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Construire une norme transnationale en
réseau : gestion communautaire de l’eau
et « associativité » en Amérique Latine1
Emilie Dupuits
Candidate au doctorat en science politique
Département de science politique et relations internationales
Université de Genève, Suisse
Résumé
Alors que la gouvernance mondiale de l’environnement se trouve
actuellement dans une phase d’ouverture vers les acteurs de la société
civile, la compréhension de leur rôle dans la production des normes
environnementales reste incomplète. Pourtant, ces acteurs, tels que les
ONG mais aussi les réseaux transnationaux d’organisations de la société
civile, occupent une place privilégiée dans ces processus entre demande
de régulation internationale et respect des réalités locales. La
gouvernance des biens communs, tel que l’eau, illustre particulièrement
bien les tensions existantes dans la production des normes entre les
différents acteurs et échelles d’action.
Cet article vise à analyser la place des réseaux transnationaux autogérés
dans la production des normes de gouvernance environnementale, à
travers le cas d’un réseau latino-américain regroupant des organisations
communautaires de l’eau, et son rôle dans la construction d’une norme
transnationale sur l’« associativité ». Il s’agit de comprendre en quoi la
production de cette nouvelle norme est le fruit de multiples processus de
circulation transnationale et de traduction, effectués par des acteurs
centraux au sein du réseau. Pour cela, cet article se base d’une part sur un
cadre théorique novateur croisant théorie constructiviste et sociologie de
la traduction, et d’autre part sur des observations directes et entretiens
avec les acteurs du réseau.
Mots clés: Réseaux transnationaux; normes environnementales; gestion communautaire; eau;
Amérique Latine
Resumen
1 Article publié dans la Revue Interdisciplinaire de Travaux sur les Amériques (RITA), N°7, disponible en ligne :
http://www.revue-rita.com/dossier7/construire-une-norme-transnationale-en-reseau-gestion-communautaire-de-l-eau-et-associativite-en-amerique-latine.html
2
Si bien la gobernanza mundial del medioambiente se encuentra
actualmente en una fase de apertura hacia los actores de la sociedad civil,
el entendimiento de su rol en la producción de las normas ambientales
queda incompleto. Sin embargo, esos actores, tales como ONGs o redes
transnacionales de organizaciones de la sociedad civil, ocupan un lugar
privilegiado en esos procesos, entre demanda de regulación internacional
y respeto a las realidades locales. La gobernanza de los bienes comunes,
como es el agua, ilustra precisamente las tensiones que existen en la
producción de las normas entre los diferentes actores y escalas.
Este artículo tiene como objetivo el análisis de la posición de las redes
transnacionales autogestivas en la producción de las normas ambientales,
mediante el caso de una red latinoamericana de organizaciones
comunitarias del agua, y su rol en la construcción de una norma
transnacional sobre la “asociatividad”. Trataremos de entender en qué la
producción de esa nueva norma resulta de múltiples procesos de
circulación transnacional y de traducción, llevados por actores centrales
dentro de la red. Con este propósito, el artículo se fundamenta, por un
lado, en un marco teórico novedoso que vincula constructivismo y
sociología de la traducción, y por otro lado, en observaciones directas y
entrevistas con los actores de la red.
Palabras claves: Redes transnacionales; normas ambientales; gestión comunitaria; agua;
América Latina
Introduction
Alors que l’on peut observer depuis les années 1970 une dynamique de globalisation
des enjeux environnementaux, tels que le changement climatique ou la couche d’ozone, la
gouvernance mondiale de l’eau apparaît plus problématique. En effet, traditionnellement
considérée comme un bien commun local, cette ressource a pris ces dernières années une
dimension globale sans pour autant se doter d’un régime international structuré (Gupta, Pahl-
Wostl, Petry, 2008). Ceci a engendré une certaine déconnexion entre les acteurs et les échelles
de prise de décision, marquée par la montée de contestations transnationales contre des
normes de « bonne gouvernance » élaborées par des acteurs internationaux (Conca, 2006). Ce
sont surtout les ONG environnementales, ou plus largement les réseaux transnationaux
d’activistes, qui vont s’imposer dans les processus de redéfinition de ces normes, en mettant
en avant leur rôle d’intermédiaire entre des acteurs locaux et leurs revendications
internationales (Keck, Sikkink, 1999). Cependant, ces réseaux présentent certaines limites
quant à leur degré de représentativité, avec un risque de marginalisation d'autres organisations
de la société civile moins visibles.
Nous proposons dans cet article de nous intéresser à un nouveau type d’acteur, les réseaux
transnationaux autogérés, afin de comprendre leur rôle dans les processus de construction des
normes environnementales. Nous prendrons le cas de la CLOCSAS, Confédération Latino-
Américaine d’Organisations Communautaires de Services d’Eau et Assainissement1, réseau
régional créé en 2011 afin de promouvoir un mode alternatif de gouvernance de l’eau autour
des principes communautaires, et de répondre au défi de l’accès à l’eau potable et à
l’assainissement pour tous, sur un continent où encore environ 35 millions de personnes n’ont
pas accès à l’eau potable et 104 millions à l’assainissement2. Les organisations
communautaires de services d’eau potable et assainissement (OCSAS, selon l’abréviation
3
espagnole) sont environ 80.000 dans toute l'Amérique Latine et fournissent un accès à l'eau et
à l'assainissement à environ 70 millions de personnes, soit environ 10% de la population
totale du continent3. La CLOCSAS en apporte la définition suivante :
« Les OCSAS sont des structures sociales créées par des groupes de voisins, en
zones péri-urbaines ou rurales, où généralement les services publiques ou privés
ne sont pas fournis. Au travers de statuts d’autogestion, d’élection des dirigeants
de manière ouverte, simple et démocratique, et de travail en commun, elles dirigent
leurs efforts pour établir un système de captation, potabilisation, distribution et
paiement pour le service d’eau, et la plupart du temps aussi d’assainissement.
