Quand les géographes se mêlent de politique.: Du professeur Halford Mackinder au professeur...

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Quand les géographes se mêlent de politique Du professeur Halford Mackinder au professeur Augusto Pinochet La carte du pivot géographique de lhistoire Conférence du 16 décembre 2004, Département de géographie, Université de Genève Philippe Forêt, Institut de cartographie, Ecole Polytechnique Fédérale de Zurich

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Quand les géographes se mêlent de politique Du professeur Halford Mackinder au professeur Augusto Pinochet

La carte du pivot géographique de l’histoire

Conférence du 16 décembre 2004, Département de géographie, Université de Genève

Philippe Forêt, Institut de cartographie, Ecole Polytechnique Fédérale de Zurich

« Toute vie civilisée repose sur le pouvoir… Le pouvoir, cela signifie la survie, l’attitude qui vise à imposer notre volonté sur autrui, la capacité de dicter ma loi à ceux qui n’ont ni la force ni les moyens d’arracher des concessions à de plus faibles qu’eux. » Pinochet, Geopolítica, p. 151. Introduction De quoi allons nous parler ? De l’histoire du « géographisme », donc de l’évolution de la géographie comme idéologie politique au service du pouvoir militaire. Nous allons analyser les cartes, les projections, les logiques et les fantasmes de dictateurs. Pourquoi ? Parce que le géographisme se retrouve partout de nos jours, même si il ne possède pas de nom reconnu. Il s’agit en effet de ce type de géographie de la nécessité et du conflit que prônent les divers partisans de la seguridad nacional : les ultra-nationalistes, les militaristes, les revanchistes, les négationnistes, les anti-communistes, les fascistes, post- et néo-fascistes, mais aussi les fondamentalistes religieux, les experts en anti-terrorisme, les néo-conservateurs, les journalistes en panne de sensationnel, etc. Plan 1. La naissance de la géopolitique au Royaume-Uni (1904-1919) 2. La géopolitique en Allemagne (1920-1940) 3. Le développement de la géopolitique aux Etats-Unis (1941-1950) 4. Les travaux pratiques de l’école chilienne de géopolitique (1951-1990) 5. Le théoricien chilien de la géopolitique 6. Geopolítica

7. Conclusions

Invitation au voyage En compagnie des « géographistes », nous allons nous déplacer de Londres à Berlin, puis de Washington DC à Santiago de Chile. Nous aurons comme guide un document assez particulier, la carte du « pivot géographique de l’histoire ». Cette carte situe « l’empire du mal » au centre de l’Asie sous des couleurs successives : rouge pour les bolcheviques au couteau entre les dents, puis jaune pour les fourmilières d’Asiates, et maintenant verte pour les barbus islamistes. Elle a acquis valeur de talisman pour les adversaires de toute société multi-culturelle. L’essentiel dans l’étude du géographisme est de se mettre à la place des acteurs puisque l’on veut comprendre leurs points de vue, leurs circonstances, et la latitude dont ils disposent dans leurs décisions et leurs analyses. Il faut donc connaître ce qu’ils savent, ce qu’il supposent, ce qu’ils auraient pu savoir et surtout ce qu’ils ignorent, tant à propos d’eux-même que sur leurs adversaires et alliés. C’est une tâche rendue presque impossible quand certains géographistes, soucieux de leur place dans l’histoire, choisissent d’éviter d’être trop précis sur l’origine des perspectives qu’ils ont adoptées. Tel est le cas d’Augusto Pinochet Ugarte, ancien professeur de géopolitique et de géographie militaire, et ex-président de la république chilienne. Je vais partir de son ouvrage principal et proposer une reconstitution de son parcours intellectuel. Par la même occasion, je montrerai comment une vision manichéenne du monde a traversé tout le XXe siècle. Incapable malgré ses prétentions d’expliquer en termes géographiques le cours de l’histoire, cette vision a toutefois fourni un cadre rationnel (en apparence) aux conflits qui ont déterminé ces cent dernières années.

Les bonnes lectures du « géographiste » de 1974 • Professeur Halford Mackinder (1902, 1904 et 1919) : PIVOT GEOGRAPHIQUE DE L’HISTOIRE, DEMOCRATIE ET FAITS GEOGRAPHIQUES

• Professeur Friedrich Ratzel (1897 et 1903) : BIOGEOGRAPHIE ET GEOGRAPHIE POLITIQUE

• Professeur Karl Haushofer (1913, 1924, 1932 et 1934) : ESPACE VITAL, GEOPOLITIQUE DU PACIFIQUE, ARMEE ET GEOPOLITIQUE, FRONTIERES

• Professeur Rudolf Kjéllen (1916) : L’ETAT-ORGANISME VIVANT, LA GEOPOLITIQUE, LES GRANDES PUISSANCES

• Professeur Derwent Whittlesey (1942 et 1948) : STRATEGIE ALLEMANDE, ETAT ET TERRITOIRE

• Professeur Hans Weigert (1943 et 1948) : PRINCIPES DE GEOGRAPHIE POLITIQUE ET DE GEOPOLITIQUE

