La coopération scientifique maroco-andalouse (Espagne) : l’état de la question La...

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La coopération scientifique maroco-andalouse : l’état de la question La problématique de la migration comme exemple[1] Etudier la problématique de la coopération scientifique nécessite d’abord la connaissance non seulement de l’ampleur et la qualité du travail scientifique réalisé, les structures existantes et actives, les projets et les programmes en cours, les disciplines mobilisées, les paradigmes, les méthodologies et les approches utilisées, les problématiques élaborées, etc.; mais aussi les ressources humaines en œuvre sans oublier bien sûr les ressources financières et les lois qui cadrent cette coopération ; afin de rendre compte du système et du processus de cette production scientifique. C’est l’étude de cette problématique et ses corrélats qui va nous permettre d’évaluer cette coopération tout en nous renseignant sur l’exploitation de tout ce travail réalisé au sein des structures académiques ou autres par les décideurs politiques dans la mise en place des politiques appropriées. A ce niveau, il ne s’agit pas - dans cette étude - d’analyser exclusivement cette dimension ; mais nous comptons aussi faire de la lumière sur la politique scientifique en vigueur et la place qu’elle donne au savoir issu de la recherche dans la mise en place d’une politique en général et dans la coopération en particulier y compris la coopération scientifique. Pour bien illustrer notre propos, nous allons présenter :

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La coopération scientifique maroco-andalouse : l’état de la question

La problématique de la migration comme exemple[1]

Etudier la problématique de la coopération scientifique nécessite d’abord la connaissance non seulement de l’ampleur et la qualité du travail scientifique réalisé, les structures existantes et actives, les projets et les programmes en cours, les disciplines mobilisées, les paradigmes, les méthodologies et les approches utilisées, les problématiques élaborées, etc.; mais aussi les ressources humaines en œuvre sans oublier bien sûr les ressources financières et les lois qui cadrentcette coopération ; afin de rendre compte du système et du processus de cette production scientifique. C’est l’étude de cette problématique et ses corrélats qui va nous permettre d’évaluer cette coopération tout en nous renseignant sur l’exploitation de tout ce travail réalisé au sein des structures académiques ou autres par les décideurs politiques dans la mise en place des politiques appropriées.

A ce niveau, il ne s’agit pas - dans cette étude - d’analyser exclusivement cette dimension ; mais nous comptons aussi faire de la lumière sur la politique scientifique en vigueur et la place qu’elle donne au savoir issu de la recherche dans la mise en place d’une politique en général et dans la coopération en particulier y compris la coopération scientifique.

Pour bien illustrer notre propos, nous allons présenter :

ü  une analyse de la recherche scientifique comme l’un des outils de l’élaboration des politiques tout en mettant en exergue le rôle de la coopération scientifique dans la mise en place de véritablespolitiques de coopération reposant sur de solides partenariats ;

ü  puis nous allons procéder à vérifier ce postulat à partir d’une esquisse de l’état des lieux de larecherche dans le domaine de la migration - comme exemple - non seulement au Maroc ; mais aussi en Espagne en général et Andalousie en particulier.

1. Cadre théorique :

Si les vertus du politique sont incompatibles avec celles du savant,[2] le désir d’agir raisonnablement pour le politique - c'est-à-dire, après réflexion et analyse – signifie : prendre la décision qui met de son côté toutes les chances pour atteindre le but recherché. De ce point de vue, le lien entre la science et la politique apparaît très étroit, surtout au niveau des valeurs : dans le cas de la science, c’est le rapport aux valeurs qui est le but ; mais dans le cas de la politique, c’est l’affirmation des valeurs qui prime.

Pour cela, nous pensons approcher la problématique de la coopération en général et de la coopération scientifique en particulier à travers cette dimension de valeurs ; afin d’évaluer, d’un côté, l’impact du savoir produit sur la politique et la relation qu’entretient le politique avec ce savoir et le rôle qu’il joue pour la promotion de celui-ci, et de l’autre, procéder à une profonde évaluation de la qualité de la coopération maroco-andalou depuis la transition démocratique en Espagne.

