Malaise dans la pénalisation

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1 Malaise dans la pénalisation : le ministère public face aux usages de drogues Thibaut Slingeneyer * Dan Kaminski ** Résumé En partant d’une analyse de l’autonomie du ministère public belge dans l’exercice de l’action publique, cet article repère les différentes normes et « consignes » applicables au traitement des dossiers relatifs à des consommations de substances illégales. Aux fins de préciser la nature et l’ampleur de l’autonomie, nous avons construit une typologie des styles d’action du magistrat du parquet à partir des relations entretenues par ce magistrat avec les policiers, les intervenants psycho-médico-sociaux et les usagers de drogues dans le cadre des dossiers relatifs à la consommation de substances illégales. MOTS-CLES : DROGUES (USAGES DE) – MINISTERE PUBLIC – POLITIQUE PENALE – AUTONOMIE Starting from an analysis of the autonomy of the belgian Crown procecution in the criminal procedure, this article presents the different norms and instructions suitable for the treatment of the drug users’ criminal files. To specify the nature and the scope of this autonomy, we have produced a typology of the action’s styles of the magistrate, grounded on his interactions with the policemen, the social and medical services and the drug users themselves. KEY-WORDS: DRUGS (USE) – CROWN PROSECUTION – CRIMINAL POLITICS – AUTONOMY Introduction Cet article est consacré à la politique belge des poursuites en matière de stupéfiants. Il tente de démontrer que l’autonomie du ministère public est bien plus grande que ne l’indique la conception doctrinale de cette autonomie et qu’elle ouvre un espace de tensions dont le contentieux des stupéfiants constitue un analyseur pertinent. Nous partirons de l’autonomie institutionnelle du ministère public (I) et nous en examinerons les aléas lorsque, pour un contentieux donné, des directives poursuivent un souci d’harmonisation ou des réformes légales tentent une dépénalisation floue de certains comportements (II). L’imperméabilité de magistrats à ces normes et l’adoption de styles professionnels modélisés pour les besoins de cet article montrent la puissance de normes implicites et extrajuridiques dans la gestion des usages de stupéfiants (III). En peu de mots, le cadre légal ou réglementaire a peu d’impact sur la politique des poursuites, mais celle-ci n’en est pas débridée pour autant ; elle obéit à d’autres normes modélisables en styles professionnels contrastés. Nous mobilisons ici les résultats d’une recherche au cours de laquelle nous avons rencontré (en entretiens individuels * Thibaut Slingeneyer est assistant et chercheur au département de droit pénal et de criminologie de l’U.C.L. (Belgique). ** Dan Kaminski est professeur à l’Ecole de criminologie de l’U.C.L. (Belgique).

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Malaise dans la pénalisation :le ministère public face aux usages de drogues

Thibaut Slingeneyer*

Dan Kaminski**

Résumé

En partant d’une analyse de l’autonomie du ministère public belge dans l’exercice de l’actionpublique, cet article repère les différentes normes et « consignes » applicables au traitementdes dossiers relatifs à des consommations de substances illégales. Aux fins de préciser lanature et l’ampleur de l’autonomie, nous avons construit une typologie des styles d’action dumagistrat du parquet à partir des relations entretenues par ce magistrat avec les policiers, lesintervenants psycho-médico-sociaux et les usagers de drogues dans le cadre des dossiersrelatifs à la consommation de substances illégales.

MOTS-CLES : DROGUES (USAGES DE) – MINISTERE PUBLIC – POLITIQUE PENALE – AUTONOMIE

Starting from an analysis of the autonomy of the belgian Crown procecution in the criminalprocedure, this article presents the different norms and instructions suitable for the treatmentof the drug users’ criminal files. To specify the nature and the scope of this autonomy, wehave produced a typology of the action’s styles of the magistrate, grounded on hisinteractions with the policemen, the social and medical services and the drug usersthemselves.

KEY-WORDS: DRUGS (USE) – CROWN PROSECUTION – CRIMINAL POLITICS – AUTONOMY

Introduction

Cet article est consacré à la politique belge des poursuites en matière de stupéfiants. Il tente dedémontrer que l’autonomie du ministère public est bien plus grande que ne l’indique laconception doctrinale de cette autonomie et qu’elle ouvre un espace de tensions dont lecontentieux des stupéfiants constitue un analyseur pertinent. Nous partirons de l’autonomieinstitutionnelle du ministère public (I) et nous en examinerons les aléas lorsque, pour uncontentieux donné, des directives poursuivent un souci d’harmonisation ou des réformeslégales tentent une dépénalisation floue de certains comportements (II). L’imperméabilité demagistrats à ces normes et l’adoption de styles professionnels modélisés pour les besoins decet article montrent la puissance de normes implicites et extrajuridiques dans la gestion desusages de stupéfiants (III). En peu de mots, le cadre légal ou réglementaire a peu d’impact surla politique des poursuites, mais celle-ci n’en est pas débridée pour autant ; elle obéit àd’autres normes modélisables en styles professionnels contrastés. Nous mobilisons ici lesrésultats d’une recherche au cours de laquelle nous avons rencontré (en entretiens individuels

* Thibaut Slingeneyer est assistant et chercheur au département de droit pénal et de criminologie de l’U.C.L.(Belgique).** Dan Kaminski est professeur à l’Ecole de criminologie de l’U.C.L. (Belgique).

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et dans des analyses en groupes pluriprofessionnelles)1, une quinzaine de magistrats duministère public spécialisés en matière de drogues2.

I. Le ministère public et son autonomie institutionnelle

1) L'institution et ses missions

Les missions essentielles du procureur du Roi et de ses substituts (acteurs qui forment defaçon indivisible ce que l'on nommera le ministère public ou le parquet) consistent enl'exercice de l'action publique — poursuivre les infractions, c'est-à-dire réclamer du jugel'application de la loi pénale — et la direction de ce que l'on appelle l'information durant laphase préliminaire du procès pénal (Bosly et Vandermeersch, 2005, 325). La bouteille à encres'est déjà vidée et remplie plusieurs fois pour discuter de la question du statut du ministèrepublic (voir Strebelle, 2002, 101 et sv.). Deux raisons juridiques précises justifient cesdiscussions.

Tout d'abord, la décision de poursuivre les infractions est une décision qui suppose l'examen,par le ministère public, de la légalité et de l'opportunité d'une telle décision (voir Janssen etVervaele, 1990) ; si la poursuite s'avère légalement justifiée, le magistrat du parquet peutencore y renoncer en vertu du principe d'opportunité reconnu en Belgique par la seuledoctrine jusqu'en 1998, puis depuis la réforme « Franchimont » par l'article 28quater al. 1 duCode d'instruction criminelle. Lorsque le préjudice social de l'infraction est faible, lorsque leprévenu semble animé par un mobile honorable... ou lorsque le parquet est surchargé, desdossiers peuvent être classés sans suite et parfois ce sont des contentieux entiers qui sontsoumis à ce qui devient dès lors une décision de politique criminelle (Bosly etVandermeersch, 2005, 147). L'évaluation de l'opportunité des poursuites, compétence majeuredu ministère public, peut être sensiblement différente d'un arrondissement judiciaire à l'autreet une telle différence semble inconciliable avec le principe d'égalité garanti par laConstitution, si elle ne se fonde pas sur des directives générales (Vande Lanotte, 1997, 24).Cette mise à mal du principe d'égalité a été constatée en matière de stupéfiants et justifiel'adoption de directives dont nous ne pourrons ici exposer toute la teneur (voir, pour plusd’informations, Kaminski, 2003).

Seconde raison : l'appartenance floue du ministère public au pouvoir exécutif (Verdussen,1997) l'exonère de certaines obligations imposées au juge en matière pénale (principe decontradiction, publicité, motivation des décisions, double degré de juridiction). Or, de plus enplus, en particulier dans le contentieux des stupéfiants, le ministère public se substitue de faitaux fonctions juridictionnelles du tribunal en privilégiant des formes d'action qualifiables

1 Pour plus d’informations sur la méthode, voir Van Campenhoudt et al., 2005.2 Les résultats complets de la recherche financée par la Politique Scientifique Fédérale sont publiés dans DecorteT., Kaminski D., Muys M. et Slingeneyer T. (2005), L’usage problématique de drogues (illégales). Rechercheconcernant l’opérationnalisation du concept dans un cadre légal, Gent, Academia Press. Un résumé de larecherche peut être consulté à l’adresse suivante du site de la Politique Scientifique Fédérale :www.belspo.be/belspo/fedra. Dan Kaminski a également été promoteur d’une autre recherche (aux résultats delaquelle il est fait recours), axée spécifiquement sur la politique des poursuites en matière de stupéfiants. Cetterecherche a fait l’objet d’un rapport non publié : Toro F. (2002), « Les transformations de la politiques despoursuites en matière de stupéfiants », Déplacements des frontières de la justice : une analyse en groupesd’acteurs et de chercheurs, rapport final de le recherche financée par les Services fédéraux des Affairesscientifiques, techniques et culturelles (SO/15/052). Ce rapport est téléchargeable sur le site des FacultésUniversitaires Saint-Louis à l’adresse suivante : www.fusl.ac.be/projects/frontieresjustice.

