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Octobre 2006 48 Dialogue et coopération sur la sécurité régionale dans le sud : examen de la face cachée de Barcelone Emily B. Landau Fouad Ammor

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Dialogue et coopération sur la

sécurité régionale dans le sud :

examen de la face cachée

de BarceloneEmily B. LandauFouad Ammor

Ce rapport, élaboré avec le soutien financier de la Commission européenne sous le contrat MED-2005/109-063, n’engage que ses auteurs et ne reflète en aucun cas l’opinion officielle de la Commission.

Remerciements

Cette étude a été conduite sous les auspices du Jaffee Center for Strategic Studies (JCSS), Tel Aviv, et du Groupement d’Études et de Recherches sur la Méditerranée (GERM), Rabat. Elle est particulièrement remarquable car elle est le fruit de la collaboration entre deux instituts de recherche du Sud, à savoir du Maroc et d’Israël. Dr. Emily Landau est chercheuse au JCSS et Dr. Fouad Amor est chercheur au GERM.

Table des matières

Résumé 4

Préface 7

Introduction 8

1. Antécédents conceptuels et définitions 9

1.1. Qu’entend-on par « sécurité » ? 9

1.2. Pourquoi et comment les États coopèrent-ils ? 10

1.3. De quel contexte régional parle-t-on ? 11

2. Expérience passée 12

2.1. La voie multilatérale du processus de paix de Madrid 12

2.2. Intégration dans le Maghreb 14

3. Réflexions actuelles et activités sur le terrain 19

3.1. Maghreb 19

3.2. Proche-Orient 21

4. Entre optimisme et pessimisme et perspectives d’avenir 23

5. Pour conclure : les recommandations à l’intention de l’U.E. 25

Bibliographie 27

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Cette étude porte sur l’examen du dialogue et de la coopération sur la sécurité régionale entre les acteurs méridionaux du partenariat euro-méditerranéen. Elle comprend un débat théorique sur la notion de coopération en matière de sécurité régionale, une évaluation des expériences de dialogue régional en Méditerranée et au Proche-Orient, une appréciation de la réflexion actuelle menée sur cette question et un bilan de l’évolution sur le terrain. Le tout a été établi à partir des entretiens réalisés avec des militants d’ONG et des décideurs politiques. Enfin, elle comprend les perspectives futures de coopération et de dialogue régional entre les États concernés, ainsi que quelques recommandations à l’intention de l’U.E.

Cette étude jouit d’une perspective unique en ceci qu’elle émane de la collaboration de deux instituts de recherche situés dans le Sud, plus précisément au Maroc et en Israël. Cette collaboration est d’autant plus significative qu’Israël est au cœur de la plus fervente opposition à l’égard des efforts de coopération régionale dans les pays arabes. Les contraintes d’ordre temporel et politique nous ont conduit à limiter nos interviews aux États du Maghreb et à Israël. Mais, bien que succins, ils témoignent clairement des tendances majeures qui doivent être soulignées.

Ce travail part d’une hypothèse selon laquelle l’enlisement de la coopération en matière de sécurité régionale constaté jusqu’à présent, entre les partenaires du Sud dans le cadre du partenariat euro-méditerranéen, ne peut en aucun cas se résumer à l’impact négatif des conflits non résolus dans le Sud, pas plus qu’au conflit israélo-palestinien.

Les auteurs sont d’avis que la réflexion sur les conflits/tensions et sur la coopération/mesures de confiance ne doit pas établir de distinction entre ces deux domaines et les examiner l’un après l’autre (d’abord les conflits puis la confiance et la coopération), mais les considérer comme un phénomène en corrélation. Y compris dans les situations de tension et de conflit, il existe presque toujours des intérêts communs sur lesquels s’appuyer et à partir desquels élaborer. Aussi, faut-il examiner tout ce qui ira dans le sens d’une coopération de cette nature.

Dans la première partie, nous examinons deux études de cas portant sur des tentatives officielles menées au cours des quinze dernières années pour encourager le dialogue et la coopération, à la fois dans les États du Maghreb et dans le cadre des négociations multilatérales menées au début des années 1990, avec le processus de paix de Madrid. Nous analysons de près les raisons de la résistance et autres obstacles ayant freiné ces efforts ainsi que les conditions avérées favorables aux avancées obtenues. La seconde partie porte sur la situation actuelle et repose sur des entretiens menés, de janvier à mai 2006, auprès de représentants officiels et officieux du Maghreb et d’Israël.

Lorsque l’on examine les discussions multilatérales du début des années 90, il semble généralement admis que les progrès des discussions multilatérales dépendent de l’avancée des relations bilatérales. Or, ce parti pris a tenu en retrait d’autres dynamiques importantes (positives et négatives). Il est essentiel de remettre en cause « la notion de dépendance multilatérale-bilatérale» pour ouvrir la voie à un dialogue régional et multilatéral répondant à une logique qui lui soit propre. Il faut également rappeller que, dans certains cas, ce dialogue peut et doit être poursuivi en marge ou en parallèle de la gestion bilatérale des conflits.

La définition des intérêts sécuritaires ne peut pas non plus être laissée au hasard et doit faire l’objet d’un débat sincère entre les parties au dialogue régional. Les thèmes abordés dans la discussion sur le dialogue coopératif et régional doivent trouver un écho auprès des participants ; ces derniers doivent avoir le sentiment qu’ils y ont à gagner quelque chose de tangible et ce, dans un horizon temporel raisonnable.

Dans les pays du Maghreb, le Dialogue 5+5 est évoqué comme un important forum régional de dialogue, de coopération et de réflexion d’ensemble. Pourtant, ce dialogue est jonché de difficultés. Les malentendus et les conceptions divergentes sur le type de relations que les pays du Maghreb devraient entretenir avec les autres parties du monde se sont avérés être un frein, sans compter l’égoïsme national et les rivalités entre décideurs. Le Maghreb est un espace vulnérable qui doit être réorganisé, à la fois d’un point de vue social, politique et économique. L’avenir de cette région est menacé par les dangers que les pays doivent affronter contre leur politique intérieure et, à l’échelle régionale, par la déstabilisation alimentée par les conflits ouverts de longue date, en particulier la question du « Sahara occidental ».

Cette situation provoque d’une part, la mise en sourdine de tout idéal d’Union du Maghreb et d’autre part, encourage l’émergence de formes d’opposition extrémistes et radicales. Les discours officiels se cramponnent à une logique ancestrale, vivant dans l’ombre du

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passé pour nourrir l’espoir de l’avenir. Le développement et la responsabilité commune ne sont pas une question de style mais une condition sine qua non à tout dialogue futur. Quant à la sécurité, elle est aussi étroitement liée à la bonne gouvernance.

Pour ce qui est des tendances actuelles de la pensée en la matière, nous avons recueilli les réflexions et les positions conceptuelles des spécialistes et des intellectuels à l’égard de la notion de coopération sur la sécurité régionale dans le Sud et avons collecté quelques données sur les initiatives de coopération qui sont, d’ores et déjà, en place (ou qui sont envisagées).

Dans les pays du Maghreb, ce qui émane des entretiens relève davantage de la théorie que du programme concret de coopération. L’accent est mis massivement sur l’élan du Maghreb et de l’Union du Maghreb arabe, avec quelques références à l’intégration d’Israël en Méditerranée. L’idée d’une coopération régionale en matière de sécurité dans la Méditerranée est, dans l’ensemble, envisagée de façon positive, comme quelque chose à mettre en place sur la base du respect mutuel entre les États, tant au niveau du gouvernement et que des peuples.

Ce qui en freine la bonne marche est l’absence de démocratie, la violation des droits de l’homme, la corruption des États du Sud, l’obstination des leaders à rester au pouvoir au détriment de l’intérêt de leurs peuples, l’absence d’une vision claire et commune du futur de ces pays et le conflit persistant entre le Maroc et l’Algérie au sujet du Sahara occidental.

Maintenir la sécurité et mettre en œuvre des projets de coopération et de développement dans cette région dépend de la résolution du conflit sur le Sahara occidental. Les aspects économiques sont également considérés fondamentaux pour la bonne marche de la coopération et il s’avère nécessaire de s’y attarder pour parvenir ensuite aux questions d’ordre social et sécuritaire. Il va falloir commencer par la société civile, de ne pas attendre que les questions politiques aient été intégralement résolues, ni s’en remettre aux États et aux décideurs politiques. L’amélioration de la situation intérieure dans les États arabes a été fortement soulignée et la réforme démocratique est citée comme une condition essentielle pour que la société civile puisse assumer pleinement le rôle qu’elle doit jouer dans cette dynamique de coopération régionale.

En ce qui concerne la coopération avec Israël, ce pays est reconnu comme une réalité régionale que l’on ne peut ni ignorer, ni inverser. D’aucuns estiment que l’intégration d’Israël dans la région profiterait au développement et à la paix dans la région, car il s’agit du pays le plus développé dans les domaines technologiques et économiques. Une coopération avec Israël ne semble donc pas soulever d’objection, bien qu’il ait été clairement affirmé qu’Israël doit, au préalable, remplir certaines conditions.

Dans les pays du Proche-Orient, des interviews approfondies ont été réalisées auprès d’Israéliens – représentants officiels et officieux – concernés par la question de la coopération régionale. Ce sont les initiatives concrètes déjà en place et celles pouvant être prochainement envisagées qui ont été soulignées. Dans tous les cas, ils insistent sur l’adhésion d’Israël au dialogue avec ses voisins sur la coopération.

Les domaines avancés pour une éventuelle coopération en matière de soft security sont la lutte contre les incendies, les opérations de secours, les maladies infectieuses et la propagation des sauterelles (dans le Nord de l’Afrique). Au-delà de leurs implications directes pour la sécurité, ces questions pourraient devenir de véritables problèmes sécuritaires si elles ne sont pas traitées. Les possibilités de coopération, au niveau de l’Etat et dans une moindre mesure, au niveau du triangle israélo-jordano-palestinien, entre Israël et la Jordanie sont assez bonnes. Le choix de cette zone n’est pas anodin en raison de la proximité géographique de ces pays qui créée un sens d’interdépendance et de solides intérêts communs dans plusieurs domaines. Les possibilités d’envisager une plus ample coopération régionale ne manquent pas et certaines initiatives officielles, commencées au début des années 1990, se poursuivent encore aujourd’hui. Les niveaux non officiels de la société civile, quant à eux, jouissent, bien entendu, d’une bonne marge de manœuvre. Reste à prendre l’initiative et à mettre en place les cadres nécessaires.

A l’évocation du dialogue et de la coopération régionale, les raisons qui justifient le pessimisme reviennent vite à la surface et se propagent aisément. Toutefois, la cause de pessimisme la plus souvent évoquée, à savoir l’impact négatif des conflits non-résolus et surtout du conflit israélo-palestinien, mérite d’être sérieusement réexaminée. S’il est vrai qu’ils ne mènent pas à un dialogue coopératif, ces conflits ne doivent pas être érigés en excuse pour ne pas déployer tous les moyens permettant d’aboutir à un dialogue. D’autres

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obstacles se posent en véritables entraves au moindre progrès, tels que les conceptions divergentes de ce qu’est une situation où tout le monde sort gagnant, les difficultés intérieures de certains États ou encore le besoin de renforcer la société civile, et méritent que l’on y consacre plus d’attention. Les raisons de l’optimisme reposent, quant à elles, sur une logique conceptuelle d’efforts où chacun y trouve son compte, sur les succès déjà obtenus (même s’ils sont limités) et sur les quelques progrès intéressants, encore balbutiants, réalisés aujourd’hui sur le terrain.

Il est, selon nous, dans l’intérêt de l’U.E. de faire avancer les relations régionales dans le Sud pour plusieurs raisons. Avant tout, parce que la principale doléance des États du Sud au sujet du partenariat tient à son asymétrie : le Nord est une entité unie tandis que le Sud est un rassemblement d’États qui, non seulement ne sont pas intégrés mais sont, en outre, déchirés par des conflits de longue date. Deuxièmement, parce que dans son acception logique, la coopération part du principe qu’une fois entamée, elle peut avoir un effet apaisant sur les conflits régionaux. Enfin, parce que le Processus de Barcelone est le dernier forum officiel qui réuni encore régulièrement les États régionaux. Bien que les critiques portant sur l’efficacité de ce forum soient nombreuses, tous s’accordent à dire qu’il reste dans l’ensemble positif, à la fois dans son intention et dans sa nature. Tous les efforts doivent donc être déployés pour maintenir et renforcer le potentiel unique que représente cette enceinte de dialogue. Entre pessimisme et optimisme, et bien que le dialogue sur la coopération en matière de sécurité soulève encore de nombreux problèmes, il existe des lignes d’orientation utiles qui pourraient permettre d’atteindre cet objectif.

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Notre propos, dans cette étude, est d’examiner la question du dialogue et de la coopération régionale en matière de sécurité entre acteurs méridionaux du partenariat euro-méditerranéen, un volet du processus de Barcelone qui a été, jusqu’à présent, négligé. Cet examen repose sur un débat conceptuel autour de la notion de coopération régionale sur la sécurité, sur une évaluation des expériences de dialogue régional en Méditerranée et au Proche-Orient, sur l’état de la réflexion en la matière et des progrès sur le terrain - à partir des conversations avec des militants d’ONG et des décideurs politiques - et sur les perspectives réservées au dialogue et à la coopération sur la sécurité dans ces États.

