Reconstruction complexe de la région mammaire après traumatisme thoracique grave par arme à feu

7
CAS CLINIQUE Reconstruction complexe de la région mammaire après traumatisme thoracique grave par arme à feu Complex breast reconstruction after severe chest trauma by firearm M. Veber a, * , M. Grecea a , A. Scevola a , G. Toussoun a , J. Pauchot a , E. Delay a,b a Service de chirurgie plastique, centre Le ´ on-Be ´ rard, 28, rue Laennec, 69008 Lyon, France b Cabinet, 50, rue de la Re ´ publique, 69002 Lyon, France Rec¸u le 23 septembre 2010 ; accepte´ le 28 de´cembre 2010 MOTS CLÉS Sein ; Traumatisme balistique ; Graisse ; Lipomodelage ; Greffe de tissu graisseux Résumé Cet article rapporte le cas d’une jeune femme de 47 ans victime d’un traumatisme balistique thoracique gauche sévère avec hémothorax par plaie cardiaque. Elle a bénéficié à la suite d’une période de déchoquage, d’une chirurgie d’urgence, puis d’une période de réanima- tion, avant de bénéficier d’une couverture d’une nécrose thoracomammaire survenue trois semaines après la prise en charge initiale par un lambeau musculocutané de muscle grand dorsal homolatéral. La patiente a été ensuite adressée dans notre équipe pour une réparation, en particulier pour une reconstruction du sein gauche. Dans un premier temps, la réhabilitation des unités esthétiques du sein a été réalisée par la réalisation d’un lambeau d’avancement abdominal, puis le volume mammaire a été restauré par plusieurs séances de lipomodelage. Les alternatives chirurgicales étaient très limitées pour cette reconstruction mammaire post- traumatique complexe. On notait l’absence de vaisseaux receveurs fiables après le traumatisme balistique ne permettant pas d’envisager une solution microchirurgicale, et le muscle grand dorsal homolatéral avait été utilisé comme couverture initiale. En conclusion, la restauration des unités esthétiques du sein et l’apport du lipomodelage ont permis d’obtenir un très bon résultat dans ce cas de réparation extrême de la région thoracomammaire. # 2011 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. KEYWORDS Breast; Ballistic trauma; Fat; Lipomodeling; Fat grafting Summary This case report is of a 47-year-old woman who suffered a ballistic chest trauma with severe left hemothorax and heart wound. She was treated in emergency for the collapse by heart surgery. Then the coverage for her soft thorax tissue loss was done by an ipsilateral musculocutaneous latissimus dorsi pedicled flap. The patient was subsequently addressed to our team for a repair, especially for reconstruction of the left breast. Initially, rehabilitation of aesthetics units breast was achieved through the realization of an abdominal advancement flap, and breast volume was restored by several sessions of lipomodeling. The surgical alternatives Annales de chirurgie plastique esthétique (2012) 57, 7278 * Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (M. Veber). 0294-1260/$ see front matter # 2011 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.anplas.2010.12.006

Transcript of Reconstruction complexe de la région mammaire après traumatisme thoracique grave par arme à feu

CAS CLINIQUE

Reconstruction complexe de la région mammaireaprès traumatisme thoracique grave par arme à feuComplex breast reconstruction after severe chest trauma by firearm

M. Veber a,*, M. Grecea a, A. Scevola a, G. Toussoun a, J. Pauchot a, E. Delay a,b

a Service de chirurgie plastique, centre Leon-Berard, 28, rue Laennec, 69008 Lyon, FrancebCabinet, 50, rue de la Republique, 69002 Lyon, France

Recu le 23 septembre 2010 ; accepte le 28 decembre 2010

MOTS CLÉSSein ;Traumatisme balistique ;Graisse ;Lipomodelage ;Greffe de tissu graisseux

Résumé Cet article rapporte le cas d’une jeune femme de 47 ans victime d’un traumatismebalistique thoracique gauche sévère avec hémothorax par plaie cardiaque. Elle a bénéficié à lasuite d’une période de déchoquage, d’une chirurgie d’urgence, puis d’une période de réanima-tion, avant de bénéficier d’une couverture d’une nécrose thoracomammaire survenue troissemaines après la prise en charge initiale par un lambeau musculocutané de muscle grand dorsalhomolatéral. La patiente a été ensuite adressée dans notre équipe pour une réparation, enparticulier pour une reconstruction du sein gauche. Dans un premier temps, la réhabilitation desunités esthétiques du sein a été réalisée par la réalisation d’un lambeau d’avancementabdominal, puis le volume mammaire a été restauré par plusieurs séances de lipomodelage.Les alternatives chirurgicales étaient très limitées pour cette reconstruction mammaire post-traumatique complexe. On notait l’absence de vaisseaux receveurs fiables après le traumatismebalistique ne permettant pas d’envisager une solution microchirurgicale, et le muscle granddorsal homolatéral avait été utilisé comme couverture initiale. En conclusion, la restaurationdes unités esthétiques du sein et l’apport du lipomodelage ont permis d’obtenir un très bonrésultat dans ce cas de réparation extrême de la région thoracomammaire.# 2011 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

