Journal de la Société des américanistes, 103-1

254

Transcript of Journal de la Société des américanistes, 103-1

Journal de la Société des américanistes 

103-1 | 2017103-1

Édition électroniqueURL : http://journals.openedition.org/jsa/14867DOI : 10.4000/jsa.14867ISSN : 1957-7842

ÉditeurSociété des américanistes

Édition impriméeDate de publication : 15 juin 2017ISSN : 0037-9174

Référence électroniqueJournal de la Société des américanistes, 103-1 | 2017, « 103-1 » [En ligne], mis en ligne le 15 juin 2017,consulté le 29 octobre 2020. URL : http://journals.openedition.org/jsa/14867 ; DOI : https://doi.org/10.4000/jsa.14867

Ce document a été généré automatiquement le 29 octobre 2020.

© Société des Américanistes

SOMMAIRE

Dimitri Karadimas (1966-2017)Philippe Descola

Les concours de beauté en Amérique latine

Des Miss à part. Les concours de beauté au prisme des différences en Amérique latineGrégory Deshoullière et Magda Helena Dziubinska

¿Unas elecciones de verdad? Autenticidad, representación y conflicto en los concursos deReinas Indígenas de GuatemalaGemma Celigueta

Devenir reine kakataibo. Performance, séduction et genre en Amazonie péruvienneMagda Helena Dziubinska

A Miss Kayapó: ritual, espetáculo e belezaAndré Demarchi

Depuis les podiums des reines de beauté : se produire comme femme trans en BoliviePascale Absi

Varia

Nuestra Madre Milpa Joven: una imagen de la totalidad efímera en un ritual wixárikaRegina Lira Larios

On Yanomami ceremonial dialogues: a political aesthetic of metaphorical agencyJosé Antonio Kelly Luciani

Note de recherche

Caractérisation physico-chimique de pigments de peintures murales mochica : San José deMoro (VIIIe-Xe siècles apr. J.-C.)Nicola Sardos, Nino Del-Solar-Velarde, Rémy Chapoulie et Luis Jaime Castillo Butters

Chronique

Con la ayuda de Dios. Crónica de luchas indígenas actuales por el territorio en la SierraNororiental de PueblaPierre Beaucage, Leonardo Durán Olguín, Ignacio Rivadeneyra Pasquel et Claudia Marina Olvera Ramírez

Manifeste contre les attaques infligées aux droits des autochtones du BrésilSimone Dreyfus, Jonathan D. Hill et Lia Zanotta Machado

Journal de la Société des américanistes, 103-1 | 2017

1

Compte rendu

GONZÁLEZ Raúl, Estudio fonológico y morfo-sintáctico de la lengua toba hablada en eleste de la provincia de Formosa (Argentina)Lincom Europa (Lincom Studies in Latin American Linguistics, 75), München, 2015, 246 p., bibliogr., mapas en blancoy negro, tablas, anexo.Cintia Carrió

GÓMEZ GONZÁLEZ Sebastián, Frontera selvática. Españoles, portugueses y su disputa porel noroccidente amazónico, siglo XVIIIInstituto Colombiano de Antropología e Historia (Colección Espiral), Bogotá, 2014, 400 p., bibliogr., indice geográfico,indice onomástico, ill.Jean-Pierre Goulard

SENDÓN Pablo F., Ayllus del Ausangate. Parentesco y organización social en los Andesdel sur peruanoPontificia Universidad Católica del Perú/Instituto de Estudios Peruanos/Centro Bartolomé de Las Casas, Lima, 2016,367 p., bibliogr., cartes, tabl., graph.Laurent Segalini

HANKS William F., Converting words. Maya in the age of the crossUniversity of California Press, Berkeley/London, 2010, 439 p., bibliogr., index, ill., cartes, tabl., graph.Capucine Boidin

Journal de la Société des américanistes, 103-1 | 2017

2

Dimitri Karadimas (1966-2017)Philippe Descola

1 Dimitri nous a quittés le 2 avril dernier et nous sommes nombreux à être dans le

désarroi, sans savoir comment faire face à cette cruelle injustice autrement qu’en seremémorant les moments allègres que nous avons passés ensemble, notamment auconseil de rédaction du Journal de la Société des américanistes où son humour pince-sans-rire faisait merveille, ou en relisant les textes puissants et subtils qu’il n’a cessé d’écrirejusqu’à ses derniers moments. C’est un ami qui s’en va, mais c’est aussi un savant quidisparaît, une voix forte et originale dans le champ des études américanistes en mêmetemps qu’un chercheur audacieux qui prenait au sérieux la mission de l’anthropologiede contribuer à une meilleure intelligence de la condition humaine en s’efforçant dedévoiler la logique des variations sous lesquelles elle s’exprime.

2 Dimitri Karadimas avait en effet développé au fil du temps tout à la fois une

compétence sans équivalent dans son domaine de spécialité ethnographique, et uneapproche théorique inédite issue d’un développement de ses premières recherches deterrain : il était en même temps le meilleur connaisseur en France des sociétésamérindiennes du Nord-Ouest amazonien, un ensemble tout à fait singulier à l’échellerégionale, et l’artisan d’une démarche d’interprétation des images composites qu’ilavait profondément renouvelée tant par la diversité des objets empiriques qu’il avaitchoisis – masques amazoniens, iconographie préhispanique mésoaméricaine et andine,images de la Renaissance et de l’Antiquité – que par l’audace des hypothèses qui lafondait. Pour tenter de le dire en un mot, Dimitri Karadimas explorait avec uneconstance remarquable la fécondité d’une intuition qu’il avait eue très tôt dans sacarrière, à savoir que l’interprétation de certaines images énigmatiques repose sur lefait qu’elles figurent en réalité de façon plus ou moins cryptée un objet naturel ou unorgane servant à signifier un processus ; ces images seraient donc des métaphoresvisuelles qui déguiseraient en partie la référence analogique qui les constitue commesignes iconiques.

3 Sa première enquête, à laquelle il avait consacré sa thèse de doctorat, portait sur

l’ethnographie des Miraña de Colombie, une population qui, comme ses voisins Bora etWitoto, présente une structure sociale, cosmologique et rituelle d’une complexité peucommune en Amazonie et qui fait l’objet en outre d’un travail réflexif véritable par

Journal de la Société des américanistes, 103-1 | 2017

3

certains de ses membres, une culture « savante » en somme. Exploitant la richemythologie locale, les savoirs populaires sur les plantes et les animaux, les discoursrituels et les indications linguistiques – notamment l’usage par les Miraña declassificateurs nominaux qui distribuent les objets du monde en fonction d’aspects liésà la perception par l’un des cinq sens – Dimitri Karadimas avait mis en évidence aucours de cette enquête la façon dont les catégories corporelles servent d’outilsconceptuels pour penser des processus et des relations tant internes à la sphèrehumaine que caractéristiques des relations avec les non-humains. Poursuivant d’uneautre manière la voie ouverte par La Pensée sauvage, sa thèse publiée en 2005 sous letitre La Raison du corps montrait ainsi comment, dans le registre du vocabulairecorporel, le sensible peut être converti en intelligible et servir d’outil conceptuel pourmédiatiser les rapports à l’environnement.

4 La couverture de la monographie était illustrée par l’un des célèbres tableaux

composites d’Arcimboldo, l’Eau, portrait d’un humain entièrement fait d’êtresaquatiques. La raison en était que les Miraña ont une théorie de la fabrication de lapersonne humaine qui rappelle les grands systèmes analogistes de la Renaissance : lescorps sont réputés constitués pour l’essentiel d’animaux aquatiques. Ce qui aurait puêtre pris pour un simple jeu de langage servit de tremplin à Dimitri Karadimas pourdébuter un vaste et ambitieux projet de recherche sur l’analogie figurative dans lesimages et dans les discours, projet qui s’appuyait sur deux principes : d’une part, latendance assez commune à la projection anthropomorphique sur les objets du monde,c’est-à-dire la disposition à les interpréter en y voyant quelque chose d’humain et,d’autre part, l’usage également commun d’images « cachées » dans des métaphoresvisuelles, c’est-à-dire le cryptage d’un terme-source de l’analogie dans un terme-ciblequi présente avec le premier des similitudes morphologiques. Commença alors unelongue quête dans des matériaux très divers, pour l’essentiel mythiques eticonographiques, qui manifestent des corrélations entre une vue anthropomorphiquedu monde et une vue cosmologique du corps. Qu’elles concernent la façon dont lethème de la constellation d’Orion se déplace en Amérique du Sud en variant les motifsiconographiques qui l’expriment ou qu’elles se réfèrent à la mise en image de processusnaturels au moyen de « citations » discrètes d’attributs anatomiques de certainesespèces permettant de figurer, par exemple, la métamorphose ontogénétique ou lesmécanismes de parasitisme de certains insectes, les analyses de Dimitri Karadimasmanifestent de façon éclatante la combinaison d’une maîtrise érudite des matériaux,d’une intelligence incisive dans leur analyse et d’une originalité jamais démentie dansleur interprétation.

5 C’est dans son domaine de spécialité, celui des études amérindiennes, que ces qualités

se sont données à voir de la façon la plus évidente. En témoigne notamment levolumineux manuscrit qui, sous le titre Dieux, guerriers, parasites. Perceptions, mythes et

images en Amérique du Sud, constituait la pièce inédite du dossier que Dimitri Karadimasavait présenté à l’occasion de la soutenance de son Habilitation à diriger des recherchesen juin 2016. Cet essai développait dans une synthèse audacieuse certains des thèmesqui constituaient la matière de ses recherches et en proposait une théorie généralefondée sur les mécanismes cognitifs de la perception. Il s’agit donc tout à la fois d’unsavant ouvrage panoptique dans la tradition des grands pionniers de l’américanisme,de Nordenskjöld à Lévi-Strauss, et d’une contribution argumentée au champcontemporain de la réflexion sur les images. On n’aura garde enfin d’oublier un autretype d’audace dont Dimitri Karadimas témoignait. Non content d’explorer des pistes

Journal de la Société des américanistes, 103-1 | 2017

4

fructueuses dans le dédale des civilisations amérindiennes dont il était familier, ils’était aussi aventuré dans l’iconographie et le folklore européens, proposant desanalyses stimulantes de l’histoire du Petit Chaperon rouge, d’une annonciation de laRenaissance italienne ou de l’iconographie d’Attis et Cybèle. Dans tous ces cas, il faisaitpreuve d’une grande rigueur dans l’analyse des documents et d’une indubitableoriginalité dans leur interprétation, exploitant au mieux pour ce faire la distancecritique qu’un « regard éloigné » formé par les études américanistes permettait deconstruire.

6 Toutefois, ce qu’il faut ici saluer au premier chef c’est ce que le manuscrit apporte

comme renouvellement aux études américanistes. D’abord en ce qu’il élargit auximages le grand système transformationnel panaméricain que Lévi-Strauss avaitcommencé à construire pour les mythes. Ensuite, parce que, dans l’étude de cettemigration iconique, Dimitri Karadimas a su inclure les Andes et la région côtièreprécolombiennes, nous permettant ainsi de commencer à entrevoir comment desschèmes visuels peuvent se diffuser entre des aires culturelles a priori assez différentespourvu que les motivations sur lesquels ils s’appuient – c’est-à-dire certaines desrelations qu’ils établissent – continuent à être pertinentes. Enfin, parce que cetteanalyse, comme toutes celles que Dimitri Karadimas a consacrées aux images, permetde sortir d’un face-à-face un peu stérile entre les théories conventionnalistes et lesthéories réalistes des signes iconiques en ce qu’elle montre que des graphèmes simples– le baudrier d’Orion ou le dédoublement des orifices de la raie, par exemple – peuventêtre à la fois mimétiques, donc reconnaissables à condition que le référent soit connu,et culturellement codés, c’est-à-dire fixés dans un type sous la forme d’un ensembled’attributs visuels assurant la correspondance entre le stimulus et le référent. Dieux,

guerriers, parasites est demeuré inédit car Dimitri a continué à amender ce manuscritjusqu’à la fin. Il est urgent maintenant d’œuvrer à sa publication, tout à la fois pourhonorer la mémoire de notre ami, mais aussi et surtout pour que, en continuant àpenser avec lui, sa présence vive et chaleureuse continue encore pendant longtemps ànous accompagner.

Journal de la Société des américanistes, 103-1 | 2017

5

Les concours de beauté en Amériquelatine

Journal de la Société des américanistes, 103-1 | 2017

6

Des Miss à part. Les concours debeauté au prisme des différences enAmérique latineGrégory Deshoullière et Magda Helena Dziubinska

1 Les concours de beauté sont devenus aujourd’hui un élément central des festivités dont

les Amérindiens sont les principaux acteurs – les anniversaires des communautésnatives au Pérou, le Jour des nationalités en Équateur, les fêtes patronales auGuatemala ou le Jour de l’Indien au Brésil, pour n’en nommer que quelques-unes1.Pourtant, les concours de beauté en Amérique latine ont pendant longtemps étél’apanage des sociétés nationales, certaines en ayant même fait une industrie d’État2. Lalittérature régionale a en effet mis en lumière le lien entre la célébration de la nation etla promotion d’un idéal féminin issu des élites urbaines3. L’histoire de ces concours ausein des États-nations d’Amérique latine reste néanmoins mal connue. L’hypothèse laplus souvent émise fait remonter leur diffusion à partir des États-Unis aux années 1920,à travers le cinéma d’Hollywood, les journaux d’actualités, puis les différents concoursaméricains auxquels ont été invités à prendre part les élites nationalistes des grandscentres urbains latino-américains4. C’est toutefois dans le cadre des festivités ducalendrier catholique, plutôt que dans une fête nationale, que l’explorateur LaurentSaint-Cricq (alias Paul Marcoy) fournit, non sans humour, l’une des premièresdescriptions des pérégrinations d’une « reine amérindienne », depuis la missionfranciscaine de Sarayacu dans l’Amazonie péruvienne du XIXe siècle :

La cérémonie ne commença qu’à neuf heures du soir. Au branle de la cloche, unefemme désignée pour remplir les fonctions de reine de Noël entra dans l’égliseaccompagnée de deux filles d’honneur, et alla s’agenouiller devant la balustrade dusanctuaire où l’attendait le révérend Plaza, entouré de vieux néophytes habillés enenfants de chœur et portant la croix et la bannière. La reine de Noël avait le visagebariolé de noir et de rouge. Un diadème de plumes de perroquet ornait son chefsurmonté d’un immense peigne d’écaille. Des mouchoirs de cotonnade aux vivesnuances, disposés en écharpe, rehaussaient la simplicité de son costume habituel.[…] Après que la reine, toujours agenouillée, eut satisfait aux quatre premièresquestions du catéchisme qui lui furent adressées en quechua par le prieur, celui-cilui remit une petite corbeille matelassée dans laquelle était couché un Enfant-Jésus

Journal de la Société des américanistes, 103-1 | 2017

7

qu’elle embrassa dévotement ; alors, se relevant et portant à deux mains son légerfardeau, Sa Majesté sortit de l’église, et, suivie de ses porte mèches, alla de maisonen maison présenter le nouveau-né à l’adoration des fidèles. […] La reinechristophore mit plus d’une heure à faire sa tournée. Quand elle reparut au seuil del’église, sa démarche était titubante, son peigne de travers et ses yeux hébétés. Sesfilles d’honneur, vierges folles, avaient répandu l’huile de leur lampion, dont lesmèches s’étaient éteintes. À mes questions sur l’état dans lequel se trouvaient lareine et ses suivantes, on répondit qu’il était d’usage d’offrir à Sa Majesté, au seuilde chaque maison où elle s’arrêtait avec l’Enfant-Jésus, un verre d’eau-de-vie dontelle buvait quelques gouttes. Si l’on se rappelle que Sarayacu compte cent soixante-six maisons, et qu’on admette par maison une moyenne de vingt gouttes, ons’étonnera, comme je m’étonnai, qu’après avoir ingurgité chacune trois mille troiscent vingt gouttes d’eau-de-vie, la reine et ses filles d’honneur pussent se tenirencore sur leurs jambes. (Marcoy 1869, p. 67-68)

2 Dans ce dossier, c’est d’un autre genre de reines dont il est question. Celles-ci ne sont

pas directement issues des festivités de la chrétienté coloniale, mais d’instances liéesaux administrations territoriales des État-nations, dans le cas des concours officiels, ouà des organisations émanant de populations dites minoritaires pour les concoursalternatifs. Dans les deux cas, les concours de Miss sont un spectacle parmi d’autres,emprunté à un large répertoire de performances – fanfares, parades, activitéscarnavalesques, etc. – souvent qualifié de « civil », pour le distinguer du répertoirecérémoniel ecclésiastique (messes, litanies, processions, etc.), bien que civil et religieuxcohabitent ou fusionnent très régulièrement dans les célébrations populaires.L’expansion rapide des concours de beauté dans les régions les plus reculées del’Amérique latine et la pluralité des façons dont les différents groupes sociaux, parmilesquels des populations amérindiennes, se les approprient nous ont incité à nouspencher sur ces événements avec plus d’attention. Bien que tous les articles de cedossier aient pour point de départ l’ethnographie d’un concours de Miss, chaque auteura développé une problématique originale – historique, symbolique ou interactionniste.Cette introduction présente le dossier à partir d’une série de thèmes – ethnicité,représentation, patrimonialisation, beauté – qui traversent l’ensemble des textes. Ladiversité des références abordées vise à suggérer des pistes de réflexion et à provoquerdes résonances au sein de cet objet de recherche peu exploré au carrefour du spectacle,de la politique, de l’esthétique et du genre. En effet, les articles composant ce dossiermontrent que, dans les concours de Miss, la célébration de la beauté met en jeu unemaîtrise de la représentation de l’identité collective et une production d’identitéssexuées, tout en articulant certaines oppositions paradigmatiques des organisationssociales impliquées, tels que les pôles masculin et féminin, la tradition et la modernité,l’indigène et le Blanc.

La Miss indigène, avatar glamour du multiculturalisme

3 Dans le contexte latino-américain contemporain où les idéologies du métissage et les

politiques assimilationnistes ont cédé la place – au moins officiellement – à une gestionde la diversité en termes de « droit à la différence », et par-là à la reconnaissanced’identités minoritaires avec lesquelles les relations sont reformulées selon le principedu multiculturalisme ou de l’interculturalité, les concours de beauté apparaissentcomme un des lieux possibles de négociation des relations entre les différents groupes5.Remarquons tout de suite que cet aspect se concrétise le plus souvent sur les podiums à

Journal de la Société des américanistes, 103-1 | 2017

8

travers la figure stéréotypée de « l’Indienne » qu’incarnent pendant un court momentles candidates blanches ou métisses lors des concours officiels. De fait, si « l’Indienne »apparaît dans beaucoup de concours de Miss, la participation « en chair et os » decandidates s’auto-identifiant indigènes ou appartenant à un groupe autochtoneparticulier est, elle, plus rare dès qu’il s’agit de concours mettant en jeu lareprésentation officielle d’une ville, d’une région ou d’une nation. Dans ces concoursofficiels, c’est lors de l’épreuve dite du costume « traditionnel », « typique » ou« folklorique » que des candidates issues de la société nationale s’ornent de coiffes deplumes, de colliers de graines, de jupes de fibres tissées et d’étoles de fourrure plus oumoins inspirés de traditions ornementales amérindiennes (Dziubinska dans ce dossierpour les métis d’Amazonie péruvienne ; voir aussi Hendrickson 1991). Il n’échappe àpersonne que les vêtements portés pendant cette épreuve dite du « costume typique »sont « sexier than the “real” thing » (Gustafson 2006, p. 365). L’un des effets recherchésserait de figurer l’union entre un modèle de corps désirable – celui de la jeunecandidate blanche ou métisse – et un érotisme associé à la prétendue lasciveté oudisponibilité sexuelle des « Indiennes » (Canessa 2008, p. 44-45). Cette incorporationd’éléments amérindiens stylisés dans les concours officiels sous contrôle de la sociétédominante nous apparaît aussi, à la suite de Rogers (1999), comme une des multiplesfaçons de marginaliser l’identité politique des groupes dits minoritaires en leurrefusant un accès réel à la représentation officielle de la communauté politique.

4 Les contributions de ce dossier montrent que l’exclusion des concours de beauté

officiels et la folklorisation de leurs traditions ornementales et chorégraphiques nelaissent pas toujours indifférents les Amérindiens et les mouvements ethniques. EnÉquateur le principal instigateur du concours Ñusta Andina, qui se revendique premierconcours ethnique à l’échelle du pays, déclarait ainsi en 2015 à la presse nationale :« Les femmes de notre culture ont une beauté physique, de l’intelligence, une posture…mais lors des élections de reines ils nous mettaient des obstacles déguisés en critèresrequis et ils ne nous prenaient pas en compte » (El Comercio, 19 mars 2015).L’organisation ou la participation à des concours de Miss alternatifs apparaît commeune possibilité de contourner l’exclusion de la représentation officielle et de disputer lemonopole de la définition de la beauté féminine aux organisateurs des concoursconventionnels. Dans les concours maya analysés par Gemma Celigueta dans ce dossier,les podiums servent un militantisme ethnique qui s’oppose à la persistance destéréotypes racistes parmi les populations formant la société nationale. L’auteure décritles différents moments de la conquête par les Maya de Quetzaltenango d’un concoursde Miss autrefois appelé India Bonita, alors entre les mains de l’élite ladino duGuatemala. Elle montre que la maîtrise des concours de Miss Maya, une affaire quipourrait apparaître de l’extérieur comme frivole, met en jeu des luttes historiquesayant contribué à la formation d’identités collectives et à la légitimation de cesidentités par la réélaboration d’une tradition esthétique, en même temps que l’accèsdes Maya aux instances représentatives de la ville. Avec la mise en place de concours deMiss, c’est en effet souvent la maîtrise des deux sens – politique et symbolique – de lanotion de représentation qui est en jeu, à tel point qu’à Quetzaltenango les concoursont servi d’initiation aux mécanismes de la politique électorale pour une partie desMaya de la région.

5 Dans un dossier où la différence est très souvent exprimée dans les seuls termes de

l’ethnicité, la contribution de Pascale Absi sur les concours de Miss Trans dans la

Journal de la Société des américanistes, 103-1 | 2017

9

Bolivie plurinationale est la bienvenue. En effet, à l’instar des concours indigènes,l’auteure montre que les concours transsexuels sont des lieux de revendication d’uneinclusion d’autres modèles de femme et de féminité dans les espaces publics du pays.Monter sur le podium est une étape centrale dans la trajectoire qui conduit de laclandestinité à une identité de femme transsexuelle publiquement assumée. Leconcours de beauté apparaît comme un dispositif de valorisation dans l’espace publicd’une identité subjective ou collective différenciée ; son but est d’atteindre unereconnaissance officielle de celle-ci.

6 Toutefois, comme le décrivent plusieurs auteurs de ce dossier, cette articulation entre

des concours féminins et la revendication d’une identité singulière ne va pas sans poserun certain nombre de problèmes liés à l’ambivalence entre la reproduction deprocessus de subordination – en particulier pour les femmes –, la production d’uneidentité collective, régionale ou ethnique, et la possibilité d’une politique dereprésentation alternative dans l’agenda public des relations interethniques.

La Miss, figure séduisante de médiation

7 L’intégration de ce spectacle dans les festivités des Amérindiens signifie généralement

l’adoption d’un régime de relations entre collectifs où la production d’images du corpspolitique et la mise en scène de son unité présumée à travers et au-delà de ses diversescomposantes sont des éléments clés de la solidarité collective et des luttes de prestige.Dans les villages amérindiens des basses terres, comme ceux des Kakataibo d’Amazoniepéruvienne analysés par Magda Dziubinska dans ce dossier, la mise en place deconcours de beauté – phénomène récent – témoigne d’une intégration de cescommunautés dans un système régional plus ample où le mode de relation officiel entrevillages de même stature administrative passe en grande partie par un répertoire defestivités civiles souvent associées à la célébration de la nation. Dans ce cadre-là, unefois par an, les concours de Miss ajoutent à la « représentation-mandat » de l’hommepolitique tirant sa légitimité des épreuves électorales, une « représentation-incarnation » du corps politique dans la figure féminine de la Miss6. À travers desconcours de beauté exclusivement féminins, c’est un processus de division desfonctions honorifiques selon une valorisation hiérarchisée des modes de représentationqui se met en branle.

8 Celle qui porte le titre honorifique de Miss ou de reine a comme principale fonction

d’incarner une effigie au service du prestige de son groupe social ou de son village,c’est-à-dire de représenter avec splendeur et sensualité le corps politique dans lesespaces de sa vie publique et diplomatique. En cela, la pratique fréquente en Amériquelatine consistant à désigner des marraines (madrinas, quelques fois appelées señoritas)lors des événements impliquant des organisations de la société civile (équipes de sport,syndicats, écoles, etc.), tout comme celle propre au Brésil consistant à choisir des muses(musas) et des reines de batterie (rainha de bateria) lors des carnavals relèvent de lamême logique que celle des concours de Miss7. Les candidates des premiers concours deMiss Kayapó du Brésil central, analysés dans ce dossier par André Demarchi,reprennent d’ailleurs les codes de l’ornementation corporelle des jeunes filles quioccupent le rôle récemment créé de rainhas, sorte de dames d’honneur aux paruresexubérantes qui accueillent dans les villages kayapó les autorités venant des villesvoisines. En dotant de belles jeunes femmes célibataires d’une fonction honorifique de

Journal de la Société des américanistes, 103-1 | 2017

10

représentation du groupe, il s’agit de fournir à ce groupe une figure de médiation avecl’extérieur qui soit féminine, inclusive et particulièrement séduisante. Les jeunes Missou reines font office à la fois d’emblèmes du groupe et d’intermédiaires entre lesorganisateurs, les participants et les invités – c’est-à-dire généralement entre deshommes – dans les événements auxquels elles participent. Elles peuvent ainsi êtreplacées en tête des cortèges et affublées d’une écharpe ornée des motifs héraldiques dugroupe, accompagner les hommes politiques lors de la réception de visiteurs de marqueou encore figurer en premier plan dans l’iconographie officielle. Alors que dans sarelation avec l’extérieur l’homme politique a pour fonction d’entraîner les autres parses discours, la Miss doit mettre en scène son propre corps afin de susciter admirationet sympathie. Dans son article sur les concours kakataibo en Amazonie péruvienne,Dziubinska va plus loin : les concours de beauté seraient une excellente occasion deprésenter aux alliés, métis et indigènes, les futures candidates au mariage et d’attirerdes hommes étrangers dans la communauté.

9 À cet égard, la priorité donnée aux ornementations corporelles des femmes dans les

espaces publics représente pour beaucoup de sociétés amérindiennes, en particulierdans les basses terres, une rupture par rapport aux pratiques traditionnelles où ce n’estpas tant la beauté féminine qui s’expose publiquement que celle des hommes. Lefoisonnement des parures et le chatoiement des couleurs peuvent alors être aussi bienun moyen d’impressionner de potentiels ennemis que d’indiquer son appartenance àune fonction ou un statut social8. On peut considérer l’apparition des concours debeauté parmi les populations amérindiennes comme l’indice de changements dans lesmanières de structurer les espaces publics avec l’instauration d’un champ de relationspolarisé autour d’une dualité sexuelle, plutôt que d’un autre axe de différenciation (parexemple celui du couple affinité/consanguinité).

La Miss, figure de l’intégrité et de la continuitéculturelle

10 Dans ces spectacles où l’enjeu principal pour les candidates est d’exhiber des qualités et

des savoir-faire distinctifs considérés comme autant d’attributs d’une féminité idéale,la question des aptitudes déployées sur scène et celle des principes gouvernant laproduction des costumes, ornements et chorégraphies ne tardent pas à se poser. Cesquestions apparaissent d’autant plus importantes que les différentes épreuves mettenten jeu des qualités et des valeurs souvent contradictoires. Typiquement, alors quependant l’épreuve du « costume traditionnel » les candidates amérindiennes doiventfaire la preuve d’une continuité avec des traditions chorégraphiques et ornementaleslocales, lors de l’épreuve du costume « de gala » ou « de soirée », c’est l’appropriationd’une esthétique urbaine, innovante et affriolante qui est valorisée. Dans la ville deQuetzaltenango, la question de l’adéquation des candidates et des reines à des canonsesthétiques que les organisateurs imaginent comme ancestraux, notamment pour faireface au péril de l’acculturation, a nourri la plupart des conflits entre les groupes encharge du concours et se situe à l’origine des changements de règlement, d’épreuve etd’organisation. La classification par l’État guatémaltèque du concours deQuetzaltenango comme patrimoine culturel intangible de la Nation reflètecertainement le poids accordé à la question de l’authenticité dans ce spectacle(Celigueta). On retrouve le même souci de présenter les performances des candidates

Journal de la Société des américanistes, 103-1 | 2017

11

comme une expression de la tradition chez les Kayapó du Brésil central. Dans cettesociété où l’ornementation corporelle constitue un patrimoine jalousement gardé,notamment parce que parures et peintures peuvent faire office d’emblèmes d’affiliationà des catégories sociales – dont la classe d’âge et le sexe –, le contrôle de la mise enscène du concours de Miss et des photos qui en sont prises sont de fait une priorité(Demarchi). Mais face à des membres du jury qui ignorent ce qu’il est acceptable defaire, selon les Kayapó, sur le tapis rouge du concours ou avec les photographies descandidates, ces derniers ont exigé auprès des organisateurs (une municipalitébrésilienne voisine) un plus grand contrôle de l’événement, allant jusqu’à l’interdire.L’article de Dziubinska montre que les Kakataibo font preuve d’une plus grandesouplesse dans l’épreuve du « costume typique ». La reprise des anciennes coutumesd’ornementation corporelle impliquerait de voir défiler les adolescentes à moitié nues.Cela provoquerait une stigmatisation en termes de « sauvagerie », stigmatisation dontce groupe essaie de se défaire et qui serait peu compatible avec l’ambition générale deces concours, où il s’agit moins d’affirmer la maîtrise d’une tradition ethniquedistinctive que celle d’un glamour moderne et mondain. Les candidates puisent alorsdans un imaginaire esthétique aujourd’hui partagé par les métis et les Kakataibo, fruitdes rapports interethniques dans la région.

11 Bien que souvent organisés au nom d’une revitalisation culturelle ou d’une

discrimination positive, les concours ethniques et genrés sont fréquemment en ruptureavec les esthétiques propres aux groupes qui les organisent en copiant celles desgroupes socialement dominants. Au Brésil, face aux polémiques engendrées par leconcours de Miss Kayapó, la FUNAI (Fundação Nacional do Índio, agence étatique en

charge des affaires indigènes) a produit un communiqué qui résume bien les critiquesque suscite la tenue de concours de beauté indigène : « […]. De telles initiatives necontribuent pas à la promotion de la diversité sociale brésilienne, mais renforcentplutôt des vues partiales sur les femmes, déconstruisent les savoirs autochtones etdévaluent la valeur symbolique des femmes dans les différentes sociétés autochtones »9. Certains commentateurs des concours maya de Quetzaltenango ajoutent unedimension militante : en se focalisant sur des revendications d’ordre esthétique, lesconcours de reines de beauté détourneraient les populations des luttes plusfondamentalement politiques (Celigueta).

La Miss, figure de transformations

12 On peut penser que la représentation symbolique du corps politique produite par les

concours de Miss vis-à-vis de l’extérieur participe à la transformation des attributsféminins au sein des sociétés amérindiennes. L’établissement d’un lien entre le destind’un groupe dans sa totalité – hommes et femmes confondus – et une personnespécialement distinguée pour sa féminité est peut-être un des éléments les plussignifiants de cette transformation. Ce lien ne se constitue pas seulement à travers lesdéfilés en costumes, mais pendant une épreuve où les candidates sont amenées àtémoigner, par un bref discours, de leur engagement à défendre les intérêts du groupeet à faire la promotion d’une vie en communauté respectueuse des valeurs les plusconsensuelles. Par-là, les concours apparaissent comme un premier pas dans laformation d’un leadership féminin10. « Tout a commencé quand j’ai été élue reine lorsdu concours de Miss indigène à Pucallpa », affirmait ainsi Diana Mori à Magda

Journal de la Société des américanistes, 103-1 | 2017

12

Dziubinska, pour expliquer son parcours de militante shipibo engagée dans plusieursprojets de défense des droits territoriaux des peuples indigènes au Pérou. Encore unefois, cet effet des concours n’est pas propre à ceux définis en termes ethniques : « le faitd’avoir gagné des concours de beauté m’a énormément aidé […] à ce que je me définissecomme femme transsexuelle et que je devienne une militante » confie une despremières Miss Bolivie Transexuelle à Pascale Absi dans ce dossier.

13 Au-delà de ces effets de subjectivation en vue d’un leadership se déployant dans les

espaces intermédiaires entre le groupe et l’extérieur, la question de la promotion parles concours d’une esthétique hors du commun est également abordée par les auteursde ce dossier. Chacun décrit à la fois les conceptions locales de la beauté et la manièredont les différents régimes du beau, souvent contradictoires, s’intriquent dans lesconcours de Miss indigène. En mettant en lumière les continuités dans les manières depercevoir le beau et d’embellir les corps féminins, Demarchi insiste sur les nombreusesanalogies entre les concours de Miss et les rituels de nomination destinés aux jeunesfilles. Il est vrai que les concours de Miss Kayapó ne ressemblent à aucun autre parl’ampleur du traitement corporel des impétrantes et qu’il existe déjà dans ce groupe unimportant appareil initiatique dédié à la polarisation homme-femme. Les deuxcérémonies sont réservées aux filles pubères qui incarnent ce qui est considéré commela perfection dans l’esthétique kayapó – le corps féminin jeune, ferme et sexuellementdésirable. L’enjeu explicite de ces deux pratiques est de rendre encore plus beau lecorps des filles, plus séduisant et surtout immanquablement féminin. À la différence decette continuité que Demarchi a pu observer au Brésil central, Magda Dziubinskamontre comment l’école et les concours de beauté organisés par les professeurs métisintroduisent un nouveau canon de beauté parmi les adolescents kakataibo d’Amazoniepéruvienne11. La minceur, qui en fait partie, est de plus en plus valorisée et recherchéepar les jeunes femmes, alors que ce sont des corps féminins forts et robustes quepréfèrent les Kakataibo plus âgés, la maigreur étant généralement associée à lamaladie, au manque de force et à l’altération des rapports sociaux. Bien que lesconcours de Miss kayapó et kakataibo soient différents, tant du point de vue del’organisation que de celui de la manière dont ils mobilisent et manipulent l’imageriede l’indianité, les deux concours éclairent le lien entre la beauté et l’imitation de lagestuelle des mannequins professionnels. Les contributions de ce dossier insistent ainsisur le travail et les techniques du corps visant à incarner une certaine beauté féminine– le « glamour » des Miss. En plus de l’ornementation corporelle, candidater à unconcours implique en effet l’incorporation d’une série de dispositions, parfois laisséesimplicites, contrastant avec les habitudes ordinaires : démarche, postures, regards,expressions faciales, port de tête, mouvements des mains, autant de marqueurs dedifférenciation entre les sexes d’une part, et d’autre part entre les « femmes ducommun » et les Miss. On retrouve d’ailleurs dans plusieurs photographiesaccompagnant ce dossier le fameux « bashful knee bend » identifié par Goffman (1976,p. 45) dans les annonces publicitaires américaines : une jambe avancée par rapport àl’autre et le genou légèrement plié, de sorte à produire une posture courbée danslaquelle le mouvement est arrêté afin de s'offrir aux regards. Mais il ne s’agit passeulement de défiler en se déhanchant, l’enjeu est d’associer les mouvements sensuels àune certaine disposition affective combinant la joie et l’audace, transformant ainsi laperformance en un exercice de séduction. Dans les deux cas amazoniens, cette mise enmouvement particulière du corps constitue un des critères de beauté décisif pourgagner la compétition.

Journal de la Société des américanistes, 103-1 | 2017

13

14 L’exemple le plus frappant de transformation corporelle présenté dans ce dossier est

celui des femmes transsexuelles boliviennes décrit par Absi. Le principal enjeu de cestransformations est de produire un corps nouveau, exhibant une identité féminine, cequi implique la prise d’hormones, des injections de silicone et souvent uneréassignation génitale. Le concours de beauté offre ici un cadre idéal pour mettre enscène ces corps transformés et valider ainsi la transition. Une fois la ressemblance avecla femme « naturelle » établie, chaque candidate doit encore incorporer les codesesthétiques et comportementaux d’une femme glamour hypersexuée qui incarne lefantasme de ce que Deborah Elliston a désigné comme la « Global Femme »12. C’est ainsique selon Absi le collectif LGBT bolivien reproduit dans ses concours de Miss la féminitédans ce qu’elle a de plus exacerbé et stéréotypé. Remarquons au passage que ce modèlede féminité mondaine et glamour n’est pas complètement absent des villagesamérindiens mais, comme le montrent les articles de Dziubinska et Demarchi, il yparvient de manière indirecte, médiatisée par les autres populations locales, parexemple au sein de l’école ou, précisément, par le biais des concours de beauté. Dans lacontinuité de la pensée de Butler (1993), Absi suggère que la mise en scène de la femme« sur-produite » lors des concours de beauté transsexuels pourrait être perçue commeune stratégie adoptée par les femmes transsexuelles dont l’enjeu est de se faireaccepter dans un premier temps en tant que femme, afin de subvertir ensuite cettecatégorie en l’ouvrant à des expériences alternatives de la féminité.

