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COMPRENDRE, MAÎTRISER ET PRÉSERVER LEAU SOUTERRAINE : TRANSMISSION DES SAVOIRS ET GESTION DE LEAU DANS LA GRANDE OASIS D’ÉGYPTE À LÉPOQUE ROMAINE Résumé De l’époque pharaonique à l’époque byzantine, le paysage des oasis de Kharga et Dakhleh en Égypte s’est considérablement transformé par l’intermédiaire des différents pouvoirs politiques en place. D’espaces frontaliers et postes commerciaux à unités de production agricole, ces oasis ont surtout suscité l’intérêt du pouvoir romain. Cet article vise à identifier et comprendre le processus de développement de ces deux oasis à l’époque romaine, en mettant au cœur de l’étude la gestion de l’eau souterraine du désert Libyque, faisant ainsi écho à la complexité écosystémique des milieux naturels hydrauliques liée à la thématique des riparia. En effet, bien que les ingénieurs romains possédaient suffisamment de connaissances pour favoriser l’irrigation de grandes superficies dans ces régions, ils durent néanmoins adapter leurs techniques à un milieu naturel complexe et eurent par conséquent à s’inspirer des savoirs traditionnels des Égyptiens et des Perses qui développèrent, à moins grande échelle certes, ces milieux avant leur intégration à l’Empire romain. Cette étude nous permettra ainsi de nous intéresser à la reconstitution du développement de ces milieux marginaux en étudiant entre autres la transmission indirecte des savoirs hydrauliques, mais aussi les défis posés par l’utilisation de l’eau souterraine en milieu oasien. Abstract Between the Pharaonic and the Byzantine period, the landscape of the Egyptian oases of Kharga and Dakhla was transformed by different political regimes ruling Egypt. From border districts and trading posts to agricultural production units, these oases attracted more specifically the aitaliquettention of Roman authorities. Under Roman rule (1 st century B.C. to 5 th century A.D.), the oases indeed became important population centres where the number of cities and villages expanded, and the agricultural landscape as well. But to achieve such a development, the Roman authorities needed a lot of work to be done compared to the Nile Valley, more specifically because of the distance of the oases from all the major cities of Egypt at the time, but also because the oases were not provided in water by the Nile. The water was coming from artesian waters of the Libyan Desert, which represented a challenge, both in knowledge and technology. If the Egyptians, and after them the Persians, succeeded to have access and to use that water, the Romans pushed the hydraulic technology a little bit further to

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COMPRENDRE, MAÎTRISER ET PRÉSERVER L’EAU SOUTERRAINE : TRANSMISSION DES SAVOIRS ET GESTION DE L’EAU DANS LA GRANDE OASIS

D’ÉGYPTE À L’ÉPOQUE ROMAINE

Résumé

De l’époque pharaonique à l’époque byzantine, le paysage des oasis deKharga et Dakhleh en Égypte s’est considérablement transformé parl’intermédiaire des différents pouvoirs politiques en place. D’espacesfrontaliers et postes commerciaux à unités de production agricole, cesoasis ont surtout suscité l’intérêt du pouvoir romain. Cet article viseà identifier et comprendre le processus de développement de ces deuxoasis à l’époque romaine, en mettant au cœur de l’étude la gestion del’eau souterraine du désert Libyque, faisant ainsi écho à la complexitéécosystémique des milieux naturels hydrauliques liée à la thématique desriparia. En effet, bien que les ingénieurs romains possédaientsuffisamment de connaissances pour favoriser l’irrigation de grandessuperficies dans ces régions, ils durent néanmoins adapter leurstechniques à un milieu naturel complexe et eurent par conséquent às’inspirer des savoirs traditionnels des Égyptiens et des Perses quidéveloppèrent, à moins grande échelle certes, ces milieux avant leurintégration à l’Empire romain. Cette étude nous permettra ainsi de nousintéresser à la reconstitution du développement de ces milieux marginauxen étudiant entre autres la transmission indirecte des savoirshydrauliques, mais aussi les défis posés par l’utilisation de l’eausouterraine en milieu oasien.

Abstract

Between the Pharaonic and the Byzantine period, the landscape of theEgyptian oases of Kharga and Dakhla was transformed by differentpolitical regimes ruling Egypt. From border districts and trading poststo agricultural production units, these oases attracted morespecifically the aitaliquettention of Roman authorities. Under Romanrule (1st century B.C. to 5th century A.D.), the oases indeed becameimportant population centres where the number of cities and villagesexpanded, and the agricultural landscape as well. But to achieve such adevelopment, the Roman authorities needed a lot of work to be donecompared to the Nile Valley, more specifically because of the distanceof the oases from all the major cities of Egypt at the time, but alsobecause the oases were not provided in water by the Nile. The water wascoming from artesian waters of the Libyan Desert, which represented achallenge, both in knowledge and technology. If the Egyptians, andafter them the Persians, succeeded to have access and to use that water,the Romans pushed the hydraulic technology a little bit further to

obtain the agricultural, and at the same time, the economic areas theyneeded. It represented a lot of work indeed for such far and remotelocations, but the Romans possibly saw an advantage in controlling theirrigation there and to have spaces in Egypt not affected by the Nileannual floods. This article offers a methodological and explorativereasoning, with the aim to identify and to understand the developmentprocess of these oases under Roman rule, by way of putting the emphasison the management of the Libyan Desert underwater, linking the Egyptiansubject to the riparia. While Roman engineers had sufficient knowledge tofavour irrigation of large superficies in such areas, they neverthelesshad to adapt their techniques to a complex natural environment, and hadto take into account traditional knowledge from the Egyptians and thePersians, who developed these locations, though at a smaller scale,before their integration into the Roman Empire. This study will allow usto focus on the reconstitution of the development of such particularareas, by studying notably the indirect transmission of hydraulicknowledge, as well as the challenges raised by using underwater in theoases.

Mots-clés : Égypte, oasis, Kharga, Dakhleh, gestion de l’eau, puits,qanâts, agriculture, économie et méthodologie.

Keywords : Egypt, ,oases, Kharga, Dakhla, water management, wells,qanats, agriculture, economy and methodology.

Evelyne FERRONUniversité Laval

Université de Sherbrooke, Canada

Les Romains et l’eau. Bien qu’un tel sujet ait étéétudié depuis longtemps en histoire romaine et eningénierie1, il est aujourd’hui plus d’actualité que jamais.Les milieux désertiques, en processus de désertificationcomme le Maghreb, ou des zones à risque de sécheresse commele Yucatan, sont de ce fait au cœur de nombreuses recherchessur la gestion de l’eau en zones arides2, afin de trouverentre autres de nouvelles possibilités d’alimenter en eau deplus en plus de gens, dans des milieux considérés commemarginaux3. À cet égard, les travaux sur les savoirshydrauliques de l’Antiquité viennent ponctuellementcompléter les connaissances sur la compréhension des1 Nous pourrions même affirmer, comme le souligne entre autresJ.G. Landels dans sa réédition récente de Engineering in the AncientWorld, que les études sur la technologie romaine furent enpremier lieu réalisées par les ingénieurs, suivis par la suitepar les historiens de l’Antiquité. C’est plutôt à partir desannées 1980 que le courant initial s’est graduellement renversé,alors que de nombreux ouvrages et études d’histoire ont étépubliés par les historiens du monde romain, de même que lespremiers recueils de sources et d’interprétation de textes,comme l’œuvre de Frontin. Voir LANDELS, c2000, p. 7 et dans lamême optique MALISSARD, 1994 ; HODGE, 2001 ; WILSON, 2006 et BRUUN,2010.

2 Pour des questions de géographie, de chronologie et dedocumentation, peu de parallèles sont présentement faits avec lagestion de l’eau dans l’Amérique précolombienne. Pourtant, lesrelations entre certaines sociétés précolombiennes comme lesMayas avec l’eau, dans un contexte environnemental peu propice àl’approvisionnement, intéressent de plus en plus lesarchéologues et graduellement les historiens. De toutesnouvelles recherches du côté de Tikal, ancienne cité maya del’époque dite classique ont permis de mettre au jour un imposantbarrage avec des bassins de réservation de l’eau de pluie. Voirà cet effet l’article du PNAS : COLL., 2012 (à paraître).