1.1-  La recherche scientifique et l’élaboration des politiques   : le mangement des changements sociaux

Avec la mondialisation, La question posée est dès lors de savoir ce que change fondamentalement cettenouvelle donne dans la coopération - qu’elle soit bilatérale ou multilatérale - avec ses enjeux et défis tels que le rôle des États dans cette mondialisation ou la capacité d’une réponse démocratique et sociale aux défis économiques et financiers ; ainsi que l’adoption des mesures appropriées à la question du racisme (Durban II à Genève, avril 2009) et à la question écologique (le sommet de Copenhague, novembre 2009) ; à titre d’exemple.

 Aujourd’hui, surtout avec la dernière crise financière, l’interdépendance[3] devient une réalité quia entraîné une perte d'autonomie des politiques économiques. Cette interdépendance des économies nationales, surtout des pays les plus industrialisés, à commencer à s’accentuer du fait du progrès technologique et de l'intégration à l'économie mondiale. On ne peut imaginer qu'à notre époque, une action ou un changement de politique macro-économique d'un grand paysdéveloppé n'affecte pas les activités économiques de ses voisins, entraînant une série de réactions dela part de ces derniers. Cette internationalisation des marchés des biens et des facteurs de production ont aidé à la globalisation financière qui a fait que les emprunts ou placements d'argent peuvent finalement se faire partout dans le monde tout en déclenchant trois mécanismes principaux (cequ’on connaît sous les "3 D") :

Le "décloisonnement" : abolition progressive des frontières entre des marchés jusque-là séparés.

La "déréglementation" : moins de contrôles des mouvements financiers, abolition ou assouplissement des contrôles de change.

La "désintermédiation" : recours direct aux marchés financiers, moindre recours aux banques et aux organismes financiers traditionnels.

Finalement, la suprématie des marchés sur les politiques économiques est devenue un constat. Alors que l’une des premières exigences de la démocratie est le respect d’une loi commune, qui met fin (ou pose une limite) aux violences, aux inégalités et à l’arbitraire nécessite à ne pas mettre « le profit avant l’Homme »[4].

Dans tout ce processus, Nous nous demandons quel est le rôle de la recherche scientifique et de la coopération scientifique surtout pour atténuer les effets néfastes de cette « suprématie des marchés » pour déjouer les impasses du néolibéralisme mondialisé ou ce que d’autres analystes appellent le « libéralisme sauvage » et aider à un meilleur management des changements sociaux pouvant favoriser l’émergence d’un monde nouveau. D’ailleurs, notre monde connaît des changements rapides non seulement au niveau des systèmes sociaux mais aussi dans les systèmes de Science et de Technologie que la révolution numérique a exacerbée. Le besoin d’affronter des réalités aussi complexes nécessite de nouvelles alliances entre les domaines du savoir et une coopération intense entre ceux qui le produisent. La pratique traditionnelle de l’entreprise scientifique, dans une société de savoir et d’information en émergence, est signe d’archaïsme. La politique a son rôle à jouer dans les deux sens que se soit au niveau de la politique scientifique ou de la politique de coopération.

1.2-  Coopération scientifique et partenariat   maroco-andalouse   :

Concernant la coopération maroco-andalouse, on peut l’aborder à travers 3 niveaux :

A. le niveau maroco-européen où la coopération entre le Maroc et l’Union Européenne peut être appréhendée dans le cadre d’une coopération multilatérale (voire internationale) ;

A. le niveau maroco-espagnol où la coopération entre le Maroc et l’Espagne peut être assimilée à une relation multilatérale mais dans un cadre de bilatéralité encadrée par deux lois nationales vue l’organisation politique de l’Espagne.

1.   le niveau maroco-andalouse où la coopération entre le Maroc et la Junta de Andalucía (la Communauté Autonome de l’Andalousie) peut être perçue de manière strictement bilatérale.

L’interférence entre les trois niveaux est un fait constaté[5]; mais sans approfondir l’analyse et vule cadre de notre étude, nous allons nous intéresser plus à la présentation de l’état de la question de la coopération scientifique à travers la recherche sur la migration comme exemple. Cependant, un aperçu sur cette coopération maroco-espagnole et la place qu’occupe la coopération maroco-andalouse au sein de celle-ci. Cela va nous permettre de situer la problématique de la migration avec ses enjeux et défis et de présenter un diagnostic de la coopération scientifique qui l’a supporte.

