Acides gras trans et conjugués : origine et effets nutritionnels

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VII e Symposium nutrition «Lintervention nutritionelle » : de la prévention à la thérapeutique Brest, 8 novembre 2006 Acides gras trans et conjugués : origine et effets nutritionnels Trans and conjugated fatty acids: origins and nutritional effects Jean-Michel Chardigny a,c, * , Corinne Malpuech-Brugere b,c a Inra, UMR1019, 63000 Clermont-Ferrand, France b Université de Clermont-I, UMR1019, 63000 Clermont-Ferrand, France c CRNH dAuvergne, 63000 Clermont-Ferrand, France Disponible sur internet le 23 mars 2007 Résumé Les acides gras trans (en particulier les formes 18:1) et les acides gras conjugués (ou CLA) ont deux origines. La première est commune aux deux familles. Il sagit de lhydrogénation bactérienne qui existe dans le rumen des espèces animales concernées. La seconde origine est une origine technologique, par des transformations des huiles végétales en vue de la modification de leurs propriétés physicochimiques (acides gras trans) ou de la production spécifique de composés (CLA). Les acides gras trans dorigines technologiques sont clairement associés à une aug- mentation du risque cardiovasculaire. En revanche, les effets des acides gras trans issus de la biohydrogénation ruminale sont encore mal connus, mais les données épidémiologiques suggèrent un effet plus neutre. Concernant les CLA, des résultats bénéfiques ont été décrits sur des modèles animaux (cancer, maladies cardiovasculaires, composition corporelle). Toutefois, des effets délétères majeurs sont associés à la consommation dun des isomères dorigine technologique, ce qui plaide en défaveur de toute complémentation de lalimentation humaine. Les effets de lisomère naturel semblent plus neutres, voire bénéfiques. © 2007 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Abstract Trans fatty acids (mainly 18:1 isomers) and conjugated fatty acids (CLA) have two major origins. The first one for both families is ruminal biohydrogenation, which takes place during digestion in ruminants. The second origin is industrial technologies, i.e. vegetable oil processing in order to modify physicochemical properties (trans fatty acids) or specific production (conjugated fatty acids). Industrially produced trans fatty acids are clearly associated with an increase of cardiovascular risk. On the other hand, specific effects of rumen-derived trans fatty acids are less documented, but epidemiological data do not suggest strong adverse effects. Considering CLA isomers, beneficial results have been reported in animal models (cancer, cardiovascular risk, body composition). However, adverse effects are clearly associated with the intake of a specific industrially produced isomer, which clearly supports that no supplementation of food is suitable. The effect of the natural isomer seems at least neutral of beneficial. © 2007 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Mots clés : Acides gras trans ; Risque cardiovasculaire ; Huiles végétales Keywords: Trans fatty acids; Vegetable oils; Cardiovascular risk http://france.elsevier.com/direct/NUTCLI/ Nutrition clinique et métabolisme 21 (2007) 4651 * Auteur correspondant. UMR 1019 de nutrition humaine, 58, rue Montalembert, BP 321, 63009 Clermont-Ferrand cedex, France. Adresse e-mail : [email protected] (J.-M. Chardigny). 0985-0562/$ - see front matter © 2007 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.nupar.2007.01.008

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http://france.elsevier.com/direct/NUTCLI/

Nutrition clinique et métabolisme 21 (2007) 46–51

VIIe Symposium nutrition – « L’intervention nutritionelle » :de la prévention à la thérapeutique – Brest, 8 novembre 2006

Acides gras trans et conjugués : origine et effets nutritionnels

Trans and conjugated fatty acids: origins and nutritional effects

Jean-Michel Chardignya,c,*, Corinne Malpuech-Brugereb,c

a Inra, UMR1019, 63000 Clermont-Ferrand, FrancebUniversité de Clermont-I, UMR1019, 63000 Clermont-Ferrand, France

cCRNH d’Auvergne, 63000 Clermont-Ferrand, France

Disponible sur internet le 23 mars 2007

Résumé

Les acides gras trans (en particulier les formes 18:1) et les acides gras conjugués (ou CLA) ont deux origines. La première est commune auxdeux familles. Il s’agit de l’hydrogénation bactérienne qui existe dans le rumen des espèces animales concernées. La seconde origine est uneorigine technologique, par des transformations des huiles végétales en vue de la modification de leurs propriétés physicochimiques (acides grastrans) ou de la production spécifique de composés (CLA). Les acides gras trans d’origines technologiques sont clairement associés à une aug-mentation du risque cardiovasculaire. En revanche, les effets des acides gras trans issus de la biohydrogénation ruminale sont encore mal connus,mais les données épidémiologiques suggèrent un effet plus neutre. Concernant les CLA, des résultats bénéfiques ont été décrits sur des modèlesanimaux (cancer, maladies cardiovasculaires, composition corporelle). Toutefois, des effets délétères majeurs sont associés à la consommationd’un des isomères d’origine technologique, ce qui plaide en défaveur de toute complémentation de l’alimentation humaine. Les effets del’isomère naturel semblent plus neutres, voire bénéfiques.© 2007 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Abstract

