"La rencontre d'un graffite et d'un ostracon sur un quai de Karnak", dans Mélanges Ola el-Aguizy,...

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Textes réunis et édités par FAYZA HAIKAL Mélanges offerts à Ola el-Aguizy INSTITUT FRANÇAIS D’ARCHÉOLOGIE ORIENTALE BIBLIOTHÈQUE D’ÉTUDE 164 – 2015 Spécimen auteur

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Textes réunis et édités parF A Y Z A H A I K A L

Mélanges offerts à Ola el-Aguizy

INSTITUT FRANÇAIS D’ARCHÉOLOGIE ORIENTALE

BIBLIOTHÈQUE D’ÉTUDE 164 – 2015

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Dans la même collection :Olivier Delouis, Maria Mossakowska-Gaubert, La vie quotidienne des moines en Orient et en Occident, 2015.

Frédéric Payraudeau, Administration, société et pouvoir à Thèbes sous la XXIIe dynastie bubastite, 2014.

Cédric Meurice, Jean Clédat en Égypte et en Nubie (1900-1914), 2014.

Sibylle Emerit (éd.), Le statut du musicien dans la Méditerranée ancienne : Égypte, Mésopotamie, Grèce, Rome, 2013.

Pascale Ballet (éd.), Grecs et Romains en Égypte. Territoires, espaces de la vie et de la mort, objets de prestige et du quotidien, 2013.

Mercedes Volait (éd.), Émile Prisse d’Avennes (1807-1879). Un artiste-antiquaire en Égypte au xixe siècle, 2013.

Pierre Tallet and El-Sayed Mahfouz (ed.), The Red Sea in Pharaonic Times. Recent Discoveries along the Red Sea Coast, 2013.

Dominique Valbelle, Les stèles de l’an 3 d’Aspelta, 2013.

Laurent Coulon (éd.), Le culte d’Osiris au Ier millénaire av. J.-C., 2011.

© INSTITUT FRANÇAIS D’ARCHÉOLOGIE ORIENTALE, LE CAIRE, 2015

ISBN 978-2-7247-0663-5 ISSN 0259-3823

Mise en page : Dina AlfredCouverture : Ismaïl Seddiq

Tous droits de traduction, d’adaptation et de reproduction par tous procédés, réservés pour tous pays. Toute reproduction ou représentation intégrale ou partielle, par quelque procédé que ce soit, des pages publiées dans le présent ouvrage, faite sans l’autorisation de l’éditeur, est illicite et constitue une contrefaçon. Seules sont autorisées, d’une part, les reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, les courtes citations justifiées par le caractère scientifique ou d’information de l’œuvre dans laquelle elles sont incorporées (art. L. 122-4, L. 122-5 et L. 335-2 du code de la propriété intellectuelle).

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Sommaire

Fayza HaikalAvant-propos .................................................................................................................................... IX

Magda A. Abdalla Schwimmen und Ertrinken oder Leben und Töten im Alten Ägypten ..................... 1

Maha AkeelTwo Demotic Ostraca from (Τά Μεμνόνεα) .......................................................................... 27

Schafik AllamSchiffskapitäninderWüste(zurZeitdesAltenReiches) .............................................. 35

Laila M. AzzamTheFalseDoorofSenetatBeni Hassan ................................................................................ 39

Ladislav BarešMagicalBricksandProtectiveAmulets fromtheSaite-PersianShaftTombsatAbusir .................................................................... 51

Nathalie BeauxOdeur,souffleetvie ....................................................................................................................... 61

Edda BrescianiNouvelles demandes oraculaires en démotique de Tebtynis ........................................... 75

Willy Clarysse A Demotic School Exercice in Two Copies ........................................................................... 81

Philippe CollombertÀ propos de pȝ ḏd(-wnw.t), « heure », en égyptien tardif .................................................... 85

Leo DepuydtTheMorphologyandSyntaxofaDemoticDebtConstruction ..................................... 101

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VI MélangesoffertsàOlael-Aguizy

Didier Devauchelle, Ghislaine WidmerLarencontred’ungraffiteetd’unostraconsurunquaideKarnak .............................. 113

Mahmoud EbeidShortMixedHieratic-DemoticTextsonPotteryVessels from the Memphite Necropolis ................................................................................................. 121

