui de la nature quant au traitement qu'enfont les êtres humains, même si les représentationspolitiques ne paraissent pas beaucoup converger l'une versl'autre.

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Si I'homme paraît ne pas pouvoir se défaire des liensqui l'associent, depuis ses origines, à Prométhée, du moinspourrait-il désormais en faire un usage plus circonstancié,non pas empreint d'une modestie qui ne lui sied guère,mais d'une vision renouvelée de son rapport à la matière,fondée tout simplement sur la reconnaissance du fait,maintenant bien établi, que l'essentiel de la production (etdes modes de vie pour une partie de l'humanité) se situedans une sphère immatérielle.

S'approcherait-t-on ainsi du fameux « étatstationnaire» de John Stuart Mill, auteur classique sansdoute visionnaire (mais pas comme peuvent le penser lesobjecteurs de la croissance)? Si le grand économisteécossais prévoyait, en effet, la fin d'un état progressif decréation de richesse, et la diminution du travail quil'accompagnerait, peut-être est-il possible, aujourd'hui, delui adjoindre un complément d'analyse, permis par lesprogrès de la science et de la technologie: le travail dontMill prévoit la décroissance ne serait-il pas, en fait,uniquement celui agissant sur la seule matière tangible?Et l'état stationnaire, celui de l'affirmation des progrèsmoraux et sociaux, ne serait-il pas celui d'un champdésormais libre pour que se développent les immensespromesses du « travail» intellectuel de I'homme, celui queGeorges Sorel faisait monter jusqu'à l'art12 ? Un point devue confirmé, si l'on se hasarde, en suivant un observateurattentif des changements contemporains comme RonaldIngelard, dans le monde des valeurs: «... ledéveloppement de la société immatérielle devrait doncs'accompagner d'une forte progression des valeurs post-matérialistes: souci de l'autonomie individuelle,tolérance, refus des hiérarchies et des inégalités(notamment entre hommes et femmes) méfiance envers lascience, désir de participation politique... mais aussiimportance attachée au temps libre, à la qualité de la vieet à l'environnement» (Passet, 1995, p 65).

12 « L'acte de production est la plus haute manifestation de la puissancehumaine puisqu'elle affirme sa vertu créatrice. L'art est l'anticipation de laplus haute production ».

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Soit une voie susceptible de redonner un peud'optimisme à la raison...

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