Il est à noter que la coopération entre le Maroc et l’Espagne est dynamique comme le montre le tableau ci-dessous :

Récapitulation des échanges[6]:Maroc / Espagne  (En Millions de Dirham Marocain) 

  2003 2004 2005 2006 2007

I- COMMERCE EXTERIEUR

Importations 16 873,0 19 245,8 21 448,4 24 127,5 27 544,0

Part dans le total 12,4 12,2 11,6 11,5 10,6

Exportations 14 967,2 15 357,8 19 844,1 22 619,7 25 184,1

Part dans le total % 17,8 17,5 20,0 20,2 20,3

Solde commerciale -1 905,8 -3 888,0 -1 604,3 -1 507,8 -2 359,9

Taux de couverture % 88,7 79,8 92,5 93,8 91,4

II. RECETTES VOYAGES 1 272,6 1 856,8 2 898,0 4 754,1 6 270,1

Part dans le total % 4,1 5,3 7,1 9,1 10,7

III. RECETTES MRE 3 188,6 4 562,5 5 290,4 6 698,7 8 504,9

Part dans le total % 9,2 12,2 13,0 14,0 15,5

IV. INVESTISSEMENTS 18 148,6 526,8 1 582,5 7 530,9 6 178,9

Part dans le total % 75,9 3,4 5,5 25,1 14,9

V- DETTE EXTERIEURE PUBLIQUE

Tirages 0,0 0,0 0,0 3,0 518,0

Part dans le total % 0,0 0,0 0,0 0,0 2,3

Remboursements 889,5 703,7 944,7 544,9 750,0

Part dans le total % 3,0 3,1 4,6 2,9 3,6

Cependant, il faut noter que d’après les statistiques de 2009, le premier partenaire commercial du Maroc est la France. Elle participe pour 18,2% dans le total des transactions commerciales, suivie del’Espagne avec 14,4%, des Etats-Unis 6,1% et de l’Italie 5,9%. Mais l'Union Européenne (UE) reste le premier partenaire commercial pour le Maroc avec près de 60% de son commerce total, dont l'essentiel est celui des textiles et des produits agricoles. D’ailleurs, ses échanges commerciaux entre l’UE et le Maroc ont connu une croissance rapide. Le volume de ces échanges a augmenté, entre 1995 et 2007, de plus de 80%. Ce qui fait que l’UE est, à plusieurs titres, un partenaire particulièrement important pour le Maroc. Sur le plan commercial, les deux tiers des échanges extérieurs se font avec l’UE ; mais la France, l’Espagne et l’Italie étaient, en 2007, les trois principaux partenaires

commerciaux du Maroc, aussi bien s’agissant de ses exportations (54% à eux trois) que de ses importations (32,7%).

La politique étrangère espagnole (hors Europe) donne la priorité aux deux zones d’influence préférentielles que sont la Méditerranée et l’Amérique latine. Pour la Méditerranée, le Maroc et l’Algérie particulièrement, sont une des priorités traditionnelles de la politique étrangère espagnole dans cette aire géographique. Le Maroc est le 2ème partenaire commercial de l’Espagne hors UE. Le rapprochement entrepris par le gouvernement Zapatero a été confirmé par plusieurs activités diplomatiques depuis la visite du Roi d’Espagne au Maroc du 17 au 19 janvier 2005 et la création en 2006 d’un groupe de travail franco-hispano-portugais sur le Statut avancé du Maroc …

Cette coopération est très riche est diversifiée, malgré les zones de turbulence qu’elle traverse de temps en temps et un legs historique qui pèse sur son devenir, elle laisse apparaître le rôle que l’Espagne attend du Maroc non seulement en tant que voisin immédiat mais aussi en tant qu’acteur stratégique dans les trois aires géopolitiques ; à savoir : le monde arabe, le monde islamique et l’Afrique subsaharienne.

La coopération maroco-espagnole touche tous les secteurs et à laquelle participe toutes les institutions (officielles et informelles). Elle a pris de l’élan depuis le lancement du processus de Barcelone (1995) et surtout avec la mise en place d’une cellule de réflexion chargée de réfléchir surla teneur du Statut Avancé et l’institutionnalisation par le Maroc et la Commission européenne le « Dialogue Politique Renforcé » (avril 2003).