Claudio GallazziItestidemoticidellaCollezioneMilanoVogliano ............................................................. 133

Zakia Z. GamaleldeenTheReignofAmenhotep III.APeriodofInternalUnrest ............................................. 149

François GaudardADemotic-HieraticMummyLabelintheMuseudeMontserrat ................................ 159

John GeeHorosSonofOsoroeris ............................................................................................................... 169

Jean-Claude GoyonDeuxex-votososiriensdeCoptosaumuséedesBeaux-ArtsdeLyon .......................... 179

Zahi HawassTheDiscoveryoftheMummyofQueenHatshepsut ........................................................ 197

Friedhelm HoffmannNocheinmalzuP. Brooklyn 35.1462undseinerBedeutungfür dieGeschichtederspätägyptischenMedizin ....................................................................... 223

Jacqueline E. JayThePetition of PetieseReconsidered .......................................................................................... 229

Janet H. JohnsonTheRangeofPrivatePropertyEnvisionedinDemoticDocumentsPertaining to Marriage and Inheritance ....................................................................................................... 249

Zeinab el-KordyLesUræusprophylactiquesetleroiàDendara .................................................................... 267

El-Sayed MahfouzSésostrisIIIexistaitofficiellementauOuadiGaouasis .................................................... 269

Cary J. MartinAnotherLegalTemplatefromTebtynis:P.BMEA10643 .............................................. 277

Brian MuhsSomeEarlyPtolemaicTaxReceiptsfromCambridgeUniversityLibrary ................ 303

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Sommaire VII

Franziska Naether“TheMysteriousSquares”O.Lips.ÄMULdem.Inv.1270Reconsidered .................. 311

Heba Mostafa NouhAReligiousScenefromtheTomboftheRoyalScribeḤwy-nfr at Saqqara .............. 325

Joachim Friedrich QuackFragmentedemotischerWeisheitstexte .................................................................................. 331

Zeinab SayedDas Alte Ägypten aus der Sicht moderne einheimischer Schriftsteller amBeispielvonNagibMachfus’Roman„al-aishfiel-Haqiqa“ „Echnaton:DerinderWahrheitlebt“...................................................................................... 349

Foy ScalfResurrectinganIbisCult.DemoticVotiveTexts fromtheOrientalInstituteMuseumoftheUniversityofChicago ............................... 361

Cynthia May SheikholeslamiPomegranate,PerseaorSycomoreFigintheLoveSongofP. Turin 1966/I?............. 389

Heinz-Josef Thissen †Privatbrief,denBesitzeinerEselinbetreffend(P.BerlinP.3093) ................................. 407

Siân E. ThomasAPathyriteBath-House,EgyptianWaterLawand“RightsofWay” ......................... 419

Günter VittmannTwo Administrative Letters from Meidum (P. Ashmolean 1984.87and1984.89) ......................................................................................... 433

أبوالحسن محمود بكري عواصم تجارية خالل العصر البرونزي بين مصر الفرعونية وآسيا الوسطى

451 .............................................................................................. )دراسة مقارنة لتل الضبعة وجونور-دبه(

عائشة محمود عبد العال465 .................................................... بعض جوانب من تأثير الحضارة المصرية القديمة على بني إسرائيل

زينب محروس477 .................................................................................................... عمود جد من مقبرة حوي نفر بسقارة

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Ola el-Aguizy lors de la mise au jour d’une stèle Ramesside par les fouilles de l’université du Caire à Saqqara en 2012.Spécim

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Sur la tribune du quai du temple de Karnak, là où les archéologues égyptiens ont dégagé, ces dernières années, le canal attenant à l’entrée du sanctuaire 1, un graffite démotique a été gravé à l’angle sud-est, sur le rebord extérieur 2 (fig. 1).

