Nouvelle restauration des plaques funéraires attiques des MRAH. Etude préliminaire (2e partie)

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B U L L E T I N des van de MUSÉES ROYAUX KONINKLIJKE MUSEA VOOR D’ART ET D’HISTOIRE KUNST EN GESCHIEDENIS PARC DU CINQUANTENAIRE JUBELPARK BRUXELLES BRUSSEL TOME / DEEL 83 2012

Transcript of Nouvelle restauration des plaques funéraires attiques des MRAH. Etude préliminaire (2e partie)

B U L L E T I Ndes van deMUSÉES ROYAUX KONINKLIjKE MUSEA VOORD’ART ET D’HISTOIRE KUNST EN GESCHIEDENISPARC DU CINQUANTENAIRE jUBELPARKBRUXELLES BRUSSEL

TOME / DEEL 83 2012

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TABLE DES MATIÈRES INHOUDSTAFEL

Adel Kelany, More Late Palaeolithic Rock Art at Wadi Abu Subeira, Upper Egypt

Vanessa Boschloos, Anne Devillers, Eric GuBel, Hendrik hameeuw, Cynthia Jean, Laurence van Goethem, Sam van overmeire & Bruno overlaet, The Ancient Near Eastern Glyptic Collections of the Royal Museums of Art and History Reconsidered

Natacha massar & Géraldine Bussienne, Nouvelle restauration des plaques funéraires attiques des MRAH: étude préliminaire (2e partie)

raimon Graells i FaBreGat & cristina manzaneDa martín, La colección de exvotos ibéricos de los Musées royaux d’Art et d’Histoire de Bruxèlles

Francis van noten, Brussels RMAH C.207-1995: a More than Two Thousand Year Old Representation of a Domesticated Argali Sheep?

Thomas Bayet, Claire Dumortier, & Geoffrey espel & Patrick haBets, Un remblai comblé par un dépotoir de la manufacture de céramiques de Tournai

Valérie montens & Françoise Jurion, Adolphe De Mol, peintre sur céramique : la redécouverte de 3 tableaux de carreaux en faïence aux Musées royaux d’Art et d’Histoire

Sophie Balace & Pierre-Henri BiGer, Une œuvre exceptionnelle : l’éventail Inv. 7768 des Musées royaux d’Art et d’Histoire et les éventails à double-entente

Ingrid De meûter, Une série de tapisseries inconnues de « Vie pastorale »

Ingrid De meûter, Des tapisseries de Bruxelles en Bohême et leurs dessinateurs

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Nouvelle restauration des plaques funéraires attiques des MRAHÉtude préliminaire (2e partie)

Natacha Massar & Géraldine Bussienne

RÉsuMÉ – Suite à un article paru dans le volume précédent du Bulletin des Musées royaux d’Art et d’Histoire, cette étude présente les résultats de la restauration de la 3e plaque funéraire d’une série acquise en 1902 par le Musée. Ce travail nous a réservé une surprise puisque cet objet avait été restauré avec les fragments, heureusement jointifs, d’une quatrième plaque appartenant à la série.

sAMENVATTING – Aansluitend op een artikel dat verscheen in het vorige volume van het Bulletin van de Koninklijke Musea voor Kunst en Geschiedenis, presenteert deze bijdrage de resultaten van de restauratie van een derde funerair paneel dat deel uitmaakt van een reeks die in 1902 door het museum werd verworven. Deze restauratiewerken hadden een verassing in petto aangezien kon worden vastgesteld dat het paneel al eerder was gerestaureerd met fragmenten, weliswaar aaneensluitende, van een vierde paneel dat tot dezelfde reeks hoorde.

INTRODUCTION

Dans un précédent article, nous avions présenté la restauration de deux plaques funéraires attiques appartenant aux collections des MRAH1. La troisième (A.6) fut restaurée en 2012, trop tard pour être incluse dans cette première étude. Nous publions donc ici les résultats du démontage et de la restauration de cet objet.