Partant d’une évaluation des tendances passées et présentes, notre objectif est d’examiner ce qui peut être fait pour changer les attitudes et permettre d’entamer une coopération régionale sur la sécurité dans le cadre du partenariat euro-méditerranéen. A partir de la logique conceptuelle que recouvre une telle coopération pour les partenaires du Sud de la Méditerranée, nous tacherons de définir les intérêts qu’ils ont en commun et qui pourraient servir à dégager une approche plus facile à accepter. Outre les questions portant sur les acteurs régionaux eux-mêmes, nous examinons la position de l’U.E. : le rôle joué par l’U.E. dans le passé et ce qu’il doit et peut devenir dans la dynamique future du processus de Barcelone. Progressivement, il apparaîtra clair qu’une incursion dans ces questions nous conduira au-delà des limites mêmes du processus de Barcelone, à la fois en termes géographiques, temporels et conceptuels.

Une note d’ordre méthodologique s’impose au sujet des entretiens. Nous souhaitons d’emblée préciser que, pour des raisons de contraintes logistiques (politiques) et temporelles, les interviews n’ont pu être réalisées que dans trois pays du Maghreb (Algérie, Maroc et Tunisie) et en Israël, pour les rives orientales de la Mer Méditerranée. Il est évident que cette étude aurait gagné à inclure d’autres entretiens, menés dans d’autres États du Sud, voire même dans certains pays du Moyen-Orient situés au-delà du bassin méditerranéen.

S’il est vrai que d’autres apports auraient été (et seraient encore) utiles à cette étude, elle est n’en reste pas moins, dans son approche, plus qualitative que quantitative. La mouture des entretiens n’est peut-être pas exhaustive mais elle est des plus parlantes et témoigne résolument de tendances majeures qui doivent être mise en exergue. De plus, rien n’empêche qu’à l’avenir, des données complémentaires soient recueillies et évaluées à la lumière de l’analyse présentée ci-après.

Enfin, cette étude jouit d’une perspective unique, celle qui résulte de la collaboration de deux instituts de recherche situés dans le Sud, au Maroc et en Israël. Israël étant au cœur de l’opposition la plus fervente à l’égard des efforts de coopération régionale dans les pays arabes, cette collaboration n’en est que plus significative. En un sens, le projet est, en soi, une tentative de coopération puisqu’il s’efforce de lancer un pont entre des visions divergentes (et parfois conflictuelles) de la question régionale. Ce faisant, il permet de dégager un vaste terrain commun. Il va sans dire que les divergences d’approche perdurent mais, plutôt que de les souligner (et de faire de cette étude un travail exposant «deux perspectives »), nous avons préféré en rehausser les aspects communs.

Préface

1 Cf. : http://ec.europa.eu/comm/external_relations/euromed/multilateral_relations.htm

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Pour aborder la question de la coopération et du dialogue régional entre les partenaires méridionaux du processus de Barcelone, prenons comme point de départ les agendas formels conçus pour le partenariat euro-méditerranéen qui affichent deux aspects complémentaires : les relations bilatérales de l’U.E. avec chacun des partenaires du Sud d’une part, et la plate-forme régionale d’autre part. Personne n’ignore qu’à ce jour, les activités bilatérales se sont imposées comme la caractéristique majeure du processus de Barcelone. Elles ont pris la forme d’accords d’association qui sont accompagnés d’une politique de voisinage conçue récemment pour renforcer les démarches bilatérales entre l’U.E. et la rive sud de la Méditerranée. La dimension régionale du partenariat euro-méditerranéen, quant à elle, est formellement présentée par l’U.E. comme un des aspects les plus innovants du partenariat et comme un cadre permettant d’étayer et de compléter les activités bilatérales. Pourtant, si cette dimension est saluée dans les documents officiels de l’U.E. comme l’un des volets uniques et des plus pertinents du partenariat, seule une infime partie des fonds MEDA soutiennent réellement ces activités régionales et, dans la pratique, leur portée est, qui plus est, des plus limitées.

Les sites officiels de l’U.E. font remarquer que les efforts régionaux déployés dans le domaine politique et de la sécurité (mesures de partenariat) n’ont pas été très loin en raison de la situation du processus de paix au Proche-Orient.1 Au cours des dernières années, cette explication a gagné du terrain, tant et si bien qu’aujourd’hui, nombreux sont ceux qui cèdent volontiers à une conclusion faisant dépendre le dialogue et la coopération régionale dans le Sud de la Méditerranée (et dans le Grand Moyen-Orient) d’une véritable volonté de parvenir à une résolution du conflit israélo-palestinien.

Aussi, la première question que nous tenons à soulever, dans le cadre de cette étude, porte-t-elle sur le bien-fondé de cette explication fréquemment avancée. Quoique les parties, sans exception, aient intérêt à ce que le conflit israélo-palestinien soit résolu, l’impact direct de ce dernier sur l’évolution de la coopération régionale est à voir. L’expérience montre que, dans certains domaines, la coopération a obtenu un certain succès, ne fusse que partiel, même sans résolution du conflit. Par ailleurs, un examen des tentatives visant à encourager les initiatives régionales dans le Sud (avec et sans la participation d’Israël) révèle que les facteurs complémentaires ont eu une incidence négative sur les perspectives de coopération régionale, bien qu’ils n’aient parfois rien à voir avec ce conflit. Pourtant, étant donnée la forte propension à reproduire les explications les plus communément admises, ces facteurs n’ont pas été mis en évidence.

En réalité, notre hypothèse de départ est la suivante : l’absence de progrès obtenus à ce jour en matière de coopération sur la sécurité régionale entre les partenaires du Sud, dans le cadre du partenariat euro-méditerranéen, ne peut se résumer à l’impact négatif des conflits non-résolus dans le Sud et encore moins au conflit israélo-palestinien. L’objectif de notre étude est donc de mieux comprendre le traitement qui a été réservé jusqu’alors à cette question et la façon dont elle est perçue à l’heure actuelle, dans le Sud. Nous voulons mettre l’accent sur la valeur potentielle attribuée aux efforts de coopération, sur les limites actuelles qu’elle recouvre et sur les possibilités qu’elle recèle.

Le point de départ de notre étude était la coopération régionale dans le cadre du processus de Barcelone (plus exactement son absence). Or, il nous est apparu utile, après un examen approfondi des questions, d’élargir franchement la portée de notre étude, à la fois d’un point de vue théorique et empirique. C’est pourquoi, en termes conceptuels, nous examinons de plus près chacun des éléments recouvrant la notion de « coopération sur la sécurité régionale » afin de mieux comprendre l’enjeu à l’étude et de revenir sur les perspectives théoriques dominantes. En termes empiriques, à l’heure du bilan sur les expériences passées en matière de coopération régionale et des progrès actuels, nous tenons à avoir une perspective élargie et inclusive – plutôt qu’étroite et exclusive - des initiatives menées. Elargir cet éventail nous autorise à recueillir un plus grand nombre d’informations sur la coopération dans ses formes passées, présentes et futures, qu’elle soit officielle ou non et relève de regroupements géographiques variés.

Introduction

2 Cf. E. H. Carr (1946), The Twenty Years Crisis, 1919-1939: An Introduction to the Study of International Relations, deuxième édition (Londres : Macmillan), et Hans J. Morgenthau (1973), Politics Among Nations: The Struggle for Power and Peace, cinquième édition (New York: Knopf). 3 Sur cette approche, voir Kenneth N. Walz (2002), Theory of International Politics (McGraw-Hill, 1979), et John J. Mearsheimer, The Tragedy of Great Power Politics (New York: W. W. Norton, 2002). Sur le dilemne de sécurité, voir John Herz (1966), International Politics in the Atomic Age (NY : Columbia Univ. Press).4 Cf. par exemple, Peter J. Katzenstein (ed.) (1996), The Culture of National Security: Norms and Identity in World Politics (NY : Columbia Univ. Press); Richard Rosecrance et Arthur Stein (eds.) (1993), The Domestic Bases of Grand Strategy (Ithaca, NY : Cornell Univ. Press); Michael C. Williams, “Identity and the Politics of Security”, European Journal of International Relations (4:2, 1998) p. 204-225 ; et Bruce Russett (1993), Grasping the Democratic Peace: Principles for a Post-Cold War World (Princeton : Princeton Univ. Press).5 Cf. discussion dans Emily B. Landau (2006), Arms Control in the Middle East: Cooperative Security Dialogue and Regional Constraints (Brighton : Sussex Academic Press), p.21-25.

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Alors même que nous commençons par la notion de « sécurité », nous comprenons qu’il s’agit d’un concept polémique dans la littérature des relations internationales. S’il est communément admis que la sécurité renvoie à l’absence de menaces contre la survie de l’Etat, il n’en va pas de même pour définir le sens de « survie » ou de ce que serait une menace à l’encontre de cette survie. Quelle est la principale préoccupation des États ? Leur survie physique, leur survie en tant qu’entité politique, l’indépendance de leur identité et leur intégrité fonctionnelle ou leur capacité d’empêcher toute ingérence extérieure dans leurs affaires intérieures ? La sécurité renvoie-t-elle uniquement aux menaces de type militaire ou le concept peut-il s’étendre également à d’autres types de menaces – politiques, économiques, sociétales ou environnementales ? Chaque type de menace et chaque acception de la notion de survie correspond à une perception différente de ce que serait la meilleure façon d’aborder ces menaces ou encore de garantir la sécurité.

Ces questions ne sont pas simples, ni linéaires, car les définitions varient selon les prémisses conceptuelles et peuvent évoluer dans le temps, en fonction des événements se déroulant sur la scène internationale. Aussi, à l’évocation de la sécurité ou de la sécurité régionale, est-il essentiel d’apporter des précisions. L’approche réaliste considère les relations internationales comme un bras de fer constant et continu entre États, faisant ainsi de la guerre et du conflit des caractéristiques pérennes des relations inter étatiques. 2 L’approche néoréaliste porte l’accent sur les attributs et sur la structure du système international, caractérisés par un manque d’autorité centrale, plus connu sous le nom d’« anarchie ». Dans ce système, le degré d’incertitude est élevé ; il alimente un manque de confiance réciproque et est prisonnier de la notion de « dilemme de sécurité ».3 Les méprises quant aux intentions des États peuvent conduire à des erreurs de calcul qui, à leur tour, peuvent entraîner de graves conséquences pour les États.

A l’échelle mondiale, où l’insécurité est une caractéristique constante de la politique internationale, il ne reste pas non plus beaucoup de place pour la coopération, pas plus que de raisons pour faire confiance à l’autre partie ou pour s’en remettre à ses intentions bienveillantes.

Après la fin de la guerre froide, d’autres approches conceptuelles ont commencé à s’imposer parmi les explications possibles du phénomène international. Certaines se détournaient de la perspective qui présentait la structure du système international comme une variable indépendante et dominante permettant d’expliquer les intérêts sécuritaires. Ces approches abordaient la sécurité internationale comme une notion également inscrite dans la politique nationale, les identités, les idées et les normes nationales et donc considérées comme des éléments importants et déterminants du comportement de tout État 4. La sécurité, en tant que telle, a été redéfinie pour englober un plus grand nombre de questions, où les menaces militaires ne constituent qu’un élément parmi d’autres. Aussi, en matière de sécurité, après des années de domination des relations bilatérales sur la scène internationale entre superpuissances, le contexte régional a-t-il pris de l’importance et les États ont-ils commencé à penser leur sécurité en termes, à la fois multilatéraux et régionaux. D’autres concepts tels que le « multilatéralisme » et les « communautés de sécurité » ont également permis de rappeler que la sécurité peut être obtenue par les États moyennant un dialogue coopératif dans un cadre régional.5

Pour les besoins de cette étude, nous évoquerons la sécurité dans le sens le plus large du terme, recouvrant à la fois sa dimension militaire (hard) et civile (soft : économie, environnement, identité, immigration et droits de l’homme) afin d’englober tout ce qui pourrait potentiellement menacer le bien–être des populations d’une part, et de tenir compte d’autres questions pouvant tomber sous cette coupe d’autre part. Nous soulignerons, par ailleurs, l’importance de la nature des relations inter étatiques comme l’un des principaux facteurs influençant la perception de la sécurité et de l’arsenal militaire à la disposition des États.

Toutefois, compte-tenu de l’état actuel des discussions dans la région, l’existence même d’un débat sur des définitions antagonistes de la sécurité est à considérer avec franchise. La compréhension qu’ont les États (et les individus) de la sécurité ne doit, en aucun cas, être prise pour argent comptant et devront toujours être précisée grâce au débat. Ce n’est qu’après, qu’il sera possible d’envisager des points de vue ou une approche commune de la sécurité de la part des acteurs qui se lancent dans un dialogue coopératif ou, au moins, qu’il sera possible de tenir compte de l’existence de différents points de vue.

Parmi les interprétations variées de la sécurité qui trouvent un écho auprès de certains États, quelques-unes sont évoquées dans les entretiens. Lorsqu’on leur demande comment ils conçoivent le concept de sécurité régionale, les Maghrébins évoquent souvent

1.Antécédents conceptuelset définitions1.1.Qu’entend-on par« sécurité » ?

6 Charles L. Glaser (1994/95), “Realists as Optimists: Cooperation as Self-Help” International Security 19:3, pp. 50-90.7 Cf. Robert Keohane (ed.) (1986), Neorealism and Its Critics (Columbia Univ. Press), Robert Keohane et Lisa Martin (1995), “The Promise of Institutionalist Theory” International Security 20:1.