Au sein de cette coopération Maroc-Espagne[7], la coopération entre le Maroc et la Junta de Andaluciaà une place privilégiée du fait de la proximité géographique qui fait d’eux un point d’intersection de plusieurs aires géopolitiques. Ce qui fait que l’Andalousie joue un rôle capital dans le Programmede Développement Transfrontalier (PDT) signé le 20/03/2003 et qui a constitué le cadre de la coopération entre le Maroc et l’Andalousie pour la période 2003-2006 et qui a été reconduit. D’ailleurs, l’Andalousie occupe, en termes d’importance des programmes de coopération, la 3ème place après la Catalogne et la région de Madrid. Les secteurs d’intervention du Gouvernement andalou sont :le patrimoine, l’eau et l’environnement, l’urbanisme ainsi que d’autres secteurs comme : la santé, les services sociaux, l’énergie, l’éducation et la culture. Ces interventions se concentrent essentiellement au Nord du Maroc, ce qui fait de ce gouvernement le principal opérateur décentralisé en termes de volume financier investi. Les axes du PDT couvrent :

Des services sociaux et développement social ;

Des infrastructures communales ;

Des projets de développement économique ;

Le bilan de l’année 2009 a démontré que l’Agence pour la Promotion et le Développement Economique et Social des Préfectures et Provinces du Nord au Maroc (APDN) a mobilisé depuis sa création un montant d’environ 65 MDH de la coopération espagnole dont : 10 MDH déboursé par la Junta de Andalucia et 55 MDH de l’Agence Espagnole de la Coopération Internationale (AECI).

Le Maroc a été un pays prioritaire du Plan Directeur 2005-2008. L’aide moyenne annuelle de la coopération espagnole non remboursable qui lui a été destiné avait atteint 50 Millions d’Euros. En termes quantitatifs, ce plan consolidait l’engagement de l’Espagne d’atteindre une aide officielle audéveloppement (AOD)[8] équivalente au 0,5 % du PNB dans les budgets de l’année 2008. Dans le même ordre d’idée, José Luis Rodriguez Zapatero avait souligné dès les premières déclarations qui ont suivi au printemps sa reconduction à la tête du gouvernement espagnol : « le Maroc est un pays prioritaire, avec des intérêts communs en matière d’économie, de sécurité et de flux migratoire ».

Alors qu’en est-il du background socio-culturel de cette coopération si riche au niveau socio-économique (400 programmes et projets en exécution à l’année 2008) ? Quel est la part et le rôle de la coopération scientifique dans toute cette coopération ?

2. Etat des lieux : le cas de la problématique de la migration (les approches et les corrélats)

Concernant la coopération dans les domaines de l’éducation, la science et la culture, il est notoire de mentionner la signature du mémorandum d’entente portant création d’un établissement d’enseignementsupérieur et de la recherche scientifique, conformément à la législation marocaine, qui sera baptisé « Université des deux Rois » et qui aura son siège à Tétouan (Maroc). Elle devrait démarrer ses activités en 2008. Cette institution avec l’Institut des Etudes Hispano-Lusophones de l’Université Mohamed V-Agdal à Rabat et les départements de la langue et la littérature espagnoles dans toutes les Facultés des Lettres et Sciences Humaines et la nouvelle politique de déploiement du réseau des instituts Cervantès sont appelées à promouvoir la langue et la culture espagnoles qui commencent, déjà, à

gagner du terrain après la francophonisation du Maroc intervenue juste après l’indépendance et que les élites marocaines de l’ex-zone khalifale ont vécu comme une marginalisation.

En parallèle à cette dynamique, les deux pays coopèrent en matière d’enseignement préscolaire et de scolarisation dans les zones rurales et périurbaines, d’informatisation de l’enseignement secondaire et technique, de formation d’inspecteurs marocains dans le domaine de l’élaboration des manuels et programmes scolaires et d’enseignement de la langue et de la culture d’origine aux enfants des marocains résidant en Espagne. Cet intérêt partagé à la question de la migration s’explique d’un côtépar la défense du Maroc des droits de ces citoyens résidant en Espagne ; quant à l’Espagne l’intérêt est doublement motivé : d’un côté la gestion du flux migratoire marocain de manière « choisie » ; de l’autre, stopper la migration clandestine qui a été marocaine au début, subsaharienne après et qui commence de plus en plus à s’internationaliser ! D’ailleurs, la ruée vers l’Eldorado européen dont l’Espagne est la porte d’entrée via le Maroc est devenue le rêve de tout jeune africain subsaharien, entre autres, qui se sente laisser pour compte.