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d'autonomes, qui s'apparentent à des décisions judiciaires, sans subir aucun contrôle externe etlaissant le justiciable sans recours.

La montée en puissance du parquet comme organe de régulation de l'activité pénale — parl'invention et l'application de pratiques de contrôle permettant d'éviter les poursuites,pratiques reconnues par la loi ou non — place le justiciable dans une situation d'insécuritéjuridique que l'on peut certes juger plus favorable que la systématicité des poursuites devant letribunal, mais que l'on peut considérer également comme moins favorable que le classementsans suite pur et simple, la dépénalisation ou encore la décriminalisation des comportementsque l'on met à sa charge. L'ambiguïté statutaire dont il a été rapidement question ici seprolongera, on le verra tout de suite, en une ambiguïté décisionnelle.

2) Décideur et exécutant de sa politique

Le ministère public est titulaire de la définition et de l'exécution de la politique des poursuites.Il est l’initiateur d'une politique tout d'abord en raison du simple fait suivant : chargéd'introduire les poursuites devant un tribunal répressif, son activité essentielle sur le planquantitatif consiste à classer des dossiers sans suite. Il est avant tout, à travers l'autorité qui luiest conférée, auteur de décisions individuelles d'orientation des dossiers pénaux. Desrecherches récentes évoquent un taux de classement, tous contentieux confondus, avoisinantles 75% (Fijnaut et al., 2000, 85-97). Si ce taux est avant tout tributaire — selon l'exigence delégalité des poursuites — de l'absence d'identification de l'auteur de l'infraction et deconsidérations techniques (il n'y a pas ou plus d'infraction sur le plan juridique) sur lesquellesnous ne nous étendrons pas, lorsque l'on examine les dossiers entrant au parquet et dontl'auteur est connu, le taux de classement est encore de 54% (Fijnaut et al., 2000, 85-97 ;Verhage, 2002, 7-16). Autrement dit, la majorité des classements sont tributaires d'unesélection qui relève d'un « jugement » relatif à l'opportunité des poursuites. Comme on l'a vu,par opportunité, il faut entendre le recours à un critère de décision destiné à éviterl'application de la loi lorsqu'elle n'apparaît pas souhaitable. L'opportunité des poursuites estdonc un instrument de gestion de l'effectivité de la norme pénale (Mincke, 2002, 50) plusqu'un jugement individualisé, tenant compte des intérêts des parties en présence, tel qu'onl'attend d'un tribunal saisi d'une affaire.

Ceci dit, l'orientation des dossiers pénaux ne relève pas que d'un choix binaire (poursuivre, nepas poursuivre) puisque, de façon a-légale et de façon légale, des pratiques différentes sontapparues. Certaines de ces pratiques n'ont pu se développer que par l'autorisation de la loi(elles visent à l'accélération des poursuites, telles que la convocation par procès-verbal ou laprocédure accélérée) et d’autres, que l'on pourrait qualifier d'intermédiaires, consistent àsoumettre l'auteur présumé d'une infraction à des conditions dont le respect par lui entraîneraà terme le classement sans suite de son dossier ou l'extinction de l'action publique. Il importede relever que ces dernières pratiques, dites de la troisième voie (Faget, 2002, 132), se sont,pour la plupart développées empiriquement et ne se sont vues, parfois, consacrer par la loiqu'au cours des dix dernières années3. Le droit de classer des dossiers sans suite, est, on l’a vu,légalement reconnu depuis peu. Quant aux pratiques « intermédiaires », elles ont étépartiellement légalisées par des dispositions multiples insérées dans l'article 216bis à septiesdu Code d'instruction criminelle (voir Mincke, 2002, 90 et sv., Strebelle, 2002, 105-111) sous 3 L'ouvrage incontournable de Janssen et Vervaele (1990, 27) sur la politique de classement sans suiten'envisageait — au titre de ces pratiques foisonnantes depuis lors — que la transaction, soit une procédure sansjugement qui permet au ministère public de mettre fin à l'action publique moyennant le paiement d'une sommed'argent.

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les noms de médiation pénale, injonction formative, injonction thérapeutique, travail d'intérêtgénéral, transaction pénale.

Quels qu'en soient les motifs, les observations qui viennent d'être faites laissent entendrequ'une sélection s'opère entre les dossiers qui méritent des poursuites, rapides ou non, ceuxqui ne les méritent pas (classement sans suite) et ceux qui pourraient les mériter (troisièmevoie). On peut préciser que cette sélection ne relève pas que des pratiques individuelles desmagistrats du parquet, mais au contraire que les poursuites font l'objet d'une politique, ce quisignifie que la sélection est, dans ce cas, consciemment et collectivement promue selon descritères que l'on pourra qualifier d'institutionnels (en tant qu'ils reposent sur l'expression devaleurs), d'organisationnels ou régulatoires (en tant qu'ils reposent sur le souci d'éviter ou deréduire la surcharge d'une administration) ou encore de professionnels (en tant qu'ils reposentsur des représentations de l'art du métier des magistrats)4.

Un principe et une institution dominent aujourd'hui l'organisation de la matière. La mise enmouvement de l’action publique par le parquet est régie, tout d'abord, par le principe del’opportunité des poursuites ; elle s’inscrit ensuite dans le cadre d’une politique criminellemenée sous la responsabilité du ministre de la Justice en collaboration avec le Collège desprocureurs généraux (voir Nouwynck, 1997 ; Baeselen et Mary, 1997). Depuis la loi du 4mars 19975, un souci d'uniformisation ou d'harmonisation des directives a conduit àl'institutionnalisation du Collège des procureurs généraux chargé, sous la direction du ministrede la Justice, de la définition de la politique criminelle ; l'article 143ter du Code judiciairepermet ainsi au ministre de la Justice de définir avec les procureurs généraux les priorités dela poursuite (Bosly et Vandermeersch, 2005, 149)6. Le Collège des procureurs générauxdispose d'une compétence d'avis et d'une compétence de décision, dont on peut penser qu'ellescontribueraient à l'harmonisation de la politique criminelle, mais dont on peut craindre aussil'absence de contrôle démocratique sur des questions fondamentales de l'action pénale (voirMincke, 2002, 72 et sv.).

Le ministère public est non seulement rattaché au pouvoir exécutif mais il se trouve dans unerelation de subordination disciplinaire vis-à-vis du ministre de la Justice, qui peut à toutmoment arrêter des directives contraignantes de politique criminelle en matière de rechercheset de poursuites. Si le parquet est fortement hiérarchisé, il présentait jusqu'il y a peu une autrecaractéristique que l'on appelle classiquement son autonomie fonctionnelle (Van Oudenhove,1999, 19). Depuis la loi du 4 mars 1997, l'immixtion du ministre de la Justice dans la politiquecriminelle est susceptible de s'accroître par le rôle de direction qu'il occupe dans l'organisationdu Collège des procureurs généraux. Cependant, l'article 151 de la Constitution (modifié le 20novembre 1998) consacre, on l'a dit, l'indépendance du ministère public dans l'exercice desrecherches et poursuites individuelles, sauf le droit d'injonction positive du ministre de laJustice et les directives contraignantes de politique criminelle. Les directives sont imposées auministère public de façon à influencer la mise en œuvre de l’action publique dans les casqu’elles définissent. Elles ne s’imposent cependant aux magistrats que de manièreadministrative puisqu’elles n'ont pas valeur légale.

4 Cette typologie des critères au fondement de la politique des poursuites est inspirée de Monjardet (1996).5 Cfr. loi du 4 mars 1997 instituant le Collège des procureurs généraux et créant la fonction de magistrat national(M.B., 30 avril 1997). La soumission aux directives de politique criminelle constitue une exception à la règle del'indépendance [du ministère public] dans l'exercice des recherches et des poursuites (Bosly et Vandermeersch,2005, 135) formulée par l’article 151 de la Constitution.6 Il faut noter que le service de la politique criminelle, créé en 1994 au sein du ministère de la Justice disposequant à lui de compétences d'avis et de recherche à la demande du ministre de la Justice.

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L’existence et la production réglementaire d’un organe tel que le Collège des procureursgénéraux posent la question de ses rapports avec la légalité. Les textes qu’il produitparticipent d’un mouvement de réduction de l’importance de la loi dans la politiquecriminelle. Il est en effet imposé aux magistrats du parquet de lire la loi à travers la grille delecture des directives (voir Della Faille et Mincke, 2002, 146).

Il reste que, outre cet organe fédéral récemment institué, la politique criminelle reste la chargeimplicite des procureurs du Roi qui ont la responsabilité des poursuites chacun dans leurarrondissement judiciaire. Cette instance géographico-administrative présente la particularitéde se situer au carrefour des injonctions venant du procureur général ou du Collège desprocureurs généraux et des préoccupations et des priorités locales.

