LA POPULATION D'ATHÈNES ET DE SA RÉGION DANS LA SECONDE MOITIÉ DU XIXE SIÈCLE

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LA POPULATION D'ATHÈNES ET DE SA RÉGION DANS LA SECONDE MOITIÉ DU XIXE SIÈCLE Eugénia Bournova et Maurice Garden Belin | Annales de démographie historique 2010/1 - n° 119 pages 181 à 203 ISSN 0066-2062 Article disponible en ligne à l'adresse: -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- http://www.cairn.info/revue-annales-de-demographie-historique-2010-1-page-181.htm -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Pour citer cet article : -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Bournova Eugénia et Garden Maurice,« La population d'Athènes et de sa région dans la seconde Moitié du xixe siècle », Annales de démographie historique, 2010/1 n° 119, p. 181-203. -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Distribution électronique Cairn.info pour Belin. © Belin. Tous droits réservés pour tous pays. La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les limites des conditions générales d'utilisation du site ou, le cas échéant, des conditions générales de la licence souscrite par votre établissement. Toute autre reproduction ou représentation, en tout ou partie, sous quelque forme et de quelque manière que ce soit, est interdite sauf accord préalable et écrit de l'éditeur, en dehors des cas prévus par la législation en vigueur en France. Il est précisé que son stockage dans une base de données est également interdit. 1 / 1 Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 94.65.218.188 - 03/04/2015 17h04. © Belin Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 94.65.218.188 - 03/04/2015 17h04. © Belin

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LA POPULATION D'ATHÈNES ET DE SA RÉGION DANS LA SECONDEMOITIÉ DU XIXE SIÈCLE Eugénia Bournova et Maurice Garden Belin | Annales de démographie historique 2010/1 - n° 119pages 181 à 203

ISSN 0066-2062

Article disponible en ligne à l'adresse:

--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------http://www.cairn.info/revue-annales-de-demographie-historique-2010-1-page-181.htm

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Pour citer cet article :

--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------Bournova Eugénia et Garden Maurice,« La population d'Athènes et de sa région dans la seconde Moitié du xixe

siècle »,

Annales de démographie historique, 2010/1 n° 119, p. 181-203.

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LES SOURCES :LA COLLECTE DES DONNÉES

Reconstituer l’histoire de la populationde la Grèce après son accession à l’indé-pendance reste une entreprise difficile.En apparence toutefois, une importantedocumentation existe, au moins sousforme de recensements, organisés réguliè-rement depuis 1860 « à la française »,c’est-à-dire avec visite systématique desimmeubles et des appartements, sousl’autorité des magistrats municipaux. Ànotre connaissance cependant, les minu-tes de ces recensements ont disparu, et sielles existent, elles demeurent enferméesdans des fonds d’archives non classées, etnon répertoriées. On dispose seulementdes publications officielles du bureaud’Économie publique du ministère del’Intérieur, qui fournit la population paréparchies, provinces et communes(dèmes) à chacun de ces recensements(1861-1870-1879-1889-1896), et dontles données ont été regroupées parMichel Chouliarakis (1974)2. C’est en1860 que Ioannis. A. Soutsos, professeurd’économie politique à l’universitéd’Athènes et directeur du bureau d’Éco-nomie publique (bureau créé en 1834 etréorganisé en 18613), décide de collecterl’information sur le mouvement annuelde la population. Les premiers résultatssont publiés dès 1861 à l’Imprimerieroyale d’Athènes4. Cette publication

connaît quelques avatars encore peuexplicables. Dans les bibliothèques athé-niennes, il semble que la collection la pluscomplète, toutefois non cataloguée, soitcelle de la bibliothèque du Parlement.On a pu retrouver les données de 1860,de 1861, puis une série continue de 1864à 1883, et enfin celles de 1885. Cesdernières, éditées en 1889 seulement parl’Imprimerie nationale, en version bilin-gue grec-français, sont les seules à faireapparaître une numérotation : AnnéeXXIV, 1885. Cette numérotation confir-merait que le relevé de 1862 et 1863 n’apas été fait5, mais elle indiquerait égale-ment dans le cas où 1885 serait bien levingt-quatrième volume du Mouvementde la population, qu’il en existerait unpour 1884, qui n’a pu être jusqu’alorsretrouvé.En dépit de quelques changementsformels, la série publiée du mouvementde la population est assez régulière.Chaque année, les mouvements sontanalysés sous la forme de 14 à 16tableaux. Les trois premiers fournissentles données brutes des trois événementsmajeurs du mouvement naturel, lesmariages, puis les naissances et les décèspar sexe. Deux, puis trois tableauxdétaillent la statistique des mariages (parprovince) : l’état civil des mariés, céliba-taires ou veufs, et la nature desunions (deux célibataires, homme céliba-taire et femme veuve, femme célibataire

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ANNALES DE DÉMOGRAPHIE HISTORIQUE 2010 n° 1 p. 181 à 203

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et homme veuf, deux veufs); puis la répar-tition mensuelle des mariages, enfin l’âgeau mariage selon le sexe. Les cinq tableauxconsacrés aux naissances distinguent nais-sances légitimes et illégitimes, puis lemouvement mensuel des naissances, parprovince et par commune. Les cinqtableaux des décès fournissent lesdonnées par âge, par mois et par étatcivil, tantôt au niveau de la province,tantôt à celui de la commune.Les introductions de Soutsos au relevédu mouvement de 1860 et de 1864rappellent avec précision le mécanismedes relevés et de leur regroupement par lebureau central d’Athènes. La jeunemonarchie grecque est très vite soucieusede se doter d’outils statistiques compara-bles à ce qui se met en place dans toutel’Europe. Dès le 20 octobre 1836 une loiétablit un système régulier de rédactiondes actes de l’état civil, mais elle n’est pasvraiment appliquée, et elle est renouveléeet précisée par la loi du 29 octobre 1856.En 1864, A. Mansolas écrit : «Les dispo-sitions [de la loi de 1856] ont rencontrédès le commencement des obstaclesinvincibles qui ont rendu leur applicationproblématique et très imparfaite, d’aprèsles rapports officiels des procureursroyaux et des autorités administratives.Cet avortement des lois concernant l’étatcivil, c’est à l’ignorance ou à l’incurie desmagistrats municipaux qu’on en est rede-vable : les maires et les adjoints à qui ceslois attribuent les fonctions d’officiers del’état civil, tantôt par impéritie, et tantôtfaute de se rendre bien compte de l’im-portance de ces fonctions, dans beaucoupde communes n’ont pas touché aux regis-tres de l’état civil, dans d’autres ils ontdressé et dressent toujours des actesdéfectueux et irréguliers. Ces obstaclesauxquels on s’est heurté dès les premierspas ont privé jusqu’à ce jour la société des

avantages et des garanties qu’un bonsystème d’état civil sérieusement appliquéassure aujourd’hui à tout État policé6. »Dans la présentation de la premièrepublication du mouvement de la popu-lation de 1860, Soutsos expliquecomment le gouvernement a finalementrenoncé à confier aux autorités munici-pales le relevé des actes d’état civil, pourrevenir à la tradition grecque des regis-tres des paroisses : «Ce manque de régu-larité, constaté officiellement par lesautorités administratives et par lesprocureurs du Roi, a engagé le ministèrede l’Intérieur à ne pas se départir dusystème suivi jusqu’alors, qui consistait àpuiser les renseignements concernant lemouvement de la population à uneautre source, celle des registres desparoisses, tenus par les curés ; mais afinde régulariser ce service, le Ministère ajugé nécessaire de les faire rédiger d’unemanière uniforme et de les distribuerdans toutes les paroisses. Les curés sonttenus d’extraire par trimestre, des regis-tres qui leur sont confiés, les faits relatifsau mouvement de la population et de lestransmettre aux démarques ; ceux-ci,d’après les renseignements fournis parles paroisses, dressent des tableaux et lesfont parvenir aux éparques ; ces derniersréunissent dans un seul tableau tous lesrenseignements qui leur ont été fournispar les démarques dépendants de leurjuridiction, les font parvenir au Minis-tère, par la voie des préfets compétents.Ce sont donc ces renseignements qui, vul’imperfection des organes chargés de lesrecueillir et de les concentrer, nepouvaient être d’une exactitude irrépro-chable, qui ont servi à dresser lestableaux que nous publions7. »Tous les démographes et historiens quiont depuis écrit sur l’histoire de la popu-lation grecque du XIXe siècle ont repris,