Cette inscription, constituée du nom d’un homme suivi de son patronyme, ne mériterait pas une publication isolée si un recoupement prosopographique entre le signataire de ce graffite et l’un des personnages nommé sur un tesson démotique d’époque romaine (ostracon dém. Zürich 28) ne lui conférait un intérêt tout particulier. Nous commencerons donc par traduire

1. Boraik 2010 et Boraik et al. 2010. Sur ce quai qui porte sur sa face ouest des inscriptions commémorant la hauteur de crues du Nil et dont la date est comprise entre la XXIIe et la XXVIe dynastie, voir, pour mémoire, Barguet 1962, p. 40-41 et pl. IVb, et PM II2, 21-22 ; concernant ces notations, on consultera, en dernier lieu, Broekman 2002.2. Nous voulons remercier ici, tout d’abord, Mansour Boraik, Directeur général des antiquités de Louxor, et Christophe Thiers, Directeur du Cfeetk, qui nous ont donné toutes les facilités pour cette étude et autorisés à publier cette inscription hors de la série des Cahiers de Karnak, ainsi que les divers amis et collègues qui nous ont aidés dans la recherche et l’identification du graffite, difficile d’accès, que nous ne connaissions que par une ancienne photographie : Nadine Cherpion (Ifao), Anne Gout (UMR 8167), Jean-François Gout (Cfeetk), qui a réalisé pour nous un nouveau cliché, et Sébastien Biston-Moulin (Cfeetk). Nous savons aussi gré à Jean-François Carlotti (UMR 8164) et à Luc Gabolde (UMR 5140) des discussions que nous avons eues sur la crue du Nil à Karnak à l’époque romaine.

La rencontre d’un graffite et d’un ostracon sur un quai de Karnak

Didier Devauchelle, Ghislaine WidmerUMR 8164 HALMA-IPEL (université Lille 3 – CNRS – MCC)

Fig. 1. Plan-situation du graffite sur la tribune, d’après Nelson 1965, pl. XIV fig.10.

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114 Didier Devauchelle, Ghislaine Widmer

les deux documents avant de tenter une explication de cette « rencontre » qui démontre, une fois encore, que même les témoignages les plus modestes peuvent venir enrichir des dossiers plus larges.

Nous souhaitons offrir à notre amie et collègue Ola el-Aguizy cette brève contribution en hommage à son inlassable activité dans la diffusion de la bonne parole démotique !

GRAFFITE DU QUAI DE KARNAK

Pȝy⸗f-ṯȝw-ʿ.wy-Ḫnsw sȝ Pwrȝys« Payeftjaouâouykhonsou fils de Purrias (/Purrios). »

Pour le nom Pȝy⸗f-ṯȝw-ʿ.wy-Ḫnsw, cf. Lüddeckens et al. 1986, p. 447 : cette formation ono-mastique, dont on ne connaît pas l’équivalent grec (voir aussi Lüddeckens et al. 2000, p. 171), est attestée depuis la Troisième Période Intermédiaire (Thirion 1995, p. 182, n. 73 ; voir égale-ment les remarques anciennement formulées par Posener 1936, p. 10-11 et reprises par Clère 1938, p. 105, concernant la préposition composée (ḥr-)ʿ.wy). Cet anthroponyme, construit sur le nom du dieu Khonsou, est connu à Thèbes depuis la XXVIe dynastie jusqu’à l’époque de Tibère (Lüddeckens 1969, p. 259 et note 4).

Pour Pwrȝys, cf. Lüddeckens et al. 1987, p. 455 avec comme seule référence l’ostracon démotique de Zürich n° 28 présenté ci-dessous ; voir également les possibles variantes du nom : Pwryȝ (Lüddeckens et al. 1987, p. 455), Pwrys (Lüddeckens et al. 1987, p. 456), et Prhyȝs (Lüddeckens et al. 1987, p. 469), ainsi que Pwry (Lüddeckens et al. 2000, p. 172), Pwrhys et Pryȝ (Lüddeckens et al. 2000, p. 173). Ces graphies restitueraient, en démotique, les anthroponymes

Fig. 2. Graffite démotique du quai de Karnak © J.-Fr. Gout – CFEETK Karnak (Longueur de l’inscription : environ 67 cm).

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115La rencontre d’un grafte et d’un o tracon ur un nuau de earnan

grecs Πυρρίας ou Πύρριος pour lesquels on renverra à Preisigke 1922, col. 351 et à Foraboschi 1971, p. 273 ; sur le pap. Sorbonne inv. 567 (Fayoum ; 223 a.C.), le nom Pryȝ correspond au grec Πυρρίου (génitif ), voir Clarysse 1992, p. 54-55, qui, dans sa traduction, le rend par Purrias.