3 À titre d’exemple, voir BÉDOUCHA, 1987 ; LASRAM, 1988 ;BARRACLOUGH, 1995 ; STYLES, 1995; ALONSO, 2003 et BATTESTI, 2005.

écosystèmes de tels milieux, de même que sur l’adaptation aufil du temps des techniques hydrauliques à des conditionsgéographiques, géologiques et climatiques particulières4.Même si la gestion de l’eau en milieu désertique n’est pasen soi liée directement à la question des bords de l’eau,elle s’insère néanmoins à la thématique des riparia parl’importance de la compréhension d’un écosystème unique parses ressources hydrauliques pour développer des techniquesd’utilisation et de gestion de l’eau fonctionnelles et bienadaptées à la réalité désertique.

Si cet intérêt scientifique pour les questions en lienavec la présence d’eau dans le désert fut avant toutattribuable aux géologues et aux géographes, nous pouvonscompter sur celui des archéologues et des historiens depuisles années 1970, notamment du côté de l’Égypte et du désertlibyque. En effet, les recherches réalisées depuis le XIXe

siècle dans le désert occidental égyptien par des équipescomme le Geological Survey of Egypt, ou plus récemment par leséquipes de l’IFAO, du Dakhleh Oasis Project (DOP) ou du NorthKharga Oasis Survey (NKOS)5, ont permis de mettre en lumièrecette adaptation des populations de l’Antiquité à un milieulimitrophe de l’Égypte et plus tard de l’Empire romain : lesoasis. Depuis la fin des années 1970, celles de Kharga etDakhleh, aussi appelées à l’époque romaine la Grande oasis6,révèlent des structures hydrauliques impressionnantes, qui4 Voir à cet effet l’ensemble des contributions du derniercolloque de l’IFPO (Institut Français du Proche-Orient) : AL-DBIYAT et MOUTON, 2009. Bien que concentrées sur les milieuxdésertiques du Proche-Orient, les études de ce colloque serapprochent quelque peu de la thématique des riparia par lavolonté d’étudier la gestion de l’eau à travers lesparticularités des divers environnements arides et semi-aridesde ces régions.

5 Site de l’IFAO : http://www.ifao.egnet.net/axes/milieux-peuplement/peuplement-kharga/; site du DOP :http://arts.monash.edu.au/archaeology/excavations/dakhleh/index.php et site du NKOS :http://www1.aucegypt.edu/academic/northkhargaoasissurvey/home.htm

6 Voir l’annexe A.

permirent d’augmenter considérablement les possibilitésagricoles de ces deux oasis à l’époque romaine. Or,l’analyse de vestiges de puits, de canalisations et debassins de réservation a aussi permis de réaliser que lesRomains eurent à comprendre et à maîtriser le désert pourparvenir ensuite à mieux mettre en valeur son potentielagricole7. Nous pouvons, certes, parler ici d’adaptation aumilieu, indéniable, mais aussi de défis d’apprentissaged’ordre écologique, hydraulique, agricole, technique etconséquemment économique. Sans négliger de surcroît que cesaménagements subséquents à la compréhension du milieuviennent s’inscrire dans le paysage.

C’est dans cette optique que le sujet de la gestion del’eau dans les oasis d’Égypte et plus particulièrementcelles de Kharga et Dakhleh vient alimenter la réflexion dece colloque sur les riparia. En effet, le pouvoir romain aeu et a su s’adapter à la diversité géographique ethydrologique de plusieurs régions de l’Empire pour ydévelopper des stratégies d’acquisition et d’utilisation del’eau. C’est surtout du côté de la compréhension desécosystèmes désertiques et oasiens, de même que sur lesstratégies d’adaptation à ces derniers pour parvenir àutiliser des ressources hydrauliques, parfois difficilesd’accès, que nous nous intégrons le plus à ce colloque.

De plus, si l’adaptation précédemment mentionnée s’estréalisée par le biais d’études concrètes du milieudésertique et oasien, elle n’a pu en revanche se concrétisersans une certaine transmission des savoirs par lespopulations qui avaient cultivé ces espaces avantl’intégration de l’Égypte à l’Empire romain. Pensons plusparticulièrement aux Égyptiens, mais aussi aux Perses, quiont laissé plusieurs vestiges d’importance (temples etstructures hydrauliques) notamment dans l’oasis de Dakhleh8.7 Voir plus particulièrement les analyses de BOUSQUET, 1996 ; ROSSI, 2000 ; JACKSON, 2002, p. 200-226 et THURSTON, 2003, p. 216-310.

8 Peu de vestiges de l’époque ptolémaïque ont été mis au jourdans les oasis jusqu’à présent, possiblement remplacés, intégrésou dissimulés par les vestiges romains, ce qui nous empêche de

Dans ce même ordre d’idées, nous pouvons étendre l’influencehydraulique des peuples du désert sur l’Empire romain auxNabatéens9, qui ont eux aussi sur maîtriser habilement l’eaudu désert pour l’utiliser tant pour le quotidien que pour ledivertissement ou à Palmyre, au cœur de recherches trèsrécentes sur l’utilisation de l’eau dans cette ville situéeen plein désert10. Or, contrairement aux conceptionsgénérales associées à la transmission des savoirs, nouspouvons difficilement parler d’un échange direct desconnaissances hydrauliques, mais plutôt d’un apprentissageindirect, dicté surtout par la nécessité de comprendre unmilieu pour en améliorer la gestion des ressources. Enétudiant les infrastructures hydrauliques déjà sur place,les ingénieurs romains ont su s’approprier certains savoirset techniques hydrauliques d’autres populations, pour lesaméliorer ou les modifier pour répondre aux besoins del’Empire romain. À cet effet, la question de l’apprentissagede la gestion de l’eau en milieu désertique par le pouvoirromain apparaît indissociable des besoins économiques etmême politiques de l’Empire.

Si la documentation relative à ces questions restefragmentaire et quelque peu limitée en ce qui a trait auxoasis, elle devient plus éloquente une fois confrontée àcelle plus générale de la gestion de l’eau dans l’Empireromain. Le croisement des données environnementales,archéologiques, des sources papyrologiques et des sources

considérer avec autant d’emphase l’influence de cette époque surles techniques hydrauliques romaines dans les oasis. Néanmoins,les vestiges du Fayoum confirment les essais et lesdéveloppements hydrauliques ptolémaïques dans cette régionextérieure à la Vallée du Nil.

9 Voir notamment les travaux de ROLLER, 1983 ; MATTINGLY, 1988 et1997 ; BEDAL, 2002 et plus récemment GENTELLE, 2009.

10 En effet, un groupe d’archéologues norvégiens et syriens ontétudié pendant plus de quatre ans l’ancienne cité de Palmyre etse sont surtout intéressés de près au développement d’envergurede cette dernière en plein désert. Voir notamment l’article deAMUNDSEN et KEILMAN, 2012. Possiblement d’autres articles à venirdans les prochains mois sur le sujet.

littéraires grecques et latines peut, sans permettred’expliquer en détail tout le processus romain dudéveloppement des oasis d’Égypte, amener une compréhensionintéressante de l’histoire oasienne égyptienne à l’époqueromaine dans une perspective d’intégration politique etéconomique de ces milieux à un vaste Empire d’échelleméditerranéenne. Cette étude vise d’une part à préciserl’histoire du développement agricole des oasis par le biaisd’une bonification des stratégies d’acquisition de l’eau(liée à la transmission des savoirs traditionnels) etd’autre part à expliquer cette histoire dans le contexteplus vaste et concret de l’intégration de l’Égypte àl’Empire romain. Une telle démarche se base surtout sur uneconfrontation de sources de types et d’origines trèsdiverses, qui nécessitent de pouvoir allier le documentaireaux données matérielles existantes, de mêmes qu’à certainesdonnées environnementales.