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voire accentué, ces réserves critiques des« pères » de l’administration statistique,pour dénigrer la qualité de ces sources,quitte ensuite à en recopier sans modifi-cation les résultats (Korassidou, 1991)8.Signalons cependant qu’à plusieursreprises des médecins, spécialistes d’épi-démiologie ou de santé publique, ontpublié des études importantes sur ladémographie, en particulier athénienne,appuyées sur ces statistiques officielles,et sur les observations plus spécifiquesobtenues dans les archives hospitalières,et qu’ils ne confirment pas toujours cepessimisme général concernant cesdonnées officielles9.Les recensements périodiques de lapopulation sont-ils de nature à compléterles statistiques du mouvement annuel ?Les données brutes du recensement parcommune sont indispensables pour calcu-ler les taux de fréquence des trois événe-ments majeurs par rapport à la populationtotale de chaque commune (ou de chaqueensemble territorial). Le recensement de1856 a néanmoins semblé comportertellement d’inexactitudes (en particulierpar suite de doubles comptes nombreux,mais aussi à cause de comptages trèsdéfectueux dans les Cyclades – qui appa-raissent en 1856 comme le départementle plus peuplé de la Grèce, avec 13% dela population totale – et peut-être aussiparce qu’avec la guerre de Crimée ungrand nombre de Grecs de Turquie seseraient réfugiés en Grèce) que la loi du 5avril 1859 a réorganisé le bureau d’Éco-nomie publique, avec comme premierdevoir « de préparer les travaux nécessai-res au dénombrement général de la popu-lation du Royaume»10. Dans sa présenta-tion, Soutsos explique pourquoi la Grècea choisi le système français de préférenceau système anglais (i. e. avec des bulletinsimprimés déposés dans chaque maison

recueillis en un jour par les recenseurs).Le niveau d’alphabétisation de la Grècerurale a semblé trop faible pour se limiterau dépôt de bulletins (cette démarcheétant retenue pour les seules villes d’Athè-nes et du Pirée, « la plus grande partie deshabitants de ces deux villes ayant étéjugés capables de remplir eux-mêmes lesdits bulletins et où ceux qui ne savent nilire ni écrire pouvaient facilement les faireremplir par d’autres11 »). Ce sont doncdes commissions municipales de recen-seurs qui sont chargées de l’opération.Elles comprennent le maire ou l’adjointde la mairie, le commissaire de police et lepope de la paroisse, auxquels peuvent êtreadjoints des agents spéciaux recrutés surproposition des préfets et sous-préfets. Lacommission visite toutes les maisons, etremplit des registres imprimés, notant lesindividus et les familles. Les démarquesrassemblent les tableaux, expédiés auchef-lieu de chaque éparchie, qui eux-mêmes adressent aux nomarques (dépar-tements) l’ensemble des résultats dechaque commune. Le bureau d’Écono-mie publique reçoit et révise l’ensembledes tableaux locaux, pour rédiger letableau général du recensement de lapopulation du royaume.Malheureusement jusqu’à maintenantle classement dans les Archives généralesd’État n’est pas terminé et, pour lemoment, il semble que le bureau d’Éco-nomie publique n’a laissé absolumentaucune archive manuscrite. Dans cecontexte difficile, bien que les sourcessemblent pauvres voire inexistantesparfois pour la région d’Athènes, nousallons essayer d’étudier l’évolution de lapopulation athénienne à partir destableaux statistiques publiés.À l’image de ce qui se produit danstous les États européens, les objectifs durecensement grec à partir de celui de

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1861, sont très ambitieux. Non contentde comptabiliser les individus et lesfamilles, d’éviter les doubles comptes, derecenser « les populations comptées àpart » (hôpitaux, couvents, prisons…)sans oublier les marins en mer, le recen-sement prétend à une analyse détailléede la structure de la population : l’âge, lanationalité, la religion, voire les profes-sions. Ces tableaux secondaires sontnaturellement les plus douteux (Garden,Bournova, 1994). Une note précise quele nombre de 1 346 « artistes » (kallitech-nes) recensés est gonflé parce que lesmunicipalités de Tinos et d’Andros enont compté 640, incluant sous cettedénomination des artisans comme lesmenuisiers et les maçons12. Les autoritésont une telle conscience des imperfec-tions qu’en 1884 elles décident deprocéder à un nouveau recensement dela ville d’Athènes, dont les données durecensement général de 1879 seraientsujettes à caution13.D’une manière générale, il faut préciserque les conditions dans lesquelles cesdonnées démographiques ont été récol-tées étaient très difficiles et les problèmesde représentativité qui en découlent sonttrès sérieux. Deux articles du journal NeaEphimeris de 1889 concernant les recen-sements confirment le peu de fiabilité desrésultats de ces opérations de comptagedes habitants. L’auteur de ces articlesétablit une sorte de gradation de l’inexac-titude depuis le centre-ville d’Athènesjusqu’aux faubourgs, puis aux villages lesplus reculés de la Laconie. Selon lui, touts’est bien passé au centre d’Athènes. Maisdans les faubourgs, on passe vite de lacrainte au refus, voire à la rébellion : « Surles pentes de l’Acropole, au quartierd’Anafiotika, les habitants gardaientfermées les portes et les fenêtres de leursmaisons, pour que les agents recenseurs

ne rentrent pas ; ils les injuriaient de l’in-térieur ; un policier, agent de la fonctionpublique, a refusé de remplir le bulletinfamilial. » Il semble que beaucoup defiches soient remplies par les agents sursimple déclaration fort vague de voisins.« Dans le petit quartier des abattoirs, lerecensement n’a pas eu lieu du tout. Leshabitants n’ont accepté aucun bulletin.Les uns le considéraient comme un piègeà impôts, d’autres comme un piège àconscription, d’autres déchiraient lesbulletins dès réception, chassaient lesagents et les menaçaient de coups s’ilsrevenaient14. »

LA POPULATION DUDÉPARTEMENTD’ATTIQUE-BÉOTIE

Rappelons d’abord l’organisationterritoriale et administrative du royaumede Grèce dans cette seconde moitié duXIXe siècle, en gardant à l’esprit parailleurs qu’au cours de cette période lesfrontières de la Grèce ont plusieurs foisété modifiées, et son territoire agrandi.Lors du recensement de 1861, le terri-toire est divisé en 10 départements(nomoi), qui forment au total 48provinces (éparchies), elles-mêmescomposées de 280 communes (dèmes).Départements, provinces et communessont des entités administratives, qui necorrespondent qu’imparfaitement àl’implantation territoriale des habi-tants. Pour la première fois, lorsqu’ilpublie les résultats du recensement de1870, Alexandros Mansolas, le nouveauchef du bureau de l’Économie publique(il succède à I. Soutsos en 1864), ajouteaux communes le nombre des lieuxhabités (chorion)15. À cette date, suiteau rattachement des îles Ioniennes, laGrèce comporte 13 départements,

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59 provinces, 351 communes et 3 575chorion. En 1896, en raison de

l’intégration de la Thessalie, la Grècecompte désormais 16 départements.

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Tab. 1 Le département d’Attique-Béotie : évolution de la population 1861-1896

Provinces Communes Pop. 1861 1870 1896

Chorion Population Chorion Population

Attique Athènes 43371 15 48107 72 128735

Acharné 2288 7 2905 8 4889

Cropia 3503 7 4781 15 9827

Laureotique 2338 6 3700 6 11185

Marathon 2190 13 2464 21 5159

Le Pirée 6452 1 11047 7 51020

Phylé 1660 3 1809 2 2901

Oropos-Péree 1924 8 2096 12 3298

Thorikion16 16 7109

Égine Égine 5566 10 5683 11 8231

Angistri 341 4 420 3 713

Mégaride Mégare 3521 2 4093 3 6529

Idylie 2609 2 3191 1 2205

Éleusis 3256 3 3715 4 4978

Érythrées17 1 2566

Salamine 3265 3 3950 8 6633

Thèbes Thèbes 5014 7 5273 7 6586

Acréphnion 1384 7 1693 6 1649

Aulis 1065 10 1562 11 2394

Thespis 3356 8 3978 7 6321

Thisbé 2876 5 3336 7 4689

Platées 1704 7 2002 6 3232

Tanagra 2336 12 2867 13 4859

Levadie Levadia 4283 8 5130 8 8476

Arachova 2603 1 2731 1 3224

Distomion 2684 4 2913 4 3400

Orchomenos 1650 5 1861 6 3379

Petra 3007 16 3139 16 5293

Chéronée 1778 5 2348 5 3589

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Le tableau 1 montre que la croissancedémographique du département Attique etBéotie s’est produite essentiellement après1870, et que pour la période 1870-1896elle concerne prioritairement l’Attique, etdans celle-ci l’agglomération Athènes-LePirée. Celle-ci, en 1861, contient 43,1%de la population du département, et unemême proportion en 1870 (43,2%): unevéritable explosion de l’agglomération,capitale politique en même temps quecœur économique du pays, se produitentre 1870 et 1896, date à laquelle ellerassemble 57,4% de la population totaledu département. La province d’Attiquetriple alors le nombre de ses habitantsalors que les quatre provinces de la Béotien’enregistrent qu’une progression d’àpeine 50%. Dans cette période se produitle premier vrai décollage de la capitalegrecque, qui, à la fin du XIXe siècle,commence à figurer, encore modeste-ment, dans les grandes villes européen-nes18. Remarquons que dans le détail, lesvilles s’agrandissent sur leurs périphéries.De nombreux hameaux des banlieuesd’Athènes se peuplent peu à peu, commeKyphisia (1539 habitants en 1896), Patis-sia (2542), Kypseli (666), Chalandri(940), etc. De même Le Pirée, commune-

centre sans faubourg en 1870, s’entourede banlieues peuplées (Perivolia a 6050habitants en 1896). Il faut bien saisir quel’habitat de l’Attique-Béotie est un habitatprofondément dispersé, sans véritablecentre urbain en dehors de la capitale etdu grand port. Souvent même le nom dudème ne correspond pas à une véritableimplantation puisque les noms choisiscorrespondent aux anciens dèmes d’At-tique ou aux cités antiques : Cropias,Lavréotikon, Thorikion en Attique,Idylie, Tanagra, Distomion en Béotie parexemple, sont des chefs-lieux de dèmesdont les bourgs ou villages s’appellentMarcopoulo, Koropi, Ergasteria, Keratea,Byllia, Kyriakon… Bien sûr quand il y adéveloppement urbain, la ville-centrecontinue à concentrer l’essentiel de lapopulation : les 72 chorion annexesd’Athènes ne contiennent que 13,4% dela population du dème, alors que les sixchorion du Pirée en concentrent 17,3%.Mais sur les dèmes de Laurion et deThorikion (création nouvelle), le bourgd’Ergasterion ne rassemble que 42,2% deshabitants de ces deux communes et celuide Keratea 13,7%. Notons enfin la crois-sance considérable de cette région19 duLaurion. Seule véritable cité industrielle20