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l’importance de la coopération régionale (et de l’unité) comme moyen essentiel d’empêcher les puissances extérieures d’intervenir dans les affaires d’Etat régionales. Cette lecture du terme – à savoir la sécurité comme moyen de se soustraire à toute ingérence et intervention dans leurs affaires – n’apparaîtrait pas des plus évidentes pour les Israéliens, par exemple, pour lesquels la sécurité signifie avant tout se libérer de toute menace militaire contre leur existence même. De plus, dans certains scénarios, Israël dépend fortement du soutien des États-Unis pour renforcer sa sécurité – par exemple par rapport à la menace représentée par l’Irak en 1991 ou par l’Iran à l’heure actuelle. Il apparaît donc évident que ces différences de perception doivent être examinées et débattues dans le cadre même du dialogue sur la sécurité régionale.

La littérature sur les relations internationales est riche de débats intenses sur les conditions qui sont propices à la coopération entre États et sur les avantages qu’elle représente. La théorie néoréaliste, comme nous l’avons dit précédemment, ne se contente pas de mettre en lumière l’insécurité inhérente au système international, elle ne perçoit pas non plus, pour cette même raison, de grandes possibilités de coopération entre États. Pour autant, tous les néoréalistes ne succombent pas au pessimiste en matière de coopération.6 Ce sont, en revanche, les néolibéraux qui soulignent les avantages absolus, et non pas relatifs, d’un surcroît de coopération et qui entrevoient dans celle-ci de nouvelles opportunités, dès lors que les États sont limités dans leur capacité de tricher sur leurs engagements.7 Notre propos n’est pas de reproduire ici le débat politique que se livrent ces deux camps, mais d’en souligner certains éléments au profit de notre analyse, et de prendre pour point de départ la position qui est la nôtre, à savoir que la coopération peut réellement jouer un rôle significatif et réciproquement avantageux dans la conduite normale des affaires internationales.

Une fois la notion générale de coopération acceptée, d’autres interrogations surgissent, d’ordre à la fois conceptuel et empirique.

Au niveau conceptuel, la valeur potentielle de la coopération régionale peut être envisagée selon deux angles. Une première approche envisage la coopération dans un domaine donné comme un moyen justifiant une fin, comme un moyen de renforcer la confiance mutuelle et comme le point de départ de relations plus saines et plus stables, aussi bien entre États qu’entre individus. La logique est que les États pourront profiter de cette coopération, qui plus est parce qu’ils y seront partie prenante. C’est pourquoi, le dialogue coopératif peut, presque indépendamment de la question à traiter, limiter certains risques émanant de l’incertitude. Ceux qui abordent la coopération sous cet angle cherchent à identifier des contextes propices à la mise en œuvre concrète de cette logique – à savoir, des domaines permettant de poursuivre un dialogue coopératif et de décider de mesures de confiance.

La deuxième approche insiste sur le fait que la coopération entre États porte sur des domaines spécifiques, comme une fin en soi. La coopération est alors envisagée comme nécessaire pour confronter des défis concrets et pressants de sécurité régionale, qui ne sont pas confinés aux frontières nationales et exigent par conséquent un effort de coopération. Le chevauchement entre ces deux approches est considérable en ce sens que la coopération jugée essentielle pour traiter les problèmes spécifiques peut également permettre d’assouplir, dans leur ensemble, les relations entre les États. Parvenir à un équilibre satisfaisant entre ces deux approches de la coopération est un défi majeur pour les efforts de coopération régionale.

Parce que l’usage, si souvent réservé au conflit israélo-palestinien, est de justifier l’absence de progrès dans les affaires régionales, il est important de saisir le lien qui existe entre la coopération et les conflits actuels entre les États. À ce titre, l’importance du rôle de la coopération pour adoucir les tensions qui alimentent les conflits entre États et entre communautés doit être soulignée. C’est d’autant plus vrai dans le cas des conflits qui se caractérisent par une grande défiance et par l’absence totale de confiance.

C’est pourquoi, plutôt que d’envisager les conflits/tensions et la coopération/mesures de confiance comme deux domaines distincts qui évolueront l’un après l’autre (traitant d’abord le conflit avant de voir comment faire avancer la confiance et la coopération), il serait préférable d’en rechercher les corrélations. De fait, même en cas de conflit et en présence de tensions, il existe nécessairement des intérêts communs sur lesquels se fonder pour bâtir. En réalité, la logique des mesures de confiance consiste précisément à s’attaquer à ces tensions et à ces éléments de méfiance qui bloquent tout germe de coopération. Donc, lorsque certains affirment que les tensions Sud-Sud ont rendu certaines mesures de confiance ou de partenariat quasi impossible, force est de se rendre à l’évidence que cet

8 Emily Landau, “Assessing 10 Years of the EMP: Conceptions of the Barcelona Process”, article rédigé pour la publication EuroMeSCo intitulée Barcelona Plus: towards a Euro-Mediterranean Community of Democratic States, mars 2005. (http://euromesco.com.pt/index.php?option=com_content&task=view&id=153&Itemid=50&lang=en).9 Joel Peters propose un lien légèrement différent lorsqu’il évoque les avancées des négociations multilatérales de Madrid comme quelque chose qui “donnerait un aperçu de ce qu’est vraiment la paix”; cf. (1998), “The Arab-Israeli Multilateral Peace Talks and the Barcelona Process: Competition or Convergence?” The International Spectator 33:4.10 C’est le résultat de près de 15 années d’initiatives Track II sur les questions régionales ainsi que la voie multilatérale du processus de paix de Madrid qui recouvre plusieurs enceintes de dialogue importantes, mais affiche relativement peu de résultats tangibles. Ceux qui sont en quête d’accords concrets méprisent la valeur du dialogue en tant que tel.11 Cf. par exemple David A. Lake et Patrick M. Morgan (eds.) (1997), Regional Orders: Building Security in a New World (University Park, PA: The Pennsylvania State University Press).

1.2.Pourquoi et comment

les États coopèrent-ils ?

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argument passe complètement à côté du problème. La logique des mesures de confiance, en somme leur véritable raison d’être, est précisément de chercher à atténuer ces tensions.8

D’autant que, l’existence même d’un début de coopération, même infime, peut avoir un impact sur l’idée que les États se font de leurs propres intérêts. Comprendre que l’intérêt des États réside précisément dans tout processus de dialogue coopératif revient à dire qu’à partir du moment où il y a un début de coopération, les intérêts peuvent commencer à évoluer. Aussi, le processus coopératif, lui-même, peut-il permettre de conduire les parties en conflit sur un terrain où elles pourront aborder plus volontiers les sujets primordiaux qui les divisent.9

En termes empiriques, la coopération renvoie à diverses formes de dialogue et à plusieurs niveaux de coordination et d’entente entre États. Nous aborderons les dynamiques de coopération, tant au niveau officiel qu’officieux et balaierons tout l’éventail, de la société civile aux initiatives Track II, en passant par les organes de décision. Dans la mise en place des mesures de confiance, le rôle du dialogue coopératif et de l’interaction s’adapte particulièrement au caractère informel du dialogue dans la société civile et dans le cadre des initiatives Track II. C’est ici que la marge de manœuvre est la plus grande pour ces initiatives vouées à améliorer la compréhension de l’autre et à briser les murs érigés par l’ignorance et le manque de confiance.

Mais, il reste également à évaluer l’intérêt véritable que les États de la région ont à maintenir une coopération entre eux. Essayer de comprendre les bases de la coopération signifie voir si les États du Proche-Orient et de l’Afrique du Nord ressentent vraiment la nécessité de coopérer et avec qui. Comment ces États envisagent-il le coût de la coopération, et que peut-on faire pour les encourager à coopérer ? Est-il possible de distinguer les États du Sud en fonction de leur désir de coopérer ? Certains États sont-ils plus frileux que d’autres et, si tel est le cas, pourquoi ? Nous devons nous pencher sur les tentatives de coopération lancées dans le passé, sur le type de coopération mené à l’heure actuelle (avec la participation de quels États), et sur le type de coopération susceptible d’obtenir le soutien des États (en d’autres termes, conduisant au dialogue régional). Il y a une bonne dose de scepticisme dans la région à l’égard de toute initiative tendant, avant tout, à créer un dialogue de plus (« talk shops »). 10 À l’échelle des États, les initiatives de coopération, même si elles visent surtout à améliorer le climat dans la région, fonctionneraient d’autant mieux qu’elles seraient considérées comme un moyen d’aborder de front les véritables questions d’intérêt et les problèmes communs et pressants.

Il convient d’envisager le concept de coopération régionale dans le cadre du monde de l’après guerre froide. De façon générale, avec la fin du système bipolaire, les espaces régionaux ont pris de l’importance aux yeux des États. Progressivement, ceux-ci ont commencé à penser leur sécurité en fonction de leurs rapports avec leurs voisins régionaux.11

À l’évocation du dialogue régional dans le Sud, nous ne nous limitons pas aux dix partenaires méridionaux du partenariat euro-méditerranéen. Envisageons, en effet, les initiatives dépassant ce cadre et s’étendant au Proche-Orient ainsi que les efforts, plus restreints, de coopération sous-régionale qui ne concernent que certains partenaires du Sud.

1.3.De quel contexte régional parle-t-on ?

12 Cf. Joel Peters (1996), Pathways to Peace: The Multilateral Arab-Israeli Peace Talks (London: The Royal Institute of International Affairs), et Dalia Dassa Kaye (2001), Beyond the Handshake: Multilateral Coopération in the Arab-Israeli Peace Process, 1991-1996 (NY: Columbia Univ. Press). Pour une étude sur le groupe de travail sur le contrôle de l’armement et la sécurité régionale (ACRS), cf. Landau (2006), Arms Control in the Middle East.13 Cette description est fondée sur Peters, «The Arab-Israeli Multilateral Peace Talks and the Barcelona Process: Competition or Convergence?»14 Ibid. (quand Peters a écrit son article, en 1998, le secrétariat fonctionnait encore).

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Dans le passé récent de la région, les initiatives de coopération entre les États du Sud de la Méditerranée et du Moyen-Orient ont relevé de l’exception plus que de la règle. Les efforts de coopération incluant Israël, qu’ils concernent l’ensemble de la région ou des petits groupes d’États, ont été particulièrement difficiles à déployer et à poursuivre sur la durée. Pour autant, l’efficacité et la pertinence des entités arabes excluant Israël, telles que la Ligue arabe, ont également connu des hauts et des bas. Nous allons donc examiner, dans un premier temps, la coopération entre Israël et les États arabes, puis, dans un second temps, celle des États arabes entre eux.

S’il l’on admet que la coopération régionale puisse offrir des avantages réciproques aux États, quels sont alors les facteurs qui ont réellement freiné le développement des initiatives et du dialogue sur la coopération dans la région ? La logique n’a-t-elle pas été comprise ni acceptée ? Les difficultés résident-elles dans les conditions d’application ? L’intérêt de la région à l’égard de la coopération a-t-il été suffisamment solide, au point de tout mettre en place pour qu’elle puisse commencer ? Est-ce que le conflit israélo-palestinien qui a entravé tout progrès en la matière ? Lorsque l’on commence à sonder les expériences passées, il apparaît évident que la réalité est plus complexe que ce qui relève des conséquences du conflit israélo-palestinien. En effet, même lorsque Israël a été admis en tant que participant actif, les autres facteurs, souvent insuffisamment appréciés ou mis en exergue, ont eu des répercussions négatives sur ces initiatives.

Nous avons choisi de revenir sur deux cas intervenus au cours des quinze dernières années et qui illustrent les tentatives officielles pour promouvoir le dialogue régional et la coopération entre les pays du Maghreb et dans le cadre des pourparlers multilatéraux lancés avec le processus de paix de Madrid, au début des années 1990. Dans l’évaluation de ces expériences passées, nous mettons l’accent sur les raisons de la résistance, sur les obstacles qui ont freiné ces efforts, pour évaluer notamment, si certains États ont su mieux résister que d’autres (et pourquoi), et sur les conditions du succès obtenu.

Le processus de paix de Madrid, au début des années 1990, comprenait deux voies : les négociations de paix bilatérales entre Israël et ses voisins et les négociations multilatérales dans un cadre régional élargi. Les négociations multilatérales constituaient un cadre de dialogue nouveau, conçu pour qu’Israël et les États arabes (du golfe Persique à l’Afrique du Nord) puissent y participer et pour débattre des défis et préoccupations régionales au-delà des limites des frontières nationales. Derrière ces pourparlers (en cours de 1991 à 1996 et dont certaines initiatives continuent au 21ème siècle) il y avait l’idée que le dialogue et les initiatives en matière de coopération pouvaient également favoriser la stabilité régionale et encourager progressivement la normalisation des relations entre les États participants. La voie multilatérale comprenait cinq groupes de travail : les ressources hydriques, le développement économique, le contrôle de l’armement et la sécurité régionale, les questions environnementales et les réfugiés.

Chaque groupe de travail était libre de définir son ordre du jour et son rythme de travail et donnait accès au rapport complet de ses activités.12 Nous tenons à souligner ici que ces discussions ont permis de faire de grands pas (grâce à l’exemple des groupes de travail sur le développement économique et sur le contrôle de l’armement et la sécurité régionale) et surtout, qu’elles ont posé les bases d’un entendement commun pour faire face aux défis régionaux. Nous aborderons ensuite la question de « ce qui n’a pas marché », à partir de quoi nous tirerons les enseignements de cette expérience.