• Articles de la Revista Geografica de Chile, publiée par l’Institut Géographique Militaire (1948-1950, 1952-1953, 1956-1957)

• Colonel Gregorio Rodriguez (1950) : THEORIE GEOPOLITIQUE

• Colonel Augusto Pinochet (1968 et 1974) : PEDAGOGIE GEOPOLITIQUE

1. La naissance de la géopolitique au Royaume-Uni (1904-1919) Dans les atlas de l’époque, le Royaume-Uni se place tout naturellement au centre de la carte. La couleur et la projection choisies donnent une idée flatteuse de l’importance des colonies britanniques par rapport à la métropole. Le monde est en paix bien qu’une guerre soit sur le point d’éclater en Mandchourie. Londres craint que des puissances continentales menacent un empire dont la défense repose sur la maîtrise des mers. L’alliance qui vient d'être passée avec la France républicaine ne fait pas l’unanimité. La Russie est regardée avec méfiance, le Japon avec admiration, l’Allemagne avec appréhension. Avec ses riches ressources, l’Amérique latine peut exercer une influence décisive sur l’équilibre du monde. C’est du moins ce que veulent croire les géographes britanniques.

Le discours de Mackinder à la Royal Geographical Society Le 25 janvier 1904, le président de la Royal Geographical Society de Londres invite un vieil ami, le professeur Harold Mackinder, à lire une communication intitulée « The Geographical Pivot of History ». Mackinder dit s’exprimer « en géographe » quand il annonce la fin de l’histoire, mais son discours est plutôt celui d’un politicien anti-russe. La construction du Trans-sibérien vient de s’achever. Sur le marché chinois, le rail russe peut maintenant faire concurrence à la marine marchande britannique. Mackinder prédit qu’une collusion sino-russe constituerait une « péril jaune pour la liberté du monde ». La salle est mal chauffée, l’heure tardive, mais les membres de la Société débattent longuement de l’importance nouvelle de la Russie et du futur contrepoids de l’Amérique latine.

La thèse de Mackinder Il est acquis que seules les races européennes font l’histoire. L’Europe ne s’est constituée qu’en repoussant, siècle après siècle, les envahisseurs de l’Asie. A l’intérieur de la Russie d’Europe, la frontière qui sépare la steppe de la forêt est d’une grande importance puisque c’est en traversant la steppe que « le grand marteau asiatique » est venu frapper l’Europe. Les hordes mongoles et turques cessent d’être menaçantes lorsque l’Europe découvre une route maritime directe entre les péninsules de l’Eurasie. La Russie, qui a hérité sa civilisation de Byzance au lieu de Rome, forme un cas à part puisque son expansion est continentale plutôt que maritime. Nouvel état-pivot, l’empire russe se substitue à l’empire mongol lorsque les trains russes remplacent dans la steppe les caravanes et les cavaleries d’antan.

Les divisions régionales de la World-Island La permanence historique des relations entre géographie physique et constitution de l’Etat est une évidence pour Mackinder. Nous voyons sur cette carte (qui ne figure pas dans le discours sur le pivot géographique de l’histoire) deux « Heartlands », l’un en Afrique et l’autre en Asie (toujours d’actualité). Le Proche-Orient est divisé en quatre aires distinctes. Toute l’Europe, plus la Turquie et l’Afrique du Nord, appartient en revanche au même ensemble, l’Europe Maritime. Une seule zone, baptisée la Cote des Moussons, s’étend du détroit d’Ormuz au détroit de Béring. 80% de la population de la World-Island vit sur le littoral européen et asiatique. Cette régionalisation du monde dérive d’une « prise de position stratégique » sur l’Eurasie russe, qui doit faire autorité.

La carte des « Sièges naturels du pouvoir » C’est avec cette autre carte (de nouveau une projection Mercator) que Harold Mackinder explique le conflit séculaire entre la barbarie des nomades de l’Asie centrale et la civilisation sédentaire des côtes. Le géographe ne fait aucun commentaire particulier sur sa carte, mais se contente de reprendre les termes qu’il a utilisés pendant la conférence. Le Heartland est soit une unité physiographique, soit un espace stratégique fermé aux puissances maritimes. Ses collègues critiqueront par la suite la philosophie conservatrice politiquement de Mackinder, ainsi que l’incohérence de son discours et l’arbitraire de ses cartes.

2. La géopolitique en Allemagne (1920-1940) Il y a un siècle, la géographie est une science allemande puisqu’en 1914 l’on compte un seul poste de géographe en Grande Bretagne (celui créé par Mackinder à l’Université de Londres) et à peu près 11 postes aux Etats-Unis, mais 23 chaires de professeur ordinarius en Allemagne. Les débats allemands des années 1920 sur la nature, les objectifs et les méthodes de la Neuere Geographie sont donc suivis avec attention à l’étranger. Les revues comme la Geographische Zeitschrift que dirige Alfred Hettner, un spécialiste de l’Amérique latine, réaffirment la suprématie d’une définition unitaire de la discipline.