15 Finalement, nous espérons que ce dossier thématique consacré aux concours de beauté

témoigne, grâce à la diversité des cas étudiés et des perspectives adoptées, de larichesse et de l’intérêt de cet objet de recherche original, parfois déconcertant maisassurément flamboyant, où le politique s’entrelace avec l’esthétique dans un décorumgai et kitch. Si l’on en juge par l’enthousiasme manifesté tant par les intervenants à lajournée d’étude que par le public nombreux venu les écouter, le pari d’abordersérieusement les coulisses des concours de beauté a été gagné ; s’il y a des reines dansles sociétés sans roi, il y a mystère.

BIBLIOGRAPHIE

ALÈS Catherine

2010 « Art corporel, savoir et engendrement chez les Yanomami », in Gilles Boëtsch, Dominique

Chevé et Hélène Claudot-Hawad (éd.), Décors des corps, CNRS Éditions, Paris, p. 331-341.

ALEXEYEFF Kalissa

2000 « Dragging drag: The performance of gender and sexuality in the Cook Islands », The

Australian Journal of Anthropology, 11 (2), p. 97-307.

ASSAYAG Jackie

1999 « La “glocalisation” du beau. Miss Monde en Inde, 1996 », Terrain, 32, p. 67-82.

Journal de la Société des américanistes, 103-1 | 2017

14

BALOGUN Oluwakemi

2012 « Cultural and cosmopolitan. Idealized femininity and embodied nationalism in Nigerian

Beauty Pageants », Gender & Society, 26 (3), p. 357-381.

BANET-WEISER Sarah

1999 The most beautiful girl in the world. Beauty pageants and national identity, University of

California Press, Berkeley/Los Angeles/London.

BESNIER Niko

2002 « Transgenderism, locality, and the Miss Galaxy beauty pageant in Tonga », American

Ethnologist, 29, p. 534-566.

BOUSQUET Marie-Pierre et Anny MORISETTE

2014 « Reines, princesses, Miss et majorettes. Une construction de la féminité chez les

Amérindiens et Amérindiennes du Québec (XXe-XXIe siècles) », in Gilles Havard et Frédérick

Laugrand (éd.), Éros et tabou. Sexualité et genre chez les Amérindiens et les Inuit, Septentrion, Québec,

p. 359-407.

BORLAND Katherine

1996 « The India Bonita of Monimbó. The politics of ethnic identity in the New Nicaragua », in

Collen Ballerino Cohen, Richard Wilk et Beverly Stoeltje (éd.), Beauty queens on the global stage,

Routledge, New York/London, p. 75-88.

BUTLER Judith

1993 Bodies that matter. On the discursive limits of « sex », Routledge, Londres/New York.

CANESSA Andrew

2008 « Sex and the citizen. Barbies and beauty queens in the age of Evo Morales », Journal of Latin

American Cultural Studies, 17 (1), p. 41-64.

COHEN Ballerino Colleen, Richard R. WILK et Beverly STOELTJE

1996 Beauty queens on the global stage: gender, contests, and power, Routledge, New York.

COLLET Celia

2006 Ritos de civilizaçao e cultura: a escola bakairi, thèse de doctorat, département d’Anthropologie

sociale, Universidade Federal do Rio de Janeiro.

DIEHL Paula, Yves SINTOMER et Samuel HAYAT

2014 « Introduction au dossier. La représentation politique », Trivium [en ligne], 16 , http://

trivium.revues.org/4771, consulté le 28/04/17.

EDMONDSON Belinda

2003 « Public spectacles. Caribbean women and the politics of public performance », Small Axe,

7 (13), p. 1-16.

ELLISTON Deborah

2014 « Queer history and its discontents at Tahiti: the contested politics of modernity and sexual

subjectivity », in Niko Besnier et Kalissa Alexeyeff (éd.), Gender on the edge. Transgender, gay, and

other Pacific islanders, University of Hawai’i Press, Honolulu, p. 33-55

ERIKSON Philippe

2003 « “Comme à toi jadis on l’a fait, fais-le moi à présent…” Cycle de vie et ornementation

corporelle chez les Matis (Amazonas, Brésil) », L’Homme, 167-168 (3-4), p. 129-152.

Journal de la Société des américanistes, 103-1 | 2017

15

FRANCHETTO Bruna (éd.)

2003 Ikú ügühütu higei. Arte gráfica dos povos karib do alto Xingu, Museo do Indio/FUNAI, Rio de

Janeiro.

GALLOIS Dominique

2002 Kusiwa: pintura corporal e arte gráfica waiãpi, Museu do Índio/FUNAI/CTI/NHI/USP, Rio de

Janeiro.

GOFFMAN Erving

1976 Gender advertisements, Harper Torchbooks, New York/Cambridge/San Francisco.

GUSTAFSON Bret

2006 « Spectacles of autonomy and crisis. Or, what bulls and beauty queens have to do with

regionalism in Eastern Bolivia », Journal of Latin American Anthropology, 11 (2), p. 351-379.

HENDRICKSON Carol

1991 « Images of the Indian in Guatemala: the role of Indigenous dress in Indian and Ladino

constructions », in Greg Urban et Joel Sherzer (éd.), Nation-States and Indians in Latin America,

University of Texas Press, Austin, p. 287-306.

HOWARD Catherine

1991 « Fragments of the heavens: feathers as ornaments among the Waiwai », in Ruben E. Reina

et Kenneth M. Kensinger (éd.), The gift of birds: featherworking of Native South American Peoples,

University Museum-University of Pennsylvania, Philadelphia, p. 50-69.

HUGH-JONES Stephen

2014 « Caixa de Pandora: estilo alto-rio-negrino », Revista de antropologia da UFSCar, 6, p. 155-173.

LAGROU Elsje

2011 « Le graphisme sur les corps amérindiens. Des chimères abstraites ? », Gradhiva. Revue

d’anthropologie et d’histoire des arts, 13, p. 69-93.

LÓPEZ GARCÍA Julían

2015 « Reinas indígenas de Guatemala en el siglo XXI: melancolía, orgullo y coraje », in Manuel

Gutierrez Estevez et Alexandre Surrallés (éd.), Reto rica de los sentimientos: etnografias amerindias,

Iberoamericana-Vervuert, Madrid, p. 177-231.

MACEDO Silvia

2009 « Indigenous school policies and politics. The sociopolitical relationship of Wayapi

Amerindians to Brazilian and French Guianan schooling », Anthropology and Education Quarterly,

40, p. 170-186.

MARCOY Paul

1869 Voyage à travers l’Amérique du Sud, de l’Océan Pacifique à l’Océan Atlantique, Hachette, Paris.

MCALLISTER Carlota

1996 « Authenticity and Guatemala’s Maya Queen », in Collen Ballerino Cohen, Richard Wilk et

Beverly Stoeltje (éd.), Beauty queens on the global stage, Routledge, New York/London, p. 105-124.

MENTORE George

1993 « Tempering the social self: body adornment, vital substance, and knowledge among the

Waiwai », Journal of Archeology and Anthropology, 9, p. 22-23.

MORENO María

2007 « Misses y concursos de belleza indígena en la construcción de la nación ecuatoriana »,

Íconos. Revista de Ciencias Sociales, 28, p. 81-91.

Journal de la Société des américanistes, 103-1 | 2017

16

NAPOLITANO Valentina

1997 « Becoming a Mujercita: rituals, fiestas and religious discourses », The Journal of the Royal

Anthropological Institute, 3 (2), p. 279-296.

PEQUEÑO Andrea

2004 « Historias de misses, historias de naciones », Íconos. Revista de Ciencias Sociales, 20,

p. 114-117.

RAHIER Jean

1998 « Blackness, the racial/spatial order, migrations, and Miss Ecuador 1995-96 », American

Anthropologist, 100 (2), p. 421-430.

RAMÍREZ Ingrid J.

2007 « Reinados de belleza y nacionalización de las sociedades latinoamericanas », Íconos. Revista

de Ciencias Sociales, 28, p. 71-80.

RIVAL Laura

1996 « Formal schooling and the production of modern citizens in the Ecuadorian Amazon », in

Bradley A. Levinson, Douglas E. Foley et Dorothy C. Holland (éd.), The cultural production of the

educated person, State University of New York Press Albany, p. 153-168.

ROGERS Mark

1999 « Spectacular bodies: folklorization and the politics of identity in ecuadorian beauty

pageants », Journal of Latin American Anthropology, 3 (2), p. 54-85.

SCHACKT Jon

2005 « Mayahood through beauty: Indian beauty pageants in Guatemala », Bulletin of Latin

American Research, 24 (3), p. 269-287.

SEEGER Anthony

1975 « The meaning of body ornaments: a Suya example », Ethnology, 14 (3), p. 211-224.

SIERRA BECERRA Diana C.

2017 « The first black Miss Colombia and the limits of multiculturalism », Latin American and

Caribbean Ethnic Studies, 12 (1), p. 71-90.

STANFIELD Michael E.

2013 Of beasts and beauty: gender, race, and identity in Colombia, University of Texas Press, Austin.

TAYLOR Anne-Christine

2003 « Les masques de la mémoire. Essai sur la fonction des peintures corporelles jivaro »,

L’Homme, 165 (1), p. 223-248.

TURNER Terence

1995 « Social body and embodied subject: bodiliness, subjectivity and sociality among the

Kayapó », Cultural Anthropology, 10 (2), p. 143-179.

VIDAL Lux

1981 « Contribution to the concept of person and self in Lowland South America: body painting

among the Kayapo-Xikrin », in Contribuçoes à antropologia em homengaem ao Professor Egon Schaden,

Museu Paulista, Saõ Paulo, p. 291-302.

WILLIAMS Caroline

2013 It’s not a beauty pageant! An examination of leadership development through Alaska native pageants,

University of Arizona, Tucson.

Journal de la Société des américanistes, 103-1 | 2017

17

WROBLEWSKI Michael

2014 « Public Indigeneity, Language Revitalization, and Intercultural Planning in a Native

Amazonian Beauty Pageant », American Anthropologist, 116 (1), p. 65-80.

NOTES

1. À l’exception du texte d’André Demarchi, ce dossier présente des travaux discutéslors d’une journée d’étude tenue au Laboratoire d’ethnologie et de sociologiecomparative à l’université Paris Nanterre, le 11 décembre 2015, dans le cadre du projetANR Fabriq’Am « La fabrique des “patrimoines”. Mémoires, savoirs et politiques enAmérique indienne aujourd'hui » (ANR-12-CULT-005). Nous remercionsparticulièrement Valentina Vapnarsky, Anath Ariel de Vidas et Philippe Erikson pourleur soutien dans l’organisation de cet événement et de ce dossier thématique.

2. Edmondson (2003, p. 14), à propos du Venezuela.

3. Rahier 1998 ; Pequeño 2004 ; Moreno 2007 ; Ramírez 2007 ; Stanfield 2013, p. 220-230 ;Sierra Becerra 2017. Ces auteurs montrent que depuis la fin des années 1980 l’inclusiondans les concours de Miss nationaux de candidates dont la couleur de peau n’est pasblanche a posé un dilemme parmi les élites urbaines : celui de la construction d’uneidentité nationale unifiée et singulière qui tienne compte des différences. Cela n’estévidemment pas restreint à l’Amérique latine. À partir d’une ethnographie de plusieursconcours de Miss America aux États-Unis, Sarah Banet-Weiser voit dans les « classic

liberal stories » – la réalisation individuelle, le pluralisme et la tolérance – répétéespendant les concours et dans les médias conventionnels, une tentative de résoudre leproblème d’une représentation unifiée de l’identité nationale (1999, p. 208).

4. Remarquons que si cette hypothèse nord-américaine permet sans doute d’expliquerl’homogénéité actuelle des mises en scène des concours nationaux, elle ne nous paraîtpas suffisante pour comprendre l’émergence des concours de reine de beauté tout aulong du XXe siècle dans les villages des zones rurales peu connectées avec les médias

nationaux et les structures politiques des grandes villes. La prise en compte desmultiples festivités catholiques (patronales, paroissiales, decembrinas, etc.) et autresfêtes populaires où la dévotion mariale peut donner lieu à la désignation d’une« marraine » ou d’une « reine des fêtes » pourrait éclairer l’adoption rapide de cesconcours dans les festivités des populations vivant à proximité des territoiresamérindiens. Sur l’air de famille entre représentation de la Vierge et Miss, voirCeligueta dans ce dossier et López García (2015, p. 178, 207).

5. Rogers 1999 ; Borland 1996 ; McAllister 1996 ; Wroblewski 2014.

6. Nous devons les formules « représentation-mandat » et « représentation-incarnation » à la lecture des travaux de philosophie politique de Diehl, Sintomer etHayat (2014).

7. Il est aussi possible de situer les concours de Miss dans la continuité de célébrationsinscrivant les femmes dans un parcours de vie distinct de celui des hommes. Une descérémonies familiales parmi les plus importantes dans les sociétés nationales latino-américaines, qui a fait l’objet d’une appropriation dans certains contextes autochtones,est la fête d’anniversaire des quinze ans (quinceañera, ou festa de debutante au Brésil),dont il n’existe pas d’équivalent masculin. À la charge des parents et de leurs alliés, ce

Journal de la Société des américanistes, 103-1 | 2017

18

rite de puberté célèbre sous la forme d’un « mariage sans fiancé » (Napolitano 1997)l’entrée dans la maturité sexuelle des jeunes filles qui ont atteint leurs quinze ans.

8. Nous renvoyons le lecteur à la littérature amazoniste qui a fourni de lumineusesanalyses sur les modes d’apparence : Seeger (1975), Vidal (1981), Howard (1991), Turner(1995), Mentore (1993), Gallois (2002), Erikson (2003), Taylor (2003), Franchetto (2003),Alès (2010), Lagrou (2011) et Hugh-Jones (2014).

9. Communiqué officiel de la FUNAI : http://www.funai.gov.br/index.php/comunicacao/

notas/2791-nota-funai-miss-brasil-indigena, consulté le 01/03/17.

10. Le passage du concours de beauté aux compétitions électorales semble régulier chezles populations autochtones d’Amérique du Nord (Bousquet et Morissette 2014 ;Williams 2013 ; Cohen et al. 1996) et, dans une certaine mesure, dans les concours maya(Celigueta dans ce dossier ; McAllister 1996 ; Schackt 2005).

11. On retrouve là le rôle de l’institution scolaire en Amazonie dans la transmission descodes de célébration des États-nations, à travers l’enseignement des valeurs, hymnes etchorégraphies qui sont au cœur de ces cérémonies (voir Rival 1996 ; Collet 2006 ;Macedo 2009).

12. En résonance avec d’autres auteurs (notamment Asayag 1999, Alexeyeff 2000,Besnier 2002 et Balogun 2012), Elliston décrit ce modèle de féminité comme « a mass

mediated Euro-American fashion-model feminity, beautiful in cover model ways – thin, ever-

youthful, scantily clad, made up in cosmetics, glamorous, and white » (2014, p. 44).

AUTEURS

GRÉGORY DESHOULLIÈRE

EHESS/Laboratoire d’anthropologie sociale, 52, rue du Cardinal Lemoine, 75005 Paris

[[email protected]]

MAGDA HELENA DZIUBINSKA

LESC/EREA, 21, allée de l’Université, 92023 Nanterre CEDEX [[email protected]]

Journal de la Société des américanistes, 103-1 | 2017

19

¿Unas elecciones de verdad?Autenticidad, representación yconflicto en los concursos de ReinasIndígenas de GuatemalaTrue elections? Authenticity, Representation and Conflict at the Indigenous

Queens Pageants in Guatemala

De vraies élections? Authenticité, représentation et conflit dans les concours de

reines indigènes au Guatemala

Gemma Celigueta

NOTA DEL EDITOR

Manuscrit reçu en mai 2016, accepté pour publication en mars 2017.

Introducción

1 Hace ya algunas décadas que los concursos para elegir a Reinas Indígenas – o

Representativas Mayas o Indígenas como prefieren llamarse ahora – se han convertidoen parte esencial de los programas de las fiestas patronales y/o de las fiestas patrias decasi todos los pueblos de Guatemala. Proliferan, además de estos concursos locales,concursos temáticos1, por áreas lingüísticas2, departamentos3 o de ámbito nacional4 eincluso internacional, como la elección de la Princesa Ixchel que, desde el año 2011, tienelugar en Florida (EEUU) entre las hijas de algunos migrantes indígenas guatemaltecos(Molina 2012, p. 121-122). Si a ello añadimos los concursos de niñas indígenas5 que seestán expandiendo desde los años 2000, o bien los que también se organizan en lasaldeas de algunos municipios, podemos considerar que, a pesar de su apariencia frívolay superficial, estos eventos han adquirido un significativo valor social en Guatemala.

Journal de la Société des américanistes, 103-1 | 2017

20

2 Ciertamente su abrumadora presencia no es del gusto de todo el mundo. Como señalan

la mayoría de los autores, los concursos han sido y son criticados por algunos actores deGuatemala por no ser expresiones culturales auténticas de los pueblos indígenas(Molina 2012, p. 97, 99; Celigueta 2014, p. 74; Schackt 2005, p. 273, 284), por mostrar unavisión tergiversada, turística y comercializada de la cultura maya (Schackt 2005, p. 273)o bien por faltarle el respeto a los pueblos indígenas en general y a la mujer maya enparticular al exhibirla como a un objeto (López García 2015, p. 188; Molina 2012, p. 99).En la calle, en algunos artículos de la prensa o en las mismas redes sociales podemosapreciar críticas similares. Una joven k’iche’, por ejemplo, escribía en su perfil deFacebook, en 2015: « Sigo creyendo que todo esto de las Reinas es para distraer alpueblo de hacer algo verdadero. » Yo misma tuve serias dudas antes de prestarleatención académica a estos concursos y sólo lo hice cuando la historia del Xel-ju, laorganización política indígena que estaba estudiando en la ciudad de Quetzaltenango,en el altiplano occidental de Guatemala, me llevó directamente hasta el concurso deReina Indígena de Xelajú6. En el pasado, los clubes que postulaban candidatas a Reina sehabían comportado como partidos políticos, haciendo campaña electoral por aspirantesque hasta 1969 eran elegidas mediante el voto popular en las urnas. Dichos clubes hansido considerados no sólo como precedentes del Xel-ju, sino también de las futurasorganizaciones del movimiento indígena (Celigueta 2012, 2014).

3 En realidad, estos eventos son tomados bastante en serio por parte de la población.

Prueba de ello es la emoción que despierta entre el público la aparición de las jóvenesen los escenarios, el apoyo de los grupos postulantes a su candidata con pancartas,silbatos, serpentinas y cánticos, el seguimiento de los medios de información, el llenototal de los espacios en donde se eligen a las futuras Reinas o bien las fotografías yrecuerdos del reinado que inundan las casas de las antiguas Reinas. En la mismaQuetzaltenango, una ciudad en la cual la memoria de su importante historia indígena – por no hablar de las mujeres – es poco visible, existe un parque de juegos infantiles conel nombre de la Reina de 1970, así como también un busto de la primera Reina IndígenaRosa de Paz Chajchalaj (1934-1935) junto a una placa conmemorativa con el nombre detodas las Reinas de la ciudad. Por si fuera poco, la comisión organizadora del concursoen 1984 y la Umial Tinimit Re Xelajuj Noj (Hija del pueblo de Quetzaltenango)de 2003-2004 han editado respectivamente dos publicaciones con los nombres,fotografías, biografía y actividades realizadas durante cada reinado (Tzunum 1985;López Quemé 2004). Podemos valorar negativamente el hecho de que estos concursoshayan sido uno de los pocos espacios de visibilidad de las mujeres indígenas, perociertamente no podemos ignorarlos.

Journal de la Société des américanistes, 103-1 | 2017

21

Fig. 1 – Homenaje a las Reinas Indígenas situado en la entrada del teatro municipal deQuetzaltenango. Fotografía de la autora, Agosto del 2006.

4 Es por estas razones que estos eventos han llamado la atención de varios autores

nacionales y extranjeros que han clasificado y catalogado la diversidad de concursosexistentes en el país (Molina 2012), han recogido la historia de algunos de ellos como elde Quetzaltenango (Tzunum 1985; López Quemé 2004; Celigueta 2012, 2014) o hananalizado el importante papel político de las Reinas Indígenas del siglo XXI (López

García 2015). Pero probablemente, el tema que más se ha problematizado en relacióncon las Reinas Indígenas de Guatemala ha sido el de la « autenticidad »(McAllister 1996; Konefal 2009; Schackt 2005). Como afirma Handler (1986), laautenticidad es una construcción cultural ligada a una noción de cultura como entidadúnica e individualizable. La existencia de una colectividad nacional depende, en ciertamanera, de la posesión de esa cultura única y original. Por ello, al igual que en otrospaíses de América Latina, las autoridades guatemaltecas buscaron distinguirse del restode naciones a partir de su herencia indígena. Por ello, también, el movimiento indígenaprimero y maya después cuestionaron estas representaciones nacionales proponiendomodelos alternativos de lo indígena que han ido cambiando según contextos eintereses. La « indianidad », « indigeneidad » o « mayanidad » son performativas(Canessa 2012). Son encarnadas y representadas por individuos que dialogan de estamanera con representaciones defendidas por el Estado o por el movimiento indígena. Eldesafío es que, al mantener este diálogo en términos de autenticidad – es decir entérminos unívocos y esenciales –, dichas representaciones suelen entrar en conflicto.

5 En este artículo quiero aportar ejemplos históricos y etnográficos de esta variedad de

significados de lo indígena. He escogido mostrar esta diversidad a través de losconflictos y debates que provocan los concursos de Guatemala y que a menudo estánrelacionados con la autenticidad de los mismos. La mayoría de observaciones yentrevistas se realizaron en 1998, 1999 y 2006, durante mi trabajo de campo en

Journal de la Société des américanistes, 103-1 | 2017

22

Quetzaltenango para la tesis doctoral, aunque he realizado estadías más cortas enel 2009, 2010 y 2016 relacionadas con otras investigaciones. Como la elección de Umial

Tinimit se realiza a finales de agosto, precediendo a las actividades de la Feria de laIndependencia y coincidiendo también con mis vacaciones académicas, en mis viajes aGuatemala suelo coincidir con actividades asociadas con estos eventos. He asistido a lavelada de elección de la Umial Tinimit de 1999 en el teatro municipal, a diversaspresentaciones de las candidatas en el parque central de la ciudad, a varios talleresimpartidos a las concursantes por las organizaciones mayas y he seguido también laelección de U mial Tinimit en la televisión local. Además, he asistido a los concursos deotros pueblos como por ejemplo Cantel, en el mismo departamento de Quetzaltenango.Quetzaltenango o Xelajuj Noj en k’iche’ está situada en la región más densamentepoblada y con más población indígena del país, el altiplano occidental guatemalteco, ydestaca por ser el centro administrativo y comercial del mismo. Según el último censode población (2002), cuenta con 127.000 habitantes, de los cuales 63.714 se clasificancomo indígenas y 63.855 como no indígenas. La mayoría de estos indígenas pertenecenal grupo maya-k’iche’, viven en el centro urbano y han sido considerados como unaclase media o una pequeña burguesía indígena (Velásquez 2002).

6 Los concursos de Quetzaltenango proporcionan pues mi principal material de reflexión,

aunque en este artículo busco generalizar el análisis dialogando con otros autores(McAlllister 1996; Molina 2012; Schackt 2005; López García 2015; Konefal 2009) quetambién han prestado atención a este tipo de eventos en Guatemala, especialmente elde Rab’in Ajaw en Cobán. Además de contar con abundante material sobre el mismo, elconcurso de Quetzaltenango cuenta con la ventaja de ser uno de los más antiguos yconocidos del país. Tanto es así que el 18 de octubre del 2011 se declaró comopatrimonio cultural intangible de la Nación. Sólo el Festival Folklórico Nacional deCobán, cuya actividad principal es la elección de Rab’in Ajaw, ha recibido esa distinción.Al reflexionar a partir de este concurso, cuento asimismo con la ventaja de ciertaperspectiva histórica que me permite observar las transformaciones de este tipo deeventos, aunque es importante aclarar que cada localidad tiene su propio ritmo ycontexto.

De Indias Bonitas a Reinas y Princesas Indígenas.Belleza, Etnicidad y Nación

7 Los primeros concursos de belleza indígena de los que se tiene noticia en Guatemala

datan de la década de 1930. Se trata de los concursos de India Bonita Cobanera en 1931(McAllister 1996, p. 112), de India Bonita de Quetzaltenango hacia finales de losaños 1920 (Tzunum 1985, p. 3) y de India Bonita del departamento de Sacatepéquezen 1933 (Molina 2012, p. 92). Al parecer, los concursos de belleza indígena llegaron aGuatemala desde el México revolucionario. En 1921, el gobierno mexicano y dos de losperiódicos más leídos del momento organizaron en la capital un concurso de indiabonita para elegir a la indígena más bella del país (Ruiz 2001; Molina 2012, p. 92;Konefal 2009, p. 58). Es probable que el concurso se haya difundido rápidamente a otroslugares, alentado por unas autoridades que vieron en él un espacio adecuado parapromover el nacionalismo y la hasta entonces fallida integración del indio en la Nación.

8 En Guatemala, la década de 1930 coincide con la llegada al poder de Jorge Ubico

(1931-1944), el último dictador liberal del país antes de la revolución democrática

Journal de la Société des américanistes, 103-1 | 2017

23

de 1944, conocido por promover una política populista, clientelar y paternalista con losgrupos indígenas del país (Grandin 2007; Taracena et al. 2002). Entre otras medidas,Ubico promocionó espectáculos y exposiciones folklóricas como por ejemplo losllamados « pueblos indígenas », en los cuales se mostraban a personas de carne y huesorealizando actividades « típicas » como tejer, hacer canastos o tocar la marimba bajorótulos con los nombres de sus comunidades de origen. Es también en ese entonces quese incrementó el interés por la civilización maya, erigiendo el pasado prehispánico yalgunas de sus figuras, como el héroe resistente a la conquista española Tecún Umán,en símbolos específicos de la nación guatemalteca (Taracena 2002 et al., p. 107-126). Así,mientras por un lado se construía una idea de nación mediante imágenes del pasadoprehispánico, por el otro se hacía necesario replantear el lugar y la relación con losindígenas del presente (López García, Celigueta y Mariano 2015, p. 162-165). En estesentido, los concursos de india bonita, en tanto que actos folklóricos, tendieron unpuente entre pasado y presente indígena. Escenificaron una solución, ampliamentedifundida por la prensa, que intentaba resolver el difícil equilibrio entre el deseo de seruna nación atractiva y moderna y la necesidad de mantener una tradición propia enbase al pasado indígena (Ruiz 2001).

9 Según Cohen et al. (1995, p. 3-5), aunque los concursos de belleza pueden remontarse a

la Antigüedad y especialmente a la Edad Media, en la cual se elegían a las reinas demayo en el marco de las ferias medievales, su expansión está ligada al surgimiento delas naciones modernas. Según estos autores, en los años 1920 y 1930 se difundieronespecialmente desde los EEUU hacia los países del sur impulsados por ladescolonización y el nacionalismo asociado con este proceso. Hollywood y la prensaayudaron en su difusión, homogeneizando su estructura. Los concursos de india bonitaparecen responder por lo tanto a una doble influencia que es necesario diferenciar. Porun lado, las reinas de las fiestas patronales y las ferias, fuertemente asociadas con unalocalidad concreta y por el otro, las mises regionales, nacionales e internacionales, cuyoobjetivo consiste en promover la unidad de la nación frente a la diversidad localexistente (Kite 2014, p. 20). A esta doble influencia cabe añadir una tercera,propiamente indígena, que se iría desarrollando a lo largo del siglo XX. Aunque estos

concursos fueron introducidos y promovidos por autoridades e instituciones ladinas7,pronto se convirtieron en una plataforma privilegiada de debate – con símbolos ydiscursos – sobre la cuestión indígena en la Nación. Por ello, autoridades, líderes yorganizaciones indígenas lucharían por su representación en estos escenarios. Unejemplo temprano lo encontramos en Quetzaltenango.

10 Durante la Feria Centroamericana de la Independencia, celebrada en la ciudad

desde 1884, se acostumbraba a elegir a una belleza local entre las hijas de las familias dela élite ladina. En algún momento, suponemos que en la década de 1920, losorganizadores comenzaron a escoger a una « india bonita » entre las hijas de lasfamilias k’iche’ más prestigiosas de la ciudad (Tzunum 1985, p. 3). Sin embargo, la IndiaBonita no era elegida por indígenas8, no ostentaba su cargo más allá del período de laFeria y, sobre todo, no respondía a la representación que ciertos k’iche’deQuetzaltenango tenían de lo indígena. En 1934, la Sociedad El Adelanto9 organizó unconcurso para elegir a una « representante de su raza » (Tzunum 1985, p. 3). Decidieronque el concurso se llamaría Reina Indígena de Xelajú porque el de India Bonita lesparecía poco respetuoso y, lo que es más importante, decidieron que el concurso loorganizarían las autoridades indígenas de Quetzaltenango. También establecieron quelas candidatas debían ser originarias y residentes en Quetzaltenango, hijas de padres

Journal de la Société des américanistes, 103-1 | 2017

24

indígenas y contar entre 18 y 25 años de edad. Además instauraron la elección mediantevoto popular en las urnas electorales que montaron en uno de los barrios indígenas dela ciudad (Tzunum 1985; Celigueta 2014).

11 De esta manera, aunque el concurso respondía a los intereses de un gobierno que

promovía la participación de los indios en las fiestas patrias mediante un actofolklórico, la elección y coronación de una Reina permitió, primero, que la élite k’iche’de Quetzaltenango promoviera una representación de lo indígena más acorde a sugusto e interés y segundo, que continuara presentándose – en lugar de los especialistase ideólogos de la Nación – como la encargada legítima de los asuntos indígenas(Celigueta 2014, p. 65-68). En las antiguas fotografías que nos han llegado de las Reinasde Quetzaltenango (Tzunum 1985; López Quemé 2004) se puede apreciar cómo losmiembros de estas élites imaginaron esta representación.

Fig. 2 – Martha Elisa Cotí López, Reina Indígena de Xelajú 1959-1960. Fotografía cedida por MarthaElisa Cotí.

12 Las Reinas se muestran solemnes, soberanas y orgullosas, vestidas con sus mejores

huipiles, adornadas con numerosas joyas y acompañadas de un cetro, una corona y unmanto real fabricado con tejidos indígenas. A veces, también se fotografían en el desfilede carrozas de la Feria, sentadas en tronos majestuosos de reminiscencias mayas yrodeadas por una corte de honor; de hecho, las Reinas se parecen más a una bellaimagen de la Virgen María que a una guapa Miss Mundo. Podríamos considerar inclusoque muestran una belleza « espiritual », a diferencia de los cuerpos medidos y juzgadosde los concursos de belleza a los que estamos acostumbrados actualmente. Estaasociación entre Vírgenes y Reinas es recalcada por un socio de El Adelanto que meexplicaba, en 1998, los inicios del concurso: « Las Reinas tenían una corte de honor. Loscaballeros de la corte tenían la responsabilidad de llevar en andas a la Reina Indígenacomo si fuera una Virgen hasta la exposición del Pueblo Indígena ». López García (2015,

Journal de la Société des américanistes, 103-1 | 2017

25

p. 178, 207) también ha destacado este « aire de familia » entre Reinas y Vírgenes,fijándose especialmente en el gusto de ambas por los vestidos ceremoniales y lascoronas. Además de estas diferencias con los concursos ladinos, me parece importantesubrayar que en ese entonces las Reinas de Quetzaltenango no representaban estampas« típicas » como tejer o hacer tortillas, tal y como se hacía en el caso de los pueblosindígenas de Ubico. Tampoco eran indias bonitas elegidas por un jurado ladinopaternalista, racista y condescendiente, tal como refleja la prensa de la época10. Inclusoen 1951, en medio de las múltiples reformas de la llamada década revolucionaria deGuatemala11, la sociedad k’iche’ de Quetzaltenango se opuso tajantemente a lapropuesta de cambio de nombre del concurso, que durante un año se llamó Flor deXelajú, para evitar, según las autoridades locales, la discriminación racial implícita enel término « indígena ». Además de reivindicar una identidad diferenciada frente a losdiscursos igualitarios de la época, es probable también que a la élite k’iche’ no leagradara convertir a sus solemnes Reinas en sencillas Flores. Las Reinas deQuetzaltenango fueron probablemente las primeras que intentaron escenificar otramanera « autorizada » de ser indígena dentro del proyecto nacional guatemalteco.Pronto las seguirían otras localidades que convertirían progresivamente a las IndiasBonitas de Guatemala en Princesas y Reinas.

Fig. 3 – Carroza de Maria Concepción Toc Rojas. Reina Indígena de 1962 a 1963. Fotografía cedidapor Martha Elisa Cotí.

De Reinas y Princesas a Hijas del Pueblo.Cuestionando la autenticidad de la representación

13 A lo largo de las décadas siguientes, los concursos indígenas se propagaron y

consolidaron por todo el territorio, alentados por autoridades, instituciones y

Journal de la Société des américanistes, 103-1 | 2017

26

organizaciones tanto locales como nacionales, especialmente el Instituto Guatemaltecode Turismo y el Instituto Indigenista Nacional. Además de la prensa escrita, otrosmedios de comunicación como la radio se sumaron a la transmisión de estos eventos,llegando incluso hasta la población analfabeta. En este sentido, los discursos de lascandidatas se fueron convirtiendo en un elemento central de los concursos(Konefal 2009, p. 50). Esta centralidad del discurso puede apreciarse también en lasfrecuentes fotografías de las décadas de 1960 y 1970, que retratan a las Reinas Indígenasdelante de un micrófono (Tzunum 1985). De hecho, las voces de las Reinasacompañaron críticas y demandas de un movimiento indígena que volvía a replantearen otros términos la todavía no resuelta relación de los indígenas con la Nación.

14 A diferencia de las Indias Bonitas, las Reinas se implicaron progresivamente en

actividades realizadas más allá de las ferias y fiestas patronales en las que eran elegidas.Durante el año de su reinado organizaban campañas de beneficencia, montaban veladasartísticas e inauguraban obras de infraestructura y monumentos. Además las Reinas ysus acompañantes viajaban por todo el territorio nacional y a veces incluso a otrospaíses, convirtiéndose en « embajadoras » indígenas de sus localidades. Es decir quedurante el año de su reinado se las invitaba a asistir a otros eventos culturales – sobretodo a otros concursos de Reina Indígena – como invitadas distinguidas o bien comojurados. A partir de 1971, también viajarían a Cobán para participar en el Concurso deReina de la Belleza Indígena Nacional, que al año siguiente cambiaría su nombre por elde Rabin Ajau (Hija del Rey), como se lo conoce actualmente (Molina 2012, p. 107). Estosencuentros entre Reinas y acompañantes a lo largo de todo el país les permitieroncompartir ideas, experiencias e inquietudes, favoreciendo una identificación más alláde sus comunidades locales que sería muy importante a la hora de articular elmovimiento indígena a nivel nacional. Schackt (2005, p. 270) afirma incluso que, enGuatemala, fueron las candidatas de estos concursos las primeras en identificarse comomayas.

15 Así, en los años 1970, los concursos de Reina Indígena de Guatemala ya se habían

convertido en un lugar de encuentro y consolidación de relaciones sociales, en unafuente de legitimidad para la ganadora y su grupo postulante que sería utilizada por elmovimiento indígena, en una manifestación autorizada de algunos aspectos de lasculturas autóctonas como danzas, trajes e idiomas y en un lugar de aprendizaje para lasmujeres que se presentan. Con la articulación y el desarrollo del movimiento indígena,los concursos también se convierten en blanco de críticas y debates sobre laautenticidad de la representación indígena.

16 Por un lado, se criticaron las representaciones folklóricas promovidas por el Estado y

grupos afines en las cuales se valora a un indio de « estampa » sin tener en cuenta laopresión y la exclusión del indio del presente. En este sentido, Konefal (2009) narra laprotesta, en 1978, de veintidós Reinas Indígenas contra el concurso de Cobán. Enconcreto, estas Reinas criticaron en la prensa la contradicción que suponía que estosconcursos propusieran homenajear al indígena mientras los indios « genuinos » deGuatemala eran masacrados por el ejército, como había ocurrido recientemente enPanzós12. Lo interesante es que, con esta crítica, las Reinas confrontaban larepresentación que en Cobán se quería dar de lo indígena, « subvirtiendo » – segúnpalabras de Konefal (2009, p. 44) – la noción de autenticidad. Si para los gobiernosmilitares de Guatemala los campesinos indígenas que protestaban por sus tierras noeran auténticos porque se habían politizado (supuestamente manipulados por grupos

Journal de la Société des américanistes, 103-1 | 2017

27

de izquierda), algunas Reinas Indígenas que sí habían sido autorizadas como tales ahorahomenajeaban y legitimaban a estos indios, a su parecer ejemplares13.