Le groupe de travail multilatéral le plus actif et le plus réussi a-t-il, sans doute, été celui du développement économique régional, ou GTMDER, conduit par l’Union européenne. Les réunions de ce groupe commencèrent en 1992. Au terme de la quatrième ronde de négociations qui eu lieu à Copenhague, à la fin 1993, les participants se mirent d’accord sur le Plan d’action de Copenhague qui définissait les bases des activités à mener par le GTMDER dans les mois et les années à venir. Ce plan d’action reflétait la volonté du groupe de dépasser le cadre des discussions initiales et de passer à des actions plus concrètes. Moins d’un an plus tard, il fut convenu de mettre sur pied un comité de surveillance. L’Egypte, Israël, la Jordanie et les Palestiniens (noyau principal) furent ainsi amenés à jouer un rôle plus direct dans la mise en œuvre du Plan d’action de Copenhague et à envisager d’autres projets pour l’avenir. Compte-tenu de la portée de ces activités, il fut rapidement décidé de mettre en place un secrétariat permanent à Amman pour coordonner les dizaines de réunions et d’ateliers organisés par la suite.13 Comme le note Peters, « bien qu’embryonnaire dans sa nature et dans son fonctionnement, le secrétariat du GTMDER à Amman illustre les premiers pas d’un effort visant la création de nouvelles structures communes de coopération, de coordination et de prise de décision au Proche-Orient ». 14

2.Expérience passée

2.1.La voie multilatérale du

processus de paix de Madrid

15 Kaye, Beyond the Handshake, p. 121.16 Cf. Emily Landau (2001), Egypt and Israel in ACRS: Bilateral Concerns in a Regional Arms Control Process, JCSS Memorandum, no. 59, juin.17 Cf. Kaye (2001), pp. xviii-xx.18 Cf. Landau (2006) pour un examen approfondi de la question.19 Ibid, voir aussi Emily B. Landau et Tamar Malz (2004), “Assessing Regional Security Dialogue Through the Agent/Structure Lens: Reflections on ACRS” dans Zeev Maoz, et autres (eds.), Building Regional Security in the Middle East: International, Regional and Domestic Influences (London: Frank Cass), pp. 155-179. 20 Il est intéressant de constater qu’en ce qui concerne la question économique, l’une des idées qui a vraiment fait son chemin à la fin des années 90 est celle de la MENABANK. Outre les avantages économiques potentiels dont tous pourraient tirer parti, dans le cas de l’Egypte, la question du statut régional est entrée en ligne de compte avec l’implantation de la banque au Caire. Cf. Kaye (1998), Banking on Peace: Lessons from the Middle East Development Bank, IGCC Policy, Article no. 43, octobre.

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En étroite liaison avec le travail mené par le GTMDER, citons la réalisation des sommets économiques du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord (MENA), lancés lors de la réunion de Casablanca, à la fin 1994. Ces réunions annuelles se poursuivirent jusqu’à la fin de l’année 1997. Kaye souligne que « le processus MENA a créé trois institutions : la Banque pour le développement et la coopération économique au Moyen-Orient et en Afrique du Nord (MENABANK), le Bureau des affaires régionales (RBC) et l’Organisation du Moyen-Orient et de la Méditerranée pour le tourisme et les voyages (MEMTTA). »15 Il va sans dire qu’il s’agit là de mesures régionales tout à fait révolutionnaires.

Le groupe de travail sur le contrôle de l’armement et la sécurité régionale (ACRS) déboucha également sur un ensemble de réunions plénières et accueillit de petits comités, appelées « intersessionnels », chargés de questions plus spécifiques. Au cours de ces quatre années d’activité (1992-1995), les États participants acceptèrent de passer à la première étape, avec des mesures de confiance et de sécurité (MDCS), pour ouvrir les voies du dialogue dans des domaines pertinents du point de vue militaire. Pourtant, ils n’abordèrent pas les questions de fond sur la sécurité qui étaient les véritables préoccupations des États. Un accord fut obtenu sur les MDCS dans quatre grands domaines : les questions maritimes, la notification préalable des exercices militaires, la mise en place d’un centre de communication régional et de trois centres de sécurité régionale au Moyen-Orient.16 Si le contrôle de l’armement et la sécurité régionale constituèrent l’un des groupes de travail, c’est une réminiscence de l’après guerre froide car, ce n’est qu’au début des années 1990 que fut soulevée l’importance du dialogue sur la coopération et la sécurité dans un cadre régional. L’idée de progresser point par point, pour améliorer les relations entre les États, plutôt que d’attirer exclusivement l’attention sur le contrôle de l’armement, fut introduite dans la discussion grâce à la notion de MDCS.

L’explication la plus fréquemment fournie pour expliquer la suspension ultime des discussions multilatérales est que celles-ci n’étaient que le reflet des achoppements du processus de paix israélo-palestinien. Nous estimons, toutefois que, quiconque tente de comprendre les discussions multilatérales, doit reconnaître d’emblée que faire dépendre les multilatérales des progrès des bilatérales n’a eu pour effet que de dissimuler d’autres facteurs importants (à la fois positifs et négatifs). Les relations multilatérales ont été, à l’origine, conçues comme une enceinte de dialogue devant rester en retrait par rapport aux pourparlers de paix bilatéraux – signifiant par la même que les bilatérales mèneraient la danse et que les multilatérales suivraient. Pourtant, il est vrai qu’avec le temps, la répétition de ce message a induit l’idée que les relations multilatérales perdaient toute crédibilité quand les bilatérales se heurtaient à des difficultés, en d’autres termes, que tout succès rencontré dans le domaine multilatéral n’était que le résultat de progrès accomplis dans le camp bilatéral.

Il est incontestable que l’amélioration des relations israélo-palestiniennes, au début des années 90, facilita les discussions multilatérales. Pour autant, cela ne signifie pas que la dépendance des multilatérales à l’égard des bilatérales fut totale. En réalité, cette dépendance est non seulement incongrue, au regard du concept de multilatérales tel que présenté ci-dessus, mais ne tient pas non plus d’un point de vue empirique. Kaye en apporte des preuves évidentes dans trois grands domaines. D’abord, les multilatérales étaient sur la bonne voie pendant les deux années précédant la percée d’Oslo. Ensuite, bien que les négociations bilatérales aient limité la portée des multilatérales, ces dernières eurent également pour effet d’influencer les traités de paix bilatéraux. Enfin, le degré de réussite individuel des groupes était variable bien qu’ils fussent tous sur un pied d’égalité à l’égard des bilatérales.17 Fait révélateur, le groupe de travail sur le contrôle des armements et la sécurité régionale, par exemple, rencontra les premières graves difficultés à partir de 1995, bien avant les élections qui conduiraient Benyamin Netanyahu au pouvoir et bien avant le vacillement du processus de paix.

L’expérience ACRS fit également les frais d’une explication “bien connue de tous” pour en justifier l’échec, à savoir le conflit entre Israël et l’Egypte au sujet du nucléaire. Là encore, les autres facteurs qui ont empêché le progrès des négociations ne sont généralement pas pris au sérieux en raison de la prévalence de l’argument nucléaire. Ce dernier soutient que les participants du ACRS auraient pu obtenir un accord, à la condition que l’un des thèmes à débattre ait été la question, relativement mineure, des mesures de sécurité mais que, lorsqu’il ne fut plus possible d’éluder la question nucléaire, les positions à somme nulle de l’Egypte et d’Israël mirent définitivement un terme aux discussions.

En réalité, il ne s’agit là que d’une lecture et d’une interprétation partielle et très superficielle des discussions.18 En effet, d’autres entraves existaient et il serait avisé de les reconnaître pour permettre, à l’avenir, l’éclosion d’autres tentatives de dialogue régional sur la sécurité

21 Fouad M. Ammor (2005), séminaire « La PESD et la Méditerranée » Bilan et perspectives du volet sécurité du Processus de Barcelone, Institut d’Etudes de Sécurité de l’UE, Paris, Centre de Conférence Kléber, 10 mai. 22 Pour un bref résumé des objectifs du dialogue, voir : http://www.5plus5.tn/english/historiquedudialogue.htm.

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au Moyen-Orient. Les négociations avaient pour objectif, comme nous l’avons expliqué, de souligner l’importance des relations inter étatiques portant strictement sur le matériel militaire. De fait, c’est ce qui a été exprimé lors des négociations, quand les MDCS ont été abordées. Pour autant, les explications qui prévalent au sujet de l’échec de l’ACRS continuent de se replier sur les armes de destruction massive.

Pour l’Egypte, en revanche, percevoir la menace qui planait sur son identité nationale s’est avéré tout aussi important (si ce n’est plus) que le dossier nucléaire. Pour que l’Egypte participe à un dialogue régional, il fallait que son statut régional soit reconnu. Or, dans les discussions, cela eu des incidences sur toute perspective de coopération « gagnante pour les deux camps ». La logique « gagnante pour tous » appliquée aux ACRS devait permettre à tous les participants de tirer parti des dynamiques, à parts égales, y compris des avantages externes au cadre établi des politiques inter-arabes (par exemple, négocier directement avec Israël). Mais, pour l’Egypte, le cadre établi relevait de la plus haute importance pour son identité de leader régional. Ainsi, changer les normes de l’engagement équivalait, pour elle, à une perte potentielle. Pour que l’Egypte ait le sentiment d’avoir quelque chose à gagner de ces discussions, celles-ci n’auraient pas du remettre en cause son leadership.19

Ce qui a également entravé les discussions de l’ACRS tient au fait que les thèmes figurant à l’ordre du jour des MDCS n’éveillaient pas un engagement profond chez les participants de la région ; ils n’étaient pas perçus unanimement comme s’attaquant à un problème de fond et commun à tous. S’il est bon d’adhérer au principe « commencer par obtenir l’assentiment de tous » plutôt que de passer directement aux questions de fond les plus polémiques, il n’en reste pas moins qu’un effort doit être fait pour que les thèmes choisis trouvent un écho auprès des États concernés. Les critiques se sont surtout soulevées contre les MDCS évoquées au cours des discussions car celles-ci émanaient directement de l’expérience européenne des années 70 et 80 (lorsqu’elles avaient plus de raison d’être). Elles avaient été transposées dans un contexte moyen-oriental sans que l’on se donne suffisamment la peine de réfléchir pour savoir si cela avait une once de sens pour ces pays.

Certaines conclusions commencent, dès lors, à émerger, de l’expérience des négociations multilatérales. Premièrement, le principe de dépendance des multilatérales à l’égard des négociations de paix bilatérales doit être revu. Le principe de « dépendance bilatéral-multilatéral » doit être remis en cause pour ouvrir la voie à un dialogue régional et multilatéral obéissant à sa propre logique et pour rappeler que, dans certaines conditions, un dialogue de cette nature peut et doit être poursuivi indépendamment ou en parallèle de la gestion bilatérale des conflits.

Deuxièmement, il y a la façon dont les intérêts de sécurité sont définis. Là encore, on ne peut s’en remettre aux conjectures sans procéder à un débat franc entre les parties au dialogue régional. Les vraies préoccupations des États et leurs interprétations de la sécurité doivent être traitées afin de dégager une logique de coopération « gagnante pour tous » car il existe, vraisemblablement, une conception différente de ce qu’est « gagner ».20 Troisièmement, en lien avec le point précédent, les thèmes avancés pour la discussion sur le dialogue et la coopération régionale doivent avoir un sens pour les participants. Ceux-ci doivent avoir le sentiment qu’ils peuvent en retirer quelque chose de tangible, dans un horizon temporel raisonnable. Pour ce faire, on peut s’attaquer à un problème pressant (perçu par tous comme tel) ou aborder quelque chose de positif dont tous puissent tirer parti. Cela pourrait expliquer le relatif succès obtenu par le GTMDER qui a mis l’accent sur les avantages économiques possibles ou encore le succès obtenu par le groupe chargé des questions hydriques (un problème qui revêt le même caractère d’urgence pour toutes les parties) et qui, comme nous le verrons, est encore (en 2006) actif au moins sur un sujet.

Dans cette partie, nous proposons de décrire et d’analyser l’expérience de l’Union du Maghreb arabe et du Dialogue 5+5. Le destin du Dialogue 5+5 21 - une proposition émanant de quelques États membres de l’U.E. (France, Italie, Malte, Portugal et Espagne) – est intrinsèquement lié à la réalité individuelle de chacun de ces cinq pays de la Méditerranée occidentale. Le poids de l’histoire de ces pays, la réalité de leurs régimes politiques et la construction de leurs États nations influencent, encore de nos jours, les relations politiques, économiques, sociales et culturelles des pays du Maghreb entre eux et avec leurs partenaires du Nord.

Le Dialogue 5+5 est un forum de coopération entre les pays de la Méditerranée : Algérie, Libye, Mauritanie, Maroc et Tunisie pour la rive sud et les États de l’U.E. cités précédemment.22 Ce dialogue fut entamé après la signature de la charte du Maghreb arabe,

2.2.Intégration dans

le Maghreb

23 L’Union du Maghreb arabe (UMA) a été créée avec le Traité de Marrakech, le 17 février 1989.

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en 1989, entre les cinq pays de la rive sud. 23 Il avait pour objectif de discuter et de trouver des solutions aux problèmes spécifiques et aux préoccupations de cette région, afin que la dynamique lancée dans la partie occidentale de la Méditerranée cesse de vivre au rythme des contraintes imposées par le conflit israélo-palestinien. Par ailleurs, le Dialogue 5+5 fut créé pour apporter une réponse directe aux grands bouleversements qui ébranlaient la planète avec la fin du système bipolaire et l’émergence d’un monde aux menaces diffuses et informes.