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Provinces Communes Pop. 1861 1870 1896

Chorion Population Chorion Population

Total

5 provinces 29communes 115427 179 136804 287 313069

Augmentation 18,5% 128,8%

Sous-total Attique 8 à 9 63726 60 76919 159 224123

Augmentation 20,7% 191,4%

Sous-total Béotie 19 à 20 51701 119 59885 128 88946

Augmentation 15,8% 48,5%

Tab. 1 Le département d’Attique-Béotie : évolution de la population 1861-1896 (suite)

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(et minière) du département, le dème deLaurion connaît en effet une véritableexplosion démographique : 3700 habi-tants en 1870, 18294 en 1896.Il est remarquable que, jusqu’en 1870,le double fait d’être une ville et une capi-tale n’a quasi aucune incidence sur l’évo-lution démographique de l’agglomération

athénienne, alors qu’un véritabledémarrage se produit à partir de 1870,et s’amplifie dans la décennie 1880-1889. Le tableau 2 rassemble lesproportions d’augmentation intercensi-taires pour les communes de l’Attiqueet pour les provinces de Béotie entre1861 et 1896.

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LA POPULATION D’ATHÈNES ET SA RÉGION DANS LA SECONDE MOITIÉ DU XIXe SIÈCLE

Tab. 2 Augmentation de la population d’Attique-Béotie de 1861 à 1896(% d’accroissement d’un recensement à l’autre)

1861-1870 1870-1879 1879-1889 1889-1896

Athènes 11 43 66 12

Le Pirée 71 92 60 47

Reste de l’Attique 28 46 23 38

Égine 3 9 15 17

Mégaride 18 23 12 11

Thèbes 21 13 9 16

Levadie 13 14 11 19

Total de la Béotie 16 15 11 16

Dès que s’accentue le caractère urbainde l’agglomération Athènes-Le Pirée,s’amplifie l’écart entre l’Attique et laBéotie. Entre 1861 et 1870 Athènesstagne, Le Pirée commence son expan-sion, mais en partant de très bas, et troisdes quatre provinces de Béotie connais-sent une augmentation sensible de leurpopulation, peu différente de celle descommunes proches de l’Attique. Dès1870, les rythmes deviennent totale-ment autres, et montrent que lescommunes proches de l’Attique bénéfi-cient de la croissance de la capitale,beaucoup plus que les provinces de laBéotie, pourtant proches. Sur l’ensem-ble de la période 1860-1896, c’est lacommune de Levadia qui connaît lacroissance la plus forte (doublement desa population), dépassant à cet égardÉgine ou Mégare, à la fois plus prochesd’Athènes et situées sur les côtes.

Resterait à comprendre les raisons decette inégale croissance au cours de lapériode. Pour la ville d’Athènes, le tauxde croissance inférieur à 1% dans ladécennie 1860, atteint 3,5% par andans la décennie 1870, dépasse 5% dansla décennie 1880, avant de retrouver unmédiocre 1,5% entre 1889 et 1896.L’examen des données, malheureusementincomplètes, du mouvement naturel,montre à l’évidence l’importance desmouvements migratoires pour expliquerla croissance urbaine et les variationsdeses rythmes.

COHÉRENCES ET INCOHÉRENCESDES STATISTIQUES DUMOUVEMENT NATUREL

Les responsables des bureaux de statis-tiques du ministère de l’Intérieur, quenous avons déjà cités, J.A. Soutsos de

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1860 à 1864 et A. Mansolas de 1864 à188021, ont été formés à l’école desstatisticiens français, et dans leurscommentaires ils se plaisent à citer lesremarques de leurs homologues français,comme Alfred Legoyt, le directeur dubureau de la Statistique générale de laFrance22. Ces économistes statisticiensont une vision très rationaliste et saint-simonienne de leurs travaux et de leursignification. Deux extraits de leursintroductions aux publications tradui-sent bien cette idéologie : «La rechercheet la constatation des mariages, des nais-sances et des décès dans un pays nonseulement font connaître la proportionexistant entre ces trois faits sociaux ainsique l’accroissement ou la diminution dela population par rapport à l’excédentdes naissances sur les décès ou vice-versa, mais, à un point de vue plus élevé,nous fournissent de précieux élémentsd’appréciation de l’état politique,économique, moral et physiologique detoute société. C’est pourquoi on a consi-déré le mouvement de la populationcomme le criterium le plus sûr de lasituation d’un pays, et la rechercheexacte de ces éléments comme un desprincipaux objets de la sollicitude detout gouvernement régulier23. »En 1861 déjà, Soutsos insistait sur l’in-fluence des conditions sociales sur lesévénements démographiques, et il expli-quait que la modernité d’un pays nedépendait pas du nombre des naissances,mais bien plutôt des conditions de vie quiréduisaient les décès plus rapidement queles naissances: «Les naissances peuvent semultiplier dans des conditions socialesentièrement défavorables; mais sous l’in-fluence de pareilles conditions, on voit enmême temps se développer les privations,l’indigence, et partant les décès; la popu-lation reste alors stationnaire ou

diminue ; tandis qu’au contraire, àmesure que par le développement desforces productives de la nation, lesmoyens d’existence se multiplient, lenombre des décès diminue, le terme de lavie moyenne se prolonge et le chiffre de lapopulation active augmente. Il a étémême observé que le progrès de la civili-sation en multipliant les besoins, rend leshommes plus prévoyants et plus attentifsà ne pas augmenter les charges de leursfamilles au-delà des moyens dont ilsdisposent pour subvenir à leurs besoins.Et c’est ainsi que dans la même propor-tion, on voit diminuer le nombre desnaissances avec celui des décès24. »Les leçons de Malthus semblent avoirété retenues !

Le sous-enregistrement des naissancesféminines

L’analyse qui suit se propose d’étudier lesdonnées brutes du mouvement naturel dudépartement d’Attique-Béotie pendant lesdeux décennies 1864-1883 (série complèteet homogène), avec comme objectif secondde comparer les comportements urbains(Athènes et Le Pirée) et les données descommunes rurales de l’Attique et de laBéotie. Les chiffres des recensementspermettent, à partir d’une estimation despopulations résidentes, d’évaluer les princi-paux taux relatifs aux trois événementsrepertoriés25. Il est habituel en Grèce d’af-firmer que seul le relevé des décès par lesprêtres de l’Église orthodoxe est correcte-ment établi (en raison des problèmes desuccessions?), alors que l’inscription desnaissances, et même des mariages est beau-coup plus sujette à caution. Une despremières vérifications possibles est celledu rapport de masculinité à la naissance,dont on sait qu’il se situe, lorsque l’enregis-trement est correctement opéré, dans une

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fourchette de 105 à 106 naissances degarçons pour 100 naissances de filles. Onne peut que prendre avec le sourire lecommentaire qui accompagne le premierrelevé du mouvement de la population dela Grèce en 1860: «Cette supérioriténumérique des naissances masculines» (en1860, 16158 naissances de garçons contre14700 naissances de filles pour l’ensembledu royaume, soit exactement une propor-tion de 110 garçons pour 100 filles), «n’estpoint un fait particulier à la Grèce ; il sereproduit dans presque tous les autresÉtats de l’Europe» (à l’appui de son dire,l’auteur cite le chiffre de la France pour1856, où la proportion est de 105,4garçons pour 100 filles). «On a cherché àexpliquer de différentes manières cet excé-dent des naissances de garçons; la raison laplus plausible qu’on ait donnée de cephénomène est que le sexe le plus fort aune influence prépondérante sur les nais-sances. Cela est démontré par la supério-rité numérique des naissances de garçonssurtout dans les communes rurales où leshommes sont doués d’une force corporelleplus considérable, appliqués qu’ils sontaux travaux champêtres les plus pénibles.Ainsi dans la commune d’Athènes, dont laplupart des habitants n’appartient pas à laclasse des agriculteurs, les naissances fémi-nines excèdent les naissances masculines,tandis que dans les communes rurales,c’est le contraire qui est constaté26. »Hélas pour notre brillant statisticien«machiste », entre 1860 et 1885, 1860est la première, mais aussi la seuleannée où les naissances fémininesparviennent à être plus nombreusesdans la capitale. Le rapport de masculi-nité s’établit en effet pour la villed’Athènes deux fois à 102 (en 1871 et1876), et il est presque toujours supé-rieur à 110. Il atteint 111 pour ladécennie 1864-1873 et grimpe même à