Trans fatty acids (mainly 18:1 isomers) and conjugated fatty acids (CLA) have two major origins. The first one for both families is ruminalbiohydrogenation, which takes place during digestion in ruminants. The second origin is industrial technologies, i.e. vegetable oil processing inorder to modify physicochemical properties (trans fatty acids) or specific production (conjugated fatty acids). Industrially produced trans fattyacids are clearly associated with an increase of cardiovascular risk. On the other hand, specific effects of rumen-derived trans fatty acids are lessdocumented, but epidemiological data do not suggest strong adverse effects. Considering CLA isomers, beneficial results have been reported inanimal models (cancer, cardiovascular risk, body composition). However, adverse effects are clearly associated with the intake of a specificindustrially produced isomer, which clearly supports that no supplementation of food is suitable. The effect of the natural isomer seems atleast neutral of beneficial.© 2007 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Mots clés : Acides gras trans ; Risque cardiovasculaire ; Huiles végétales

Keywords: Trans fatty acids; Vegetable oils; Cardiovascular risk

* Auteur correspondant. UMR 1019 de nutrition humaine, 58, rue Montalembert, BP 321, 63009 Clermont-Ferrand cedex, France.Adresse e-mail : [email protected] (J.-M. Chardigny).

0985-0562/$ - see front matter © 2007 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.doi:10.1016/j.nupar.2007.01.008

Fig. 3. Position de la double liaison trans sur la chaîne carbonée selon lessources.

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1. Introduction

Dans la nature, la majorité des acides gras insaturés sont deconfiguration cis (Fig. 1). C’est notamment le cas de l’acideoléique (18:1 n-9) ou des acides gras polyinsaturés indispensa-bles (acide linoléique –18:2 n-6-, acide α-linolénique –18:3n-3-) et de leurs dérivés supérieurs, tels que les acides arachi-doniques pour la famille n-6, eicosapentaènoïque (EPA) oudocosahéxaènoïque (DHA) pour la famille n-3. Cependant,dans l’alimentation il y a des acides gras de configuration trans(Fig. 1), ce qui change la structure dans l’espace, les propriétésphysicochimiques, mais aussi le métabolisme et l’impact de cesacides gras sur différentes fonctions cellulaires et physiologi-ques.

Par ailleurs, les acides gras polyinsaturés sont le plus sou-vent de type « méthylène interrompu », ce qui signifie que lesdoubles liaisons sont séparées par un groupement CH2 (Fig. 2).Cependant, il existe des acides gras conjugués, sans groupe-ment CH2 entre les insaturations. Depuis une quinzained’années, un intérêt particulier a été porté à ces acides grasconjugués, en particulier les isomères conjugués de l’acidelinoléique (ou CLA pour « conjugated linoleic acid »).

Cette revue présentera brièvement les origines de ces acidesgras trans et conjugués et des principales conséquences nutri-tionnelles de leur consommation.

2. Origine des acides gras trans

Les acides gras trans alimentaires ont principalement deuxorigines. La première est une origine naturelle. Dans ce cas, lesAGT résultent de la biohydrogénation ruminale des acides graspolyinsaturés ingérés par les ruminants (vache, chèvre, bre-bis…) et se retrouvent principalement dans les aliments telsque le lait et les produits dérivés (beurre, fromages…). Lesteneurs observées sont variables et fonction de différents para-mètres dont l’alimentation du bétail, allant généralement de tra-ces à 2,5 % des acides gras totaux [25]. Ces teneurs peuventatteindre plus de 5 % dans des conditions d’alimentation dubétail riches en fourrage [44]. Ces AGT sont également pré-

Fig. 1. Représentation schématique des configurations trans et cis des doublesliaisons.