17 Otro ejemplo de cuestionamiento de la autenticidad de la representación lo

proporciona la revista Ixim , considerada como una de las revista pioneras delmovimiento indígena. En agosto de 1978, el dirigente del Xel-ju Jorge Luís García deLeón publicó un artículo en esta revista titulado: « El despojo de nuestra identidad en elextranjero por falsos grupos indígenas folkloristas », en el que acusaba a un grupo dedanza de Quetzaltenango de representar el folklore indígena sin que ninguno de ellos lofuera:

Nos indigna que falsos grupos se autodenominen indígenas y se den a la tarea dehablar en nuestro nombre, y lo que es más, se dicen representantes de nuestrofolclor. Ya hace algunos años que algunos indios de pura cepa, venimos observandoa estos depredadores de nuestra identidad… lo que es peor es que, según sabemos,la Municipalidad de Quetzaltenango, a través de la comisión de reina indígena deXelajú, ha programado en la segunda parte de la velada, la actuación del balletfolklórico…, esto es lo más absurdo que pueda pensarse, el que en una velada decoronación de una reina indígena, actúe un grupo de farsantes de nuestra cultura…(García de León 1978, p. 6)

18 La desautorización de los ladinos y sus representaciones de lo indígena se convertirán,

hasta el día de hoy, en una de las críticas más recurrentes de los activistas indígenas. Ylos concursos serán, de hecho, uno de sus blancos preferidos. Primero, los concursos deseñoritas no indígenas que demuestran su « guatemalidad », ya sea con sensuales trajesde fantasía de reminiscencias mayas14 o bien con trajes indígenas contemporáneos. Porejemplo, en el evento de Miss Universo del año 2011, Miss Guatemala usó el trajeceremonial masculino de las cofradías de Chichicastenango, diseñado especialmentepara la ocasión; es decir, una sensual y ajustada versión que diferentes organizacionesmayas criticaron por la falta de respeto que suponía para los pueblos indígenas.

19 Y en segundo lugar, los propios concursos indígenas que ponen en escena diferentes

versiones de lo que es o no auténticamente indígena. Schackt (2005, p. 282-283)proporciona otro ejemplo contemporáneo de conflicto por la representación, cuyocontenido se parece muchísimo al de la revista Ixim: la « Rebelión de las Rabinas » enel 2001, durante el concurso de Rabin Ajau en Cobán. El descontento con la organizacióndel concurso por las malas condiciones de la comida y el alojamiento de las candidatasse materializó en el discurso de la Rabin Ajau saliente, Mercedes Adelina GarcíaMarroquín, calentando los ánimos del público. Poco después, un error desafortunadodel maestro de ceremonias al anunciar como ganadora a otra muchacha que la elegidapor el jurado provocó que ninguna de ellas aceptara el cargo. El descontento del públicocausó la anulación del concurso y Mercedes acabó depositando la corona en la estaciónde policía. Ante los hechos, el comité organizador dimitió en masa y el nuevo comitérealizó una consulta con las Reinas de Guatemala para repensar el concurso. Elresultado fue una mayor mayanización tanto en el nombre del mismo, que pasó aescribirse según las normas de la Academia de Lenguas Mayas de Guatemala (Rab’in

Ajaw), como asimismo en la proporción indígena de miembros del jurado y deespectáculos asociados con el concurso.

20 La Rebelión de las Rabinas fue la materialización de una serie de críticas contra el

concurso de Rab’in Ajaw que circulaban desde hacía tiempo en el entorno de las Reinas.Ya en 1978, por ejemplo, la revista Ixim (agosto 1978) había publicado el discurso de laReina de Quetzaltenango Elba Marina Soch Citalán, en el que criticaba el concurso de

Journal de la Société des américanistes, 103-1 | 2017

28

Rabin Ajau por utilizar el traje indígena con fines turísticos y folklóricos. En 1994, larepresentativa de Quetzaltenango, Clara Mariela Limatuj Ixcot, apoyada por laorganización que la había postulado, decidió no participar en la elección de Rabin Ajau.En un campo pagado a la prensa comunicó al « pueblo maya » sus razones, basadas en elhecho de que se manipulaba, exhibía y se faltaba el respeto a la mujer maya y seexhibían como típicos y exóticos trajes, bailes y tradiciones para satisfacer intereseseconómicos y políticos de algunos, incluidos « hermanos mayas que no habíancomprendido las auténticas aspiraciones del pueblo ».

21 El movimiento indígena trajo consigo una resignificación de la pertenencia grupal. Se

revisó la historia de las instituciones indígenas, buscando dotarlas de un nuevo sentidocultural acorde con esta movilización. En este contexto, los concursos de ReinaIndígena fueron cuestionados y sufrieron una nueva transformación. Uno de losprimeros fue el de Quetzaltenango. En 1979 se creó una comisión encabezada por elentonces concejal del Xel-ju, Rigoberto Quemé, para reformar el concurso. Para ello seentrevistaron a personas « con conocimiento del Pop Wuj », como el intelectual indígenaAdrián Inés Chávez15, y a « personas mayores de 80 años para establecer laindumentaria de la mujer indígena quetzalteca » (Quemé Sacor 2004, p. 4). El resultadofueron cambios tanto en la forma como en el significado del mismo. Así, se cambió elnombre del evento, que pasó a llamarse Umial Tinimit Re Xelajuj Noj (Hija del pueblo deXelajuj). También se eliminaron el manto real, la corona y el cetro, que fueronsustituidos por un traje ceremonial consistente en un Nim Pot o huipil largo bordadoutilizado por las cofradías quetzaltecas, el Ixcap o cinta de 8 metros de largo enrolladaalrededor de la cabeza, el Chachal o medallón y el Pop Wuj. Otros concursos seguirían suspasos como la Reina Indígena de San Cristobal Verapaz, que en 1986 pasó a llamarseRixq’un Kaj Koj (Hija de Kaj Koj) o el de Princesa Maya Cobanera, que en 1994 pasó allamarse Rab’in Kob’an (Hija de Cobán) (Molina 2012).

Journal de la Société des américanistes, 103-1 | 2017

29

Fig. 4 – Vitrina del Museo de la Casa de la Cultura de Quetzaltenango dedicada a los trajes típicosde Guatemala en la cual podemos observar el Nim Pot, el Ixcap y el Chachal utilizados en elconcurso de Umial Tinimit Re Xelajuj Noj. Fotografía de la autora, Agosto del 2006.

22 Recordando aquellos tiempos, Rigoberto Quemé (concejal del Xel-ju por aquel entonces

y alcalde de Quetzaltenango de 1996 al 2003) afirma que lo que más molestaba a losactivistas del movimiento indígena era que el concurso se consideraba como unamuestra de su cultura, distrayendo de la tarea de « desarrollar la verdadera culturaindígena ». El problema radicaba en saber justamente en qué consistía esta cultura« verdadera », ya que, como veremos, no todo el mundo parecía estar de acuerdo. Laspublicaciones de Rigoberto Quemé dejan entrever qué podía ser auténtico para estosactivistas:

El evento de Reina Indígena empezó a ser cuestionado desde diferentesperspectivas. ¿Existieron reinas en la cultura Indígena? ¿Somos indígenas o somosmayas? ¿Los elementos simbólicos utilizados en el evento eran propios de la culturaautóctona? ¿Era la municipalidad y sus autoridades quienes debían organizarlo ydirigirlo? ¿Cómo darle más participación al pueblo maya en el evento? (QueméChay 2004, p. 2)

23 La mayanización de las instituciones existentes fue una de las estrategias escogidas

para promover el desarrollo de esta cultura « verdadera ». Una mayanización con laque tratarían tanto de resignificar esta pertenencia como también de posicionarsecomo sus dirigentes legítimos, descalificando a otras posibles representaciones yrepresentantes (Celigueta 2014).

Las Hijas del Pueblo como Representativas Mayas. Larepresentación sentida

24 Numerosos autores coinciden en afirmar que, a diferencia de los concursos de belleza

oficiales, los concursos indígenas tienen como objetivo celebrar la autenticidad culturaly/o racial (McAllister 1996; Schackt 2005; López García 2015; Konefal 2009). Ante el

Journal de la Société des américanistes, 103-1 | 2017

30

valor de la apariencia de los primeros, los segundos juzgarían la capacidad pararepresentar una identidad específica según unos cánones que permiten calificar quémuchacha se acerca más y mejor a esta representación ideal. Estos cánones, así como laforma de valorarlos, han ido cambiando con el tiempo por más que mantengan el focoen la autenticidad. Si en 1934 las candidatas de Quetzaltenango debían ser hijas depadre y madre indígenas, en 1999 las bases del concurso de Umial añadían que debíanademás estar identificadas con la cultura maya-k’iche’. Informaban que el juradoestaría integrado « por personas idóneas con conocimiento sobre la coyuntura que estápasando el pueblo maya » y que, entre otros aspectos, valorarían « la concienciacultural y la identidad » de la candidata. Ese mismo año, en cambio, las bases delconcurso de Señorita Quetzaltenango, en el que compiten las muchachas ladinas de laciudad, puntualizaban que las candidatas debían medir como mínimo 1,60 metros. ¿Enqué consiste entonces esta conciencia cultural y esta identidad? Y, sobre todo, ¿cómopueden ser representadas en el siglo XXI?

25 Las ceremonias de elección de U mial Tinimit comienzan con la entrada al Teatro

Municipal de cada una de las candidatas bailando el son, mientras el maestro deceremonias presenta a la joven, sus padres, abuelos, estudios así como también al grupoque la ha postulado. A continuación cada una de ellas pronuncia un discurso que sueleversar sobre temas de « identidad maya ». En 1999, por ejemplo, se habló de laimportancia de la mujer indígena y de los jóvenes en la conservación de esa identidad,pero también de los Acuerdos de Paz y de los derechos indígenas. Otra parte importantede la elección es la presentación de la « estampa cultural » cuyo tema es, según lasbases del concurso, « libre siempre y cuando incluya aspectos de la cosmovisión denuestra cultura maya ». En 1999, las candidatas escenificaron ceremonias mayas ybailaron en medio de mazorcas de maíz y tejidos mayas, mientras se oían voces defondo recitando trozos del Popol Vuh o explicando lo que significaban los días delcalendario maya.

Journal de la Société des américanistes, 103-1 | 2017

31

Fig. 5 – Presentación de candidata a Umial en el parque central de Quetzaltenango. Fotografía de laautora, Agosto del 2016.

26 El desenvolvimiento en el escenario de la candidata, y su forma de ser, hablar y bailar

según la elaborada etiqueta k’iche’, también son criterios importantes a la hora deelegir a la Umial. Saludar a las autoridades y al público en el orden requerido, llevarcorrectamente el traje, « bailar bien el son » según el criterio quetzalteco – es decir enuna posición semi-inclinada con las manos cruzadas en el vientre y siguiendo un vaivénarmónico – son cualidades que no sólo aprecia el jurado sino el público en general. Sicomo afirma Blacking (1983, p. 95) la danza es un sistema de signos que expresasentimientos culturalmente codificados, el « respeto, el orden, el equilibrio y laarmonía », los cuatro valores fundamentales de los mayas según el discurso de una delas candidatas, son encarnados en esta forma de moverse y bailar.

27 Y sin embargo, estas cualidades no son todavía suficientes para el jurado calificador. En

el cambio de siglo, tanto las ganadoras que entrevisté como el concejal de lamunicipalidad encargado de la organización del concurso parecían tener claro que lascandidatas no solo debían representar « bien » su cultura, sino que además debíansentirla. Según la Umial Tinimit de 1999-2000, se valora « lo que la persona tenga enmente, que verdaderamente crea en su cultura, no que solamente se aprenda un papelpara repetir lo que muchas veces se dice pero sin sentirlo ». El temor es « que sea unarepresentativa que aparente algo que no sea ». El jurado del concurso de Umial en 1999valoró esta identificación « verdadera » preguntando a la gente de Quetzaltenango, díasantes del concurso, si las candidatas usaban cotidianamente el traje indígena.

28 Las Reinas del siglo XXI, por un lado, deben encarnar la comunidad que dicen

representar pero, por otro lado deben tener cierta capacidad para la acción cultural ypolítica (López García 2015, p. 189). Y esta capacidad se valora tanto con los estudioscomo con la « conciencia » de las candidatas. Si en la década de 1970 los propiosactivistas del movimiento afirmaban haber utilizado a las Reinas como la única voz

Journal de la Société des américanistes, 103-1 | 2017

32

autorizada con la cual plantear sus demandas (Konefal 2009, p. 54), a partir de la décadade 1990 las mujeres indígenas reivindican su protagonismo en el activismo maya.

29 En este contexto, las Hijas del Pueblo (que nunca se refieren a ellas mismas con este

nombre) rechazan el nombre genérico de Reinas Indígenas y en sus comunicados ydiscursos y en la prensa reclaman que se las identifique como RepresentativasIndígenas (o Representativas Mayas cuando no incluyen a mujeres garífunas o xinkasde Guatemala). En una búsqueda por distinguirse de los concursos de belleza usuales,enfatizan el papel representativo (local, regional o nacional) por encima de lavaloración de la belleza que según ellas, continua sugiriendo el término de Reina.Molina (2012, p. 91) también argumenta que prefieren el nombre de Representativasporque primero, el concepto de Reina no existe en los idiomas mayas y, segundo,porque en tanto que señoritas electas representan la voluntad popular. Afirman portanto que su labor actual es de « incidencia política y liderazgo » y se implican no sóloen actos culturales o de beneficencia, sino también en la memoria colectiva delconflicto armado guatemalteco, la defensa del medio ambiente, los derechos de lasmujeres indígenas, el rechazo a las transnacionacionales o el juicio por genocidio alGeneral Ríos Montt (López García 2015, p. 189). Así, resuelven, de momento y sobretodo desde esta nueva perspectiva maya, el difícil mandato con el que surgieron losconcursos de India Bonita. Por un lado, representan el pasado indígena que losidentifica ya sea como nación, como comunidad y/o como pueblo y, por el otro,representan las luchas, aspiraciones y demandas de los indígenas del presente.

Las diversas nociones de autenticidad y sus conflictos

30 A lo largo de sus casi cien años de existencia, estos concursos se han centrado en

mostrar una representación auténtica de lo indio, lo indígena o lo maya. El problemaradica entonces en saber en qué consiste esa autenticidad, ya que su definición cambiasegún los actores y el contexto. Como afirma McAllister (1996, p. 107), la cuestión resideen saber qué es lo auténtico, cómo se autentifica, quién lo hace, en qué contextos y conqué legitimidad. De hecho, como ya hemos señalado, los mayores debates sobre estetipo de concursos tienen que ver con la noción de autenticidad que vehiculan.¿Muestran los concursos una imagen verdadera, correcta o auténtica de la culturaindígena o maya? ¿Y qué es en cada caso lo verdadero o auténtico? (Schackt 2005,p. 283). Como vimos, cierta noción de autenticidad parece delinearse claramente para lamayoría de los actores indígenas, enfrentándolos en diferentes momentos a lasrepresentaciones folklorizantes propuestas por los no indígenas: consiste en reivindicarque son ellos los que deben decidir y encarnar la representación de su propio grupo. Sinembargo, parece más difícil identificar las diferentes nociones de autenticidad quetambién existen dentro de los grupos indígenas. Este apartado quiere esbozar algunasde ellas a partir de los conflictos que ocurren en estos concursos.

31 Uno de los momentos más críticos del concurso de Reina Indígena de Xelajú tuvo que

ver con el cambio en la forma de elección de la Reina. De elecciones por votaciónpopular en las urnas se pasó en 1964 a elecciones por jurado calificador. Tzunum (1985)y López Quemé (2004) explican la forma en que los simpatizantes se habían acusadomutuamente de manipular los votos durante los años anteriores. Por ello lamunicipalidad comenzó, para disgusto de muchos, a regular el voto « como en unaselecciones nacionales » (Hupp 1969, p. 138), reclamando la cédula de vecindad de

Journal de la Société des américanistes, 103-1 | 2017

33

Quetzaltenango o tiñendo el dedo de los votantes para evitar el fraude electoral.En 1964, la comisión organizadora del concurso decidió instaurar el jurado calificador.Según Víctor Manuel Coyoy, octavo concejal de la municipalidad de Quetzaltenango ypresidente de la comisión, esto se hizo para evitar « los conflictos entre lossimpatizantes y familiares de las candidatas derivados de la confrontación electoral ».No obstante, su interés por eliminar las elecciones se debía también a otros motivos.Las bases del concurso de ese año especificaban que las candidatas debían hablar k’iche’y vestir el traje indígena, justo en un momento en que gran parte de esta generaciónurbana estaba dejando de hacerlo. Coyoy recuerda:

En la velada de calificación participó una señorita, de baja estatura, de rasgos mayasclásicos, hablando perfectamente el k’iche’, entonces resulta que ella es latriunfadora, pero la generalidad de la población indígena, incluso, ya su mente, noestaba fija en el sentido de belleza que tenían los mayas sino en el sentido de bellezaoccidental… y mire que la población de Quetzaltenango, sobre todo la indígena, quesi más, me pegan.

32 El conflicto debió de ser importante porque al año siguiente se volvieron a instaurar las

elecciones por votación popular. A pesar de todo, el concurso entró en crisis. Durantelos años siguientes casi no se presentaron candidatas y en 1970 se estableciódefinitivamente el jurado calificador que a partir de entonces habría de elegir a lasReinas « auténticas » de Quetzaltenango. Sólo dos años después, en 1972, varios k’iche’que también habían formado parte del entorno de las Reinas crearían una organizaciónelectoral indígena, el Xel-ju, que se presentaría a las elecciones municipales de 1974.Según afirma Víctor Manuel Coyoy: « Llegó un momento en que nos dijimos bueno, yadejémonos de coronar y descoronar Reinas, entremos a algo más fuerte, y fue cuandonace Xel-ju » (Celigueta 2012, 2014).

33 Este conflicto me sirve para apuntar dos significados posibles de la noción de

autenticidad. Por un lado, las elecciones « de verdad », es decir las eleccionesmunicipales o nacionales, se parecían muchísimo a las elecciones de Reina Indígena, enlas cuales también se pagaban anuncios de las candidatas en la radio y en los periódicos,se imprimían carteles y volantes con sus fotografías pidiendo el voto o se organizabanactos sociales de presentación de las mismas (Hupp 1969, p. 135-136). Las acusacionespor compra de votos también eran – y son todavía – corrientes en las eleccionesmunicipales o nacionales. No obstante, a estos líderes indígenas les molestaba elconflicto derivado de la confrontación electoral, ya que impedía la unión de lapoblación indígena y su movilización para causas más « verdaderas » como el acceso ala alcaldía municipal. Por otro lado, los líderes indígenas acusan a sus congéneres de noser capaces de percibir la « auténtica belleza maya ». Es justo en el momento en que sequiere movilizar y resignificar la pertenencia indígena que se eliminan las elecciones de« mentiras » de la Reina, para concentrarse en la elección de « verdad » de sus posiblesrepresentantes políticos. No hace falta decir que las Reinas de Quetzaltenangoparticiparían a menudo en las campañas electorales del Xel-ju pidiendo el voto a lapoblación indígena.

34 Un segundo conflicto que también puede ilustrar esta posible tensión entre las diversas

nociones de lo auténtico lo encontramos en el mismo concurso de Quetzaltenango.En 1984 (justo en las bodas de oro del certamen), descontentas con los cambios delconcurso, algunas antiguas Reinas crearon una comisión para que el certamenretornara a su nombre original de Reina Indígena. Sostuvieron dos argumentos: por unlado esgrimieron la antigüedad del evento, que le confería ya cierta tradición a

Journal de la Société des américanistes, 103-1 | 2017

34

respetar, y por otro argumentaron que el título de Reina tenía más categoría que el deUmial, a su parecer demasiado « folklórico ». Demasiado folklórico, agregaban, para unaépoca en la que nadie lleva el Ixcap, las mujeres indígenas de Quetzaltenango se tiñen elpelo y llevan zapatos de tacón alto. Reinas y Umiales muestran por lo tanto dos visionesdistintas de lo que es auténticamente indígena. Por un lado, se observa cómo laautenticidad – « la verdadera cultura indígena » –, buscada por algunos intelectualesmayas en una historia descolonizada, no sería para las antiguas Reinas « verdadera »,por ser demasiado idealizada. Por otro lado, se observa cómo la tradición, ligada con elcolonialismo, tendría para estas Reinas un valor en sí misma que no compartiría estanueva identificación maya (Celigueta 2014). Una identificación, según Bastos y Camus(2003, p. 18), que no es impuesta frente al origen claramente colonial de « indígena »,que lleva implícito cierta carga de subordinación. Asumirse como « maya » significasuperar la identificación comunal y la de los grupos lingüísticos. Significa orientarsehacia una identidad nacional o de pueblo que identifica una historia y una culturacomunes.

35 Hacia una dirección similar apuntarían las críticas sobre la autenticidad de la

indumentaria y los objetos que portan las diferentes representativas indígenas. En estesentido, si el uso de mantos reales y coronas fue criticado por los mayanistas por no serun objeto « propio » de su cultura (López García 2015), su sustitución actual porprendas ceremoniales utilizadas particularmente en las cofradías también ha sidocensurada por algunos cofrades que consideran una falta de respeto que se utilicenprendas rituales en este tipo de eventos. Como le comenta un informante a Molina(2012, p. 97): « ¿En dónde se ha visto que una cofrade ande corriendo por el parque conuna tinaja? »

36 Parte del malestar de las antiguas Reinas Indígenas de Xelajuj con los cambios

ocurridos en el concurso también tiene que ver con el control que ejercen sobre elmismo las organizaciones mayas. Si anteriormente la mayoría de las Reinas formabaparte de cierta clase indígena acomodada de la ciudad, con los cambios ocurridos en elconcurso muchas de estas familias creen que ahora tienen pocas oportunidades deganar. La hija de una de estas familias me comentaba en 1998: « Como se pusieron asílos mayas más radicales y nosotras nos maquillamos y sólo usamos el traje en lasfiestas, pues ya sabemos que eso no les gusta y no hubiéramos salido. Ellos quierengente así, natural, natural16. » Es decir que ellas no responden a la representación mayapropuesta por las organizaciones. Como apunta Rogers (1999, p. 58) en su análisis de losconcursos indígenas de Ecuador, los concursos tratan de formalizar cómo deben ser lasmujeres indígenas y por extensión la identidad indígena en general, pero esto no tienepor qué ser aceptado necesariamente por la totalidad de la audiencia. Así parecendemostrarlo los frecuentes rumores que se escuchan sobre las candidatas y sus familiasdurante el mes de agosto en Quetzaltenango, durante los días previos y posteriores a lavelada de elección: que si se ha comprado al jurado calificador, que si a la gente no legustó que el jurado no fuera de Quetzaltenango, que si tal candidata tenía el pelo cortoy las trenzas eran en realidad postizas, que si la que quedó hablaba mejor pero habíaotra que en realidad era más bonita, que si ésta no pronuncia bien el k’iche’, no es deQuetzaltenango o no tiene apellidos indígenas. Los rumores afectan a todas lasaspirantes y cada quién propaga el que más le interesa según la candidata de supreferencia. Como me dijo una señora de una familia de la élite: « los miembros del

Journal de la Société des américanistes, 103-1 | 2017

35

jurado pueden conocer sobre identidad y cosmovisión pero no sobre qué señorita deberepresentar a los indígenas de Quetzaltenango ».

Conclusión

37 A lo largo de estas páginas hemos visto cómo han ido cambiando representaciones y

aspiraciones de los indígenas de Guatemala, pero también hemos demostrado la formaen la cual estos concursos sirven para legitimar su autenticidad. Una autenticidad, esosí, que siempre es cuestionada en la arena política que constituyen estos – enapariencia – inofensivos concursos de belleza. Los cuerpos vestidos de las ReinasIndígenas con símbolos identificadores – discursos, bailes, mazorcas de maíz o el mismoPopol Vuh – parecen haber sido buenos comunicadores de estas ideas abstractas que sonlas naciones, las culturas, las razas y los pueblos. Por lo tanto, analizar estos concursossignifica la posibilidad de analizar las representaciones de lo indígena en diferentesmomentos de su historia. Pero, lejos de imaginarnos a los indígenas como sujetospasivos que se prestarían a una interesada incorporación folklórica a los Estados-Nación, sabemos que han cuestionado esta folklorización proponiendorepresentaciones alternativas. Además, estos grupos no son homogéneos y lasdiferentes formas de representar lo indio, lo indígena o lo maya que hemos identificadoen los concursos son buena muestra de ello.

38 En la actualidad, las Representativas Mayas de Guatemala ya no son Reinas Indígenas ni

tampoco son Indias Bonitas. Es decir, ya no son valoradas exclusivamente por su familiao por su belleza. Ya no se valora únicamente que sea bonita sino, como se dice enGuatemala, « que hable bonito ». Ya no se valora una representación elitista de laetnicidad, según la cual las candidatas son hijas de familias respetables y conocidas,sino que se valora la identificación y la conciencia de las concursantes. Por ello es lacandidata la que debe de estar identificada con los valores que se quieren resaltar: debeestudiar, debe vestir el traje indígena, debe participar en la vida social de la ciudad ysobre todo debe afirmar públicamente su pertenencia. Así, aunque se trate de resaltarvalores comunitarios, étnicos o nacionales, se premian también opciones individualesque se muestran como ejemplos a seguir. Ya no basta con ser indígena. Ni tampoco conparecerlo. La representación debe ser verdadera y auténtica según los parámetros delas organizaciones mayas. Debe ser capaz de encarnar cierta noción de pueblo maya,pero sobre todo debe ser capaz de mostrar las aspiraciones de dicho pueblo. 17

BIBLIOGRAFÍA

BASTOS Santiago y Manuela CAMUS

2003 Entre el mecapal y el cielo. Desarrollo del movimiento maya en Guatemala, FLACSO/Cholsamaj,

Guatemala.

Journal de la Société des américanistes, 103-1 | 2017

36

BLACKING John

1983 « Movement and meaning. Dance is social anthropological perspective. Dance Research »,

The Journal of the Society for Dance Research, 1 (1), p. 89-99.

CANESSA Andrew

2008 « Sex and the citizen. Barbies and beauty queens in the age of Evo Morales », Journal of Latin

American Cultural Studies, 17 (1), p. 41-64.

2012 « Gender, indigeneity, and the performance of authenticity in Latin American tourism »,

Latin American Perspectives, 39 (6), p. 109-115.

CELIGUETA Gemma

2014 « Representantes y representaciones indígenas en el altiplano occidental de Guatemala »,

Quaderns-e de l’Institut Català d’antropologia, 19 (1), p. 62-80.

2012 « De Reinas y presidentas: mujeres indígenas y ciudadanía en Guatemala », in Gemma

Orobitg y Gemma Celigueta (eds), Autoctonía, poder local y espacio global frente a la noción de ciudadan

ía. La experiencia indígena y afroamericana desde la interacción política, social y étnica, Departament

d’Antropologia Cultural i Història d’Amèrica i Àfrica, Universitat de Barcelona, Barcelona,

p. 307-321.

COHEN Colleen Ballerino, Richard R. WILK y Beverly STOELTJE

1995 Beauty Queens on the global stage. Gender, contests, and power, Routledge, New York.

GARCÍA DE LEÓN Jorge Luis

1978 « El despojo de nuestra identidad en el extranjero por falsos grupos indígenas folkloristas »,

Ixim, 11, p. 6.

GRANDIN Greg

2007 La Sangre de Guatemala. Raza y nación en Quetzaltenango (1750-1954), Editorial Universitaria,

Guatemala.

GUZMÁN BÖCKLER Carlos

1997 « 20 años después: recuerdos de la primera edición del “Pop Wuj” », in Pop Wuj: poema mito-

historico ki-chè. A. I. Chávez, XV-XXIV, Liga maya internacional, San Jose-Costa Rica.

HANDLER Richard

1986 « Authenticity », Anthropology Today, 2 (1), p. 2-4.

HUPP Bruce F.

1969 The urban indians of Quetzaltenango, Guatemala, Thesis of Master of Arts, university of Texas,

Austin.

LÓPEZ GARCÍA Julián

2015 « Reinas indígenas de Guatemala en el siglo XXI: melancolía, orgullo y coraje », in Manuel

Gutiérrez Estévez y A. Surrallés (eds), Retórica de los sentimientos. Etnografías Amerindias,

Iberoamericana-Vervuert, Madrid, p. 177-231.

LÓPEZ GARCÍA J., G. CELIGUETA y L. MARIANO

2015 « Las representaciones del indígena desde la antropología en Guatemala », Quaderns de l’

Institut Català d’Antropologia, 31, p. 161-182.

LÓPEZ QUEMÉ Janiana Marizela (ed.)

2004 25 años del Certamen Umial Tinimit Re Xelaju’j N’oj y 70 años de representación maya-k’iche en

Quetzaltenango, Kawoq, Quetzaltenango.

Journal de la Société des américanistes, 103-1 | 2017

37

MCALLISTER Carlota

1996 « Authenticity and Guatemala’s Maya Queen », in Colleen Ballerino Cohen, Richard R. Wilk y

Beverly Stoeltje (eds), Beauty Queens on the global stage. Gender, contests and power, Routledge, New

York, p. 105-124.

MOLINA Deyvid

2012 « Apuntes históricos sobre los certámenes de elección y coronación de representativas

indígenas en Guatemala », Tradiciones de Guatemala, 78, p. 91-130.

KITE Jillian

2014 The eye of the beholder. Ladino and indigenous pageantry in neocolonial Guatemala, Thesis Master

of Arts, Florida Atlantic University.

KONEFAL Betsy

2009 « Subverting authenticity. Reinas Indigenas and the Guatemalan State, 1978 », Hispanic

American Historical Review, 89 (1), p. 41-72.

QUEMÉ CHAY Rigoberto

2004 « Importancia histórica, social y política del evento de Reina indígena/ U mial Tinimit Re

Xelajuj Noj », in Janiana López Quemé (ed.), 25 anos del Certamen de Umial Tinimit Re Xelaju’j N’oj y 70

an os de representacion maya-k’iche en Quetzaltenango, Kawoq, Quetzaltenango, p. 1-3.

QUEMÉ SACOR Catalina

2004 « Reseña histórica del certamen Umial Tinimit Re Xelaju’j N’oj », in Janiana López Quemé

(éd.), 25 an os del Certamen de Umial Tinimit Re Xelaju’j N’oj y 70 anos de representacion maya-k’iche en

Quetzaltenango, Kawoq, Quetzaltenango, p. 4-5.

QUIJIVIX Ulises

1998 Propuesta de un modelo organizativo, administrativo y gerencial para la Sociedad El Adelanto, Tesis

de maestría, Universidad Autónoma de Madrid, Quetzaltenango.

ROGERS Mark

1999 « Spectacular bodies. Folklorization and the politics of identity in Ecuadorian beauty

pageants », Journal of Latin American Anthropology, 3 (2), p. 54-85.

RUIZ MARTÍNEZ Apen

2001 « Nación y género en el México revolucionario: La India Bonita y Manuel Gamio». Signos histó

ricos, 5, p. 55-86.

SCHACKT Jon

2005 « Mayahood Through Beauty: Indian Beauty Pageants in Guatemala », Bulletin of Latin

American Research, 24, p. 269-287.

TARACENA Arturo et al.

2002 Etnicidad, estado y nación en Guatemala (1808-1944), Nawal Wuj, Guatemala.

TZUNUM Gloria Virginia (ed.)

1985 Historial del certamen de la belleza indígena de Quetzaltenango, Casa Publicitaria Gof,

Quetzaltenango.

VELASQUEZ NIMATUJ Irma Alicia

2002 La pequeña burguesía indígena comercial de Guatemala, NawalWuj, Guatemala.

Journal de la Société des américanistes, 103-1 | 2017

38

NOTAS

1. Por ejemplo, el concurso de Nim Ali Rech Tinimit Rech Kakaw (Reina Nacional delCacao), que elige a la representativa de las regiones productoras de cacao desde el 2010(Molina 2012, p. 106).

2. Por ejemplo, Ka’tu Suckchij (Flor del Maguey) como representativa del área ch’orti’desde 1985, Rukotz’i’j Kaqchikel Tinamit (Flor del pueblo Kaqchikel) desde 1985 o Rixq’uun

Poqom (Princesa Poqom) del área poqomchi’ (Molina 2012, p. 104-106).

3. Por ejemplo, el concurso de Princesa Tezulutlán en el departamento de Alta Verapazdesde 1969, Princesa Xinabajul en el departamento de Huehuetenango desde losaños 1970, Nim Ali Re Xochiltepetl (Gran Muchacha de Suchitepéquez) desde 1977, Ixkik

Uk’ux K’iche’ (Muchacha Alma de la Cultura K’iche’) en el departamento del Quiché oRum’ial Tinamital B’oko (Hija del departamento de Chimaltenango) desde el 2012(Molina 2012, p. 101-104).

4. Además del concurso de Rab’in Ajaw (Hija del Rey), que desde 1971 elige en Cobán auna representativa indígena a nivel nacional, se celebran los concursos nacionales deRumi’al Yum Kax (Hija del Maíz) en Chimaltenango desde 1989, Reina Diosa Ixchel enSuchitepéquez desde 1993, Tixel Tenamit (Tenanza o mujer de la cofradía del pueblo) enSan Pedro Sacatepéquez desde 1998, Reina Indígena Nacional Cotz’i’j Iximulew enChichicastenango desde el 2000, Uko tzijal Ri Maya Tinamit Re Paxil Kayala (Flor Nacionaldel Pueblo Maya) en Quetzaltenango desde el 2005 o Princesa de los Cuatro PuntosCardinales en San Lucas Sacatepéquez desde el año 2007 y en la Antigua Guatemaladesde el 2011 (Molina 2012, p. 106-121).

5. Como el concurso de Alaj Ukotzij Tinimit Re Xelajuj Noj (Pequeña Flor del Pueblo deQuetzaltenango), que tiene lugar desde el 2005 o el de Ri’ Man Ajaw (Nieta del Rey) enCobán (Molina 2012, p. 122).

6. Podemos encontrar escrito el nombre k’iche’ de Quetzaltenango como Xelajú, Xelajuj, Xelajuj Noj o Xelajuj No’j, dependiendo de si se aplica o no la normalización lingüística.En este artículo he escogido escribirlo en cada ocasión según aparece en las fuentes,porque refleja el momento que atraviesa el concurso.

7. El término clasificatorio « ladino », utilizado en Guatemala para designar a lapoblación que no es indígena, sugiere más bien una identidad cultural hispanizada queun mestizaje biológico aunque su significado cambia con el tiempo y el contexto en elque se usa. Actualmente se observa cierta tendencia a usar el término como si fuera unpueblo o grupo étnico más de Guatemala.

8. Según uno de los socios de El Adelanto: « En tiempos de Ubico, el alcalde ladino veíaentre las indígenas una patoja bonita y consultaba quien era la familia, entoncesenviaba una nota oficial al padre de la señorita ».

9. La sociedad de El Adelanto es la primera sociedad de ayuda mutua y beneficenciaindígena de Quetzaltenango creada en 1894 por 52 k’iche’ de la ciudad, principales ymiembros destacados de la sociedad indígena quetzalteca con la finalidad expresa dellevar el progreso a los indígenas, especialmente mediante la educación (Grandin 2007;Quijivix 1998).

10. « Tarea dura del jurado calificador el de escoger entre tanta belleza indígena. Hayque advertir que en Cobán hay inditas muy bellas producto ya sea de la mezcla de lo

Journal de la Société des américanistes, 103-1 | 2017

39

sajón y del español, pero esta vez fueron descartadas. La competencia fue de inditaspuras » (Nuestro Diario, 6 de agosto de 1936 citado en Molina 2012, p. 93).

11. En octubre de 1944, un movimiento cívico-militar derrocó al gobierno inaugurandoun período reformista que duraría hasta 1954. La más conocida de todas fue la reformaagraria de 1952, cuyo ataque a los intereses de la United Fruit Company precipitó lainvasión militar desde Honduras con ayuda de la CIA.

12. Apenas dos meses antes, el 29 de mayo de 1978, cientos de campesinos ocuparon laplaza mayor de Panzós, un pueblo del mismo departamento que Cobán, protestando porla ocupación de sus tierras. El ejército abrió fuego contra la población matando por lomenos a 35 personas e hiriendo a muchas más. Esta masacre marca el inicio del períodomás sangriento de la política de « terror » contrainsurgente del estado guatemalteco(Konefal 2009).

13. Me parece importante señalar el papel destacado que parecen haber desempeñadolos militares en estos concursos de Guatemala. Otros autores ya han señalado surelación con el de Rab’in Ajaw en Cobán (Konefal 2009). Tengo conocimiento de que, enQuetzaltenango, la zona militar 17-15 presentó candidatas al concurso por lo menosen 1990, 1996, 1999 y 2000 (López Quemé 2004), aunque seguramente lo hiciera en másocasiones. En 1999, la candidata de la « zona » tenía una beca de estudios del ministeriode defensa y en su discurso habló de la importancia de la reconciliación. Lo másinteresante es que todos mis informantes coincidieron en que era imposible queganara. Afirmaron rotundamente que jamás había ganado ni ganaría una candidata dela « zona ».

14. Estos trajes de fantasía con numerosas plumas, faldas cortas y bikinis parecenresponder a la misma fantasía erótica que Canessa (2008) señala para las siempreblancas Misses de Bolivia: se trata de unir el apreciado cuerpo blanco, considerado porcriollos, mestizos y ladinos como más bonito, con la accesibilidad sexual que éstosproyectan a las indias.