Leurs dirigeants ne reçoivent normalement pas de rémunération pour leur travail,
celui-ci se faisant par vocation et engagement social »4.
Malgré leur nombre et leur importante contribution à l'amélioration de l'accès à l’eau, ces
organisations sont souvent invisibles ou peu reconnues au-delà de l’échelle locale. D’une part,
elles s’inscrivent dans un contexte plus large de globalisation qui complique la gestion locale.
Cette globalisation se manifeste à la fois par la nature globale de certains enjeux liés à l’eau
(institutions financières internationales, mégaprojets d’infrastructure, changement
climatique…), et par leur nature cumulative (accès à l’eau potable et assainissement comme
objectif du millénaire pour le développement, pollutions transfrontalières…) (Gupta, Pahl-
Wostl, 2013). D’autre part, on peut observer d’importantes inégalités en interne entre des
organisations relativement dynamiques, et d’autres qui font face à des difficultés de gestion,
du fait de leurs faibles capacités humaines et financières, de leur instrumentalisation par des
leaders locaux, ou encore d’un manque d’engagement des habitants à s’investir dans un
travail non-rémunéré5. C’est pourquoi celles-ci ont commencé, avec l’appui de partenaires
externes, à s’organiser à l’échelle régionale sous la forme d’un réseau autogéré d’un nouveau
type, la CLOCSAS. Celui-ci se compose en effet exclusivement d’organisations
communautaires de l’eau, qui vont chercher à promouvoir leur modèle de gestion comme un
enjeu collectif les touchant directement. Cependant, au-delà de la défense d’un modèle de
gestion, certains acteurs centraux (de par leur position de médiateur et leur accès aux arènes
internationales) vont davantage chercher à transformer des normes de gouvernance
inadaptées, afin de répondre aux différentes pressions externes et internes existantes.
Dans quelle mesure la position des acteurs, et leurs circulations transnationales, déterminent-
elles les stratégies de traduction des normes au sein du réseau ? Cet article propose de
répondre à cette question à travers l’étude du processus de construction d’une norme
transnationale sur l’« associativité » par la CLOCSAS, celle-ci visant à harmoniser les
différents modes de gouvernance communautaire et à dépasser les limites de l’autogestion à
l’échelle locale. Pour mener cette étude, nous proposons d'adopter un double regard en
combinant l’approche constructiviste des relations internationales et la sociologie de la
traduction, à même selon nous de saisir la spécificité des réseaux transnationaux autogérés, et
les enjeux d’échelles dans le processus de production des normes environnementales qu’ils
mettent en œuvre. De plus, cette étude se base sur un travail de recherche empirique
comprenant la réalisation d’entretiens semi-directifs et d’observation directe de divers
évènements régionaux et internationaux.
4
I) Réseaux transnationaux autogérés et production des normes
A) Comprendre la transnationalisation de l’action collective : un enjeu
conceptuel
Il convient tout d’abord de clarifier certains concepts clés, notamment autour de la
catégorie des réseaux transnationaux, afin de comprendre la spécificité de notre cas d’étude.
Les auteurs issus de la discipline des relations internationales vont surtout parler de
transnational advocacy network, faisant référence à des réseaux incluant « des acteurs
travaillant à l’international sur un enjeu, qui se rassemblent autour de valeurs partagées,
d’un discours commun et d’échanges importants d’informations et de services » (Keck,
Sikkink, 1999 : 2). Ce type de réseau va acquérir une place importante dans la régulation de la
globalisation, en cherchant principalement à influencer les Etats ou les Organisations
Internationales, par exemple pour dénoncer des pratiques environnementales destructrices ou
socialement injustes (Della Porta, Tarrow, 2005). Une autre approche s'intéresse aux réseaux
transnationaux d'acteurs sub-nationaux, tels que les villes, qui s'associent pour répondre à un
enjeu commun à l’échelle globale, comme le changement climatique (Betsill, Bulkeley,
2006). Ce nouveau type de réseaux met en évidence la capacité des acteurs locaux à agir au-
delà des Etats, à travers la diffusion et la mise en œuvre directe des normes globales. Plus
généralement, ces différentes approches permettent de sortir de la vision à sens unique selon
laquelle les décisions prises à l’échelle internationale, principalement par les Etats,
s'appliqueraient automatiquement à l’échelle nationale et locale par un effet de cascade.
L'approche transnationale nous permet au contraire d’adopter une vision plus dynamique des
acteurs de la société civile, à la fois agents et sujets du changement.
On peut cependant soulever deux critiques concernant la majorité des études menées dans le
champ des réseaux transnationaux. Premièrement, l’orientation marquée autour des ONG
omet largement les autres acteurs de la société civile parfois marginalisés, et leurs possibilités
d'accès aux processus de gouvernance mondiale (Vielajus, 2009). On peut mentionner les
limites quant à la représentativité de ces réseaux, souvent accaparés par des acteurs
bénéficiant d'une forte visibilité internationale et de moyens conséquents. Deuxièmement, le
focus important sur les mouvements contestataires et leur action de plaidoyer à l’échelle
internationale ne prend pas suffisamment en compte l'existence de réseaux d'organisations de
la société civile plus durables, prenant eux-mêmes en charge la défense de leur cause
(Siméant, 2010). Une approche alternative particulièrement intéressante s’inspire des
transnational grassroots movements (Guarnizo, Smith, 1998 : 7) pour définir une nouvelle
catégorie d’acteurs, les « réseaux transnationaux autogérés »6. La particularité de ces réseaux
est qu’ils sont gérés de façon autonome et sont exclusivement composés d’organisations de
base de la société civile, à la fois prestataires et bénéficiaires d’un service collectif et
directement concernées par l’enjeu qu’elles défendent.