Le forum fut inauguré à l’occasion d’une réunion ministérielle organisée à Rome, le 10 octobre 1990. Elle fut marquée par l’adoption, par les ministres des affaires étrangères des pays concernés, de la Déclaration de Rome, conçue pour encourager le dialogue sur les « questions politiques et de sécurité présentant un intérêt commun ». Les principes directeurs de cette déclaration sont la création d’une zone stable de coopération et de sécurité dans le bassin de la Méditerranée occidentale, dans l’espoir que cela ait un impact positif sur le reste de l’espace méditerranéen.

Pour mettre en œuvre les objectifs du Dialogue 5+5, plusieurs mécanismes furent employés. Ainsi, la coopération signifie aussi la participation des entreprises, des partenaires sociaux, des investisseurs privés, du public, des communautés territoriales et des institutions culturelles. Aussi, les projets ont-ils porté sur la création d’une base de données méditerranéenne permettant de faciliter les échanges d’information entre membres dans le domaine de l’industrie, du commerce et de la préservation de l’environnement et sur la recherche de solutions adaptées aux dettes extérieures des pays du Maghreb arabe. Sur le plan socioculturel, la Déclaration de Rome portait sur l’immigration, l’éducation, la formation et la communication ainsi que sur les questions culturelles et de protection du patrimoine. Elle devait également promouvoir la coopération entre les universités ainsi qu’entre les institutions scientifiques, culturelles et d’éducation.

Un an après la réunion de Rome, une seconde conférence eu lieu à Alger, au cours de laquelle les recommandations et les lignes d’orientation de la première conférence furent réaffirmées. On y souligna également le besoin de créer des relations de bon voisinage pour faire place au dialogue entre différentes cultures dans une atmosphère de respect mutuel des droits de l’homme.

Après cette réunion, le Dialogue 5+5 resta en suspend pendant 10 ans pour plusieurs raisons, dont : 1) la première guerre du Golfe qui concentra tous les regards sur le Moyen-Orient plutôt que sur la Méditerranée occidentale, 2) l’impasse des efforts déployés pour mettre en place l’Union du Maghreb arabe et 3) les difficultés internes rencontrées par l’Algérie avec les islamistes (FIS). Par ailleurs, au cours de cette période, le devenir du Sahara occidental, qui aurait du faire l’objet d’une trêve de l’Algérie et du Maroc, devint soudain une question brûlante et urgente.

Ainsi, la troisième conférence des ministres des affaires étrangères n’eu lieu qu’en janvier 2001. Cette conférence confirma le rôle stratégique du dialogue et souligna que ce dernier devrait compléter les autres processus de coopération entre les deux rives de la Méditerranée. Les ministres soulignèrent l’importance de la solidarité entre les pays et en appelèrent à des initiatives adaptées pour accélérer la dynamique de l’intégration régionale, renforçant ainsi la capacité du Maghreb arabe d’attirer des investissements étrangers. Ils convinrent également que chaque pays finance les activités qu’il proposerait.

Après 2001, le Dialogue 5+5 semblait être bien lancé. La 4ème conférence se teint à Tripoli, dans l’ombre du 9/11. Les ministres rappelèrent que la sécurité relève d’une responsabilité partagée et que le Dialogue revêt une importance stratégique pour la paix, la stabilité et le développement de la région. Ils insistèrent également sur la nécessité de développer, au niveau régional, une économie susceptible d’attirer les investissements étrangers. La 5ème conférence (avril 2003 en France) confirma de nouveau l’importance du processus de coopération entre le Maghreb et l’Europe du Sud. Au moment de cette conférence, il était déjà question de créer une banque euro-méditerranéenne pour donner un élan au développement économique de la région. C’est également au cours de cette conférence que la priorité des questions d’immigration et de flux humains fut confirmée.

Une conférence régionale ministérielle sur l’immigration dans la Méditerranée occidentale fut organisée les 16 et 17 octobre 2002, en Tunisie. C’est à cette occasion que la Déclaration de la Tunisie sur le dialogue et les questions d’immigration fut adoptée.

L’un des tournants du Dialogue 5+5 est la conférence des chefs d’États et de gouvernements des pays de la Méditerranée occidentale qui eu lieu en présence du président de la Commission

24 Fouad M. Ammor (2003), “L’Etat à l’épreuve du social”, REMALD, Rabat.25 Fouad M. Ammor (2006), « Le Maghreb stratégique » Cahier Nato College Defense. 26 D’après Tony Hodged au sujet du Sahara occidental : “le Sahara occidental n’a jamais constitué une nation avant sa colonisation et le nationalisme actuel est un phénomène très récent qui ne s’est manifesté qu’à la fin de la période coloniale espagnole », extrait de Tony Hodges, «The Origins of Saharawi Nationalism» dans Richard Lawless et Leila Monahan (eds.) (1987), War and Refugees: The Western Sahara Conflict (London: Frances Pinter) p. 31.27 Par exemple, depuis la mort du roi Hassan II en 1999, le Maroc s’efforce de tourner une page noire de son histoire où les droits de l’homme étaient violés à tout va.En ce sens, des progrès ont été obtenus : libération de prisonniers politiques, création de l’Instance équité et réconciliation pour le pardon des violations des droits de l’homme commis dans le passé, révision de la loi sur la famille accordant aux femmes plus de droits.

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européenne et du secrétaire général du Maghreb arabe. Cette conférence organisée en Tunisie, en décembre 2003, à l’invitation du président de la Tunisie rassembla les chefs d’États et de gouvernements des pays du bassin occidental de la Méditerranée. Ils insistèrent sur l’importance du Dialogue 5+5 en tant que forum de dialogue, de coopération et de réflexion globale pour défendre les intérêts communs des pays partenaires et pour mettre en place un « partenariat mutuellement avantageux ».

Pourtant, le Dialogue 5+5 dans le Maghreb arabe est truffé de problèmes, lesquels constituent les plus fortes entraves à sa réussite. Après plus de cinq décennies d’indépendance dans tous les États du Maghreb, les pouvoirs en place reconnaissent les limites de leur développement politique. Les discours nationalistes qui ont permis de légitimer les pouvoirs politiques parviennent de moins en moins à mobiliser les forces. Aucun État du Maghreb n’est parvenu à mettre un terme à sa dépendance à l’égard de l’extérieur, ni à s’imposer dans la division internationale du travail. Le besoin de dialogue entre les pays du Maghreb s’avère urgent alors que l’Union européenne s’élargi vers l’Europe centrale et l’Europe de l’Est, créant ainsi de nouvelles exigences en termes de qualité, d’apport technologique et de dimension du marché local.

Une des explications illustrant la difficulté de créer le Maghreb arabe réside dans l’histoire moderne de la région. Les cinq États de cette région ont obtenu la souveraineté nationale dans des circonstances très différentes. Au moment de leur indépendance, les pays du Maghreb étaient sous-développés, ruraux, pastoraux et liés aux anciens régimes. Leurs économies reposaient sur l’agriculture, les mines et l’industrie. Après leur indépendance, conquise dans les troubles et la violence, les pays du Maghreb se sont plus inquiétés d’affirmer leur souveraineté et de mettre en place leurs structures politiques que de se mettre à l’œuvre pour répondre aux besoins d’un Maghreb unifié.

Les incompréhensions et les conceptions divergentes ne manquaient pas sur ce que devaient être les relations des pays du Maghreb entre eux et de ces derniers avec le reste du monde (le monde arabe, le tiers monde et les grandes puissances).De plus, les rivalités et l’égoïsme national des leaders bloquaient tout dialogue véritable. Si de nombreux accords de coopération dans divers secteurs ont été signés depuis 1989 et si les leaders de l’Union du Maghreb arabe se rencontrent encore à l’occasion pour tenter, avec un succès mitigé, de progresser dans la mise en œuvre de l’Union, force est de constater que l’intégration n’est pas allée bien loin. La zone de commerce intérieure n’a même pas atteint 4% des échanges extérieurs des pays du Maghreb, à cette date, et les réformes conjointes sont restées lettre morte.

Les tentatives visant à construire une union sous la seule impulsion des décideurs politiques (à savoir “d’en haut”) – ce faisant, laissant peu de place aux initiatives des acteurs économiques et sociaux 24 – marquent le pas alors que les pouvoirs en place sont soumis à de fortes pressions qui les déstabilisent. Le taux de chômage élevé et autres sources de frustration dont les islamistes tirent parti dans leur ascension vers le pouvoir ont ébranlé des régimes réputés pour leur stabilité. Le Maghreb est aujourd’hui un espace vulnérable qui doit faire l’objet d’une réorganisation sociale, politique et économique car les facteurs de déstabilisation dans la région sont nombreux. En réalité, l’avenir de cette région est menacé par les dangers qui planent sur sa politique intérieure 25, sa stabilité étant remise en cause par deux phénomènes étroitement liés l’un à l’autre : le manque de démocratie et le ralentissement économique. Au niveau régional, en outre, la déstabilisation est alimentée par des conflits non résolus qui s’éternisent, en particulier la question du « Sahara occidental ». 26

Dans les États où le pouvoir politique est trop centralisé, la société civile peine à émerger et à se faire entendre. La démocratie et l’intégration sont intimement liées : plus les populations se sentent mûres et sont en mesure de s’exprimer librement, plus l’intégration progresse de façon solide et irréversible. De fait, il existe parmi les ONG de la société civile implantées dans les pays du Maghreb, des tentatives de coopération intéressantes dans le domaine des droits de l’homme et du statut de la femme.

Dans les pays du Maghreb, les efforts pour améliorer et moderniser les conditions et les pratiques administratives sont variables, tout comme les efforts pour décentraliser le pouvoir politique. 27

L’Algérie, dotée d’un potentiel humain et matériel considérable, traverse depuis 1991 la plus grande crise jamais vécue depuis son indépendance. Les gouvernements algériens qui se sont succédés justifient leur radicalisation en évoquant la menace que représente le « danger islamiste ». Pour les mêmes raisons, la Tunisie reste de marbre face aux attentes

28 “En réalité, cette question [le Sahara] représente la plus grande menace pour toute la région et constitue un terrain fertile pour le terrorisme religieux, incompatible avec les valeurs culturelles que nous partageons », roi Mohamed VI du Maroc, lors de sommet de Tunisie, en 2003.

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de démocratisation de la population. La Mauritanie, en sus de l’impasse économique dans laquelle elle se trouve, est prisonnière d’un conflit d’influence dans la région du Maghreb depuis la récente découverte de sources de pétrole. La Libye, quant à elle, avec la résolution de l’affaire de Lockerbie et son sentiment d’incompréhension persistant, a mis un terme à ses tergiversations concernant le Maghreb et le Machreq et s’est tournée vers les pays sub-sahariens. La seule voie qui n’aura pas été tentée par la Libye sera bientôt celle du projet de P.E.M.

Ainsi, la situation potentiellement explosive que traversent les États de la région ne fait que repousser l’idéal d’Union du Maghreb et encourage l’émergence de formes d’opposition extrémistes et radicales.

L’autre problème tient aux discours officiels qui restent attachés à une logique ancestrale et vivent dans l’ombre d’hier dont ils s’inspirent pour demain. Ces discours passionnels insistent sur l’unité de la langue, sur l’histoire commune, la religion, la géographie et le destin. Mais, les expériences d’intégration régionale réussies sont celles qui insistent sur les défis à relever pour l’avenir grâce aux atouts humains. La cécité historique dont ont fait preuve les leaders politiques crédibilise le discours des Islamistes et leur fourni les arguments de l’exaltation. Tout dialogue régional, avant d’être interculturel, devrait être surtout intra-culturel. Les problèmes urgents du Sud doivent être résolus avec maturité, au sein des pays du Maghreb.

Enfin, le Sahara occidental est la principale pierre d’achoppements du Dialogue 5+5. Certains de ne pas nous tromper, nous allons jusqu’à dire qu’elle cristallise les autres problèmes et qu’elle a fortement perturbé les relations entre les pays du Maghreb 28, y compris le processus d’unification du Maghreb et par conséquent, le Dialogue 5+5.

La signature de l’Union du Maghreb arabe, en 1989, a nourri bien des espoirs quant au lancement du dialogue et à l’amélioration des relations entre les cinq pays de la région, reléguant la question du Sahara occidental à un second plan. Toutefois, en l’absence d’un compromis sur les positions divergentes, cette question n’a fait qu’attiser les tensions entre le Maroc et l’Algérie et qu’interrompre le dialogue entre les pays du Maghreb arabe.

L’Algérie et le Maroc ont, à ce sujet, des points de vue divergents. L’Algérie estime, pour sa part, que la question du Sahara occidental, parce qu’elle suit son cours et les voies de résolution auprès des instances internationales (ONU), ne devrait pas constituer un obstacle à la poursuite de la construction du Maghreb. Le Maroc, en revanche, doute que des mesures de confiance puissent être envisagées si elles sont fondées sur l’incertitude et la vulnérabilité. En réalité, l’attitude algérienne qui consiste à déclarer son soutien implicite ou explicite aux séparatistes sahraouis absorbe les fonds publics provenant des pays de la région (le Maroc consacre 20% de son budget à la question du Sahara). La course à l’armement se fait ainsi au détriment du développement de la région. L’achat récent par l’Algérie d’un avion sophistiqué a fait l’objet de nombreux articles dans la presse marocaine, dont certains n’hésitaient pas à annoncer l’imminence d’une guerre.