Ce développement du phénomène migratoire a suscité la mise en place de politiques appropriées. Pour cela la recherche scientifique a été « sollicitée » ; afin de renseigner les décideurs sur les pistesà privilégier. De même que cette recherche scientifique s’est intéressée à la politique migratoire elle-même et à sa conformité avec les règlements en vigueur que ce soit au niveau national, régional ou international ; ainsi qu’à la préservation des droits de cette population à son pays d’origine et au pays d’accueil.

Depuis les années 90 du siècle dernier, la migration commence à être traversée par plusieurs phénomènes dont le plus flagrant reste la traite humaine. Les recherches, suivies de prés par les législations, commencent à nuancer les différences entre les statuts[9] de ces migrants et rendre compte de leur calvaire.

Pour ce qui est de la coopération scientifique en matière de migration et de la coopération en matière de migration tout court, nous pouvons dire que le travail à réaliser dans les deux niveaux nécessite une nouvelle gouvernance intégrée. Cependant, il est intéressant de mentionner, dans le cadre de la coopération en matière de migration et de coopération scientifique, les actions suivantes :

Le plan d’action qui a été adopté lors de la conférence ministérielle euro-africaine de Juillet 2006 à Rabat (Maroc). Ce plan vise à apporter des réponses concrètes et appropriées à la gestion des flux migratoires.

La proposition au Maroc de la part de l’Espagne de s’associer à la création d’un Fonds en collaboration avec la Banque Mondiale. Ce fonds devra servir à l’étude, la préparation et lefinancement des projets liés à la création d’emploi dans les pays de l’Afrique subsaharienneet qui serait entièrement financé par le gouvernement espagnol.

L’adoption par le gouvernement espagnol du « Plan stratégique de citoyenneté et d’intégration » pour la période 2007-2010 qui vise à faciliter le processus  d’intégration des communautés étrangères résidantes en Espagne, fondé sur l’égalité, le pluralisme et la diversité culturelle. Ce plan a été salué par le Maroc.

En plus, la déclaration commune de la VIIIème réunion de haut niveau maroco-espagnole, qui a eu lieu à Rabat les 5 et 6 Mars 2007, a spécifié un chapitre à la « coopération technique scientifique, éducative et culturelle ; où il a été objet, en plus de ce qui a été précité, de :

Promouvoir l’hispanisme au Maroc parmi le secteur universitaire en coopération avec l’Université Mohamed V de Rabat ;

Inviter le groupe de travail chargé de l’examen du projet de l’Accord en matière culturelle et de coopération au développement à finaliser l’élaboration de ce projet ;

Réaliser à Marrakech, dans une partie des locaux du palais Bahia, le Musée du patrimoine commun ;

Inviter le comité interuniversitaire maroco-espagnol, qui durant ces dix années d’existence a encadré des centaines de projets de recherche, à procéder à une évaluation globale de ses programmes de coopération en vue de promouvoir la recherche scientifique, la formation par la recherche et le transfert du savoir …

L’AECID, dans sa résolution du 24 août 2009, a stipulé que « les activités de coopération scientifique et de recherche …, dans le cadre de ce programme, visent à renforcer la coordination et la cohérence de la politique de coopération au développement avec la politique scientifique et technologique, en apportant des synergies entre le plan directeur de la coopération espagnole 2009-2012 et le plan national de la recherche scientifique, de développement et d’innovation technologique2008-2011 ; afin de développer et de renforcer des liens stables de recherche et d’enseignement entreles groupes de recherche et d’enseignement issus des universités et des organismes scientifiques d’Espagne et des pays cités »[10]. Le comité mixte interuniversitaire maroco-espagnole siégeant à