15. Maestro originario de San Francisco el Alto (Totonicapán) y fundador de laAcademia de la lengua maya-k’iche’ en 1959 (Guzmán Böckler 1997, p. XXIII). Es

conocido como estudioso de la lengua k’iche’, precursor de la normalización lingüísticade las lenguas mayas y sobre todo por la publicación de una versión del Popol Vuh que élllamaría Pop Wuj, escrita a 4 columnas en k’iche’ y en castellano.

16. En Guatemala, a los indígenas se les llama también « naturales », y por ello laexpresión « natural, natural » significa aquí indígena auténtico.

17. Este artículo fue presentado en unas Jornadas de estudio del Laboratoired’ethnologie et de sociologie comparative de l'université Paris Nanterre, el 11 dediciembre del 2015, como parte del proyecto ANR Fabriq’Am « La fabrique des“patrimoines”. Mémoires, savoirs et politiques en Amérique indienne aujourd’hui »(ANR-12-CULT-005). Este artículo forma parte del proyecto « Etnicidad Material:expresiones culturales tangibles y propiedad intelectual » (CSO2015-62723-ERC)financiado por el Ministerio de Economía y Competitividad de España.

Journal de la Société des américanistes, 103-1 | 2017

40

RESÚMENES

En este artículo me interesa analizar las diversas maneras de representar la autenticidad

indígena a través de los concursos de Reinas Indígenas de Guatemala. El análisis permite mostrar

cómo se ha representado lo indígena o lo maya en este país. He escogido reflexionar sobre esta

diversidad a través de los conflictos y debates que despiertan estos concursos en relación con su

autenticidad. Mediante el análisis queremos plantear la relación existente entre una

representación « estética » y una representación « política » de lo indígena.

In this article I will delve into de history of the Indigenous Queens Pageants in Guatemala. The

analysis reflects on different ways of representing what is Indigenous and what is Maya in this

country. My focus will be on the conflicts and debates these contests arouse in relation to their

authenticity. I want to question the relationship between an « aesthetic » representation and a

« political » representation of the Indigenous People.

Dans cet article je m’intéresse à l’histoire des concours de reines indigènes du Guatemala. Mon

analyse montre les différentes façons de représenter ce qui est indigène et ce qui est maya dans

ce pays. J’ai choisi de réfléchir sur cette diversité à travers les conflits et les débats que suscitent

les concours à propos de leur authenticité. L’interrogation porte sur la relation entre une

représentation « esthétique » et une représentation « politique » de l’indigène.

ÍNDICE

Keywords: Indigenous peoples, beauty pageants, Guatemala, representation, authenticity

Palabras claves: Pueblos Indígenas, concursos de belleza, Guatemala, representación,

autenticidad

Mots-clés: Peuples Indigènes, concours de beauté, Guatemala, représentation, authenticité

AUTOR

GEMMA CELIGUETA

Departament d’antropologia Social, Universitat de Barcelona [[email protected]]

Journal de la Société des américanistes, 103-1 | 2017

41

Devenir reine kakataibo.Performance, séduction et genre enAmazonie péruvienneBecoming a Kakataibo Queen. Performance, seduction and gender in Peruvian

Amazonia

Convertirse en reina kakataibo. Performance, seducción y género en la Amazonia

peruana

Magda Helena Dziubinska

NOTE DE L’ÉDITEUR

Manuscrit reçu en avril 2016, accepté pour publication en octobre 2016.

1 « Voici devant vous Saida ! Elle a quatorze ans et son plat préféré est la patarashca avec

des bananes cuites. Elle aime jouer au volley et écouter des chansons romantiques à laradio. Plus tard elle voudrait devenir avocate ! » – s’exclame un jeune animateur chargéde présenter les candidates pour le titre de reine kakataibo lors du concours de beautéà Mariscal Cáceres1. Cette compétition dont le but est d’élire la plus belle fille (upira

xanu) de la communauté native2 est devenue, à côté du football, l’élément central de lagrande fête annuelle. Au cours d’une soirée haute en couleurs, plusieurs filles pubèresrivalisent pour le titre de reine en défilant sur la scène sous le regard du jury3. Malgrél’engouement des Kakataibo pour ce spectacle, les candidates sont plutôt réticentes àl’idée d’y participer. Face à la honte de défiler en public, ce n’est que sous la pression duchef de la communauté (apu) qu’elles décident finalement de se présenter. Son prestigeétant en jeu, il déploie des moyens conséquents pour les convaincre (visites régulières,promesses de récompenses). Pour autant le chef n’est pas le seul à tirer les ficelles duconcours. Celui-ci est organisé par les professeurs et les infirmiers métis et aucunKakataibo n’est invité à faire partie du jury. De surcroît l’événement se déroulegénéralement en présence du maire d’Aguaytía, venu spécialement pour l’occasion

Journal de la Société des américanistes, 103-1 | 2017

42

accompagné des autres membres de la municipalité. De toute évidence, à MariscalCáceres, le concours de beauté est intimement lié au pouvoir politique, lien qui a déjàété signalé par plusieurs chercheurs ayant étudié ces performances dans d’autrescontextes culturels (Cohen 1996 ; Celigueta Comerma 2014 ; Rogers 1999 ;Wroblewski 2014)4.

2 Tandis que certains auteurs, en adoptant une perspective féministe matérialiste, ont

insisté sur les effets dégradants des concours de beauté, y voyant un dispositif nonseulement de réification et d’assujettissement de la femme mais aussi d’acculturation(Lieu 2013 ; Masi de Casanova 2004), d’autres considèrent au contraire les concourscomme un moyen d’émancipation et d’empowerment (Wu 1997 ; Williams 2013 ;Bousquet et Morissette 2014). Bien qu’ils soient largement inspirés par les concoursnationaux, les concours de beauté amérindiens font souvent apparaître des logiques etdes enjeux singuliers. Plus que séduire le jury par leur beauté, les candidates doiventfaire preuve d’une maîtrise parfaite de la langue vernaculaire et démontrerl’attachement à leur culture ainsi que leur engagement politique en faveur de leurgroupe (Bousquet et Morissette 2014 ; Wroblewski 2014 ; Schackt 2005 ; Wu 1997 ;Cohen 1996). C’est ainsi que certains concours de beauté indigènes sont devenusl’espace privilégié d’une réaffirmation identitaire, du fait de leur imbrication avec lesprocessus contemporains de revitalisation culturelle et de patrimonialisation, et de leurinscription dans le courant féministe autochtone émergent (Bousquet etMorissette 2014, p. 389). À l’inverse de ces concours de beauté « indigénisés », l’élémentethnique est presque entièrement évacué des concours kakataibo. Plutôt que d’exposeret d’affirmer la différence culturelle, l’objectif est au contraire de mettre en scène lafigure de la femme blanche idéalisée et transformée en objet de désir. Commentaborder ce spectacle mimétique sans le réduire à un effet d’acculturation ? Quelles ensont les implications sociologiques ? Que peut-il nous apprendre sur la manière dont lesKakataibo conçoivent aujourd’hui la féminité et dans quelle mesure est-il révélateur denouveaux modes de subjectivation en Amazonie péruvienne ?

3 En adoptant une approche interactionniste et en m’inspirant des études nord-

américaines sur le genre (notamment Newton 1979 ; Butler 1990 ; Mahmood 2005 ;Berger 2013), je propose de considérer le concours de beauté comme une des pratiquesà travers lesquelles est construite, vécue et négociée aujourd’hui la féminité par lesadolescentes kakataibo. Je montrerai en outre que le concours est une manière derendre publiquement visibles les processus de transformations en cours dans lescommunautés natives. Ces processus, impulsés la plupart du temps par les professeursmétis, sont étroitement liés à la construction du genre et plus généralement auxpolitiques du corps. Ce constat invite à repenser également le concept de beauté et sonrapport avec l’éducation, en l’envisageant non plus comme une valeur purementesthétique, mais comme une valeur éthique, c’est-à-dire une certaine manière d’être etd’agir. Le genre offrira ici un angle pertinent pour aborder les relations interethniquesdans la région et les processus toujours complexes et ambigus de l’intégration desgroupes indigènes à la société nationale. Cet article s’inscrit ainsi en partie dans lacontinuité de la démarche adoptée par Casey High dans son étude sur la masculinitéwaorani (2010). En prenant ses distances à la fois par rapport aux études féministesarticulées autour de la notion d’hégémonie masculine et aux travaux amazonistes danslesquels le genre occupe souvent une place secondaire, Casey High montre de manièretrès juste l’importance des imaginaires trans-locaux et des processus historiques de

Journal de la Société des américanistes, 103-1 | 2017

43

transformation de la production de la masculinité contemporaine waorani. Nosapproches divergent en revanche dès qu’il s’agit d’inscrire ces transformations dans laperspective plus large des rapports entre les Amérindiens et les Blancs et dansl’attitude plus générale que les Amérindiens adoptent face au changement. Tandis queCasey High met l’accent sur la continuité entre les modèles contemporains et anciensde la masculinité en insistant sur les analogies entre Bruce Lee et le guerrier waoraniou entre le leader politique et le chasseur, j’analyse le concours de beauté, la sociabilitéurbaine et l’intériorisation par les Kakataibo de certains discours ou fantasmes trans-locaux sur le genre en termes de rupture par rapport aux anciens modes de vie.

4 L’enjeu ici n’est pas de construire un modèle de la féminité amérindienne. Parmi les

femmes kakataibo concourent des femmes mariées ou divorcées, des mèrescélibataires, des étudiantes, des employées, des femmes qui ont sept enfants, d’autresqui se sont volontairement fait stériliser après le deuxième accouchement, ou encoredes femmes qui vivent toujours dans la communauté native et d’autres qui sont partiesen ville dès que l’occasion s’est présentée. Les trajectoires féminines sont de plus enplus diversifiées notamment grâce à la banalisation de la contraception, à l’étendue dela pratique du fosterage et à la migration urbaine. Au lieu de tenter de schématiser lesexpériences qui par leur diversité se prêtent mal à cet exercice, l’objectif de cet articleest de réfléchir sur la place que le concours de beauté occupe dans ces trajectoiresdiverses, les fantasmes sur la féminité qu’il véhicule et les reconfigurationsrelationnelles qu’il entraîne. Une description du concours dans ses traits généraux etdans sa dimension spectaculaire et mimétique permettra de l’inscrire ensuite dans leschéma relationnel plus général unissant les Kakataibo et les Métis. Les notions deséduction et de « passer pour » permettront alors d’en tracer les contours. Pour finir jemettrai en avant d’une part la manière dont les techniques corporelles enseignées etjugées lors du concours de beauté sont articulées avec les pratiques kakataibo plusanciennes de production des personnes adultes et belles, et d’autre part le rôle actuelde la scolarité dans la formation des sujets féminins.

Les Kakataibo, les Métis et les Blancs

5 Le groupe Kakataibo5, de langue pano, compte aujourd’hui 3 500 individus répartis en

trois sous-ensembles qui correspondent à trois dialectes différents sur les fleuvesAguaytía, San Alejandro et Sungaruyacu en Amazonie péruvienne. Même si la pêche,souvent à l’aide de dynamite ou de plantes ichtyotoxiques (Clabadium sp.), et la culturedu manioc continuent à jouer un rôle important dans l’économie de subsistancekakataibo, la principale source de revenus pour ce groupe est la banane plantain,vendue sur les marchés d’Aguaytía. Au début des années 1950, les missionnaires duSummer Institute of Linguistics (SIL) se sont installés parmi les Kakataibo et ont ouvertles premières écoles. Depuis, un contact régulier s’est également établi avec la sociéténationale. L’incorporation des Métis à la communauté par le biais des intermariages,ainsi que la mobilité des jeunes Kakataibo qui poursuivent de plus en plus souvent leursétudes en ville, ont accéléré leur intégration à la société péruvienne. Pour répondre à laforte demande d’« ethnicité visible » venue de l’extérieur, à laquelle font faceaujourd’hui de nombreux groupes indigènes, les Kakataibo sont en quête de traitsculturels susceptibles de devenir emblématiques de leur indianité. Ce besoin les aamenés à réactiver récemment différentes techniques artisanales.

Journal de la Société des américanistes, 103-1 | 2017

44

6 La catégorie kakataibo « no6 » embrassait autrefois une multiplicité de figures

différentes (les étrangers, les ennemis, les autres groupes indigènes, les Blancs) quitoutes représentaient l’extériorité et l’hostilité. Aujourd’hui ce terme est surtout utilisépour qualifier les Métis, autrement dit la population péruvienne non-indigène installéedans la région, qui incarne la figure de l’altérité pour les Kakataibo. Ils attribuent auxMétis la maîtrise et le contrôle de différents artefacts et savoirs qu’ils associent plusgénéralement au monde des Blancs. Bien que les uns et les autres soient désignés pardes termes distincts, les Blancs étant appelés « mirikanu » (les gens du marché) ou «

gringos », la différence entre les deux n’est pas de nature : elle est corrélée au degréd’altérité qu’ils représentent, degré qui augmente proportionnellement àl’éloignement7 géographique, linguistique et culturel. L’image que les Kakataibo ont desMétis et des Blancs est profondément ambivalente. D’un côté ils leur attribuent desconnaissances, des richesses matérielles et des technologies dont ils sont friands et del’autre ils leur reprochent d’être avides, violents et mesquins, ce qui les place auxantipodes de l’humanité idéale que les Kakataibo considèrent incarner.

Mimèsis : apprendre à être autre

7 Les concours de beauté kakataibo sont avant tout une expérience mimétique pendant

laquelle les candidates au titre de reine reproduisent des gestes, des paroles et desapparences des Métis (no). Le terme grec mimèsis, qui dans sa première acceptionsignifie « imitation », renvoie ici autant à une stratégie de communication qu’à uneappropriation et à un apprentissage. Bien que le terme trouve ses origines dans latragédie grecque dont les règles ont été fixées par Aristote dans sa Poétique au IVe siècle,

et qu’ensuite il fût utilisé exclusivement dans le domaine de l’art et de la littérature, il aété introduit au cours du XXe siècle dans les sciences sociales pour désigner certains

types d’interactions entre personnes ou entre sociétés dans un contexte colonial(Bhabha 1994). Ce déplacement a eu un impact sur la sémantique du terme. Comme lesouligne Christoph Wulf (1998), la mimèsis n’est pas une simple imitation :

Mimèsis signifie aussi : être l’émule de quelqu’un, se faire semblable à une chose ouà un être humain, s’exprimer, figurer quelqu’un ou quelque chose. La mimèsisindique une mise en forme après-coup et selon des moyens propres. Ce qui fait quese mêlent harmonie et changement, égalité et différence. (1998, p. 153)

Dans son essai « On the Mimetic Faculty » (1979), Walter Benjamin soutient que lacapacité de se comporter comme quelque chose d’autre est l’une des plus fortespulsions propres à l’espèce humaine. Ses idées ont été largement reprises par la suitedans le travail éclectique de Michael Taussig pour qui la « faculté mimétique » del’homme, autrement dit son aptitude primaire à copier, imiter et explorer la différence,sont autant de moyens de devenir autre (1993, p. XIII). Cette passion mimétique est

particulièrement prégnante en Amazonie. Tout en faisant écho à « l’altéritéconstituante » (Erikson 1986), à « l’extraordinaire ouverture à l’Autre » (Lévi-Strauss 1991), à « la voracité idéologique » (Viveiros de Castro 1993) et au« consumérisme effréné » nourri par la fascination pour l’exotisme (Hugh-Jones 1992 ;Gordon 2006) qui caractérisent de nombreuses sociétés amérindiennes, elle permetaussi d’explorer des dimensions de la vie sociale moins étudiées, comme la mise enspectacle de soi. Comment ce jeu consistant à « être un autre » se met-il en place chezles Kakataibo ?

Journal de la Société des américanistes, 103-1 | 2017

45

8 Même si toutes les filles pubères peuvent se porter candidates au titre de reine, la

participation au concours exige un entraînement préalable de deux jours, dispensé pardes professeurs et des infirmiers métis. Les autorités du village attendent que lesentraîneurs se manifestent de manière volontaire. Il s’agit souvent de personnes quiont déjà une certaine expérience dans l’organisation de ce type d’activités. Toutes lescandidates assistent au même entraînement et les filles qui sont les plus à l’aiseapportent systématiquement leur aide aux plus timides. Pendant la préparation, ellesdoivent apprendre à marcher sur la scène (esp. modelar), à s’y tenir correctement (unejambe avancée par rapport à l’autre avec le genou légèrement plié, une main appuyéesur la hanche tandis que l’autre tombe le long du corps), à parler fort, à saluer le publiccoquettement et à lui envoyer des baisers tout en continuant de sourire (Figure 1).

Fig. 1 – L’entraînement : les candidates apprennent à marcher et à se tenir sur la scène (Dziubinska,2016).

Le sourire est l’élément central de l’entraînement dans la mesure où toutes lescandidates ont d’abord des mines très sérieuses, parfois même effrayées, devant lesdifficultés que pose ce type d’exercice. Les entraîneurs encouragent donc tout au longde la journée les filles à sourire plus, voire à adopter « le sourire attirant » (esp. sonrisa

atractiva), et à se montrer joyeuses (esp. alegres). Lorsqu’une reine récemment élue estsortie sur la scène avec un visage de marbre au moment de son couronnement, unmembre du jury s’est exclamé désespéré : « mon Dieu, Kati, s’il te plaît, souris ! »

9 Assistées par les organisateurs, les candidates préparent également la présentation

qu’elles réciteront lors du concours, dans laquelle elles évoquent la fierté, la joie et lagratitude qu’elles ressentent à participer à l’événement. Cette déclaration contrasteavec leurs attitudes habituelles puisqu’au quotidien les émotions ne sont jamaisexprimées de manière aussi ouverte par les Kakataibo. En réalité ce sont les entraîneursqui conçoivent et écrivent ces discours qui sont ensuite mémorisés, avec beaucoup dedifficultés, par les jeunes filles. Elles apprennent par là même à parler « comme lesMétis », ce qui n’est pas sans importance compte tenu du fait que la langue et plusprécisément les modalités d’énonciation sont pour les Kakataibo un facteur puissant dedifférence sociale. Parler comme les Métis signifie parler de manière forte, directe etosée tout en fixant l’interlocuteur dans les yeux. Style d’expression qui diffère

Journal de la Société des américanistes, 103-1 | 2017

46

nettement de celui des Kakataibo qui, au contraire, parlent bas, d’une voix monotone,en évitant le regard de leur interlocuteur et en se couvrant souvent la bouche avec lamain en signe de respect. En général timides (katëkë), les filles kakataibo sont lors del’entraînement sans cesse encouragées par les Métis à être particulièrementexpressives : bouger plus, s’arrêter plus longtemps au bord de la scène, être plus« sensuelles » (esp. sensuales), manifester de la joie, applaudir, danser, etc. « Les fillesindigènes sont toujours très timides, elles ne savent pas sourire, se montrer heureuses,elles ont peur, ne veulent pas parler… C’est pour cela que le plus important est qu’ellesarrivent à desenvolverse. Celle qui a le plus de chance pour gagner c’est celle qui sedesenvuelve, qui n’est pas timide, qui sourit et qui reste attirante (esp. attractiva) » – m’aexpliqué l’infirmière de la communauté Mariscal Cáceres, chargée d’organiser un desconcours. Desenvolverse, terme qui n’a pas son équivalent en français, désigne laperformance accomplie de la manière la plus naturelle, aisée et habile qui soit. C’estsans aucun doute le terme clé de la préparation au concours de reine indigène. Ensomme, il est demandé aux candidates de rompre radicalement et publiquement avecleur mode d’être ordinaire où avoir honte (katë-) et maîtriser, ou dissimuler, desémotions sont des attitudes formellement prescrites, tout comme l’évitement deshommes étrangers. Pour devenir reine, il faut en quelque sorte réussir à« désindianiser » son corps afin qu’il ressemble le plus possible au modèle métis.

10 Malgré les efforts et l’enthousiasme des organisateurs, cette métamorphose reste

impossible à réaliser pour certaines jeunes filles kakataibo. Stressées et intimidées,elles n’arrivent pas à marcher comme des modèles, ni à imiter les autres gestes deséduction que la future reine devrait pourtant maîtriser avec aisance. La partie de lacompétition qui semble poser le plus de difficultés aux candidates est la prise de paroleen public. Souvent un long silence s’impose avant que l’on puisse entendre la candidateangoissée réciter sa présentation, au cours de laquelle des mots appris par cœurs’enchaînent de manière hasardeuse et parfois incohérente. Il n’est pas rare d’ailleursque la candidate oublie son âge ou qu’elle reste complètement muette, incapable deprononcer le moindre mot. Une sorte de condensation d’émotions contradictoires estainsi propre à ce spectacle : la timidité et l’embarras ressentis par les filles (parfois à telpoint qu’elles refusent de se présenter sur la scène) se combinent avec l’assurance etl’audace données à voir avec plus ou moins de succès. Le concours de beauté devientainsi une sorte de parabole des transformations corporelles que l’on peut observer chezles adolescents kakataibo dont le quotidien se déroule désormais autant dans lacommunauté native qu’en ville. Chacun de ces espaces possède ses propres codes desociabilité qui imposent des attitudes corporelles singulières, et qui sont souvent,comme c’est le cas ici, antinomiques.

Journal de la Société des américanistes, 103-1 | 2017

47

Fig. 2 – Une candidate en train de défiler devant la table du jury (Dziubinska, 2012).

11 Si l’on peut penser que le jury, dont la tâche est de départager les jeunes filles et de

choisir une gagnante, introduit un sentiment de rivalité entre les candidates, celui-cin’est en fait que factice. Les concurrentes sont la plupart du temps des cousines dumême âge et passent beaucoup de temps ensemble, aussi bien à l’école qu’en dehors descours. Pendant le concours, elles font surtout preuve d’amitié et de solidarité mutuelle,en s’aidant par exemple à changer de costume ou à se maquiller, plutôt que d’uneattitude réellement antagoniste. Toutes les jeunes filles étant gênées et intimidées,l’épreuve devient ainsi une sorte de jeu d’équipe.

Les costumes

12 Bien qu’au cours de l’événement les jeunes filles revêtent entre trois et cinq costumes

différents selon l’année – de ville (esp. traje de la ciudad), de sport (esp. traje de deportes),d’étudiante (esp. traje de estudiante), d’indigène (esp. traje nativo ou traje típico) et desoirée (esp. traje de noche ou traje de gala) –, il s’agit essentiellement de mettre en scènel’image de la femme blanche promue dans la communauté par les professeurs métis.Parmi ces costumes, deux ont particulièrement attiré mon attention car ils sedistinguent nettement des autres : le costume de l’indigène et le costume de gala.Voyons dans un premier temps la performance associée au premier d’entre eux.Pendant cette représentation, les prétendantes portent généralement des mini-jupes,des shorts et des tops en coton peints avec des dessins (kené) kakataibo (Figure 3).

Journal de la Société des américanistes, 103-1 | 2017

48

Fig. 3 – Les candidates kakataibo en costume d’indigène lors du concours Miss indigène àAguaytía (Dziubinska, 2016).

Il est toutefois arrivé qu’une candidate, fille d’une femme shipibo et d’un hommekakataibo, défile en habits shipibo « traditionnels »8 et qu’une autre, une jeune Métissede Huánuco dont la famille s’était installée récemment dans la communauté, soit vêtued’un costume à plumes aux couleurs éclatantes. Le concours de beauté met ainsi enavant les identités multiples à l’intérieur de la communauté tout en laissanttransparaître d’anciens antagonismes interethniques. Lors du dernier concours auquelj’ai assisté, aucune candidate ne possédait de costume indigène, il leur fallait donc lelouer ou l’emprunter. Ces habits ne font effectivement pas partie des possessionsstrictement personnelles et circulent souvent entre les jeunes filles de deuxcommunautés qui se les prêtent et se les empruntent à différentes occasions. J’ai alorssuggéré à une candidate de se présenter en costume shipibo, comme l’avait fait sa sœurquelques années auparavant. Elle m’a répondu catégoriquement : « C’est pas possible,ils n’aiment pas quand on met le costume shipibo ici, il faut que quelqu’un m’en prêteun kakataibo9 ! » Les costumes natifs sont souvent assortis de peintures faciales et dedifférents accessoires, choisis au hasard, comme des flèches, des arcs, des hochets oudes couronnes. Par ailleurs, les candidates défilent obligatoirement pieds nus, ce quicorrespond à la représentation nationale de l’Indien dépossédé et misérable. Il estimportant de souligner que cette esthétique est partiellement empruntée à celle miseen scène par les Métis lors des concours de beauté en ville. Bien que dans ce cas-là, lecostume ne soit pas qualifié d’« indigène » mais d’« allégorique » (esp. alegórico) ou de« typique » (esp. típico), la même symbolique est mobilisée lors de leur conception pourmettre en scène la femme indigène sauvage, guerrière, chasseuse et séductrice.

13 Dans le cadre de la performance « indigène », les candidates kakataibo sont

encouragées par les organisateurs métis à revêtir les costumes traditionnels de leursancêtres. Or les Kakataibo sont unanimes : leurs ancêtres étaient nus (kalatos) et neconnaissaient pas le vêtement. Dans sa chronique rédigée au début du XXe siècle, Günter

Tessmann évoque seulement des étuis péniens et des jupes peintes en rouge portés parles Kashibo-Kakataibo (1999 [1930], p. 71-72), accessoires visibles également sur laphoto prise par le photographe et explorateur allemand Charles Kroehle, lors de sonexpédition en Ucayali à la fin du XIXe siècle (Figure 4).

Journal de la Société des américanistes, 103-1 | 2017

49

Fig. 4 – Les Kashibo-Kakataibo à la fin du XIXe siècle. Auteur : Charles Kroehle. Source : GünterTessmann (1999 [1930], p. 78).

Ainsi, pour confectionner leur costume indigène, les candidates puisent dans unimaginaire esthétique hybride aujourd’hui partagé par les Métis et les Kakataibo, fruitdes rapports interethniques de la région. Plus qu’une tentative de reconstruction, cecostume illustre la négociation d’une nouvelle identité visuelle, dont l’un des enjeux estd’être immédiatement compréhensible par les Métis.

14 Après chaque défilé les candidates disparaissent derrière la scène où, dans la

pénombre, elles se préparent pour un nouveau passage, aidées par leurs sœurs,cousines et professeurs. Généralement un local leur est réservé, transformé en unegarde-robe dans laquelle règne un chaos total à chaque changement de costume. Lepublic est alors diverti par l’orchestre, mais il n’hésite pas à montrer sonmécontentement dès que les candidates se font attendre trop longtemps. Le concoursdure peu de temps : les défilés s’enchaînent rapidement, l’alcool coule généreusementet le public est impatient de connaître la reine et de commencer la fête qui durerajusqu’à l’aube. Pour leur dernière entrée sur scène, et en contraste avec la précédente,les jeunes filles se présentent en tenues de gala. Telles des princesses, elles portent desrobes étincelantes et décolletées, assorties de chaussures à talon, de gants et de bijouxen imitation or, que le chef de la communauté a loués auparavant dans la ville. Lespeintures ethniques du visage laissent place à un maquillage de soirée clinquant etpailleté. Les cheveux laissés libres lors de la performance indigène sont idéalementattachés en chignon et ornés de brillants.

Journal de la Société des américanistes, 103-1 | 2017

50

Fig. 5 – Les candidates kakataibo en costume de gala (Dziubinska, 2016).

Ce costume suscite les plus vives émotions et est parfois l’objet de disputes entre le chefet les jeunes filles de la communauté. Alors que pour diminuer le coût de la fête le cheftente de convaincre les candidates de préparer elles-mêmes leurs costumes, cesdernières menacent de ne pas participer au concours si le chef ne loue pas les robes enville10. C’est l’un des rares moments où ce sont les candidates qui revendiquent lecontrôle sur la forme que devra prendre l’événement. Les robes de gala authentiquessont en effet un objet de convoitise pour toutes les jeunes filles kakataibo. Ellesgarantissent non seulement le sérieux et la crédibilité de l’événement, mais rendentégalement le jeu d’imitation plus excitant.

15 Le costume de gala et le costume natif sont particulièrement signifiants du fait de leur

caractère fantaisiste. Avec ces deux tenues, les jeunes filles mettent en scène la visionprimitiviste que les Métis ont des Indiens, vision qui est partiellement adoptée par lesAmérindiens eux-mêmes, ainsi que la vision idéalisée et glamour que les Indiens ontgénéralement des Blancs. À travers un étrange jeu de miroir et de perspectives, ellesmatérialisent des images quelques fois grotesques et obsolètes. En mettant en scène ledécalage qui existe entre deux univers, celui de la ville et celui de la communauténative, ces performances amusent tout le monde, notamment grâce au caractèrestéréotypé et hyperbolique des représentations dont l’original n’existe pas, créant ainsiun climat de réjouissance aussi bien chez les Kakataibo que chez les Métis invités.

16 Cette dimension burlesque du spectacle permet un rapprochement avec le rituel dami

des Kashinahua, un autre groupe Pano, au cours duquel certains se déguisaientautrefois en Inka. Dans la version plus contemporaine, c’est le patrón soûl qui est l’objetde l’imitation : sa gestuelle à la fois agressive et maladroite divertit le public(Lagrou 2006, p. 45). La parodie des Blancs était en effet au programme des fêtes panodès le XIXe siècle. À titre d’exemple, Paul Marcoy a assisté, lors de son séjour dans la

mission de Sarayacu fondée sur le territoire des Shetebo11, à une mascarade pendantlaquelle les Indiens imitaient les explorateurs britanniques Smith et Lowe(Marcoy 1869, p. 70-74). Les parodies ridiculisant les personnes auxquelles est

Journal de la Société des américanistes, 103-1 | 2017

51

ordinairement attribué un pouvoir particulier ont souvent un potentiel subversif.Néanmoins, la mimèsis de la femme métisse ou blanche lors du concours de beautés’écarte partiellement des autres parodies par son caractère plus sérieux. Sans que legrotesque soit complètement évacué du spectacle, le rire et l’amusement du publicétant recherchés, la représentation faite de la femme blanche inspire une certaineestime et une certaine admiration, en incarnant une manière nouvelle d’être au monde.

La notion d’« authenticité »

17 Tous les costumes portés lors du concours permettent aux professeurs de montrer les

filles indigènes telles qu’ils veulent les voir. L’enjeu de la performance est à la fois decréer une illusion de similitude et de convaincre le jury de la capacité des filles àendosser un nouveau mode de vie. Bien qu’une ambiguïté demeure quant àl’importance accordée par les organisateurs du concours à l’apparence physique descandidates, celle-ci ne semble pas constituer le principal critère de sélection. Interrogéssur les critères qu’ils prennent en compte lors de leur évaluation, les membres du jurymettent davantage l’accent sur la qualité de la performance des jeunes filles (la capacitéde desenvolverse, la manière de bouger, l’expression de la joie et de l’envie d’être surscène) et les résultats scolaires, plutôt que sur un canon de beauté qu’ils apprécieraientplus qu’un autre. Avant le concours, un des évaluateurs a avoué que le corps de la jeunefille ne devrait pas être « trop gros », ce qui n’a toutefois pas empêché la plus ronde descandidates d’emporter la couronne quelques jours plus tard. L’année précédente, ce futau contraire une candidate très élancée par rapport aux autres filles kakataibo qui a étéélue. Dans les deux cas, ce sont les filles qui ont le mieux réussi à maîtriser leur timiditéet à dissimuler leur gêne tout en se montrant très à l’aise sur scène qui sont devenuesreines. Lors d’une conversation avec Rosa (16 ans), ex-reine de la communauté deYamino, je lui ai demandé s’il y avait une recette pour gagner, s’il importait parexemple d’être mince, grande ou d’avoir de longs cheveux. Elle a répondu sansréfléchir : « Non pas du tout, ça n’a aucune importance ! Le plus important c’estcomment la fille bouge sur la scène, comment elle danse, comment elle marche… C’estsûr qu’ils ne vont pas en choisir une qui est très timide, très nerveuse et qui a honte dupublic. Ils vont choisir la fille qui bouge bien et qui parle bien. » Plus que de l’apparencephysique des candidates, la beauté relève ici d’une technique du corps (Mauss 1936),des mouvements que les filles apprennent en imitant les mannequins professionnels.

18 Le passage sous silence des aspects physiques des candidates ne signifie pas pour autant

qu’ils soient sans importance, mais indique plutôt le rapport subjectif qu’entretientchaque individu vis-à-vis de la beauté. Dans le contexte amazonien où les critères desélection des reines de beauté ne sont pas toujours standardisés (comme c’est le cas parexemple dans les concours nationaux), l’évaluation des prétendantes dépend dans unelarge mesure de critères et de caractéristiques propres à chaque membre du jury,comme ses goûts personnels, son genre, le rapport qu’il entretient avec les candidatesen dehors du concours, ou encore son attirance sexuelle envers elles. Autant de critèresqu’il est difficile d’expliciter et de communiquer à une ethnologue. Il est généralementadmis dans le village que les professeurs métis, hommes ou femmes, entretiennent desrapports sexuels avec leurs élèves, mais il s’agit la plupart du temps de relationséphémères et « secrètes » qui prennent fin avec le contrat annuel de l’enseignant(e).

Journal de la Société des américanistes, 103-1 | 2017

52

19 La notion d’« authenticité », mobilisée de manière récurrente dans les différents

travaux sur les concours de beauté indigènes (Rogers 1999 ; Schackt 2005 ;Wroblewski 2014), est un critère de sélection prédominant dans de nombreux contextesautochtones d’Amérique du Sud et du Nord. La candidate la plus authentique est cellequi maîtrise non seulement la langue vernaculaire mais aussi les savoirs traditionnelset les techniques artisanales. Dans le cas kakataibo, la notion d’authenticité estprésente de manière inversée. Elle ne renvoie pas à une particularité culturelle visible,mais au contraire à la capacité de se fondre et de paraître comme les autres. Sous cetaspect, le concours de beauté kakataibo se rapproche plus des fameux bals gays new-yorkais filmés dans les années 1980 par Jennie Livingston12 que des autres concours debeauté indigènes. Pendant ces bals gays, les jeunes homosexuels et transgenres descommunautés noires et latinos défilaient avec les habits du « rich white world », lescostumes d’homme d’affaires, de militaire et de femme au foyer. Comme l’affirme l’undes participants au bal dans le film Paris is burning : « être “vrai” c’est être capable de sefondre. Si tu peux passer devant un œil inhabitué, ou même devant un œil habitué, sansrévéler que tu es gay, c’est ça être vrai. L’idée de “vraisemblance” c’est de ressembler leplus possible à ton alter ego hétéro ». C’est précisément cette authenticité qui estévaluée par le jury métis qui d’ailleurs n’autorise aucun kakataibo à en faire partie.Cette authenticité-là est également celle que recherchent les Kakataibo eux-mêmesdans différentes situations d’interaction avec des étrangers.

20 Les données recueillies sur le terrain ne me permettent pas d’affirmer que les

vêtements occidentaux sont un instrument grâce auquel les Kakataibo adopteraient lepoint de vue des Blancs (Santos-Granero 2009). En revanche ils semblent à leurs yeuxfaciliter les interactions dans lesquelles ils sont engagés. Lors de déplacements en ville,souvent motivés par des formalités bureaucratiques, l’élément vestimentaire quipréoccupait le plus les Kakataibo était les chaussures (taxaca) alors même qu’ilsconsidèrent souvent qu’elles empêchent de « bien marcher ». Le port des chaussuresn’était donc pas associé à une fonction de confort ou de protection des pieds. Mesinterlocuteurs kakataibo étaient persuadés que l’imitation (tana-13) du comportementdes fonctionnaires métis et l’adoption de leur code vestimentaire rendraient lacommunication plus aisée tout en ayant un impact direct sur l’efficacité de leursdémarches. La situation dans laquelle se retrouva un homme kakataibo lors d’unvoyage à Lima est particulièrement révélatrice de ce rapport aux vêtements. L’une deses semelles s’étant décollée, cet homme m’expliqua avec humour comment il avait dûl’attacher à son pied en se servant de lacets afin que personne ne se rende comptequ’en réalité il marchait pieds nus (comme un Indien !). Cet exemple montre que leschaussures et plus globalement les vêtements doivent être considérés comme unmasque qui doit dissimuler la réalité et camoufler (sans effacer) la différence entre lesKakataibo et les Métis, plutôt que comme l’expression de leur identité multiple.

21 Aborder un événement tel que le concours de beauté amérindien en mettant en avant

la notion de mimèsis permet de dépasser la perspective binaire et réductrice(acculturation passive versus indigénisation active) que l’on retrouve généralementdans les études sur la mondialisation en Amazonie. Elle laisse entrevoir la placecentrale de l’altérité dans la construction du soi, sans passer sous silence les rapportsde pouvoir avec la société nationale dans lesquels les Kakataibo sont engagés depuisfort longtemps, et sans faire appel à l’attirail ontologique mobilisé régulièrement pouraborder l’expérience de l’altérité dans les basses terres. La mimèsis n’est pas le simple

Journal de la Société des américanistes, 103-1 | 2017

53

acte d’imiter et de reproduire un modèle car elle laisse une place importante à lanégociation, la créativité, l’insubordination et l’humour. C’est ainsi qu’elle permet dedécouvrir de nouvelles dimensions des phénomènes dits « globaux » qui ont peiné àtrouver leur place dans les monographies amazoniennes. Dès lors la question qui sepose concerne la dimension performative du concours : qu’est-ce qu’il produit et enquoi consiste son efficacité ?