3) Surcharge et déplacements

Il faut encore faire valoir l'accroissement historique du nombre de dossiers comme cause del'augmentation des taux de classement sans suite. Cet accroissement entraîne la surcharge dusystème (Janssen et Vervaele, 1990, 387) et impose la fixation de priorités, du moins dans lesarrondissements judiciaires concernés. Cependant, depuis quelques années, d'autres modalitésde gestion de la surcharge du travail du parquet sont mises en place. On énumérerasimplement ici l'engagement de juristes auxiliaires du procureur du Roi et de ses substituts, ledéveloppement des cadres des tribunaux, l'assouplissement à Bruxelles des contrainteslinguistiques du recrutement des magistrats, le projet d'informatisation Phœnix, mais aussi ladépénalisation des faits que le ministère public ne traite plus, afin qu'ils soient traités par lescommunes sur un mode administratif.

Il faut ajouter à ceci que de plus en plus la politique criminelle se définit dans les termes de lasécurité et qu'elle se déplace vers d'autres instances, notamment policières ou politiques(locales et nationales) qui participent à la définition des priorités notamment en matière depoursuites. Le plan fédéral de sécurité7 et les plans locaux qui s'y soumettent définissent despriorités auxquelles les pouvoirs locaux sont censés adhérer et qu'ils sont censésopérationnaliser. On sait cependant que la sensibilité locale aux phénomènes délinquantsl'emporte le plus souvent dans les choix politiques, policiers et parquetiers opérés à l'échelled'un arrondissement judiciaire. Un des enjeux du phénomène sociologique de la diversité despratiques locales de sélection est d'apprécier à leur juste valeur les efforts d'harmonisationentrepris par les autorités centrales. Comme on le verra, en matière de stupéfiants, ces effortsont été nombreux, répétés et relativement infructueux.

La discussion relative au meilleur niveau de définition de la politique des poursuites estdélicate. Autant il est clair que les différences locales d'apparition et de problématisation desphénomènes criminels justifient des modalités d'action différenciées (et dès lors le choix duniveau local pour définir une politique des poursuites adaptée), autant cette évidence bat enbrèche le principe fondamental de l'égalité : une même infraction peut, en cette hypothèse,être poursuivie ici et classée sans suite ailleurs...

Tout ce qui vient d'être dit n'est encore pensé que sur un mode binaire (classement versuspoursuites) et statique comme si le travail du parquet consistait à faire, de manière instantanée

7 Il s’agit d’un concept gestionnaire de la politique de sécurité mise en place en 1999 par le gouvernementfédéral belge.

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et mécanique, de la pile de dossiers entrants deux tas, l'un pour les poursuites et l'autre pour leclassement. La chose doit être envisagée de manière plus fine, d'abord parce que desopérations d'une autre nature sont entreprises également (ce sont les opérations dites de latroisième voie telles que le classement conditionnel et les alternatives légales de la loi de 1994sur la médiation pénale), ensuite parce que le travail en question n'est pas instantané et doitêtre appréhendé de manière dynamique. Le classement sans suite d'un dossier est en effetprécaire et, dans le délai de prescription de l'action publique (fixé à cinq ans pour lesinfractions à la loi sur les stupéfiants), un dossier classé peut toujours être remobilisé par leministère public pour être joint par exemple à un nouveau dossier à charge de la mêmepersonne. Cette précarité du classement participe de l'insécurité juridique paradoxale durégime de « faveur » qu'il représente.

De plus, pour comprendre la politique des poursuites et ses effets, il y a lieu de l'insérer dansun dispositif plus large que l'institution du ministère public, c'est-à-dire dans l'ensemble del'administration de la justice pénale (depuis les comportements de plainte des victimes jusqu'àl'incarcération issue d'une condamnation en passant par les activités de police). La mise enévidence de phénomènes de criminalité préoccupants est tributaire de l'enregistrement policierde ces phénomènes. La sélection des infractions qui s’opère en amont par les services depolice n’est pas sans exercer une certaine influence sur le flux et la qualité de traitement deces dossiers (voir Francis, 2000 ; De Ruyver et al., 1999, 79-80). En matière de stupéfiants,l'auteur est toujours connu, puisque la connaissance de ce type d'infractions relève presqueexclusivement de l'application de techniques proactives par la police, soit de formes decontrôle et de surveillance des individus. On peut aller jusqu'à affirmer que, dans ce cas, lacriminalité en question est entièrement « produite » par le système d'administration de lajustice pénale lui-même. Entre les choix d'investissement policiers et les politiques depoursuites et de classement sans suite du ministère public, s'instaurent des relations tantdirectes que paradoxales qui permettent de penser que les choix politiques, organisationnels etprofessionnels du système pénal créent un contentieux et en définissent son ampleur ou sagravité (voir Verhage, 2002, 12). Ces relations dépendent également de la publicité faite à lapolitique des poursuites, tant à l'égard du grand public qu'à l'égard des professionnels dusystème pénal qui interviennent en amont comme en aval du ministère public.

On l'aura compris, c'est la partie invisible du travail du parquet qui nous intéresse ici en tantqu'il relève d'une forme ou l'autre de remontée (par évitement du recours aux poursuitesdevant le tribunal) et d'auto-attribution du pouvoir de résolution non juridictionnelle descontentieux. Les contraintes d'approvisionnement du parquet constituent ce dernier acteurinstitutionnel en enregistreur d'une matière première souvent inutilisable (pour paraphraserSimmat-Durand, 1996, 6). La pratique montre la tension de ces opérations d'enregistremententre arbitrage non juridictionnel (critiquable sur le plan de la légitimité démocratique : voirMincke, 2002) et gestion managériale des surplus (Kaminski, 2002).

II. En matière de stupéfiants : harmonisation ou autonomie ?

Qu'en est-il des infractions relatives à l'usage de stupéfiants ? Dans ce type de contentieux, leministère public est en présence de « bons dossiers » pour lesquels il peut réellement exercerun jugement d'opportunité et non se contenter de classer sans suite faute d'élémentsd'identification de l'auteur ou de preuves suffisantes. De ce point de vue, le contentieux del'usage de stupéfiants s'apparente à celui des infractions au Code de la route connues grâce àl'exercice de contrôles routiers, tels les excès de vitesse ou les défauts de papiers oud'assurance. La comparaison audacieuse qui vient d'être faite se justifie à plus d'un titre : le

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contentieux de la circulation automobile comme celui des stupéfiants sont des contentieux demasse dont la gestion pénale oblige à effectuer un tri : le chiffre noir (des infractionscommises mais non constatées) y est très important ; les priorités policières et politiques ysont déterminantes du nombre d'infractions constatées et la sélectivité policière y estsensiblement à l’œuvre. De plus, lorsqu'un dossier est transmis par la police au parquet, dansces deux types de contentieux, c'est qu'il contient tous les éléments nécessaires à unepoursuite, quitte à ce que le magistrat lui applique une procédure « intermédiaire », telle latransaction de l'article 216bis du Code d'instruction criminelle.

Les pratiques locales et individualisées des magistrats du parquet ne peuvent pas êtrerestituées ici. Notre propos dans les lignes qui suivent est de retracer les grands principes de lapolitique des poursuites définie lors de la dernière décennie en ce qui concerne les usagers destupéfiants, en vue de montrer (infra) l’imperméabilité des magistrats du ministère public auxnormes censées diriger leur action8. En quinze ans, trois instruments se sont en effet succédéet superposés : une première directive du 26 mai 1993, émanant de l'organe officieux queconstituait à l'époque le Collège des procureurs généraux, la directive du 8 mai 1998, émanantdu même organe, dont les compétences avaient été légalisées l'année précédente, et enfin, ladirective du 16 mai 2003, adoptée en application des lois du 4 avril et du 3 mai 2003,(commentées infra) 9.

En matière de stupéfiants, la décision du parquet est soumise à deux tendances paradoxales,l’une limitant ses pouvoirs, l’autre diversifiant son action. D’une part, la décision est« limitée » par des textes qui ont pris la forme d’une « injonction politique » (Guillain, 2000,323) ; le magistrat peut néanmoins déroger à cette injonction à condition de motiver sadécision. On notera que le cadre conceptuel de ces textes est à ce point vague qu’il permet àchaque parquet de les interpréter en fonction de la politique qu’il mène (De Ruyver,Casselman, 2000, 41). D’autre part, les dispositifs « offerts » aux magistrats diversifient laréaction judiciaire (classement sans suite, transaction, probation prétorienne, médiationpénale, saisine du juge d’instruction et renvoi devant le tribunal compétent).