Pour rappel, cette série cohérente de plaques décoratives en terre cuite est ornée de scènes funéraires peintes selon la technique de la figure noire2. Elles furent produites à Athènes vers 540-530 av. j.-C. Depuis leur entrée dans les collections des MRAH en 1902, elles n’avaient pas été retouchées, mais s’étaient au contraire progressivement dégradées. L’état de la plaque A.6 était particulièrement préoccupant (fig. 1). Seuls certains fragments 1 massar & Bussienne 2011, p. 169-190. Comme dans l’article précédent, N. Massar s’est occupée de l’introduction et des résultats archéologiques alors que G. Bussienne présente la restauration de la plaque.2 Cette série fut publiée par verhooGen 1937, p. 66-67. Pour une bibliographie sur les scènes funéraires sur la céramique attique, voir massar & Bussienne 2011. L’ensemble de cette bibliographie n’est pas reprise ici. Pour les parallèles iconographiques, la plupart des renvois sont à BoarDman 1950 où l’on trouve un catalogue commode des plaques funéraires attiques.

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de la plaque étaient conservés ; les restaurations anciennes étaient en très mauvais état (plâtre craquelé …) et les nombreux surpeints empêchaient la lisibilité des fragments antiques. Il était donc urgent d’intervenir, mais difficile de prévoir le résultat du travail de restauration, étant donné l’état de la pièce.

LA RESTAURATION

Les dimensions de l’objet avant traitement étaient suspectes, elles ne correspondaient pas à celles des deux autres plaques de la série3. En outre, l’arrière de la pièce avait été entièrement badigeonné d’une épaisse couche de plâtre et les tessons, noyés dans les bouchages, laissaient entrevoir des contacts douteux.

Afin de rassembler les tessons de cette plaque très lacunaire, l’ancien restaurateur avait creusé une rainure de plusieurs centimètres de profondeur à l’arrière des fragments pour insérer un cadre métallique servant à solidifier la plaque (fig. 2-3). Il avait ensuite

3 Les deux autres plaques mesuraient ca 37,8 x 44,7 cm alors que la troisième mesurait 39,8 x 44,8 cm : la hauteur en particulier suggérait une mauvaise restauration.

Fig. 2. – Le cadre métallique utilisé par le restaurateur du XIXe siècle pour renforcer la plaque(© G. Bussienne).

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entièrement badigeonné l’arrière de plâtre sur presqu’un centimètre d’épaisseur afin de fixer solidement l’ensemble. Pour permettre une meilleure accroche du plâtre sur la surface, l’ancien restaurateur avait également gravé des lignes entrecroisées sur l’arrière de certains fragments. Il s’était aussi servi de feuilles de papier journal pour renforcer les couches de plâtre. Malheureusement, aucune date, ni autre indice qui aurait pu situer cette ancienne restauration dans le temps n’ont été trouvés.

Lors du démontage4, il s’est avéré que la position de certains fragments n’était pas correcte : deux morceaux de bord étaient placés en plein milieu de la plaque, d’autres fragments étaient positionnés sans contact avec le reste et sans lien avec le motif (fig. 4). Un examen plus approfondi d’un des fragments représentant les pieds des personnages a permis de distinguer une forme ressemblant à un visage à l’envers (fig. 5).

4 Concernant les aspects techniques de la restauration, similaires aux deux autres plaques, se référer à l’article précédent : massar & Bussienne 2011, p. 175-182.

Fig. 3. – La rainure et les hachures creusées par le restaurateur du XIXe siècle (© G. Bussienne).

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Le nettoyage de la plaque a permis d’enlever les bouchages largement débordants et de retrouver la surface originale. L’enlèvement des surpeints au niveau des pieds des personnages a révélé qu’il s’agissait bien d’un tesson mal positionné qui représentait à l’origine non pas un mais deux visages.

Ce même fragment a pu être mis en contact avec d’autres morceaux mal placés. Ensemble, ils formaient un angle supérieur droit qui, de toute évidence, n’appartenait pas à la même plaque.

Plusieurs indices allaient dans le même sens :- d’après les dimensions (si l’on s’en réfère aux deux autres plaques qui sont

identiques), il était impossible d’insérer l’ensemble des nouveaux fragments dans l’angle supérieur droit.