Pouvoir de séduction

22 La sexualisation du spectacle, les gestes effectués par les jeunes filles et la place

centrale qu’occupe le public masculin réuni devant la scène ne laissent aucun doutequant au fait que c’est aux hommes que cette performance est en priorité destinée. Ànoter que ce n’est pas le seul moment de la fête de la communauté où apparaît la figurede la femme hypersexualisée. Elle est également présente lors des concerts nocturnesde cumbia14 pendant lesquels les danseuses (esp. bailarinas) en bikini doréaccompagnant l’orchestre gémissent et simulent des rapports sexuels sur scène. Lesexploits provocants des danseuses fascinent et attirent l’attention de tout le public, ycompris des Kakataibo les plus âgés. Les rires ne cessent tout au long du spectacle et lesapplaudissements accompagnent chaque encouragement de l’animateur.

Fig. 6 – L’orchestre accompagné par deux danseuses (Dziubinska, 2016).

Cette performance est d’une telle importance dans les festivités amérindiennescontemporaines que l’orchestre s’est une fois vu refuser l’animation du concert aumotif que l’année précédente il avait omis de venir accompagné de danseuses.

23 Les bailarinas aussi bien que les candidates au titre de reine incarnent à des degrés

différents la même image de la féminité provocante et érotisée. Bien que l’appétitsexuel démesuré soit certainement en lien avec le manque de contrôle de soi dont lesKakataibo accusent les Métis, il s’agit d’une caractéristique qu’ils associent plusgénéralement à la féminité. C’est ainsi qu’ils attribuent par exemple aux femmes la

Journal de la Société des américanistes, 103-1 | 2017

54

maîtrise des plantes piri-piri avec lesquelles elles peuvent influencer les sentiments etles intentions des hommes en les rendant amoureux ou dociles. En lisant certains récitsde femmes kakataibo sur l’époque du caoutchouc recueillis par Abner Montalvo Vidaldans les années 1950, j’ai été surprise par la confusion pour le moins déconcertanteentre les atrocités de la guerre (assassinats, rapts, viols) et les plaisirs sexuels. Une desnarratrices raconte :

Los mozos me llevaron a la playa y detrás de los cañaverales me tendieron en el suelo y « mechutaron15 ». Así hicieron varias veces durante los siguientes días. Ellos me querían y yotambién llegué a quererlos. A mí me gustó mucho. Por eso los días siguientes iba con ellos sinser amarrada. Todos los días « me chutaban ». Mi marido y mis paisanos me decían: « Nohagas con ellos, porque tienen un pene muy largo y que me harán daño, pero a mí megustaba mucho y así se los dije. » (Montalvo Vidal 2010, p. 76)

Dans le contexte contemporain, plusieurs ethnographies évoquent les relationssexuelles que les élèves indigènes entretiennent avec les enseignants métis(notamment Rival 2002 ; High 2006). Bien que ces rapports soient généralementcondamnés dans les discours que les Amérindiens ont l’habitude de tenir face à unethnologue, cela ne change en rien le fait qu’ils existent et que le sexe est l’un desressorts tout à fait usuel par lequel les femmes indigènes interagissent avec lesétrangers, et ce depuis fort longtemps. Il est évidemment possible d’inscrire cesrapports dans la problématique plus large de la colonisation et de la domination que lasociété nationale exerce sur les peuples indigènes, mais cette approche n’épuise pastous les aspects de ce type de rapports. Foucault a insisté tout au long de son travail surle lien intime entre la sexualité et le pouvoir mais c’est Butler qui a constaté que « lepouvoir est une dimension très excitante de la sexualité » (Fassin et Feher 2003, p. 46)en ramenant cette question vers une sphère nouvelle et sans doute moins explorée enanthropologie (voir cependant Kulick 1998). Cette dimension s’illustre au regard desnombreux mariages entre les femmes kakataibo et les hommes métis. En plus du faitque la majorité de mes interlocuteurs s’accordent à dire que les femmes indigènes ontdes rapports sexuels avec les hommes métis car ils sont capables de travailler plus queles autres, gagnent beaucoup d’argent et peuvent leur acheter les choses qui leurplaisent, certaines femmes kakataibo ont également évoqué le fait que les Métis sont demeilleurs amants car plus « affectueux » (esp. cariñosos) que les hommes indigènes.C’est donc leurs comportements érotiques ainsi que leur richesse matérielle quirendent les Métis séduisants et désirables.

24 La séduction est un schème relationnel privilégié par les Amérindiens pour interagir

avec les autres, aussi bien humains que non-humains (voir par exemple Yvinec 2005 ;Keifenheim 2002 ; Taylor 2000 ; Lagrou 1998 ; Rubenstein 2004). Elle constitue souventune étape préliminaire au rapport de prédation. Les techniques d’attraction sont trèsnombreuses en Amazonie néanmoins celle qui me semble intéressante pour le proposde cet article est l’imitation. Celle-ci peut être visuelle et/ou sonore, l’objectif de l’agentétant de tromper l’autre en lui faisant prendre pour vrai ce qui est illusoire. Il s’agitd’une tactique très répandue parmi les chasseurs qui séduisent leurs proies nonseulement grâce aux odeurs mais aussi avec les chants en imitant la voix du gibier pourl’attirer à soi. Lors de mon travail de terrain, j’ai été mise en garde à plusieurs reprisescontre les mauvais esprits ñushin qui attaquent les humains solitaires. Une des rusesqu’ils utilisent pour séduire leur victime est de se présenter devant elle sousl’apparence d’une personne qui lui est familière et chère. « Un jour tu vas voir ton mari.Tu penseras que c’est ton mari, mais ce ne sera pas ton mari. Il te dira : “viens, on va se

Journal de la Société des américanistes, 103-1 | 2017

55

promener à la chacra16”. Tu le suivras et là, quand vous serez très loin, il te laissera et tune sauras pas comment revenir, et tu pourrais mourir » – m’a prévenue une jeunefemme kakataibo. Le séducteur est avant tout un trickster se faisant passer pourquelqu’un d’autre. Son pouvoir consiste à contrôler l’expérience perceptive d’unepersonne par le biais d’images familières. En étudiant les pratiques de chasse chez lesYukaghir en Sibérie, Rane Willerslev a constaté :

[…] the success of the seducer rests on his ability to create an image of the seduced – which,however, is not an exact image of how his victim experiences herself, but rather an idealrepresentation, a fantasy image of what she could become. (2007, p. 101)

Dans la première partie de cet article, ont été évoqués les efforts entreprisconjointement par les professeurs métis et les jeunes filles kakataibo pour préparer cespectacle mimétique et mettre en scène un modèle de la femme conforme auxfantasmes, aux normes et aux valeurs nationales, un modèle pensé commespécifiquement attirant pour les Métis. La dimension initiatique de cet événement mesemble très importante. Une fois le concours terminé, commence le bal qui durerajusqu’à l’aube. Les jeunes filles gardent leur tenue de gala qui les différencieostensiblement des autres femmes présentes dans le village en leur conférant un statutparticulier. Il est inutile de préciser que ce sont les candidates du concours qui attirentl’attention des jeunes hommes, aussi bien indigènes que métis. Ils font la queue pourpouvoir les inviter à danser ou se prendre en photo avec elles. Puisque seules les fillespubères en passe de terminer l’école secondaire et bientôt prêtes à se marier peuventparticiper au concours, celui-ci devient une excellente occasion de présenter aux alliés,métis et indigènes, les futures candidates au mariage et d’attirer des hommes étrangersdans la communauté. Ainsi l’un des effets de l’incorporation par les candidates d’unmodèle de femme converti en objet de désir pour les Métis est de les rendre elles-mêmes désirables à leurs yeux.

25 Si par le passé le mariage préféré était celui contracté entre des cousins croisés,

aujourd’hui les Kakataibo les distinguent de moins en moins des cousins parallèles. Lesuns comme les autres sont désormais désignés par le même terme espagnol « primo » etle mariage avec ces derniers est souvent perçu comme incestueux. Comme l’a constatéune jeune femme kakataibo : « On doit aller à la ville trouver un mari car ici noussommes tous cousins et cousines ! » Le mariage autrefois prescrit risque dorénavant deprovoquer un grand émoi. Pendant mon travail de terrain, j’ai eu l’opportunitéd’observer les péripéties d’un jeune couple (des cousins croisés au deuxième degré)dont l’alliance a été dès le départ très mal vue par les parents du jeune homme. Sa mèrem’a expliqué que la jeune fille était une parente trop proche de son fils et que le risqueétait trop grand de voir les familles se disputer :

Je préfère que mes fils se marient avec des femmes d’ailleurs. Après le mariage, lesjeunes s’ennuient rapidement ensemble, ils commencent à se disputer, à s’insulter.Toute la famille commence à se disputer. Je ne veux pas que mes fils se marient avecdes paisanas17, pour que les familles ne souffrent pas.

26 L’exogamie locale est posée ici comme une garantie de l’ordre social. Bien que les

tensions et les disputes permanentes au sein de la communauté préservent les divisionset l’autonomie des unités co-résidentielles qui la composent, il paraît aujourd’hui plusfacile de chercher les affins à l’extérieur pour pouvoir les incorporer ensuite au village.Dès lors les intermariages avec les Métis ne doivent pas être considérés comme le signed’un abandon des anciens principes de l’organisation sociale mais au contraire commeun moyen permettant de perpétuer l’organisation dualiste « traditionnelle » et

Journal de la Société des américanistes, 103-1 | 2017

56

l’uxorilocalité dans une forme plus radicale. Les fêtes annuelles kakataibo et lesconcours de beauté permettent de réactualiser les contacts avec les Métis et de lesattirer vers la communauté. Précisons toutefois que les grandes fêtes amérindiennesont toujours été l’occasion de contracter des mariages. Ce sont les gendres qui ontchangé, du moins en partie, et avec eux les codes du divertissement et de la séduction.

Savoir, beauté et corps : produire les personnes enAmazonie

27 Prétendre que l’unique enjeu de la performance des candidates au titre de reine est de

séduire les hommes métis pour en faire leurs maris est évidemment inexact. Enrevanche il est possible d’inscrire le concours dans le plus vaste projet des professeursmétis visant l’intégration des groupes amérindiens au reste de la société péruvienne enles transformant en citoyens « civilisés et modernes ». Le concours de beauté permetnotamment de rendre publiquement visibles ces processus de transformation qui ontactuellement lieu dans les communautés natives. La figure du « professionnel18 » (esp.profesional) est emblématique de ce qui pourrait être vu comme une nouvelle forme desubjectivité. Du point de vue des Kakataibo, l’école constitue un lieu qui devrait donneraccès à leurs enfants à l’univers fantasmé des professionnels salariés, idéal lié àl’abondance et au prestige. L’accès à ce statut se fait par l’incorporation, pendant delongues années, de savoirs et de conduites enseignés par les professeurs étrangers. Enétudiant le mouvement des mosquées de femmes au Caire, Saba Mahmood (2005)constate que c’est par la réitération de diverses pratiques corporelles, comme le port duvoile, qu’est produit un « soi pieux ». Dans cette logique le voile n’est pas un signeidentitaire transmettant un message aux autres mais un instrument qui sert à produireune disposition intérieure à la piété. De manière analogue l’exercice mimétiquequ’illustre le concours de beauté kakataibo est non seulement une façon d’explorerl’altérité sur un mode ludique, mais il pourrait également être considéré comme unapprentissage corporel des différentes pratiques (la prise de parole en public, le respectde codes vestimentaires spécifiques, l’attitude osée, les soins corporels) qui produisentin fine des sujets « modernes ». Cette intégration résulterait également de l’emprise desprofesseurs étrangers, des infirmiers et des médecins sur les corps des adolescentesindigènes, notamment par le biais des nouvelles règles d’hygiène, d’alimentation et decontraception, ainsi qu’à la disposition des filles à se laisser affecter. Comment ce projets’articule-t-il avec les conceptions amérindiennes du corps et plus généralement de lapersonne ?

28 Le thème de la corporéité est désormais classique en anthropologie amazoniste. Plutôt

que d’être considéré comme une donnée biologique, le corps est pensé comme lerésultat des interactions que la personne entretient avec les autres et, ainsi que lesuggère Viveiros de Castro (1996, p. 478), comme un assemblage de savoirs, d’affects etde dispositions constituant l’habitus. La fabrication sociale du corps peut prendre desformes très diverses : par le biais de pratiques rituelles mais également au quotidien àtravers les rapports de commensalité ou les soins que les parents apportent à leursenfants. « Le corps humain est la chose la plus valorisée dans cet univers [amérindien]parce qu’il matérialise la sociabilité » (Taylor et Viveiros de Castro 2006, p. 149). De cefait sa beauté ne peut être jugée sans considérer cette dimension relationnelle. Ceconstat est particulièrement intéressant en ce qui concerne le concours de reine

Journal de la Société des américanistes, 103-1 | 2017

57

kakataibo dans lequel s’entremêlent non seulement deux conceptions de la beauté maisplus généralement du corps.

29 Comme déjà évoqué, la minceur peut être un critère de sélection. De nombreuses jeunes

filles amérindiennes vivant à proximité de la ville souhaitent être maigres (bëtsin), cequi pousse certaines d’entre elles à avoir des comportements anorexiques. C’est le casde l’ex-reine kakataibo. Étudiante en ville, elle a horrifié ses parents lors de sa visitedans la communauté en se forçant à vomir après le repas. La jeune fille a ouvertementavoué qu’elle ne pouvait plus manger comme sa famille indienne de peur de grossir.L’attitude de la jeune fille a préoccupé toute sa famille qui craignait qu’elle deviennetrès faible (ñusma) et tombe malade. Le refus de la jeune fille de manger avec sesparents était également angoissant pour d’autres raisons liées à l’importance durapport nourricier dans la construction des liens de parenté. Malgré les apparences,l’attitude de la jeune fille n’a pas été interprétée comme relevant uniquement de savolonté, ainsi que le suggèrent les explications de sa mère : « son estomac n’accepteplus notre nourriture ». Il s’agirait donc d’un changement plus profond qui s’estproduit dans le corps de la fille, d’une altération due à un séjour prolongé parmi lesMétis.

30 En opposition à l’idéal forgé par les adolescents, les Kakataibo plus âgés n’apprécient

pas les corps maigres qu’ils associent généralement à la maladie et à l’altération desrapports sociaux. L’un d’entre eux m’a dit un jour : « Nos femmes s’appellent o xanu

[femme tapir] ou ñoia xanu [femme pécari]19 parce que nous aimons les femmes grosses(xua) et fortes (kushi) comme ces animaux. » Les beaux corps sont les corps qui sans êtreobèses sont robustes, forts, capables de travailler, de produire des choses pouvant êtrepartagées et par conséquent produire de belles relations avec les autres. Autrement dit,rien ne peut être beau chez une personne qui vit mal avec ses semblables. La fille éluereine est appelée en kakataibo « upira xanu », soit « la plus belle femme » (« -ra » est unintensificateur). Néanmoins le terme « upi » renvoie aussi bien à ce qui est beau qu’aubon et au correct. C’est ce modèle relationnel et processuel de la personne que l’onretrouve en Amazonie dans la mesure où la personne est indissociable des rapports quila constituent.

31 Devenir une personne adulte kakataibo est conditionné par l’acquisition d’un savoir

traditionnellement transmis par le biais des conseils. Les Kakataibo désignent cetapprentissage éthique par le verbe « ’ësë- » qu’ils traduisent habituellement par« conseiller ». Les prescriptions moralisantes ont pour but de produire de bellespersonnes, soit des personnes qui savent comment bien vivre avec leurs proches touten étant heureuses (kuënkë). Il s’agit d’un dispositif puissant à travers lequel lesKakataibo construisent la parenté idéale. L’idée de produire des vraies personnes par latransmission d’un certain type de discours n’est pas récente chez les Kakataibo. Elle aconstitué une partie essentielle de l’ancien rite de passage masculin « chanin bana ati »

(« être réuni en parlant ») abandonné depuis plusieurs décennies. Tandis que lesKashinahua « cuisinaient » leurs enfants pendant le rituel Nixpo Pima pour en faire devraies personnes (Lagrou 1998 ; McCallum 2001) et que les Matis, pour des raisonsanalogues, fouettaient et tatouaient les leurs (Erikson 2003, 2004), les Kakataiboattachaient plus d’attention à leur transmettre des prescriptions. Le contenu de cesenseignements, qui au premier abord paraît tout à fait prosaïque, résume les grandsprincipes de la sociabilité kakataibo, largement partagés par les autres groupesamérindiens : éviter les disputes et la montée de la colère, respecter les parents et les

Journal de la Société des américanistes, 103-1 | 2017

58

grands-parents, partager la nourriture avec les proches, ne pas parler en mal desautres, ne pas être paresseux, travailler dans l’essart, etc. Les conseils prennent engénéral la forme de monologues nocturnes pendant lesquels les enfants interviennenttrès rarement. À dire vrai j’ai souvent eu l’impression que les destinataires des conseilsétaient endormis, ce qui n’empêchait aucunement les grands-parents de continuer àparler. Dans ce cas, sans être entendus par ceux qui devraient les écouter, ces conseilsdeviennent une sorte de remémoration des prescriptions transmises par les aïeux. Cequi n’est pas sans rappeler ce que Pierre Clastres (1974, p. 135) a écrit sur la parole« vide » du chef qui « n’est pas dite pour être écoutée » (ibid.). Cette interprétation dudiscours du chef a été critiquée par Peter Gow (1991, p. 227-228) qui a suggéré quel’existence même du groupe est le fruit de ce discours. Gow soutient que malgré sabanalité apparente, il permet au chef de rappeler aux membres de son groupe pourquoiils doivent vivre ensemble. À une autre échelle, il est possible de dire que les conseilskakataibo produisent le groupe de parents en indiquant aux jeunes les conduites àadopter pour en faire partie. Et c’est en premier lieu cet engagement relationnel quifait d’eux de belles personnes.

32 Les transformations sociales qui se sont produites récemment dans la vie des Kakataibo

– la préférence pour les maisons nucléaires qui ont éloigné les grands-parents de leurspetits-enfants, l’apparition de l’école qui à son tour sépare les enfants de leurs parentspendant une grande partie de la journée, ou encore l’omniprésence de la radiodiffusant sans arrêt des nouvelles locales et mondiales – ont évidemment bousculé lerégime des savoirs traditionnels en modifiant le contexte de transmission des conseils.Néanmoins ces derniers restent complémentaires des connaissances transmises àl’école. Comme me l’a expliqué l’un de mes interlocuteurs kakataibo : « l’école permetde devenir moderne et professionnel, mais c’est grâce aux conseils que les jeunessavent comment vivre heureux ». Il est intéressant de souligner que dans les deuxrégimes, le savoir n’est pas genré au départ. Autrement dit les filles et les garçons,désignés jusqu’à la puberté par le même terme « tua » (enfant), reçoivent les mêmesconseils et fréquentent les mêmes cours à l’école. Tout change à l’âge de la pubertélorsque la construction des sujets genrés commence, l’école jouant à partir de cemoment un rôle fondamental dans cette formation.

École : apprendre à être hommes et femmes modernes

33 Le genre ne doit pas être ici compris en termes identitaires et essentialistes, mais

comme un mode d’agir lié à des agentivités spécifiques (Strathern 1988). Selon JudithButler :

If gender is a kind of doing, an incessant activity performed, in part, without one’s knowingand without one’s willing, it is not for that reason automatic or mechanical. On the contrary,it is a practice of improvisation within a scene of constraint. Moreover, one does not « do »one’s gender alone. One is always « doing » with or for another. (2004, p. 42)

Comment concrètement ce mécanisme produisant le masculin et le féminin normatifsest mis en place chez les Kakataibo ? L’école a contribué à forger un nouveau modèle demasculinité, en particulier en intégrant la pratique du football dans l’apprentissagescolaire20. Les enfants sont initiés au jeu en entrant à l’école primaire. L’entraînement (« kwaiti unanti », littéralement « savoir jouer ») est perçu comme la transmission d’unsavoir corporel particulier et est composé d’un ensemble de gestes appris depuisl’enfance de la même manière que l’écriture ou la lecture. Le statut de ces différents

Journal de la Société des américanistes, 103-1 | 2017

59

savoirs est comparable non seulement par la manière et les conditions dans lesquellesils sont acquis, mais aussi par le caractère performatif que les Kakataibo leur attribuentdans les rapports avec les autres (Dziubinska 2013). Au-delà de cet aspectinterrelationnel, le football constitue l’élément clé d’un nouveau modèle de virilité enAmazonie (Vianna 2008 ; Acuña Delgado 2010 ; Walker 2013 ; Dziubinska 2014a), maisplus encore il est une nouvelle manière d’être homme. Autrefois cet idéal était fondésur l’exaltation des vertus guerrières et cynégétiques des jeunes hommes, maisdésormais ce modèle tend à devenir obsolète, les jeunes kakataibo sachant sans doutemieux manipuler un ballon et un ordinateur qu’un arc ou un fusil. Bien que sur le plantechnique les différences entre un joueur de football, un chasseur et un guerrier soientnombreuses, force est de constater que dans ces trois cas les hommes doivent fairepreuve des mêmes vertus – force, habileté, rapidité et maîtrise de soi – qui s’acquièrentprogressivement par la diète (sanan-)21 et surtout par la pratique. Le football sert decadre reconnu et hautement valorisé pour exprimer et réaffirmer les valeurs liées à lamasculinité globalisée. Non seulement il rend le corps plus fort et donc plus beau maisil permet aussi de gagner de l’argent par le biais des paris obligatoires et de démontrersa supériorité face aux autres. Que se passe-t-il du côté féminin ?

34 Marina, une jeune enseignante kakataibo de Mariscal Cáceres m’a souvent parlé avec

nostalgie du temps passé à accompagner ses professeures de l’école secondaire aprèsles cours. « Je dormais souvent avec elles et elles me surveillaient tout le temps ! Pourque je fasse bien mes devoirs et surtout pour que je ne voie pas mes amoureux. Jedevais toujours les rencontrer en cachette ! Dès qu’elles voyaient un garçonm’approcher, elles allaient directement le dire à mon père et là les problèmescommençaient… » – m’a-t-elle raconté amusée. Très souvent les professeures de la villequi arrivent à la communauté ont peur de dormir seules dans les maisons qu’elleslouent au village. Elles demandent régulièrement à leurs élèves préférées de lesaccompagner la nuit. De forts liens affectueux peuvent se nouer entre elles et sepoursuivre longtemps après le départ des enseignantes. Dans le cas de Marina, ce sontses professeures qui l’ont amené visiter Lima et Arequipa quand elle était adolescenteet qui l’ont soutenue financièrement afin qu’elle puisse terminer ses études à Pucallpa.Cet exemple montre l’importance du rôle que les professeures métisses peuvent jouerdans la vie des jeunes filles indigènes, rôle qui dépasse largement les seuls cours.

35 L’apprentissage dispensé lors du concours de beauté n’est qu’un prolongement de la

« formation » qui se fait au quotidien à l’école. Ce sont en effet les enseignantesmétisses qui ont récemment introduit dans la communauté le catalogue de vente« Avon ». Il s’agit d’un répertoire d’objets jugés indispensables à la vie des femmesmodernes et dans lequel, à côté de produits de beauté, sont présents des ustensiles decuisine et des fournitures scolaires. Bien qu’elles en soient très friandes, toutes lesfemmes kakataibo ne peuvent pas se permettre de les acheter. Néanmoins le cataloguen’est pas, à mon sens, un simple outil de vente. Il remplit également une fonctiondidactique en se présentant comme une sorte de manuel. Lors de plusieurs soiréesauxquelles j’ai assistées et qui réunissaient les jeunes filles de la communauté dans lepatio d’une enseignante métisse, j’ai pu observer comment le catalogue était feuilleté etmanipulé, comment il circulait de l’une à l’autre. Chacune admirait la beauté des objetset des modèles féminins, et planifiait de futurs achats tout en se projetant dansl’univers parfait que les photos du catalogue leur inspiraient. Cela dit, la transmission

Journal de la Société des américanistes, 103-1 | 2017

60

de la conception métisse de la manière dont une femme devrait être et paraître peutaussi parfois prendre une tournure plus acerbe.

36 Lors d’une nuit passée à l’hôpital de Pucallpa auprès d’une femme kakataibo et de son

enfant malade visiblement dénutri, l’une des médecins venue voir l’enfant dit à lamère :

[…] l’enfant est malade et triste car sa maman ne prend pas soin de lui ni d’elle-même. Pour que l’enfant se sente bien, la maman doit prendre soin d’elle, elle doitbien manger, oui ou non ? Elle doit penser à se laver, à laver ses cheveux, à peignerses cheveux, à mettre de jolis vêtements, oui ? Quand la maman a mauvaise allure,avec des cheveux gras [en touchant les cheveux de la femme], des cheveux quitombent n’importe comment, l’enfant devient triste. Quand l’enfant voit sa mamanbelle, soignée et heureuse, il est bien aussi, le bébé devient heureux.

Cette pression extérieure sur l’apparence des femmes indigènes a un impact d’autantplus important sur leurs conduites qu’elle est exercée par des personnes qui ont unstatut élevé (professeurs, médecins) et qui de ce fait jouissent d’une certaine autorité.Dans sa thèse de doctorat, Jamie Shenton (2014) décrit une expérience réalisée avecquelques femmes kichwa d’Amazonie équatorienne. L’expérience consistait à leurprésenter plusieurs photos de stars hollywoodiennes en leur demandant si ellesvoudraient être comme elles. Ce qui me semble particulièrement intéressant dans cetexercice est l’argument mis en avant par les femmes adultes qui ont répondupositivement à l’anthropologue. Ce qui leur a plu le plus chez ces actrices, c’est que cesfemmes avaient fait des études et pouvaient à présent assurer l’éducation de leursenfants (ibid., p. 147). Ces vignettes ethnographiques laissent entrevoir une conceptionde la beauté où le paraître n’est pas une simple qualité ou attitude mais une formed’agentivité. Les soins corporels font partie des « techniques de soi » à traverslesquelles l’individu se transforme, seul ou aidé par les autres, afin d’atteindre un autrestatut, le bonheur, la perfection, etc. (Foucault dans Martin 1998, p. 18). Dans le cas quinous intéresse ici, l’objectif est de devenir une professionnelle salariée. Remarquonstoutefois que ce n’est pas l’autonomie individuelle qui est alors mise en avant par lesjeunes kakataibo aspirant à faire leurs études en ville, mais le désir d’être en mesured’aider leur famille (enfants, parents, grands-parents).

37 Le concours de beauté ne fait qu’affirmer le lien étroit qui existe chez de nombreux

groupes amérindiens ayant fait l’expérience du même système éducatif, entre la beautéet l’éducation. Mais ce n’est pas la seule chose que crée le concours. Il ne produit pasuniquement le rêve d’être professionnelle, mais il est susceptible de produire lesprofessionnelles elles-mêmes. En effet la candidate élue reine obtient non seulementune couronne qu’elle garde chez elle une année durant, mais elle gagne surtout uneaide financière qui devrait lui permettre de s’installer en ville pour y continuer sesétudes. Devenir reine offre donc une opportunité à la jeune fille de devenir cette femmemise en scène lors du concours de beauté et, pour cette raison, il pourrait êtreconsidéré comme une source d’empowerment pour les femmes indigènes. En quoipourrait consister l’empowerment au féminin du point de vue des Kakataibo ? Les proposde Belinda, 26 ans, mère de deux filles, avec laquelle j’ai pu m’entretenir à denombreuses reprises, l’expliquent particulièrement bien :

Mon mari voulait avoir beaucoup d’enfants, il voulait en avoir cinq ! Mais je lui aidit dès le départ : « n’imagine pas que tu me rempliras d’enfants (no te imagines queme vas a llenar de hijos), que tu vas aller par ici par là et que je resterai avec mesenfants à la maison, en pensant, en souffrant ». Moi, Magda, j’ai ce truc de femme,moi j’aime la liberté, j’aime aller voir d’autres endroits, participer à des ateliers

Journal de la Société des américanistes, 103-1 | 2017

61

(talleres), travailler. Quoi, je ne saurais pas travailler, moi ? Une fois il m’a fait lacrise de jalousie, mais rapidement je l’ai remis à sa place. Il doit accepter ça et sicela ne lui plaît pas : au revoir ! On ira par des chemins séparés.

Conclusion

38 Plutôt qu’une réelle compétition, le concours de beauté kakataibo est un jeu d’équipe

entre les candidates, une expérience ludique et esthétique assez éprouvante quiconcerne de plus en plus de filles amérindiennes arrivées à l’âge de la puberté.Symptomatique de l’intégration des groupes indigènes à la société nationale et de leurplus grande intimité avec l’espace urbain et les outils technologiques modernes,l’adoption du concours par les Amérindiens n’est pas une simple conséquence del’acculturation. L’objectif de cet article était d’inscrire cet événement dans un contexterelationnel et politique plus large, en questionnant d’un côté la nature des rapports queles Kakataibo entretiennent avec d’autres Péruviens et, de l’autre, le statut que legroupe réserve aujourd’hui aux femmes.

39 Les études sur les rapports entre les Amérindiens et les Blancs mettent généralement

en avant les concepts d’appropriation et de prédation. Bien qu’elles soient aussiprésentes dans les rapports considérés ici, le concours de beauté permet de les regarderde manière différente et de mettre en lumière des aspects longtemps restés dansl’ombre. Grâce aux notions de séduction, de performance et de mimèsis, il est possiblede saisir la dimension ludique de ces rapports, le plaisir que peut procurer le jeuconsistant à être un autre et la satisfaction que les Kakataibo ressentent en réussissantà tromper l’autre en l’imitant. La séduction, tout en constituant une forme de pouvoiralternatif, laisse entrevoir simultanément la surenchère qui caractérise les rapportsentre les Kakataibo et les Métis. Il ne s’agit pas seulement de séduire les jeunes hommesétrangers, les époux potentiels, mais aussi les hommes politiques d’Aguaytía et lesvillages voisins invités à festoyer. Ils viennent attirés par des intérêts personnels(femmes, terre, électorat) mais aussi par l’amusement que ces fêtes indigènes offrent ensuivant les codes du divertissement métis. Or l’enjeu pour les Kakataibo n’est passimplement d’imiter les fêtes de leurs voisins mais de les faire encore plus grandes, plusriches et plus bruyantes. Nous sommes ici plus dans une logique de la symétrie(Bateson 1977) que dans celle de la domination.

40 Il est encore tôt pour discerner l’impact durable que le concours de beauté peut avoir

sur la vie des jeunes filles kakataibo. On peut toutefois d’ores et déjà affirmer qu’ils’inscrit pleinement dans un processus de « professionnalisation », aspirationlargement partagée dans la communauté native. Au-delà des transformationscorporelles qu’il entraîne, le concours permet à la reine de s’installer en ville, decontinuer sa scolarité avec les Métis et d’expérimenter de nouveaux modes desociabilité et de subjectivation. Cette expérience urbaine, souvent temporaire et parfoisratée, constitue une étape extrêmement importante dans la vie des adolescentsamérindiens. Ils y puisent par la suite pour construire leur propre autobiographie.

41 Le concours de beauté constitue donc un bon point de départ pour réfléchir à la

question du genre dans l’Amazonie contemporaine : d’une part au genre commemanière de paraître ou comme performance réalisée au quotidien par chaque individupour se conformer au modèle de l’expérience féminine (et masculine) véhiculé par lasociété nationale, et d’autre part au genre comme système constitué des différentes

Journal de la Société des américanistes, 103-1 | 2017

62

institutions détentrices du pouvoir imposant ces modèles par le biais de diversespolitiques du corps. L’ethnographie du concours de beauté fait ressortir non seulementla manière dont les Métis contribuent à forger ces modèles dans les villages kakataibo,mais aussi plus généralement l’ambiguïté et la pluralité des rôles qu’ils jouent àl’intérieur de la communauté native et dorénavant à l’intérieur du réseau de la parentékakataibo. 22

BIBLIOGRAPHIE

ACUÑA DELGADO Ángel

2010 « Estructura y función del fútbol entre los yanomami del Alto Orinoco », Revista Española de

Antropología Americana, 40 (1), p. 111-138.

BATESON Gregory

1977 Vers une écologie de l’esprit, Éditions du Seuil, Paris, t. 1.

BENJAMIN Walter

1979 « Doctrine of the Similar » (Composed in Berlin early 1933), New German Critique [en ligne],

17, Special Walter Benjamin Issue (Spring, 1979), p. 65-69, http://www.jstor.org/stable/488010,

consulté le 26/04/17.

BERGER Anne-Emmanuelle

2013 Le grand théâtre du genre. Identités, sexualités et féminisme en Amérique, Belin, Paris.

BHABHA Homi K.

1994 The Location of Culture, Routledge, Londres/New York.

BOUSQUET Marie-Pierre et Anny MORISSETTE

2014 « Reines, princesses, Miss et majorettes. Une construction de la féminité chez les

Amérindiens et Amérindiennes du Québec (XXe-XXIe siècles) », in Gilles Havard et Frédéric

Laugrand, Éros et tabou. Sexualité et genre chez les Amérindiens et les Inuit, Septentrion, Québec,

p. 359-407.

BUTLER Judith

1990 Gender Trouble: Feminism and the Subversion of Identity, Routledge, New York/Londres.

2004 Undoing Gender, Routledge, New York/Londres.

CELIGUETA COMERMA Gemma

2014 « Representantes y representaciones indígenas en el altiplano occidental de Guatemala »,

Quaderns-e, 19 (1), p. 62-80.

CLASTRES Pierre

1974 La Société contre l’État, Les Éditions de Minuit, Paris.

COHEN Colleen Ballerino, Richard WILK et Beverly STOELTJE

1996 Beauty Queens on the Global Stage: Gender, Contests, and Power, Routledge, New York.

Journal de la Société des américanistes, 103-1 | 2017

63

DZIUBINSKA Magda Helena

2013 « Upiti kwaiti. Un idéal du football kakataibo (Amazonie péruvienne) », Journal de la Société

des américanistes, 99 (1), p. 183-194.

2014a L’équilibre asymétrique : une ethnographie de l’antagonisme entre les Kakataibo et les Shipibo

d’Amazonie péruvienne, thèse de doctorat en ethnologie, université Paris Nanterre, Nanterre.

2014b « Pas tout le monde sait faire une belle fête. Le prestige incertain du chef kakataibo

(Amazonie péruvienne) », in Frédéric Hurlet, Isabelle Rivoal, Isabelle Sidéra (dir.), Le Prestige.

Autour des formes de la différenciation sociale, actes de colloque, Éd. de Boccard (Colloques de la

Maison René-Ginouvès, 10), Paris, p. 57-67.

ERIKSON Philippe

1986 « Altérité, tatouage et anthropophagie chez les Pano : la belliqueuse quête du soi », Journal

de la Société des américanistes, 72 (1), p. 185-210.

1996 La griffe des aïeux : marquage du corps et démarquages ethniques chez les Matis d’Amazonie,

Éditions Peeters, Louvain/Paris.

2003 « Comme à toi jadis on l’a fait, fais-le moi à présent… », L’Homme, 167-168, p. 129-152.

2004 « La face cachée de l’ancestralité. Masques et affinité chez les Matis d’Amazonie

brésilienne », Journal de la Société des américanistes, 90 (1), p. 119-142.

FASSIN Éric et Michel FEHER

2003 « Une éthique de la sexualité. Entretien avec Judith Butler », Vacarme, 22, p. 44-51.

FRANK Erwin

1990 Mitos de los Uni de Santa Marta, Abya-Yala, Quito.

GORDON Cesar

2006 Economia Selvagem: Ritual E Mercadoria Entre Os Índios Xikrin-Mebêngôkre, Fundacao para o

Desenvolvimento da Unesp, São Paulo/Rio de Janeiro.

GOW Peter

1991 Of Mixed Blood: Kinship and History in Peruvian Amazonia, Clarendon Press, Oxford.

HIGH Casey

2006 From enemies to affines : conflict and community among the Huaorani of Amazonian Ecuador, Ph.D.

in Social Anthropology, London School of Economics and Political Science, Londres.

2010 « Warriors, hunters, and Bruce Lee: Gendered agency and the transformation of Amazonian

masculinity », American Ethnologist, 37 (4), p. 753-770.

HUGH-JONES Stephen (éd.)

1992 Barter, Exchange and Value: An Anthropological Approach, Cambridge University Press,

Cambridge.

KEIFENHEIM Barbara

1990 « Nawa : un concept clé de l’altérité chez les Pano », Journal de la Société des américanistes, 76,

p. 79-94.

2002 « Suicide à la kashinawa. Le désir de l’au-delà ou la séduction olfactive et auditive par les

esprits des morts », Journal de la Société des américanistes, 88, p. 91-110.

KULICK Don

1998 Travesti: Sex, Gender, and Culture among Brazilian Transgendered Prostitutes, University of

Chicago Press, Chicago.

Journal de la Société des américanistes, 103-1 | 2017

64

LAGROU Elsje

1998 Cashinahua cosmovision : a perspectival approach to identity and alterity, thèse de doctorat en

anthropologie, University of St. Andrews, St. Andrews.

2006 « Laughing at Power and the Power of Laughing in Cashinahua Narrative and

Performance », Tipití. Journal of the Society for the Anthropology of Lowland South America [en ligne],

4 (1), http://digitalcommons.trinity.edu/tipiti/vol4/iss1/3, consulté le 26/04/17.