Fig. 2. Structure des doubles liaisons conjuguées (A – acide ruménique) et nonconjuguées (B – acide linoléique).

sents dans la viande de ruminant. La seconde origine est tech-nologique. L’industrie des corps gras réalise des hydrogéna-tions catalytiques partielles, dont les objectifs sont detransformer les propriétés physicochimiques d’huiles (végétalesnotamment). Au cours de ce procédé sont générés des AGT,qui sont incorporés dans différentes préparations sous formede « shortenings ». Ces « shortenings » sont des matières gras-ses anhydres utilisées dans l’industrie agroalimentaire dans desapplications telles que la biscuiterie, les viennoiseries, la fabri-cation de barres chocolatées… Les teneurs en AGT de ces« shortenings » peuvent varier de traces à plus de 50 % desacides gras totaux.

Cette technologie était aussi largement utilisée dans la mar-garinerie jusqu’au milieu des années 1990, mais les effets délé-tères en termes de risque cardiovasculaire ont amené les indus-triels du domaine à formuler différemment la très grandemajorité des margarines. Outre les différences de teneurs, ladifférence majeure entre les deux sources est la répartitiondes isomères. Les AGT sont en effet très majoritairement desacides gras à 18 carbones et une double liaison, donc mono-insaturés, mais la position de la double liaison varie selonl’origine (Fig. 3). Ainsi, les AGT d’origine naturelle sont prin-cipalement composés de l’isomère trans11 (ou acide vaccé-nique). Dans les matières grasses végétales partiellementhydrogénées, ce sont les isomères trans9 (acide élaïdique) ettrans10 qui sont majoritaires.

3. Origine des acides gras conjugués

Derrière ce terme générique d’acides gras conjugués secache une multitude d’acides gras présentant justement desdoubles liaisons « conjuguées ». Nous ne parlerons ici quedes isomères conjugués de l’acide linoléique ou CLA. Néan-moins, ce terme de CLA recouvre tous les acides gras à 18carbones et deux doubles liaisons conjugués, quelles que soientleur position et leur géométrie (cis ou trans).

Comme pour les acides gras trans non conjugués (cf. ci-dessus), les CLA ont une origine naturelle. Comme l’acide vac-

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cénique, ils résultent de fermentations ruminales qui transfor-ment les acides gras polyinsaturés ingérés vers des formes plussaturées. Le principal représentant est alors l’acide ruménique,ou 18:2 9cis,11trans. Cependant, et compte tenu de propriétéspotentiellement intéressantes de ces « CLA », des formes syn-thétiques sont disponibles. Il s’agit le plus souvent de mélangesde plusieurs isomères conjugués de l’acide linoléique, les deuxcomposés majoritaires étant l’isomère naturel, l’acide rumé-nique associé à une autre forme, le 18:2 10trans,12cis. Nousnous limiterons aux effets de ces deux composés.

4. Impact nutritionnel des AGT

4.1. AGT et risque cardiovasculaire

Bien que différentes fonctions physiologiques puissent êtreaffectées par la consommation élevée de ces AGT, c’est dans ledomaine du risque cardiovasculaire que les données disponi-bles sont les plus nombreuses.

Les études épidémiologiques suggèrent, pour la plupart, uneassociation entre la consommation d’AGT et le risque cardio-vasculaire [1,20,33,39]. Oomen et al. ont ainsi proposé qu’uneconsommation d’AGT à hauteur de 2 % de l’AET augmentaitle risque cardiovasculaire de 25 % [33]. Dans une étude rap-portée en 1996, Bolton-Smith et al. [6] suggèrent un effet plusmarqué chez les femmes que chez les hommes. Dans la mêmeétude, les AGT d’origine naturelle ne semblent pas présenterles effets délétères des AGT d’origine technologique, commesuggéré précédemment [53].

Mensink et Katan ont rapporté en 1990 [27] la premièreétude d’intervention montrant des effets délétères de laconsommation d’AGT d’origine industrielle. Avec un apportéquivalent à 11 % de l’AET, il a été démontré que les AGTinduisent une augmentation du LDL-C comme avec les AGS,mais aussi une diminution du HDL-C qui elle n’est pas obser-vée avec les AGS. Plusieurs études du même type, mais avecdes niveaux d’apport plus faibles en AGT ont ensuite été rap-portées. Elles sont reprises dans la synthèse de Zock et Katan[54] ; (Fig. 4). Ces résultats ne concernent toutefois que les

Fig. 4. Effet des acides gras trans d’origine technologique sur le HDL et sur leLDL cholestérol.

AGT d’origine technologique. Concernant spécifiquement lesAGT d’origine naturelle, aucune donnée n’est disponible ànotre connaissance. Les résultats de l’étude TRANSFACTdevraient prochainement apporter des données nouvelles surcette importante question [11].