Ainsi, à l’aide de la documentation papyrologique etlittéraire existante sur la gestion de l’eau dans l’Empireromain, en Égypte et dans les oasis de Kharga et Dakhleh, enplus des différents rapports de fouilles publiés depuis plusd’une dizaine d’années, cette étude vise à esquisser et àcomprendre les défis posés par la gestion de l’eausouterraine dans ces oasis11, avec, pour second objectif,l’utilisation d’un corpus qui dépasse le seul sujet desoasis égyptiennes. Cette étude s’intéressera de plus aucheminement qui permit au pouvoir romain de comprendre d’une

11 Sur les six grands défis généraux posés par l’intégration desoasis d’Égypte à l’Empire romain que sont : 1- l’intégrationpolitique à l’Égypte ; 2- l’intégration de l’agricultureégyptienne à l’économie romaine ; 3- l’amélioration de laproductivité agricole (impliquant la nécessité d’uneconnaissance de l’environnement) ; 4- la conquête de nouveauxespaces agricoles et limites territoriales ; 5- la découverte denouveaux milieux et le développement de nouvelles techniqueshydrauliques et 6- le développement agricole de ces zones etl’intégration au réseau commercial impérial, nous nousintéresserons plus particulièrement aux trois deniers, plus prèsdes objectifs d’analyse de cet article.

part le désert occidental, les milieux oasiens et leursparticularités hydrauliques et d’autre part d’améliorer lesconnaissances pour développer le potentiel agricole etéconomique de ces milieux limitrophes et frontaliers del’Empire. Il s’agit d’un processus que nous pourrionsidentifier dans cet ordre : comprendre, maîtriser,développer, gérer et préserver. Notre objectif final estd’obtenir un portrait historique du processus d’intégrationdes oasis d’Égypte à l’Empire romain, intrinsèquement liéeaux stratégies d’acquisition et de gestion de l’eau, et celamalgré des sources de nature très bigarrée qui imposerontincontestablement quelques limites à cette étude.

I- Comprendre le milieu oasien égyptiendans le contexte d’acquisition denouveaux espaces agricoles

Lors de chaque conquête/acquisition de territoire pourl'Empire, des Romains ont exploré de nouvelles régions afinde participer à leur gestion et leur administration, debénéficier de nouvelles terres agricoles (à titre d'exempleles vétérans de l'armée), ou même d'y construire unerésidence secondaire dans le cas des mieux nantis. En ce quiconcerne la situation précise de l’Égypte et de sonintégration particulière à l’Empire par Octave-Auguste, nousdevons ajouter que des militaires et des techniciens yfurent envoyés afin de comprendre l’environnement naturelspécifique de ce territoire et les besoins techniques luiétant inhérents12. Après Actium, l’Égypte devint donc uneprovince romaine, qui allait être officiellement gérée parl’Empire romain dans la tradition administrative romaine.Or, à cette époque, la ville de Rome était très peuplée etles surplus alimentaires en cas de catastrophes naturelles,de guerres destructrices pour les récoltes ou simplement demauvaises conditions climatiques, étaient somme touteinsuffisants.

12 Voir infra.

Dans l’optique d’acquérir et de maintenir une réserve enblé pour Rome et l’Empire romain, la gestion et ledéveloppement de cette nouvelle province apparaissent commeavoir été une priorité pour celui qui allait devenir Augusteen 27 av. J.-C. et qui dès le départ, décida de contrôlerl’immigration de Romains en Égypte en la déclarant bienpersonnel de l’empereur, afin d’éviter entre autres uncontrôle privé des riches terres égyptiennes13. Toujours enregard de cette stratégie visant à le faire accepter commeun dirigeant unique, il affirma qu’il avait ajouté l’Égypteà l’Empire du « peuple romain »14. Ainsi, pour parvenir àfaire de l’Égypte une réserve alimentaire importante pourRome et l’Empire, Octave-Auguste dut mettre en place unesérie de mesures lui permettant non seulement de remettre enétat l’agriculture égyptienne, durement éprouvée au coursdes guerres entre Octave, Marc-Antoine et Cléopâtre, maisaussi de maximiser des espaces cultivables en Égypte defaçon à obtenir les surplus désirés qui seraient envoyés àRome sous forme d’impôt, ce que nous explique entre autresSuétone (Aug.,18. 2), avec sa vision quelque peu belliqueusede l’intégration de territoires à l’Empire, nous mentionnantqu’il fit curer les canaux engorgés par ses soldats.

Néanmoins, dès l’annexion de l’Égypte à l’Empireromain, des efforts furent déployés afin de favoriser uneaugmentation des cultures dans les zones frontalièreshabitées de l’Égypte, les oasis du désert occidental,notamment parce que ces régions n’étaient pas dépendantesdes crues annuelles du Nil, ce qui pouvait signifier uneagriculture moins sujette aux humeurs du fleuve nourricier.Mais le développement de ces milieux nécessita une premièreadaptation à la réalité de ces nouveaux espaces conquis parRome, soit celle à l’écosystème particulier des zones13 LEWIS, 1983, p. 15-17 et CAPPONI, 2005, p. 17-25. Bien que notreréflexion soit reliée à toute la période romaine en Égypte,l’époque augustéenne mérite une place prépondérante, puisque lesmesures et politiques mises en place par Auguste de la fin duIer siècle av. J.-C. au début du Ier siècle ap. J.-C. seront plusou moins modifiées tout au long de l’époque romaine.

14 « Aegyptum imperio populi Romani adieci […] » (Res. Gest., 27)

oasiennes, un environnement désertique caractérisé parl’aridité, les wadis, l’avancement des dunes de sable, unenappe phréatique profonde, de même que la salinité15.

1.1 De la Vallée du Nil aux zones périphériques de l’Égypte

Comme le mentionne Suétone, ceux qui eurent accès àcette nouvelle province furent ceux qui allaient pouvoiraider à maintenir et accroître la productivité des espacescultivables: l’armée, des techniciens et desadministrateurs. Ces Romains étaient importants dans lastratégie augustéenne en regard de l’Égypte, car après desannées de guerre, plusieurs systèmes d’irrigation et deréservation de l’eau limoneuse semblaient avoir été négligéspar la dernière administration lagide, les canaux étantbouchés et certains systèmes n’étaient tout simplement plusutilisés16. Comme le soulignait Suétone, il était urgentpour l’administration romaine de remédier au problèmehydraulique avant toute chose. En plus d’utiliser l’arméepour le nettoyage et la remise en fonction des systèmeshydrauliques existant le long de la Vallée du Nil et même auFayoum17, les Romains tentèrent rapidement de comprendre lecycle naturel des crues et comment en tirer le maximum(comme les Égyptiens, les Perses et les Lagides avant eux),ce qui impliquait automatiquement d’être conscients desrisques plus négatifs associés aux crues annuelles. Plinel’Ancien (Hist. Nat., 5. 9) mentionne à cet effet uneimportante sécheresse en 48 av. J.-C., alors que Sénèque(Quest. Nat., 4. 2. 16) affirme que le pays d’Égypte avaitsouffert de deux mauvaises crues de suite en 43 et 42 av.J.-C. sous le règne de Cléopâtre18.

15 Pour un rapport hydrogéologique et climatique détaillé sur les zonesarides et semi-arides (comme la Palestine, le Liban et la Jordanie),voir plus particulièrement MAYS, 2009, p. 27-46.

16 BONNEAU, 1964, p. 154-156.17 C'est en fait la 3ème légion d'Auguste, composée de 12 000 hommes,qui prit en charge ces travaux, en plus de la construction de forts lelong des frontières égyptiennes, notamment dans l'oasis de Kharga.Voir REDDÉ, 1999 et VIVIAN, 2000, p. 66-68.

Nous pouvons donc déduire que ces événementsenvironnementaux, souvent désastreux pour l’agricultureégyptienne, étaient connus des autorités romaines lors de laconquête égyptienne. Ces dernières avaient de plus unecertaine connaissance des particularités climatiques etsurtout hydrauliques du pays, du moins en ce qui concerne laVallée du Nil. Outre les possibilités de sécheresses et parconséquent de crues trop peu abondantes, les Romainsmandatés par Auguste pour stabiliser et maximiserl’agriculture égyptienne devaient de surcroît prendre enconsidération l’opposé: des crues trop élevées, tout aussinuisibles. Comme le pouvoir ptolémaïque l’avait fait avec larégion du Fayoum, située en retrait de la Vallée du Nil etirriguée par l’eau limoneuse grâce au Bahr Yussuf, lapremière administration romaine eut à trouver de nouvelleszones agricoles moins sujettes aux humeurs nilotiques19. Lesoasis de Kharga et Dakhleh se révélèrent un choixintéressant, mais nécessitant des efforts de développementconsidérables en raison des particularités écosystémiques deces milieux isolés dans le désert hyperaride à l’ouest de laVallée du Nil.