LÉVI-STRAUSS Claude

1991 Histoire de lunx, Plon, Paris.

LIEU Nhi

2013 « Beauty Queens Behaving Badly. Gender, Global Competition, and the Making of Post-

Refugee Neoliberal Vietnamese Subjects », Frontiers. A Journal of Women Studies, 34 (1), p. 25-57.

MAHMOOD Saba

2005 Politics of Piety. The Islamic Revival and the Feminist Subject, Princeton University Press,

Princeton.

MARCOY Paul

1869 Voyage à travers l’Amérique du Sud. De l’Océan Pacifique à l’Océan Atlantique, L. Hachette, Paris.

MARTIN Luther

1998 Technologies of the Self. A Seminar With Michel Foucault, University of Massachusetts Press,

Amherst.

MASI DE CASANOVA Erynn

2004 « No Ugly Women. Concepts of Race and Beauty among Adolescent Women in Ecuador »,

Gender & Society, 18 (3), p. 287-308.

MAUSS Marcel

1936 « Les techniques du corps », Journal de psychologie, 32 (3-4), http://classiques.uqac.ca/

classiques/mauss_marcel/socio_et_anthropo/6_Techniques_corps/Techniques_corps.html,

consulté le 26/04/17.

MCCALLUM Cecilia

2001 Gender and sociality in Amazonia: how real people are made, Berg, Oxford/New York.

MONTALVO VIDAL Abner

2010 Los Kakatai: etnia amazónica del Perú, Instituto del Bien Común, Lima.

NEWTON Esther

1979 Mother Camp: Female Impersonators in America, University Of Chicago Press, Chicago.

RIVAL Laura

2002 Trekking through history: the Huaorani of Amazonian Ecuador, Columbia University Press,

New York.

ROGERS Mark

1999 « Spectacular Bodies. Folklorization and the Politics of Identity in Ecuadorian Beauty

Pageants », The Journal of Latin American and Caribbean Anthropology, 3 (2), p. 54-85.

RUBENSTEIN Steven

2004 « Fieldwork and the Erotic Economy on the Colonial Frontier », Signs, 29 (4), p. 1041-1071.

Journal de la Société des américanistes, 103-1 | 2017

65

SANTOS-GRANERO Fernando

2009 « Hybrid Bodyscapes. A Visual History of Yanesha Patterns of Cultural Change », Current

Anthropology, 50 (4), p. 477-512.

SCHACKT Jon

2005 « Mayahood Through Beauty. Indian Beauty Pageants in Guatemala », Bulletin of Latin

American Research, 24 (3), p. 269-287.

SHENTON Jamie

2014 The Bodily Logics of Production: Intergenerational Perspectives on Adolescence, Exchange, and

Aspiration among Kichwa Women in the Ecuadorian Amazon, thèse de doctorat en anthropologie,

Vanderbilt University, Nashville.

STRATHERN Marilyn

1988 The Gender of the Gift. Problems with Women and Problems with Society in Melanesia, University of

California Press, Berkeley/Los Angeles/London.

TAUSSIG Michael

1993 Mimesis and Alterity: A Particular History of the Senses, Routledge, New York/London.

TAYLOR Anne-Christine

2000 « Le sexe de la proie. Représentations jivaro du lien de parenté », L’Homme, 154-155,

p. 309-334.

TAYLOR Anne-Christine et Eduardo VIVEIROS DE CASTRO

2006 « Un corps fait de regards », in Stéphane Breton (dir.), Qu’est-ce qu’un corps  ? Afrique de

l’Ouest-Europe occidentale-Nouvelle-Guinée-Amazonie, catalogue d’exposition [Paris, musée du quai

Branly, 23 juin 2006-25 novembre 2007] Flammarion, Paris, p. 148-199.

TESSMANN Günter

1999 [1930] Los Indígenas Del Perú Nororiental: Investigaciones Fundamentales para un Estudio

Sistemático de la Cultura, Ediciones Abya-Yala, Quito.

VIANNA Fernando Fedola de Luiz Brito

2008 Boleiros do cerrado: índios xavantes e o futebol, Annablume, São Paulo.

VIVEIROS DE CASTRO Eduardo

1993 « Le marbre et le myrte : de l’inconstance de l’âme du sauvage », in Aurore Becquelin,

Antoinette Molinié et Patrick Menget (dir.), Mémoire de la tradition, Société d’ethnologie, Nanterre,

p. 365-431.

1996 « Images of nature and society in Amazonian ethnology », Annual Review of Anthropology, 25,

p. 179-200.

WALKER Harry

2013 « State of play. The political ontology of sport in Amazonian Peru », American Ethnologist,

40 (2), p. 382-398.

WILLERSLEV Rane

2007 Soul Hunters. Hunting, Animism, and Personhood Among the Siberian Yukaghirs, University of

California Press, Berkeley/Los Angeles/Londres.

WILLIAMS Caroline

2013 It’s Not a Beauty Pageant! An Examination of Leadership Development through Alaska Native

Pageants, thèse de doctorat en American Indian Studies, University of Arizona, Tucson.

Journal de la Société des américanistes, 103-1 | 2017

66

WROBLEWSKI Michael

2014 « Public Indigeneity, Language Revitalization, and Intercultural Planning in a Native

Amazonian Beauty Pageant », American Anthropologist, 116 (1), p. 65-80.

WU Judy Tzu-Chun

1997 « Loveliest Daughter of Our Ancient Cathay! Representations of Ethnic and Gender Identity

in the Miss Chinatown USA. Beauty Pageant », Journal of Social History, 31 (1), p. 5-31.

WULF Christoph

1998 « Mimesis et rituel », Hermès, 22, p. 153-162.

YVINEC Cédric

2005 « Que disent les tapirs ? De la communication avec les non-humains en Amazonie », Journal

de la Société des américanistes, 91 (1), p. 41-70.

NOTES

1. Les données présentées dans cet article ont été recueillies dans les communautésMariscal Cáceres et Yamino où j’ai séjourné pendant 14 mois entre 2009 et 2016. Mesenquêtes de terrain ont été financées par des bourses du Legs Lelong.

2. La communauté native est une entité territoriale et politique mise en place au Pérouau début des années 1970 par le gouvernement révolutionnaire de Juan VelascoAlvarado. Ce dernier a préconisé une politique en faveur des indigènes exploités, dontl’action essentielle a été la titularisation des territoires indigènes. Les communautésnatives ont été organisées selon le modèle des autres communes de paysans péruvienset sont donc dirigées par un chef, un agent du gouvernement et un agent municipal. Ilexiste sept villages kakataibo, officiellement reconnus comme comunidades nativas.

3. Au total j’ai assisté à cinq concours de beauté : trois kakataibo (en 2010, en 2012 eten 2016), un shipibo (en 2012) et un concours de Miss indigène à Aguaytía en 2016 danslequel participaient les candidates kakataibo et shipibo de différentes communautés.

4. À noter que le lien étroit entre le concours de beauté et la politique n’est pas uneparticularité amérindienne mais américaine. Sarah Palin, troisième au concours deMiss Alaska en 1984, gouverneur de cet État entre 2006 et 2009 et candidate au poste device-président auprès de John McCain lors de l’élection présidentielle de 2008, est loind’être un cas isolé.

5. Aussi connu dans les sources comme Cashibo-Cacataibo. Le terme pano « cashibo »

signifie « chauve-souris », une allusion aux buveurs de sang et donc à l’anthropophagie.Ce nom insultant fut attribué aux Kakataibo par leurs ennemis Shipibo-Conibo et estaujourd’hui complètement abandonné par les Kakataibo.

6. Le terme « no » correspond à la catégorie « nawa » qu’on rencontre ailleurs chez lesgroupes pano. Voir à ce sujet Keifenheim 1990 ; Erikson 1996.

7. D’après Frank, dans les années 1980 les Kakataibo du fleuve Santa Marta appelaientles Blancs « bëtsi no », qu’on traduirait aujourd’hui par « autres Métis », mais qui signifieplus exactement « un autre type d’étrangers » (1990, p. 115).

8. Encore aujourd’hui certaines femmes shipibo portent une blouse composée dedifférentes pièces aux couleurs éclatantes (rakóti) et une jupe (chitónti) brodée dedessins géométriques (kené).

Journal de la Société des américanistes, 103-1 | 2017

67

9. Sur les rapports antagonistes entre les Kakataibo et les Shipibo, je renvoie le lecteurà ma thèse de doctorat (Dziubinska 2014a).

10. J’ai ailleurs décrit plus en détail les rapports entre le chef kakataibo et son groupe,et plus spécifiquement le rôle qu’il joue dans la fête annuelle (Dziubinska 2014b).

11. La mission a été fondée par les franciscains vers 1767 au bord du fleuve Sarayacu(Bas Ucayali) et comportait une majorité de Shetebo (groupe de langue pano qui afusionné avec les Shipibo, un groupe voisin), ainsi que quelques familles shipibo,konibo, kashibo [kakataibo], omagua et kokama (Marcoy 1869).

12. Livingston Jennie, Paris is burning [film], 1991, 78 min.

13. Tana- signifie également goûter quelque chose, par exemple un aliment.

14. Il s’agit d’un genre musical et d’une danse répandus dans toute l’Amérique latine,particulièrement populaires au Pérou. La cumbia avec ses chansons romantiquesrythme aujourd’hui toutes les grandes fêtes en Amazonie péruvienne.

15. Le terme d’origine pano « chuta- », qui désigne les rapports sexuels, fut incorporé àl’espagnol local, raison pour laquelle il est employé la plupart du temps dans sa formehispanisée « chutear » y compris par les locuteurs pano.

16. Proposition à très nette connotation sexuelle.

17. Les Kakataibo emploient le terme espagnol « paisano » pour désigner d’autresKakataibo. Ici il s’agit de Kakataibo du même village qui ont des liens de parenté, maisle terme peut aussi être employé pour qualifier des Kakataibo habitant sur les autresfleuves. La langue semble constituer le principal critère pour identifier une personneen tant que « paisano ».

18. Le « professionnel » n’est pas un simple salarié. Pour le devenir il est obligatoire defaire une formation de plusieurs années au sein d’une école supérieure, le prestige queces études procurent étant proportionnel à la taille de la ville où elles sont réalisées.Une fois les études achevées avec succès, l’étudiant peut tenter de trouver un emploi ausein d’une institution publique. En général les professions d’enseignant et d’infirmièresont les plus prisées par les jeunes indigènes, mais force est de constater qu’il estencore rare qu’ils réussissent à terminer leurs études.

19. Il s’agit de noms propres exclusivement féminins. « O nami » (la viande/corps dutapir) constitue l’aliment préféré des Kakataibo et le terme est également utilisé par leshommes pour désigner le vagin des femmes.

20. Bien que les filles apprennent aussi à jouer au football à l’école primaire, ellesarrêtent de le pratiquer à la puberté et n’y joueront plus qu’occasionnellement lors desfêtes. Pour une analyse plus détaillée sur la pratique genrée du football, voirDziubinska 2014a.

21. Chaque joueur est obligé de respecter une diète qui comprend aussi bien desrestrictions alimentaires (alcool, tabac, viande de tapir et de porc) qu’une prohibitiondes relations sexuelles. Ces dernières sont considérées comme particulièrementdangereuses pour un joueur dans la mesure où non seulement elles réduisentbrutalement sa force et sa vitalité mais aussi font qu’il « ne pense plus au jeu ».

22. La version préliminaire de cet article a été présentée le 11 décembre 2015 lors de lajournée d’étude « Les concours de beauté dans les Amériques indiennes : performance,glamour et patrimonialisation » que nous avons organisée avec Grégory Deshoullière auLaboratoire d’ethnologie et de sociologie comparative à l’université Paris Nanterre dans

Journal de la Société des américanistes, 103-1 | 2017

68

le cadre du projet ANR Fabriq’Am « La fabrique des “patrimoines”. Mémoires, savoirs etpolitiques en Amérique indienne aujourd’hui » (ANR-12-CULT-005). Je tiens à remercierles deux évaluateurs du Journal de la Société des américanistes pour leurs commentaireséclairants qui m’ont permis d’améliorer la version finale de ce texte.

RÉSUMÉS

À travers l’ethnographie des concours de beauté organisés dans une communauté native

kakataibo (Amazonie péruvienne), cet article interroge d’un côté l’expérience du féminin que

font aujourd’hui les jeunes filles kakataibo et de l’autre les rapports que le groupe entretient avec

la population non-indigène de la région. Par contraste avec les concours de beauté organisés dans

d’autres contextes autochtones, l’objectif du concours kakataibo n’est pas tant d’exposer et

d’affirmer la différence culturelle ou ethnique que de mettre en scène la figure de la femme

blanche transformée en objet de désir. Cette performance peut être analysée à partir de certaines

transformations étroitement liées à la scolarisation, à la construction du genre et, plus

généralement, aux nouvelles politiques du corps, qui se sont développées dans les villages

amérindiens au cours des dernières décennies. En privilégiant une approche pragmatique et

interactionniste, nous nous intéressons dans un premier temps aux aspects spectaculaires et

mimétiques de l’événement (répétitions, costumes, chorégraphie) pour passer ensuite à l’analyse

de la dimension performative de ce jeu singulier consistant à « être un autre ».

Through an ethnography of beauty contests organized in a Kakataibo Native Community

(Peruvian Amazon), this article examines on the one hand the young Kakataibo women’s

experience of femininity, and on the other hand, the relations of Kakataibo with the non-

indigenous population of the region. In contrast to the beauty contests organized in other

indigenous contexts which expose and affirm cultural difference or ethnicity, the Kakataibo

version aims to stage the figure of the white woman transformed into an object of desire. This

performance can be understood through the transformations that are taking place in Amerindian

villages, and related closely to education, modes of gender construction and more generally to

the new politics of the body. Privileging a pragmatic and interactionist approach, we initially

focus on the spectacular and mimetic aspects of the event (training, costumes, choreography),

and then proceed to examine the performative dimension of this specific play of being the Other.

A través de la etnografía del concurso de belleza organizado en una comunidad nativa kakataibo

(Amazonia Peruana), este artículo cuestiona por un lado la experiencia de lo femenino que tienen

hoy en día las jóvenes kakataibos, y por otro las relaciones que el grupo mantiene con la

población no indígena de la región. A diferencia de los concursos de belleza organizados en otros

contextos autóctonos, el objetivo del concurso kakataibo no es tanto de exponer y afirmar la

diferencia cultural o étnica, sino más bien de poner en escena la figura de la mujer blanca

transformada en objeto de deseo. Esta performance puede ser interpretada a partir de ciertas

transformaciones estrechamente ligadas con la escolarización, la construcción del género y, más

generalmente, con las nuevas políticas del cuerpo que han tenido lugar en las últimas décadas.

Privilegiando un enfoque pragmático e interaccionista, se tratará en primer lugar de los aspectos

espectacular y mimético del evento (ensayos, trajes, coreografía), para pasar luego al análisis de

la dimensión performativa de este singular juego a ser otro.

Journal de la Société des américanistes, 103-1 | 2017

69

INDEX

Palabras claves : Amazonia, concurso de belleza, performance, mímesis, seducción, feminidad,

genero

Keywords : Amazon, beauty contests, performance, mimesis, seduction, femininity, gender

Mots-clés : Amazonie, concours de beauté, performance, mimèsis, séduction, féminité, genre

AUTEUR

MAGDA HELENA DZIUBINSKA

LESC/EREA, 21, allée de l’Université, 92023 Nanterre CEDEX [[email protected]]

Journal de la Société des américanistes, 103-1 | 2017

70

A Miss Kayapó: ritual, espetáculo ebelezaThe Miss Kayapó: ritual, spectacle and beauty

Miss Kayapó : rituel, spectacle et beauté

André Demarchi

NOTA DO EDITOR

Manuscrit reçu en mai 2016, accepté pour publication en mars 2017.

Para Terence Turner(In memoriam)

Apresentação

É noite em Môjkarakô. Preparo a janta na cozinhada farmácia da aldeia onde estou hospedado,

quando escuto a voz metálica do caciqueAkjabôro saindo do « boca de ferro » (alto-

falante). Ele faz um discurso habitual dedespedida. Pede que tudo permaneça em paz na

aldeia, pois amanhã está partindo para mais umaviagem à Brasília, para continuar a luta pelo seupovo mebêngôkre. Encerrado o discurso, o alto-

falante toca o « Rebolation », o último sucessomusical do carnaval baiano, seguido de um

vozerio de crianças. Acabo o jantar e sigo o som.Chego até a casa de Jàtire (filho do cacique velho

Moté) que está repleta de crianças e jovens. Sou o

Journal de la Société des américanistes, 103-1 | 2017

71

único kuben (não indígena) ali. Bepdjá, o mestrede cerimônias, improvisa um corredor no centrodo pequeno salão, à guisa de passarela, para que

duas meninas de aproximadamente cinco anosdesfilem ao som do funk que agora contagia o

ambiente. As meninas andam na passarelarebolando e imitando o jeito das modelos vistas

na programação televisiva. A cada parada delas, opúblico amontoado grita, aplaude, tira fotos com

celulares e câmeras digitais. Num canto do salão opai e a mãe de uma das meninas sorriem e

acenam para ela, comentando e elogiando aperformance. Depois do desfile, dois meninos

mais velhos de aproximadamente sete e oito anosentram em cena dançando complexas

combinações de passos de dança ao som demúsica eletrônica. Continuando a programação

da noite, três meninas mekurerere (adolescentes)entram pela « passarela » rebolando e dançando

os passos coreografados do ritmo tecnobregatocado pela banda D’Javu, grande sucesso no

norte e nordeste do país. Com os cabelos cortadosà moda kayapó e trajando o tradicional vestido

das mulheres mebêngôkre, elas se requebravam,subindo e descendo diante dos gritos dos

meninos. Ao fim da apresentação das mekurerere,o local se transformou em salão de forró. Quando

se apagou a luz, casais se formaram para dançarao som dos ritmos paraenses « tecno-melody » e

« pisadinha ». Do lado de fora da casa jovensflertavam no escuro. Dentro do salão, uma índia,mulher casada, me tirou para dançar. Sem graça,

fitei seu marido, que concordou com um aceno decabeça. Nhak-ê me disse algo no ouvido que eu

não entendi por causa do alto volume do som. Elarepetiu e eu entendi apenas quatro palavras:

mebêngôkre, metoro, nhipêjx, forró. Algo quepoderia ser traduzido como « nós mebêngôkre

também sabemos fazer festa de forró ».(Diário de campo1, setembro de 2010).

1 Esse trecho do meu diário de campo descreve uma breve cena da incessante produção

cultural contemporânea do grupo indígena Mebêngôkre (Kayapó), localizado nafloresta amazônica. Dentre os personagens que estão em cena nesse « forrómebêngôkre », merecem destaque as duas pequenas meninas que desfilam na passarelaimprovisada. Lembro-me que, embora já tivesse visto outros concursos de beleza, foinaquela noite que percebi a dimensão da importância destes eventos para osMebêngôkre2 da aldeia Môjkarakô, afinal, estavam ensinando e incentivando suas

Journal de la Société des américanistes, 103-1 | 2017

72

crianças a desfilar como as candidatas do concurso de Miss Universo e as modelos daspassarelas de moda.

2 Naquela noite de verão amazônico, percebi com clareza a oportunidade de pesquisar o

processo de aquisição e performatização de uma cerimônia que passava a fazer parte dovasto corpus ritual mebêngôkre e por isso, talvez, de seu kukràdjà (patrimônio cultural3).O concurso de beleza Miss Kayapó, por mais exótico que possa parecer aos olhos« ocidentais », encontra um sentido de coerência com as concepções nativas de beleza emimesis. Talvez seja por causa dessa estranha coerência que a ideia de fazer umconcurso de beleza kayapó, vinda da Secretária de Educação do município de São Félixdo Xingu, tenha sido aceita tão rapidamente e se espalhado por várias aldeias com amesma velocidade.

3 Neste artigo, proponho uma etnografia desse concurso de beleza, considerando, antes

de tudo, os processos próprios dos Mebêngôkre de produção ritual, de produção debeleza e de suas formas de apreciação, o que, como veremos, está relacionado com asformas mebêngôkre de fazer política intra e interétnica. Argumento, seguindo ostrabalhos de Terence Turner, que a disputa do prêmio de Miss Kayapó envolve o poderde controlar, política e imageticamente, esse grande espetáculo interétnico. Comoafirma Turner,

a auto-representação dramática kaiapó, em contextos atuais de confrontaçãointerétnica, dá continuidade às formas culturais tradicionais de representaçãomimética. É importante reconhecer esta continuidade para entender como acrescente objetivação da consciência que os kaiapó têm de sua cultura e identidadeétnica, no contexto interétnico contemporâneo, não é meramente um efeito dosmeios de comunicação ocidentais ou de influências culturais, mas se relaciona afortes tradições culturais nativas de representação e objetivação mimética. (1993a,p. 99)

Com essa citação quero dizer que me afasto das afirmações que diminuem a agência e ointeresse dos Mebêngôkre em relação ao concurso de beleza. Ouvi, por exemplo, de umfuncionário da Funai (Fundação Nacional do Índio), que « os índios só fazem esseconcurso por causa da Secretaria de Educação ». Acredito que, para compreender essecomplexo ritual interétnico, há que se ter uma visão menos passiva das motivações e daparticipação dos Mebêngôkre no processo. Afasto-me também de uma abordagem queentende esse fenômeno como hibridismo4 ou como colagens pós-modernas, emboratodo o contexto dos concursos da Miss Kayapó possa parecer tema de certo« surrealismo etnográfico » (Clifford 1998). Seguindo Turner, acredito que a chave paraentender o concurso de beleza está em reconhecer que « a autorrepresentaçãodramática kaiapó, em contextos atuais de confrontação interétnica, dá continuidade àsformas culturais tradicionais de representação mimética ». Assim, sigo a hipótese deque no concurso de beleza ocorre uma incessante produção mebêngôkre de imagensbelas e poderosas que capturam os espectadores indígenas e não indígenas,envolvendo-os na disputa e estabelecendo um perspicaz controle dos padrões eimagens de beleza apresentados durante o ritual e em suas várias edições.

4 Os dados etnográficos apresentados neste artigo advêm de uma sequência de concursos

de beleza da Miss Kayapó ocorridos nos anos de 2009, 2010, 2011, 2012 e 2013, comoparte da programação da festa do dia do índio, realizada no mês de abril, na cidade deSão Félix do Xingu. Esse aspecto cronológico não deve esconder, contudo, a naturezafragmentária desses dados. Presenciei somente o concurso de 2010 sem, contudo, estarpesquisando diretamente este tema. Em 2011 e 2013, o concurso foi fotografado e

Journal de la Société des américanistes, 103-1 | 2017

73

gravado em vídeo por cinegrafistas kayapó5, o que me permitiu ter acesso a essematerial fílmico. Quando retornei ao campo, em abril de 2012, com o objetivo principalde acompanhar o concurso, ele não ocorreu6. Contudo, como o cancelamento do eventogerou alguma repercussão entre as aldeias participantes, considero o concurso de 2012,mesmo que ele não tenha ocorrido. Busquei preencher essas lacunas com dadosetnográficos coletados na aldeia Môjkarakô7, tanto sobre a preparação de uma dascandidatas que iria concorrer como representante da aldeia na cidade, quanto sobre oque denomino as « prévias do concurso »: momentos em que garotas de umadeterminada aldeia disputam internamente o direito de representar essa aldeia noconcurso que se realizará na cidade.

Os Mebêngôkre e seu contexto relacional

5 Falantes de uma língua do tronco linguístico Jê, os Mebêngôkre habitam territórios ao

sul do estado do Pará e ao norte do estado do Mato Grosso8. Estão divididos em diversasaldeias que se por um lado constituem universos políticos relativamente autônomos(Turner 1992; Gordon 2006), por outro estão conectadas por extensas redes de relações.Como afirma Gordon, existem entre as aldeias « profundas conexões de todas as ordensque indicam a necessidade de pensá-las não isoladamente, porém compondo um regimerelacional mebêngôkre » (2006, p. 40).

6 Tomados em conjunto, os Mebêngôkre somam quase dez mil indivíduos. É difícil

precisar a quantidade de aldeias existentes atualmente devido à contínua dinâmicafaccionária mebêngôkre que leva a também contínuas cisões entre aldeias. No mapaque se segue (ver Figura 1) apresentam-se as aldeias localizadas ao sul do estado doPará, bem como as cidades presentes no entorno da Terra Indígena Kayapó, dandodestaque para a aldeia Môjkarakô.

Journal de la Société des américanistes, 103-1 | 2017

74

Fig. 1 – Mapa com a localização das aldeias do sul do estado do Pará e das cidades do entorno daTerra Indígena Kayapó (Robert et al. 2012, p. 343).

7 Para compreender o concurso da Miss Kayapó deve-se ter em mente que as relações

existentes entre as aldeias mebêngôkre são marcadas por rivalidades mútuas, muitasvezes decorrentes dos processos de cisão característicos desse povo. Assim, é precisolembrar que as fissões intergrupais ocorreram, historicamente, com a concomitantedeflagração de guerra entre grupos que outrora habitavam uma mesma aldeia. Oconcurso de beleza, bem como a própria festa do dia do índio, apontam para umatransformação nas relações de rivalidade entre as aldeias9. Se « no tempo dos antigos »o processo de cisão redundava necessariamente em guerra (Verswijver 1992;Turner 1991; Gordon 2006; Cohn 2005), agora ele é feito por outros meios:performáticos, imagéticos, estéticos. Ao invés do enfrentamento bélico como recursopara aquisição de glória e para demonstração de beligerância e bravura(Verswijver 1992; Gordon 2006), os modernos Mebêngôkre se enfrentam em eventosculturais, competições esportivas, associações indígenas10 e concursos de beleza.

8 Assim, o concurso da Miss Kayapó é um evento de disputa política e simbólica intra e

interétnico envolvendo, por um lado, as tensões e conflitos relativos ao processohistórico de cisões existentes entre os Mebêngôkre e, por outro, as relações históricasestabelecidas com os habitantes da cidade de São Félix do Xingu. O fato de que apenasindígenas dessa etnia participem tanto do concurso quanto da festa do dia do índioexpõe a amplitude das relações interétnicas constituídas pelos grupos mebêngôkre dosul do Pará com os habitantes da cidade e os políticos locais, o que se nota na própriahistória da festa e do concurso, ambos os eventos sendo mediados por autoridadeslocais.

9 As origens míticas da festa do dia do índio11 remontam, assim, à violenta história de

contato entre os diversos subgrupos Mebêngôkre e os moradores do vilarejo outrora

Journal de la Société des américanistes, 103-1 | 2017

75

chamado, em fins do século XIX, de São Félix da Bôca do Rio (Nimuendaju 1952;

Turner 1993b; Verswijver 1992). Conta-se na cidade que os ataques mútuos e asescaramuças entre moradores e indígenas perduraram durante praticamente todo oséculo XX, até que, na década de 1980, um prefeito decidiu fazer uma festa para os

Kayapó, em um ato de diplomacia. E não haveria melhor forma de fazer diplomacia,senão por meio de uma festa paga pelo prefeito.

10 Aqui é preciso lembrar, com Terence Turner, que a política mebêngôkre, tal como

realizada a partir da pacificação de « índios » e « brancos », é uma política interétnica,cujo cerne está « na habilidade dos líderes kayapó […] [em] obter presentes econcessões políticas da sociedade envolvente externa » (Turner 1992, p. 334).

11 A festa continua sendo uma concessão política, eivada de presentes. A contar por suas

últimas edições, ela pode ser considerada um grande evento, pois recebe na cidadeaproximadamente dois mil indígenas. Toda a estrutura de transporte, alimentação ealojamento de cada uma das dez aldeias12 participantes é paga pela prefeitura. Duranteos quatro dias de festa, a cidade recebe turistas vindos de longe, bem como equipes dereportagem dos principais jornais do estado do Pará e de algumas redes nacionais detelevisão, além de visitas de autoridades políticas, como deputados, senadores egovernadores. Todos estão ali por causa dos índios. E isso demonstra a clara consciênciaque os Mebêngôkre têm do impacto de sua presença na cidade e dos ganhos políticosque ela produz no contexto local.

12 Não por acaso, desde 2009, o concurso de beleza é a principal atração noturna da festa,

assistido por uma vasta plateia de indígenas e não indígenas e por um corpo de jurados.O concurso foi proposto aos indígenas de diversas aldeias por Viviane Cunha, entãosecretária de educação do município, como parte da programação da festa do dia doíndio. Em entrevista, a secretária afirmou que se inspirou nos concursos de beleza« ocidentais » como Miss Universo, com o intuito de dar visibilidade à « beleza kayapó »13. Sua proposta teve imediata adesão das lideranças indígenas, um posicionamento que,como veremos, se transformou com o decorrer dos concursos.

13 Para vencer o concurso, como de praxe entre os Mebêngôkre, é necessário um longo

processo de preparação da candidata; é preciso produzir e aperfeiçoar as técnicascorporais (Mauss 2004) e a tecnologia do encantamento (Gell 2005) que serão postas emprática durante o concurso. É desse processo corporal que falo agora.

A preparação de uma candidata a Miss

14 Antes de tudo é preciso destacar que não são quaisquer mulheres que podem ser

candidatas a Miss Kayapó. Existem restrições muito específicas a respeito daquelas quedisputarão o concurso. Em primeiro lugar, elas devem ser mekurerere, isto é, moçaspúberes e pós-púberes, que ainda não possuem filhos. Mas a escolha da candidataparece não estar vinculada apenas a uma questão de idade. Trata-se, sobretudo, de umaquestão de beleza14. Como alguns autores já registraram (Vidal 1977; Gordon 2006), asmekurerere, assim como os menoronure (sua contraparte masculina), « são a epítome docorpo mebêngôkre », o ápice da beleza kayapó, « a mais perfeita tradução corporal, aforma mais plena de um corpo humano » (Gordon 2006, p. 321). Elas são o auge doprocesso de corporificação, e por isso são consideradas bonitas, atraentes esexualmente desejáveis.

Journal de la Société des américanistes, 103-1 | 2017

76

15 Como se sabe, entre os ameríndios não existe automatismo biológico ou natural

(Viveiros de Castro 2002). Corpos são produtos de ações de pessoas e a beleza nada maisé que o resultado da fabricação corporal da pessoa (Viveiros de Castro 1979), não sendoconsiderada inata. Não existe a possibilidade, para os Kayapó, de uma pessoa nascerbonita. Antes, ela é feita bela por meio de uma série de ações que se iniciam antesmesmo de seu nascimento e se prolongam por diversas fases da vida (Vidal 1992;Demarchi 2013). Gordon (2006, p. 320), qualifica esse processo como um movimento deconstituição e desconstituição corporal, segundo o qual « a primeira fase da vida deuma pessoa é aquela em que, a partir de um estágio informe, ela vai ganhando umcorpo, e literalmente encorpando ». Simultaneamente a este processo decorporificação, ocorre o processo de endurecimento corporal, que não é coetâneo aoanterior. Assim, se as mekurerere e os menoronure são a epítome da beleza corporal, issonão quer dizer

que seus corpos estejam plenamente (ma)duros. […] Se eles, de um lado, são o ápicedo ideal de corpo, de outro, ainda não atingiram a maturidade e a durezanecessárias para estabelecer e operar diversos tipos de relação e ação, sobretudoquando essas relações envolvem possíveis contatos com agências não mebêngôkre(animais, espíritos, inimigos). Já os mekrare, adultos com filhos, são mais maduros ecapazes dessas operações, porém não mais estão no auge corporal. (Gordon 2006,p. 321)

16 Certa vez, em uma conversa na casa dos homens, Bepunu me explicou que as mekurerere

são consideradas belas porque seus corpos ainda não foram modificados pela gravidez,seu corpo expressa proporções e formas valorizadas socialmente15, seus seios são firmese pequenos e não moles e grandes como os das mulheres mais velhas. Isso porque agravidez e a produção de filhos podem ser entendidos como um processo dedescorporificação, cujo auge é a velhice, quando homens e mulheres velhos já criarammuitos filhos e netos, e « foram como que se excorporando progressivamente ao longoda vida, fazendo filhos e transferindo sua substância aos filhos e aos netos »(Gordon 2006, p. 321).

17 É esse fato (não ter filhos) que faz de uma mekurerere uma possível candidata a miss.

Tanto que no concurso ocorrido em 2010, a vencedora foi acusada por pessoas de outrasaldeias de já estar grávida durante o desfile, não podendo, portanto, receber o título demiss naquelas condições, com seu corpo já alterado. A gravidez invalidava suaparticipação e, consequentemente, o título a ela concedido. Seguindo o mesmoprincípio, em 2011, a candidata da aldeia Môjkarakô não pôde desfilar na cidade e tevede ser trocada às pressas depois que se descobriu que ela estava grávida.

18 Inicialmente suspeitei que outro critério para a escolha das candidatas pudesse estar

relacionado ao fato de elas serem escolhidas entre aquelas mekurerere que já haviamsido homenageadas em determinado ritual de nominação16. Assim, suspeitava quesomente as mekurerere honradas cerimonialmente, ou seja, consideradas pessoas belas(mereremejx) e cujos nomes tivessem sido confirmados nos rituais, é que poderiam serescolhidas como candidatas. Essa suspeita foi desfeita por meus interlocutores, quedisseram que qualquer mekurerere poderia se candidatar a miss, desde que fosseconsiderada bonita e não tivesse vergonha de se mostrar publicamente.

19 No que tange à beleza física, é preciso dizer que existe uma preocupação e uma

apreciação constante dela no cotidiano da aldeia. Como entre os Xikrin, descritos porGordon,

Journal de la Société des américanistes, 103-1 | 2017

77

aqui também os critérios da harmonia, simetria e proporção estão presentes. Preza-se a distribuição harmoniosa dos órgãos pelo corpo: membros superiores einferiores não podem ser excessivamente curtos, tampouco longos demais. Observa-se atentamente as proporções corporais e, até mesmo, um jeito de caminhar oumover-se pode ser considerado bonito ou feio, correto ou impróprio (mejx oupunure). (2009, p. 14)

20 Destaque-se a afirmação do autor a respeito da apreciação estética do jeito de caminhar,

também de suma importância para a apreciação das candidatas a miss. Ele pode serrelacionada à desinibição17, o segundo critério definido pelos interlocutores indígenascomo fundamental para que uma mekurerere se torne uma candidata a miss. Pois que osdesfiles são momentos em que é justo o jeito de caminhar, não apenas corretamente,mas com desenvoltura, que está, também, sendo avaliado. A vergonha, ou a « falta dejeito », são avaliados negativamente; as candidatas devem se mostrar seguras no seucaminhar e, além disso, demonstrar alegria. Deve-se, enfim, seduzir18 a plateia, pormeio não somente da beleza física, mas também da desenvoltura no caminhar, dadesinibição, da demonstração de alegria.

21 Essas eram qualidades caras à Nhak’tyk19, a moça que havia ganhado o concurso na

aldeia Môjkarakô, durante os Jogos Tradicionais20. Ali ela já havia mostrado sua graçaao sorrir para os jurados e para o público, diferentemente de suas concorrentes quepareciam estar com vergonha de desfilar. Nhak’tyk mostrava desenvoltura também nocaminhar molejado e ritmado, concretizando em seu desfile um dos critérios anotadospelo júri, que dizia respeito ao « jeito » das candidatas. Pelo menos, foi com essa palavraque Bepdjá afirmou aos dois jurados não indígenas (a enfermeira da aldeia e umantropólogo), quando estes lhes perguntaram sobre como deveriam julgar ascandidatas. « É para olhar o jeito delas », respondeu Bepdjá, sucintamente, emportuguês.

22 No contexto dos discursos cerimoniais ouvi diversas vezes a palavra « jeito » como

tradução de kukràdjà, a forma como os Mebêngôkre denominam « cultura ». Ao referir-se à aldeia Môjkarakô, um dos meus interlocutores traduziu o termo kukràdjà como o« jeito » de uma coletividade, como sendo aquilo que diferenciava Môjkarakô dasdemais aldeias, no sentido da produção de uma comunidade (Demarchi 2014). No casoda apreciação das candidatas a miss, o jeito, o kukràdjà de cada candidata, também asdistingue umas das outras, mas ele o faz por outros princípios estéticos. Aqui, como emquaisquer rituais, o kukràdjà mostrado é também de outro, nesse caso, o das kubenire

(mulheres não indígenas), aquelas que desfilam nos concursos de Miss Universo, ou naspassarelas de moda. É essa a ação mimética performada durante os concursos da MissKayapó. Mas os desfiles das candidatas não são pura imitação das formas de desfilar daskubenire: o jeito delas não se constitui somente disso. O desfile é, antes de tudo, umainterpretação pessoal desse « jeito » de caminhar característico das modelos ocidentais.Assim, o título de Miss não é concedido àquela menina kayapó que imita maisperfeitamente essa forma de andar, mas àquela que melhor personifica o desempenhodessa técnica corporal21.

23 Foi para apurar o seu « jeito » que Nhak’tyk passou a ter aulas de desfile com uma

professora, justamente no período em que toda a aldeia se preparava ritualmente paraa festa do dia do índio. Durante todo o mês de março e o início do mês de abril, aprofessora Ilda22 se encontrava com Nhak’tyk de noite, na escola da aldeia, para treinaro seu desfile a ser realizado na cidade. Em muitos desses ensaios, fui solicitado a colocaro som para que elas treinassem e pude assistir a algumas aulas.