l’Université Mohamed V-Agdal à Rabat s’est référée à cette résolution dans sa note d’information relative l’appel d’offres 2009-2010 pour les projets conjoints de recherche, de formation et les actions préparatoires et intégrées pour la consolidation scientifique et institutionnelle. D’après les informations disponibles en matière des projets de recherche et d’actions lancés dans ce cadre, nous avons relevé une présence infime des sciences humaines et sociales en général et de la problématique de la migration en particulier. D’ailleurs, lors de l’élaboration de notre corpus pour cette étude, nous avons constaté un grand éparpillement des informations, avec l’absence de collecte systématique de données concernant la migration et les études et recherches sur celle-ci, en plus de l’absence de fichiers nationaux spécifiques à cette question ; Et cela, malgré l’intérêt généralisé et manifeste.

L’analyse du corpus élaboré, nous pousse, d’abord, à plaider pour une réorganisation de la coopération scientifique dans ce domaine avec son implication dans le processus de conception des politiques à mettre en œuvre en matière de migration et de l’évaluation de ces politiques ; car la « société de savoir », à laquelle les politiques ne cessent de se référer, repose sur cette intégration effective de la recherche scientifique à l’ingénierie et au management social.

Les données collectées proviennent d’une recherche bibliographique numérique dans les fichiers espagnols et marocains, en plus des fichiers européens,  principalement le site CARIM (Consortium forApplied Research on International Migration)[11]. L’analyse peut être présentée selon les axes suivants :

2.1-  Au niveau de la recherche académique   :

La production académique se fait aussi bien, dans le cadre des structures de recherche universitairesque par des chercheurs dans le cadre des formations diplomantes. Les manifestations scientifiques organisées par les institutions universitaires ou en partenariat sont aussi les occasions de la présentation des études  ou les résultats de recherches réalisées ; ainsi que les revues spécialisées.

Pour le Maroc, malgré l’existence de 15 universités, nous avons noté l’existence seulement de 4 structures de recherche dédiées à la migration en plus d’une Chaire Unesco intitulée « Migration et droits ». Il faut noter aussi l’inexistence de revue marocaine spécialisée en matière de migration[12]. L’essentiel de cette production a été réalisé hors des cadres de coopération maroco-espagnole surtout académiques. Par contre, cette recherche était tributaire de la demande des bailleurs de fonds, ce qui a fait que le choix des problématiques a été dicté, généralement, par un souci de « mieux répondre à une demande » que de « mieux cerner le phénomène migratoire ». Cette situation a fait que le passage d’une problématique à une autre ne s’opère pas par le besoin du savoir essentiellement, ce qui ne permet pas de capitaliser le savoir produit ou d’avoir une vision globale et pluridimensionnelle.

La place de la migration marocaine en Espagne reste en deçà de l’ampleur du phénomène. Plusieurs variables restent « sous-étudier » ; à titre d’exemple : l’histoire de cette migration, sa dimension culturelle, son rôle dans le rapprochement des deux sociétés … Ce déséquilibre est dû à la prépondérance de l’intérêt juridique, politique et économique.

Quant à l’Espagne, nous avons recensé plusieurs structures académiques intéressées à la migration œuvrant au niveau national, provincial et même international. Ces structures académiques on peut les classer, selon leur intitulées en : observatoires, réseaux, instituts et groupes. En plus, des productions dans le cadre des formations diplomantes au sein des structures dédiées de manière exclusive ou non, nous pouvons relever l’existence de revues spécialisées dans le domaine de migration. Cette richesse est due, bien sûr, aux manifestations de la migration au sein de la sociétéespagnole.

Cependant, la présence de la migration marocaine dans cette production et surtout son image reste objet de polémique et même instrumentalisée. Nous avons constaté, aussi, l’invitation des chercheurs marocains à prendre part à certaines activités de recherche ou des manifestations (conférences, colloques, etc.).

Malgré l’abondance de la production espagnole et sa diversité, elle reste méconnue et sous-exploitée par les  chercheurs marocains. Ce problème est du d’abord à la non-maîtrise de la langue espagnole par ces chercheurs et aussi du désintéressement des départements de langue et littérature espagnoles à la question de la migration. On a relevé, aussi, la participation des marocains (thésards, etc.) oudes chercheurs d’origine marocaine à cette production. Ce qui n’est pas le cas pour les espagnols au Maroc.