Historique de l’école allemande de géographie Les professeurs allemands ont tous la même formation en géographie physique. Ils règnent en mandarins sur leur instituts et sont dogmatiques à l’extrême. Les attaques entre collègues sont vicieuses et interminables. L’essentiel est l’organisation rationnelle des connaissances en géographie systémique. Certains thèmes de recherche, ceux qui se bornent aux études régionales et au paysage culturel, seront par la suite développés aux Etats-Unis par des géographes comme Carl Sauer à l’Université de Californie à Berkeley.

Nazi mais géographe ! Autoritaires, nationalistes et sectaires, ces enseignants ne montrent pourtant pas d’enthousiasme pour le nazisme. Le programme d’Adolf Hitler rejette en effet le déterminisme de l’environnement. Puisque d’après le Führer les caractéristiques raciales s’héritent, elles ne peuvent être influencées par l’espace. Presque tous les universitaires de l’époque estiment au contraire que la géographie humaine dépend étroitement des conditions naturelles d’une région donnée. Peu nombreux, les géographes pro-nazis sont relativement connus. En 1916, Rudolf Kjéllen, un professeur de géographie politique à Uppsala, emploie pour la première fois le terme « géopolitique » dans un livre qu’il écrit sur l’Etat en tant qu’« organisme vivant ». Il reprend la division par Mackinder du monde en régions antagonistes. L’espace entre le Heartland eurasiatique et la World-Island océanique constitue pour lui la zone ou les Etats luttent pour leur survie. Le général Karl Haushofer, qui enseigne à l’Université de Munich, établit en 1928 que la justesse de la théorie géopolitique est vérifiée par l’action gouvernementale quand celle-ci se fait en accord avec le « caractère national ». Ce dernier professeur, qui utilise l’expression d’« espace vital » et divise le monde en quatre « pan-régions », est sans doute le seul géographe nazi de longue date. Il sera très influent de 1933 à 1941. Sa spécialité régionale reste le Japon et le Pacifique.

CURRICULUM VITAE de Karl HAUSHOFER Né le 27 août 1869 à Munich. 1887 : Etudes à l’Académie de Guerre de Bavière. 1899 : Officier d’Etat-Major. 1903 : Professeur à l’Académie de Guerre de Bavière. 1908-1910 : Mission d’étude en Asie orientale. Détaché auprès de l’armée japonaise. 1913 : Publication de Dai Nihon, Betrachtungen über Groß-Japans Wehrkraft, Weltstellung und Zukunft. Doctorat de l’Université de Munich avec une thèse sur le Japon. 1914-1918 : Colonel, puis général de brigade sur le front ouest. 1919 : Habilitation en géographie de l’Université de Munich. Rudolf Heß devient l’un de ses étudiants. 1921 : Professeur honoraire (géographie et sciences politiques) à l’Université de Munich. Rencontre avec Adolf Hitler, lequel adopte la Lebensraum-Theorie de Karl Haushofer. 1924 : Fondation de l’Institut de géopolitique de Munich et de la revue Zeitschrift für Geopolitik. 1925 : Publication de Geopolitik des Pazifischen Ozeans. 1933 : Professeur ordinaire de géographie à l’Université de Munich. 1934-1937 : Président de l’Académie allemande. 1941 : Défection en Angleterre de Rudolf Heß, le secrétaire privé d’Adolf Hitler et le vice-président du parti national-socialiste. La Gestapo surveille Karl Haushofer, qui perd de l’influence sur le programme nazi d’espace vital. 1944 : Son fils, Albrecht Haushofer, professeur de géographie à Berlin, est impliqué dans l’attentat contre Hitler. Le fils sera exécuté par les SS, les parents déportés à Dachau. 1946 (10 mars) : Considéré par les Alliés responsable de la politique d’expansion nazie, il se suicide avec sa femme.

3. Le développement de la géopolitique aux Etats-Unis (1941-1950) Le rejet initial de la Geopolitik aux Etats-Unis se transforme en une curiosité critique envers une théorie à laquelle on attribue les victoires initiales de la Wehrmacht. Paru en 1942, The World of General Haushofer : Geopolitics in Action présente l’univers de la géopolitique nazie qui mélange mysticisme, conseils pratiques et généralisations géographiques. Professeur de géographie à Harvard, Derwent Whittlesey écrit que le plan allemand de conquête de l’Asie (et du monde) se base sur l’étude soigneuse de la géopolitique. Les géographes, comme Hans Weigert, estiment que les démocraties occidentales n’ont rien à craindre et ne doivent pas écouter les leçons des professeurs Mackinder et Haushofer. La création de blocs économiques régionaux après la guerre favoriserait le développement des échanges et l’équilibre international.

La théorie à l’épreuve de la carte des opérations L’invasion de l’Union Soviétique par l’Allemagne semble justifier l’analyse de Mackinder puisqu’elle démontre l’importance de la frontière Heartland / Europe orientale. Ce n’est bien entendu pas au nom de la World-Island démocratique que le IIIe Reich s’attaque au Heartland soviétique en juin 1941. La politique isolationniste de l’hémisphère occidental n’est plus possible dans « une planète que la science et les découvertes intègrent ». Après Pearl Harbor, les Amériques rompent avec le Japon et l’Allemagne, à l’exception de l’Argentine et du Chili, lequel ne déclare la guerre au Japon qu’en avril 1945.