KEYWORDSBreast;Ballistic trauma;Fat;Lipomodeling;Fat grafting

Summary This case report is of a 47-year-old woman who suffered a ballistic chest traumawith severe left hemothorax and heart wound. She was treated in emergency for the collapse byheart surgery. Then the coverage for her soft thorax tissue loss was done by an ipsilateralmusculocutaneous latissimus dorsi pedicled flap. The patient was subsequently addressed to ourteam for a repair, especially for reconstruction of the left breast. Initially, rehabilitation ofaesthetics units breast was achieved through the realization of an abdominal advancement flap,and breast volume was restored by several sessions of lipomodeling. The surgical alternatives

Annales de chirurgie plastique esthétique (2012) 57, 72—78

* Auteur correspondant.Adresse e-mail : [email protected] (M. Veber).

0294-1260/$ — see front matter # 2011 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

doi:10.1016/j.anplas.2010.12.006

were very limited for this post-traumatic complex breast reconstruction. Due to ballistic trauma,no reliable recipient vessels allowed a microsurgical solution, and the ipsilateral latissimus dorsiwas used for the coverage. In conclusion, the restoration of the aesthetics units with lipomodel-ing has achieved a very good result in this extreme thoracomammary region repair.# 2011 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.

Reconstruction complexe de la région mammaire 73

Introduction

Les traumatismes balistiques thoraciques sont rares chez lafemme. La particularité des pertes de substance thoraciqueschez la femme est liée aux lésions mammaires qui nécessi-tent une reconstruction spécifique. La région mammaire, aumême titre que le visage en général ou le nez, impose lerespect d’unités esthétiques précises [1]. Les techniques dereconstruction mammaire s’adaptent ensuite au type deperte de substance thoracique constatée et aux conditionsde viabilité des tissus receveurs. Le but de cet article est deprésenter un cas clinique, dans lequel l’analyse des unitésesthétiques et du volume à restaurer a permis une recon-struction de grande qualité.

Cas clinique

Il s’agit d’une femme de 47 ans prise en charge pour trau-matisme balistique (coup de fusil de chasse) thoraciquegauche dans un contexte d’extrême urgence avec plaiecardiaque. La patiente a été adressée auprès du CHU le plusproche par hélicoptère. Elle a alors bénéficié d’une prise encharge d’urgence avec déchoquage, traitement de la plaiecardiaque et drainage thoracique. La patiente a bénéficiéd’un parage minime avec repose du lambeau thoracomam-maire scalpé par le traumatisme. Dans un second temps,devant le manque de viabilité du lambeau reposé, elle abénéficié d’un parage de la paroi thoracique associé à unecouverture par un lambeau de musculocutané de granddorsal homolatéral (Fig. 1a, b). Une partie de la glande

Figure 1 État clinique de la patiente au moment de sa prise

mammaire inférolatérale a été préservée lors de cetteétape. Ce lambeau a permis d’assurer une couverture dequalité sans complication infectieuse locale. À distance dutraumatisme, la patiente a été adressée dans notre équipepour prise en charge spécialisée et pour envisager uneréparation thoracomammaire, en particulier une reconstruc-tion mammaire gauche.

Le projet thérapeutique proposé a comporté trois étapesde reconstruction.

La première a été la réhabilitation de l’étui cutané de larégion thoracomammaire gauche avec redéfinition des sous-unités esthétiques. Les éléments importants à définir ontété le sillon sous-mammaire, le sillon latéral et le bordmédial sternal par la réalisation d’un lambeau d’avance-ment abdominal permettant la restauration du « V »inférieur thoracique (vallée intermammaire inférieure). Àla partie haute du sein, la jonction des segments I et II du seingauche a été réalisée grâce à l’enfouissement par désépi-dermisation de la partie supérieure du lambeau cutané dugrand dorsal initial. Cette zone est particulièrement impor-tante pour les patientes puisqu’elle définit la région dudécolleté social (Fig. 2a, b).