Le Dialogue 5+5 n’a été jusque récemment que la simple reproduction de réunions déclaratoires, sans stratégie pratique ou volonté réelle de mobiliser les moyens nécessaires à toute réussite. Cela explique qu’il se contenta de réagir aux problèmes, sans disposer d’une véritable stratégie ou d’un ordre du jour précis. Par ailleurs, dans les faits, le forum est plus un 5+(1+1+1+1+1) qu’un 5+5. En d’autres termes, la coopération a engagé les membres de l’U.E. en tant que corpus unifié, tandis que les pays du Maghreb ont participé au dialogue à titre individuel. Ce manque de coopération s’explique simplement et implicitement par la concurrence que se livrent ces pays pour le leadership régional. En ce sens, la réussite de l’axe vertical dépend du renforcement de l’axe horizontal.

L’investissement dans la démocratie est un élément stratégique de succès, non seulement de ce forum, mais également de la sécurité dans la région et dans le P.E.M. Il est également possible que des projets concrets de coopération voient le jour entre les membres de la région, avec des échéanciers, des moyens et des responsabilités précises et partagées.

L’initiative française pour la sécurité dans la Méditerranée occidentale a été annoncée en juillet 2004 pour un plan d’action sur 2004-2005 qui donne la priorité à la supervision maritime, à la protection civile et à la sécurité aérienne. C’est un grand moteur du Dialogue 5+5, conçu comme complément aux autres dialogues multilatéraux (le Processus de Barcelone, le dialogue méditerranéen de l’OTAN). Ces propositions de coopération concrètes doivent permettre à cette initiative de s’étendre aux domaines économique, financier et social.

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Pour faire face à la faiblesse des investissements étrangers - effet de levier, s’il en est - des pays de la rive Sud (moins de 1% des investissements européens dans le monde), certains penseurs proposent un “plan Marshall” pour le Maghreb, semblable à celui mis en place en Europe peu après la Seconde guerre mondiale. L’aide financière apportée par les Etats-Unis, dans le cadre du plan Marshall, a été cruciale pour la reconstruction de l’économie de l’Europe occidentale.

Pour résumer, le Dialogue a surtout souffert de l’absence d’un Sud fort. Le partage du développement et des responsabilités n’est pas une question de style mais une question obligatoire à tout dialogue futur. Tout aussi importante, la question de la sécurité est étroitement liée à la bonne gouvernance. En effet, une gestion rationnelle et bien organisée, fondée sur la démocratie, est la meilleure façon de faire du Sud un solide partenaire indépendant du Nord, d’une part, et de maintenir la sécurité et garantir la résolution de la plupart des conflits entre les pays du Sud, d’autre part.

Par ailleurs, il faudra redoubler d’efforts pour parvenir à un ordre du jour concerté entre les partenaires 5+5, pour que leurs attentes respectives se rapprochent les unes des autres. En général, les partenaires de l’U.E. réclament une institutionnalisation plus marquée (un caractère plus officiel, plus de transparence et plus de visibilité) tandis que les pays du Sud préfèrent que le Dialogue reste informel. De plus, le Dialogue peine à faire avancer son agenda car les pays du Sud continuent de fonctionner sur une « géométrie variable ».

29 Une réunion méditerranéenne organisée en Algérie, en janvier 2006, par le Mouvement européen international et un groupe d’ONG algériennes est une bonne opportunité pour débattre avec les militants de la société civile et pour organiser d’autres interviews ciblées.30 Fouad M. Ammor (2004), “Le Partenariat Euro Méditerranéen à l’heure de l’élargissement : perceptions du Sud”, Rabat : GERM.

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Comme nous l’avons signalé dès le début, outre les sources secondaires permettant de revenir sur les expériences vécues, notre étude se fonde sur les nombreuses données recueillies lors des interviews (en tête-à-tête et en groupe) avec des représentants officiels et officieux du Maghreb et d’Israël, au cours des mois de janvier à mai 2006. Quelques 40 ONG militantes et 16 décideurs politiques ont été interrogés. 29 À partir d’un questionnaire de structure assez souple (nous permettant d’explorer des voies imprévisibles en fonction de l’expertise de chaque personne interrogée), nous avons glané les réflexions et les opinions des spécialistes et des intellectuels sur la notion conceptuelle d’une coopération sur la sécurité régionale dans le Sud. Nous avons recueilli ces données et avons fait le point sur les initiatives de coopération déjà en cours ou envisagées. Notre objectif est de mieux comprendre la perception des efforts de coopération, les conditions souhaitables ou nécessaires à la coopération régionale et les intérêts qu’elle pourrait servir, les contraintes et enfin le rôle que les tierces parties pourraient éventuellement jouer pour encourager cette coopération régionale (partant du principe que les parties régionales y voient un intérêt).

Les entretiens auxquels nous nous sommes livrés ont surtout mis l’accent sur la situation actuelle, afin de faire le point sur quelques-unes des tendances dominantes de la réflexion des uns et des autres concernant le dialogue sur la sécurité régionale et la coopération ainsi que sur les activités menées actuellement sur le terrain. Certaines de ces activités sont assez méconnues et mieux en saisir les raisons et le contexte nous semble essentiel. Joel Peters a défini les négociations multilatérales de 1990 comme un format de discussion permettant aux parties régionales d’aborder les questions à long terme qui doivent être traitées, si et dès lors qu’un arrangement est obtenu. Or, comme il est démontré dans ce chapitre, et comme l’illustre l’expérience passée, les questions régionales méritent d’être traitées à part entière et ne doivent donc pas être uniquement abordées quand la paix est obtenue mais, bien en amont.

Dans le contexte spécifique des pays du Maghreb, le résultat des entretiens tient davantage de la théorie que de programmes concrets de coopération. Ce qui semble importer par dessus-tout est la dynamique dans le Maghreb et dans l’Union du Maghreb arabe, avec quelques références à l’intégration d’Israël en Méditerranée. L’un des thèmes intéressants et récurrents porte sur la logique même de la coopération en matière de sécurité régionale citée précédemment. En effet, l’idée est qu’il convient d’encourager la coopération et le dialogue régional afin d’atteindre un certain degré d’unité rendant ces États moins vulnérables aux attaques de puissances extérieures qui chercheraient à intervenir dans leurs affaires. La guerre en Irak est l’un des exemples cités pour illustrer ce propos : si les États arabes avaient été unis, ils auraient pu régler leurs problèmes ensemble et résister ainsi avec succès aux interventions de l’extérieur. En outre, les interviews comparent l’intervention des États-Unis à celle de l’Europe. La seconde (considérée comme une aide) est la bienvenue, tandis que la première est perçue comme une provocation qui n’engendre que la violence et décourage les tentatives de paix (les Arabes acceptent l’aide mais pas d’ingérence dans leurs affaires intérieures.) Parce que cette idée de coopération régionale recouvre précisément une notion « d’unification » ou « d’intégration » dans les États du Maghreb, il n’est pas si surprenant qu’elle soit perçue à la lumière de l’expérience vécue par l’Union du Maghreb arabe 30, laquelle est le meilleur cadre conceptuel permettant de comprendre la coopération régionale dans cette zone du monde.

Dans son ensemble, l’idée d’une coopération sur la sécurité régionale en Méditerranée est perçue essentiellement comme positive, comme quelque chose à mettre en place dans le respect mutuel des États, tant au niveau gouvernemental que des populations, les principes de bon voisinage et les spécificités intérieures propres à chaque pays devant être respectés. La plupart des personnes interrogées ont exprimé leur soutien à l’égard des questions suivantes :

• Stabilité politique et sociale intérieure comme base de toute sécurité régionale, un État ne pouvant pas apporter une contribution positive réelle à l’échelle régionale s’il n’est pas en mesure d’assurer sa stabilité intérieure ;

• le rôle de la diplomatie dans l’ouverture au dialogue entre partenaires d’une même région pour résoudre les conflits ;

• la coopération en matière de sécurité moyennant l’échange de savoir-faire et d’expériences ;

• l’impératif de construire des économies fortes afin de relever les défis de la sécurité qui sont étroitement liés à la croissance de l’économie ;

• la mise en place de cadres supranationaux pour ouvrir le dialogue sur la sécurité et sur la paix au niveau régional.

3.Réflexions actuelleset activités sur le terrain

3.1.Maghreb

31 Il faut noter que certains des points de vue avancés par les personnes interrogées au sujet d’Israël ne sont pas exacts. Par exemple, Israël est déjà un partenaire méditerranéen et a accepté la création d’un État palestinien. Il semble cependant qu’il s’agisse là, plus d’un manque de connaissances que du reflet d’une position politique.

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Jusqu’à présent, il reste un certain nombre d’obstacles à surmonter : l’absence de démocratie, la violation des droits de l’homme, la corruption dans les États du Sud, l’acharnement des leaders à s’accrocher au pouvoir en dépit du bien être de leurs peuples, le manque d’une vision claire et commune de l’avenir de ces pays et le conflit persistant entre le Maroc et l’Algérie au sujet du Sahara occidental.

Ce n’est pas un hasard si, dans les entretiens, les réponses ont donné la priorité aux questions de coopération et de sécurité régionale dans le Maghreb, surtout au regard de l’Union du Maghreb arabe. Le maintien de la sécurité et la mise en œuvre de projets de coopération et de développement dans la région semblent dépendre de la résolution finale sur le conflit au sujet du Sahara occidental. Il est grand temps, à leurs dires, que ce conflit prenne fin et soit remplacé par la réconciliation, la solidarité et la coopération réciproques. Cet effort majeur doit venir des décideurs politiques ainsi que des acteurs de la société civile.

Les médias marocains et algériens devraient se restreindre dans leurs accusations réciproques et devraient user de leur autorité pour en appeler au dialogue et à la coopération. La société civile, quant à elle, devrait être plus active pour sensibiliser la population à l’urgence d’un tel dialogue. Les Marocains et les Algériens sont lassés de ce conflit, de la méfiance et de la guerre psychologique menée par les groupes terroristes extrémistes et les mercenaires qui menacent la stabilité des deux États, alors que ceux-ci continuent de souffrir de leurs problèmes socio-économiques. Tous deux gagneraient à coopérer, d’autant qu’ils se complètent mutuellement : chaque État pourrait tirer les leçons de l’expérience de l’autre et mieux utiliser ses ressources naturelles, son potentiel économique, la jeunesse de la population et ses aspirations au développement. Les trois autres États du Maghreb (Libye, Mauritanie et Tunisie) devraient s’impliquer davantage dans le processus de coopération afin de faciliter un rapprochement entre le Maroc et l’Algérie.

La clé pour maintenir la sécurité dans le Maghreb est la mise en œuvre du projet d’Union du Maghreb arabe. Bien qu’ils appellent cette réalisation de leurs vœux car ils y voient un moyen d’assurer la sécurité régionale et l’intégration économique sur le marché mondial, ces États ne sont pas encore parvenus à déjouer leurs malentendus et leur méfiance réciproque. Le Sahara occidental reste l’épine dans le pied qui fait obstacle à toute véritable coopération entre le Maroc et l’Algérie, ce qui a des incidences négatives sur le reste du Maghreb arabe. L’Union du Maghreb arabe est un espoir que nourrissent sincèrement les Maghrébins qui y voient le seul moyen de se faire une place sur la scène internationale et régionale et de garantir la sécurité et le développement.

En ce qui concerne la coopération avec Israël, la majorité des personnes interrogées reconnaît qu’Israël est une donnée régionale qui ne peut être ni niée, ni inversée. Ils estiment néanmoins que, pour respecter les résolutions internationales, Israël devrait adopter un autre comportement que celui de la violence à l’égard des Palestiniens. Notons que certains universitaires parmi les personnes interrogées reconnaissent que l’intégration d’Israël dans la région serait bénéfique à la paix et au développement de la région, étant donné qu’il s’agit du pays le plus développé, tant du point de vue technologique qu’économique.

Certains estiment que les Palestiniens devraient admettre Israël et en accepter l’existence et qu’Israël devrait reconnaître le droit des Palestiniens à un État indépendant. ils ajoutent, par ailleurs, que les États arabes devraient donner plus de liberté aux acteurs civils pour entamer le dialogue avec Israël. À ce titre, les médias et les ONG, devraient expliquer l’importance de la sécurité régionale, le besoin de paix et de tolérance et la nécessité d’ouvrir de nouveaux horizons de dialogue avec les Israéliens. De plus, certains ajoutent que le développement économique et industriel d’Israël et les ressources financières et naturelles des Arabes représentent un atout pour la région. Les conditions ont été réunies pour qu’Israël soit « intégré en tant que partenaire méditerranéen », respectueux du droit international et ouvert au dialogue avec le Hamas. 31

Nous (les deux auteurs) avons eu un entretien intéressant avec l’ambassadeur du Maroc en France, qui a insisté sur le fait que le P.E.M. souffre cruellement d’un manque d’idées nouvelles et motrices. Il y a de bonnes intentions mais, il n’y a pas de résultats. Le besoin de coopération sur la sécurité sous-régionale dans le Sud est certain, la sécurité étant considérée comme un phénomène multidimentionnel. La société civile a un rôle important à jouer pour insuffler de nouvelles idées à l’agenda officiel. Les catastrophes naturelles pourraient être un point de départ car, en cas de Tsunami, les frontières et les contextes politiques disparaissent pour ne faire place qu’à une catastrophe dont il faut s’occuper.