Mais comment développer ces zones limitrophes ets’assurer que l’agriculture puisse y être viable? Il fallaitavant toute chose se familiariser avec un écosystèmedifférent de la majorité des territoires de l’Empire enl’étudiant d’une part, mais en profitant incontestablement

18 « Le Nil, autrefois, roulait une onde salée comme celle de la mer, aurapport de Théophraste. Il est constant que deux années de suite, ladixième et la onzième du règne de Cléopâtre, le Nil ne déborda point,ce qui prophétisait, disait-on, la chute de deux puissances : Antoineet Cléopâtre virent, en effet, crouler la leur. » Sénèque (Quest. Nat.,4. 2. 16)

19 BONNEAU, 1964 ; PRÉAUX, c2002, p. 477-478 et BASLEZ et al., 2004, p. 308-312.Dès l'installation de Ptolémée Lagos en Égypte, des travauxhydrauliques furent entrepris afin d'assurer la productivité agricole.Mais les crues du Nil ne permettaient pas toutes les cultures et dèsPtolémée II Philadelphe (308-246 av. J.-C.), des travaux furentcommandés dans une zone éloignée du Nil, le Fayoum, fourni en eau parle Bahr Yussuf et le Lac Moeris (aujourd'hui le Birket Qarun), quidevint un véritable laboratoire agricole.

d’autre part des savoirs locaux transmis au fil du temps.Avant même de nous intéresser de plus près aux actionsromaines dans ces milieux singuliers, il est nécessaire deles définir rapidement d’un point de vue éco-géographique.

Il nous faut tout d’abord réaliser que le désertlibyque, ou désert occidental d'Égypte, fait partie del'immensité du Sahara et représente l'un de ses secteurs lesplus arides avec moins de 50 mm de précipitations par année.Bien que représentant près des deux tiers du territoireégyptien, seulement cinq zones de ce désert inhospitaliersont habitables depuis l’Antiquité, soit les oasis deKharga, Dakhleh, Farafra, Bahariya et Siwa20. Celles-cipeuvent permettre la présence humaine en raison notamment deleurs riches réserves en eau souterraine, accessiblesuniquement par ces oasis qui sont géologiquement desdépressions situées sous le niveau de la mer21. Pendant l’Antiquité,

une partie de cette eau était de surface et était de ce fait facilement utilisable par le biais des

sources jaillissantes dans les oasis. Mais une grande partie de cette immense nappe phréatique était de

nature artésienne, donc souterraine, et nécessitait une certaine technicité humaine pour pouvoir être

utilisée. Si les Égyptiens de l’époque pharaonique développèrent des stratégies d’adduction très

simples de ces sources jaillissantes basées sur des canalisations de surface, les Perses et les Romains

parvinrent en revanche à atteindre ces eaux souterraines et à les conduire de façon régulée vers les

zones agricoles désirées.

Notons cependant que même si les oasis bénéficiaient de la même source d’eau, leurs

caractéristiques géologiques et lithiques différaient, ce qui impliquait un accès différent à cette

richesse hydraulique. Celles plus au sud (Kharga, Dakhleh et Bahariya) ont effectivement une eau plus douce,

alors que certaines sources de l'oasis de Siwa au nord de l'Égypte sont plutôt salines22. De plus, les eaux

souterraines des deux oasis qui nous intéressent davantage pour cette étude, ne sont pas logées de la

même façon sous la surface. Si dans les deux cas l'eau est capturée dans les grès poreux de Nubie, qui

favorisent de ce fait la capture et la circulation de l'eau souterraine, l'eau dite de surface de

Kharga était plus facile d'accès à flanc de colline, alors que celle de Dakhleh devait être puisée plus

20 Voir l'annexe A.21 Ces dépressions géologiques, qui leur valurent le nom de “ouhat” enlangue égyptienne, soit littéralement “chaudron”, ont été creusées aufil des millénaires par l'action conjointe des vents et des pluies.Elles s'abaissent entre 100 à 250 mètres de profondeur selon les zonesgéologiques. Pour plus de détails, voir ROGNON, 1994, p. 94-95 etHERMINA, 1991, p. 288-291.

22 VIVIAN, 2000, p. 13

en profondeur23. Les oasis d'Égypte étaient donc considérées depuis Hérodote au Ve siècle av. J.-C.,

comme des “iles perdues dans un océan de sable” (Hist., 3. 26 et Strabon, Geo., 17. 791).

Or, les descriptions géographiques comme écosystémiques des oasis d’Égypte restent somme toute

limitées dans les sources littéraires et sont beaucoup plus de nature technique dans les sources

papyrologiques24. Ce sont surtout les historiens et les géographes qui ont cherché à nous décrire, avec

un certain souci d’exactitude, ces lieux éloignés et ce désert perçu comme dangereux et menaçant par

les anciens Égyptiens et plus tard par les chrétiens y ayant été forcés à l’exil. Si nous excluons ces

derniers, qui nous ont donné un point de vue relativement pessimiste teinté par leur situation

personnelle, les auteurs ayant décrit l’environnement désertique et oasien égyptien sont Hérodote,

Strabon, Pline l’Ancien, Diodore de Sicile, Ptolémée et Olympidore de Thèbes. La perception d’îles en

plein désert a été accentuée par le long voyage en partance de la Vallée du Nil à travers des

kilomètres de sable pour atteindre les oasis à l’époque. Ce qui explique entre autres qu’Hérodote ait

parlé de la première au sud, la Grande Oasis (Kharga et Dakhleh), comme étant « l’île des Bienheureux »

(Hist., III, 26), surnom qui restera jusqu’au moins au IVe siècle, puisque notamment reprise par

Olympiodore (FGH, 4, 64, 33). En effet, après un périple dans un désert considéré comme hostile en

raison des vents, des dunes et de la sécheresse25, l’arrivée dans un lieu frais où l’eau était

abondante impressionna tous ces visiteurs étrangers qui s’intéressèrent surtout à décrire cette

présence d’eau fraîche et surtout non salée26. Ces témoignages concordent sensiblement avec ce que les

géographes et les géologues observèrent plus tard et observent encore aujourd’hui. L’intérêt de ces

sources littéraires et des sources papyrologiques réside davantage dans leurs descriptions des

techniques utilisées pour récupérer l’eau des sources ou l’eau souterraine, de même que sur la gestion

administrative de cette eau.

1.2 Comprendre l’héritage technologique des anciens habitants

Mais pour que les techniciens romains aient pucomprendre d’une part l’environnement désertique et oasienprécédemment esquissé et d’autre part les particularismes

23 BOUSQUET, 1996, p. 25-31 ; BOUSQUET et REDDÉ, 1992, p. 281-282 ; BOUSQUET et ROBIN, 2000 ; et WUTTMANN, 2005, p.

88-90.

24 Pour un retour étymologique du mot oasis dans la documentationpapyrologique et littéraire, voir WAGNER, 1987, p. 121-140.

25 Il faut noter aussi qu’une certaine vision de ce désert est égalementinhérente aux descriptions du voyage d’Alexandre le Grand à l’oasis deSiwa après le périple plus malheureux de Cambyse et son armée. Voirégalement AUJAC, 1993, p. 112-120 sur les conceptions de ClaudePtolémée sur les espaces sahariens.

26 Hérodote (Hist, IV, 181-183) mentionne entre autres les blocs de seljonchant surtout les collines et Strabon est l’un des rares à s’êtreintéressé à l’eau saline de l’oasis de Siwa (Geo., I, 3, 4).

des ressources hydrauliques, ils durent étudier nonseulement le terrain, mais aussi ses vestigestechnologiques. Bien qu’ils n’aient eu aucun contact avecles Égyptiens de l’époque pharaonique ou même avec lestechniciens perses qui travaillèrent dans les oasis bienavant eux, les Romains ont pu étudier leurs techniques pourprofiter des nappes d’eau souterraine du désert libyque.Voilà pourquoi nous parlerons d’une transmission« indirecte » des savoirs hydrauliques dans le cas dudéveloppement des milieux oasiens égyptiens. Sans lessavoirs traditionnels transmis depuis l’époque pharaonique,les autorités romaines auraient très possiblement eubeaucoup plus de difficultés à comprendre et surtout àutiliser les eaux souterraines oasiennes.