Ensuite la restitution du volume mammaire a été envi-sagée. Du fait de l’expérience importante de notre équipedans le lipomodelage [2,3], notre choix thérapeutique aété celui d’un lipomodelage exclusif. Une première séancede lipomodelage de 190 cm3 a été réalisée dès le premiertemps de restauration des unités esthétiques. Le prélève-ment a été effectué au niveau de la région abdominale, etle mode de préparation et de transfert a été celui que nousutilisons dans le cadre des reconstructions mammaires

en charge dans le service : a : vue de face ; b : vue de 3=4.

Figure 2 Schéma de la première intervention programmée : a : vue de face ; b : vue de 3=4.

74 M. Veber et al.

après cancer, c’est-à-dire prélèvement à la seringue de10 cm3, centrifugation courte, transfert graisseux selon unréseau tridimensionnel de fins spaghettis graisseux [4](Fig. 3a, b).

Lors d’une deuxième intervention, réalisée quatre moisplus tard, une nouvelle séance de lipomodelage de245 cm3 est effectuée, associée à une symetrisation du seindroit par une technique de réduction mammaire à pédiculesupéromédial avec cicatrices périaréolaire et en « T » inversé(Fig. 4a, b).

Enfin, une troisième séance de lipomodelage de150 cm3 du sein gauche a été nécessaire pour permettreune amélioration des contours et du volume de la régionmammaire gauche, et enfin la reconstruction de la plaque

Figure 3 Résultat du premier temps opératoire avec en particulier

aréolomamelonnaire (PAM) par une greffe de mameloncontrolatéral et tatouage aréolaire (Fig. 5a—d).

Les suites postopératoires des différentes interventionsont été simples. L’évaluation objective du résultat a montréun excellent résultat morphologique avec restauration d’unebonne symétrie mammaire. Les seins étaient souples etavaient retrouvé une bonne sensibilité objective et subjec-tive. D’un point de vue subjectif, la patiente est très satis-faite et a vécu sa réparation comme une « renaissance ». Lebilan radiologique pratiqué à un an avec une mammographieet une échographie de référence s’est avéré normal sansimages suspectes, ni images de cytostéatonécroses. Seuleétait notée la présence résiduelle de quelques plombs dechasse, séquelle radiologique du traumatisme initial.

la restauration du « V » inférieur : a : vue de face ; b : vue de 3=4.

Figure 4 Résultat après la deuxième intervention qui a consisté en un lipomodelage thoracomammaire gauche et une symétrisationdu sein droit : a : vue de face ; b : vue de 3=4.

Reconstruction complexe de la région mammaire 75

Discussion

Dans un cas clinique comme celui présenté, un des pointscapitaux de la réparation est la restitution des unités esthé-tiques du sein. Il semble en effet que nous pouvons parler dessous-unités esthétiques du sein, au même titre que les sous-unités esthétiques du nez ou du visage. Leur définitiongénérale correspond à des zones d’isoréflexion de la lumière,déterminant des zones d’ombres adjacentes permettant decacher des cicatrices et de les rendre plus discrètes.

À la différence du visage, particulièrement sujet à laréflexion de la lumière et donc au jeu des ombres et deslumières, au niveau des seins, la forme, le volume et l’absencede cicatrices au niveau du décolleté restent le plus important àrespecter. Ainsi, les caractéristiques des sous-unités esthéti-ques des seins peuvent être décrites par [1,5] :

� une zone déterminée par les plis naturels de la régionmammaire dont le plus important est le sillon sous-mam-maire, ou par des cicatrices cachées socialementacceptables ;� une zone de réflexion de lumière avec harmonie des

textures et des couleurs de peau adjacentes.

Une des caractéristiques importantes à respecter en vued’une reconstruction mammaire par rapport à des surfacesplanes, est la structure tridimensionnelle du sein. Cettelogique peut être décrite par analogie avec celle utilisée dansle cadre de la reconstruction nasale par Burget et Menick [6].

On peut donc résumer la gestion des unités esthétiques dela région mammaire en trois étapes : la gestion del’empreinte, du volume et de l’enveloppe cutanée.