1. Les directives du 26 mai 1993 et du 8 mai 1998

Les directives du ministre de la Justice et du Collège des procureurs généraux en la matièrevisent l’amélioration et l’uniformisation de la politique des poursuites en matière de droguesillégales. La première directive date du 26 mai 199310 et préconise ni trop ni trop peu deréaction judiciaire ; à la fois renforcer (par l’interdiction de classer immédiatement sans suitequel que soit le dossier) et modérer (par l’interdiction de poursuivre de manière systématiqueet démesurée). Elle prône l’uniformisation du traitement des dossiers établis à charge desusagers en confirmant le principe légal de l’indifférenciation des produits : tous les usagersdoivent désormais faire l’objet d’une mesure, quelles que soient la conduite et la substance

8 On n’exposera de ces textes que les éléments nécessaires aux besoins du présent article. Le lecteur intéressé parune présentation complète de ces instruments juridiques et de leur contextualisation politique se reporterautilement à Decorte et al., 2005 ; Deltenre et Lebrun, 2000 ; Cauchie et Devresse, 2001 ; Guillain, 2001 ;Kaminski, 1998, 2003, et 2004 ; Toro, 1999.9 Loi du 4 avril 2003 modifiant la loi du 24 février 1921 concernant le trafic des substances vénéneuses,soporifiques, stupéfiantes, désinfectantes et antiseptiques, et l’article 137 du Code d’instruction criminelle, M.B., 2 juin 2003 ; loi du 3 mai 2003 modifiant la loi du 24 février 1921 concernant le trafic des substancesvénéneuses, soporifiques, stupéfiantes, désinfectantes et antiseptiques, M.B., 2 juin 2003.10 Directive générale du Collège des procureurs généraux relative à la politique criminelle commune en matièrede toxicomanie, 26 mai 1993.

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utilisée11. Par contre sera distingué le profil de l’usager (usager occasionnel infraction isolée ;toxicomane usage régulier/ revente en vue d’assurer sa propre consommation ; vendeur qui sedistingue par l’appât du gain)12. Les mesures préconisées et échelonnées en un tableau sansdoute trop complexe (voir Kaminski, 2003) sont le classement sans suite pur et simple,moyennant admonestation policière, après renvoi à un service d'aide aux toxicomanes, latransaction, la saisine du juge d’instruction et le renvoi devant le tribunal compétent. Lemodèle imposé par la directive ne tenant pas compte de spécificités locales, de considérationspragmatiques comme de divergences idéologiques, il était d’entrée de jeu plus que probablequ'il rencontre une forte résistance des magistrats de base.

La deuxième directive date du 8 mai 199813 et ne remplace les dispositions de celle de 1993que dans la mesure où elle s’en écarte. Cette nouvelle réglementation fait suite au rapportd’un groupe de travail parlementaire créé en 1996 en vue d’étudier la problématique de ladrogue14. La directive introduit la distinction entre le cannabis et les autres drogues ; étantdonné que la directive antérieure permettait que de simples usagers fassent l’objet d’uneintervention pénale parfois disproportionnée par rapport à la gravité de l’infraction, le textenouveau accorde, conformément au souhait des parlementaires, la priorité la plus faible à ladétention de cannabis en vue de consommation personnelle. Les poursuites ne doivent êtreenvisagées que s’il y a (risque réel de) nuisance sociale et/ou usage problématique. Dans lecas contraire, il est demandé au service de police de dresser un procès-verbal simplifié, quiannonce le classement sans suite (un listing de ces procès-verbaux doit néanmoins êtrerégulièrement envoyé au parquet, qui pourra à tout moment y donner suite s’il l’estimeopportun). En cas de « consommation problématique » de cannabis et en cas de détentiond’autres drogues illégales pour consommation personnelle, le service verbalisant est tenu dedresser un procès-verbal ordinaire qui sera directement transmis au parquet. La directiveintroduit également le concept de nuisance sociale qui renvoie aux situations de pollution, detapage, d’agressivité verbale ou encore de consommation en public, et qui exclut la possibilitéde « bénéficier » d’un procès-verbal simplifié s’il s’agit d’une consommation de cannabis(Toro, 1999, 28 ; De Ruyver et Casselman, 2000, 41 ; Deltenre et Lebrun, 2000 ; Kaminski,1998).

11 Cette disposition s’inscrit dans la foulée des initiatives prises à la suite du Pari d’une nouvelle citoyenneté(Note de M. Wathelet, janvier 1992, dans le cadre de l’élaboration d’un Programme d’urgence sur les problèmesde société proposé par le Gouvernement et prenant appui sur la recommandation du ministre de la Justice deconclure « un nouveau contrat avec le citoyen »). Elle est motivée de la manière suivante : Dès lors que tout aéchoué en termes de prévention et d’information, que les jeunes sont dans la drogue, qu’ils en consomment, ilsne sont pas encore trafiquants ou à la limite, ce ne sont peut-être encore que des consommateurs occasionnels,j’ai donné comme instruction, en qualité de ministre de la Justice dans la mesure où notre loi est la loi et il fautl’appliquer, et tant qu’elle existe, je veux l’appliquer, et je ne vais pas plaider pour la changer, de ne laisser surle plan juridique aucun fait de drogue sans réaction (M. Wathelet, Faire preuve d’humilité, texte daté de mars1995 et cité sans autre référence par Carrozzo et Moser (1995, 96).12 Les distinctions ne semblent guère praticables selon les magistrats de terrain: les arrondissements judiciairesruraux peuvent peut-être leur donner consistance, cependant il revient des magistrats du parquet des métropolesque les forces de l'ordre ne s'inquiètent guère des usagers de drogues, que ceux-ci soient occasionnels ouhabituels ; par ailleurs, la distinction entre usage et vente est dénoncée étant donnée la régularité avec laquelle lestoxicomanes déférés au parquet sont contraints de vendre de la drogue pour leur propre compte ou de participerde près ou de loin au trafic.13 Directive commune relative à la politique des poursuites commune en matière de détention et de vente audétail de drogues illicites, 8 mai 1998.14 Le rapport a été déposé à la Chambre des Représentants le 5 juin 1997. Voir Doc. parl., Chambre, 1996/1997,1062/1-2-3. Les recommandations du groupe de travail parlementaire ont été confrontées aux pratiques actuellespar De Ruyver et Casselman (2000).

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Le magistrat peut, selon les termes de la directive, classer sans suite un dossier qui fait l'objetd'un procès-verbal simplifié, considérant que le contact avec le service de police constitue« une mise en garde et un rappel à la norme suffisants pour le consommateur ». Face à unprocès-verbal ordinaire dressé en raison de circonstances particulières telles que l'usageproblématique ou la présence (réelle ou éventuelle) de nuisance sociale, la directive préconiseles attitudes suivantes dans le chef du magistrat du parquet: « classement sans suitemoyennant avertissement par la police et/ou renvoi vers un service spécialisé d'assistance auxtoxicomanes ou vers un service d'orientation spécialisé pour toxicomanes », probationprétorienne, transaction15. A défaut de résultats de l'une ou l'autre de ces options, la citationdevant le tribunal correctionnel est alors préconisée.

3. La réforme légale de 2003

Le 19 janvier 2001, le Conseil de ministres approuve la Note politique du gouvernementfédéral en matière de drogues (voir Cauchie et Devresse, 2001). Cette note émane d’ungroupe de travail constitué en janvier 2000 et dirigé par le ministre de la Santé publique envue d’un examen global de la problématique des drogues. Suite à l’évaluation de la politiquemenée en cette matière (et notamment à l’évaluation de la directive de 1998 par le Service dela politique criminelle16), le gouvernement opte pour une nouvelle approche qui définit l’abusde drogue comme un problème de santé publique ; la politique dite de normalisation est baséesur la gestion rationnelle des risques et repose sur trois principes : 1°) la prévention pour lesnon-consommateurs et les consommateurs non problématiques ; 2°) l’assistance, la réductiondes risques et la réinsertion pour les consommateurs problématiques ; 3°) la répression pourles producteurs et les trafiquants. L’évolution politique résumée ci-dessus annonce uneréforme légale, en vigueur depuis le 2 juin 200317 et l’élaboration d’une nouvelle directive àla suite des critiques formulées à l’encontre de la directive précédente18. Cette directive a étéadoptée, à la différence des précédentes, par le ministre de la Justice seul, après consultationdu Collège des procureurs généraux, en date du 16 mai 2003.

Le contenu substantiel de la réforme légale sera résumé en quelques points19. L'usage engroupe de toutes les drogues est décriminalisé : il ne constitue donc plus une infraction. Lacriminalisation de la détention de toutes les drogues est maintenue : la détention reste donctoujours un délit. Le nouveau régime des incriminations et des peines est organisé autourd'une double distinction que la loi n'avait jamais assurée jusqu'ici : la distinction entre lecannabis (ses dérivés) et les autres drogues et la distinction entre les motivations de la

15 On notera ici comme le fait Guillain (1998) la difficulté persistante qui consiste à renvoyer des usagers decannabis vers des services d'assistance spécialisés qui, le plus souvent, ne considèrent pas la consommation decannabis comme une indication pertinente pour une prise en charge thérapeutique.16 SPC (Service de la politique criminelle), Evaluation de la directive du 8 mai 1998 relative à la politique despoursuites en matière de détention et de vente au détail de drogues illicites, Note pour le ministre de la Justice,23 novembre 1999.17 Loi du 4 avril 2003 modifiant la loi du 24 février 1921 concernant le trafic des substances vénéneuses,soporifiques, stupéfiantes, désinfectantes et antiseptiques, et l’article 137 du Code d’instruction criminelle, M.B.,2 juin 2003 ; loi du 3 mai 2003 modifiant la loi du 24 février 1921 concernant le trafic des substancesvénéneuses, soporifiques, stupéfiantes, désinfectantes et antiseptiques, M.B., 2 juin 2003.18 Les constats suivants synthétisent l'évaluation de la directive : « la directive permet l'arbitraire et stimule letraitement différentiel des usagers de drogues (...) de sorte que la directive n'a pas atteint son but d'uniformisationdes pratiques au sein des parquets » (Guillain, 2001). Les poursuites restent une voie privilégiée dans letraitement pénal des usagers de drogues. De Ruyver et Casselman (2000) soulignent eux aussi les effets nondésirés de l'application de la directive, les interprétations divergentes qui en sont faites et le recours trop fréquentaux poursuites et aux peines d'emprisonnement.19 On trouvera un commentaire complet de la réforme légale dans Guillain (2003).