Habitées depuis le Néolithique, les oasis de Kharga etDakhleh ont été par la suite développées par le pouvoirpharaonique dès l'Ancien Empire (2600 av. J.-C. à 2200 av.J.-C), puisque ces secteurs représentaient des postesfrontaliers et des douanes commerciales importantes dans leréseau de routes caravanières qui se mettait en place dèscette époque27. Si les Égyptiens y ont importé destechniques d'irrigation et de réservation de l'eau, leshabitants des oasis à l'époque pharaonique semblent, à lalumière des recherches actuelles, avoir uniquement utilisél'eau jaillissante des sources souterraines. Lorsque lesPerses conquirent l'Égypte au VIe siècle av. J.-C., le paysvit immigrer des spécialistes de la gestion de l'eau enmilieu désertique et ces derniers s'intéressèrent aux oasis,notamment à celles de Kharga et Dakhleh, où ilsdéveloppèrent les systèmes des qanâts. En effet, lesrécentes découvertes archéologiques réalisées en Égypte tendentà démontrer une très rapide intégration de la satrapieégyptienne au commerce fort actif de l’Empire perse des VIe-IVesiècles av. J.-C., possiblement en raison de l’heureusesituation de ces zones frontalières au cœur d’un réseaugrandissant de routes caravanières africaines28. Or, cetteintégration nécessita une agriculture de qualité et variée27WAGNER, 1987, p. 140-146 et VALLOGIA, 2004, p. 35-40.

et le climat chaud et sec des oasis, jumelé à la possibilitéd’y contrôler les arrosages, a selon toute probabilitéincité les Perses à y développer des systèmes hydrauliquespermettant d’avoir accès à l’eau non jaillissante, enl’acheminant à l’aide de ce système novateur du qanât, quiconsistait en des tunnels creusés à même une colline afind’atteindre les réserves aquifères qui s’y trouvaient. Cestunnels étaient creusés de façon à être légèrement en pente parrapport à la colline, permettant ainsi de transporter l’eauvers des canalisations par l’effet de gravité29.

Le manque de sources documentaires, leur nature trèsfragmentaire et surtout le manque de données archéologiques,nous empêche de nous prononcer pour le moment sur lesstratégies d’adaptation ptolémaïque au milieu oasien. Parailleurs, les efforts déployés par cette longue dominationpolitique au Fayoum peuvent nous laisser penser qu’ils ontégalement contribué dans une certaine mesure au développementhydraulique et agricole des oasis de Kharga et Dakhleh, quiatteignit cependant son paroxysme à l’époque romaine. En regardde ce que nous avons expliqué quant au projet augustéen pourl’Égypte, c’est sans surprise que grâce à l’archéologie30, nouspouvons constater que l’armée et les premiers techniciensromains arrivèrent dans les oasis de Kharga et Dakhleh dès lafin du Ier siècle av. J.-C. Administrativement, elles étaientliées à l’Égypte depuis l’époque pharaonique, comme lementionne entre autres Strabon (Geo.,17. 5) qui parle des mêmeslimites administratives que celles des Ptolémées. Strabon estincontestablement un témoin important des premiers travauxde développement du pays et des zones périphériques commeles oasis. Fin observateur des politiques romaines dans lesprovinces, mais aussi et surtout des caractéristiquesgéographiques et environnementales de ces dernières, il nousconfirme que l’administration romaine, lorsqu’elle

28 WUTTMANN et MARCHAND, 2005, p. 99-117 ; WUTTMANN et al., 2005 et LIGHTFOOT,2006.29 BOUSQUET, 1996, p. 166-174 ; HODGE, 2000, p. 19-23 et SCHACHT, 2003, p.413-422.30 Voir les résumés de Jackson, 2002, p. 200-213 et Thurston, 2003, p. 216-219.

s’installait sur un nouveau territoire, était généralementbien renseignée sur ses caractéristiques éco-géographiques.

Notons que selon le point de vue romain qui considéraitla vie citadine et par conséquent civilisée comme un idéal, ledésert et sa nature indomptable représentaient l'antithèse dela possibilité d'une vie agréable. À moins de connaîtresuffisamment le désert pour s'y adapter et surtout pour lemaîtriser. Bien qu'il n'ait point écrit sur les oasiségyptiennes, Columelle (De Agr., 4) explique bien cette volontéromaine de bien connaître et comprendre les espaces agricolesafin d'en augmenter la productivité, un apprentissage qui necessait de se parfaire au fil des générations et qui peutexpliquer la conquête du désert occidental et la migration detechniciens romains dans ces lieux isolés, eux qui possédaientle savoir leur permettant de s'adapter aux particularitésoasiennes, mais aussi d'adapter ces particularités à leursbesoins lorsque possible.

Strabon et Pline l'Ancien (Hist. Nat., 13, 63-64) nousdémontrent de leur coté que l'administration romaine qui migraen Égypte connaissait non seulement l'existence de ces oasishabitables, mais avait dès le départ réalisé l'importance deses réserves en eau et de ce fait des possibilités agricoles.Strabon (Geo., 17, 42), affirme en effet que lorsqu'il visital'Égypte, soit quelques années après l'annexion de ceterritoire à l'Empire romain, la Grande Oasis (soit Kharga etDakhleh réunies)31, située près d'Abydos mais au moins à septjours de marche dans le désert, était déjà un centre depopulation important, ce qui s'expliquait par l'abondance deses eaux et la fertilité de son sol, qui se prêtait bien à laculture de la vigne. Conscients du climat désertique et desréserves en eau artésienne qui pouvaient permettre un arrosagecontrôlé des cultures sans la crainte de bonnes ou mauvaisescrues du Nil, les techniciens romains furent envoyés dans lesoasis afin d'y augmenter la superficie cultivable en gagnant uncombat contre le désert.

31 Bien que différentes d'un point de vue géologique, selon ladocumentation administrative de l'Égypte romaine, les oasis de Khargaet Dakhleh ont été considérées comme une même zone administrativejusqu'au IVe siècle de notre ère, soit juste avant les réformesdioclétiennes. Voir WAGNER, 1987, p. 113-114 et p. 262-266 et JACKSON,2002, p. 163.

Après les connaissances de base sur l'environnement oasien, ledeuxième défi de l’implication romaine dans ces milieux futdonc d'ordre technique. Les Romains eurent à adapter leurssystèmes hydrauliques performants aux nappes souterraines dudésert libyque, ce qui associe dans ce contexte très précis ledéveloppement agricole et économique à la transmission dessavoirs techniques.

II- Maîtriser, gérer et préserver les ressources hydrauliquesdes espaces oasiens, un défi technique ou économique?

En effet, le passage de l'armée, des techniciens et desmembres de l'administration romaine de l'Italie à l'Égypte,puis dans les oasis du désert occidental, ne put se fairesans une certaine adaptation des connaissances hydrauliquesromaines aux particularismes de l'environnement oasien. Siles techniciens romains ont atteint au cours de l'Antiquitéune maîtrise admirable de la gestion de l'eau que ce soitquant à son accessibilité, son transport, ou même sa qualitécomme en font foi les travaux de Frontin (De Aqua., 4. 94-99)32 ils eurent néanmoins à comprendre l'eau en milieudésertique afin d'être par la suite en mesure de la déplacerlà où ils le désiraient.

Et c’est ici que réside le plus grand défi techniqueromain dans le contexte précis du développement des oasiségyptiennes : parvenir à déplacer de l’eau, principalementlogée à plusieurs mètres dans le sol, pour pouvoirl’utiliser dans des zones agricoles bien définies.Contrairement aux crues du Nil, dont les eaux fertilisantespouvaient être assez aisément conservées dans des bassins,l’eau de nature artésienne allait devoir être déplacée parpression. Les techniciens romains maîtrisaient certes trèsbien la technologie des aqueducs depuis le Ier siècle denotre ère, de même que celle des pompes hydrauliques, maisdans ce contexte très précis, il fallait non seulementdévelopper des méthodes de récupération de l’eau souterraineselon la géologie des différents secteurs oasiens (plaines,32 Voir aussi HODGE, 2000, p. 8-17.

tells, collines, dénivellations, etc.), mais aussi trouverdes moyens de puiser l’eau logée dans les roches-magasinpour ensuite parvenir à la distribuer parfois sur de longuesdistances.