La gestion de la sous-unité esthétique de la basedu sein : l’empreinte

La base du sein doit être positionnée entre 3 et 6 cm endessous l’apex de la ligne axillaire antérieure, latéralement

de 1 à 2 cm derrière la ligne axillaire antérieure, en bas auniveau du sillon sous-mammaire, puis se continuer en médialjusqu’à 1 à 2 cm de la ligne médiane. En supérieur, elle doitse situer 7 cm en dedans du manubrium sternal en médial,puis deux travers de doigts en dessous de la clavicule pourrejoindre ensuite la ligne axillaire antérieure.

La gestion de la structure tridimensionnelle dusein : le volume

La répartition de la glande mammaire respecte des règlesesthétiques. On doit avoir un maximum de volume au niveaudu quadrant inférolatéral et le minimum de volume au niveaude quadrant supéromédial [5]. Les volumes doivent êtrerépartis de manière homogène afin d’éviter des aspectsd’anomalies morphologiques tels que les aspects de seinstubéreux.

Il faut chercher à obtenir une symétrie des volumes, avecsouvent un geste sur le sein controlatéral. Si le sein controla-téral est volumineux, on réalise une symétrisation par destechniques de réductions mammaires adaptées. On chercheà obtenir le même volume et la même projection que le seincontrolatéral. En cas de petit sein, la symétrisation jouesurtout sur la forme et la projection.

La gestion de l’étui cutané : l’enveloppe

La définition des sous-unités esthétiques est importante,particulièrement dans les reconstructions tridimensionnel-les. Burget et Menick l’ont parfaitement décrit pour lareconstruction de la pyramide nasale par exemple [6], ouencore Millard pour le traitement des fentes palatines [7—9].

La restitution d’un étui cutané convenable nécessite desuivre les critères précis des sous-unités esthétiques du sein.Il en est de même pour la réalisation des cicatrices quidoivent être à la limite de ces sous-unités, et non pas enplein milieu pour bénéficier d’une acceptation convenablepar les patientes et d’éviter d’accrocher le regard.

Figure 5 Résultat final à deux ans postopératoires : a : vue de face ; b : vue de profil gauche ; c ; vue de 3=4 droit ; d : vue de 3=4 gauche.

76 M. Veber et al.

Les descriptions classiques de la région mammaire parlentd’une segmentation en quatre zones de l’enveloppe cutanéedu sein (Fig. 6) :

� zone I : sous-claviculaire jusqu’au sillon mammairesupérieur ;� zone II : du sillon mammaire supérieur jusqu’à la PAM ;� zone III : de la PAM au sillon sous-mammaire ;� zone IV : zone abdominale sous-mammaire.

Spear [1] définit aussi quatre types de sous-unitésesthétiques :

� trois unités anatomiques :� la base de la région mammaire complète qui présente

une forme ovoïde de sommet supérieur. Cette unité

esthétique est souvent remplacée en totalité notam-ment dans les reconstructions microchirurgicales,� la moitié inférieure du sein équivalente à un segment III

élargi, qui se limite en haut par une ligne passant par lesommet de l’aréole, de direction oblique inférieureallant de la xiphoïde vers la ligne axillaire antérieure,et le sillon sous-mammaire en bas,� la zone périaréolaire circulaire plus ou moins élargie au

maximum de 6 à 7 cm de diamètre ;� une unité esthétique sociale et visuelle formée par un

triangle à base située dans le sillon sous-mammaire et desommet sur le haut de l’aréole, évoquant certaines mar-ques de bronzage possible par le port de maillot de bain.

Dans le cas précis de ce cas clinique, un des élémentsmajeurs pour un bon résultat de reconstruction mammaireest la gestion de l’effet patch cutané visuel au niveau des

Figure 6 Segments des sous-unités esthétiques du sein vu deprofil.

Reconstruction complexe de la région mammaire 77

textures et des couleurs de peau (palette cutanée du musclegrand dorsal). Le lambeau d’avancement abdominal permetd’obtenir une texture homogène de la peau proche de celledu sein natif, au niveau du segment III du sein reconstruit. Celambeau d’avancement abdominal est d’ailleurs très utiliséen reconstruction mammaire différée et permet d’éviterl’effet patch de la reconstruction mammaire [10]. L’auteursenior de l’article parle de « V » supérieur pour le « V » formépar la jonction sur la ligne médiane des sillons sus-mammai-res, et de « V » inférieur pour la jonction formée sur la lignemédiane par les sillons sous-mammaires. Dans le cas précisde cette patiente, le patch cutané reste évidement majeurdu fait du lambeau de couverture qu’il n’était pas possible desupprimer totalement, mais il est minimisé au maximum enrespectant la gestion en sous-unités esthétiques partielles.Dans notre cas clinique, deux sous-unités partielles sontutilisées :

� une première sous-unité du pôle inférieur du sein redéfi-nie par le lambeau d’avancement abdominal, avec dis-parition de l’effet patch colorimétrique ;� une seconde sous-unité redéfinie avec la partie supérieure

du sein, jusqu’à la limite de la base mammaire supérieure,et jusqu’à la ligne aréolaire en inférieur.