Journal de la Société des américanistes, 103-1 | 2017

78

24 Os ensaios eram vedados a todas as pessoas da aldeia, estando somente professora e

aluna (e às vezes eu) na sala de aula. Primeiro, Ilda solicitava, à guisa de aquecimento,que sua aluna desfilasse sem som e de olhos fechados, para que imaginasse seudesempenho. Outra parte da aula era dedicada somente às poses, ou ao que a professoradenominava « paradinha ». Trata-se dos movimentos que Nhak’tyk iria fazer diante dosjurados e do público, depois de caminhar pela longa passarela montada na quadra dacidade. Esses movimentos eram treinados exaustivamente durante os ensaios. Segundoouvi da professora, sua aluna deveria fazer « paradinhas » em três momentos de seupercurso: ao meio da passarela, ao fim dela, e mais uma vez ao início, diante dosjurados. Em todas as paradas ela deveria sorrir para o público e, na última, reverenciaros jurados com um leve movimento do corpo. Na passarela, a aluna não deveriasimplesmente andar, mas caminhar com rebolado. A professora então executava o quejulgava ser o caminhar correto para a aluna assistir e depois imitar. Quando o som eraligado, a professora incentivava sua pupila com afirmações do tipo: « muito bom »,« rebola mais », « olha o sorriso », « agora, paradinha para o público », « os juradosestão te olhando », « lembra do molejo », « isso, agora é a paradinha final, sorriso paraos jurados », « muito bom, muito bom, agora vamos fazer de novo ». E assim o ensaio serepetia por mais de uma hora.

25 O aprendizado desse kukràdjà (conhecimento), o desempenho pessoal de Nhak’tyk, seu

jeito, e a eficácia dessa tecnologia do encantamento produzida durante o ensaio forampostos à prova alguns dias antes da partida para a cidade. A professora combinou comos chefes da comunidade uma apresentação a ser realizada na casa dos homens, paratoda a aldeia. O som fora instalado e luzes iluminavam o local. Uma passarela foiimprovisada com palha de babaçu. Por volta das sete da noite, para um grande públicode crianças, jovens e adultos, Nhak’tyk, amparada pela professora, fez seu desfilearrancando salvas de palmas e gritos da plateia a cada « paradinha ». Ela estava prontapara desfilar na cidade (ver Figura 223).

Fig. 2 – Nhak’tyk desfila na cidade durante o concurso de beleza de 2010. Foto capturada dagravação em vídeo produzida por Bepunu Kayapó (São Félix do Xingu, Pará, Brasil, 2010).

Journal de la Société des américanistes, 103-1 | 2017

79

Sobre a evolução da indumentária ritual: da rainha àmiss

26 Propositalmente, deixei para analisar em separado a composição da indumentária

ritual das candidatas a miss, com suas combinações e relações entre conjuntos deenfeites e de elementos de vestuário como as calcinhas, e também com o corte decabelo e os padrões de pintura corporal. Isso porque, e como não poderia deixar de ser,a indumentária ritual das candidatas é uma transformação de outros trajes rituais, maispropriamente daqueles vestidos pelas « rainhas ». A rainha, assim nomeada emportuguês, é uma personagem ritual contemporânea que se faz presente nos encontrosinterculturais e políticos vivenciados pelos Mebêngôkre. As rainhas são responsáveispor recepcionar na aldeia os convidados ilustres que chegam de avião, transformando apista de pouso em espaço ritual. Suas aparições têm a ver com a produção de umagrande e bela recepção para estes convidados, uma forma de envolvê-los no ritual, fazê-los participantes do estado emocional que o ritual mebêngôkre proporciona.

27 As rainhas são, assim, personagens que trazem à cena ritual certos estrangeiros de

prestígio, por isso, para assim fazê-lo, elas devem portar a máxima beleza mebêngôkre,em termos de enfeites e da produção de sua indumentária, concretizados em umaabundância de enfeites de miçanga simetricamente sobrepostos ao corpo, sobre a pelepintada de jenipapo, tudo isso envolvido no grande arco de penas que conforma odiadema krokroti24 (ver Figura 3).

Fig. 3 – As rainhas à espera do diretor do Museu do Índio. Foto: André Demarchi (Aldeia Môjkarakô,Pará, Brasil, 2012).

28 A indumentária ritual das rainhas é similar àquelas usadas pelas meninas que estão

sendo honradas em uma cerimônia de nominação. Digamos que não há somente umarelação de semelhança entre as roupas, mas também de contiguidade entre ospersonagens, pois as meninas honradas naquele contexto de nominação personificam oápice da beleza mebêngôkre, concretizada pela transformação ritual. E não seria o caso

Journal de la Société des américanistes, 103-1 | 2017

80

de transfigurá-las para os contextos interétnicos, de fazer das meninas ritualmentebelas aquelas que trazem as autoridades não indígenas para o ritual? As rainhas são,assim, a personificação da beleza mebêngôkre, dentro da aldeia, cuja eficácia estágarantida na captura dos kuben (não indígenas) para a cena ritual, engajando-osemotivamente naquele contexto. Seguindo essa lógica, não é por acaso que as rainhas,diferentemente das candidatas a miss, são escolhidas dentre aquelas meninas que jáforam honradas em um ritual de nominação, podendo ser mekurerere ou meninas maisnovas, ainda crianças.

29 No primeiro concurso da Miss Kayapó, realizado em abril de 2009, as candidatas se

vestiam como rainhas, ou, se preferirem, como garotas cujos nomes estão sendoconfirmado nas cerimônias de nominação. Não presenciei esse primeiro desfile. O únicoregistro que possuo do concurso são duas fotografias presentes no folder da festade 2010 (ver Figura 4).

Fig. 4 – O concurso da Miss Kayapó em 2009 (folder da festa do dia do índio de 2010. São Félix doXingu, 2010).

30 Na primeira foto observa-se em primeiro plano a candidata da aldeia Môjkarakô,

reconhecível graças ao fato de a bandeira da aldeia25 estar tecida no pingente do colar.Não há dúvidas que sua indumentária é similar à das rainhas. Na segunda foto, nota-seum plano mais aberto, onde quatro candidatas desfilam no ginásio da cidade para umgrande público. Como nota-se, somente a candidata de Môjkarakô porta o diademakrôkrôti. Fora esse elemento de destaque, intencionalmente inserido na indumentária,os demais adornos das diferentes candidatas são similares uns em relação aos outros,tendo a combinação de cores como elemento diferenciante.

31 Em fins de 2009, uma nova indumentária fora produzida para uma candidata e sua

disseminação entre as aldeias deve-se ao circuito imagético existente atualmente entreas aldeias do sul do Pará e à posição privilegiada que a aldeia Môjkarakô ocupa nestecircuito. O novo traje fora criado pelas mulheres da aldeia Kikretum durante as préviasdo concurso de 2010, realizadas naquela aldeia. Os moradores de Kikretum realizaram oconcurso durante a programação de uma reunião política sobre os territórios

Journal de la Société des américanistes, 103-1 | 2017

81

etnoeducacionais implementados pelo Ministério da Educação (MEC). Além derepresentantes do Ministério, estava presente na reunião Viviane Cunha, secretária deeducação de São Félix do Xingu, e criadora do concurso da Miss Kayapó. Os moradoresde Kikretum acharam por bem realizar o concurso naquele contexto para homenageara secretária, apresentando as quatro candidatas da aldeia, para que ela e os demaisconvidados julgassem qual seria a representante da aldeia na cidade. Quando ascandidatas entraram na passarela, uma delas se destacava das outras pela indumentáriadiferenciada. As pesadas tipoias trançadas de miçanga, item primordial das rainhas edas meninas honradas em cerimônias de nominação, haviam sido removidas, e seucorpo estava coberto apenas com a pintura corporal feita de tinta de jenipapo. Umúnico colar se destacava sobre o busto da candidata, tendo seus pingentescaracterísticos alongados até a cintura. Por cima da calcinha colorida um cinto demiçangas fora meticulosamente amarrado. Outro elemento de destaque eram os longosbrincos de miçanga que pendiam de suas orelhas. Braçadeiras, pulseiras, jarreteiras etornozeleiras também de miçangas e de cores homogêneas completavam o traje dacandidata. Perto das outras, que se vestiam como rainhas, seu traje era visivelmenteminimalista. E, além disso, desfilava com desenvoltura, sorria para a plateia e para osjurados, fazendo « paradinhas » na frente deles. A secretária ficou visivelmenteempolgada com o desfile da moça e ao fim do concurso ela foi decretada vencedora.Depois deste evento, as indumentárias das candidatas a miss não seriam mais asmesmas.

32 Todo este evento descrito acima foi filmado por Axuapé, um dos cinegrafistas de

Môjkarakô, solicitado pelos chefes de Kikretum a trabalhar no registro audiovisual doencontro com as autoridades. Tão logo Axuapé retornou à aldeia Môjkarakô, as imagensforam exibidas para um grande público, na casa de Jàtire, o filho do cacique velho Moté.O resultado do visionamento das imagens do concurso realizado em Kikretum se feznotar, muito rapidamente, nas prévias realizadas em Môjkarakô, em janeiro de 2010.

33 Nesta ocasião, como que para testar o público e os jurados diante da novidade, o

concurso fora organizado em duas partes. Na primeira etapa, as candidatas desfilaramcom o traje das rainhas, similares àqueles exibidos na primeira versão do concurso nacidade. Na segunda parte, elas exibiam versões distintas da indumentária da vencedorado concurso de Kikretum que elas tinham visto na televisão.

34 Momentos antes de o desfile começar, Bepdjá, o organizador do concurso, convocara os

jurados, em sua composição interétnica, ao palco, cujo chão estava coberto com umalona azul, à guisa de passarela. Compunham o júri: os dois caciques da aldeia e opresidente de uma associação; uma enfermeira, e um antropólogo26. Os juradostomaram assento na extremidade direita do palco, onde estava também o cinegrafistaBepunu, com sua inseparável câmera no tripé. Logo abaixo do palco várias pessoas daaldeia com suas máquinas digitais e celulares em punho esperavam o início do desfile. Oclima era de grande expectativa.

35 Enquanto isso, a casa do cacique Akjabôro, atrás do palco, havia se transformado num

salão de beleza mebêngôkre. Ali estavam as quatro meninas candidatas a miss, sendoproduzidas e enfeitadas por suas mães, avós, tias e irmãs. Enquanto uma passava óleode babaçu no cabelo de uma das meninas, as outras debatiam qual motivo iriamdesenhar com urucu no rosto dela. Faziam isso e, ao mesmo tempo, enrolavam linha dealgodão amarela nos antebraços, para depois dispor em camadas diversas tipoias demiçanga, com suas intermináveis voltas coloridas, colocadas em diagonal,

Journal de la Société des américanistes, 103-1 | 2017

82

transpassando e encobrindo os seios, para alcançar as coxas, sem cobrir por inteiro acalcinha. Nos braços e pernas foram dispostos pulseiras, braçadeiras e pesadosbraceletes de miçanga, enfeitados com penas de arara. O traje se encerrava com ogrande diadema krokroti de penas de arara preso na cabeça por um fio de cordadelicadamente escondido por uma tiara de miçanga amarela.

36 Lá fora, Bepdjá aumentara o som, e a música eletrônica, típica dos desfiles de moda,

ecoou pela aldeia. Se colocando no centro do palco e com o microfone em punho, eleanunciou a primeira candidata. Ela subiu ao palco por uma escadinha com a ajuda deum dos jovens organizadores e iniciou sua performance totalmente paramentada dacabeça aos pés, portando o grande diadema nas costas, « vestida » com toda a riquezamebêngôkre, como se estivesse saindo de um ritual de nominação. A garota andou até afrente do palco e parou fazendo pose com as mãos na cintura. Andou novamente nadireção dos jurados para mais uma pose, fez a volta e dirigiu-se ao centro, virando-separa o público e para os jurados antes de sair do palco. Tanto a segunda a ser chamadapara desfilar quantos as outras duas que viriam a seguir repetiram um percurso similarao da primeira candidata. Se o percurso foi o mesmo, cada uma, contudo, impôs um« jeito » de desfilar diferente. Um desempenho específico e pessoal, imitando ocaminhar das modelos profissionais na passarela dos desfiles de moda.

37 Depois que todas haviam saído, Bepdjá anunciou que elas voltariam uma vez mais. Atrás

do palco, mulheres retiravam das meninas cada um dos bens cerimoniais quecompunham sua indumentária. Permaneceram como enfeites apenas um colar demiçanga, além dos brincos e braçadeiras. Era assim, com o corpo totalmente pintadocom grafismos e realçado pelo colorido da calcinha, que as meninas, uma a uma, faziamo mesmo trajeto, novamente desempenhando, cada uma a seu modo, o caminhar dasmodelos não indígenas, o kukràdjà apreendido das kubenire. Dessa vez, o público vibravaainda mais a cada pose. A empolgação do público parecia ser inversamenteproporcional à vergonha das meninas. Depois dos desfiles, elas foram chamadas aopalco uma vez mais para que desfilassem em conjunto. Haviam ensaiado essaapresentação, pois executavam movimentos coordenados no momento da pose, virandoo corpo, sincronizadamente, ora para um lado, ora para o outro. Após essa últimaapresentação, as meninas desceram do palco. Era a hora de saber o resultado final.

38 Mas não era apenas a candidata que iria representar Môjkarakô no concurso da cidade

que estava sendo escolhida naquele contexto. Também a indumentária que ela usariana cidade estava sendo decidida. Pela animação do público e pelas notas dos jurados,ficou claro que na próxima festa do dia do índio Nhak’tyk seria a candidata deMôjkarakô, e que ela desfilaria como Miss e não como Rainha.

Sobre algumas formas cruzadas de apreciação

39 Antes de chegar ao concurso realizado na cidade, como grande atração da festa do dia

do índio, permitam-me fazer um pequeno exercício argumentativo sobre as possíveisformas de apreciação estética mobilizadas pelos integrantes do júri do concurso naaldeia, quando as candidatas desfilaram, primeiro com o traje de rainhas e depois comaquele que se fixou como a forma de apresentação das misses. Utilizo nesse exercício ascategorias de cultura e « cultura », tal como definidas por Carneiro da Cunha (2009), aprimeira enquanto um esquema interiorizado particular a cada povo; e a segunda

Journal de la Société des américanistes, 103-1 | 2017

83

enquanto efeito da apropriação pelos povos nativos do conceito antropológico decultura nos embates políticos e interétnicos contemporâneos.

40 Citando o crítico literário Lionel Trilling, Carneiro da Cunha formula « uma definição

simples e prática de cultura sem aspas », como sendo

[…] um complexo unitário de pressupostos, modos de pensamento, hábitos e estilosque interagem entre si, conectados por caminhos secretos e explícitos com osarranjos práticos de uma sociedade, e que, por não aflorarem à consciência, nãoencontram resistência à sua influência sobre as mentes dos homens. (Trilling, s/d,apud Carneiro da Cunha 2009, p. 357)

41 Sobre a relação entre cultura e « cultura », a autora afirmara algumas páginas antes:

Acredito firmemente na existência de esquemas interiorizados que organizam apercepção e a ação das pessoas e que garantem um certo grau de comunicação emgrupos sociais, ou seja, algo no gênero do que se costuma chamar de cultura. Masacredito igualmente que esta última não coincide com « cultura », e que existemdisparidades significativas entre as duas. Isso não quer dizer que seus conteúdosnecessariamente difiram, mas sim que não pertencem ao mesmo universo designificação, o que tem consequências consideráveis. (2009, p. 313)

42 São essas consequências que serão consideradas no exercício que se segue.

* * *

43 O fato de as meninas desfilarem na aldeia primeiro com os bens cerimoniais

mebêngôkre e depois sem eles, com os corpos cobertos apenas com os grafismos, e decalcinha, decorre certamente da intenção de apresentar ao público e aos jurados duaspossibilidades distintas de apreciação das candidatas. Nota-se, assim, a conformação dedois contextos diferentes de julgamento: um onde as meninas desfilam com o corpoenfeitado pelos bens cerimoniais, outro onde seus desempenhos são realizados com ocorpo à mostra. O que há em comum aos dois contextos é o andar mimetizado dasmodelos profissionais, suas poses e seus rebolados.

44 Considerando a formação interétnica do júri – formado por dois não indígenas e três

indígenas –, são acionados no momento da apreciação valores culturais diversos queconformam um interessante cruzamento de pontos de vista. Assim, no caso do primeirodesfile, do ponto de vista dos jurados mebêngôkre trata-se de avaliar a miss a partir devalores dados pela sua cultura, sem aspas, pois embora estejam diante de sua« cultura » (com aspas), não podem escapar da sua própria cultura na hora de julgar.Algo semelhante ocorre com os jurados não indígenas: a avaliação da « cultura »mebêngôkre é realizada segundo valores da sua cultura referentes às concepções deindianidade. No segundo desfile, outros elementos embasam o julgamento, pois aapreciação das garotas desliza dos bens cerimoniais para seu corpo e seu desempenhona passarela. Para os jurados não indígenas, não se trata mais de julgar a « cultura »mebêngôkre segundo os critérios ocidentais de indianidade e autenticidade, mas deescolher a miss, mobilizando suas concepções de beleza. Também neste contexto, aapreciação dos jurados mebêngôkre passa da apreciação dos bens cerimoniais para ojulgamento do corpo, da pintura corporal sobreposta à pele e do caminhar das meninassegundo os padrões de beleza mebêngôkre.

45 No primeiro desfile, os jurados mebêngôkre olham para as meninas com olhos de

mebêngôkre, julgam seu desempenho, e julgam também os bens cerimoniais e suadistribuição ordenada pelo corpo, não apenas no sentido de suas quantidades, mas

Journal de la Société des américanistes, 103-1 | 2017

84

também e, sobretudo, de suas qualidades: do material de que foram feitos, da habilidadedas artistas que os fizeram, da disposição ordenada nas partes corretas do corpo. Ojulgamento desses aspectos só pode ser feito pelos Mebêngôkre, segundo sua cultura.Esta entendida como esquema interiorizado que organiza a percepção e a ação daspessoas e que garante « um certo grau de comunicação, em grupos sociais » (Carneiroda Cunha 2009: 313).

46 A apreciação dos jurados não indígenas, por sua vez, parece mostrar a outra lâmina da

« faca de dois gumes » que é a « cultura », em sua versão com aspas, objetificada. Nostermos « marxistas » propostos por Carneiro da Cunha (2009, p. 313), trata-se, noprimeiro desfile e do ponto de vista dos jurados mebêngôkre, de um julgamentosegundo a « cultura em si ». Do ponto de vista dos jurados não indígenas, trata-sediferencialmente de um julgamento da « cultura para si ». Esta última é, justamente, aforma objetificada (patrimonializada) da cultura, o modo como os Kayapó escolheramexibi-la performaticamente diante do mundo. Como os não indígenas não têmelementos para julgar a miss a partir da cultura mebêngôkre, eles o fazem acionando ascategorias de autenticidade, de « indianidade » que embasam nossa cultura quando setrata de apreciar índios e julgá-los, muitas vezes, como « verdadeiros » ou « falsos ».

47 Quando as meninas voltam ao palco sem os bens cerimoniais, surge um interessante

encontro de perspectivas, onde outras ênfases são dadas. Pois agora, livres dos benscerimoniais, a beleza física e o desempenho das candidatas tornam-se mais evidentes.Prestar-se-á muito mais atenção ao seu corpo, aos grafismos e à sua performance.Sugiro que os jurados não indígenas não têm outra opção senão a de julgarem a misssegundo sua concepção específica de beleza. Esta concepção, se possui, sem dúvida, umlado pessoal, possui certamente também outro lado, formado por um esquemainteriorizado distinto daquele mobilizado pelos Mebêngôkre. Os jurados mebêngôkremobilizam, por sua vez, os valores e princípios estéticos de sua própria cultura, que sesão diferentes daqueles dos não indígenas, levam a um resultado similar: jurados,brancos e índios, deram, no concurso em questão, praticamente as mesmas notas paraNhak’tyk, a candidata que naquele contexto ficara em primeiro lugar.

48 Aqui, como já salientava Bateson (1972, p. 101), a graça, enquanto forma de expressão,

« puede ser percibida por encima de las barreras culturales ». Pois que toda tecnologiado encantamento (Gell 2005) mobilizada na preparação da miss visa produzir,justamente, esse encontro de perspectivas, uma vez que é composto para ser executadoem um contexto interétnico, para que públicos diversos possam apreciar as candidatas.A eficácia do desfile, tal como apropriado pelos Mebêngôkre, parece estar em fazercoincidir, em um mesmo corpo e em uma mesma performance, elementos quepossibilitam julgamentos estéticos baseados em lógicas culturais distintas.27

49 Os concursos da Miss Kayapó evocam, neste sentido, a noção de condensação ritual, tal

como formulada por Severi (2007) e segundo a qual sujeitos (mas também objetos) sãoeficazes por serem constituídos no contexto ritual formando figuras complexas,denominadas pelo autor como seres quiméricos. Seguindo Severi, Fausto (2008, p. 343)afirma que a fonte mesma da eficácia desses personagens está no fato de que nestescontextos contraintuitivos « elementos antagônicos condensam-se na forma de umaimagem ao mesmo tempo singular e múltipla ».

50 A meu ver, não existe forma melhor para caracterizar essa figura singular e múltipla

que é a Miss Kayapó. Ela é de tal modo quimérica que consegue reunir em torno de siformas de apreciação culturalmente distintas que se cruzam, se somam e se tocam justo

Journal de la Société des américanistes, 103-1 | 2017

85

no contexto ritual do concurso. A beleza da miss, da forma como é produzida; seu jeito,do modo como é apreendido e treinado; sua graça, do jeito que é mostrada pelossorrisos e paradinhas, visa à interculturalidade, visa à justaposição de pontos de vista eformas de julgamento distintas. Talvez, nesse sentido bem especifico, e para evocar umfamoso debate no campo da antropologia da arte (Overing 1996), a estética possa serpensada não como uma categoria, mas como uma forma de apresentação transcultural,como uma « indumentária quimérica » que captura olhares diversos.

51 Completando esse ciclo de pontos de vistas cruzados, poderíamos nos perguntar: como

veriam os jurados kayapó certos elementos da cultura dos « brancos » sendo imitadospor suas meninas? Não seria errado dizer que estariam julgando a « cultura » dos kuben,em sua forma objetificada pela performance da miss. Não seria, não fosse pelo fato deque a « cultura » kuben (não indígena), em seu estado performado pelas candidatas,passa a fazer parte da própria cultura mebêngôkre. Em outros termos, a culturamebêngôkre, aquilo que denominam seu kukràdjà, seu « patrimônio cultural », pareceser a soma do que é a « cultura » (com aspas, objetificada) dos outros. Isto porque alémde absorver elementos da cultura dos outros, os Mebêngôkre parecem ter umapredileção por aquilo que esses outros mostram ritualmente, suas formas objetivadasde beleza. Assim o fazem não apenas com os concursos de Miss Universo, onde as maisbelas candidatas de todo o mundo mostram sua beleza em uma grande cerimôniapública e internacional, onde os padrões de beleza ocidentais são objetificados; mas ofazem também com outras formas expressivas dos não indígenas como os forrós ebailes de sábado à noite, vistos e apreendidos por diversas gerações nos mais variadoscontextos e épocas (Demarchi 2014); ou como o kwôre kangô, o já famoso ritualapreendido dos Juruna (Vidal 1977); ou mesmo como o são praticamente todos os seusrituais de nominação, apreendidos, segundo contam os mitos, de diversos seres animaise mitológicos (Lea 2012).

52 Não apenas apropriadas e apreendidas, estas formas expressivas precisam

necessariamente ser performatizadas, tornadas visíveis durante os rituais, muitas vezesjusto para aqueles de quem as copiaram. No caso do concurso da miss, e também deoutros contextos rituais e interétnicos, como a própria festa do dia do índio, ou como asrecepções às autoridades na aldeia, não se trata somente de uma demonstração ousimplesmente de « fazer festas bonitas para os brancos verem ». Trata-se de subordiná-los à própria lógica cerimonial (Guerreiro Júnior 2012), de colocá-los a serviço damáquina ritual mebêngôkre, produtora de beleza e diferença. Afinal, somente umacandidata será escolhida como a Miss Kayapó.

O concurso da miss e sua espetacularização

O espetáculo não é uma coleção de imagens; aocontrário, ele é uma relação social entre pessoas

mediada por imagens.(Guy Debord 1997, p. 14)

53 Este tópico se destina a descrever e analisar algumas transformações percebidas na

análise comparativa de uma sequência de concursos de beleza kayapó. Desde oprimeiro, realizado em 2009, ao mais recente, realizado em 2013. Uma análisediacrônica, ao inserir um movimento temporal em seu escopo, permite acompanhar oprocesso de espetacularização do concurso da miss, e da própria festa do dia do índio,

Journal de la Société des américanistes, 103-1 | 2017

86

bem como a eficaz e consciente ação dos Mebêngôkre nesse processo, notadamente pormeio de seus chefes. Estamos aqui diante de contextos rituais, cujo valor e beleza giramem torno da produção, apreciação e circulação de « indigenous body images »(Conklin 1997, p. 711) em redes interétnicas midiatizadas.

54 A indigenização da modernidade, como quer Sahlins (1997), ocorre nas diversas partes

do globo em meio « a um mundo superpovoado por imagens » (Gonçalves 2011, p. 17),um mundo espetacularizado, se lembramos da definição original proposta por GuyDebord (1997). Como se lê na epígrafe, o espetáculo não se configura pelo simplesacúmulo de imagens, mas por mediar relações sociais através delas conectando pessoasque exercitam a mediação imagética como uma nova forma de se apropriar do mundoao redor, talvez se sobrepondo à oralidade como forma de conhecimento desse mundo(Gonçalves 2011).

55 Os próprios Mebêngôkre têm cada vez mais tecido relações por meio de imagens rituais,

criando um amplo circuito imagético que percorre aldeias longínquas. Os trabalhos deTurner (1992, 1993) mostram que desde os anos de 1980 os Mebêngôkre têm seapropriado das máquinas e tecnologias de produção de imagens, colocando-as parafuncionar em prol de uma concepção própria de visualidade e visibilidade tão cara à suanoção própria de cultura, às suas concepções de beleza e às suas formas rituais. Mas emum mundo superpovoado por imagens, quando elas podem ser infinitamentemultiplicadas, copiadas, compartilhadas, poder-se-ia perguntar sobre como ocorre ocontrole indígena de suas próprias imagens em circulação? Por meio de que processos eestratégias políticas esse controle é exercido? Que mecanismos éticos e estéticos sãoacionados nestes contextos? Como se constitui, enfim, a espetacularização daindianidade, justamente em um contexto de indigenização da modernidade?

56 Essas questões podem aqui ser entendidas à luz das transformações operadas nas

diferentes edições dos concursos de beleza, com sua crescente espetacularização. Paracomeçar, retornemos ao ano de 2009, quando o desfile foi executado pela primeira vez.

* * *

57 As poucas informações que possuo desse primeiro concurso me inclinam a considerá-lo

um experimento improvisado, um primeiro contato dos Mebêngôkre com a ideia decolocar a beleza de suas adolescentes (e de suas aldeias) em disputa no centro da cidade.Tão logo essa ideia foi sendo compreendida, disseminada e, mesmo, apropriada pelosMebêngôkre, seu grau de espetacularização aumentou consideravelmente. Não que deinício o concurso não tenha surgido já sendo filmado, gravado e visto por um grandepúblico. No primeiro concurso, realizado em 2009 (e a confiar nas únicas fotos quetemos desse evento), já está presente certo coeficiente de espetacularização. Nota-seum grande público presente no desfile e, por trás das candidatas, é possível ver umcinegrafista com sua câmera em punho (ver Figura 4).

58 Mas o grau de reprodução e circulação dessas imagens não alcançou, por exemplo, a

rede mundial de computadores, como passou a ocorrer nos concursos posteriores. Façao leitor o experimento de digitar as palavras « miss kayapó » no buscador de imagensdo Google e ele verá imagens de diferentes edições do concurso, mas não de sua primeiraedição. Esse baixo grau de dispersão dessas primeiras cenas do concurso é coerente comsua ainda incipiente espetacularização. E também com o aspecto ainda improvisado doevento: não havia, em 2009, as passarelas vermelhas presentes nas edições seguintes do

Journal de la Société des américanistes, 103-1 | 2017

87

concurso, adornadas com tochas de fogo, palmeiras e esculturas de frutas; e, além disso,só quatro candidatas participavam dessa primeira versão, representando as quatroaldeias, cujas delegações estavam presentes na festa do dia do índio daquele ano:Môjkarakô, Kikretum, Pykararãkre e Kôkraimôro.

59 Note-se ainda que no primeiro concurso todas as candidatas se vestiam como rainhas,

sendo a representante de Môjkarakô, vencedora da edição de 2009, a única a usar otraje completo, com o grande diadema krokroti. A derrota no primeiro concurso pareceter motivado as mulheres de Kikretum a inventar uma nova indumentária a serapresentada em 2010, posteriormente adotada pela totalidade das candidatas. Assim,de 2009 para 2010, não somente a indumentária havia se transformado, mas tambémessa transformação impôs outra forma de julgamento, deslizando de uma apreciaçãodos diversos enfeites sobrepostos ao corpo, para as formas e volumes dele próprio, ocorpo, bem como para o desempenho das candidatas, seu jeito e sua graça. Essatransformação certamente contribuiu para a crescente espetacularização do evento.

60 O concurso da Miss Kayapó realizado em 2010 representou um passo a mais nesse

sentido. Agora ele vinha impresso nos fôlderes e cartazes distribuídos pela cidade comoa atração principal do sábado à noite. A festa e o concurso foram divulgados nos meiosde comunicação das cidades do sul do Pará. Repórteres, cinegrafistas e fotógrafosdessas agências ocupavam a quadra do ginásio, onde o desfile seria realizado. Ao centroda quadra, uma grande passarela fora montada com um longo tapete vermelho,adornado em suas bordas com luminárias de palha trançada. Em uma das extremidadesda passarela, estava a tribuna de honras e, à frente dela, a bancada dos jurados. Naoutra extremidade estavam posicionados os fotógrafos e cinegrafistas. Ao redor dapassarela, aproximadamente mil índios estavam sentados no chão observando a cenaque se formara. Atrás do público mebêngôkre, as arquibancadas estavam lotadas pelapopulação da cidade, com algumas pessoas, inclusive, por cima dos alambrados.

61 Uma música eletrônica percorreu o ambiente e os apresentadores do concurso

anunciaram seu início. Cada uma das seis candidatas foi convocada a desfilar, tendo seunome e sua aldeia de origem anunciados repetidas vezes pelos locutores. Durante osdesfiles, o apresentador repetia as seguintes frases: « Miss Kayapó 2010. É a belezakayapó na passarela ». A cada pose das candidatas, o público aplaudia, gritava,assoviava e tirava fotos.

62 Em 2010, as proporções da festa do dia do índio haviam aumentado. Duas novas aldeias

(Aùkre e Apêjti) haviam sido convidadas a participar da festa, e com elas vinham duasnovas candidatas a miss. Assim, foram seis (e não apenas quatro como no ano anterior)as garotas que se apresentaram para o público e para os jurados. Dentre elas estavamNhak’tyk, a candidata de Môjkarakô, treinada pela professora Ilda, e Panh’ôk, a moça deKikretum, cujas parentes femininas haviam criado o novo traje, vestido agora porpraticamente todas as candidatas, com exceção da representante da aldeia Aùkre. Estamenina portava a indumentária antiga, de rainha, destoando claramente das outrascandidatas nos termos da nudez de seu corpo. Enquanto todas as outras tinham oscorpos realçados pelos padrões de pintura corporal, a candidata de Aùkre tinha o seucorpo coberto de enfeites de miçanga. A estratégia das mulheres da aldeia Aùkre, deenfeitar o corpo de sua candidata com pesados enfeites de miçanga, não deu certo.Naquele ano, em conjunto com a indumentária, os padrões de apreciação haviam setransformado. Assim, durante os desfiles as candidatas mais aplaudidas pelo públicoforam Nhak’tyk e Panh’ôk. As duas mostravam desenvoltura no caminhar e nas

Journal de la Société des américanistes, 103-1 | 2017

88

paradinhas, sorrindo e reverenciando público e jurados. Encerrados os desfiles, e depoisde apreensivos trinta minutos, os jurados, todos não indígenas, consagraram Panh’ôkcomo a Miss Kayapó do ano de 2010. Nhak’tyk, embora tenha treinado exaustivamentesuas « paradinhas » e poses, ficara em segundo lugar. Em terceiro ficou a candidata daaldeia Apêjti (ver Figura 5).

Fig. 5 – As três vencedoras do concurso de 2010. Panh’ôk ao centro com a faixa de miss; Nhak’tykà esquerda, em segundo lugar; em terceiro, a candidata da aldeia Apêjti. Foto capturada dagravação em vídeo produzida por Bepunu Kayapó (São Félix do Xingu, Pará, Brasil, 2010).

63 A faixa de miss foi solenemente colocada em Panh’ôk pelo prefeito da cidade. Muitos

fotógrafos se amontoavam para conseguir o melhor quadro. Em uma demonstraçãoclara da disputa estética e política que envolve o concurso, o principal chefe deKikretum adentrou o quadro da cena. Ali estavam os três: o prefeito de um lado, a missao centro e o sorridente cacique de Kikretum do outro lado. Permaneceram imóveis pormais de um minuto para saciar a vontade imagética dos cinegrafistas e fotógrafos. Omesmo ritual imagético foi repetido para as vencedoras do segundo e terceiro lugares.Entregaram os prêmios para elas, respectivamente, a secretária de educação e aprimeira-dama do município. E lá estavam os caciques de Môjkarakô e Apêjti posandocom suas candidatas e sua respectiva autoridade. As relações entre estética e políticanunca estiveram tão objetificadas e espetacularizadas como nessas fotos (ver Figura 6).

Journal de la Société des américanistes, 103-1 | 2017

89

Fig. 6 – Estética, ritual e política. Imagens da premiação do concurso Miss Kayapó 2010. Fotocapturada da gravação em vídeo produzida por Bepunu Kayapó (São Félix do Xingu, Pará, Brasil,2010).

64 As proporções da festa do dia do índio de 2011 foram ainda maiores. Agora, mais três

aldeias (Krinu, Gorotire e Krenmajti) foram convidadas a participar do evento,totalizando nove delegações e, consequentemente, nove candidatas a miss. O sucesso dafesta de 2010 e a disseminação de suas imagens nos mais diversos meios decomunicação transformaram a festa daquele ano em um evento de massas,espetacularizado do início ao fim. Afinal, dois mil Kayapó iriam ocupar a cidade naquelasemana do mês de abril. A cobertura jornalística aumentara, o mesmo ocorrendo com aparticipação de políticos e autoridades locais. Esperava-se a presença, no dia doconcurso, da governadora do estado do Pará. O movimento de turistas vindos paraparticipar da festa se fazia presente nos poucos hotéis e lan houses da cidade. Além doconcurso da Miss Kayapó, outra grande atração estava prevista: tratava-se de um showdo cantor Pykatire, e programava-se o lançamento de seu CD com versões ecomposições próprias de canções sertanejas e bregas em língua mebêngôkre.

65 Esse show merece um comentário à parte. Embora não o tenha presenciado, pude ver a

gravação em vídeo feita pelos cinegrafistas de Môjkarakô. Pykatire não cantava comuma banda. As batidas de seu som entoavam pelos alto-falantes, enquanto ele punhapor cima delas sua voz ao cantar em mebêngôkre, lembrando as apresentações doscantores de músicas bregas e seus inseparáveis teclados eletrônicos. Pykatire nãoapenas havia criado as músicas, mas também inventara uma dança particular queexecutava durante sua apresentação. Ele apresentou cinco canções, sendo que seusucesso Bà ikaprire (« Estou triste »), cuja letra narra as algúrias de amor vividas peloeu-lírico depois de ser abandonado por sua amada, teve que ser repetida como bis, aofim do show e a pedido do público.

66 O sucesso dessa canção foi tamanho que os organizadores resolveram adotá-la como a

música tema do concurso daquele ano, sem antes solicitar a um DJ que fizesse umaversão remix, inserindo em seu arranjo batidas de música eletrônica, como pedia aocasião. E foi assim, ao som de Pykatire, que as nove candidatas a Miss Kayapó 2011foram convocadas uma a uma à passarela, desta feita adornada com diversas esculturasde abacaxi e uma grande tocha acesa em seu início. Dessa vez, acompanhando o

Journal de la Société des américanistes, 103-1 | 2017

90

aumento no número de candidatas, o júri também havia aumentado, sendo compostopor seis jurados. Dentre eles, estava a primeira-dama do município, a vice-prefeita, adiretora da maior escola da cidade, uma representante da FUNASA (Fundação Nacional

de Assistência a Saúde), um professor de Educação Física e um estilista da cidade deMarabá convidado especificamente para ocasião.