2.1 Savoir perse jumelé au savoir romain pour une meilleure adaptation àla réalité hydrogéologique

Lorsqu'ils arrivèrent dans les oasis de Kharga etDakhleh, les Romains purent dans un premier temps bénéficierdes travaux qui avaient été réalisés avant eux par lespouvoirs pharaonique, perse et selon toute vraisemblance,ptolémaïque. Comme nous l'avons mentionné précédemment, nousdevons tenir compte du fait que le développement agraire desoasis avait commencé avant l'arrivée du pouvoir romain enÉgypte. Si la migration d'une administration romaine et detechniciens romains vers ces régions fut synonymed'adaptation à la réalité environnementale oasienne, cettedernière s'est sans conteste réalisée par l'étude et lacompréhension des techniques utilisées par leursprédécesseurs afin d'utiliser l'eau souterraine et d'assurerla productivité agricole dans les oasis. Les récentesfouilles archéologiques, mais aussi les études géologiques,menées par les équipes de l'IFAO et du Dakhleh Oasis Project,nous démontrent d'une part que les caractéristiquesgéologiques de Kharga et Dakhleh diffèrent et que lesRomains ont su d'autre part adapter leurs systèmeshydrauliques à ces différences. En effet, si l'eausouterraine des deux oasis provient du réservoir d'eaufossile du désert occidental, qui s'étend sur près de 2millions de km2, à Dakhleh l'eau était accessible par lessorties artésiennes, alors qu'à Kharga, elle était logéeplus en profondeur, mais souvent dans des monticules plushaut que les plaines agricoles et pouvait ainsi êtreextraite par le biais de la gravité33.

Le fait qu'ils aient favorisé le développement de cesdeux oasis avant celles plus au nord34 est aussi untémoignage de leur capacité à étudier et comprendre la33 BOUSQUET, 1996, p. 10-11 et WUTTMANN, 2005, p. 167-169.

gestion de l'eau en milieu désertique : en raison desdifférences lithiques dans le désert occidental d'Égypte, laqualité de l'eau artésienne varie selon les oasis. Bien quenous ne possédions aucun document nous expliquant commentles techniciens hydrauliques romains ont compris cesparticularités, nous pouvons voir aujourd'hui, par lesvestiges de leurs systèmes d'irrigation et de réservation del'eau oasienne, qu'ils ont modifié et adapté leurscanalisations et moyens de déplacer l'eau selonl'accessibilité de cette dernière. Ils privilégièrent de cefait les puits artésiens dans l'oasis de Dakhleh de façon àatteindre directement, par pression, la nappe souterraine etils réutilisèrent, allongèrent et modifièrent les systèmesde qanâts perses dans l'oasis de Kharga, plusparticulièrement dans les secteurs de Tell Douch et AynManawir, en les jumelant entre autres à des puitsartésiens35.

Nous utiliserons ici une expression esquisséebrièvement par Michel Reddé et Bernard Bousquet quimentionnent dans un tel cas un système hybride36, que nousdéfinissons très précisément comme la récupération d’unsystème déjà mis en place par une autre administration(perse) et modifié avec ajouts techniques si nécessaires parl’administration suivante dans un souci d’amélioration etpar conséquent d’efficacité accrue. Les puits artésienspermettaient d'avoir un accès direct aux sources souspression et cette eau était ensuite déviée vers des canauxqui atteignaient les parcellaires et les fermes, ou des34 Bien que de récentes recherches illustrent de mieux en mieux la viedans les oasis de Farafra, Bahariya et Siwa, ces dernières semblentavoir connu un développement hydraulique et conséquemment agricoleessentiellement à l’époque romaine, alors que celui de Kharga etDakhleh avait commencé dès la première période intermédiaire. SAKR,1998, p. 35 et VIVIAN, 2000, p. 63. Une inscription du règne du pharaonAménophis Ier laisse cependant croire qu’un gouverneur a résidé àBahariya dans un objectif de surveillance des intérêts du pouvoirpharaonique. Voir à cet effet la mention de GIDDY, 1987, p. 162.

35 Voir à cet effet WUTTMANN, 2001, p. 441-448 et à titre de comparaison,les vestiges romains de la vallée de l’Arabah tels qu’expliqués parGENTELLE, 2009, p. 141-142.

36 REDDÉ ET BOUSQUET, 1992, p. 75 et BOUSQUET, 1996, p. 11.

bassins de réservation, de façon à avoir une réserve d'eaud'irrigation pour arroser selon les besoins des différentescultures. Ce système a notamment permis aux Romainsd'agrandir les espaces cultivables dans l'oasis de Dakhleh,où plus de 420 vestiges de puits ont été mis au jour, et degagner ainsi des terres arables sur le désert37. Les qanâts des systèmes de galeries drainantes en pente qu’ilsmodifièrent donc en y annexant parfois des puits artésienset des réservoirs permettaient quant à eux l’accès àl’eau logée à flanc de collines et un transport par gravitévers des canalisations qui atteignaient les parcellaires etles champs38. Les récents travaux de l’IFAO dans le secteurd’Ayn Manawir dans l’oasis de Kharga tendent à démontrer queles Romains ont cherché à s’adapter à une autreparticularité de l’eau artésienne au gré de leursdéveloppements agricoles dans les oasis, soit la possibilitéque certaines sources se tarissent. En effet, les récentesanalyses effectuées sur les qanâts 3 et 4 de ce secteur ontrévélé des modifications dans les tronçons de transport del’eau, de façon notamment à leur faire suivre la nappe d’eauau gré de son assèchement39. Mais au-delà de quelquespreuves matérielles, la documentation papyrologique desoasis mais aussi de régions voisines comme le Fayoum, vientrenforcer l’idée d’une certaine conscience des dangersassociés à la gestion de l’eau en milieu désertique par lesautorités romaines, ou du moins nous montre une partie decette réalité pour les habitants de localités aux prisesavec des problèmes de gestion de l’eau. Faute dedocumentation directe sur le sujet, nous devons cependantrester prudents dans nos interprétations: réaliser unphénomène graduel de tarissement et d’assèchement d’unesource d’eau ne signifiait en aucun cas une forme deconscientisation au fait qu’il puisse s’agir d’uneconséquence de l’utilisation humaine de la ressource.

37 VIVIAN, 2000, p.1438 REDDÉ et BOUSQUET, 1992, p. 73-76 et VIVIAN, 2000, p. 13-14.39 REDDÉ et BOUSQUET, 1992, p. 80, WUTTMANN, 1998, 412-422 et 2005, p. 167-174.

2.2 Vers un constat de la fragilité des systèmes face à la désertification?

Encore plus qu’ailleurs en raison de la marginalité dumilieu, le bon fonctionnement des domaines agricoles qui furentdéveloppés au cours des trois premiers siècles de notre ère etauxquels nous nous intéresserons subséquemment, était assuré àprime abord par une bonne gestion de l’eau des systèmeshydrauliques (entretien, mais aussi assurer le transport del’eau). Le problème de tarissement est entre autres perceptibledans certains documents administratifs romains comme le B.G.I.3018, aussi surnommé “Wells of Hibis” depuis sa premièreanalyse (et la plus exhaustive jusqu’à aujourd’hui) au toutdébut des années 1970 par P. J. Parsons40. Faisant écho auxécrits de Frontin sur la surveillance des aqueducs, ces neuftablettes de bois inscrites à l’encre sont en fait unrapport d’évaluation du fonctionnement de 86 systèmeshydrauliques (hydreumata) d’un secteur de la ville d’Hibisdans l’oasis de Kharga, rédigé de 246 à 249 de notre ère parl’amphodarque, soit le superviseur des systèmes hydrauliquespour l’administration romaine. Dans ce document, leshydreumata font selon nous référence aussi bien à un systèmede qanâts standard, soit des galeries drainantes surmontéesde puits pour assurer le nettoyage, qu’à des systèmeshybrides de qanâts, puits, canaux et réservoirs. Bienqu’incomplet, ce document illustre clairement que dessystèmes de qanâts à cette époque n’assuraient plusl’irrigation de certaines parcelles de terre pourdifférentes raisons : soit l’eau ne s’écoulait plus et étaitdevenue par conséquent stagnante dans les canaux (peut-êtrepar manque d’entretien), soit des terres agricoles étaientdéclarées non productives par manque d’eau, témoignant aussid’une mal-fonction des puits ou des qanâts. Ces problèmespourraient aussi être attribuables à un ensablement plusconstant des installations, qui lui est notammentperceptible dans les vestiges de maisons fouillées jusqu’à