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détention (pour l'usage personnel ou pour d'autres motifs). La détention de cannabis ne ferapas l'objet de poursuites si elle est motivée par l'usage personnel, pour autant qu'elle ne soitpas problématique20, qu'elle ne soit pas associée à des nuisances publiques21 ou encoreaccompagnée de circonstances aggravantes : la police l'enregistrera non dans un procès-verbalordinaire mais dans un rapport récapitulatif global mensuel adressé au parquet. La détentiondes autres drogues (que le cannabis) fera quant à elle systématiquement l'objet d'un procès-verbal ordinaire, sur base du postulat que la consommation de ces autres drogues est toujoursproblématique ; des poursuites pénales resteront dès lors possibles en toutes circonstances.

Au lieu de la dépénalisation de la détention de cannabis motivée par l’usage personnel, il fautplutôt considérer que la réforme prévoit des peines échelonnées, certes moins lourdes pour lesdétenteurs de cannabis, mais qui n’excluent pas le recours à l’emprisonnement. Si la détentionde cannabis est accompagnée de nuisances publiques, des peines cumulées de prison etd’amende sont prévues. Lorsque la détention de cannabis est motivée par un autre but quel’usage personnel et dans tous les cas de détention d’autres drogues, les peines de la loi de1975 (trois mois à cinq ans de prison) sont non seulement maintenues mais de plus renforcéespar une peine d’amende cumulative (de mille à cent mille euros, auxquels il faut appliquer unmultiplicateur de cinq22).

Le nouveau montage légal fait encore place à l’institutionnalisation23 d’un dispositif deconnexion entre intervenants psycho-médico-sociaux et ministère public, mettant en scène lecase-manager justice (interface entre le magistrat et d’autres intervenants psycho-médico-sociaux) et le conseiller thérapeutique (apportant son expertise indirectement au magistrat eninformant le case-manager justice sur les ressources thérapeutiques disponibles et adaptées aucas qui lui est soumis).

La loi est enfin assortie d'une directive de politique des poursuites, destinée à harmoniser larépression et à créer un système homogène de réponse psycho-médico-sociale. La nouvelledirective, adoptée par le ministre de la Justice le 16 mai 2003, puis modifiée le 28 mai 2003suite à son évocation en Conseil des ministres24, remplace celle du 8 mai 1998. Elle estcontraignante pour tous les membres du ministère public de manière à réaliser l'uniformité de

20 L’usage problématique est un usage témoignant « d'un degré de dépendance qui ne permet plus à l'utilisateurde contrôler son usage, et qui s'exprime par des symptômes psychiques ou physiques » (loi du 3 mai 2003, art.11 § 2, M.B., 2 juin 2003). Comme si la situation légale et réglementaire n’était pas déjà assez compliquée, il estpiquant de signaler ici que cette notion a été visée par l’annulation partielle de la loi de 2003 par l’arrêt de laCour d’arbitrage du 20 octobre 2004 (arrêt n°158/2004). La notion n’en a pas perdu sa valeur juridique puisquecette annulation a, jusqu’à l’adoption d’une directive datée du 25 janvier 2005, remis en vigueur la directive du 8mai 1998 qui évoquait déjà la notion d’usage problématique (bien que d’une façon différente).21 La notion de nuisance publique n’est définie nulle part. Elle fait seulement l’objet d’un renvoi à l’article 135§2 7° de la loi communale introduit par la loi du 3 mai 1999 relative aux sanctions administratives dans lescommunes. Cet article confie aux communes le pouvoir de prendre des mesures et des sanctions afin decombattre « toute forme de dérangement public ». Le rapport au Roi accompagnant l’arrêté royal pris enexécution de la réforme de la loi sur les stupéfiants précise que les nuisances sont les « désagréments de la viesociale graves ou répétitifs qui ne tombent pas sous le coup de la loi pénale ».22 La loi du 7 février 2003 (M.B., 25 février 2003 ) portant diverses dispositions en matière de sécurité routièrecontient un article 36 modifiant l'article 1er, alinéas 1er et 2, de la loi du 5 mars 1952 relative aux décimesadditionnels sur les amendes pénales. Cet article introduit une modification ayant pour effet de porter lecoefficient à 5,5 au lieu de 5. Un arrêté royal à venir devrait fixer l’entrée en vigueur de cet accroissementgénéral du montant des amendes pénales.23 Cet aspect de la réforme ne fait l’objet d’aucune exécution jusqu’à aujourd’hui.24 La saga de l’adoption de la loi et de la directive, jusqu’à la veille des élections législatives de mai 2003 estretracée de façon complète et intelligible par Guillain (2003).

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la politique des poursuites. Cependant le texte de la directive reproduit la formule consacrantle droit pour un magistrat du parquet de déroger à ses dispositions à condition de bienmotiver sa décision. Les dispositions adoptées par le ministre dans sa directive du 16 mai2003 réduisent la portée des légères modifications légales en limitant à trois grammes ladétention « tolérée » de cannabis pour laquelle un procès-verbal normal ne serait pas dressé.De plus, la « tolérance » accordée au cannabis ne vaut que si l’infraction est constatée dansl’arrondissement judiciaire dans lequel le détenteur est domicilié ; en toute autre hypothèse,un procès-verbal ordinaire sera dressé. Pour le reste, le dispositif de la directive de 1998 estgrosso modo reconduit.

III. L’imperméabilité professionnelle des magistrats

On n’a pu que résumer ici les rebondissements pour le moins étranges qui ont affecté lapolitique d’enregistrement et de poursuites en matière de stupéfiants. La suite de cet articlevisera à montrer que, face au contentieux de masse de la détention de stupéfiants, l’autonomiedu ministère public — non seulement assurée par l’évolution générale de ses fonctions, maisaussi reconnue par la loi et les directives de politique des poursuites en matière destupéfiants — prend encore de l’extension lorsque l’on examine de plus près les stylesprofessionnels adoptés par les magistrats dans la gestion de ce contentieux. Au départ d’unconstat sociologique essentiel (l’imperméabilité des magistrats aux réformes législatives etaux directives émanant du collège des procureurs-généraux), nous voudrions dans les pagesqui suivent construire et documenter une typologie des styles d’action des magistrats.

1. L’imperméabilité des magistrats du parquet aux évolutions législatives

« La loi [du 3 mai 2003], je ne sais pas ce qu’elle me propose de faire, de toute façon, je nel’applique pas, elle est inapplicable ! ». Comment mieux illustrer l’« imperméabilité » desmagistrats aux évolutions législatives qu’en reproduisant ici le discours d’un magistrat duministère public, qui, bien que témoignant d’une étrange logique (proche de celle du chaudronde Freud), se révèle emblématique des enjeux sociologiques de notre projet ? Cetteillustration de l’imperméabilité des magistrats par rapport aux évolutions législatives est loind’être unique. En voici d’autres : « L'uniformisation des pratiques des parquets voulue par ladirective du 16 mai est un leurre » ; « Je crois que la consommation non problématique nepeut pas s'enfermer dans une définition, on doit recourir à des paramètres qui ne sont pasdans la loi » ; « Surtout qu'avec les autres infractions c'est très claires, vous savez quand vousavez affaire à une infraction ou pas, ici c'est le flou » ; « Toutes les modifications légales quinous font mousser n'ont aucun impact sur notre travail quotidien » ; « La loi ne sert à rien,elle n'est plus appliquée » ; « L'usage problématique pose problème. Ce n'est pas une notionutile » ; « Je veux bien respecter la loi à la lettre, mais il faut aussi avoir une vision réalistedes choses ».

Ces illustrations mobilisent deux arguments principaux : la méconnaissance et la critique de laloi. Le prmeeir argument est moins fréquemment mobilisé par les magistrats. En effet, lesdossiers relatifs aux drogues illégales sont traités, dans les différents arrondissementsjudiciaires, par un voire plusieurs magistrats spécialisés. La critique de la loi estincontestablement l’argument central de la « résistance » analysée. Elle porte surl’inapplicabilité25, l’incohérence, le manque de clarté des évolutions législatives. A cet égard, 25 L’inapplicabilité est intrinsèque et extrinsèque à la loi elle-même : en effet, elle est due non seulement àl’absurdité de ces concepts (l’opérationalisation de l’usage problématique, notamment, pose problème) maisencore à des contraintes organisationnelles pesant sur le travail du magistrat (sa surcharge par exemple).