32 En mai 2006, le consortium du Proche-Orient sur la surveillance des maladies infectieuses (MECIDS) a organisé un atelier sur les risques de transmission de pandémie de grippe aviaire. Y ont participé certains membres des comités nationaux sur la préparation à la grippe aviaire, des Israéliens, des Jordaniens et un expert palestinien des maladies infectieuses de la Al-Quds University. « L’objectif de cette réunion était d’aider les participants à améliorer leurs stratégies de communication avec le public au sujet d’éventuelles poussées de pandémie de grippe aviaire et d’harmoniser les messages que les gouvernements palestiniens, jordaniens et israéliens délivrent à leurs publics respectifs au sujet de ces poussées ». From SFCG, «Middle East Sub-Regional Risk Communication Workshop», 17-18 mai 2006, Rapport.

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Les États tels que le Maroc et l’Algérie devraient s’interroger sur leurs moyens de coopération en cas de catastrophe naturelle, même s’ils n’ont pas encore trouvé d’issue à leur conflit concernant le Sahara occidental. Il a souligné le sentiment d’urgence qui se fait sentir actuellement et le fait que l’on ne puisse pas rester les bras ballants quand il s’agit de sécurité régionale. Par ailleurs, il estime que la plupart des États sont réceptifs à ces idées. « On peut faire beaucoup si les États font preuve de suffisamment de courage ».

Pour résumer, rappelons qu’en ce qui concerne le Maghreb, si les activistes des ONG jugent le conflit israélo-palestinien important, ils estiment cependant que la coopération régionale dans le Maghreb revêt plus d’importance encore pour les populations maghrébines. Les questions économiques sont, de plus, considérées comme un élément fondamental au bon fonctionnement de la coopération. Se pencher sur les questions économiques est un passage obligé pour aboutir aux questions sociales et sécuritaires. Tout doit commencer par la société civile afin d’encourager les échanges intellectuels. Le message est que nous ne pouvons pas nous permettre d’attendre la résolution de toutes les questions politiques et qu’il ne faut pas s’en remettre aux États et aux décideurs politiques. Plusieurs conditions pour entamer la coopération régionale ont été exposées et le conflit israélo-palestinien ne figure pas comme seule entrave à ce processus. Ils ont beaucoup insisté sur l’amélioration de la situation nationale des pays arabes. En réalité, la réforme démocratique est mentionnée comme une condition indispensable pour que la société civile assume le rôle qui est le sien dans cette dynamique de coopération régionale. Enfin, il ne semble pas y avoir la moindre objection à la coopération avec Israël, bien qu’il ait été clairement affirmé qu’Israël doit remplir un certain nombre de conditions préalables. Il serait toutefois très positif que la coopération devienne une réalité et que l’importance régionale d’Israël soit reconnue.

S’il existe, de fait, une solidarité maghrébine avec la position arabe au sujet du conflit israélo-palestinien, l’attitude à l’égard de toutes les formes de coopération avec Israël est positive, surtout dans le domaine des études, de la recherche et des échanges de jeunes sous certaines conditions (telles que citées plus haut).

En ce qui concerne le Proche-Orient, des entretiens approfondis ont eu lieu avec les Israéliens – occupant des postes officiels et non-officiels – qui sont proches de la question de la coopération régionale. Le résultat des entretiens met moins l’accent sur le niveau conceptuel et plus sur les initiatives concrètes qui sont déjà en place ou pourraient être envisagées prochainement. Toutes les réponses portent sur l’engagement d’Israël dans un dialogue avec ses voisins.

L’exemple le plus parlant, évoqué à l’occasion de ces entretiens, concerne peut-être les activités de coopération pour faire face au danger potentiel de dissémination de la grippe aviaire. Un travail considérable a été réalisé à ce titre par Search for Common Ground (SFCG), une ONG qui encourage la coopération entre les États et dispose d’un important programme pour le Proche-Orient. Les activités sur la grippe aviaire sont nées du désir d’encourager la coopération régionale, alors qu’ils s’intéressaient aux attaques des armes de destruction massive et organisaient des débats de santé publique sur la préparation contre l’éventualité d’une attaque chimique ou biologique. C’est au niveau des ministères de la Santé (niveau officiel) en Israël, Jordanie, et dans l’Autorité palestinienne que s’est mise en place cette coopération avec la participation sporadique de l’Egypte. Ils ont conçu un système d’échange d’informations sur les maladies contagieuses (affichées sur un site Internet) afin de créer un consortium autonome. Quant à la grippe aviaire, les parties se penchent (avec le SFCG comme médiateur) sur un protocole de coopération entre Israël, la Jordanie et les Palestiniens, en cas d’épidémie. Le SFCG a participé à l’organisation de conférences après l’apparition de cas de grippe aviaire en Jordanie et en Israël, pendant l’hiver 2005-06. Une des raisons qui explique cette réussite, outre l’urgence du problème, est qu’il s’agit d’un cas de coopération entre experts médicaux qui parlent le même langage (médical) et sont ainsi plus à même de trouver un terrain commun sur lequel concentrer les efforts.32

Un représentant du ministère des affaires étrangères israélien a signalé plusieurs domaines de coopération sur des questions de soft security. Par exemple, la lutte anti-incendie, les opérations de secours, les maladies infectieuses et les fléaux de sauterelles (Nord de l’Afrique). Au-delà de leurs incidences directes sur la sécurité, ces questions, si elles ne sont pas traitées, pourront devenir des problèmes sécuritaires beaucoup plus graves. Dans le cas de la grippe aviaire, par exemple, si les pays ne reçoivent pas suffisamment de médicaments, cela risque de provoquer une réaction de panique et de menacer la sécurité des régimes. Par ailleurs, si une épidémie se déclarait dans un de ces pays, elle pourrait aisément traverser les frontières. Aussi, relève-t-il de l’intérêt de tous de s’attaquer de front, avec franchise et transparence, à la question des maladies infectieuses.

3.2.Proche-Orient

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Dans le cadre israélo-jordanien, il existe une coopération dans la zone de Aqaba/Eliat, née des conséquences de la forte poussée urbaine qu’ont connue ces deux villes et qui a bouleversé la capacité d’absorption hydrique des terrains, aggravant ainsi le risque de fortes inondations. Il existe également un plan de protection et de préservation du Golfe d’Aqaba/Eliat. C’est en effet une question importante, à la fois pour Israël et la Jordanie, d’autant que cette coopération pourrait s’étendre à l’Egypte. Un autre domaine de coopération israélo-jordanien pourrait être la lutte contre les incendies dans la vallée du Jourdain. Parmi les possibilités de coopération régionale, la création d’un centre de lutte contre les incendies pourrait être envisagée, comprenant d’amples installations destinées à la formation. Sa mise en place pourrait se faire à Chypre et s’étendre à Israël, la Jordanie, les Palestiniens, la Turquie et la Grèce. De façon générale, les formes actuelles de coopération israélo-jordanienne sur de nombreux sujets pourraient servir de base à la coopération et s’étendre à d’autres pays tels que la Turquie et Chypre.

Dans le droit fil de cet argumentaire sur la voie multilatérale du processus de paix de Madrid, ajoutons qu’il subsiste curieusement quelques velléités de coopération régionale, nées dans ce cadre. Sur les cinq groupes de travail de départ, deux restent, en effet, actifs au niveau officiel : l’eau et les questions environnementales. La coopération portant sur l’eau recouvre plusieurs activités dont la plus intéressante est sans doute le Centre de recherche de désalinisation du Moyen-Orient (MEDRC) qui fonctionne depuis Oman. Le conseil exécutif de cette organisation compte sur la participation officielle des Etats-Unis, de la Corée du Sud, du Japon, des Pays-Bas, d’Oman, de la Jordanie, d’Israël et des Palestiniens. Le Qatar, quant à lui, a manifesté récemment son désir de se joindre à cette initiative. Les activités du MEDRC encouragent les projets communs de recherche et l’aide à la recherche universitaire, octroient les moyens d’organiser des conférences universitaires, travaillent sur le renforcement des capacités et organisent des ateliers et des séances de formation sur la désalinisation de l’eau du Maghreb dans le golfe Persique (aide financière et envoi d’experts). Le MEDRC jouit d’une telle renommée et est désormais si sollicité dans la région que plusieurs organisations se montrent disposées à en monnayer les services. Une importante coopération inter étatique existe par le biais des projets de recherche ainsi qu’au niveau du conseil d’administration chargé de décider des projets qui bénéficieront d’une aide. Dans ce cas (tout comme dans celui de la grippe aviaire), les activités ont été menées avec l’aide des experts scientifiques (dans ce cas sur les questions hydriques), ce qui va dans le sens d’une coopération fructueuse.

En ce qui concerne les questions environnementales, les efforts portent sur la création de mesures d’encouragement économique pour s’occuper de l’environnement. Les projets insistent sur le traitement des déchets dangereux et sur les biosolides. Un projet prometteur s’est penché sur la « gestion des terrains secs », auquel ont participé, au niveau officiel, l’Egypte, la Tunisie, Israël, la Jordanie et les Palestiniens. Il s’agit essentiellement d’une étude sur les moyens de lutter contre la désertification. Il a été, toutefois, interrompu en raison d’une mauvaise gestion des fonds alloués par la Banque mondiale.

Quant au Track II, bon nombre d’initiatives sur la sécurité régionale, lancées dans les années 90, ont été interrompues au cours des 5 dernières années. Les structures qui maintenaient en vie le dialogue régional ont reporté leurs intérêts à l’égard des plans généraux de coopération en sécurité régionale sur les crises spécifiques et urgentes, le conflit israélo-palestinien ou encore la guerre en Irak. Toutefois, dernièrement, il semble qu’il y ait un regain d’intérêt à l’égard de la création éventuelle d’un cadre de coopération régionale pour le grand Moyen-Orient, allant du Maghreb au golfe Persique. L’un de ces projets est mené par un regroupement de centres de recherche émanant de cinq pays du Moyen-Orient (Maroc, Algérie, Egypte, Jordanie et EAU). Plusieurs réunions, regroupant des représentants officiels et non-officiels de plusieurs États de la région, ont eu lieu en 2005-06. Elles ont abouti à l’élaboration d’un important document de travail sur le dialogue régional et les possibilités de coopération, une armature de base destinée aux discussions avec les représentants officiels de ces États, dans le but d’éveiller leur intérêt et d’obtenir leur soutien sur les thèmes à l’étude.

En somme, à l’issue de ces entretiens, il ressort avec force que les possibilités de coopération étatique entre Israël et la Jordanie et, dans une moindre mesure, triangulaires - israélo-jordano-palestiniennes - sont bonnes. Les rencontres bilatérales israélo-palestiniennes ou trilatérales israélo-jordano-palestiniennes sont lourdes de sens en raison de la proximité géographique de ces pays. Le sens de l’interdépendance et le solide intérêt commun de ces États dans plusieurs domaines, est ainsi créé. Dans le cas des rencontres trilatérales, il est à noter que le résultat des élections palestiniennes a causé des difficultés et a peut-être provoqué un certain recul des initiatives envisagées alors et dont quelques-unes étaient déjà lancées. Il existe également une possibilité de coopération régionale plus étendue alors que, fait tout à fait intéressant, certaines initiatives officielles durent depuis le début des années 90. Sachant cela, tout indique qu’il reste de la place pour d’autres initiatives au niveau officieux de la société civile, dès lors que l’on en prend l’initiative et que l’on met en place le cadre nécessaire

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Les cadres et possibilités d’un dialogue régional sur la coopération en Méditerranée et au Moyen-Orient sont nombreux et variés ; plusieurs voies doivent être explorées.

Les raisons du pessimiste surgissent et se diffusent aisément. Nous avons toutefois démontré que la raison la plus évidente du pessimisme, l’effet négatif de conflits non-résolus, surtout du conflit israélo-palestinien – doit être sérieusement revu. Il est clair que si ces conflits ne mènent à aucun dialogue constructif sur la coopération, ils ne devraient pas non plus servir d’excuse pour ne pas essayer de s’engager dans cette voie.

La question du Sahara occidental, quant à elle, était avancée dans le passé et l’est toujours dans les réflexions actuelles comme un obstacle majeur. Pourtant, elle est plus envisagée comme une explication au manque de progrès que comme une condition préalable et immuable qui empêcherait toute initiative dans le présent. En effet, les entretiens réalisés au Maghreb insistent surtout sur le fait si nous attendons que toutes les questions politiques soient résolues, nous risquons d’attendre fort longtemps. Il nous donc faut commencer au niveau non-officiel, par les activités de la société civile. Et, en ce qui concerne la situation israélo-palestinienne, nous avons démontré que ses incidences négatives ne peuvent pas être tenues pour un frein, ni théorique, ni pratique.

Il existe, cependant, de vrais obstacles qui entravent tout progrès, tels que les conceptions divergentes de ce qu’est “une situation gagnante pour tous”, les problèmes intérieurs que rencontrent certains pays ou le besoin de renforcer la société civile, et qui n’ont pas fait l’objet d’une attention suffisante quant à leur impact sur le dialogue et la nécessité d’y faire face.