- le tesson en haut à droite qui représente un homme levant le bras était d’ailleurs situé à son emplacement correct5. Il y avait donc clairement deux angles supérieurs droits.

- l’usure similaire des fragments du nouvel ensemble différait de celle de la plaque d’origine.

5 En réalité, il manquait quelques millimètres pour compléter l’angle mais le motif ne pouvait pas être placé beaucoup plus bas.

Fig. 5. – Fragment de la plaque inv. A.6-2 à l’envers avec les surpeints de l’ancienne restauration(© G. Bussienne).

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Seuls trois des tessons de la plaque A.6-1 possédaient un contact entre eux et ont donc été collés. Les autres fragments ont été positionnés en utilisant comme références les dimensions des deux plaques précédentes et la cohérence de la représentation picturale. Un comblement a été effectué pour englober les tessons “flottants”. Une retouche a ensuite été réalisée dans le même style que les plaques A.5 et A.7. Deux petits tessons n’ayant pas de contact avec le reste et dont le motif ne permettait pas de les localiser avec certitude ont été conservés à part.

En ce qui concerne les cinq fragments provenant d’une quatrième plaque, la décision fût prise d’effectuer une intervention minimale, à savoir, un collage et un bouchage structurel.

LES RÉSULTATS

L’heureuse surprise de cette intervention fut de découvrir que certaines lacunes de la plaque A.6 avait été comblées avec des fragments provenant d’une autre plaque. Comme expliqué ci-dessus, tous ces éléments étrangers sont jointifs et reconstruisent l’angle supérieur droit d’une quatrième plaque. La surface en est extrêmement usée et les traits mal conservés. Le sujet est cependant semblable à celui de la plaque démontée : les hommes venant saluer la défunte, les uns (plaque A.6-1) venant de gauche et les autres (A.6-2) venant de droite.

Plaque A.6-1 (fig. 6)

Sur cette plaque, quatre couples d’hommes se dirigent vers le lit funèbre, tête en arrière, bras droit levé pour saluer la défunte. À l’extrême droite, un personnage dans une attitude différente les précède. Le premier couple de la procession (à droite, donc) a presque entièrement disparu dans des lacunes. Les têtes du couple suivant sont particulièrement bien conservées : l’homme mûr à l’arrière a les traits très marqués, en particulier les plis au coin de la bouche, signalant peut-être un plus grand âge. Celui qui l’accompagne est jeune, imberbe. Les deux autres couples sont composés d’hommes barbus d’âge mûr. Des rehauts rouges ont été appliqués sur les cheveux et les barbes ainsi que sur certaines zones des vêtements.

Le personnage à l’avant du cortège6, tourné dans le même sens que les autres, est

6 Personnage isolé à l’avant du cortège : BoarDman 1950, n°25, pl. 5 (plaque isolée). Sur les plaques isolées, un

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seul et tient son bras droit dans une position différente, plié à 90° au niveau de l’épaule, avant-bras dressé. Peut-être porte-t-il la main à son front, poignet plié, comme sur d’autres plaques7. Cependant, ce geste est peu courant pour les hommes, plus souvent attesté pour des femmes8. Sur une plaque conservée à Athènes9, le peintre a manqué de place pour le premier groupe du cortège, dont le bras droit fait le même geste que les autres, mais avant-bras à la verticale plutôt qu’en diagonale : il se pourrait que ce soit également le cas de l’image de Bruxelles. Comme le détail de la main n’est pas conservé, il est impossible de trancher.

Les âges des hommes sont souvent distingués sur les plaques funéraires, mais dans les processions – du moins ce que nous en avons conservé – une distinction est établie principalement entre des hommes mûrs et des hommes âgés (chenus, chauves, …). La présence de jeunes gens imberbes est plus rare et surtout attestée sur les plaques d’Exekias et de son cercle ainsi que sur des plaques uniques (postérieures aux séries)10.