5. Acides gras trans et développement périnatal

Plusieurs publications ont suggéré par le passé une associa-tion entre AGT et altérations du développement périnatal.Ainsi, Koletzko a établi une relation inverse entre le poids àla naissance et les teneurs en acide élaïdique dans les estersde cholestérol de l’enfant prématuré [23].

Néanmoins, une étude prospective récente a été menée enrégion Aquitaine [4] chez une population de 90 femmesenceintes françaises. Pour cette population (dont la consomma-tion moyenne est de 3 g d’AG trans par jour), aucune corréla-tion n’a été observée entre le poids de naissance ou le périmè-tre crânien du nouveau-né et les teneurs en AG trans dans leslipides du tissu adipeux ou du plasma des femmes.

6. Cas des acides gras conjugués

Une large majorité d’études interventionnelles a été menéeavec des mélanges équipondéraux des isomères 9cis,11trans et10trans,12cis. Cependant, quelques études ont rapporté leseffets spécifiques de ces deux isomères. Dans la mesure dupossible, les effets respectifs du mélange et des isomères pursseront traités séparément. Pour plus de détails, le lecteur pourrase référer à une revue récente [3].

7. Cancer

7.1. Mélanges d’isomères

Hormis les premiers travaux de Ha et al. [18] menés avecdes isomères de CLA préparés à partir de bœuf grillé, plusieursétudes ont été menées avec des mélanges de CLA, sur lignéescellulaires et sur tumeurs chimio-induites chez la ratte. Dans cedernier modèle, c’est surtout les tumeurs mammaires qui ontété étudiées. Ip et al. [22] ont montré des effets favorables entermes de croissance tumorale sur le modèle de cancérogenèsemammaire chimio-induite par la méthyl-nitroso-urée, chez laratte. Cet effet favorable pourrait être dû à une inhibition del’angiogenèse, en relation avec une inhibition de VEGF et deson récepteur Flk-1 [28].

7.2. Isomères isolés

C’est également dans le domaine de la cancérogenèse mam-maire que les travaux les plus importants ont été menés, soitavec des molécules de synthèses pures, soit avec du beurreenrichi en acide ruménique (et en acide vaccénique). Ainsi, Ipet al. ont montré des effets bénéfiques quelle que soit la formeadministrée [21].

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Cependant, dans ce domaine, la transposition d’un bénéficeen prévention du cancer du sein n’a pu être établie, peut-être enraison des faibles niveaux de consommation et donc d’incorpo-ration de l’acide ruménique dans le tissu adipeux, contraire-ment à ce qui est observé chez l’animal [8].

Outre le cancer mammaire, des données suggérant un effetbénéfique sur les cancers de la prostate ou du tractus gastro-intestinal ont été rapportées. Ces données ne sont pas, pourl’instant et à notre connaissance, transposées à l’Homme.

Fig. 5. Effet de la consommation d’isomères conjugués de l’acide linoléique(9cis,11trans-18:2 o ou 10trans,12cis-18:2 n) à raison d’un, deux ou quatre

8. Maladies cardiovasculaires capsules/jour (soit respectivement 0,6, 1,2 et 2,4 g/j) chez l’Homme [49].

Seront successivement distinguées les études d’athérosclé-rose expérimentale chez l’animal et les mesures de facteursde risques chez l’Homme.

8.1. Athérosclérose expérimentale

Plusieurs études menées chez le hamster et le lapin soumis àdes régimes athérogènes ont montré une diminution del’importance des stries lipidiques au niveau aortique [24,31].Plus récemment, des effets bénéfiques ont été suggérés en ter-mes de régression de l’athérosclérose, notamment chez la sou-ris knock-out pour le gène codant pour l’ApoE -/- [48].

Concernant les isomères isolés, l’étude de Valeille et al.suggère des effets bénéfiques [51] chez le hamster dus princi-palement à l’acide ruménique, avec des effets favorables sur leHDL cholestérol notamment.

L’étude de Roy et al. [43] montre quant à elle, des effetsbénéfiques de l’apport en beurre enrichi en acide ruméniqueet vaccénique sur l’athérogenèse expérimentale chez le lapin,alors que des effets délétères sont rapportés avec un beurreenrichi en trans-10-18:1.