L’action transnationale des organisations de base de la société civile pose aussi différents
enjeux d’échelles, qu’il convient de comprendre au regard du cas particulier des organisations
communautaires de l’eau développé dans cet article. Considérée comme un bien commun, la
ressource en eau a traditionnellement été gouvernée à l’échelle locale ou nationale. Les biens
communs font référence aux common-pool resources, et se caractérisent par la rivalité
(ressource épuisable) et la non-exclusivité (difficulté d’empêcher les autres de la consommer)
(Ostrom, 1990). Certains auteurs vont malgré tout chercher à dépasser la « tragédie des
communs », pour valoriser la capacité des systèmes autogérés, entre individus à l’échelle
locale, d’assurer une gestion durable des ressources sans dépendre de l’action publique ou
privée (Ostrom, 1990). Cependant, au-delà d’une vision plutôt statique de ces organisations
communautaires, qui seraient cantonnées à une action locale, les processus récents de
5
transnationalisation de ces acteurs n’ont pas été étudiés en profondeur. Celles-ci sont en effet
loin de rester en marge de la dynamique actuelle de globalisation des enjeux liés à l’eau, que
ce soit à travers leur intégration dans des mouvements de contestation transnationale contre
des politiques ou des normes globales inadaptées (Conca, 2006), ou à travers la création de
leurs propres réseaux à l’échelle régionale. Il convient donc de comprendre les enjeux
d’échelles liés à leur réorganisation sous forme de réseaux transnationaux (Young, 2006).
Après avoir apporté un éclairage conceptuel autour de la notion de transnationalisation de
l’action collective, il convient désormais de comprendre le processus de création des normes
transnationales par les réseaux autogérés, à travers la présentation du cadre théorique.
B) Comprendre la construction en réseau des normes transnationales: un
enjeu théorique
Le courant théorique qui englobe notre analyse est celui du constructivisme en
relations internationales. Celui-ci apporte des éléments de compréhension du processus de
construction des normes, définies comme des « standards de comportement approprié,
acceptés par des acteurs à l’identité donnée » (Finnemore, Sikkink, 1998 : 891). Ces auteurs
proposent un modèle intéressant autour du « cycle de vie » des normes, comprenant trois
phases d’émergence, de cascade et d’internalisation. Cependant, si ce courant théorique a pu
souligner la capacité des réseaux transnationaux à influencer l’émergence des normes
globales, ou leur rôle en tant qu’intermédiaire dans leur diffusion et leur mise en œuvre, celui-
ci a négligé leur rôle actif dans l’ensemble de ce processus. D’autres auteurs proposent alors
de construire une nouvelle catégorie, celle des transnational norm-building network
(Mückenberger, 2008; Hein, Kohlmorgen, 2009), afin d’accorder aux acteurs de la société
civile transnationale un rôle déterminant dans chacune des phases de construction des normes.
Notre analyse vise alors à se saisir de ce modèle théorique tout en l’adaptant au nouveau type
d’acteurs que sont les réseaux transnationaux autogérés, sur les points suivants:
- Au-delà des normes globales formelles (institutionnalisées ou reconnues par le droit
international), il existe des normes subsidiaires (sans obligation de les respecter) ayant
un rôle important à jouer, en particulier dans un contexte de gouvernance globale
diffuse et caractérisée par l’absence d’autorité centrale (Hein, Kohlmorgen, 2009) ;
- Les réseaux transnationaux autogérés jouent un rôle important dans l’ensemble du
processus de production de normes subsidiaires qui soient adaptées à la réalité qu’ils
défendent. On parlera alors de normes « transnationales » pour souligner les processus
de circulation entre échelles locale et globale dont elles font l’objet, et leur portée
souvent restreinte à un certain type d’acteurs ou à une aire géographique ;
- Les normes construites ne visent pas seulement à influencer les Etats ou d’autres
acteurs internationaux, mais peuvent également avoir une visée interne au réseau, afin
de modifier le comportement des membres directement concernés par la norme
(Siméant, 2010 ; Caouette, 2010).
Ces différents éléments nous permettent de reconsidérer la place, jusque-là marginale, des
acteurs de la société civile dans les processus de production des normes environnementales,
en leur reconnaissant un rôle actif dans la construction de normes subsidiaires à l’échelle
transnationale. Si les éléments théoriques apportés par l’approche constructiviste sont utiles
pour notre analyse, ils ne sont cependant pas suffisants pour comprendre les mécanismes
concrets de production des normes par ces réseaux. C’est pourquoi il apparaît utile d’opérer
un croisement avec d’autres approches, notamment issues de la sociologie, afin de dépasser
les frontières établies entre acteurs et entre échelles. Ainsi, s’intéressant à l’action
6
transnationale en réseau, différents auteurs vont souligner la nécessité d’aller au-delà de la
vision du réseau comme une structure neutre et universelle, afin de l’envisager plutôt comme
un objet social, soumis à des instrumentalisations et des représentations (Dumoulin, Pepin-
Lehalleur, 2012). Par ailleurs, le caractère transnational de ces acteurs fait intervenir de
nouvelles interrogations quant à l’importance des changements d’échelles de l’action
collective. Le concept de « politique des échelles », ou political rescaling, développé dans le
champ de la géographie, est intéressant pour éclairer les dynamiques socio-politiques à
l'œuvre dans les processus de rééchelonnement de l'action collective, et pour comprendre
comment se construit le transnational (Swyngedouw, 2004).