Le nouvel atlas géopolitique Les journalistes placent l’Amérique du Nord au centre d’une alliance globale contre les forces du mal. En décembre 1941, les offensives nippones contre Hawaï, Hong-Kong, Manille et Singapour prennent au dépourvu les experts de Londres et de Washington DC qui prévoient depuis longtemps un conflit entre le Japon et l’URSS. L’empire japonais, qui appartient à la World-Island, s’attaque en effet à ses alliés naturels ! Les Etats-Unis vont se battre sur les deux fronts, Atlantique et Pacifique, en menant de longues campagnes de bombardement stratégique. Le front nippo-soviétique en Mandchourie restera calme jusqu’en août 1945.

La relecture de la carte de Mackinder Les Etats-unis découvrent l’importance de Harold Mackinder dans la géopolitique allemande à la suite d’un article sur les scientifiques d’Hitler paru dans le Reader’s Digest en juin 1941. On relit sir Mackinder quand son Democratic Ideals and Reality est réédité à New York l’année d’après. Son schéma s’impose dans l’opinion publique en dépit des contradictions entre la carte des « puissances naturelles » et la réalité de la guerre. Après 1945, le croissant bleu désigne le camp de la liberté, le rose les terrains d’opérations (Corée, Vietnam, Afghanistan, Iran, Turquie, Allemagne, Pologne), et enfin, le rouge la zone communiste. Le trait noir représenterait le cordon sanitaire qui protége « le monde libre ».

Les géopoliticiens de la Guerre Froide L’Union soviétique (avec la République Populaire de Chine après 1949) occupe le Heartland de Mackinder. Staline et Mao Zedong peuvent donc exploiter les « peuples serviles et analphabètes » de l’Eurasie. Ils menacent les démocraties indépendantes situées entre le Heartland et la World-Island en vertu de l’adage de Democratic Ideals and Reality : « Qui gouverne l’Europe orientale domine le Heartland, Qui gouverne le Heartland domine la World-Island, Qui gouverne la World-Island domine le Monde. » Certains géopolitologues, comme le colonel Herman Beukema qui enseigne à West Point, préconisent la mise en place par les Etats-Unis d’un cordon d’Etats anti-communistes qui s’étendrait de l’Islande à la Corée, d’un bout à l’autre du croissant interne de Mackinder. La formation de gouvernements progressistes en Amérique latine est bien entendu intolérable pour les Etats-Unis qui combattent les intrusions de Moscou dans le croissant externe. Note Au cœur du maléfique Heartland, Magnitogorsk est fondée sur les rives du fleuve Oural en 1929, au début du premier plan quinquennal. C’est le plus grand combinat sidérurgique au monde. Pendant la seconde guerre mondiale, la ville produit la moitié de l’acier nécessaire aux blindés de l’Armée Rouge.

Les conséquences pour Mackinder de la victoire sur l’Axe Après la défaite de Berlin et de Tokyo, les universitaires de l’Amérique du Nord se désintéressent de l’école allemande de géopolitique. Alors que Mackinder continue à faire réfléchir les politiciens et les militaires, des géographes manifestent leur scepticisme. L’US Army School of the Americas (SOA) est fondée en 1946 à Panama au tout début de de la Guerre Froide. 57.000 cadres des armées latino-américaine y recevront des cours sur les relations entre civils et militaires, ainsi que sur la lutte contre les ennemis extérieurs et domestiques. 15% des officiers de la police secrète de Pinochet sont formés dans cette institution. Je suppose que les notions de géopolitique et de géographie militaire de la SOA dérivent de « la carte du pivot géographique de l’histoire ». En Amérique du Sud, la fusion des concepts fondamentaux de la géopolitique allemande et de Mackinder est bien acceptée. L’idée que l’Etat soit un organisme vivant qui doit lutter pour survivre séduit les Brésiliens, les Argentins et les Chiliens. Les militaires latino-américains se donnent comme mission une politique nationale de répression, d’intégration et de développement.

4. L’école chilienne de géopolitique (1951-1990) Le général Augusto Pinochet Ugarte, commandant en chef de l’armée chilienne, s’assoit au premier plan. La photo est prise après l’assaut du Palais de la Moneda et l’élimination du président socialiste Salvatore Allende, le 11 septembre 1973. Professeur de géopolitique pendant de longues années, Pinochet se laisse guider par cette science car il sait qu’elle montre, en toute objectivité, les objectifs que doit se donner l’Etat pour assurer la sécurité du Chili et garantir le bonheur des Chiliens. « Conscience géographique de l’Etat », la géopolitique peut en effet prédire l’avenir du pays. En août 1974, « cet ange-gardien patriotique » visite le centre de torture scientifique de Colonia Dignidad que dirigent des « professeurs » allemands. En septembre 1974, Pinochet peut déclarer que le Chili est une « île de paix » dans un monde livré à la violence. L’opération Cóndor est lancée l’année suivante, à l’occasion de son soixantième anniversaire.