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une critique récurrente concerne l’absurdité de l’objectif d’homogénéisation des pratiques.Les magistrats opposent à ce souci d’homogénéisation, l’exigence d’une « contextualisation »des pratiques liée aux spécificités locales de leur arrondissement. En conclusion,l’inapplication de la loi est liée à la concurrence que lui font subir des pratiquesprofessionnelles locales patiemment polies (dans des sens divers) par l’expérience desmagistrats. La loi n’est qu’un outil professionnel parmi d’autres pour le magistrat et lesdirectives sont parfois ouvertement méprisées par ce dernier. L’enseignement de la sociologiedu droit selon lequel la mise en œuvre du droit ne relève pas de la contrainte mais de lamobilisation des ressources (Lascoumes, 1990) trouve ici sa pleine illustration et saconsistance radicale.

2. Méthodologie

Les décisions prises dans la matière qui nous occupe sont très variables d’un arrondissementjudiciaire à l’autre et d’un magistrat à l’autre. Ainsi, tel magistrat classera ses dossiers sanssuite davantage qu’un autre ; l'un mobilisera la médiation pénale alors qu’un autre s’yrefusera… (Decorte et al., 2005, 230). Mais ces différences dans les décisions prises par lesmagistrats, pour pertinentes qu’elles sont, sont sans intérêt pour la construction d’unetypologie de l’action. Nous nous sommes en effet intéressés aux « styles » des interactions desmagistrats du parquet avec les autres intervenants du contentieux de la détention de droguesillégales.

Dans ce contentieux lié à la consommation de drogues illégales, non seulement le magistratest amené à côtoyer une multitude d’acteurs (intervenants psycho-médico-sociaux) qui ne sontpas ses partenaires dans les autres contentieux qu’il traite, mais encore, les relations qu’ilentretient avec ses partenaires habituels (policiers, auteurs d’infractions) sont particulières.

Pour construire cette typologie que nous qualifions d’inductive, nous nous basons sur lesrésultats des dix analyses en groupe (Van Campenhoudt et al., 2005) exploitées dans unerecherche portant sur l’opérationnalisation de l’usage problématique de drogues (Decorte etal., 2005). Chacune des dix réunions a mis en présence le magistrat spécialisé en charge desdossiers relatifs aux stupéfiants d’un arrondissement judiciaire, des policiers et des membresdu secteur psycho-médico-social du même ressort. La méthodologie soumettait les magistratsà présenter sa décision et les motifs de sa décision dans deux dossiers fictifs construits par leschercheurs. Les autres intervenants étaient dans un premier temps appelés à réagir auxpropositions du magistrat. Dans un second temps, les participants à l’analyse ont abordé leseffets des changements légaux sur leurs pratiques, les interactions entre les magistrats et lespoliciers (en matière de rédaction des procès-verbaux, de saisies…), les interactions entre lesmagistrats et les membres du secteur psycho-médico-social (aide contrainte, secretprofessionnel…) et, indirectement, en raison de la méthodologie utilisée, les interactions entreles magistrats et les usagers de drogues.

Pour chacune de ces trois interactions, une typologie a été construite inductivement par« agrégation autour d’unités-noyaux » (Demazière et Dubar, 1997, 276). Pour chacune de cestrois typologies, les données d’entretien (unités) ont été réparties en deux « tas » quireprésentent deux manières différentes de concevoir la logique à l’œuvre dans les interactions(Demazière et Dubar, 1997, 276 et 286). Une analyse transversale des agrégations obtenuespour chacune des trois interactions a permis enfin de repérer leur communauté traduite sous laqualification de pilote et de passeur . La construction de la typologie peut êtreschématiquement présentée de la manière suivante :

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Dans les trois relations étudiées, le magistrat est l’un des acteurs de l’interaction26. C’estpourquoi la typologie présentée distingue deux magistrats ; le magistrat-pilote et le magistrat-passeur. Ces deux appellations ne doivent pas être mal comprises : il ne s’agit pas d’unetypologie d’individus mais bien d’une typologie des attitudes des magistrats dans les(multiples) interactions dans lesquelles il est professionnellement engagé. Cette constructioninductive est attentive à considérer les individus interrogés comme des « sujets » capables deparler de ce qui structure « [leur] pratique et celle de [leurs] ‘semblables subjectifs’ » (et noncomme des « objets » qu’on classe dans les catégories définies a priori par le chercheur27)(Demazière et Dubar, 1997, 278). Construire une typologie tout en affirmant le statut de« sujets parlants » des personnes interrogées suppose de respecter la singularité des paroles deces personnes mais aussi de reconnaître l’influence que le monde social et les symbolescommuns ont sur ces paroles.

Le choix de l’ordre de présentation des résultats (sous le titre suivant) n’est pas neutre. Endistinguant prioritairement les types d’interactions et secondairement les « types demagistrats », nous avons voulu privilégier une présentation de nature à souligner lesituationnisme méthodologique et à exclure toute lecture individualiste de notre démarche.

Cette typologie ne doit pas faire oublier certains éléments communs aux principesd’intervention des magistrats. Lorsque l’usager de drogues est l’auteur d’infractions connexes,les magistrats estiment, même s’ils l’expriment par des moyens différents, avoir un rôle àjouer pour rétablir la sécurité publique. La typologie présentée ici concerne plus

26 Le magistrat est en effet au cœur des décisions liées aux dispositifs légaux et réglementaires présentés dans lapremière partie.27 Cette manière de procéder peut être qualifiée de déductive et témoigne de la méfiance du chercheur à l’égarddes dires des personnes interrogées.

Relations avec les policiers A B

Relations avec les membres dusecteur psycho-médico-social C D

Relations avec les usagersde drogues E F

Magistrat pilote passeur

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particulièrement des situations dans lesquels sont présents, ce qu’il convient d’appeler depuisla réforme de 2003, des usages problématiques28.

3. Typologie des styles d’action des magistrats du parquet

A) Relation avec les policiers

o Le magistrat-pilote

Le magistrat-pilote dirige « ses policiers », il leur demande de nombreux renseignementscomplémentaires pour le traitement des dossiers transmis. Le magistrat-pilote travaille par« apostilles » adressées au service de police. Ces renseignements sont demandés en vue dutravail futur du magistrat. C’est lui qui, aidé par le travail « sous-traité » aux services depolice, est le « décideur éclairé ». Cette modalité de travail laisse transparaître une certaineméfiance du magistrat-pilote quant à la responsabilisation des policiers par des délégations detâches, prévues notamment dans le dispositif appelé traitement policierautonome (Cartuyvels, 2004, 537) ou dans le régime dit du procès-verbal simplifié institué parla réforme de 2003.

Les relations entre le magistrat et les policiers ne se limitent pas à des demandes ponctuellesdans des dossiers particuliers ; elles prennent aussi la forme de consignes générales du parquetadressées aux services de police. Ces consignes générales (circulaires locales) précisent les« canevas » de l’intervention policière. On y trouve les questions qui doivent être posées auconsommateur lors de son audition ; y figurent également les formes sous lesquelles lespoliciers doivent rappeler la norme et renvoyer l’usager de drogues vers les services d’aide.Ces consignes générales visent une standardisation de l’intervention policière dans le but defaciliter l’intervention ultérieure du magistrat.

L’existence et le contenu de ces circulaires internes peuvent avoir des conséquences sur lerespect voire la connaissance que les policiers ont des lois et des directives ministérielles.Ainsi, des policiers ne savent pas qu’ils sont autorisés à utiliser une batterie de testsstandardisés (conçue initialement dans le cadre du contrôle routier) alors que cette utilisationest élargie, depuis la réforme de 2003, pour toutes consommations de cannabis lorsqu’il y aindication d’usage problématique29 : « Encore une fois, détrompez-moi si je me trompe maiscette batterie de tests est prévue pour le roulage. » D’autres exemples, concernant les saisieset la rédaction des procès-verbaux, montrent que les policiers vont prioritairement baser leurtravail sur les circulaires locales du procureur du Roi même lorsqu’elles vont à l’encontre deslois ou des directives ministérielles : « On note les noms des gens [dans les procès-verbauxquelle que soit la situation] et il y a saisie du produit dans tous les cas » ; « Pour ce qui est duprocès-verbal simplifié, [Monsieur le Substitut nous] dit qu'on n'en fait pas, nous on en faitpas » ; « Il y a une réponse pour nous policiers, c'est assez confortable d'ailleurs, on a desdirectives faites par le parquet ; quoi qu'il arrive, on [dresse] procès-verbal. Je n'ai pas àjuger si la situation est problématique ou pas » ; « Il a toujours été clairement établi que lepolicier n'était pas habilité à déterminer si oui ou non il y avait matière à procès-verbal ounon, quelles que soient les matières, donc on peut dresser procès-verbal pour tout (…) De

28 Malgré les aléas juridiques subis par cette notion (voir note 20), elle na rien perdu de sa valeur sociologiquepuisqu’elle rend compte, dans la bouche même des magistrats, de leurs pratiques, quelle que soit la légitimationde son usage par une loi ou par une directive.29 Selon les termes de l’article 40bis de l’arrêté royal du 22 janvier 1998 et de l’article 26bis de l’arrêté royal du31 décembre 1930.