La sociologie de la traduction, approche développée dans les années 1980 en réaction à la
sociologie traditionnelle et au poids accordé aux structures sociales, cherche également à
montrer que la société est surtout déterminée par les relations et les médiations qui existent
entre les acteurs qui la conforment (Latour, 2005). Ce courant propose une typologie composée
de trois mouvements qui permettent d’associer changements d’échelles d’un côté, et
interactions sociales de l’autre. Le premier mouvement consiste à « relocaliser le global », afin
de rompre avec la tentation de « sauter » du local au contexte global, et ainsi saisir le global
comme une agrégation de sites et acteurs locaux. Le deuxième mouvement consiste à
« redistribuer le local » pour comprendre la structure des articulations existantes entre divers
acteurs et sites locaux, qui forment finalement un tout plus étendu et complexe qu’à première
vue. Enfin, le troisième mouvement consiste à « connecter ces deux pôles » pour comprendre
quels sont les véhicules qui les relient, à savoir les acteurs, et quel type d’agents circulent entre
les deux, par exemple des normes, idées ou informations. On parlera de « médiateur » pour
qualifier le rôle de certains acteurs dans le processus de transformation des normes, qui
intervient durant leur circulation entre les échelles. Cette notion de médiateur est
particulièrement intéressante pour éclairer les asymétries de pouvoir au sein du réseau.
Le croisement opéré dans le cadre théorique présenté apparaît adapté pour l’étude que nous
souhaitons mener du processus de production de normes environnementales transnationales par
les réseaux autogérés. Il convient maintenant de spécifier davantage notre cas d’étude afin de
comprendre en quoi l’« associativité » est une norme transnationale en construction.
C) L’« associativité » : une norme transnationale en construction
Rappelons tout d’abord qu’une norme peut généralement être identifiée à partir de
l’analyse des discours produits et des pratiques mises en œuvre par les acteurs concernés
(Björkdahl, 2002). De plus, on peut faire une distinction entre « projet normatif » et « norme
acceptée », le premier faisant référence à une norme en construction, qui ne serait pas encore
considérée comme le seul comportement acceptable au sein d’une communauté donnée. C’est
cette idée de projet normatif qui nous intéresse particulièrement. On peut alors identifier
l’associativité comme principal projet normatif au sein de la CLOCSAS, par la place centrale
qu’elle occupe, aussi bien dans les discours des acteurs que dans les stratégies d’action du
réseau7. Il convient de préciser que l’origine du terme « associativité » provient d’une
construction délibérée de la CLOCSAS, afin de qualifier au mieux la réalité défendue.
L’associativité est définie comme :
« Un processus institutionnel d’articulation, d’échange, de communication et de
coordination entre les OCSAS d’une localité, région, pays ou continent, afin
d’apprendre et de renforcer leurs capacités (de gestion, d’influence sur les
politiques publiques, d’innovation), de manière durable, orientées vers le but
commun de l’accès à l’eau et à l’assainissement pour tous les latino-américains »8.
7
D’une part, la majorité des acteurs reconnaissent la nécessité de mettre en œuvre
l’associativité, comme moyen de rompre l’isolement entre les différentes organisations
communautaires à l’échelle locale, qui ne possèdent pas les ressources suffisantes pour
exercer à elles-seules une influence politique auprès des acteurs étatiques afin de revendiquer
leurs droits. Il s’agit donc de créer une dynamique collective portée par la construction d’une
nouvelle norme transnationale, afin de renforcer ces acteurs communautaires par la
construction de partenariats entre « égaux ». D’autre part, l’associativité traduit la nécessité
d’une meilleure articulation entre les organisations agissant à différentes échelles, afin de
favoriser une division des tâches claire et fonctionnelle9. Dans la pratique, on retrouve déjà
cet effort d’articulation à travers l’inclusion en tant que membres de la CLOCSAS des
fédérations nationales ou sub-nationales, qui assument un rôle de représentation des
organisations locales. Ces dernières ne sont donc pas des membres directs du réseau mais y
sont reliées à travers leurs représentants nationaux, et peuvent ainsi maintenir leur action
pratique de gestion des services d’eau à l’échelle de la communauté.
La norme sur l’associativité possède une ambition interne importante, puisqu’elle vise à
s’appliquer aux organisations communautaires elles-mêmes à travers le continent. Sa
construction à l’échelle transnationale apparaît ainsi comme une stratégie de transformation,
visant par exemple la convergence des systèmes locaux vers un modèle unifié, la mise en
place d’alliances avec les acteurs publics, ou encore la création de systèmes de rémunération
pour certains membres… Elle possède également une visée externe avec la recherche de sa
diffusion auprès des acteurs internationaux pour obtenir davantage de reconnaissance, en
particulier auprès des Etats10
. L’associativité est donc bien l’objectif final à atteindre, et la
construction d’une norme transnationale la stratégie pour y parvenir.
Cependant, si la norme est partagée par la majorité des acteurs du réseau, elle peut apparaître
controversée pour d’autres. On peut en effet mentionner les réticences de certains acteurs à
former des partenariats entre OCSAS ou avec les acteurs étatiques11
. De plus, la norme se
trouve encore à un stade de diffusion limitée, par exemple au sein d’Etats qui ne reconnaissent
pas encore officiellement ce type de gestion (Chili, Mexique, Colombie…). Ces différentes
limites suggèrent l’existence d’enjeux de pouvoir autour de la définition de cette norme, que
nous tenterons d’expliciter tout au long de la partie suivante.
Après avoir détaillé le cadre conceptuel et théorique, et identifié l’associativité comme
principal projet normatif de la CLOCSAS, il s’agit dans une seconde partie de rentrer dans
l’analyse afin de montrer en quoi la production de cette norme est le fruit de processus de
circulation transnationale et de mouvements de traduction entre échelles locale et globale.