Plaque A.6-2 (fig. 7-8)

Sur le fragment de plaque conservé, on distingue quatre hommes barbus en file, tournés vers la gauche, bras droit levé. Des traces de rehauts rouges sont conservées sur les cheveux, les barbes et des parties d’himation. L’état de la surface rend le dessin très difficile à lire. En outre, au XIXe siècle, le restaurateur, lorsqu’il a intégré ces fragments à la plaque A.6, a non seulement ajouté des surpeints, mais a également gravé des traits de détail, notamment au bas des vêtements (fig. 5), pour que la restauration s’intègre au style des fragments antiques. Des lignes parasites viennent donc perturber encore davantage la lisibilité de l’œuvre11.

La seule main visible, celle du deuxième personnage depuis la droite, est exactement dans la même position que celles des hommes de la plaque A.6-1. Celui dont la mimique

homme au pied du lit accueille parfois le cortège d’hommes (BoarDman 1950, n°20 et 34), mais ce n’est pas le cas ici.7 BoarDman 1950, n°20 p. 61 et pl. 8 (a) ; mommsen 1997, pl. Ia et IIa (dans les deux cas, le bras est davantage plié) ; Beilage A, Athen NM 2415 (avec sans doute un jeune homme imberbe)8 Par ex. BoarDman 1950, n°3, 20, 25, 34 ; mommsen 1997, pl. V et Va ; pl. VII et VIIa (geste similaire : pl. VIII et VIIIIa). Voir aussi la plaque unique MRAH inv. A.3369, verhooGen 1937, p. 62, fig. 25.9 BoarDman 1950, n°25, pl. 5.10 Exekias : mommsen 1997, pl. III et IIIa : jeune garçon ; pl. IV et IVa ; par ex. BoarDman 1950, n° 11 ; plaques uniques : 15, 22 (illustrée dans le catalogue de la vente Bonhams du 13/10/2013 lot 187) ; 34 (jeune garçon), 35 ; plaque unique Bruxelles, MRAH, inv. A.3369 (verhooGen 1937, fig. 25, p. 62). Sur la chronologie relative des séries et des plaques uniques, voir BoarDman 1950, p. 51-53.11 Ces lignes modernes n’ont pas été reprises dans le dessin de restitution (fig. 8). N. Massar remercie très chaleureusement Anja Stoll (CreA-Patrimoine, ULB) pour avoir dessiné la plaque et pour leurs discussions animées concernant les restitutions.

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se lit le mieux, le deuxième à partir de la gauche, fait une moue avec les lèvres qui suggère qu’il est en train de chanter. Les hommes en deuil sont régulièrement représentés tête levée, bouche ouverte pour montrer qu’ils ont entonné un chant funèbre12. Les lignes parallèles sous le cou du personnage de droite semblent indiquer la présence d’un vêtement fermé au col, soit qu’il porte son himation serré autour du cou, soit qu’il porte un vêtement différent des autres fi gures. En l’état, cependant, il est très diffi cile d’en dire plus.

12 Par ex. BoarDman 1950, n°13, 21 ; ce motif se retrouve aussi sur d’autres supports : shapiro 1991, fi g. 6 (coupe, Kerameikos 1687) et fi g. 7 (phormiskos, Kerameikos 691).

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Fig. 8. – Dessin de la plaque A6-2 ; les zones en gris plus clair sont de restitution incertaine(dessin : A. Stoll, CreA-Patrimoine, ULB).

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Traditionnellement, sur les représentations de cérémonies funèbres, les femmes sont représentées autour du lit alors que les hommes viennent plutôt en file ou deux par deux saluer le défunt, le bras droit levé. Alan Shapiro a suggéré que « the men form a kind of chorus, performing a threnos, or formal dirge »13. Le groupement des hommes par paires, clairement rendues dans les représentations, semble en effet indiquer une sorte de chorégraphie rituelle. Leurs gestes et leurs poses sont dictés par la tradition. Cependant, les hommes en deuil peuvent aussi être représentés en file, faisant le même geste du bras et de la tête, comme sur la plaque A6-2. Le plus souvent, la procession d’hommes vient de la gauche, mais lorsque la forme du monument le permet, des hommes arrivent également de droite, créant un encadrement visuel autour de la scène centrale, la prothesis14. Les peintres ont cherché à varier légèrement la présentation, tout en maintenant l’essentiel : le bras levé, la tête renversée, parfois bouche ouverte, pour évoquer le chant rituel entonné par les hommes.