118 pour la décennie suivante 1874-1883, avec des pointes annuelles supé-rieures à 130. Pour les communes rura-les de l’Attique (hors Athènes et LePirée), le niveau moyen sur les vingtannées s’établit à 109, avec uneaugmentation de l’écart d’une décennieà l’autre (107 à 111). L’ensemble desnaissances des quatre provinces de laBéotie présente un indice moyen pourles vingt années tout juste en dessous de109, avec toutefois des écarts impor-tants entre la province de Thèbes (106,mais seulement 104,4 pour la décennie1864-1873) et celle de Levadie (112,presque 113 pour la décennie 1874-1883). C’est donc sans hésiter que l’onpeut affirmer, s’il en était besoin, que lapuissance physique des agriculteursn’explique en rien la supériorité numé-rique des naissances masculines. On nesait pas à partir de quel seuil statistiquese vérifie cette surnatalité des garçons.L’examen des naissances dans les quatreprovinces de la Béotie montre que lesécarts les plus importants sont observésdans la petite province d’Égine, de loinla moins peuplée du département. Surles vingt années considérées, le rapportde masculinité d’Égine oscille entre unminimum de 78 (en 1864) et un maxi-mum de 151 (en 1874), soit près dusimple au double, mais pour unnombre moyen de naissances voisin de245 par an. Dans les trois autres provin-ces béotiennes, qui affichent chacuneentre 600 et 700 naissances annuelles,les écarts sont nettement plus atténués,de 96 à 130 dans la province de Thèbes,de 99 à 121 dans celle de Levadie, et de96 à 125 dans celle de Mégaride. L’At-tique rurale affiche à peu près lesmêmes différences entre un minimumde 98 et un maximum de 132, alorsqu’au Pirée les extrêmes sont de 81 et

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142, et à Athènes de 102 à 186 pour uneffectif moyen annuel de naissancessupérieur à 1000.L’examen attentif des données, dèslors qu’il dévoile une surnatalité mascu-line qui paraît globalement excéder lesmoyennes européennes, met véritable-ment le doigt sur une question impor-tante : n’y aurait il pas dans cette régionde l’Attique-Béotie un sous-enregistre-ment systématique des naissances fémi-nines, particulièrement accusé dans laville d’Athènes, mais perceptible un peupartout ? Pire, alors que se multiplientles directives et les conseils pour amélio-rer les statistiques, partout l’écart gran-dit entre la décennie 1864-1873 et lasuivante, 1874-1883. En chiffres bruts,pour la première décennie et l’ensembledu département d’Attique-Béotie, oncompte 21516 naissances de garçonscontre 19835 naissances de filles (soitun indice égale à 108,5). Pour laseconde décennie, les valeurs respectivessont 25829 et 22843, ce qui donne113 naissances masculines pour 100filles. Si l’on retenait l’indice 106 d’unemoyenne européenne, cela signifieraitenviron 1300 naissances féminines nonenregistrées pour la seule décennie1874-1883, soit une perte de près de6% de celles-ci. Et il s’agit ici demoyenne. Il faudrait amplifier cettecorrection, pour toutes les années où lesindices locaux, au niveau d’Athènescomme à celui des villages, dépassentlargement 115. Est-il concevable quedans la province de Thèbes ne soientenregistrées en 1869 que 345 naissancesde filles face à 441 garçons, ou dans cellede Mégaride en 1876, 307 filles face à385 garçons ? Et si l’on se souvient queles invraisemblances les plus criantesconcernent la ville même d’Athènes(mais Le Pirée suit de près), on doit

conclure que la structure urbaine n’estpas une garantie de qualité des relevésdémographiques.

Un mouvement annuel des naissancesaberrant

Cette médiocre qualité des relevéspour la capitale grecque est confirméepar la totale aberration du mouvementdes naissances athéniennes de 1879 à1885. Alors que de 1875 à 1878 lenombre annuel de naissances en ville sesitue entre 1300 et 1400 (maximum de1420 en 1876), dès 1879 il s’effondreaux alentours de 600 à 700, et mêmeseulement 332 en 1883. De tellesdonnées sont à l’évidence erronées, etrendent difficile la comparaison entre lescomportements urbains et ruraux, d’au-tant que le grand port du Pirée sembleconnaître à la même période une netteaugmentation du nombre des naissancesenregistrées (moyenne annuelle légère-ment inférieure à 400 jusqu’en 1874,mais pointes à 606 en 1881 et 592 en1883). Comme nous l’avons précisé,nous n’avons pas retrouvé les données de1884, et la dernière année de publica-tion (1885) contient à nouveau des chif-fres impossibles, mais cette fois dansl’autre sens : 2122 naissances à Athènes,soit plus de 50% de plus que lameilleure année antérieure (1876), et1159 naissances au Pirée, soit presque ledouble des années antérieures les plusfécondes27. Comme les publications necomportent cette fois aucun commen-taire des chefs du bureau de l’Économiepublique et de la statistique, on en estréduit à émettre des hypothèses invéri-fiables pour l’instant. Que s’est-il passéau cours de ces six ou sept années? Alorsque les données des sépultures (et à unmoindre degré celles des mariages)

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semblent à peu près régulières, pourquoiobserve-t-on un tel sous-enregistrementmassif des naissances, qui sembleraitpartiellement compensé par un énormesur-enregistrement en 1885, comme siles popes des paroisses athéniennestranscrivaient avec retard des naissancessurvenues les années précédentes. Tantque n’auront pas été consultés les regis-tres des paroisses de l’église orthodoxed’Athènes – dont on ne sait même pass’ils ont été conservés puisque leur fondsa été transféré au service central, maisreste inaccessible au public –, il seraimpossible de fournir une explicationpertinente à cette anomalie. Quoi qu’ilen soit, il est certain que les bureauxresponsables se sont à l’époque alarmésde cette situation, puisque 1885 est ladernière publication du mouvementnaturel avant 1920.On achèvera le portrait peu reluisantdes données statistiques d’Athènes àl’époque, en indiquant que le seulrecensement de la période étudiée,celui de 1879, dont les maigres résul-tats ont été publiés sous forme dequelques tableaux, a très récemmentfait l’objet d’un examen dans le cadred’une thèse sur la population athé-nienne (Dimitropoulou, 2008, 75).Or, l’analyse des résultats par âge et parsexe a révélé aussi un fort sous-enregis-trement probable des filles et undéséquilibre des sexes et des âges dansla population athénienne : 55% deshabitants de la ville sont des hommes etl’auteur parle d’un mouvement migra-toire vers la capitale fortement masculinet célibataire. Si l’on en juge par cesremarques, il semble que le faiblenombre de naissances pourrait s’expli-quer par la place restreinte des femmesmariées jeunes dans la population.Ce serait alors un effet de structure.

La baisse des taux de natalité

Une fois tenu compte de cette incohé-rence partielle des données sur les nais-sances à Athènes, il reste cependantpossible de traduire l’évolution des nais-sances du département d’Attique-Béotiesous forme de taux bruts de natalité, ense référant aux résultats des recense-ments, et à l’estimation de l’évolution dela population au cours des périodesintercensitaires. Il semble y avoir uneopposition forte entre la natalité dans leszones rurales de l’Attique et de la Béotieet celle des «grandes villes» d’Athènes etdu Pirée. Nous avons vu que la capitaledu jeune royaume grec tarde à se déve-lopper, et qu’elle ne commence sa crois-sance démographique qu’après 1870,multipliant sa population par 2,4 entreles deux recensements de 1870 et 1889,alors que le port du Pirée enregistre uneprogression dès avant 1870, qui s’accé-lère encore ensuite (de 1861 à 1896Athènes triple sa population de 43000 à129000 habitants, alors que celle duPirée est multipliée par 8, de 6400 à51000). Si la natalité suivait la courbede la population, on devrait passer des1000 naissances annuelles des années1860 à environ 3000 naissances en1889 pour Athènes, et au Pirée de 220naissances par an dans les années 1860 à1760 naissances à la fin de la décennie1880. Or, en dehors des chiffres trèscontestables de 1885, le rythme annueldes naissances est loin de coller à l’aug-mentation de la population. Le taux denatalité d’Athènes semble se rapprocherde 20‰ entre 1870 et 1880, et se situeassez régulièrement entre 20 et 22‰.Celui du Pirée, quant à lui, ne cesse dedescendre au fur et à mesure de l’expan-sion urbaine. Il est encore proche de30‰ au milieu de la décennie 1860,