Le contexte anti-communiste « Une action est promise au succès quand des forces différentes se regroupent en réponse à un plan préparé au préalable et conçu soigneusement. » (Pinochet, Geopolítica, p. 153). Les documents de la Central Intelligence Agency prouvent en effet que le coup d’Etat est préparé de longue date. L’armée chilienne, le Parti National, et les terroristes de Patria y Libertad reçoivent pendant des années des subventions de Washington DC pour déstabiliser le gouvernement de l’Unité Populaire. A la tête des généraux putschistes, Augusto Pinochet se considère néanmoins comme « le meilleur exemple de discipline et de loyauté des forces armées ». Directeur de la junte militaire, Pinochet se nomme « Chef Suprême de la Nation », puis « Président de la République ». Ce « vieux soldat », qui dit « défendre les faibles et comprendre les ouvriers de tout le pays », est « plus que jamais conscient de ses nouvelles responsabilités ». Inspiré par « une conception nouvelle de la politique », il va diriger le pays « avec pureté et sans compromis ». Il veut protéger le Chili « des opposants qui se sont vendus à l’étranger pour des millions de dollars ». Il élimine progressivement ses camarades d’armes, fait entrer dans son cabinet un nombre croissant de technocrates ultra-libéraux, et concentre tous les pouvoirs.

Le programme de la junte militaire en trois verbes ÊTRE authentiquement nationaliste, être pour tous les chiliens, être fier des valeurs patriotiques qui ont formé l’identité chilienne, être indépendant et anonyme, être fort et juste, être un peuple viril et militaire, être conscient de ses devoirs, être une lumière spirituelle, être une oasis de paix et de respect, être un pays d’union et de paix qui respecte les droits humains spirituels. AVOIR des objectifs nationaux, avoir le souci de l’autorité, avoir la responsabilité d’un nouveau destin, avoir l’esprit du service public, avoir l’esprit de décision, avoir de l’esprit de corps, avoir un esprit noble de sacrifice, avoir foi et espoir, avoir l’obligation d’agir, avoir la volonté de progresser, avoir de la conscience professionnelle, avoir de la cohésion et de la loyauté, avoir de la chilenidad. AGIR POUR une société nouvelle, agir pour le sort de chaque fils de la patrie, agir pour une nouvelle constitution d’inspiration nationaliste, agir pour une patrie digne, libre et souveraine, agir pour le peuple pendant la reconstruction nationale, agir pour le maintien des moyens militaires, agir pour l’autonomie universitaire, agir avec rigueur professionnelle pour exterminer le marxisme.

La lutte contre les « subversifs de Moscou » Pour terroriser les électeurs de l’Unité Populaire et de la Démocratie Chrétienne, Pinochet crée une police secrète, la Dirección Nacional de Inteligencia ou DINA. Il en confie la direction à l’un de ses plus proches amis. Le sadique colonel Manuel Contreras, qui a suivi les cours de géopolitique d’Augusto Pinochet, sait être efficace. Les corps des victimes de la DINA n’ont jamais pu être retrouvés et identifiés. La majorité des ennemis présumés de la dictature (les fonctionnaires, les syndicalistes, les universitaires, les féministes, l’église catholique et en particulier le Vicaría de Solidaridad) habite Santiago. Pinochet y fait régner un climat de terreur. Les centres de détention, de torture et d’exécutions sommaires, comme la Villa Grimaldi, sont particulièrement nombreux dans la capitale chilienne. La constitution de 1980 va rétrospectivement donner un cadre légal à la répression. L’article 24 définit un « état de péril », qui alterne entre « état de siège » et « état d’urgence ». La loi martiale est maintenue jusqu’en 1987. En novembre 2004, le général Juan Emilio Scheyre, le nouveau commandant en chef de l’armée chilienne, endosse la « responsabilité institutionnelle » des crimes commis pendant la dictature. Plus de 28.000 victimes de la torture vont recevoir des pensions.

« Il y a une profonde similarité entre les écoles de géopolitique de l’Union soviétique et du Vatican. » Pinochet, Geopolítica, p. 62. La géographie de la terreur Après le putsch, le régime de Pinochet déclare « l’état de guerre interne » bien qu’il ne rencontre aucune résistance dans la société civile. La torture demeure une pratique courante pendant toute la durée de la dictature. De 1973 à 1975, à peu près 250.000 personnes sont arrêtées, 42.500 sont torturées sauvagement, dont des enfants, et 3.900 « disparaissent ». Des centaines de femmes sont violées. Dans les universités, les officiers remplacent les professeurs expulsés. 20.000 Chiliens partent en exil. L’église assiste au toal 700.000 Chiliens. Une géographie de goulag se met en place dans le pays avec la centralisation progressive du réseau des centres de torture. Rationnels et anonymes, les bourreaux qui y travaillent choisissent qui exécuter pour ne pas laisser de témoins. Les opposants de la première heure sont envoyés dans des camps de concentration et de travaux forcés loin de la capitale, dans le désert de l’Atacama (à Chacabuco) ou dans le glacial détroit de Magellan (Isla Dawson). Les camps sont clandestins même si ils se trouvent à proximité des villes de Santiago (Puchuncaví) ou de Concepción (Isla Quiriquina). On effacera au bulldozer la trace de ces lieux à partir de 1989.