Agencement de la série

La découverte d’une quatrième plaque appartenant à cette série permet quelques suggestions concernant la présentation de ces objets. L’existence assurée de plus de trois plaques qui s’agencent en série était, jusqu’ici, limitée aux œuvres d’Exekias15. Sa série la plus célèbre, conservée à Berlin, compte au moins quinze plaques qui, dès lors, s’organisent selon un schéma bien différent : plusieurs plaques devaient orner chaque côté du monument16. Lorsque le nombre de plaques est réduit à deux ou trois, si ces objets ornaient bien l’extérieur des monuments, souvent seules deux ou trois parois devaient être (aisément) visibles, rendant inutile de décorer les autres faces. Seuls quelques monuments plus isolés présentaient quatre faces dégagées.

Parmi les plaques de Bruxelles, celle présentant la prothesis, l’image centrale, est fermée sur elle-même, les femmes penchées sur le lit funèbre. Les deux plaques avec des hommes pleurant présentent des mouvements contraires, dirigés vers la plaque centrale. Enfin, la plaque avec la préparation du char, bien qu’elle ait une direction privilégiée, celle vers laquelle sont tournés les chevaux, est également fermée sur elle-même par le serviteur qui se tient à la tête de l’animal. Ces plaques présentent un mouvement vers le centre :

13 shapiro 1991, p. 635-636 ; voir sa figure 6 qui en présente un bel exemple.14 Trois autres séries de plaques présentent des hommes venant des deux côtés : BoarDman 1950, n°6, 7, 11. Sur plusieurs plaques uniques, le lit funèbre est encadré par des hommes venant de chaque côté : par ex. Bruxelles, MRAH, inv. A.3369 (verhooGen 1937, fig. 25, p. 62) ; BoarDman 1950, n°21, 33, 35.15 Aucune série cataloguée par BoarDman 1950, p. 58-61 catalogue n°1-14, mises à part celles peintes par Exekias, ne compte assurément plus de trois plaques. Souvent, l’existence de trois plaques distinctes est incertaine en raison de leur état de conservation extrêmement fragmentaire, ne permettant pas d’évaluer le nombre total d’objets à l’origine.16 BoarDman 1950, p. 64 ; mommsen 1997.

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les deux groupes d’hommes – figurés légèrement différemment, dans un souci de variété (procession de couples / file ; hommes chantant ou non) – ont un mouvement centripète, vers le lit funèbre. La plaque centrale, représentant la défunte, devait être flanquée de ces deux représentations de pleureurs, la préparation du charriot étant séparée de la prothesis par une des plaques avec une procession d’hommes.

Si l’on imagine une présentation et une composition relativement équilibrée sur le monument, la solution la plus simple est de replacer une plaque sur chaque côté, la prothesis marquant la façade principale. Cependant, d’autres agencements sont possibles : plaques deux par deux sur deux parois contiguës, deux plaques sur la façade avant et une plaque sur deux autres faces du monument… Rien ne permet de trancher entre ces suggestions. C’est à la fois la forme du monument, sa taille et sa relation aux autres édifices qui devaient dicter l’agencement de la décoration.

La série de plaques de Bruxelles est aujourd’hui une des mieux conservées au monde. Elle a enfin retrouvé un état digne d’une présentation au public.

BIBLIOGRAPHIE

BoarDman j., 1955, Painted funerary plaques and some remarks on prothesis, in : Annual of the British School at Athens 50, p. 51-66.

massar n. & Bussienne G., 2011, Nouvelle restauration des plaques funéraires attiques des MRAH. Étude préliminaire (1ère partie), in : Bulletin des Musées royaux d’Art et d’Histoire 82, p. 19-190.

mommsen H., 1997, Exekias I. Die Grabtafeln, Mainz, (Forschungen zur antiken Keramik Reihe 2, Kerameus, 11), Mainz am Rhein.

shapiro H. A., 1991, The Iconography of Mourning in Athenian Art, in : American Journal of Archaeology 95, p. 629-656.

verhooGen V., 1937, Plaques funéraires attiques, in : Bulletin des Musées royaux d’Art et d’Histoire 9/3, p. 61-68.

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