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toutes façons nous travaillons sur base de directives, et les directives de notre parquet nousdisent de travailler comme cela ».

Une telle direction des policiers témoigne de l’absence de reconnaissance des prioritéspolicières. Le magistrat-pilote défend la position légaliste qui veut que tout policier soit obligéde rédiger un procès-verbal pour toutes les infractions constatées et ce afin d’éviter despoursuites judiciaires ou disciplinaires30.

o Le magistrat-passeur

Le magistrat-passeur orientera également les policiers quant aux dossiers à traiter. Mais,contrairement au magistrat-pilote, le but des demandes qu’il leur adressera ne concerne pasque l’amélioration ou l’efficience de son action ultérieure. En effet, la demande adressée parle magistrat au policier a pour conséquence de confier la suite des opérations à ce dernier. Lemagistrat ne cherche pas à s’informer mais à se décharger. Le policier est moins dirigé queresponsabilisé.

En dehors des échanges liés à un dossier particulier, le magistrat procède par consignes etdemandes d’information. Le magistrat-passeur procède, comme le magistrat-pilote, à desconsignes générales mais ici, les consignes visent la standardisation du travail policier en tantque tel (et non seulement en tant qu’outil pour l’intervention ultérieure du magistrat). Il en vaainsi du magistrat qui demande de ne plus rédiger de procès-verbaux pour les consommationsde cannabis. Ces consignes font moins systématiquement l’objet d’un écrit que celles dumagistrat-pilote. Le magistrat-passeur adresse aussi aux policiers (plus particulièrement auxchefs des zones de police) des demandes générales d’information. Ainsi, un magistrat,constatant la baisse du nombre de procès-verbaux à propos de la consommation de cannabisdans certaines zones de police, a demandé aux chefs des zones concernées l’explication decette baisse (Decorte et al., 2005, 222). De telles demandes témoignent de la prise deconscience du magistrat-passeur de l’existence des priorités policières sur lesquelles il n’a, etne peut avoir, qu’une influence minime. En reconnaissant l’existence des priorités policières,le magistrat-passeur conçoit le système pénal comme une succession de sous-systèmes ayantdes objectifs relativement autonomes les uns des autres ; il reconnaît également n’être qu’unde ces sous-systèmes (Robert, 1977 ; Robert et Faugeron, 1980).

B) Relation avec les intervenants psycho-médico-sociaux

o Le magistrat-pilote

Le magistrat-pilote n’a pas toujours une connaissance précise du réseau des intervenantspsycho-médico-sociaux qui travaillent dans son arrondissement judiciaire. Si le messagepolitique qui veut que la justice ne soit pas la seule instance à s’occuper des problèmes liés àla consommation de drogues est bien passé, le magistrat-pilote a cependant du mal à ne pasinstrumentaliser les activités des intervenants psycho-médico-sociaux. Ainsi, le magistrat-pilote se plaint de ne pas avoir de retour de ces intervenants quant au déroulement de la priseen charge d’un consommateur et plus précisément quant à l’avancement de la thérapie. Il

30 Une telle position fut défendue par un magistrat lors d’un entretien réalisé postérieurement à la modificationde l’article 11 de la loi du 24 février 1921 par la loi du 3 mai 2003, c'est-à-dire à un moment où il était prévu queles policiers ne devaient procéder qu’à un enregistrement policier lors de la constatation d’une détention, par unmajeur, d'une quantité de cannabis à des fins d'usage personnel, par ailleurs non accompagnée de nuisancespubliques ou d'usage problématique.

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souhaite savoir si le consommateur est sur la bonne voie : consulte-t-il régulièrement, est-ilcoopératif, quels sont les sujets abordés (dans les entretiens thérapeutiques) ? Il désire avoirdes informations sur base desquelles il pourra prendre une décision. Il regrette que lesintervenants psycho-médico-sociaux invoquent le secret professionnel pour refuser latransmission de ces informations.

Le magistrat-pilote est très gêné lorsqu’il n’est plus le point de passage obligé desinformations. Il est demandeur de normes légales pour officialiser et standardiser latransmission d’informations ; les créations légales des « case-managers justice » et des« conseillers thérapeutiques » (voir supra) lui paraissent favorables puisqu’elles insistent surle rôle centralisateur de l’information du magistrat. La réforme de 2003 est une tentatived’accroissement de l’instrumentalisation des intervenants psycho-médico-sociaux puisqu’ellepermet de parler des « conseillers thérapeutiques de l’arrondissement judiciaire de… ».

Ce faisant, le législateur de 2003 permet d’instrumentaliser ces intervenants d’une manièretout à fait originale. En effet, il est prévu que le conseiller thérapeutique intervienne en amontde la décision du magistrat (alors que jusqu’à présent, les instrumentalisations de cesintervenants se produisaient essentiellement en aval et en exécution de la décision prétorienne,au titre d’un « travail thérapeutique sous mandat judiciaire »). Les intervenants psycho-médico-sociaux ne manquent pas de souligner que le rôle de conseiller thérapeutique est enréalité un rôle de pure expertise, rôle qu’ils estiment inconciliable avec celui de thérapeute(Decorte et al., 2005, 241).

Le magistrat-pilote est ambivalent quant à l’intervention des acteurs psycho-médico-sociauxpuisque, s’il souhaite être éclairé par des « experts » lorsqu’il prend une décision judiciaire, ilregrette la perte de pouvoir que cette intervention entraîne. Cette perte de pouvoir seconcrétise par la mobilisation de notions psycho-médico-sociales qui sont « extérieures » auxcompétences du magistrat-pilote, et donc incontrôlables par lui. Le magistrat-pilote critiqueces notions essentiellement en raison d’une « subjectivité » qu’il juge excessive pour déciderd’une mise en œuvre de l’intervention judiciaire : « Dire, ‘cette consommation estproblématique’, c’est très subjectif. [Par contre, en matière de vol avec] effraction, j’ai unconstat, j’ai une trace d’un tournevis » ; « Quand on mélange des genres comme le droitpénal et la santé publique, on arrive à des aberrations ».

Lorsque le magistrat-pilote est à l’origine d’une intervention d’acteurs du secteur psycho-médico-social, ce n’est pas pour se décharger d’un dossier qu’il considère ne pas relever dudomaine de la justice mais bien pour bénéficier de critères utiles pour son interventionjudiciaire future. Pour le magistrat-pilote, l’usager problématique est un consommateur àcontrôler par la justice car potentiellement dangereux. Les consommateurs présentant desproblèmes de santé seront davantage pénalisés puisque le magistrat-pilote se base sur cesproblèmes pour les catégoriser parmi des consommateurs « à risque ». En cela, le magistrat-pilote respecte une logique d’action, légalement consacrée depuis la réforme de 2003 etprésentée comme relevant de la réduction des risques (sic) : plus l’usager apparaît commedépendant ou sous l'influence de produits (la dépendance et l’influence ne sont pasdistinguées légalement), plus il requiert une intervention pénale (Kaminski, 2004).

Le bénéficiaire des interventions des acteurs psycho-médico-sociaux est le magistrat-pilote etnon l’usager de drogues en tant que tel : pas d’interventions « soignantes » mais des décisionsjudiciaires « soignées ». La difficulté d’envisager la priorité ou l’autonomie de l’interventiondes acteurs psycho-médico-sociaux se remarque dans la position suivante d’un magistrat :

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« Je suis là pour chercher et poursuivre les auteurs d'infraction ; quand on nous demande defaire autre chose c'est difficile. Mon rôle c'est de faire régner l'ordre social. Demander à unmagistrat du parquet de ne pas porter un jugement sur l'opportunité de poursuivre ou non unauteur devant le tribunal, c'est demander de ne plus être lui-même ».