L’aménagement stratégique du territoire Bien qu’il appelle le cardinal de Santiago et l’ambassadeur états-unien des comploteurs communistes, Augusto Pinochet maintient de bons termes avec Margaret Thatcher, le pape Jean Paul II, et Ronald Reagan. Les relations avec le Pérou et l’Argentine sont en revanche tendues ; des querelles de frontières éclatent en 1975 et en 1978. L’aviation chilienne fait stationner ses Mirages en Terre de Feu. Santiago se range du coté de Londres pendant la guerre des Malouines. Le général Pinochet entreprend de grands travaux pour des raisons géostratégiques. La Panamericana (la 5), qui traverse le pays du nord au sud, relie Arica à Santiago puis à Puerto Montt. En 1976, Pinochet lance la construction de la Carretera Austral (la 7) pour franchir les 2.074 Km qui séparent Puerto Montt de Punta Arenas sans passer par l’Argentine ou prendre le bateau. La construction de la Carretera Austral est toujours en cours.

Les chantiers du général 1. Aménagement de la géographie de la terreur :

Organisation de 802 centres clandestins de détention dans le pays. Opération Cóndor : collaboration avec les services secrets de l’Argentine, de l’Uruguay, du Brésil, du Paraguay et de la Bolivie pour traquer, torturer et exécuter les opposants aux dictatures militaires.

2. Définition des objectifs de développement national. Contributions théoriques et pratiques à la « conquête des frontières intérieures ». Réforme administrative du Chili et division du territoire en 13 régions. Construction de la « Carretera Longitudinal Austral ». Bases permanentes en « Antarctique chilienne ».

3. Politique économique néo-libérale en application des préceptes des « Chicago Boys » formés par le professeur Milton Friedman de l’Université de Chicago. Privatisation des services publics. Dérégulation de l’industrie et baisse des salaires.

4. Collaboration au pillage par les sociétés multinationales des ressources du sud chilien (pétrole, poisson, mines, bois).

5. Le théoricien chilien de la géopolitique CURRICULUM VITAE d’Augusto PINOCHET UGARTE Né à Valparaiso, le 25 novembre 1915. 1933-1937 : Pinochet suit les cours de l’Ecole Militaire du Chili. 1937 : Sous-lieutenant d’infanterie. 1941-1945 : Cours suivis à l’Ecole Militaire du Chili. 1949 : Cours suivis à l’Académie de Guerre du Chili. 1951 : Officier d’Etat-Major. 1951-1953 : Professeur et directeur de formation à l’Ecole Militaire. Professeur invité de géographie militaire et de géopolitique à l’Académie de Guerre. 1955: Professeur à l’Académie de Guerre. 1956-1959 : Chargé de cours en géopolitique, en géographie militaire et en renseignement militaire à l’Académie de Guerre de l’Equateur. 1960-1968 (?) : Professeur de géopolitique et de géographie militaire à l’Académie de Guerre du Chili. 1963 : Vice-directeur de l’Académie de Guerre du Chili. 1965 et 1968 : Visites guidées des Etats-Unis et de la zone de Panama. 1968 : Général de brigade. 1971 : Général de division et commandant de la garnison de Santiago. 1972 : Chef de l’Etat-Major général de l’armée. 1973 (23 août) : Commandant en chef de l’armée. (11 septembre) : Pinochet dirige la junte qui renverse le gouvernement civil « à l’appel du peuple ». 1974-1990 : « Chef Suprême de la Nation ». 1990: Pinochet consent au transfert du pouvoir politique à un régime civil. 1998 : Commandant en chef émérite de l’armée. Sénateur à vie.

Publications principales Síntesis geográfica de Chile, Argentina, Bolivia y Perú, 1953 et 1963. Síntesis geográfica de Chile. Las relaciones espaciales, aspectos geofísicos, geohumanos, geografía política y económica de Chile, 1955. Geografía militar : interpretación militar de los factores geográficos,1957 et 1980. Ensayo de un estudio preliminar de una geopolítica de Chile, 1965. Geopolítica, 1968, 1974, 1977 et 1984. Geopolítica de Chile, 1978. Política, politiquería, demagogia, 1983. Camino recordido : memorias de un soldado, 1993 (Vol. 1 et 2) et 1994 (Vol. 3-1 et 3-2). Augusto Pinochet : diálogos con su historia, 1999. Notes 1. Après avoir combattu au Proche-Orient, le général allemand Hans von Keisling émigre au Chili en 1919. Il enseigne à l’Académie de Guerre jusqu’à la fin des années 1930. 2. L’armée chilienne, très influencée par le modèle prussien, s’empare du pouvoir au nom de la « solidarité nationale » en 1924. Le colonel Carlos Ibáñez del Campo est président du Chili de 1927 à 1931. 3. Faite par l’armée chilienne, une bibliographie sérieuse de Pinochet existe ; Alma de soldado n’a toutefois pas été mise en vente. Pinochet est en outre l’auteur d’une autobiographie en quatre volumes, Camino recordido, qui laisse les historiens sur leur faim. Ignorance réelle ou feinte ? écrit l’un des commentateurs à propos de la description par Pinochet des aberrations de son propre régime.