II) La construction d’une norme transnationale sur l’associativité :
circulation des acteurs et processus de traduction
A) Redistribuer le local : de l’autogestion à l’associativité
Le premier mouvement que nous souhaitons étudier est celui de l’articulation et de la
circulation des acteurs communautaires au sein du réseau, entre échelles locale et
transnationale. Soulignons tout d’abord le rôle de la structure du réseau dans ce processus. La
CLOCSAS possède une structure homogène, puisqu’elle est uniquement composée
d’organisations communautaires de l’eau, et hiérarchisée, puisque chaque organisation
possède une fonction différenciée relativement à son échelle. Les fédérations nationales
jouent alors un rôle important d’intermédiaire, à travers l’élection de représentants
permanents des organisations locales auprès du réseau. Par conséquent, la norme sur
l’associativité naît en partie d’un processus de scaling-up de normes de gestion
8
communautaire de l’eau du local vers le transnational, portées par les organisations locales
elles-mêmes qui composent le réseau, et en particulier par les organisations intermédiaires qui
les représentent. Parmi ces normes locales, on retrouve par exemple l’autogestion, la culture
de solidarité, ou encore l’horizontalité dans les relations entre acteurs.
On retiendra la norme locale de l’autogestion, afin d’expliquer de façon plus détaillée le
processus de traduction dont elle fait l’objet pour être intégrée dans le projet de l’associativité.
L’autogestion se trouve en effet au cœur du modèle communautaire, puisqu’elle traduit le
caractère autonome de la gestion du service d’eau et d’assainissement par les propres
habitants de la communauté, qui se sont regroupés pour former une OCSAS, sans dépendre
d’autres types d’acteurs comme les gouvernements locaux ou les entreprises privées. On
remarque d’emblée la contradiction apparente entre autogestion et associativité, cette dernière
visant l’articulation des OCSAS au-delà de la simple communauté, en soulignant bien les
limites de l’isolement à l’échelle locale. Pour répondre à cette contradiction, l’autogestion va
être redéfinie, principalement par l’action d’organisations intermédiaires, sous le terme de
« cogestion », ou « coresponsabilité »12
. Parmi elles, on trouve par exemple la ROSCGAE,
Réseau d’Organisations Sociales et Communautaires de Gestion de l’Eau de l’Equateur, qui
va chercher à s’imposer en tant que modèle à suivre dans la réalisation d’expériences de
cogestion avec les entités publiques13
. D’une part, cette redéfinition va être justifiée par
l’objectif de renforcement des capacités techniques et financières, à travers des alliances avec
les acteurs publics. D’autre part, elle va être justifiée par la recherche d’un meilleur contrôle
social entre organisations locales, afin d’éviter la domination ou l’exclusion de certains
acteurs. Finalement, l’associativité est présentée comme une garantie de survie du modèle
communautaire, grâce à des partenariats sans lesquels les OCSAS ne pourraient se maintenir.
Par ailleurs, on peut également souligner le rôle clé des organisations intermédiaires dans la
diffusion de la norme auprès des acteurs locaux. Diverses stratégies sont mises en œuvre pour
dépasser les limites de réalités nationales parfois très différentes, et les difficultés de
communication entre des organisations isolées géographiquement, avec un faible accès aux
technologies14
. On peut mentionner comme exemple la création en 2010 d’une plateforme
virtuelle d'échange d'informations, WASH Rural.
Cependant, l’acceptation de la norme reste encore limitée, notamment à cause des réticences
de certains acteurs communautaires à entrer dans des partenariats, par crainte de
compromettre leur pouvoir et leur autonomie à l’échelle locale, et de l’existence de sentiments
d’exclusion dans les processus de décision interne15
. De plus, l’associativité, telle que définie
par la CLOCSAS, fait face à des limites quant à l’intégration d’autres modèles de gestion, par
exemple dans le cas des communautés autochtones. Il s’agit de trouver un compromis entre la
volonté d’harmoniser les modèles de gestion, et les revendications de certains acteurs du
respect de la diversité culturelle. Concrètement, comment généraliser le paiement pour les
services d’eau et assainissement dans des communautés qui fonctionnent autour de la pratique
des mingas, c’est-à-dire de systèmes d’entraide gratuits ? Ou encore, comment faire accepter
l’idée d’alliances publique-communautaires entre des acteurs publics possédant une vision de
gestion intégrée de la ressource par bassin hydrographique, et des communautés autochtones
possédant une vision culturelle de la ressource par territoires ancestraux ?16
Ces questions
permettent de soulever l’existence de conflits autour de la définition d’une norme commune
sur l’associativité, représentant une possible barrière pour son internalisation.
La norme sur l’associativité apparaît donc comme le fruit d’un mouvement de « redistribution
du local », à travers l’action de traduction des organisations intermédiaires qui, grâce à leur
position de médiateur, vont tenter de rendre compatible le principe d’autogestion avec une
centralisation du modèle de gouvernance communautaire. Comme nous allons le voir dans la
partie suivante, cette norme est aussi le fruit d’un mouvement de « localisation du global ».