OSTRACON DÉM. ZÜRICH 28 3

(1) Ḥr-Wn-nfr sȝ Pȝ-dỉ-Nfr-ḥtp ỉrm Pȝy⸗f-ṯȝw-ʿ.wy-Ḫnsw(2) sȝ Pwrȝys nȝ nty ḏd n Ỉw⸗f-ʿnḫ(3) ỉrm Pȝ-4-sn.w ỉrm Pa-nȝy-ntr tw⸗n mḥ(4) n pȝ …(?) mr.t(?) n byr wʿ(?) n lnḏpʿ(5) n ḥsp 3.t n (Tbrys ʿ.w.s. (Gysrs ʿ.w.s.(6) nty ḫwy …

« (1) Horounnefer fils de Padineferhotep et Payeftjaouâouykhonsou (2) fils de Purrias (/ Purrios) déclarent à Iouefânkh (3) et à Pafedousenou et à Panayneter : nous sommes payés (4) de la (taxe ?) … une(?) barge-byr de/pour la poix (5) de l’an 3 de Tibère César (6) Auguste … »

3. Cet ostracon a été publié par Wångstedt 1965, p. 35-36 et pl. V n° 28. Nous remercions Martin Bürge, Conservateur de l’Archäologische Sammlung de l’université de Zürich, de nous avoir fourni une photographie de cet objet (Inv. Nr. 1867) et la permission de la publier, ainsi que les informations muséographiques le concernant : argile brun foncé avec noyau gris-beige, inscription à l’encre noire ; hauteur à gauche : 6,9 cm ; largeur en haut : 8,9 cm ; diagonale de gauche en bas jusqu’à droite en haut : 10,7 cm ; épaisseur : 0,7-0,8 cm.

Fig. 3. Ostracon démotique Zürich 28 © Archäologische Sammlung, Universität Zürich.

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116 Didier Devauchelle, Ghislaine Widmer

L. 1-3 : En dehors de Purrias/Purrios (voir supra), tous les autres anthroponymes de ce document sont égyptiens et assez courants dans la région thébaine : Horounnefer (Aronnophris), Padineferhotep (Petenephôtès), Payeftjaouâouykhonsou (équivalent grec inconnu), Iouefânkh (Ephônuchos), Pafedousenou (Phthousneus) et Panayneter (= Pananeterou = Paninouthos ; voir Lüddeckens et al. 1985, p. 381, et Lüddeckens et al. 2000, p. 167).

L. 4 : Cette ligne présente des singularités qui ont conduit les spécialistes à proposer diffé-rentes interprétations ; deux termes font l’unanimité, « barge, bateau » (br / byr / byre ; copte ⲃⲁⲁⲣⲉ ; grec βαρῖς) et « poix » (lnḏpʿ / lnḏp / lmḏpt ; copte ⲗⲁⲙϫⲁⲡⲧ) ; le mot « port » (mr(.t)), quant à lui, est accepté par la majorité d’entre eux. La difficulté principale réside dans la lecture du groupe entre n pȝ et mr.t(?). On notera aussi que le scribe semble avoir hésité avant d’écrire byr, puisque la trace d’un signe antérieur se laisse deviner au début du mot. Pour notre part, nous avons accompagné d’un point d’interrogation chacun des termes de la translittération qui prêtaient à discussion. Sans entrer dans le détail, voici, rapidement évoquées, les solutions pro-posées par nos devanciers ; en fin de note, nous indiquerons l’hypothèse que nous privilégions.

Il convient apparemment de lire, à la fin de la ligne 3, tw⸗n mḥ, « nous sommes payés », formu-lation courante sur les reçus de taxe en démotique, en particulier au début de l’époque romaine. Cette expression est généralement suivie du groupe n pȝ ḥḏ, « pour l’argent (de) », ou ẖr ḥmt, « concernant le bronze (de) » ou encore n pȝ tnỉ, « pour la taxe (de) », nécessaire pour introduire l’objet imposé. C’est donc très logiquement que son premier éditeur, St.V. Wångsted, avait pro-posé de lire, au début de la ligne 4, n ḥḏ 28(?), « mit 28(?) Silberlingen (als) ». Toutefois, cette lecture ne paraît pas satisfaisante, le premier signe ne pouvant être autre chose que l’article pȝ, suivi d’un terme qui ne se laisse toujours pas identifier. Pour la fin de cette ligne, St.V. Wångsted avait suggéré : ḥt(?) mr.t bjr(j)(?) wʿ n lnḏpʿ, « Silberlingen (als) Hafenabgabe für ein Schiff(?) mit Pech ».