2.2-  Ongs et société civile   :

Pour ce qui est de la participation des ONG de la société civile, la situation est très complexe par la diversité des acteurs et leur dynamisme et la richesse de leur apport :

a/      Si en Espagne les Ongs sont actifs dans le domaine de la migration depuis longtemps et on trouve parmi eux des Ongs qui se sont spécialisés, au Maroc les Ongs actifs ont été créés à une date récente ; mais leur activité souffre de conflit des compétences.

b/      Par contre la société civile marocaine, que ce soit au Maroc ou en Espagne, est très active. Elle a forgé sa maturité et son endurance grâce au leadership de jeunes marocains forcées par des contraintes diverses à orienter leur action vers le domaine associatif. Cette action associative a couvert tous les aspects de la migration tout en essayant de tirer vers elle les chercheurs et de bénéficier de leur apport. Ces associations ne s’intéressaient pas seulement à la défense des droits de leurs concitoyens mais aussi de ceux qui partagent avec eux la même situation dans le pays d’accueil. Elles sont aussi des lieux de rencontre, d’échange et de formation. Elles ne limitent pas leur action à la communauté marocaine en Espagne ; mais elles l’étendent, aussi, aux familles restéesau pays. De ce fait, elles sont devenues des acteurs de développement qui ont pu démontrer leur professionnalisme et capacité de mobilisation. Celles, qui se sont développées au Maroc, se sont intéressées aussi bien à la capitalisation des retombées de la migration formelle qu’à la lutte contre la migration clandestine et ses effets néfastes.

c/       Quant aux associations espagnoles, elles ont, généralement, œuvré soit en symbiose avec le tissu associatif marocain ou elles ont travaillé directement avec les migrants (y compris les marocains).

d/      En parallèle à leur savoir-faire, ces associations ont pu développer un savoir notoire sur lamigration suite à leur partenariat avec les universités ou les ressources humaines qu’elles ont pu mobiliser.

2.3-  Les politiques de migration   :

Vu la complexité du phénomène migratoire (migration de main d’œuvre, migration de compétences, « migration » de réfugiés ou demandeurs d’asile, migration clandestines ou « sans papiers », etc.), de la diversité de ses corrélats (trafic des personnes, traite humaine, etc.) et surtout que les Etats ne peuvent pas agir isolément (le débat de haut niveau, Global Forum on Migration and Development) ; Ces derniers sont contraints d’harmoniser leurs politiques pour s’inscrire dans  un modèle partagé.

La migration nécessite beaucoup plus une politique transversale qu’une politique sectorielle ; afin de mieux la gérer car le fameux slogan « migration zéro » est une grande utopie. Si l’approche sécuritaire est nécessaire, elle faut noter qu’elle est insuffisante. Pour cela, ces politiques doivent être intégrées en couvrant les différents aspects de la migration en amont et en aval et agirsurtout le processus ; car l’Etat peut agir sur son voisinage mais il ne peut pas changer de voisin.

Si le Maroc est passé d’un pays de migration à un pays de transit, l’Espagne (voire toute l’UE) avec son déficit démographique ne peut pas renoncer à l’immigration. Les deux pays sont appelés à harmoniser leurs politiques non seulement au niveau européen, mais aussi national sans oublier les spécificités des Communautés Autonomes.

3. Conclusions et recommandations :

Comme nous l’avons constaté, lors de cette analyse succincte de ce corpus exploratoire, la maîtrise du dossier de la migration nécessite plus de coordination entre les différents acteurs (marocains et espagnols) sans négliger les attentes des concernés. Cette coordination devra se baser sur un systèmede collecte de données et d’informations et de production de savoir approprié. Elle aura besoin de :

 Développer et faciliter l’échange par l’encouragement de l’enseignement des langues (arabe et espagnoles) dans le cadre de séjours scientifiques comme l’un des moyens de promotion de l’hispanisme au sein du corps universitaire.

Créer des structures mixtes ou la coordination entre les différentes structures, puisque la migration ne peut pas se comprendre seulement au départ ou à l’arrivée mais par l’étude du processus intégrant le pays de départ (= le Maroc) et le pays d’arrivée (= l’Andalousie).