Avant d’évoquer les résultats plus optimistes de cette étude, quelques mots de plus s’imposent sur la différence que l’impact du conflit a dans les deux contextes examinés. Nous avons commencé cette étude avec un présupposé de départ selon lequel le manque de progrès dans la coopération régionale sur la sécurité chez les partenaires méridionaux du P.E.M. ne peut se résumer au seul impact négatif des conflits non résolus dans le Sud. Et pourtant, tout semble nous conduire à la conclusion suivante : le conflit israélo-palestinien ne peut pas être avancé comme une raison suffisante pour ne pas poursuivre sur la voie de la coopération et pourtant, dans le Maghreb, il signifie bien plus qu’un obstacle réel. En d’autres termes, nous en arrivons à une situation pour le moins étrange où le conflit de première ligne (celui qui est abondamment évoqué) n’a pas de véritable impact alors que le conflit dont il est beaucoup moins question a, lui, des incidences des plus néfastes.

Ceci étant dit, les conflits ont-ils ou n’ont-ils pas un impact négatif ? La réponse est : tout dépend vraiment du conflit en question, de l’usage qui en est fait et du type de coopération recherchée par les États. Le cas du Sahara occidental, par exemple, a vraisemblablement eu des incidences beaucoup plus marquées parce que l’objectif de la coopération au Maghreb ne se limite pas à la seule coopération. Il s’agit plutôt d’intégration, c’est-à-dire une forme de coopération beaucoup plus exigeante. Par ailleurs, comme nous l’avons expliqué ci-dessus, pour le Maghreb, le conflit au sujet du Sahara occidental est avancé tel quel, comme un véritable obstacle devant être surmonté si l’on veut faire avancer l’intégration. Mais, il s’agit là d’une question locale sans autres ramifications politiques plus générales.

Dans le cas israélo-palestinien, toutefois, le conflit est très politique. Beaucoup d’États affirment y être partie prenante et c’est flagrant dans leur rhétorique. Mais, plutôt que d’en évaluer l’impact véritable en tant que facteur contraignant, ces pays utilisent souvent cet argument comme une condition préalable à tout autre chose. Dans bien d’autres contextes, la coopération au niveau régional (normalisation des relations) a été présentée à Israël comme une « récompense » à laquelle il n’aurait droit que s’il mettait fin aux conflits bilatéraux. Le lien entre conflit et coopération régionale est donc envisagé très différemment et a encouragé d’autres pays à faire usage, eux aussi, de la résolution du conflit comme d’une condition préalable pour poursuivre sur la voie de la coopération régionale.

Les raisons d’être optimiste reposent sur un concept théorique d’efforts dont tous peuvent tirer parti (win-win), de succès passés (bien que limités) et de quelques développements intéressants, quoique balbutiants, sur le terrain. Notre étude a permis d’apporter la lumière sur certains éléments qui ont leur importance pour encourager les perspectives futures des initiatives de coopération régionale.

1) Les États ne doivent pas être découragés de poursuivre le dialogue ; il n’y a rien à gagner en permettant que les excuses soient manipulées et présentées comme des contraintes. Cela ne sert qu’à fermer la porte à toute dynamique potentiellement utile. Or, il est évident qu’interrompre le dialogue régional sur la coopération ne permettra jamais de résoudre le conflit en question ;

4.Entre optimisme et pessimisme et perspectives d’avenir

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2) Si la coopération peut être utilisée au profit d’un intérêt commun, les initiatives de coopération auront d’autant plus de chances d’aboutir. Donc, même si la logique est « la coopération pour la coopération », c’est-à-dire pour renforcer la stabilité et la paix régionale de façon générale, l’enjeu du débat doit être clairement perçu par les parties régionales. Pour que la coopération fonctionne, les États doivent ainsi être conscients des avantages réels qu’ils peuvent obtenir presque immédiatement. Ce principe doit être pris en compte dans toute tentative visant la promotion d’une réflexion et d’une action sur la coopération au niveau officiel. Par ailleurs, surtout dans le domaine de la sécurité, il peut y avoir plusieurs interprétations du terme « sécurité », qui mériterait un débat permettant de dégager des dispositions gagnantes pour tous, à la fois réalistes et efficaces ;

3) Au stade actuel, les attentions les plus marquées devraient porter sur la société civile. Les acteurs à ce niveau-ci peuvent jouer un vrai rôle (par le biais de programmes d’éducation, d’échanges de jeunes, de sports, de coopération sur des projets de recherche, etc.). Les contacts régionaux et le dialogue officieux peuvent également se substituer aux négociations officielles quant celles-ci s’avèrent impossibles. Si les États ne sont pas encore prêts à s’engager dans un dialogue régional sur la coopération, bien des acteurs de la société civile sont prêts et un effort doit être fait pour qu’ils viennent sur le devant de la scène et mettent ces idées en œuvre.

4) L’éducation est un élément clé du dialogue sur la coopération. Penser à long terme et aux générations futures soulève la question de savoir si les enfants doivent être élevés dans l’esprit de haine et de résistance ou apprendre le compromis et un modus vivendi de paix avec l’autre. Qu’est-ce qui est le plus important, la vie ou une mort glorifiée ?

5) Les interviews réalisées au Maghreb insistent surtout sur la nécessité d’améliorer la situation intérieure des États arabes : de travailler pour la démocratisation, pour réformer les régimes, pour la bonne gouvernance, les économies fortes et dans l’ensemble, la stabilité intérieure. La démocratisation aidera les acteurs de la société civile à jouer un rôle plus efficace dans les efforts de sécurité régionale.

33 De fait, en comparant les discussions multilatérales du processus de Barcelone, Joel Peters note que “les discussions multilatérales cherch[aient] à redéfinir les rapports entre Israël et le monde arabe, tandis que le processus de Barcelone cherchait à redéfinir les rapports entre l’Union européenne et les États méditerranéens de la rive Sud et à développer les mécanismes d’une intégration plus étroite de leurs économies », Peters (1998).34 Harry Kney-Tal, “Israel and Europe” dans Europe and the Middle East, BESA colloque sur la stratégie et la diplomatie, no. 19, juin 2006. p. 56 et 58, respectivement.

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Comme nous l’avons dit dès le départ, au fil des années, l’U.E. semble avoir accepté l’explication (ou du moins ne semble pas s’y être opposée clairement) selon laquelle le conflit israélo-palestinien a rendu pratiquement impossible les initiatives de coopération régionale dans le cadre du P.E.M.. Peut-être est-ce là le résultat de la préférence de l’U.E. à l’égard de la voie bilatérale du P.E.M., principalement, parce qu’elle y trouvait là le moyen d’exprimer au mieux ses intérêts dans les pourparlers. En d’autres termes, d’un point de vue européen, améliorer les relations bilatérales de l’U.E. avec chacun de ses partenaires du Sud semble être plus important que de créer davantage de liens régionaux dans le Sud. Dans les rapports bilatéraux Nord-Sud, l’U.E. conserve un rôle actif et central ainsi qu’une plate-forme d’influence où elle s’est efforcée de tenir à distance la question israélo-palestinienne. 33

Autre facteur important favorisant une acceptation facile de l’effet contraignant exercé par le conflit israélo-palestinien, le regard plus spécifiquement européen sur le Moyen-Orient. D’après Harry Kney-Tal, qui fut ambassadeur d’Israël auprès de l’U.E. et de l’OTAN, l’Europe s’inquiète de ce conflit : « le conflit israélo-palestinien est le principal prisme à travers lequel tout ce qui vient du grand Moyen-Orient est filtré, analysé, classé et mentionné. » Il poursuit : « malgré les changements de fond intervenus dans le grand Moyen-Orient, le conflit israélo-palestinien reste, pour les Européens, au cœur de tous les problèmes dont souffre la région. » Aussi, l’U.E. était-elle prête à accepter le souhait des pays arabes de contenir cette dynamique régionale ; les effets négatifs du conflit israélo-palestinien à l’ordre du jour du processus de Barcelone (moins important pour l’U.E.) ne sont donc pas surprenants.

Nous suggérons cependant qu’il y va de l’intérêt de l’U.E. de poursuivre les relations avec le Sud pour plusieurs raisons. Tout d’abord, parce que l’une des principales doléances des pays du Sud à l’égard du partenariat est l’asymétrie. Le Nord est une entité unie tandis que le Sud est un rassemblement de pays qui, non seulement ne sont pas intégrés mais, sont également déchirés par des conflits de longue date. Deuxièmement, parce que la logique conceptuelle de la coopération part du principe que, dès lors qu’elle existe, elle entraîne une pacification des conflits régionaux. Encourager cet élan pourrait donc, à long terme, avoir des conséquences positives sur le conflit lui-même, qui est considéré comme ayant une influence négative sur de nombreux domaines régionaux. Enfin, parce que le Processus de Barcelone est le dernier forum officiel qui rassemble régulièrement les États de la région. Si les critiques à l’égard du forum vont bon train, dans l’ensemble son intention et sa nature sont reconnue à la base. C’est pourquoi, tous les efforts devraient être faits pour maintenir et renforcer le potentiel unique que représente cette enceinte de dialogue.

Quant aux aspects positifs, nous avons noté l’importance du rôle joué par la société civile dans la coopération et le dialogue régional ainsi que l’impossibilité de voir ce rôle se concrétiser dans les pays partenaires du Sud, en l’absence de réformes démocratiques. À ce titre, les programmes de l’U.E. en direction du Sud ont véritablement permis la mise en œuvre de nombreuses réformes, d’ordre socio-politique (comme le code de la famille et une plus grande liberté d’expression au Maroc) et économique (un accord de principe sur les valeurs fondamentales qui sous-tendent le système éducatif de la région). Ces initiatives émanant de l’U.E. constituent ainsi une pierre angulaire du renforcement de la coopération régionale en Méditerranée.

Mais, il reste beaucoup à faire pour améliorer le rôle de l’U.E. en tant que facilitateur de la dynamique de coopération régionale dans le Sud. Comment, pour y parvenir, tirer parti de ce cadre si utile qu’est le processus de Barcelone et qui affiche clairement son intention de promouvoir une plate-forme régionale ? L’U.E. devra reconnaître surtout qu’elle a tout intérêt à intensifier les efforts allant dans ce sens, ce qui n’est pas une mince affaire. Mais, étayer la conception que l’Europe se fait d’elle-même en matière de sécurité – qui souligne les dynamiques de consolidation réciproques et collectives – devrait se traduire par des mesures claires favorisant le dialogue entre les partenaires du Sud. L’U.E. devrait redoubler d’efforts pour concevoir des plans et allouer des fonds, en commençant peut-être par la mise en place de l’initiative Track II sur l’ensemble de la région. Par ailleurs, prendre au sérieux la coopération en matière de sécurité régionale dans le Sud signifie aussi accepter d’élargir sa vision du « Sud ». Par exemple, commencer par s’interroger sur la façon dont l’Iran s’accommode du mode pensée européen en matière régionale et de la menace qu’il représente pour bon nombre de pays de la région. Quelques signes avant-coureurs semblent indiquer que la question iranienne pourrait susciter un regain d’intérêt dans le dialogue régional sur la sécurité. Ceci ne doit pas exclure une approche plus élargie de la coopération régionale en matière de sécurité au Proche-Orient (y compris dans les pays du golfe persique) et en Afrique du Nord, à cause de la seule configuration actuelle du processus de Barcelone. De même, certaines questions dépassent le cadre de la région

5.Pour conclure :les recommandationsà l’intention de l’U.E.

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euro-méditerranéenne en tant que telle. Le flux de migrants, par exemple, ne provient pas exclusivement des pays méditerranéens et les pays sub-sahariens devraient aussi figurer dans cette équation migratoire.

Enfin, une des questions importantes pour l’Europe est la politique européenne de voisinage (P.E.V.) et la capacité de celle-ci de faire avancer les questions régionales. Aborder cette question sérieusement exige d’aller bien au-delà de la portée de ce document, car cela impose un examen de la position du P.E.M. par rapport à la P.E.V. dans la réflexion théorique de l’Europe. Toutefois, si en raison de la P.E.V., la priorité était donnée à la sphère bilatérale, cela risquerait fort d’être nuisible aux efforts que nous avons soulignés ici.

* * * * * *

Dans cette recherche d’équilibre entre pessimisme et optimisme, nous avons tenté de montrer que, quoique nombreux soient les problèmes qui rendent ardue toute tentative de dialogue en matière de sécurité régionale, il existe cependant des lignes d’orientation qui peuvent aider à poursuivre cet objectif. De plus, s’il est nécessaire de s’occuper de ce qui est souvent taxé d’obstacle majeur, à savoir les conflits actuels dans le Sud, il est en revanche, contre-productif de permettre qu’on en fasse une condition préalable au dialogue sur la coopération ou une excuse pour ne pas tenter d’exploiter cette voie. C’est ce qu’ont clairement démontré les expériences que nous avons passées en revue. C’est aussi ce qui ressort avec force des données recueillies au cours des entretiens sur l’état d’avancement de la réflexion.

Il n’y a pas de temps à perdre. Nous devons tenter de faire avancer les initiatives de coopération. Il faut bien comprendre que sans dialogue, la dynamique régionale ne pourra pas progresser dans la direction voulue, celle de la stabilité et de relations plus pacifiques. Nous devons tout faire pour identifier et capitaliser sur les solutions « gagnantes pour tous ». Si l’U.E. chéri sincèrement une approche différente de la sécurité, préférant l’engagement collectif au recours à la force militaire, à la dissuasion et aux alliances, il ne lui reste qu’à se mettre à l’œuvre. Aussi, serait-elle bien avisée d’encourager le dialogue entre les partenaires méditerranéens de Barcelone et les États du grand Moyen-Orient.

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