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il tombe à 25 au milieu de la décennie1870, et il se rapproche de 20‰ (etdonc du niveau d’Athènes) au milieu dela décennie 1880. Les provinces ruralesde la Béotie connaissent, elles aussi, untassement de leurs taux de natalité entre1860 et 1885, mais à des taux considéra-blement supérieurs, et qui relèventencore d’un modèle démographiqueancien (d’Ancien Régime, dirait-on enFrance) (Livi Bacci, 1999, ch.V). Mêmes’il y a des différences d’une province àl’autre de la Béotie, les taux de natalitésont voisins de 40‰ dans les années1864-1874, atteignant près de 50‰dans la province d’Égine en 1866 etencore 45‰ en 1879-80. Mais sur l’en-semble des quatre provinces, ils se stabi-lisent entre 31 et 33‰ dans la décennie1874-1883, avec un niveau nettementsupérieur dans la province de Mégaride(entre 35 et 40‰ à cette époque) quedans celle de Thèbes (entre 25 et 33‰,avec des variations annuelles très fortes).Cette opposition entre les provinces deMégaride et de Thèbes semble infirmerl’idée de la diffusion d’un modèle athé-nien vers son arrière-pays, dès lors queMégare, sur le littoral, est plus proched’Athènes et plus concernée par lamodernisation économique de la régionque Thèbes. Il est difficile de donnerune comparaison avec les communes del’Attique, tant les évolutions sontcontrastées entre les communes ruralesdu nord-est (Marathon), et la zone duLaurion, au sud-est, qui commencealors un développement industrielunique dans cette région.Commune rurale sans particularité parrapport à ses homologues de l’Attique audébut de la décennie 1860, avec unepopulation de 2300 habitants, Laurionaffiche des taux de natalité atteignant40‰. Mais la commune connaît bien-

tôt une progression28 voisine de celle duPirée, tout à fait originale dans la région.Elle dépasse 8000 habitants en 1879,11300 en 1885 (multiplication par 5).En revanche, les naissances pendant lamême période ne font que tripler (maxi-mum 219 en 1885), et dès 1879 le tauxde natalité se stabilise aux environs de20‰, soit un niveau proche de ceuxd’Athènes et du Pirée, très en deçà decelui des communes restées rurales del’Attique et de la Béotie.

L’apport de la statistique des décès

Est-ce que l’analyse des statistiques desdécès apporte autant d’informations surl’évolution de la population de cetterégion et de sa ville-capitale ? Il faut d’oreset déjà admettre qu’il est impossible dejuger à partir des publications impriméessi l’enregistrement des décès est demeilleure qualité que celui des naissances.Prenons uniquement le cas de l’Attique.Le tableau statistique du mouvementpour l’année 1866 indique dans la mêmeligne qu’il y a zéro décès féminin dans lacommune de Pérée et un total de 37décès, ce dernier résultat étant lui-mêmeissu de l’addition de 17 disparitionsmasculines et de 8 morts féminines…Autre étrangeté : pour les années 1879 et1880, la commune de Cropias en Attiquelaisse en blanc la colonne des décès fémi-nins, mais mentionne 82 décès masculinsen 1879 et 28 seulement en 1880.Oubli? Négligence? Passons sur ces peti-tes erreurs, toutefois difficiles souvent àcorriger.Dans l’ensemble, plus encore que pourles naissances, le comptage des décèsoppose deux systèmes humains : la ville etla campagne. Au sein de l’ensemble desdonnées connues, entre 1860 et 1885 (23années publiées et retrouvées sur 26), on

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voit que la capitale, avec 11 569 décès deplus que les naissances – se différencieradicalement de la Béotie, dont la popula-tion globale est assez voisine, même si lerythme de progression de la seconde estplus rapide que celui de la première. Eneffet, pour les quatre provinces de Béotie,le mouvement naturel pour la période1860-1885 enregistre 17545 naissancesde plus que les décès. Si l’on compare avecles résultats de recensements, on observequ’entre celui de 1861 et celui de 1889, laBéotie serait passée de 51700 habitants à76800, soit une augmentation de près de50%. Si l’on prolonge de manièreuniforme les données du mouvementnaturel sur les 29 ans séparant les deuxrecensements, l’excédent des naissancessur les décès avoisinerait 22000 person-nes, soit un chiffre très proche du niveaude l’accroissement démographique inter-censitaire (+25000). Peut-on dire pourautant que l’augmentation de la popula-tion de la Béotie est due presque totale-ment à l’excédent du mouvementnaturel?Le cas d’Athènes et de l’Attiqueprésente un schéma totalement différent.Entre 1861 et 1884 (date d’un recense-ment de contrôle ne concernant que laville d’Athènes), la capitale du jeuneroyaume grec a très exactement doublé sapopulation (de 42 à 84000). Or cetteexpansion se réalise en dépit d’un trèslourd déficit du mouvement naturel. Pourles 23 années connues sur la période 1860-1885 (26 ans), les statistiques enregistrentun passif de 11500 naissances. Autrementdit, la forte croissance athénienne reposeessentiellement sur une intense immigra-tion. Il suffit d’ajouter aux 42000 habi-tants supplémentaires les 11000 décès entrop, pour affirmer que sur ce quart desiècle 53500 personnes, c’est-à-dire enmoyenne un peu plus de 2000 par an

viennent s’installer à Athènes depuis l’ex-térieur. Ce mouvement n’est pas régulier:le déficit des naissances par rapport audécès n’est pas supérieur à 250 par anjusqu’en 1873, alors qu’Athènes n’a pasencore vraiment commencé sa croissance– 43000 habitants en 1861, 48000 en1870. Mais il explose à 800 par an entre1874 et 1885, alors que débute vraimentle développement d’Athènes (68000 en1879, 84000 en 1884, 114000 en 1889):Athènes commence alors à avoir ce régimedémographique des grandes villes, dévo-reuses d’hommes, compensant unemortalité élevée par une immigrationsoutenue. Selon la thèse récente de MyrtoDimitropoulou, la capitale reçoit pendantles années 1870 et 1880 des immigrantsvenus essentiellement des îles proches, desCyclades surtout, probablement à causede la crise économique locale dont seraitvictime la population frappée dansses moyens de ressources par l’abandon dela marine à voile au profit de la marine àvapeur. L’autre grand réservoir de la popu-lation athénienne est le Péloponnèse,une région montagneuse qui ne cesse dese vider pendant tout le XIXe siècle(Dimitropoulou, 2008, 78-160).L’exemple du Pirée confirme d’ailleurspleinement cette évolution. Bourgadeportuaire de 6500 habitants en 1861, LePirée entame alors une spectaculaireascension, qui en fera en 1896 une ville deplus de 50000 habitants. Jusqu’en 1873,Le Pirée conserve un mouvement naturelpositif, même si celui-ci ne rend compteque d’une faible partie de l’augmentationbrute de la population.Mais entre 1870 et1889, alors que la population du porttriple (de 11000 à 34500 habitants),l’équilibre du mouvement naturel sedégrade et le solde devient globalementnégatif, même si cela reste léger. Lesquelque 20000 habitants supplémentaires

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viennent tous de l’immigration, à unrythme supérieur à 1000 par an. Si l’onpeut, malgré l’anachronisme, parler d’uneagglomération Athènes/Le Pirée, quiatteint une population de 100000 habi-tants au début de la décennie 1880, il fautajouter que son rythme de croissanceannuel, voisin de 3%, est totalementalimenté par l’immigration. Nous nousretrouvons une fois encore face à un cas deville attractive, bien que ville-mouroir !Quant aux six petites communes ruralesde l’Attique, leur bilan démographique estproche de celui des provinces de Béotie,avec un assez important excédent desnaissances sur les décès, qui toutefois nerend compte que d’une partie de l’aug-mentation globale de la population entre1860 et 1889. Néanmoins nous avonsdéjà souligné que la commune de Laurionperd à cette période son caractère decommune rurale.Deux autres caractéristiques peuventêtre dégagées à partir des statistiques desdécès. Il est normal que les fluctuationsannuelles des décès enregistrent desvariations plus fortes que les naissances.

Même si l’on a quitté l’ère des grandescrises de mortalité de l’Ancien Régime, ily a encore des épidémies meurtrières etdes pics de mortalité. Clon Stephanos29 aétabli une liste chronologique de cesmortalités épidémiques de la secondemoitié du dix-neuvième siècle, sanstoutefois apporter toujours une explica-tion satisfaisante. Le seul véritable «picde mortalité » observé concerne l’année1868 à Athènes avec 1894 décès enregis-trés, soit un taux de mortalité supérieur à40‰, et un nombre de décès presquedouble de celui des années environnantes(729 seulement en 1866, 1013 en 1867,1034 en 1869). Toutefois cette brusquepoussée de décès à Athènes ne se retrouveni au Pirée, ni en Attique, ni en Béotie,sauf dans la toute petite province insu-laire d’Égine (268 décès contre 153 en1866 et 151 en 1869). Pour autant, sil’on ne peut plus parler de pics de morta-lité, les dernières années d’observationmontrent une forte poussée, continue,de la mortalité urbaine, alors que lenombre des décès semble presque stabledans les communes rurales.