40 Voir PARSONS, 1970. Cet article est demeuré l’un des rares às’intéresser à ces tablettes au sujet bien précis, surtout pour lesannées 1970, alors que les fouilles dans les oasis en étaient à peineà leurs premiers balbutiements.

présent davantage du côté de l’ancienne Kellis (Ismant el-Kharab) à Dakhleh, qui démontrent la construction de murspour protéger les résidences de l’avancée du sable et celaavant l’abandon du site41. Pour comprendre ce phénomènepossible de désertification à cette époque et qui sembleavoir considérablement nuit à l’administration romaine danssa stratégie de gestion de l’eau, nous pouvons suivre lesdifficultés dans d’autres secteurs égyptiens. Nous savonseffectivement qu’au IIIe siècle de notre ère, époque derédaction de ce rapport, et surtout au début du IVe siècle,plusieurs régions égyptiennes semblent avoir éprouvé desproblèmes en lien avec l’approvisionnement en eau.

C’est, entre autres, le cas dans le Fayoum, régionpériphérique de la Vallée du Nil, où plusieurs papyriretrouvés sont en fait des documents de contestationsd’habitants de divers villages de ce secteur, se plaignantspécifiquement d’un manque d’eau ou de taxation sur desterres non-irriguées car les canalisations étaient bouchées.Pensons ici à quelques exemples connus et révélateurs quesont les P. Sakaon, 33, 35 et 44. Ces trois documentsconcernent les problèmes d’alimentation en eau de plusieursterres agricoles du village de Theadelphia à l’aube du IVe

siècle de notre ère. Dans son importante étude sur cevillage fayoumique publiée en 1991, D. Rathbone relativisaitbeaucoup l’idée d’une économie de type primitive en Égypte àl’époque romaine. En se basant sur l’étude d’un granddomaine foncier égyptien, soit le domaine d’Appien, ilconcluait à l’aide de ces documents et de l’apparent abandonde plusieurs localités voisines de cette partie du Fayoum42,que les problèmes de ce village et des domaines agricoles,étaient attribuables à un amalgame de facteurs. Cesproblèmes semblent avoir été déclenchés par une défaillancedes systèmes hydrauliques dans les villages du sud qui, parmanque de surveillance et de gestion de la part des41 À cet effet, voir plus particulièrement JACKSON, 2002, 204 et 212 ;THURSTON, 2003, 232-238 et HOPE, 2002 et 2003 (rapports de fouilles deces secteurs).

42 Confirmé depuis par les travaux notamment à Soknopaiou Nesos et àKaranis À titre indicatif, voir SHARP, 1999 ; RÖMER, 2004 et CAPASSO,2007.

autorités, auraient provoqué une série de difficultésculminant avec la fin des activités de ces domaines pourcause de sécheresse et de problèmes économiquesimportants43. Depuis la parution de l’ouvrage de D.Rathbone, les recherches archéologiques et les étudespapyrologiques et historiques ont permis de confirmer enpartie cette thèse44, même si les causes exactes de la findes activités des domaines agricoles demeurent encore malcomprises. Chose certaine, à la fin du IIIe siècle et aucours du IVe siècle de notre ère, plusieurs secteurs enmarge du désert égyptien, mais aussi tunisien45, semblentavoir éprouvé à divers degrés des problèmes d’entretien dessystèmes hydrauliques, des problèmes de gestion de laressource en eau et conséquemment des difficultés agricoleset donc pour de telles régions, économiques.

Pour reconstituer en partie l’histoire du développementdes oasis égyptiennes, ce croisement des données, que nousvenons d’esquisser très brièvement peut venir étayer unedocumentation très fragmentaire et nous aider à créer uncorpus de références plus solide.

Un peu à l’image du domaine d’Appien au Fayoum, lesfouilles dans l’antique village de Kellis ont permis auxéquipes du Dakhleh Oasis Project de mettre au jour un livre decomptes d’un domaine foncier qui témoigne de l’existence dedomaines agricoles productifs dans les oasis au cours despremiers siècles de notre ère. Une toute petite preuve,néanmoins de grande valeur, des résultats obtenus par lesautorités romaines dans une optique de développementéconomique des oasis.

2.3 La gestion d’un développement agricole et économique complexifiéepar la marginalité du milieu

Dès le début de l’époque impériale, les mesures dedéveloppement des oasis semblent s’être révéléesd’envergure, car si nous en croyons Strabon (Geo., XVII, 42)

43 RATHBONE, 1991, 406-409. 44 Voir supra, note 40, de même que FERRON, 2005, 127-133.45 MATTINGLY, 1988 et 1997.

lorsqu’il visita l’Égypte quelques années après l’annexionde ce territoire à l’Empire romain, la Grande Oasis étaitdéjà un centre de population important, ce qui s’expliquaitselon lui par l’abondance de ses eaux et la fertilité de sonsol, qui se prêtait bien à la culture de la vigne. Proposque corroborera Pline l’Ancien (Hist. Nat., XIII, III, 63-64)par la suite, s’extasiant notamment sur la grande qualitédes huiles d’olive oasiennes, qui étaient reconnues partouten Égypte et même en Méditerranée. Une autre descriptionélogieuse quant à la richesse agricole des oasis revient àla fin de l’époque romaine avec Olympiodore de Thèbes, unhistorien grec habitant la région thébaine, qui visita laGrande Oasis à l’aube du Ve siècle et qui la décrivit commeun lieu au climat fort agréable, où les malades comme lesépileptiques se rendaient entre autres pour la qualité del’air et qu’il était possible d’obtenir parfois jusqu’àtrois récoltes par année, grâce aux puits qui permettaientl’irrigation des champs46.

Ces sources littéraires grecques, jumelés à quelquespapyri47 de même qu’aux découvertes archéologiques réaliséessur les sites des deux oasis, nous démontrent dans unecertaine mesure qu’entre le Ier et le Ve siècle de notre ère,le pouvoir romain a fait des oasis des zones agricoles etd’habitation intéressantes pour les propriétaires terriensgrecs et romains. Au point où certains d’entre euxdécidèrent d’y développer des domaines agricoles comme dansla Vallée du Nil, ce dont témoigne une source importantepour nous, le livre de compte de Kellis.

Découvert en janvier 1988, ce document fort rare et entrès bon état est un codex de feuilles de bois reliées, sur46 En voici un extrait : « Il dit que le climat y est bon et nonseulement n’y a-t-il aucun épileptique, mais ceux qui arriventd’ailleurs sont guéris de leur maladie en raison de la qualité del’air. Il parle de la quantité impressionnante de sable à cet endroitet nous dit que les puits, creusés parfois à une profondeur deux,trois et parfois cinq coudées, verse de l’eau par leurs ouvertures. »Olympiodore de Thèbes, (FHG, 4. 64.)

47 Comme les P. Giessen 9, 2-4 et P. Oxy 2983 qui font mention de voyagescommerciaux vers la Grande Oasis, ou le PUG 20, qui concerne un groupede commerçants qui désirent créer une société de transport commercialen s’associant notamment avec les Môhites de Dakhleh.

lesquelles se trouvent la comptabilité relative à des terresd’un domaine agricole des oasis de Kharga et Dakhleh audébut des années 360 de notre ère. Surnommé le Kellis AgriculturalAccount Book, ou KAB, il a depuis été retranscrit et traduitpar le papyrologue R. Bagnall48. Que peuvent révélerquelques pages de comptabilité sur l’histoire des oasisd’Égypte à l’époque romaine, outre certaines transactionscommerciales et obligations fiscales ? Étudiées dans lecontexte de l’intégration de l’Égypte et des oasis àl’Empire romain, ce document devient une source qui dépassela simple documentation comptable.