Plusieurs mots ou expressions de cette ligne ont été enregistrés dans les entrées du Chicago Demotic Dictionary (abrégé CDD ; éd. J.H. Johnson), mais, parfois, avec des translittérations ou des traductions différentes, montrant ainsi la difficulté du passage et la fragilité des solutions proposées : CDD B, 2002, p. 62 [br] : byr n lnḏpʿ, « boat caulked with pitch(?) », en interprétant le wʿ de St.V. Wångsted comme le signe du bois servant de déterminatif au mot « barge » ; CDD L, 2001, p. 9 [lmḏpt / lnḏpʿ] : ḥḏ mr n byr n lnḏpʿ, « harbor dues for the boat, for pitch », mais CDD M, 2010, p. 151 [mr(.t)] : mr mr(.t), « harbor master » au lieu de ḥḏ mr ; voir aussi p. 152, à propos de ḥḏ mr.t, « harbor tax », n byr wʿ n lnḏpʿ, « for (lit. of ) a ship(?) of pitch (i.e. caulked with(?) pitch) ».

Dans son ouvrage sur les bateliers du Nil, St. Vinson 4 cite cet ostracon à deux reprises : une première fois pour indiquer que l’on est en présence d’un reçu de taxe portuaire payé par trois personnes qui semblent responsables de la barge et une seconde, dans un paragraphe consa-cré aux taxes sur les bateaux, où il suggère de lire 28 ḥḏ pour la taxe portuaire de la barge-byr

4. Vinson 1998a, p. 31 et 69, n. 80.

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117La rencontre d’un grafte et d’un o tracon ur un nuau de earnan

(ḥḏ-mr.t n byr). Il cite encore ce document dans une autre étude publiée la même année 5 où il semble considérer que cette taxe concerne le calfatage de la barque avec de la poix (« harbor tax for a byre-boat, for pitching »).

Enfin, dans le Thesaurus Linguae Aegyptiae, G. Vittmann a donné une transcription et une traduction de ce texte : n pȝ(?) .?. n bjr wʿ n lnḏpʿ, « mit dem … für ein Schiff(?) mit Pech ».

En résumé, nous considérons que la lecture des termes byr « barge » et lnḏpʿ « poix », est assurée et que celle de mr.t « port », est très probable ; l’interprétation du signe entre byr et lnḏpʿ (wʿ ou le déterminatif du bois) ne change pas fondamentalement le sens de la phrase. On peut donc suggérer que l’ostracon est un reçu de taxe sans montant précisé, ce qui n’est pas sans parallèle dans la documentation démotique ; il n’est en revanche pas possible de déterminer s’il s’agit d’une imposition occasionnelle ou régulière, ni si celle-ci porte sur le stationnement de la barque au quai ou sur l’entretien de cette barque avec de la poix, voire les deux. On pourrait, en effet, voir dans le groupe non identifié au début de la ligne ( juste après n pȝ) une écriture non étymologique du mot ʿ.wy « maison, place », dans l’expression ʿ.wy-(n)-mr.t « place d’amarrage, port » (CDD M, 2010, p. 151), écrit avec deux ʿ suivis du déterminatif de la chair (comparer avec CDD ʿ, 2003, p. 5). Nous proposons donc la traduction suivante, avec précaution (l. 3-4) :

« Nous sommes payés pour l’emplacement d’accostage/amarrage de la/d’une barge (et) pour la poix ».

Le paiement serait dû à la fois pour le stationnement d’une barque et pour la livraison de poix destinée à l’entretien de celle-ci. Le terme byr / br, qui a sans doute évolué dans son acception, désigne, à l’époque qui nous concerne, une barge de transport sur le Nil typiquement égyptienne, si l’on en croit Hérodote 6 et que l’on admet le rapprochement avec le grec βαρῖς. D’assez grande taille, vraisemblablement, à fond plat semble-t-il, mais sans qu’il soit possible d’être plus précis 7, cette barque pouvait être de grande capacité. L’ostracon de Zürich pourrait témoigner de l’usage de la poix dans le colmatage des coques de navire en Égypte 8.