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EUGÉNIA BOURNOVA ET MAURICE GARDEN

Périodes Athènes Le Pirée Attique rurale Béotie

M F M F M F M F1864-67 2202 1904 502 376 730 611 3026 2527

1868-71 3212 2643 524 409 924 878 2939 2643

1872-75 3537 2809 838 684 1097 964 2914 2526

1876-79 3743 3047 1004 793 1033 782 2981 2582

1880-83 4678 3651 1513 1188 1060 732 3183 2314

Total 17372 14054 4381 3450 4844 3967 15043 13092

Tab. 3 Les décès par périodes quadriennales en Attique-Béotie, 1864-1883

Alors que le relevé incohérent des nais-sances ne permet pas une semblablecomparaison, la statistique des décèsmontre éloquemment l’opposition encours d’installation entre deux formes deterritoires et de population (tableau 3).

En 1861, Athènes et Le Pirée contien-nent 43% de la population du départe-ment d’Attique-Béotie. En 1879 cetteproportion est montée à 48,75%. Toute-fois c’est surtout dans la décenniesuivante que se produit la première

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grande expansion urbaine. En 1889 l’ag-glomération contient 57,8% de la popu-lation totale du département. Alors qu’audébut de la période d’observation, laproportion des décès d’Athènes-Le Piréeest assez comparable à la place qu’occu-pent ses habitants dans le département,ensuite celle-ci augmente à un rythmesupérieur. Entre 1880 et 1883 ce sont58,6% du total des décès de l’Attique-Béotie qui sont enregistrés à Athènes-LePirée: la triste réputation de mouroir desgrandes villes gagne la Grèce, alors mêmeque la capitale garde encore une dimen-sion modeste.La constatation du fort déséquilibresexuel des décès est également intéres-sante. On a mesuré cette inégalité auniveau des naissances, en soulignantqu’elle est très probablement exagéréepar le sous-enregistrement des naissancesféminines. Mais la surreprésentation desnaissances masculines ne suffit pas àexpliquer l’importance grandissante desécarts entre décès masculins et décèsféminins. L’importance d’une immigra-tion majoritairement masculine dans laville et dans le port, le rôle des hôpitauxdont il faudrait évaluer l’impact sur lamortalité, sont sûrement des explica-tions partielles. Toujours est-il qu’àAthènes et au Pirée, sur une durée de 20

ans, 1864-1883, sont enregistrés 125décès masculins pour 100 décès fémi-nins, et que cette proportion tombe à115 pour les quatre provinces de Béotie.L’exemple de la commune de Laurionest une fois encore très symptomatique.À l’époque où Laurion demeure majori-tairement une commune rurale du sud-est de l’Attique, décès masculins et fémi-nins s’équilibrent presque (435 décèsmasculins pour 428 féminins de 1864 à1875 – indice 101,5 même si lesdonnées de l’année 1875 sont suspecteset probablement erronées). Dès que lacommune s’industrialise avec les exploita-tions minières, la mortalité explose, maisuniquement celle des hommes, quiforment la main-d’œuvre de ces nouvellesactivités. De 1876 à 1883, donc en huitans, on recense 628 décès masculins (lenombre moyen annuel a plus quedoublé)) pour seulement 295 décèsféminins (soit un niveau annuel compa-rable à celui du début de période).Comme pour la natalité, la mortalitégénérale connaît de fortes variations, aussibien dans le temps que dans l’espace. Àpartir du nombre des décès relevés(tableau 3), on peut évaluer les taux brutsde mortalité au cours de période 1864-1883, en rapport avec la population esti-mée lors des recensements (tableau 4).

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LA POPULATION D’ATHÈNES ET SA RÉGION DANS LA SECONDE MOITIÉ DU XIXe SIÈCLE

Tab. 4 Taux de mortalité en Attique-Béotie, 1864-1883, en ‰

Périodes Athènes Le Pirée Attique rurale Béotie

1864-67 22,7 24,4 19,7 24,8

1868-71 30,4 21,2 25,3 23,5

1872-75 28,3 26,2 25,7 21,5

1876-79 26,0 23,0 17,5 20,6

1880-83 27,2 25,0 15,4 20,6

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Ces moyennes quadriennales recouvrentde grands écarts d’une année à l’autre,particulièrement importants à Athènes – leminimum est de 16‰ en 1866, et lemaximum de 40,5‰ en 1868. En Béotie,le minimum est de 17,3‰ en 1879, lemaximum de 27,2‰ en 1869.L’inversion est presque totale parrapport aux données des naissances,même si les variations aléatoires sont trèsfortes. La forte crise de mortalité athé-nienne de 1868 est très perceptible auniveau des moyennes, et l’Attiquesemble accompagner Athènes à ce hautniveau de mortalité de 1868 à 1875, alorsque Le Pirée est plutôt épargné, au moinsau début. Puis l’écart se creuse entrel’agglomération urbaine et les zones rura-les de l’Attique et de la Béotie. Une partiedes résidents de ces communes ruralesterminent-ils leur vie dans les hôpitauxathéniens? Des taux inférieurs à 16‰ àce moment du XIXe siècle paraissent vrai-ment bas par rapport aux donnéesconnues, en particulier en Europe sur lepourtour méditerranéen30.

D’étranges variations localesNous avons rassemblé dans letableau5 les données de la mortalitédans les quatre provinces de Béotie,pour bien mettre en lumière le caractèrealéatoire de ces enregistrements dumouvement de la population, et laisser

ouverte une question de fonds. Pour-quoi, à l’intérieur d’un même départe-ment, de tels écarts dans les taux demortalité tels qu’on peut les calculer ? Ya-t-il de telles différences de structuresde population et de modes de vie pourque les deux provinces quasi contiguësde Levadie et de Mégaride enregistrentdes oppositions aussi sensibles enmatière de mortalité, la premièreconnaissant un taux moyen de 25,8‰(proche de celui d’Athènes, et supérieurà celui du Pirée), alors que la seconde enreste à 17,4‰ (soit près de 50% dedifférence).Si les données de l’île d’Égine rappro-chent les taux de cette petite province deceux de la ville d’Athènes ou du Pirée,l’explication de la distance ne vaut biensûr pas pour la province de Levadie, laplus éloignée géographiquement d’Athè-nes, et qui conserve une mortalité nette-ment supérieure à celle de la provincevoisine de Thèbes. Les statistiques unpeu originales (pour ne pas dire incohé-rentes) de l’éparchie de Levadie, et enparticulier le taux de mortalité très élevéde la décennie 1860-1869 –proche de40‰ – nous ont conduits à analyserplus en détail les chiffres communaux dumouvement de la population31. L’épar-chie de Levadie comporte six dèmes :celui de Levadia est le plus peuplé, avec4300 habitants au recensement de

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Tab. 5 Les taux de mortalité dans les 4 provinces de Béotie, 1864-1883, en ‰

Périodes Égine Thèbes Levadie Mégaride1864-67 21,1 23,6 30,5 21,41868-71 28,1 25,3 26,0 15,71872-75 27,3 21,7 22,9 17,0

1876-79 22,5 17,1 23,2 16,71880-83 23,5 20,3 22,9 17,4Moyenne sur 20 ans 22,1 21,4 25,8 17,6

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1861, trois dèmes sont très proches dulac Copais, Orchomenos à l’ouest,Chéronée et Petra au sud, alors que lesdeux derniers sont plus éloignés du lac.Les données de Levadia indiquent unenatalité importante, de 32 à 34‰ aucours de la période, sans irrégularité nià-coups (tout juste peut-on noter unesurnatalité masculine trop élevée de1860 à 1869). En revanche la mortalitéest forte, voisine de 40‰, avec un défi-cit des naissances presque permanent (7années sur 8), et des fluctuations impor-tantes (161 décès en 1868, 215 en 1869,135 en 1871) qui laissent supposer desépidémies meurtrières certaines années.Malgré cet excèdent de décès, la popula-tion de la petite ville augmente assezrapidement (+20% de 1860 à 1870,+13% de 1871 à 1879), pour atteindre5790 habitants à cette dernière date. Àpartir de 1870, la situation s’inversetotalement, et la statistique enregistre unexcèdent permanent des naissances.Les données concernant le dèmed’Orchomenos sont tout autres. Dans cevillage de moins de 2000 habitants, à lacroissance modérée (1 650 habitants en1861, 2063 en 1879), est enregistréquasi en permanence un excédent desnaissances sur les décès (pour l’ensembledes 20 années renseignées, 350 naissan-ces de plus que les décès, c’est-à-direpresque la totalité de l’augmentationintercensitaire de la population). Maisces données sont incohérentes entreelles. Pour la décennie 1861-1870 ellessignifieraient un taux de natalité de73‰, et un taux de mortalité de 63‰,avec en particulier des chiffres tout à faitexcessifs pour les années 1866-1869, àsavoir 92‰ de taux de natalité ! En1868, les 1800 habitants d’Orchomenosdonneraient naissance à plus d’enfantsque les 5 000 habitants de sa voisine