Concernant les facteurs de risque, nous ne parlerons ici quedu HDL et LDL-cholestérol. Les études rapportées avec desmélanges de CLA synthétiques, administrés à des doses varia-bles, montrent le plus souvent une absence d’effet sur les lipo-protéines plasmatiques [2,38,45], voire même une diminutiondu HDL cholestérol [29]. Le lecteur pourra trouver une syn-thèse exhaustive dans la revue récente de Terpstra [46].

Cependant, la plupart de ces études ont été menées sur desdurées courtes (≤ 45 jours). L’étude de Gaullier et al. [16]menée sur un an ne montre pas de différence significativeentre CLA et placebo. La suite de l’étude (jusqu’à 24 mois) aété menée sans placebo, et ne permet donc pas de conclure surles effets spécifiques des CLA.

Peu d’études ont été conduites avec des isomères purs.L’étude de Tricon et al. [49] rapporte des effets opposés entrel’isomère 9cis 11trans et l’isomère 10trans,12cis. Le premierdiminue le rapport cholestérol total/cholestérol HDL alors quele second présente des effets opposés (Fig. 5). En revanche,chez des sujets présentant un phénotype B au regard destypes de lipoprotéines, la consommation de l’un ou l’autredes isomères est restée sans effet [30].

9. Composition corporelle

Chez la souris, Park et al. [35] ont montré des effets favora-bles en termes de composition corporelle, avec une diminutionsignificative de la masse grasse compensée par une augmenta-tion de la masse protéique. Un tel effet est observé tant avec lemélange d’isomères qu’avec les isomères purs [10], maisl’isomère 10trans,12 cis est souvent le plus efficace [36].Pour les autres espèces de rongeurs étudiées, les effets sontmoins nets. C’est par exemple le cas du rat adulte [37] ou duhamster [17]. Les mécanismes impliqués seraient nombreux.L’augmentation de la dépense énergétique [52], une augmenta-tion de l’oxydation des lipides, une diminution de la taille desadipocytes [50] ou une modulation des enzymes impliquéesdans la lipogenèse [7,34] pourraient être à l’origine des effetsobservés.

Chez la souris, cette diminution du tissu adipeux est cepen-dant associée à une stéatose hépatique marquée [12,50], dueprincipalement à la consommation de l’isomère 10trans,12cis[9,12]. Dans cette situation, nombre de voies métaboliquessemblent perturbées [13,14,40].

Chez l’Homme, les résultats obtenus sont moins convain-cants. L’efficacité en termes de perte de masse grasse n’estpas constante selon les études [5,29,47], peut-être en raisonde populations différentes selon les études, en termes de sexe,d’indice de masse corporelle, de l’association ou non d’exer-cice, etc. Les quelques études rapportées avec isomères isoléssont le plus souvent sans effet [15,26].

10. Résistance à l’insuline

Chez le rat Zucker, un mélange équipondéral des deux iso-mères de CLA régule la tolérance au glucose et atténue l’insu-linémie [19]. Des résultats opposés ont été rapportés chez lasouris [32,50]. Ces effets pourraient être modulés par la teneuren lipides du régime [3].

Chez l’Homme, à doses élevées (plusieurs g/j), les isomèresde CLA induisent une insulinorésistance [41,42], associée àl’augmentation des teneurs en protéine C réactive. Toutefois,nous n’avons pas trouvé de modification de la glycémie oude l’insulinémie chez des sujets présentant un phénotype Bdes LDL consommant 3g/j de l’un ou l’autre des isomères [30].

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11. Inflammation

Les effets des CLA sur la composante inflammatoire ont étélargement étudiés in vitro et sur des modèles animaux. Le plussouvent, une diminution de production de PGE2 est rapportée.Les autres effets sont moins univoques.

En revanche, peu d’études ont été menées spécifiquementchez l’Homme, et les conclusions restent difficiles à établir.

Pris dans leur ensemble, ces résultats sur les CLA ne justi-fient pas la complémentation de l’alimentation, en particuliercompte tenu des effets adverses potentiels de l’isomère10trans12cis (lipodystrophie). En revanche, les effets bénéfi-ques de l’isomère 9cis,11trans demandent à être confirmésafin de proposer un enrichissement des produits issus des rumi-nants par une stratégie alimentaire adaptée pour le bétail. Detelles stratégies conduisent parallèlement à enrichir les produitsanimaux en acide vaccénique dont il est nécessaire de confir-mer l’innocuité, et à diminuer les teneurs de ces mêmes pro-duits en acides gras saturés. Ce dernier point peut donc êtreconsidéré comme potentiellement bénéfique en termes desanté, permettant de contribuer à la diminution des apports enAG saturés (cf. recommandations du PNNS).

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