Encourager l’échange entre universitaires, chercheurs de manière institutionnelle ou individuelle avec programmes et cours de formation en matière de migration.

Mettre en place des réseaux thématiques mixtes dans le domaine de la migration avec des séjours et des échanges ; ainsi que des écoles doctorales et colonies scientifiques entre doctorants et jeunes chercheurs.

Appuyer l’institutionnalisation d’un Atlas de migration maroco-andalou

Saisir l’occasion du GFMD pour penser une coopération latino-maroco-espagnole (2010 Mexique,2011 Espagne, 2012 Maroc) où l’Andalousie pourra jouer le chef de file pour l’Espagne.

Mettre en place des programmes de recherches non seulement dans le cadre de la coopération bilatérale mais aussi au sein de l’UE et au niveau international

Ces propositions demandent l’existence de personnes dévouées à la concrétisation d’une nouvelle synergie entre la politique et la recherche dans le domaine de la migration. C’est en référence à cette orientation que la réalisation d’une cartographie des institutions et structures de recherches maroco-andalouse reste une nécessité dans la construction de cette coopération scientifique souhaitéeet qui aura comme l’un de ses objectifs prioritaires la connaissance mutuelle. C’est un chantier qui repose sur une approche pédagogique dont le but primordial est d’offrir une information fiable et actualisée aux différents acteurs (les chercheurs, les étudiants, les décideurs, etc.).

 

[1] Conférence présentée dans le cadre du “Seminario sobre las relaciones Marruecos-Andalucía: escenario presente y posibilidades de futuro”, organicé par la Fundación Euroárabe en collaboration avec El Centro de Estudios Andaluces, Granada, 04/03/2010.

[2] Max Weber .- Le savant et le politique (Introduction par Raymond Aron). Coll. 10/18, Paris, 1963.

[3] Yves Ekoue Amaizo .- De la dépendance à l’interdépendance :Mondialisation et marginalisation. L’Harmattan, Paris,1998.

[4]   Noam Chomsky .- Le Profit avant l'homme.Traduit de l'anglais (États-Unis) par Jacques Maas. Coll.10/18,  Fait et Cause 2004.

[5] Voir à titre d’exemple les tensions qu’a suscitée la révision de l’Accord de partenariat sur la pêche et qui a été signé avec l’UE en 2006 et dont l’Espagne a été le principal bénéficiaire ; puisque 90 % de la flotte communautaire est espagnole avec une forte présence andalouse.

[6] Office des changes (Maroc) ; http://www.oc.gov.ma/EchangesBilateraux/echanges.asp

[7]  Les acteurs de la politique espagnole de coopération internationale sont : les cortès générales (congrès des députés et sénat), l’administration générale de l’État (le Ministère des Affaires Etrangères et de la Coopération, le Ministère de l’Économie et des Finances, le Ministère de l’Industrie, du tourisme et du commerce, etc.), en plus des Communautés Autonomes, collectivités locales, ONG, Universités, Entreprises et Syndicats … Ce sont, grosso modo, les mêmes acteurs pour lapartie marocaine.

[8]La coopération espagnole (AOD) au Maroc en chiffres et par zone pour la période 2000-2005 :

Régions marocaines Montant en euros Observations

Tadla-Azilal 104.747  

Meknès-Tafilelt 2.560.544  

Fès-Boulmane 471.495  

Grand Casablanca 541.914  

Souss-Massa-Draa 563.983  

Marrakech-Tensift-El Haouz 852.135  

Gharb-Cherada-Béni Hssen 1.429.624  

Rabat-Salé-Zemmour-Zaer 1.594.124  

Oriental 13.862.065 Le montant alloué à la zone méditerranéenne marocaine représente 91,39 % du montant global AOD.

Taza-Taounate-Al Hoceima 29.950.262

Tanger-Tétouan     42.406.836

TOTAL 94.337.729  

[9] Voir dans ce cadre, Glossaire de la migration ; Richard Perruchoud (rédacteur). Organisation Internationale pour les Migrations (OIM), N°9, 2007.[10] Journal Officiel du 30/07/2009.[11] http://www.carim.org

[12] Les revues auxquelles nous faisons référence, sont des revues universitaires.