9
B) Localiser le global : du Droit Humain à l’eau à l’associativité
La CLOCSAS intervient dans un contexte de gouvernance mondiale de l’eau
fragmenté, signifiant à la fois une opportunité en termes d’ouverture à la participation des
acteurs de la société civile, mais aussi une possible barrière en termes de multiplication de
normes et modèles de gestion parfois contradictoires. Ce contexte d’ouverture représente en
effet une opportunité pour la CLOCSAS d’accéder aux arènes internationales, au sein
desquelles les organisations communautaires n’avaient pas de voix directe auparavant. Par
ailleurs, cette fragmentation se caractérise par l’existence de multiples espaces et forums
internationaux, desquels ont émergé divers paradigmes visant la « bonne gouvernance » de la
ressource, par exemple la Gestion Intégrée des Ressources en Eau (GIRE), ou l’eau comme
bien économique17
. Ces paradigmes vont faire l’objet de mouvements de contestation,
émergeant face à leur incohérence par rapport aux réalités locales, notamment par leur
caractère très technique. Un membre de la CLOCSAS mentionne alors l’importance d’agir à
l’échelle globale : « S’il existe autant de directives affectant la politique locale, les
organisations supranationales sont nécessaires pour rentrer en contact direct avec ces
acteurs qui prennent les décisions et imposent leur vision de la politique mondiale »18
. On
peut citer l’exemple emblématique des contestations transnationales contre le mouvement de
privatisation de l’eau, qui eut lieu à Cochabamba, en Bolivie, dans les années 2000. Initié
notamment par les organisations communautaires à l’échelle locale, ce mouvement a
contribué à la reconnaissance du Droit Humain à l’eau par l’ONU en 2010, déclarant « l’eau
potable et l’assainissement comme essentiels pour la réalisation de l’ensemble des droits
humains »19
. Plus précisément, cette norme fait référence à cinq éléments fondamentaux, à
savoir la disponibilité, la qualité, l’acceptabilité, l’accessibilité physique et financière.
La norme globale du Droit Humain à l’eau est particulièrement importante sur le continent
latino-américain, puisqu’on la retrouve officiellement institutionnalisée dans divers pays tels
que l’Equateur ou la Bolivie, qui vont jusqu’à reconnaître, au-delà du droit humain, des droits
de la nature. On la retrouve également dans les discours des acteurs de la CLOCSAS, qui
promeuvent une vision de l’eau comme bien public et collectif20
. Cependant, si cette norme a
été institutionnalisée par certains Etats, elle peine à être appliquée concrètement, surtout dans
des contextes nationaux relativement conflictuels autour des différents usages de la ressource
(secteur agricole, consommation humaine, projets développementalistes). Citons à titre
d’exemple les tensions présentes en Equateur pour l’approbation d’une nouvelle Loi qui
officialiserait le droit humain à l’eau déjà reconnu dans la Constitution depuis 2008,
mobilisant plus de six années de consultations régionales21
. Face à ces blocages, l’action de la
CLOCSAS vise à apporter un cadre opératoire à la norme globale du Droit Humain à l’eau, et
un cadre cohérent face aux réalités des communautés locales22
. Soulignons le rôle clé dans
cette action des représentants du réseau membres du Comité Directeur, qui bénéficient d’une
position centrale grâce aux circulations qu’ils effectuent au sein des arènes internationales.
Ces représentants vont chercher à promouvoir une vision positive des organisations
communautaires auprès des acteurs internationaux. Ces dernières sont en effet présentées
comme l’un des acteurs les mieux placés pour répondre au défi de l’accès universel à l’eau
potable et à l’assainissement, dans le cadre des Objectifs du Millénaire pour le
Développement, à travers l’approvisionnement en eau des populations les plus marginalisées
en Amérique Latine, permettant de « servir les desservis »23
.
D’une part, la construction d’une norme sur l’associativité apparaît comme une stratégie des
dirigeants du réseau de « visibilisation » des organisations communautaires sur la scène
internationale, afin d’obtenir plus de soutiens pour pallier leurs déficiences financières, et
10
ainsi pouvoir répondre de manière plus satisfaisante au défi de l’accès à l’eau et à
l’assainissement pour tous24
. D’autre part, l’associativité traduit une volonté de maintenir
l’identité profonde du modèle communautaire de gestion de l’eau, face à la tendance d’une
professionnalisation croissante des acteurs internationaux, opposant une vision
« instrumentale » à la vision plus « holistique » apportée par la CLOCSAS25
. On remarque ici
une certaine discontinuité dans les discours normatifs, entre volonté de transformer des
normes locales inadaptées aux défis de la globalisation, et volonté de renforcer l’identité
sociale du modèle communautaire face à la domination des experts internationaux.
La norme sur l’associativité apparaît donc comme le résultat d’un processus de « localisation
du global », à travers l’action de traduction des représentants du réseau qui, grâce à leur
position de médiateur, vont chercher à renforcer l’identité sociale du modèle communautaire
et ainsi diffuser une vision positive de ces acteurs sur la scène internationale. Il s’agit
maintenant dans une dernière partie d’analyser le mouvement de « connexion des deux
pôles », à travers l’étude du rôle clé des ONG transnationales.
C) Articuler le local et le global : le rôle pivot des ONG transnationales
Dans cette dernière partie, nous souhaitons comprendre le rôle des ONG
transnationales alliées à la CLOCSAS, en tant que médiateurs jouant un rôle d’articulation
entre échelles locale et globale, et fournissant ainsi un appui parallèle fondamental au réseau
dans son action normative. En effet, ces ONG transnationales possèdent un rôle privilégié
dans le processus de production des normes de par leur double ancrage à l’échelle locale, au
travers de projets concrets avec les communautés ou les acteurs locaux, et à l’échelle globale,
par leur accès à la plupart des arènes de décision internationales, généralement sous le statut
d’observateur. On peut tout d’abord mentionner la particularité des partenariats établis avec
ces ONG transnationales, tels que la Fondation Avina ou Care International, sous la forme de
relations relativement horizontales au travers desquelles la CLOCSAS conserve son
autonomie et sa propre voix pour s’auto-représenter dans les instances internationales26
.