Le P. Kell. IV Gr. 96, ou KAB, a été trouvé dans lesdécombres d’une maison de l’antique village de Kellis, siteaujourd’hui appelé Ismant el-Kharab et étant situé dans lesecteur centre-sud de l’oasis de Dakhleh. Le village deKellis, lié administrativement au nome Mohite, a en effetété abandonné en partie à la fin du IVe siècle de notre èreet plusieurs maisons et bâtiments ont été rapidementensevelis sous les sables, ce qui a en quelque sorte assuréleur préservation. Les données figurant sur ces pages sur untotal de 1784 lignes, ont selon toute vraisemblance étérédigées par la même personne entre 361 et 364 dans un stylesemi-cursif49 et concernent globalement les revenus, lesdépenses et quelques transactions d’un domaine agricole dontcertaines terres, mais aussi des entrepôts, se trouvaient àKellis dans l’oasis de Dakhleh. En ce qui concerne lespaiements dus au domaine, le KAB nous démontre qu’ilsétaient versés, pour une grande majorité, en produitsagricoles plutôt qu’en argent. Nous y trouvons effectivementde nombreuses mentions de paiements entre autres en blé, enorge, en coton, en poulets, en figues, en dates, en huiled’olive et en vin50.

48 BAGNALL, 1997.49 Voir l’annexe B.50 Les mesures pour ces produits respectent les standards de l’Égypteromaine, soit en artabes avec leur équivalent en matia pour les céréales,soit généralement 1/10ème d’une artabe, bien que cette règled’équivalence varie parfois dans le KAB, sans que l’on comprennepourquoi pour le moment. Pour les liquides, les mesures sont indiquéesen xestes ou sextarii.

Ce document nous prouve dans un premier temps qu’àl’instar d’autres régions d’Égypte, des propriétairesterriens romains, ici un certain Faustianus, s’étaientconstitués d’importants domaines agraires dont les terresétaient réparties au sein de plusieurs nomes. Le KAB nousrévèle effectivement que Faustianus résidait dans la villed’Hibis dans l’oasis de Kharga, mais que son domaine étaitconstitué de terres étant également situées dans l’oasis deDakhleh, entre autres à Kellis. Comme il ne pouvaits’occuper personnellement de toutes ses terres, desadministrateurs surveillaient la productivité, les échangeset les paiements associés à ses parcellaires plus éloignés.Bien que le KAB ne nous fournisse guère plus d'informationsur le propriétaire du domaine, il met en évidence plusieursmembres du personnel associés aux terres de Kellis et dansd'autres districts environnants.

Si les terres du domaine de Faustianus semblent avoirété concentrées dans les oasis de Kharga et Dakhleh, leurgestion paraît avoir elle aussi été divisée en unitésadministratives, dont les terres associées au KAB nereprésentèrent qu’une petite partie. Cet aspect tend àdémontrer que le domaine de Faustianus au IVe siècle étaitsomme toute important, puisque de nombreuses terres étaientlouées à des tenanciers, qui fournissaient le domaine endiverses cultures et même en produits dérivés comme l’huiled’olive et le vin. Ces transactions nécessitaient une main-d’œuvre composée de plusieurs agents d’unité; le KAB faitpar ailleurs mention de trois d’entre eux en plus del’auteur du document, et possiblement de sous-administrateurs et petits exécutants comme pour le domained’Appien étudié par D. Rathbone51.

Bien qu’aucun autre document de ce type n’ait été trouvéjusqu’à présent, il existe en revanche beaucoup de reçusd’échanges entre les domaines de la Grande Oasis ou avec descommerçants des routes caravanières africaines et cesdonnées nous amènent à voir le KAB comme une vitrine del’aboutissement du plan de développement oasien du pouvoirromain. Mais comme pour le Fayoum, le bon fonctionnement des51 Supra, p. 13 et RATHBONE, 1991.

ces domaines (et encore plus qu’ailleurs en raison de lamarginalité du milieu) était assuré avant tout par une bonnegestion des systèmes hydrauliques permettant de contrôlerl’arrosage des cultures. Comme pour Theadelphia, une grandepartie de Kellis semble avoir été abandonnée dès la fin duIVe siècle et les données archéologiques recueillies jusqu’àprésent nous laissent penser que ces abandons furent enpartie attribuables à l’avancée de la ceinture désertique etdes difficultés à assurer l’acheminement de l’eau vers lesparcellaires52.

III- Quelques pistes de réflexions et perspectives derecherche

Cette étude sur le processus de développement des oasisde Kharga et Dakhleh par les autorités romaines dans uncontexte environnemental très particulier, basé sur tessources très fragmentaires, se veut avant tout un essaiméthodologique. En effet, cerner l’histoire de cedéveloppement avec un corpus de sources caractérisé par soncôté hétéroclite en terme de types de données, pose toutd’abord un défi de croisement d’informations très éparses.Mais ce n’est pas parce qu’un corpus manque de consistancequ’on doit d’éviter d’aborder certains sujets pourtantfondamentaux. En effet, le dernier colloque de l’IFPO surles stratégies d’acquisition de l’eau, les vestigesarchéologiques de systèmes hydrauliques (bien qu’il ne nousreste que ce qui a survécu au temps), ainsi que que lesdonnées environnementales, peuvent désormais nous fournirdes informations précieuses pour reconstituer ce genred’histoire liée aux milieux arides et semi-arides53.

Cette analyse à nos yeux concluante, nous a notammentpermis de comprendre que le pouvoir romain a pu développerl’agriculture et parallèlement le commerce dans la GrandeOasis grâce à la transmission indirecte des savoirs des52 REDDÉ, 1990, p. 287 ; BOUSQUET, 1996, p. 152 ; ABEL GHANI, 1998 (visionmoins negative de la situation) ; HOPE, 2003, p. 275-289 et THURSTON,2003, p. 232-238 ; REDDÉ, 2004 et WILSON, 2006, p. 227-234.

53 Voir notamment MOUTON, 2009, 7, de même que tout l’article de GENTELLE sur Pétra, 2009, 133-148.

Égyptiens et des Perses d’une part, puis par l’adaptationdes savoirs et techniques hydrauliques des Romains auxmécanismes déjà sur place. Le processus d’apprentissage,d’adaptation et de développement du pouvoir romain pourfaire de la Grande Oasis un lieu propice à une agriculturecommerçable, nous démontre entre autres que les autoritésromaines possédaient une forme de conscienceenvironnementale, dans le sens où la connaissance du mondedésertique et des particularités de l’eau souterrainepouvait contribuer à leur maîtrise (du moins en partie),pour favoriser l’économie agricole, démontrée notamment parle Kellis Agricultural Account Book.

L’archéologie, les données hydrogéologiques et lessources papyrologiques viennent cependant nous démontrerqu’à partir du IVe siècle, tant dans les oasis qu’au Fayoum,la conjoncture des facteurs administratifs, politiques etéconomiques en Égypte et dans l’Empire, jumelés au constantphénomène de désertification du désert Libyque, a contribuéà des difficultés croissantes dans la gestion de cetimposant système hydraulique local et éloigné des grandscentres administratifs et politiques. En effet les systèmesdéveloppés dans les oasis nécessitaient une surveillance etun entretien constant pour éviter l’ensablement etconséquemment le manque d’eau pour les cultures. Certainsvillages de la Grande Oasis, à l’instar du Fayoum, n’ont pusurvivre dans ce contexte et leur population futconséquemment contrainte de se déplacer là où l’eau étaitplus facile d’accès, permettant au désert de figer dans letemps un pan de l’histoire oasienne égyptienne54.

Mais pour véritablement reconstituer cette histoire dudéveloppement des oasis d’Égypte dans le contexte del’intégration de cette province à l’Empire, nous devonsmaintenant nous pencher sur les démarches administrativesqui ont permis de faire de ces milieux des zones agricolesprospères pendant plus de trois siècles et qui peuvent venir54 Nous devons cependant rester très prudents car certains secteursn’ont pas été complètement abandonnés, d’autres ont été occupés ànouveau après quelques décennies et l’agriculture oasienne n’a jamaiscomplètement cesser d’exister, ni même un certain commerce à l’époquebyzantine. Voir entre autres ABEL GHANI, 1998.

expliquer un certain succès romain en ce sens, malgré lamenace constante de la désertification. Cette deuxième étapenous permettra entre autres de mieux comprendre comment lesautorités romaines se sont représenté les zones oasiennes etcomment elles ont développé des mécanismes de partage del’eau d’irrigation, un aspect de grande importance dans lesmilieux agricoles situés en régions arides.

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