Les silences du général Jusqu’en 1973 Pinochet monte en grade sans chercher à se faire remarquer. Sa carrière reste donc mal connue, même si elle se déroule essentiellement dans les bureaux de la capitale. On ne sait rien de certain sur les rapports personnels d’Augusto Pinochet avec ses collègues états-uniens, militaires ou géographes. Je fais l’hypothèse que le général Pinochet aurait pris connaissance à Quito des écrits des géographes anglo-américains (Harold Mackinder) dont certains sont traduits en espagnol (Derwent Whittlesey et Hans Weigert dès 1948). Il connaît déjà l’école allemande de géographie (Karl Haushofer, Rudolf Kjéllen et Friedrich Ratzel) puisque l’armée chilienne de l’entre-deux-guerres emploie des instructeurs allemands. L’auto-glorification des années de dictature n’est plus de mise aujourd’hui. Des enquêtes viennent de s’ouvrir sur le rôle d’Augusto Pinochet dans l’assassinat en 1974 de son prédécesseur, le général loyaliste Carlos Prats, sur sa participation à « l’opération Cóndor », sur ses comptes en banque à Miami, ainsi que pour évasion fiscale et blanchiment de capitaux. En 1995, Manuel Contreras, son fidèle lieutenant, est condamné à sept ans de résidence surveillée pour meurtre, puis en mai 2004 à 15 ans de prison pour enlèvement et meurtre. Longtemps protégé par l’immunité de son poste de sénateur, Augusto Pinochet est inculpé d’enlèvement et de meurtre le 14 décembre 2004.

6. Geopolítica L’édition anglaise de Geopolítica parait en 1981. Le livre, qui a été réédité quatre fois à Santiago (1968, 1974, 1977 et 1984) résume au moins quinze années d’enseignement de la géographie militaire au Chili et en Equateur. Pinochet présente méthodiquement des plans de cours sur la composition, les structures et le cycle biologique de l’Etat. Dans sa préface, l’auteur explique que la géopolitique est « le bon conseiller de l’homme d’Etat, à qui elle désigne de manière scientifique les objectifs de l’Etat, et montre comment ils peuvent être atteints dans le futur pour assurer la paix, le bonheur et le bien-être de son peuple ». C’est pourquoi, écrit Pinochet, que nous soyons outre-mer ou au Chili, nous devons apprendre ce que pense l’auteur (c’est à dire Pinochet) sur un sujet aussi important que la géopolitique. L’ouvrage de Pinochet ne comporte pas de notes. La bibliographie, succincte et jamais mise à jour, mentionne les livres de Karl Haushofer, Harold Mackinder, Friedrich Ratzel et Hans Weigert. Pinochet en exclut tous les auteurs chiliens de géopolitique. En annexe de Geopolitica, Pinochet ajoute la conférence de Mackinder, « The geographical pivot of history ». Cette idée n’est pas de lui.

Les éléments constitutifs de la géographie d’après Pinochet En géopolitique, le territoire est une composante essentielle de l’Etat. Il comprend quatre éléments spatiaux et dynamiques, ainsi qu’une dimension biologique. 1. La frontière est à la fois zone-frontière et limite administrative. Elle enveloppe et protège le centre vital de l’Etat. 2. L’arrière-pays sert de réservoir au développement du centre vital. Quand cette expansion atteint la frontière, l’Etat doit agrandir la taille du pays par des conquêtes à l’étranger. 3. Le centre vital, formé par la région Santiago-Valparaiso, anime l’ensemble de la nation. 4. Le réseau des transports et des communications comme les nerfs du corps humain, met en relation les différentes parties et structures de l’Etat. 5. Le cycle de la vie de l’Etat : naissance, développement et mort.

La géographie historique du Chili La population est l’autre composante essentielle de l’Etat. Le Chili a été peuplé par les représentants des sous-groupes de la race caucasienne. Les dolichocéphales méditerranéens en se mélangeant aux dolichocéphales germaniques ont donné naissance aux philosophes et aux artistes du pays. Peu prometteuse d’après Pinochet, l’immigration celte et slave est restée marginale. Après avoir analysé les qualités de chaque race, le géopoliticien a la responsabilité de recommander la politique d’immigration qui sert le mieux l’Etat. En effet, « L’ajout de sang neuf au sang aborigène permet l’amélioration de la valeur raciale de la population. » Pinochet, Géopolitica p. 144. La date de la carte (muette) sur les progrès de la colonisation du Chili semble confirmer que le livre de Pinochet a été composé au début de 1950 et n’a pas été révisé depuis.