La restauration des parties fixes du sein (sillon sous-mammaire et région para-sternale médiale) est impérativecar elles sont en quelques sortes avec l’empreinte mam-maire, les piliers de résistance de la future structure tridi-mensionnelle. Nous considérons le sillon sous-mammairecomme la fondation principale du sein.

La reconstruction mammaire de cette patiente représen-tait un cas particulièrement difficile et exemplaire pour desraisons purement techniques. Les contraintes particulièresétaient dues à l’origine balistique du traumatisme avec undélabrement très important des tissus thoraciques et à leur

viabilité vasculaire. Le recours à une solution microchirurgi-cale nous a semblé risqué et aléatoire. Finalement, le choixle plus simple et le moins risqué nous a paru être un réamé-nagement des tissus locaux avec un complément de volumepar lipomodelage itératif.

Le lipomodelage du sein a été développé dans notreéquipe et devint un des principaux thèmes de recherche àpartir de 1998 [11—13]. Cette technique fut appelée« lipomodelage » (étymologiquement du grec « lipo » ougraisse et du latin « modelo » signifiant « donner une forme à. . . »). Ce terme a été attribué afin de rompre avec lesdonnées et croyances du lipofilling qui préconisait de petitsvolumes d’injection, sans insister sur l’importance de laréalisation d’un réseau tridimensionnel lors du transferttissulaire graisseux. Les transferts graisseux ont d’abordété appliqués aux reconstructions mammaires autologuespar lambeau de grand dorsal sans prothèse. Le protocole aété initialement proposé à des patientes volontaires, quiacceptaient de se soumettre à une surveillance stricte, etpour lesquelles le risque de récidive locale était considérécomme très faible.

Constatant l’efficacité très importante de cette tech-nique, les indications ont été élargies à la majorité despatientes ayant une reconstruction mammaire par lambeaude grand dorsal sans prothèse et souhaitant un résultatoptimal en forme, en consistance, et avec un décolleté leplus naturel possible. En parallèle, une étude mammogra-phique, échographique et IRM fut menée qui montra que leretentissement sur l’imagerie mammaire n’était pas rédhi-bitoire [14—16]. Progressivement les indications du transfertde tissu adipeux se sont élargies aux différentes situations dereconstruction mammaire, puis aux malformations du sein etenfin aux augmentations mammaires à visée esthétique.Aujourd’hui, l’intérêt de ces travaux sur le transfert grais-seux dans le sein est majeur. De plus en plus de praticiens àtravers le monde utilisent cette technique régulièrement.

L’aspect radiologique de la patiente avec un recul post-opératoire de deux ans n’a présenté aucune image suspecte.La littérature montre aujourd’hui que la démarche de sur-veillance du lipomodelage dans un sein reconstruit ou mêmenatif n’est pas gênée par le transfert de graisse. Ainsi, lesséries publiées par Carvajal et Patino [17] et Veber et al.[18], retrouvent de 20 à 25 % de micro- ou macrocalcifica-tions post-lipomodelage dans un sein natif. Toutes ces ima-ges sont jugées parfaitement bénignes et stables dans letemps, avec un recul moyen de 16,2 mois dans la sériepubliée par Veber et al. [18], et l’ensemble des radiographiessont classées ACR II d’emblé, ou classées ACR III puis reclas-sées ACR II après analyse complémentaire simple à un an desuivie. Avec la technologie actuelle de radiographie numé-risée, d’échographie performante, voire d’IRM, les radio-logues sont capables de différencier les calcificationsrésultant de nécrose graisseuse, de celle relatives à uncancer, et cela de manière aisée [19]. En résumé, il n’existepas d’augmentation de difficulté d’interprétation des mam-mographies après un transfert de tissu adipeux. Il existe bienl’apparition de nouvelles images bénignes radiologiques (cal-cifications, cytostéatonécroses) après un lipomodelage dansla moitié des cas environ, mais l’analyse des mammographiesne pose pas de problème diagnostique pour un radiologuesénologue expérimenté. Ces données radiologiques rassuran-tes et les résultats étonnants que l’on puisse obtenir avec

78 M. Veber et al.

cette technique devraient permettre une diffusion et uneutilisation plus larges de cette technique, d’autant plus dansles cas complexes de reconstruction comme dans le casprésenté.