La manière dont les magistrats-pilotes perçoivent leur rôle professionnel (leur objectif premierest la poursuite des auteurs d’infractions) est à l’origine de leur circonspection par rapport aurôle central qu’ils sont censés jouer dans l’approche « globale et intégrée » en matière deconsommation de drogues. En d’autres termes, si on affirme que la consommation de droguesest avant tout une question de santé publique, il est maladroit de confier aux magistrats un rôlecentral dans ce qui est perçu pour eux comme un « retournement » des priorités. Le fait quel’intervention garde son sceau pénal entraînera des effets, qui sont autant de limites, sur lamanière dont les problèmes de santé des consommateurs seront abordés. D’abord, lemagistrat-pilote n’est pas le mieux placé pour déterminer quels consommateurs doivent êtreaidés. Ensuite, la recherche d’objectivité dans les critères de l’intervention pénale peut rendrerigides et peu efficaces les « propositions » d’aide formulées par le magistrat-pilote. Enfin, lesuivi des propositions d’aide fera l’objet d’une évaluation sur base de critères objectifs etsimplistes : la réussite sera, pour le magistrat-pilote, alors souvent synonyme d’abstinence oud’absence de récidive.

o Le magistrat-passeur

Le magistrat-passeur a généralement une bonne connaissance du réseau des intervenantspsycho-médico-sociaux. Le magistrat-passeur peut même (c’est assurément une exception)être à l’origine d’une « plate-forme » permettant des rencontres et des débats entre lui-mêmeet des intervenants psycho-médico-sociaux.

Le magistrat-passeur n’instrumentalise pas (ou en tout cas, instrumentalise moins que ne lefait le magistrat-pilote) les activités des intervenants psycho-médico-sociaux. Cela seconcrétise par la reconnaissance par le magistrat, des règles de fonctionnement de cesintervenants. Ils ne sont pas vus par le magistrat comme des « experts au service de lajustice », ce qui entraîne le respect de leur autonomie lorsqu’il recourt à leurs interventions.Les demandes de transmission d’information sont dès lors réduites.

Les problèmes de santé du consommateur induisent chez le magistrat-passeur sa capacité à« passer le relais » aux intervenants psycho-médico-sociaux. Lorsqu’il fait appel à cesderniers, c’est qu’il reconnaît qu’une intervention judiciaire doit s’effacer au profit d’uneintervention dont le bénéficiaire est le consommateur problématique lui-même. Le problèmede santé du consommateur implique l’effacement du magistrat-passeur là où il impliquait lamise en alerte du magistrat-pilote. Le magistrat-passeur est davantage capable que lemagistrat-pilote d’estimer qu’il a été saisi à tort (Toro, 2002, 91).

Si le magistrat-passeur estime la situation suffisamment problématique pour ne pas s’effacer,il est capable de prévoir des propositions d’aide souples dont l’évaluation ne se basera pas surle critère de l’abstinence ni même sur celui de la non-récidive. Le magistrat-passeur peutmême accepter l’idée de l’absence d’évaluation. Le magistrat-passeur admet alors que sonintervention soit instrumentalisée à des fins « thérapeutiques ». C’est le cas lorsque lemagistrat-passeur indique au consommateur, dans le cadre d’une médiation ou d’uneprobation prétorienne, que, si le suivi thérapeutique ne se passe pas bien, il n’envisagera pasd’autre intervention judiciaire. Le magistrat-passeur met alors son pouvoir de contrainte « au

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service » de l’intervention psycho-médico-sociale : « [Une consommatrice] demande d'êtreconfortée, d'être aidée. La médiation pourra être cet encadrement, en tout cas pendant sixmois. Je lui dirai que c'est une aide et que si elle ne faisait pas loyalement cette médiation çaresterait son problème et il ne serait pas question d'une escalade pénale. (…) J’essaie de luimettre le pied à l’étrier, de la pousser dans la bonne direction en faisant cela. » 31.

C) Relation avec les usagers de drogues

o Le magistrat-pilote

Lorsque le dossier de l’usager de drogues ne correspond pas à la définition du rôle que sedonne le magistrat-pilote, celui-ci décide fréquemment de le classer. Les dossiers pourlesquels le magistrat-pilote ne craint pas des perturbations à l’ordre social (pas de criminalitéconnexe, pas de dépendance ou de nuisances sociales…) sont des dossiers peu utiles pour lemagistrat-pilote. Bref, le magistrat-pilote défend une position légaliste et refuse de faireintervenir le système pénal uniquement pour empêcher qu’une personne ne « détruise sasanté ».

Pour déterminer s’il s’agit uniquement d’un problème de santé qui ne risque pas de setransformer en futures nuisances ou délits, le magistrat-pilote fait, selon les expressions desmagistrats eux-mêmes (Decorte et al., 2005, 170 et 232) une « enquête de patrimoine32 » ouune enquête « comportements-fréquentations-activités ». Si ces enquêtes corroborentl’impression que la problématique de l’usager est strictement sanitaire, le magistrat-pilotejustifie parfois son absence d’intervention pour des raisons « éthico-financières » : « C'estaussi une question de conscience : est-ce que la magistrature peut s'autoriser à engager desdeniers publics pour solutionner un cas individuel, un cas psychologique individuel ». Parcontre si le résultat de ces enquêtes n’est pas estimé suffisamment rassurant, le magistrat-pilote justifiera son intervention, expressions guerrières à l’appui : il s’agit alors d’intervenirdans la « guerre à la drogue », de lutter contre « l’extension d’un fléau » ou d’éviter le« gangrènement (sic) de toute une [partie] de la population ». Dans ce cas, le doute dumagistrat-pilote par rapport à l’ « aide contrainte », n’est pas suffisant pour qu’il renonce àintervenir ; il agit pour le « principe », même s’il a des doutes quant à l’efficacité de sonintervention.

o Le magistrat-passeur

Le dossier d’un consommateur problématique devient, pour le magistrat-passeur, unesituation humaine délicate qui entraînera une implication affective particulière. Le magistrat-passeur peut manifester de la sympathie voire de l’affection pour le consommateur. Sonintervention veut s’écarter d’une logique punitive pour se rapprocher d’une logiquebienveillante. En effet, le consommateur est interprété moins comme un infracteur quecomme une personne malade que l’on croit en danger. L’implication du magistrat-passeurdans les dossiers d’usagers est fort coûteuse en temps pour le magistrat. Elle se justifie par un

31 Le magistrat-passeur peut même faire en sorte que son intervention soit instrumentalisée à des fins de« réduction des risques judiciaires ». C’est le cas lorsqu’il « gonfle » la période concernée par la médiationpénale pour empêcher toutes poursuites ultérieures, c'est-à-dire lorsqu’il englobe des faits antérieurs dans lamédiation afin que celle-ci produise l’extinction de l’action publique pour ces faits antérieurs également, ce quirend le « déclassement » des dossiers impossible.32 Le magistrat vérifie si les moyens de subsistance du consommateur lui permettent de financer « légalement »le volume de sa consommation.

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argument « éthico-protecteur ». Le magistrat veut faire quelque chose pour éviter qu’unmalheur ne se produise (une overdose dont il imputerait la survenance à son attentisme).« C’est peut-être pour notre conscience qu’on agit ». L’argument de « protection » sembledavantage concerner la conscience du magistrat que la santé du consommateur même si lemagistrat témoigne, dans certains dossiers, d’une empathie certaine par rapport à l’expériencevécue par le consommateur. Toro (2002, 96-97) résume bien la situation dans laquelle setrouve le magistrat-passeur : « Il est étonnant de constater la somme d’informations connuesau sujet de la personne et la charge sentimentale qui peut obliger à réfléchir davantage ou àconstruire des réponses de manière plus singularisée et plus complexe que dans certains autresdossiers. (…) L’implication humaine comporte des risques tels que celui d’exercer uncontrôle démesuré lié au souci d’une aide imposée qui permette de sortir l’intéressé du circuitjudiciaire mais dont l’effet peut être de l’y engager davantage».

Conclusion

Le ministère public est au four et au moulin de la réglementation de son activité. Gardien dela loi, il est aussi producteur des normes de son action. Dans la gestion judiciaire descontentieux de stupéfiants, il est soumis et se soumet à un dispositif juridique et réglementaired’une complexité symptomatique d’un malaise dans la pénalisation. Alors que les textesexaminés orientent les pratiques vers une dépénalisation floue de certaines infractions, lespratiques elles-mêmes interprètent très librement les normes institutionnelles etréglementaires. A cet égard, elles témoignent d’une autonomie dépassant de loin latraditionnelle autonomie reconnue au ministère public par la doctrine juridique. Des stylesd’action et d’interaction l’emportent sur les velléités législatives et les velléités du Collège desprocureurs généraux de modifier et d’harmoniser les décisions relatives aux poursuites dansles contentieux de détentions et d’usages de drogues. Ces styles d’action — cespositionnements professionnels, relevant d’un art du métier de magistrat —, typifiés sous lesnoms de pilote et passeur, témoignent d’une ambivalence fondamentale qui manifeste seseffets dans les relations que noue le magistrat avec ses trois « interlocuteurs » (services depolice, intervenants psycho-médico-sociaux et justiciables). L’ambivalence analysée dans ceslignes est la trace concrète d’une hybridation entre la verticalité traditionnelle de l’actionjudiciaire et l’horizontalité du partenariat ou de l’action en réseau (De Coninck et al., 2005).La criminalisation des usages de stupéfiants est souvent interrogée sur les plans légal etpolitique ; il apparaît aujourd’hui plus riche d’observer, de l’intérieur du système pénal, lemalaise que ce contentieux entretient, et dont les résolutions prétoriennes contrastéesaccordent une place limitée à la détermination normative des lois et des directives.

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