La cartographie de Geopolítica Les cartes de Pinochet sont indigentes et imprécises, mais toujours nombreuses. Cela prouverait qu’elles tiennent une place dans la rhétorique, mais qu’elles interviennent à la fin de son raisonnement. La logique de la présentation de l’argument compte plus que la représentation de la réalité géographique. L’importance iconographique accordée à certains lieux s’explique mal. Pinochet avait dans doute des plans stratégiques pour le développement du désert de l’Atacama et de la Terre de Feu. Toujours est-il que c’est là où il déportera ses opposants. Même de piètre qualité, toute carte doit être soumise à la censure avant d’être publiée. Le Bureau Gouvernemental des Frontières accorde à Augusto Pinochet la permission de mettre ses cartes en circulation le 10 octobre 1974. L’inclusion systématique dans les cartes de Pinochet d’une frontière ultime, le secteur de l’Antarctique que revendique le Chili depuis 1940 (revendiqué aussi par l’Argentine et le Royaume-Uni) est une obligation légale.

7. Conclusions Le plus étonnant dans l’itinéraire intellectuel de ce géographe de caserne demeure en réalité notre propre ignorance sur ses activités d’enseignant et de chercheur. Geopolítica sort cinq ans avant la prise du pouvoir par l’auteur, mais le livre n’est lu que par les étudiants du futur dictateur. Personne en septembre 1973 ne sait qui est exactement le général Pinochet et quels sont ses plans. J’observe une grande similarité de pensée entre Augusto Pinochet et les géopoliticiens nazis, mais ne sais pas trop bien comment interpréter l’insertion du texte de Mackinder dans le livre de Pinochet puisque l’auteur ne la commente pas. Enfermées dans leur logique, certaines conclusions de Pinochet peuvent surprendre le lecteur. La mécanique de l’exposé de Pinochet interdit tout doute, nuance ou dissidence. Imprécis, contradictoire et répétitif, raciste à l’occasion, paraphrase d’auteurs allemands et états-uniens rarement cités, fermé à tout débat d’idées, mais d’apparence rigoureuse, Geopolítica est bien plus qu’un simple manuel d’école militaire. Il illustre une analyse du monde qui soumet la culture au patriotisme, la civilisation à la conquête, l’individu à l’Etat, et l’ordre international à une volonté de puissance. L’accès aux ressources naturelles, la pression démographique, et le manque d’espace seraient autant d’occasions inévitables de conflit.

Une lecture que recommande le « géographiste » de 2004 Nous continuons à vouloir méconnaître l’effet pervers et contagieux des théories auxquelles Pinochet fait appel pour justifier la violence de l’impérialisme ou de l’Etat national-sécuritaire. Ce faisant, nous sommes incapables de comprendre l’avatar le plus récent de la géopolitique : la « counterfactual history » du photogénique professeur Niall Ferguson (Harvard et Oxford) dans Colossus et Empire. Je veux aussi parler des théories qui justifient l’unilatéralisme, l’interventionnisme, les cages de Guantánamo, ou les 750 bases militaires états-uniennes de par le monde. Relire grâce à Augusto Pinochet « The Geographical Pivot of History » nous permettrait de mieux comprendre les thèses « géographistes » de l’entourage de George W. Bush.

Colossus: The Price of America's Empire by Niall Ferguson

Introduction Part I: Rise 1. The Limits of the American Empire 2. The Imperialism of Anti-Imperialism 3. The Civilization of Clashes 4. Splendid Multilateralism

Part II: Fall? 5. The Case for Liberal Empire 6. Going Home or Organizing Hypocrisy 7. "Impire": Europe Between Brussels and

Byzantium 8. The Closing Door

Conclusion: Looking Homeward Statistical Appendix. Acknowledgements. Notes. Bibliography. Index.

Le général demanda l’heure, et un aide de camp courut à sa rencontre pour lui murmurer : « L’heure que vous désirez, monsieur le Président. »

G. Gabrera Infante, Vista del amanecer en el trópico (1974)

Bibliographie Chappell, John E., 1970, « Climatic change reconsidered. Another look at the ”Pulse of Asia” », Geographical Review, Vol. 60, No. 3, p. 347-373. Child, John, 1979, « Geopolitical thinking in Latin America », Latin America Research Review, Vol. 14, No. 2, p. 89-111. Elkins, T. H., 1989, « Human and regional geography in the German-speaking lands in the first forty years of the twentieth century », in J. Nicholas Entrikin et Stanley D. Brunn, éds., Reflections on Richard Hartshorne’s The Nature of Geography, Washington DC, Association of American geographers. Gilbert, E. W., Parker, W. H., 1969, « Mackinder’s Democratic Ideals and Reality after fifty years », The Geographical Journal, Vol. 135, No. 2, p. 228-231. Haushofer, Karl, 1932, Wehr- und Geopolitik. Geographische Grundlagen einer Wehrkunde, Berlin, Junker und Dünnhaupt. Hepple, Leslie W., 2004, « South American heartland: the Charcas, Latin American geopolitics and global strategies », The Geographical Journal, Vol. 170, No. 4, p. 359-367. Hewitt, Kenneth, 2001, « Between Pinochet and Kropotkin. State terror, human rights and the geographers », The Canadian Geographer, Vol. 45, No. 3, p. 338-355. Kiss, George, 1942, « Political geography into geopolitics. Recent trends in Germany », Geographical Review, Vol. 32, No. 4, p. 632-645. Lattimore, Owen, 1953, « The new political geography of Inner Asia », The Geographical Journal, Vol. 119, No. 1, p. 17-30.

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