Conclusion

Ce cas clinique est exemplaire, dans le sens où nous avonsdans cette reconstruction complexe réussi à obtenir unerestauration des sous-unités esthétiques du sein gauche,une diminution de l’effet patch colorimétrique de la peaudorsale du fait de son intégration dans le segment II du sein etune souplesse de la consistance du sein reconstruit gaucheproche de celle du sein normal. Ainsi, le respect des unitésesthétiques cutanées et volumétriques du sein permetd’obtenir un résultat satisfaisant y compris dans le cadred’une reconstruction mammaire difficile. Enfin, le lipomo-delage a permis dans cette situation extrême de proposerune alternative pour la reconstruction du sein, tout enassurant une grande fiabilité dans sa réalisation.

Déclaration d’intérêts

Les auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts enrelation avec cet article.

Références

[1] Spear SL, Davison SP. Aesthetic subunits of the breast. PlastReconstr Surg 2003;112(2):440—7.

[2] Delay E, Delaporte T, Sinna R. Breast implant alternatives. AnnChir Plast Esthet 2005;50(5):652—72.

[3] Delay E, Delpierre J, Sinna R, Chekaroua K. How to improvebreast implant reconstructions? Ann Chir Plast Esthet2005;50(5):582—94.

[4] Delay E, Garson S, Tousson G, Sinna R. Fat injection tothe breast: technique, results, and indications based on880 procedures over 10 years. Aesthet Surg J 2009;29(5):360—76.

[5] Hall-Findlay EJ. The three breast dimensions: analysis andeffecting change. Plast Reconstr Surg 2010;125(6):1632—42.

[6] Burget G, Menick FJ. Aesthetic reconstruction of the nose. C.V.Mosby; 2nd edition (January 1994).

[7] Millard Jr DR. Composite lip flaps and grafts in secondary cleftdeformities. Br J Plast Surg 1964;17:22—9.

[8] Millard Jr DR. Refinements in rotation—advancement cleft liptechnique. Plast Reconstr Surg 1964;33:26—38.

[9] Millard Jr DR. Rotation-advancement principle in cleft lip clo-sure. Cleft Palate J 1964;12:246—52.

[10] Delay E, Jorquera F, Pasi P, Gratadour AC. Autologous latissi-mus breast reconstruction in association with the abdominaladvancement flap: a new refinement in breast reconstruction.Ann Plast Surg 1999;42(1):67—75.

[11] Delay E, Gounot N, Bouillot A, Zlatoff P, Rivoire M. Autologouslatissimus breast reconstruction: a 3-year clinical experiencewith 100 patients. Plast Reconstr Surg 1998;102(5):1461—78.

[12] Delay E, Gounot N, Bouillot A, Zlatoff P, Comparin JP. Breastreconstruction with the autologous latissimus dorsi flap. Pre-liminary report of 60 consecutive reconstructions. Ann ChirPlast Esthet 1997;42(2):118—30.

[13] Delay in Spear SL. Surgery of the breast — Lipomodeling of thereconstructed breast: principles and art. 2nd. 2006:930—46.

[14] Gosset J, Guerin N, Toussoun G, Delaporte T, Delay E. Radio-logical evaluation after lipomodelling for correction of breastconservative treatment sequelae. Ann Chir Plast Esthet2008;53(2):178—89.

[15] Delay E, Gosset J, Toussoun G, Delaporte T, Delbaere M. Post-treatment sequelae after breast cancer conservative surgery.Ann Chir Plast Esthet 2008;53(2):135—52.

[16] Delay E, Gosset J, Toussoun G, Delaporte T, Delbaere M.Efficacy of lipomodelling for the management of sequelae ofbreast cancer conservative treatment. Ann Chir Plast Esthet2008;53(2):153—68.

[17] Carvajal J, Patino JH. Mammographic findings after breastaugmentation with autologous fat injection. Aesthet Surg J2008;28(2):153—62.

[18] Veber M, Tourasse C, Toussoun G, Moutran M, Mojallal A, DelayE. Radiographic findings after breast augmentation by auto-logous fat transfert. Plast Reconstr Surg 2011;127:1289.

[19] Rebner M, Pennes DR, Adler DD, Helvie MA, Lichter AS. Breastmicrocalcifications after lumpectomy and radiation therapy.Radiology 1989;170(3 Pt 1):691—3.