L. 5-6 : L’an 3 de Tibère correspond aux années 16-17 de notre ère ; la fin de la ligne 6 a été effa-cée, volontairement ou non : elle contenait peut-être le mois et le jour de rédaction de l’ostracon.

5. Vinson 1998b, p. 252-253.6. Voir plus particulièrement Hérodote II, § 96 et les commentaires de Lloyd 1994, p. 273, ainsi que Vinson 1998b, p. 251-260 et plus particulièrement p. 252-254 pour le sens de byr. Certains spécialistes admettent cependant l’origine sémitique de ce terme qui ne semble attesté en égyptien que depuis la XVIIIe dynastie (cf. Vinson 1993, p. 147, n. 70) ; il n’est toutefois pas enregistré par Hoch 1994.7. Pour compléter les attestations de ce mot rassemblées par St. Vinson, dont celles étudiées par Darnell 1992, p. 68-70, 72-73, 80 et 88, on renverra, par exemple, à Meeks 1980, n° 77.1265 et Meeks 1982, n° 79.0910, à Jones 1988, p. 136-137, ainsi qu’à Whitehead 1978, p. 137-138. 8. À ce sujet, voir les informations rassemblées par Fabre 2005, p. 96, 109-110 et 140, et plus généralement, sur la maintenance des bateaux, Vinson 1998a, p. 3, n. 13 et p. 36-40.

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118 Didier Devauchelle, Ghislaine Widmer

EN GUISE DE CONCLUSION

La présence du nom Payeftjaouâouykhonsou fils de Purrias (/Purrios) incisé sur un quai, alors que ce même personnage semble avoir reçu une taxe pour le stationnement d’une barque et/ou son entretien, pourrait être une simple coïncidence, mais, au-delà des difficultés rencontrées dans l’interprétation de l’ostracon de Zürich, il nous a semblé utile de verser ce document au dossier du quai de Karnak. Les travaux récents menés par le CSA et divers spécialistes ont permis de réinterpréter l’ensemble des constructions et aménagements « portuaires » devant le premier pylône ; Payeftjaouâouykhonsou fils de Purrias (/Purrios) était peut-être l’un des agents chargés de la collecte des taxes de bateliers, qui aurait gravé son nom sur le rebord de la tribune, près du lieu où il exerçait son activité 9. L’endroit était sans doute un lieu privilégié de halte, à proximité de l’entrée du temple, puisque d’autres passants ont voulu y laisser leur marque 10.

9. Pourrait-il être le scribe qui a rédigé le texte de l’ostracon, puisque le tracé des signes de son nom et de celui de son père est très proche sur les deux documents ? Quoi qu’il en soit, l’emplacement du graffite ne semble pas anodin ; en effet, bien que la bordure sud de la tribune ne fût pas baignée par l’eau, sauf en cas de crue exceptionnelle (la rive du Nil, à cette époque, se trouvait plus à l’ouest), elle était peut-être fréquentée par les bateliers. Nous remercions J.-Fr. Carlotti et L. Gabolde d’avoir attiré notre attention sur les questions de niveau de la crue.10. On trouve en effet, sur ce même bloc, plusieurs graffites incomplets, en démotique (le signe pȝy seul ou suivi d’un groupe) et en hiéroglyphes (l’expression dỉ ʿnḫ maladroitement tracée).

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119La rencontre d’un grafte et d’un o tracon ur un nuau de earnan

Barguet P., 1962, Le temple d’Amon-Rê à Karnak. Essai d’exégèse, RAPH 21.

Boraik M., 2010, « Excavations of the Quays and the Embankment in front of Karnak Temples. Preliminary Report », Cahiers de Karnak 13, p. 65-78.

Boraik M. et al, 2010, « Geomorphological Investigations in the Western Part of the Karnak Temple (Quay and Ancient Harbour). First Results », Cahiers de Karnak 13, p. 101-109.

Broekman G.P.F., 2002, « The Nile Level Records of the Twenty-Second and Twenty-Third Dynasties in Karnak: a Reconsideration of their Chronological Order », JEA 88, p. 163-178.

Clarysse W., 1992, « Some Greeks in Egypt », dans J.H. Johnson (éd.), Life in a Multicultural Society. Egypt from Cambyses to Constantine and Beyond, SAOC 51, p. 51-56.

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BIBLIOGRAPHIE

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