Cependant, cette collaboration véhicule malgré tout une relation de dépendance, notamment
financière, qui confère aux acteurs alliés une influence certaine sur la CLOCSAS et la vision
de l’associativité qu’elle défend. Ainsi, l’idée première de l’associativité nait avant la création
de la CLOCSAS, à travers l’action de la Fondation Avina27
, principale alliée du réseau. En
effet, celle-ci fut à l’initiative de l’organisation d’une rencontre régionale en Equateur en 2010
autour de la thématique de « l’associativité entre OCSAS », premier évènement de cette
ampleur à regrouper les acteurs communautaires de l’eau. De plus, la Fondation Avina est la
principale organisatrice des rencontres annuelles de la gestion communautaire de l’eau dans la
région, lui conférant un poids considérable dans la définition de l’agenda lors de ces
évènements28
. On peut donc difficilement séparer l’action des ONG transnationales de
l’action propre de la CLOCSAS dans le processus de création d’une norme sur l’associativité.
Par ailleurs, la coopération avec les ONG alliées représente un important vecteur de diffusion
de la norme entre différentes échelles. D’une part, elle facilite l’entrée de la CLOCSAS dans
les arènes internationales de gouvernance de l’eau et la diffusion de la norme sur
l’associativité dans ces espaces. L’intérêt d’entrer dans ces arènes est principalement d’avoir
un impact sur les Etats qui y sont largement représentés, afin de leur faire accepter la norme,
et ainsi conférer davantage de reconnaissance au modèle communautaire de gestion de l’eau
dans la région29
. On peut mentionner en guise d’exemple une initiative lancée en 2013 par la
CLOCSAS, avec l’appui de ses acteurs alliés, qui vise la création de la « Journée mondiale de
gestion communautaire de l’eau », dans le but d’améliorer la visibilité des acteurs
communautaires sur la scène internationale. D’autre part, les ONG transnationales jouent un
11
rôle clé de diffusion de la norme auprès des acteurs locaux, grâce à leur important ancrage à
cette échelle, et au travers de différents programmes de développement local, tel que le
« Programme Unifié de Renforcement des Capacités », mis en place conjointement par la
Fondation Avina et Care dans six pays de la région30
. En effet, bien que la CLOCSAS
possède une forte articulation avec les organisations à l’échelle locale, elle agit surtout en tant
que représentante des intérêts de ces acteurs à l’échelle régionale et globale. A l’inverse, les
ONG transnationales réalisent un travail permanent auprès de ces acteurs, à travers divers
projets de développement local, et représentent ainsi un vecteur de transmission essentiel.
Elles vont aller dans certains cas jusqu’à appuyer la création de nouvelles structures de
gestion communautaire à l’échelle locale lorsque celles-ci n’existent pas formellement.
Face à cet important pouvoir des ONG transnationales dans le développement du réseau, l’un
des futurs défis pour la CLOCSAS, déjà débattu lors des rencontres annuelles passées, tourne
autour des possibles stratégies d’autonomisation vis-à-vis de ses acteurs alliés. Cependant,
l’autonomisation signifierait en même temps une ouverture vers une « professionnalisation »
de la CLOCSAS, notamment en ce qui concerne la gestion financière, apparaissant en
possible contradiction avec l’identité collective du modèle. On entrevoit encore une fois ici
les tensions sous-jacentes à la consolidation d’une norme commune sur l’associativité.
La norme sur l’associativité apparaît donc également comme le fruit d’un processus de
« connexion des deux pôles », à travers l’action de traduction de la part des ONG
transnationales alliées à la CLOCSAS, qui vont contribuer, grâce à leur position de médiateur,
à lui donner un caractère professionnalisant.
Conclusion
Le cas d’étude développé dans cet article confirme la problématique de départ, à
savoir l’importance des processus de circulation entre échelles et des mouvements de
traduction dans la production de normes transnationales par les réseaux autogérés. En effet,
comme nous l’avons démontré, la norme sur l’associativité construite au sein de la CLOCSAS
apparaît comme le fruit de processus distincts de traduction effectués par différents types
d’acteurs, à savoir les fédérations nationales, les représentants du comité directeur et les ONG
transnationales. On peut affirmer que ce sont surtout ces médiateurs qui influencent le
processus de reconstruction des normes de gouvernance communautaire, à travers l’utilisation
stratégique de leur position au sein du réseau, et de leur accès aux arènes internationales.
Finalement, derrière les objectifs de renforcement des capacités locales et de promotion du
modèle communautaire à l’échelle régionale et internationale, l’action transnationale vise
principalement à réformer ce modèle de gestion de l’intérieur. La construction d’une norme
sur l’associativité peut alors être interprétée comme une stratégie de changement mise en
œuvre par les médiateurs. De plus, l’associativité apparaît comme une norme transnationale
pivot, qui tend à la fois à centraliser la gouvernance de la ressource (nécessité de s’associer
pour répondre à des problèmes communs complexes), mais aussi à la relocaliser (nécessité de
renforcer les organisations locales pour réaliser le droit humain à l’eau). L’un des principaux
enjeux sous-jacents à ce projet normatif est bien la recherche d’une possible compatibilité
entre l’identité holiste du modèle communautaire et la tendance croissante vers une
professionnalisation de la gouvernance. Il traduit donc un défi majeur dans le développement
futur de la CLOCSAS, à savoir la nécessité de créer une forme innovante d’organisation
transnationale pour résoudre ces tensions.
12
Notes de bas de page
1 Ce réseau fut créé à l'occasion de la II Rencontre Latino-Américaine de gestion communautaire de
l'eau, qui eut lieu au Pérou en septembre 2011, suite à l’accord passé entre 35 représentants
d'organisations communautaires d'approvisionnement en eau et assainissement des 14 pays présents
(Argentine, Bolivie, Brésil, Colombie, Costa Rica, Chili, Equateur, Guatemala, Honduras, Mexique,
Nicaragua, Paraguay, Pérou, Salvador). 2 ONU, « Objectifs du Millénaire pour le Développement », Rapport de 2013 (données de 2011).