Levadia. Plus étonnant encore, l’arrêttotal de cette extravagance à partir de1870. Le taux de natalité tombe alors à36‰, et même 28‰ après 1879. Lestaux de mortalité s’effondrent encoreplus vite : 31‰ entre 1870 et 1879,19‰ après 1879. Si l’on pense que leschiffres de naissances sont les plusproches de la vérité, il est sûr que lapopulation enregistrée lors des recense-ments de 1861 et 1870 est fortementsous-estimée.Les données concernant les deuxdèmes de Chéronée et Petra, situés aussiprès du lac Copais qu’Orchomenos,confirment que la qualité des statistiquesdépend beaucoup des personnes qui fontles relevés. Ces deux communes, ensem-ble, sont un peu plus peuplées que laseule Levadia. Elles connaissent une forteexpansion (+14% de 1861 à 1870,+18% de 1870 à 1879, 6000 habitantslors de ce dernier recensement). Commeà Orchomenos, les naissances sonttoujours supérieures aux décès : l’excè-dent des naissances est de 1137 pourl’ensemble de la période, soit les 2/3 de lacroissance. Mais ici on ne retrouveaucune des outrances d’Orchomenos. Letaux de natalité oscille sagement entre 32et 34‰. En revanche la mortalité, aumoins pour la première décennie, estd’une grande faiblesse (de 21‰) commesi la population était enregistrée àChéronée et Petra, et les décès à Levadiaou Orchomenos. Seules des archivesconcernant les travaux du lac Copais etl’ampleur de la main-d’œuvre y partici-pant permettraient de formuler unehypothèse plausible d’explication. Quantaux communes de la province de Méga-ride, elles affichent tout au long de cesdeux décennies les taux de mortalité lesplus faibles, descendant à des valeurs de15 à 16‰ qui ne seront communément

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atteintes dans l’Europe méditerranéenneque dans les années 1930, soit cinquanteans plus tard. Comme, à l’heure actuelle,aucune source ne permet de croiser cesrésultats avec d’autres données, on nepeut que s’interroger sur des variationsde qualité des enregistrements.Il est encore plus délicat de terminercette présentation par l’étude de lanuptialité, le troisième élément deconnaissance des comportementsdémographiques saisis à travers lesdonnées du mouvement naturel. Lestaux de nuptialité que l’on peut calculerà partir des données publiées sont dansl’ensemble d’une grande faiblesse, et s’yajoute cette conjoncture spécifique à laville d’Athènes, déjà relevée avec lesdonnées concernant les naissances (de1880 à 1883, il ne se célébrerait quasiplus de mariages dans la capitalegrecque, le taux de nuptialité descenden dessous de 2‰, et la remontée au-dessus de 10‰ en 1885 ne signifie querécupération partielle). Pour l’ensemblede la période 1860-1885 le taux denuptialité pour l’ensemble du départe-ment d’Attique-Béotie s’établit à moinsde 6‰, avec une tendance générale à labaisse dans toutes les provinces, et unniveau particulièrement faible àAthènes. Quand des données paraissent« normales », de 1873 à 1878, le taux

athénien de nuptialité n’atteint jamais5‰, alors qu’il dépasse souvent 6‰ etatteint même épisodiquement 7‰ enBéotie ou dans l’Attique rurale.Toutefois comme les mêmes donnéesstatistiques indiquent un nombreinfime de naissances illégitimes, mêmeà Athènes, on est conduit à penser quecomme pour les naissances fémi-nines il y a sous-enregistrement presquecontinu des mariages. Des taux denatalité supérieurs à 30‰ sont diffici-lement compatibles avec des taux denuptialité inférieurs à 6‰, la féconditédes couples mariés n’étant pas, semble-t-il, considérable dans cette Grèce de laseconde moitié du XIXe siècle. Làencore, seule la mise à disposition desregistres des paroisses, à condition queles événements démographiques ysoient correctement consignés, pourraitpermettre d’aller plus loin dans l’expli-cation globale des évolutions.

Eugénia BOURNOVADépartement de Sciences économiques,

Université d’Athènes,5, rue Stadiou,10562 Athènes,

Grè[email protected]

Maurice [email protected]

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EUGÉNIA BOURNOVA ET MAURICE GARDEN

NOTES

1. Cette étude fait partie d’un projet de recher-ches plus important sur L’histoire économique etsociale d’Athènes, 1834-1950 qui a été subven-tionné par la Caisse européenne sociale et desressources nationales (EPEAEK- II).

2. Le tome II contient les données de 1848 à1911 par commune.

3. Pour toute la législation concernant le bureaude l’Économie publique ainsi que l’état civil et lesdémotologia, voir (Marre, 2005).

4. Bureau de l’Économie publique, Mouvement de lapopulation de la Grèce pour l’année 1860, Athènes,Imprimerie royale, 1861 (en grec). La publicationcontient une remarquable introduction en français

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de J.-A. Soutsos, le chef du bureau, qui écrit auministre de l’Intérieur : «Pour le moment, lestableaux dumouvement de la population de l’année1860, ayant été dressés, j’ai l’honneur de les mettresous vos yeux, accompagnés d’un exposé raisonnésur les résultats de cette opération, que j’ai traduit enfrançais, afin de donner une plus grande publicitéaux travaux de la section de STATISTIQUE.»Les publications sont alors les suivantes et ellessont bilingues :1864 : Statistique de la Grèce. Mouvement de lapopulation pendant l’année 1864, Athènes, Impri-merie nationale, 1866 [importante introduction].1865-6-7-8-9 : 1 volume par an, Imprimerienationale, 1871.1870-1-2-3 : un seul volume, Athènes, Imprime-rie nationale, 1876.1874-5-6-7 : un seul volume, Athènes, Imprime-rie nationale, 1879 (à la bibliothèque du Parle-ment, le volume marqué au dos 1870-1-2-3contient aussi les années 1874 à 1877).1878-9-1880-1-2-3 : Statistique de la Grèce,Mouvement de la population, un seul volume,Athènes, Imprimerie des frères Perri, 1886.1885 : Statistique de la Grèce, Mouvement de lapopulation, Année XXIV, 1885, Athènes, Imprime-rie nationale, 1889. Malheureusement depuis1865, ces volumes ne sont plus jamais accompa-gnés d’introduction ou d’analyses.

5. L’introduction du volume de 1864, rédigée parA. Mansolas (1833-1912), chef du service lors decette publication en 1867, est explicite : « Lestableaux que nous publions aujourd’hui forment latroisième publication des renseignements relatifs aumouvement de la population en Grèce, mais ils nefont pas suite aux tableaux publiés antérieurement.Ceux-ci renferment les données statistiques serapportant aux années 1860 et 1861. Ceux-là sontpour 1864. Les événements politiques accomplisdans les deux années intermédiaires [révolte etchute du roi Othon de la dynastie des Wittelsbachen 1862, arrivée du prince Guillaume GeorgesGlycksbourg de Danemark, avec le titre de roiGeorges ler en 1863] ayant amené un certain relâ-chement dans le service administratif, il n’a pas étépossible de recueillir dans cet intervalle des donnéesstatistiques précises et de procéder ensuite à leurcoordination méthodologique.»

6. Statistique de la Grèce, Mouvement de la popu-lation pendant l’année 1864, Introduction (enfrançais), p. 2 et 3.

7. Kinisis tou Plithismou en Elladi kata to etos1860, Athènes, 1861, Introduction (en français),page VIII.

8. Maria Korassidou, ne travaillant qu’à partir desrevues de l’époque et des rapports sur l’hôpitalmunicipal des enfants trouvés et sur l’orphelinat desnourrissons d’Athènes, ne présente pas les statistiquesofficielles ; elle se contente de présenter les chiffresdonnés par les études médicales de l’époque. Ellesignale qu’«on ne peut pas toujours se fier à l’exac-titude des données statistiques du siècle précédent,et qu’on peut les utiliser seulement comme indicesdes phénomènes observés. Ce fait a été d’ailleursdèjà souligné, à plusieurs reprises, par les cher-cheurs qui ont eu à faire à des données statistiquesdu XIXe siècle» ( p.101).Voir aussi (Dertilis, 1988, 203) : on retrouve àcette page la reproduction du tableau récapitula-tif sur le mouvement naturel de la populationpublié dans l’Annuaire statistique de la Grèce de1930 mais sans commentaire.La première étude critique sérieuse des séries statis-tiques des recensements et des mouvements de lapopulation a été faite par Vasilios G. Valaoras(1960).

9. C’est en particulier le cas de Clon Stephanos,« La Grèce du point de vue naturel, ethnogra-phique, anthropologique, démographique etmédical », Dictionnaire encyclopédique des sciencesmédicales, Paris, Masson, 1884, p. 363-583. Ilcite : « La section de l’Économie publique, àlaquelle furent attachés les travaux statistiquesdans le ministère de l’Intérieur de la Grèce, a étéinstituée en 1854 sous la direction de M.G.D’Eichthal. Des publications officielles faitespresque toutes sous la direction de M. Mansolas(1862-1882), si elles sont sur certains points trèsimportantes, moins analytiques qu’il ne fallait,elles sont pour plusieurs autres points plusdétaillées que celles de la plupart des autres Étatsde l’Europe : aussi peuvent-elles mieux servir àl’étude de diverses questions médicales. Pour cequi concerne le degré d’exactitude, les publica-tions officielles expriment des doutes ; cependant,en ayant égard aux résultats de la présente étude,on est conduit à croire que les inexactitudes enquestion, surtout pour les données de la morta-lité, sont beaucoup moindres qu’on ne le supposecommunément et qu’elles n’empêchent pointd’arriver à des conclusions ne s’éloignant pasbeaucoup de la vérité. » (p. 442).