3 Fundación Avina, “Acceso al agua”, Informe Anual 2012.
4 “La Asociatividad Como Estrategia en la Gestión Comunitaria del Agua en Latinoamérica”,
CLOCSAS, agosto 2012. 5 Eléments d’analyse tirés d’une recherche de terrain menée en 2012 en Equateur, dans le cadre du
mémoire de master intitulé : “Las Alianzas entre lo público y lo comunitario para una gobernanza
equitativa del agua en Ecuador”. 6 Expression tirée des Actes du colloque « L’accès des réseaux d’auto-assistance à la scène
internationale », Institut de Recherche et débat sur la Gouvernance, Rambouillet, 2009. 7 Analyse des documents produits par la CLOCSAS, des notes d’actualité diffusées sur la plateforme
internet Wash-rural, des entretiens semi-directifs réalisés ; ainsi que l’analyse des discours lors de
l’observation directe de la IV Rencontre latino-américaine de gestion communautaire de l’eau et
assainissement (Paraguay, du 29/07 au 01/08/2013), et de la Semaine Mondiale de l’Eau (Stockholm,
du 01/09 au 06/09/2013). 8 “La Asociatividad Como Estrategia en la Gestión Comunitaria del Agua en Latinoamérica”,
CLOCSAS, agosto 2012. 9 Entretien avec le Président de la CLOCSAS (Paraguay, 30/07/2013).
10 Divers entretiens avec des représentants nationaux siégeant au Comité Directeur de la CLOCSAS,
celui-ci étant composé de sept membres élus par l’Assemblée Générale, qui sont des fédérations
nationales représentant les organisations locales. L’Assemblée Générale est quant à elle composée de
deux membres de chacune des fédérations nationales ou sub-nationales faisant partie de la CLOCSAS,
au total 28 membres. La représentation est donc assurée par pays d’origine et par niveau de
responsabilité dans la fédération nationale. 11
Entretien avec la Chargée de programme au sein du département des Services de la connaissance,
Stockholm International Water Institute (SIWI), (Stockholm, 05/09/2013). 12
Divers entretiens avec des représentants de fédérations nationales auprès de la CLOCSAS, et des
représentants de la Fondation Avina (département Acceso al agua), et analyse des discours lors de
l’observation directe de la IV Rencontre latino-américaine de gestion communautaire de l’eau et
assainissement (Paraguay, du 29/07 au 01/08/2013). 13
On peut notamment mentionner la coordination par cette organisation d’un axe de réflexion sur la
thématiques des « alliances publique-communautaires » lors de la IV Rencontre latino-américaine de
gestion communautaire de l’eau et assainissement (Paraguay, du 29/07 au 01/08/2013). 14
Entretien avec le Secrétaire de la CLOCSAS (Stockholm, 03/09/2013). 15
Observation directe de la IV Rencontre latino-américaine de gestion communautaire de l’eau et
assainissement (Paraguay, du 29/07 au 01/08/2013). 16
Observation directe lors de la Semaine Mondiale de l’Eau à Stockholm, présentation du rapport
d’avancement “Intercultural Transparency : How to overcome Socio-Cultural Barriers to Access to
Water and Sanitation Services for Indigenous Peoples”, MDG-F, UNDP, URACCAN, 2013. 17
Conférence internationale sur l’eau et l’environnement, Dublin, 1992. 18
Entretien avec le Secrétaire de la CLOCSAS (Stockholm, 03/09/2013). 19
Résolution 64/292 de l’Assemblée Générale de l’ONU du 28 Juillet 2010, sur le Droit fondamental à
l’eau et à l’assainissement. 20
“La Asociatividad Como Estrategia en la Gestión Comunitaria del Agua en Latinoamérica”,
CLOCSAS, agosto 2012. 21
Consorcio Camaren, “La Consulta Prelegislativa sobre el proyecto de Ley de Aguas: una
oportunidad para solucionar viejos problemas”, Foro de los Recursos Hídricos, Abril 2013.
13
22
Divers entretiens avec des représentants de fédérations nationales auprès de la CLOCSAS, et
observation directe de la IV Rencontre latino-américaine de gestion communautaire de l’eau et
assainissement (Paraguay, du 29/07 au 01/08/2013). 23
Divers entretiens avec des représentants de fédérations nationales auprès de la CLOCSAS, et
observation directe de la Semaine Mondiale de l’Eau (Stockholm, du 01/09 au 06/09/2013). 24
On peut mentionner comme exemples la participation de la CLOCSAS au 6e Forum Mondial de
l’Eau à Marseille en 2012 ou encore à la Semaine Mondiale de l’Eau à Stockholm en 2012 et 2013. 25
Entretien avec la Chargée de programme au sein du département des Services de la connaissance,
Stockholm International Water Institute (SIWI), (Stockholm, 05/09/2013). 26
Divers entretiens avec des représentants de fédérations nationales auprès de la CLOCSAS, de la
Fondation Avina et du SIWI. 27
ONG régionale créée en 1994 et présente dans 15 pays d’Amérique Latine, dont la mission
principale est le renforcement des capacités des acteurs intégrés dans des politiques visant le
développement durable. 28
Observation directe de la IV Rencontre latino-américaine de gestion communautaire de l’eau et
assainissement (Paraguay, du 29/07 au 01/08/2013). 29
Divers entretiens avec des représentants de fédérations nationales, membres du Comité Directeur de
la CLOCSAS. 30
Divers entretiens avec des représentants de fédérations nationales auprès de la CLOCSAS, et de la
Fondation Avina.
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