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10. Plithismos tis Ellados, tou etous 1861, Athè-nes, Imprimerie royale, 1862. La publicationcomporte une longue introduction, en grec eten français, rédigée là encore par I.A. Soutsos.Dans sa lettre au ministre de l’Intérieur, Soutsosaprès avoir rappelé l’interêt du recensement, àsavoir « fournir à l’administration les donnéespropres à la guider dans la voie des réformescommandées par l’interét public », ajoute : « letexte grec est accompagné d’une traductionfrançaise, afin de porter à la connaissance dupublic Européen, les éléments qui constituentnotre société et le mécanisme de notre adminis-tration et provoquer ainsi par la publicité lejugement des savants aux travaux desquels lastatistique doit ses progrès. »

11. Idem, Introduction, p.VIII.

12. Introduction au recensement de 1861,Chapitre IX, Population par professions, tableauet note, p.XVI.

13. Il est question de ce recensement complé-mentaire du 1er avril 1884 et de ses résultats dansle journal Ermis du 8 juillet 1884, p. 227 : « Lesecrétaire distingué du ministère de l’Intérieur,expert en la matière, a pris en charge la révisiondu recensement fait et il s’est donné la peine de serendre personnellement à chaque arrondissementcomparant et vérifiant chaque bulletin. Il a ainsiréussi de combler dans peu de temps beaucoupde lacunes et publier aujourd’hui les résultats plusau moins précis du recensement. »

14. Nea Ephimeris, n. 108, 18 avril 1889,« Impressions concernant le recensement » ;n.109, 19 avril 1889, «Encore le recensement ».

15. Sources : (Chouliarakis, 1974). Recensement dela population de la Grèce, 1861, Athènes, 1862.Recensement de la population de la Grèce, 1870,introduction et présentation d’AlexandrosMansolas,Athènes, 1871. Recensement de la population de laGrèce, 1896.Il n’y a qu’une seule divergence entre les donnéesde Chouliarakis et les tableaux des recensementssuccessifs : elle concerne la population d’Athènesen 1861, qui comporte 399 habitants de plusdans la publication du recensement que dans larecension de Chouliarakis.

16. Jusqu’en 1890 toute la région de Laurionformait le dème de Laureotique et son chef-lieuétait Keratea. Après le décret royal du 4 juillet1890, le dème s’est divisé en deux : le dème de

Laureotique avec comme chef lieu Laurion et ledème de Thorikion avec son chef lieu Keratea.

17. Dème créé par le Décret Royal du 7 mars1875.

18. On pourrait pour cette période établir unecomparaison avec la ville suisse de Bâle, objetd’une étude exemplaire de croissance urbaine(Lorenceau, 2001).

19. La population totale des dèmes de Cropia etde Laureotiki est de 5841 en 1861, de 8481 en1870 et de 28 121 en 1896 compte tenu de lacréation du dème de Thorikion.

20. Sur Laurion voir (Skopelitis, 1996).

21. Pour une présentation très détaillée des sour-ces démographiques grecques et de leur produc-tion au cours du XIXe siècle (Marre, 2000).

22. Alfred Legoyt, « Notice critique sur les rensei-gnements statistiques de la Grèce deM. Spiliotaki »,Journal des Économistes, octobre 1861.

23. Mouvement de la population pendant l’année1864, op. cit.

24. Mouvement de la population pendant l’année1860, op. cit.

25. Il faut reconnaître que prétendre reconstituerl’histoire d’une population à partir du mouve-ment naturel relève d’une archéologie du savoirdémographique et statistique. Comme clin d’œil,on peut comparer cet exercice grec de presque 25ans avec celui de l’abbé de Lacroix, État des baptè-mes, des naissances et des mortuaires de la ville et desfaubourgs de Lyon, pour vingt-cinq années, depuis1750 jusqu’à 1775, par un des M.M. de l’Académiede Lyon, Lyon, Delaroche, 1776. Mais l’énormedifférence entre Lyon de la seconde moitié duXVIIIe siècle et Athènes de la seconde moitié duXIXe, c’est que dans le premier cas, et seulementlui, on dispose des originaux des registres parois-siaux, et pas seulement des comptages. Dans cecas l’étude démographique peut passer au secondstade de l’analyse des comportements (fécondité,fécondité légitime, fécondité différentielle). Tantque l’on n’aura pas accès aux registres grecs desparoisses, et qu’on n’aura pas tenté de les utiliserau même titre que les registres de catholicité, ilrestera impossible d’aller plus loin dans l’étude del’évolution démographique.

26. Mouvement de la population de la Grèce del’année 1860, op. cit., Introduction, page X.

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27. Statistique de la Grèce. Mouvement de lapopulation, Année XXIV, 1885, Athènes, Impri-merie nationale, 1889.

28. Cette progression est en partie due à l’appelaux ouvriers italiens et espagnols aux mines deLaurion, voir (Dertilis, 1988, 202).

29. Clon Stephanos, op. cit. De nombreusescontributions de démographie médicale sontpubliées à la fin du XIXe siècle, soit en Grèce, soit enFrance, rédigées par des médecins grecs ayantsouvent fait leurs études en France. Toutefois lesépidémies citées par Stephanos ne rendent pasvéritablement compte pour Athènes et sa région del’évolution de la mortalité (sans doute aussi tribu-taire de mouvements migratoires dus aux aléas dela situation internationale, comme par exempleceux de nombreux réfugiés crétois en 1868).

30. Voir (Bardet, Dupâquier, 1999) et spécifique-ment pour la Grèce, les évaluations de G. Siampos(1973). Tout taux de mortalité inférieur à 20, voire22‰, dans la période 1860-1885 est suspect desous-enregistrement.

31. Michel Sivignon a attiré notre attention surles possibles conséquences de la présence du lacCopais (risque de paludisme), et des travaux d’as-sèchement de ce lac à cette période. Travaux quiont commencé timidement en 1869, ont étéinterrompus en 1873 et ont repris en 1880, maisont été achevés vers le milieu du XXe siècle.

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LA POPULATION D’ATHÈNES ET SA RÉGION DANS LA SECONDE MOITIÉ DU XIXe SIÈCLE

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Au XIXe siècle, le jeune État grec chercha à se doterde services modernes, en partie inspirés par ce quiexistait en France, pour connaître l’évolution de sapopulation : il s’agissait de suivre le mouvementnaturel et d’organiser des recensements pério-diques. Mais le faible niveau culturel des popes etdes responsables territoriaux ne permit pas la réus-site de ce projet, d’autant plus que la conservationdes archives resta des plus médiocres.La reconstitution de l’évolution de la populationd’Athènes et de sa région (l’Attique et la Béotie)dans la seconde moitié du XIXe siècle fut encorecompliquée par l’instabilité des structures admi-nistratives des communes (dèmes). Au milieu dusiècle, Athènes, la nouvelle capitale, n’étaitqu’une petite ville de 40000 habitants, Le Pirée

une bourgade de 6 500 habitants. En 1896, lapopulation d’Athènes avait triplé, celle du Piréeavait été multipliée par cinq. Les statistiquesretrouvées du mouvement naturel ne permettentpas de comprendre cette croissance, très supé-rieure à celle des zones rurales proches (en dehorsde la région métallifère du Laurion). Les chiffresdes naissances et des mariages sont peu cohérents,les taux de natalité et de nuptialité peu crédibles.Le plus souvent, le bilan du mouvement naturelest fortement négatif. La croissance de la popula-tion de ce qui devint l’agglomération d’Athènesne s’explique que par l’importance d’un fortcourant migratoire, venu des îles et des autresrégions de la Grèce, plus que des villages proches.

In the nineteenth-century, the newly establishedGreek State attempted to develop modern services,partly based on the relevant French patterns andmodels, in order to better understand the evolu-tion of the Greek population: the aim was tomonitor the population’s natural movement andto undertake censuses at regular intervals. Howe-ver, the low cultural level of clergymen and regio-nal administrators seriously hindered this attemptand led to a more or less deficient maintenance ofthe archives.The reconstitution of the evolution of the popula-tion of Athens and of the broader region of Atticaand Biotia during the second half of the 19th

century was further impeded by the instability ofthe municipal administrative structures. At themiddle of the century, Athens, the new capital, was

a small city of 40,000 residents and Piraeus nomore than a town of 6,500 residents. By 1896, thepopulation of Athens had tripled while that ofPiraeus had increased fivefold. The natural move-ment statistics dispersed in various archives do notfacilitate the explanation of this increase, whichgreatly surpassed that of the nearby rural areas(with the exemption of the mining city of Lavrio).The birth and marriage data, as well as the birthand marriage rate statistics, are not reliable. Thenatural population movement evaluation wasusually negative. The only possible explanation tothe significant population increase in the futureGreater Area of Athens is the existence of a consi-derable migration movement from the islands andother Greek regions, and to a lesser extent from thenearby villages.

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