67 A presença do estilista famoso na região do sul do Pará fazia jus ao aperfeiçoamento dos

trajes das candidatas daquele ano. As diferentes mulheres kayapó que osdesenvolveram criaram peças que combinassem entre si nos detalhes coloridos,formando combinações de cores próprias para cada uma das candidatas. Assim, trajespredominantemente azuis se contrastavam com aqueles cujas cores sobressalentes erelacionadas eram o verde e o amarelo, ou o preto e branco, ou o vermelho e branco, ousimplesmente branco. Certos enfeites haviam chegado a formas tais queacompanhavam o molejar das candidatas no desfile. Os longos brincos de miçanga, ostambém longos pingentes dos colares e as franjas das jarreteiras e dos cintosacompanhavam os movimentos corporais das candidatas, sacolejando no ar a cada posepara os jurados. A calcinha colorida dava o tom assimétrico da indumentária. Desta vez,não havia sequer uma menina usando o traje de rainha, todas as nove participantesmostravam versões estilizadas daquele inventado em 2010 pelas mulheres de Kikretum.O que ressaltava a beleza física e a performance das candidatas, mas também osdiferentes padrões de pintura corporal que cada uma delas trazia na pele do corpo e dorosto (ver Figura 7).

Fig. 7 – Candidata a Miss Kayapó 2011. Foto capturada da gravação em vídeo produzida porBepunu Kayapó (São Félix do Xingu, Pará, Brasil, 2011).

68 O resultado daquele concurso foi, contudo, motivo de polêmica. Pela primeira vez

houve discordâncias claras entre o resultado apresentado pelos jurados e aquelepercebido por boa parte do público mebêngôkre. A candidata vencedora, representante

Journal de la Société des américanistes, 103-1 | 2017

91

da aldeia Gorotire, não agradara os participantes de outras aldeias, embora tenhaagradado tanto os jurados como o grande público não indígena que lotava asarquibancadas do ginásio. A discordância dos Mebêngôkre não parecia estar nosenfeites de miçanga que eram similares aos das outras candidatas, tampouco no uso dacalcinha e da pintura corporal. Ela se concentrava em um único sinal diacrítico de suaindumentária: a candidata de Gorotire não tinha seus cabelos cortados ao modofeminino mebêngôkre, tal como o exibiam todas as demais candidatas. A tradicionalfaixa raspada ao centro da cabeça dava lugar a uma distinta franja que lhe cobria parteda testa. Além desse detalhe muito comentado negativamente, a candidata apresentavaum caminhar diferenciado, um molejo de tal forma natural que se levantou suspeitasobre sua identidade étnica. Falava-se após o desfile que a vencedora não eraMebêngôkre, que era filha de kuben, que por isso tinha vergonha de cortar o cabelocomo as mulheres kayapó.

69 Não soube se estas informações procedem, mas o fato de elas serem enunciadas talvez

aponte para um momento chave do concurso, quando os Mebêngôkre se viram diantedo fato de estarem perdendo o controle sobre a imagem de beleza apresentada naquelecontexto. Talvez houvessem percebido que naquele ano a vencedora do concursorompia os limites de certos padrões éticos e estéticos nativos, desequilibrando o tênueencontro de perspectivas entre índios e kuben (não indígenas) que as candidatas a miss,esses seres quiméricos, produzem no contexto daquela cerimônia. Talvez porque,em 2011, a festa do dia do índio e, consequentemente, o concurso da miss, haviamatingido um alto grau de espetacularização, justo no momento em que ocorrera avitória de uma candidata considerada por grande parte do público mebêngôkre comosendo por demais kuben (não indígena).

70 Esse desencontro de perspectivas estéticas, até então inédito no evento, acarretou

consequências consideráveis nas edições seguintes do concurso. De fato, ele parece terexigido um momento de reflexão por parte dos Mebêngôkre. Não foi por acaso,portanto, que às vésperas do início da festa de 2012, os caciques das dez aldeiasparticipantes decidiram por bem cancelar o concurso da Miss Kayapó durante umareunião com a equipe executora. Ainda não me perdoei por não ter participado dessareunião, pois as discussões ali envolvidas seriam de grande importância para acompreensão dessa decisão. Como modo de compensá-lo, apresento um relatoconcedido por Akjabôro no primeiro dia da festa, a partir de meu questionamento sobrea notícia do cancelamento do concurso da miss, que rapidamente se espalhara pelacidade. Akjabôro disse as seguintes palavras:

Foi eu que proibi o concurso da miss. Porque os kuben [não indígenas] estavamfazendo sacanagem com as imagens das meninas do meu povo. Isso não podeacontecer não. Eu não gosto disso. Tem que respeitar meu povo. Estavam tirandofoto e colocando em site de sacanagem. Fazendo brincadeira feia com a nossaimagem. Isso eu não gosto. Por isso, foi proibido. Três caciques queriam fazer. Navotação eles perderam.

71 Quando perguntei sobre as reações da equipe executora a essa proibição, Akjabôro

disse:

Eles tiveram que aceitar. Porque essa festa aqui na cidade é dos Mebêngôkre, não édos kuben, não. Se a secretária faz o concurso, a gente cancelava a festa, não temmais festa. Por isso, ela tem que aceitar. Eu falei pesado na reunião e aí ela aceitou.

72 Essas palavras de Akjabôro, se sem dúvida justificam o cancelamento do concurso, não

deixam de evocar o resultado do concurso anterior, quando a candidata vencedora não

Journal de la Société des américanistes, 103-1 | 2017

92

agradara aos índios, sendo considerada kuben (não indígena) por muitos deles. A reaçãoà circulação indevida das imagens na internet foi uma boa justificativa para que osMebêngôkre, sobretudo por meio de seus chefes, retomassem o controle das imagens edos padrões de beleza nativos apresentados na festa. Tanto que, além do concurso damiss, fora cancelado também o novo show do cantor Pykatire, sucesso na ediçãode 2011, bem como qualquer apresentação em que índios performatizassem a« cultura » dos kuben. O espaço deixado por essas atrações na programação noturna doevento fora ocupado pelas apresentações coletivas das delegações participantes dafesta, entremeadas por discursos de seus chefes na língua mebêngôkre.

73 Em 2012, a festa do dia do índio voltara a ser uma festa mebêngôkre, como afirmou

acima Akjabôro. Voltara, porque novamente eles controlavam suas imagens e,sobretudo, retomavam a condução da própria festa. Neste sentido, é digna de destaquea contínua participação de Akjabôro durante a execução de todo o evento. Além deproferir o discurso da chegada, quando as delegações aportavam em São Félix, exigindorespeito dos habitantes da cidade, lembrando a eles da violência dos seus antepassados– justamente para com as mulheres –, Akjabôro geriu toda a programação dasapresentações noturnas, fazendo discursos de exaltação da cultura mebêngôkre econcedendo, ele mesmo, entrevistas para diferentes canais de televisão.

74 Uma das cenas protagonizadas por Akjabôro naquele ano exemplifica com clareza a

retomada do controle imagético da festa e revela alguns de seus princípios éticos eestéticos, bem como suas intenções. Em uma das apresentações noturnas da aldeiaMôjkarakô, com o ginásio da cidade lotado, Akjabôro, em um gesto performático,retirou do centro da quadra dois jovens dançarinos calçados com seus reluzentes ecoloridos pares de tênis all-star. Levou-os para um canto do ginásio e gesticulou com osbraços, no movimento característico de quem está mandando alguém embora. Foiseguidamente aplaudido por todos, inclusive pelas centenas de não indígenas quelotavam as arquibancadas. Mokuká, que acompanhava a cena ao meu lado, com suainseparável filmadora, me explicou a performance de Akjabôro com as seguintespalavras, afirmadas imediatamente após o ocorrido:

Ele não está aceitando que os jovens dancem assim com o pessoal. Quando temtradição boa como essa, não pode usar tênis, não pode usar aqui na festa. Aqui sópode tradição de verdade. Por isso que ele fez isso. Ele não gostou. Ele estámostrando para os outros como é que tem que ser. Para a nossa imagem ficar mejxkumrenx (bonita e correta).

75 A explicação de Mokuká não poderia ser mais clara: a atitude performática de Akjabôro,

perante os dois adolescentes de Môjkarakô, consistia no uso da espetacularidadedaquele evento como uma forma de transmitir um conjunto de princípios éticos eestéticos necessários à forma correta de reprodução das imagens capturadas na festa.Os pares de all-star calçados pelos rapazes, assim como a franja do penteado da MissKayapó de 2011, demarcam o que não deve ser reconhecido como cultura mebêngôkreem contextos específicos. A reação de Akjabôro a essa forma indevida de enfeitar o péagradou àqueles que defendem a « boa tradição », misturando índios e brancos em ummesmo gesto de aplauso. Sua ação foi a de quem está em uma disputa espetacular, cujasformas de embate se dão por imagens. Sua performance – quando pensada segundo umcontexto no qual « as imagens vêm se apresentando como “armas culturais” por meiode uma luta ambígua que tanto produz como destrói imagens, ícones e emblemas »(Latour 2008, p. 112) – pode ser vista como um duro golpe estratégico no inimigo,tomando como arma o infortúnio dos dois adolescentes de Môjkarakô que dançavam

Journal de la Société des américanistes, 103-1 | 2017

93

com seus parikà (tênis); e como glória, os aplausos que encheram o ambiente. Mas quaisseriam os objetivos dessa performance dentro da performance? Destacar, arrisco dizer,Môjkarakô enquanto aldeia que segue « a tradição boa », que forma uma imagemcorreta e bela de um corpo coletivo, enfeitado, produzido, nos mínimos detalhes de« um retrato compósito ». Eis o sentido da atitude iconoclasta de Akjabôro. Afinal seugesto parecia dizer que: se os outros parentes aceitam esse item de indumentária, nós,de Môjkarakô, não aceitamos! E seria melhor que eles, ao menos naquele contexto,também não aceitassem.

76 Aqui, como em outros contextos imagéticos, tudo se passa « como se a desfiguração de

um objeto pudesse inevitavelmente gerar novas faces; como se o desfiguramento e o“refiguramento” fossem necessariamente coetâneos » (Latour 2008, p. 114). E de fato osão: a atitude iconoclasta e desfigurativa de Akjabôro ao expulsar os dois menoronure daquadra refigura a imagem de Môjkarakô enquanto aldeia que segue « a tradição boa » e,consequentemente, faz dessa refiguração um gesto que angaria status, valor e beleza àperformance da aldeia naquele contexto de competição interaldeão. Ao mesmo tempo,no plano interétnico, e não mais intraétnico, a performance de Akjabôro não deixa deser um aviso aos kuben sobre quem controla o espetáculo. Mesmo que não se controle asformas de reprodução, dispersão e circulação das imagens, é claramente possível, nosensina mais uma vez Akjabôro, exercitar sua administração segundo princípiosestéticos próprios (Turner 1992).

77 Para encerrar este artigo, bem como a sequência de concursos (e suas transformações

recentes) que me propus a analisar, é preciso esclarecer ao leitor que em 2013 ascandidatas a miss retornaram à cena ritual e o concurso voltou a ser a atração principalda festa do dia do índio. Mas, agora, novas transformações ocorreram. Se, por um lado,as indumentárias permanecem semelhantes àquelas apresentadas no concurso de 2011,por outro, não se pode mais desfilar sem o corte tradicional das mulheres mebêngôkre.Contudo, e para além dessa exigência, a alteração mais profunda concretizada noconcurso de 2013 – e que possui relações diretas com o controle dos padrões de belezaexpostos pelas candidatas em um evento que continua sendo espetacularizado – dizrespeito à nova formatação do corpo de jurados. O júri passou a ser composto não maispor autoridades locais, estilistas famosos ou funcionários públicos. Agora, são cincochefes de diferentes aldeias mebêngôkre que julgam a beleza das candidatas a miss.

78 Essa transformação nada mais é que uma estratégia política nativa de retomada do

controle imagético e estético da cerimônia. Uma estratégia que visa demonstrar, comojá explicitado, que nestes contextos rituais contemporâneos e interétnicos aespetacularização da indianidade é governada por processos de indigenização damodernidade. Uma estratégia que visa, enfim, deixar claro para os kuben (nãoindígenas) que patrocinam e participam desse grande ritual quem de fato comanda oespetáculo.

Journal de la Société des américanistes, 103-1 | 2017

94

BIBLIOGRAFIA

BATESON Gregory

1972 Steps to an Ecology of Mind, Ballantine Books, New York.

CUNHA Manuela Carneiro da

2009 « Cultura e “cultura”: conhecimentos tradicionais e direitos intelectuais », in Cultura com

Aspas, Cosac Naify, São Paulo.

CLIFFORD James

1998 A experiência etnográfica: antropologia e literatura no século XX, Editora UFRJ, Rio de Janeiro.

COHN Clarice

2005 Relações de Diferença no Brasil Central: os Mebengokré e seus Outros, Tese de Doutorado,

Universidade de São Paulo, São Paulo.

CONKLIN Beth

1997 « Body paint, feathers e VCRs: aesthetics and authenticity in Amazonian Activism »,

American Ethnologist, 24 (4), p. 711-37.

DEBORD Guy

1997 A Sociedade do Espetáculo, Contraponto, Rio de Janeiro.

DEMARCHI André

2013 « Figurar e desfigurar o corpo: peles, tintas e grafismos entre os Mebêngôkre (Kayapó) », in

Els Lagrou e Carlo Severi (eds.), Quimeras em diálogo: grafismo e figuração na arte indígena, Sete

Letras, Rio de Janeiro, p. 247-276.

2014 Kukràdjà Nhipêjx/Fazendo Cultura: Beleza, Ritual e Políticas da Visualidade entre os Mebêngôkre –

Kayapó, Tese de Doutorado, PPGSA/IFCS/UFRJ, Rio de Janeiro.

FAUSTO Carlos

2008 « Donos Demais: Maestria e Propriedade na Amazônia », Mana, 14, p. 280-324.

GELL Alfred

2005 « A tecnologia do encanto e o encanto da tecnologia », Revista Concinnitas, 6 (1), p. 103-134.

GONÇALVES Marco Antônio

2011 « De Platão ao Photoshop: as imagens e suas leituras », Ciência Hoje, 298, p. 12-17.

GORDON César

2006 Economia Selvagem: mercadoria e ritual entre os índios Xikrin-Mebêngôkre, UNESP, São Paulo.

2009 O valor da beleza: reflexões sobre uma economia estética entre os Xikrin (Mebêngôkre-Kayapó),

Département d’anthropologie, Universidade de Brasilia (UNB), Brasília.

GUERREIRO Jr. Antonio

2012 Ancestrais e suas sombras. Uma etnografia da chefia Kalapalo e seu ritual mortuário, Tese de

Doutorado, PPGAS/UNB, Brasília.

LATOUR Bruno

2008 « O que é iconoclash? Ou, há um mundo além das guerras de imagem », Horizontes

antropológicos, 14 (29), p. 111-150.

Journal de la Société des américanistes, 103-1 | 2017

95

LEA Vanessa

1986 Nomes e Nekrets Kayapó: Uma concepção de riqueza, Tese de Doutorado, Museu Nacional, UFRJ,

Rio de Janeiro.

2012 Riquezas intangíveis de pessoas partíveis: os Mẽbêngôkre (Kayapó) do Brasil Central, EDUSP/

FAPESP, São Paulo.

MAUSS Marcel

2004 « As técnicas corporais », in Sociologia e Antropologia, Cosac Naify, Rio de Janeiro, p. 399-422.

NIMUENDAJÚ Curt

1952 « Os Gorotire: relatório apresentado ao serviço de proteção aos índios, em 18 de abril

de 1940 », Revista do Museu Paulista, n.s., VI, p. 427-453.

OVERING Joanna

1996 « Aesthetics is a cross-cultural category: against the motion », in Tim Ingold (ed.), Key

Debates in Anthropology, Routledge, London.

REIS E SILVA Lorena França

2012 « Mimesis de si mesmos: a autorrepresentação imagética dos Paresi », Cadernos de Campo, 23,

p. 29-46.

ROBERT Pascale de

2004-2002 « Terre coupéé. Recomposition des territorialités indigènes dans une réserve

d’Amazonie », Ethnologie française, 34 (1), p. 79-88.

ROBERT Pascale de, Claudia LÓPEZ GARCÉS, Anne-Elisabeth LAQUES e Márlia COELHO-FERREIRA

2012 « A beleza das roças: agrobiodiversidade Mebêngôkre-Kayapó em tempos de globalização »,

Boletim do Museu Paraense Emílio Goeldi, Ciências Humanas, 7 (2), p. 339-369.

RODGERS Mark

1999 « Spectacular bodies: folklorization and the politics of identity in ecuadorian beauty

pageants », Journal of Latin american anthropology, 3 (2), p. 54-85.

SAHLINS Marshall

1997 « O “pessimismo sentimental” e a experiência etnográfica: por que a cultura não é um

“objeto” em vias de extinção », Mana, parte 1, 3 (1), p. 41-73; parte 2, 3 (2), p. 103-150.

SCHACKT Jon

2005 « Mayahood through beauty: indian beauty pageants in Guatemala », Bulletin of Latin

American Research, 24 (3), p. 269-287.

SEVERI Carlo

2007 Le principe de la chimère. Une anthropologie de la mémoire, Aesthetica ENS/MQB, Paris.

SHEPARD Jr. Glenn H. e Richard PACE

2012 « Through Kayapó Cameras. A report from the field », Anthropology News, 53 (4), p. 18-19.

TURNER Terence

1965 Social Structure and Political organization among the Northern Kayapó, Tese de Doutorado,

Harvard University Cambridge, Cambridge Mass.

1991 « Representing, Resisting, Rethinking: Historical Transformations of Kayapo Culture and

Anthropological Consciousness », in George W. Stocking (ed.), Colonial Situations: Essays on the

Contextualization of Ethnographic Knowledge, University of Wisconsin Press (History of

Anthropology, 7), Madison, p. 285-313.

Journal de la Société des américanistes, 103-1 | 2017

96

1992 « Os Mebengokre Kayapó: história e mudança social, de comunidades autônomas para a

coexistência interétnica », in Manuela Carneiro da Cunha (ed.), História dos índios no Brasil,

FAPESP/SMC/Companhia das Letras, São Paulo, p. 311-338.

1993a « Imagens desafiantes: a apropriação Kayapó do vídeo », Revista de Antropologia, 36, p. 5-16.

1993b « De Cosmologia a História: resistência, adaptação e consciência social entre os Kayapó », in

Eduardo Viveiros de Castro e Manuela Carneiro da Cunha (eds.), Amazônia: Etnologia e História

Indígena, NHII-USP/FAPESP, São Paulo, p. 43-66.

2009 « Valuables, value and commodities among the Kayapo of Central Brasil », in Fernando

Santos-Granero (ed.), The occult life of things. Native amazonians theory of personhood and materiality,

The University of Arizona Press, Arizona, p. 152-169.

VERSWIJVER Gustaaf

1992 The club fighters of Amazon: warfare among the Kayapó Indians of Central Brazil, Rijksuniversiteir

te Gent, Gent.

VIDAL Lux

1977 Morte e Vida de uma Sociedade Indígena Brasileira – os Kayapó-Xikrin do Rio Cateté, Editora

HUCITEC/Editora da Universidade de São Paulo, São Paulo.

1992 « A pintura corporal e a arte gráfica entre os Kayapó-Xikrin do Cateté », in Lux Vidal (ed.),

Grafismo indígena. Estudos de antropologia estética, EDUSP/FAPESP/Studio Nobel, São Paulo,

p. 143-189.

VIVEIROS DE CASTRO Eduardo

1979 « A fabricação do corpo na sociedade xinguana », Boletim do Museu Nacional (nova série),

PPGAS-Museu Nacional, Rio de Janeiro, p. 3-29.

2002 A inconstância da alma selvagem (e outros estudos de antropologia), Cosac Naify, São Paulo.

WROBLEWSKI Michael

2014 « Public indigeneity, language revitalization, and intercultural planning in a native

amazonian beauty pageant », American Anthropologist, 116 (1), p. 65-80.

NOTAS

1. O presente trabalho não seria possível sem o apoio financeiro para a pesquisa decampo concedido pelo Museu do Índio (FUNAI – RJ), no âmbito do Projeto deDocumentação das Línguas e Culturas Indígenas Brasileiras, realizado em convênio coma UNESCO. Durante a realização da pesquisa também recebi bolsas da FAPERJ e do CNPq.

O desenvolvimento dessa pesquisa também contou com benefícios do « ProgramaNovos Pesquisadores », da Universidade Federal do Tocantins (UFT/PROPESQ).Agradeço à Els Lagrou, Suiá Omim, Magda Dziubinska, Gregóry D., e também aospareceristas anônimos do Journal de la Société des américanistes, pelos comentários àsversões anteriores desse artigo.

2. Embora o grupo indígena conhecido na literatura etnológica como Kayapó seautodenomine Mebêngôkre, utilizo estes termos como sinônimos neste artigo.

3. O conceito complexo de kukràdjà, a forma como os Mebêngôkre traduzem o nossoconceito de cultura, foi descrito por Terence Turner da seguinte maneira: « [Kukràdjà]é todo conhecimento de qualquer tipo, desde cantos cerimoniais até instruções para dar

Journal de la Société des américanistes, 103-1 | 2017

97

partida em motor de popa » (1991, p. 299). Gordon por sua vez afirma que « sendo umconjunto de partes de um todo não finito, kukràdjà pode ser entendido como um fluxo deconhecimentos, saberes e atribuições que povoam o cosmo e podem ser adquiridos eapropriados em diversos níveis, do indivíduo a uma coletividade mais larga. Pode,portanto, receber sucessivos aportes (ou perdas), isto é, novas partes, novosconhecimentos ou atribuições, que passam a compor, então, uma nova parte de alguém(o apropriador: xamã, guerreiro, chefe) e, eventualmente, uma nova parte de todos osMebêngôkre » (Gordon 2009, p. 11).

4. Neste ponto diferencio minha abordagem daquela proposta por Glenn Shepard eRichard Pace no artigo « Miss Kayapó: Filming Through Mebengokre Cameras ». Ao fimdo artigo, os autores concluem: « Miss Kayapó […] é um exemplo rico e fascinante deuma cultura híbrida em construção » (Sheppard e Passe 2012, p. 3).

5. Essas gravações não foram editadas e fazem parte do acervo audiovisual do « Projetode documentação da cultura Kayapó », realizado pelo Museu do Índio (FUNAI – RJ) emparceria com a UNESCO e coordenado por mim entre os anos de 2008 e 2014, em parceria

com os cinegrafistas Bepunu Kayapó, Mokuká Kayapó, Pawire Kayapó e Axuapé Kayapó.Existe, contudo, um filme sobre o concurso de beleza Miss Kayapó, realizado porcinegrafistas indígenas em parceria com pesquisadores do Museu Paraense EmílioGoeldi (cf. Shepard e Pace 2012), ao qual eu não tive acesso.

6. Não posso deixar de me referir aqui à dificuldade de conversar sobre o tema doconcurso com os Mebêngôkre durante o evento de 2012, o que justifica a ausência denarrativas das candidatas a miss. No último tópico do artigo trato das razões pelas quaiseles resolveram não participar do concurso nesta ocasião específica e as consequênciasdessa escolha para as próximas edições.

7. A aldeia Môjkaràkô, onde realizei dez meses de pesquisa de campo entre 2009 e 2011,está localizada ao sul do estado do Pará, próxima à cidade de São Félix do Xingu, àsmargens do Riozinho, um afluente do rio Fresco, por sua vez um afluente do rio Xingu.Sua população é de aproximadamente 700 pessoas. Realizei também curtos períodos detrabalho de campo nas aldeias Kikretum e Kokrajmoro, a primeira no rio Fresco, e asegunda às margens do rio Xingu, além de entrevistas com moradores da cidade de SãoFélix do Xingu.

8. Nota-se que somente as aldeias do sul do Pará participam do concurso de beleza nacidade de São Félix do Xingu. Não há notícia de evento semelhante na região do nortedo Mato Grosso.

9. Para uma análise dessas transformações, ver Demarchi (2014).

10. Sobre o deslocamento das antigas guerras internas para os movimentos associativosatuais e suas alianças com não indígenas, ver Robert (2004).

11. No Brasil, o dia do índio, na data de 19 de abril, foi promulgado pelo presidenteGetúlio Vargas, no ano de 1943, em referência à participação dos povos indígenas no « ICongresso Indigenista Interamericano », realizado em 1940, no México. Além do Brasil,vários países da América Latina adotaram essa data como referência.

12. São elas, Kôkraimôro, Kremaiti, Kawatire, Môjkarakô, Apêxjti, Kikretum, Ngômejxti,Gorotire, Pykararãkre e Aùkre. É importante mencionar que a festa do dia do índio temparticipação tão somente dos grupos kayapó, ou seja, não há participação de outrosgrupos indígenas na festa.

Journal de la Société des américanistes, 103-1 | 2017

98

13. Embora a Secretária tenha mencionado sua inspiração no concurso de MissUniverso, não se pode deixar de notar que concursos de beleza indígena têm sidorealizados em diversas cidades da Amazônia brasileira e também da América Latina.Enquanto no Brasil a literatura etnológica sobre esses concursos ainda é tímida epraticamente inexistente (excetuando-se o trabalho de Reis e Silva (2012) que tratabrevemente do concurso de beleza entre os Paresi), na América Latina existem diversosestudos sobre concursos de beleza indígena, dentre os quais destaco: Rogers 1999;Shackt 2005; Wroblewski 2014.

14. O conceito de beleza mebêngôkre é expresso pela palavra mejx. Segundo Gordon: « mejx […] não exprime somente valores estéticos, senão igualmente valores morais ouéticos. O campo semântico da palavra cobre uma série de atributos que poderíamosglosar como bom, bem, belo, bonito, correto, perfeito, ótimo. Além disso, mejx pode sercontraposto, dependendo do contexto de enunciação, aos seguintes termosantonímicos: punure (“ruim, feio, mau, errado”) e kajkrit (“comum, ordinário, vulgar,trivial”), ou simplesmente mejx kêt (onde kêt = partícula de negação). De todo modo,mejx (belo, o bom, a perfeição) designa um conjunto de valores essenciais […]. Produzirou obter coisas, pessoas e comunidades (enfim, a sociedade) mejx parece ser a finalidadeúltima da ação no mundo, que se revela tanto no plano individual quanto no coletivo »(2009, p. 8).

15. Tanto Vidal (1992) quanto Gordon (2009) ressaltam a valorização da simetria e daproporção na conceituação da beleza mebêngôkre.

16. Os rituais de nominação mebêngôkre já foram amplamente descritos na literaturaetnográfica deste povo (Ver, por exemplo: Turner 1965; Vidal 1977; Lea 1986, 2012;Verswijver 1992; Gordon 2006; Cohn 2005; Demarchi 2014). Entre os Mebêngôkre, nota-se a existência de uma diferenciação entre duas categorias de nomes: os nomes comuns(nhidji kakrit) e os nomes bonitos (nhidji mejx). Os últimos são destacados por seremformados por oito classificadores cerimoniais: Bep e Takáak, de uso exclusivo doshomens, e Kokô, Ngrenh, Bekwynh, Iré, Nhàk e Pãnh, utilizados majoritariamente pormulheres e, com menos frequência, pelos homens (Lea 1986). Para cada um dessesnomes existe um ritual de nominação específico. Outra constante na literatura é ocaráter de embelezamento que o ritual proporciona à pessoa que tem seu nomeconfirmado em uma festa. Tanto Lea (1986, 2012) quanto Turner (1965, 2009) afirmamque a confirmação cerimonial de nomes e prerrogativas divide internamente as pessoasde uma determinada comunidade entre aquelas que são consideradas belas (merereméxj

), pois que tiveram seus nomes e prerrogativas confirmados em uma determinadacerimônia, e aquelas consideradas comuns (mekakrit), pois que não tiveram seus nomese prerrogativas confirmados cerimonialmente.

17. Em Mebêngôkre vergonha ou respeito se diz pi’am e pode ser definido como umacategoria de evitação. Diz-se que os genros têm respeito pelos sogros, dirigindo apalavra a eles somente em momentos específicos. O mesmo se diz dos amigos formaisque se respeitam mutuamente. Em relação às gerações tanto as mekurerere quanto osmenoronure, possuem muito mais pi’am do que os adultos e velhos dos dois gêneros.Assim, se são o ápice da beleza feminina mebêngôkre, as mekurerere também são serestímidos por excelência. Durante os rituais, são as únicas a terem vergonha de mostraros seios, sendo continuamente exortadas pelas mulheres mais velhas a descobrir essaparte do corpo no momento de dançar. Sua timidez torna-se ainda mais evidentequando estão diante dos kuben (não indígenas). Durante a pesquisa de campo, foram

Journal de la Société des américanistes, 103-1 | 2017

99

raras as ocasiões em que as mekurerere dirigiram a palavra a mim, como faziam asmulheres que já possuíam filhos. Por isso, ser desinibida, ou seja, não ter vergonha dese mostrar publicamente, conta e muito para ser escolhida como candidata a miss.

18. Falando das qualidades das mekurerere, Vidal (1977, p. 163) evoca a imagem dacoquetterie, afirmando que em conjunto com o charme e a ternura, a coquetterie é umaqualidade feminina apreciada pelos Xikrin. Em outra passagem de seu livro, Vidal sepergunta: « o que é a coquetterie? Pode talvez dizer-se que é um comportamento quedeve sugerir que a aproximação sexual é possível, sem que essa eventualidade possa sertida como certa ».

19. Todos os nomes das candidatas a Miss Kayapó mencionados neste artigo sãopseudônimos.

20. Os Jogos Tradicionais consistem em um torneio esportivo e cultural realizado pelosmoradores da aldeia Môjkarakô. Durante os jogos, os habitantes da aldeia se dividemem quatro equipes compostas pelos moradores de cada uma das quatro linhas de casasque compõem a planta retangular da aldeia. As equipes disputam competições defutebol, voleibol, atletismo, dentre outros. É durante a programação noturna dos jogosque ocorre o concurso de miss da aldeia.

21. Falando sobre o processo mimético levado a cabo pelos Mebêngôkre durante oritual de nominação Kôkô, quando as máscaras do Tamanduá bandeira se fazempresentes no pátio de dança, Turner faz uma afirmação bastante interessante para ocaso em questão. Segundo o autor « a dança das duas máscaras de tamanduá imita,supostamente, os movimentos reais do tamanduá. A imitação aqui precisa serentendida no sentido aristotélico de mimesis, como a imitação da essência, ao invés decópia naturalista. Os movimentos das máscaras representam a ideia kaiapó da essênciado movimento do tamanduá » (Turner 1993a, p. 96).

22. Ilda era professora na escola da aldeia há mais de um ano e se dizia especialista emmoda devido a trabalhos anteriores realizados « quando era mais jovem » na cidade deBelém (PA).

23. As fotos das candidatas a miss presentes neste artigo foram capturadas dasgravações em vídeo produzidas pelos cinegrafistas indígenas do Projeto deDocumentação da Cultura, mencionado acima.

24. O diadema krokroti é um grande cocar de penas de araras utilizado por homens emulheres, principalmente, durante os rituais de nominação e, maiscontemporaneamente, nos rituais interétnicos como a festa do dia do índio e oconcurso de Miss Kayapó.

25. A bandeira da aldeia Môjkarakô foi produzida por Mokuká Kayapó com o intuito dedivulgar a aldeia em eventos internos e externos à Terra Indígena Kayapó. Rapidamenteas mulheres de Môjkarakô reproduziram este desenho em diversos enfeites de miçanga.Sobre o contexto da criação da bandeira da aldeia, ver Robert (2004).

26. Aqui nota-se claramente a preocupação dos organizadores do evento em constituirum júri interétnico com apreciações distintas sobre as candidatas, vislumbrando oconcurso realizado na cidade que conta com um júri predominantemente não indígena.Para uma análise das diferentes apreciações dos jurados indígenas e não indígenas ver opróximo tópico.

27. Corroborando esse argumento, é preciso dizer que as normas para a avaliação dascandidatas não são explicitadas durante o concurso, ou seja, não há quesitos específicos

Journal de la Société des américanistes, 103-1 | 2017

100

de avaliação que os jurados deveriam responder, como ocorre nos concursos de MissUniverso.

RESUMOS

O presente artigo propõe um estudo etnográfico do evento denominado « Miss Kayapó », um

concurso de beleza cujas participantes são moças que pertencem ao grupo indígena Mebêngôkre

(Kayapó), localizado na floresta amazônica e falante de uma língua Jê. Realizado na cidade de São

Félix do Xingu, estado do Pará (Brasil) e com um grande público indígena e não indígena, o

concurso de beleza é um importante ritual para se compreender as relações interétnicas

contemporâneas existentes entre os Mebêngôkre e os outros brasileiros habitantes da região.

Trata-se de analisar os regimes de apropriação estética e ritual mobilizados pelo grupo, bem

como as formas de controle imagético exercidas pelos indígenas no âmbito do concurso. Para tal,

descreve-se as diferentes edições do concurso, evidenciando as transformações ocorridas tanto

nas técnicas corporais apreendidas pelas candidatas, quanto na criação e composição da

indumentária das diversas participantes. Finalmente, compreende-se a produção ritual da Miss

Kayapó enquanto um personagem complexo, capaz de aglutinar em si perspectivas estéticas

distintas.

The present article proposes an ethnographic interpretation of the event called « Miss Kayapó »,

a Beauty Contest, whose participants are indigenous women from the Mebêngôkre (Kayapó)

people, located in the Amazon forest, who speak a Jê language. Held in the city of São Félix do

Xingu, in the State of Pará (Brazil), before a large number of indigenous and non-indigenous

people, the Beauty Contest is an important ritual to understand the inter-ethnic relations

between the contemporary Mebêngôkre and the other Brazilian inhabitants of the region. The

idea here is to analyze the aesthetical and ritual forms of appropriation mobilized by the group,

as well as the ways by which imagery control is exerted by indigenous peoples in the Contest.

Another aim is to ethnographically describe the different editions of the Contest, in order to

highlight the transformations occurred both in the body techniques apprehended by the

candidates, and in the creation and composition of their costumes. The final proposal is to

understand the ritual production of Miss Kayapó as a complex character, who holds the ability to

embody different aesthetic perspectives.

Cet article propose une étude ethnographique de l’événement « Miss Kayapó », un concours de

beauté dont les participantes sont Mebêngôkre (Kayapó), un groupe de la famille linguistique Gê

d’Amazonie brésilienne. Organisé dans la ville de São Félix do Xingu (État du Pará) devant un

public nombreux d’Indiens et de non-Indiens, le concours de beauté est un rituel clé pour

comprendre les relations interethniques contemporaines entre les Mebêngôkre et les autres

Brésiliens qui habitent la région. Il s’agit d’analyser les régimes d’appropriation esthétique et

rituelle mobilisés par les Mebêngôkre, ainsi que les formes du contrôle sur l’image de soi qu’ils

exercent dans le cadre de cet événement. Pour cela, on décrit les différentes éditions du concours

afin de mettre en lumière les transformations observées à la fois dans les techniques du corps

adoptées et dans les manières de créer et de composer les costumes des participantes. Enfin, la

production rituelle de Miss Kayapó est analysée en tant que figure complexe, capable

d’incorporer différentes perspectives esthétiques.

Journal de la Société des américanistes, 103-1 | 2017

101

ÍNDICE

Mots-clés: rituel, spectacle, concours de beauté, techniques corporelles, Mebêngôkre, Kayapo

Palavras-chave: ritual, espetáculo, concurso de beleza, técnicas corporais, Mebêngôkre

(Kayapó).

Keywords: ritual, spectacle, beauty contest, corporal techniques, Mebêngôkre (Kayapó)

AUTOR

ANDRÉ DEMARCHI

Universidade Federal do Tocantins (UFT), Porto Nacional, TO/Brasil [[email protected]]

Journal de la Société des américanistes, 103-1 | 2017

102

Depuis les podiums des reines debeauté : se produire comme femmetrans en BolivieDesde las pasarelas de los concursos de belleza: producirse como mujer

transgenero en Bolivia

Production of identity as a transgender woman in Bolivia, from the beauty

pageant catwalk

Pascale Absi

NOTE DE L’ÉDITEUR

Manuscrit reçu en avril 2016, accepté pour publication en octobre 2016.

1 Depuis une dizaine d’années, les femmes transgenres de Bolivie organisent des

concours publics de Miss. Ceux-ci sont largement inspirés des événements qui mettenten scène des femmes cis, c’est-à-dire non trans1. Dans une ambiance hantée par leglamour et le stress, des reines sont élues dans chacun des neuf départements quiconcourent ensuite pour la couronne nationale. L’exhibition se fait en trois tenues :maillot de bain, tenue « typique » – un agencement stylisé d’éléments caractéristiquesdu département représenté ou l’uniforme d’une danse folklorique de la région –, puisrobe de soirée. Parfois, la veille est consacrée à une démonstration de talents (danses,chants, récitations, etc.) et à l’élection des Miss secondaires : Miss photogénie, Missvisage, Miss sympathie, etc.

2 Organisés chez les uns, les unes et les autres ou dans des discothèques, ces concours

étaient au départ des événements confidentiels (Aruquipa et al. 2012). Puis, dans lesannées 1990, les collectifs homosexuels et transgenres qui venaient des’institutionnaliser commencèrent à les prendre en charge. Les concours de beauté sontalors devenus des performances officielles qui clôturent des journées d’actions et deformation politiques. Transformés en plateforme publique de revendications, ils ont

Journal de la Société des américanistes, 103-1 | 2017

103

évolué pour accompagner le surgissement de la catégorie « transgenre »2. Les premiersconcours se présentaient en effet comme des événements au cours desquels despersonnes, identifiées comme hommes par l’état civil, s’exhibaient en femmes,indépendamment de leur adhésion subjective à l’un ou l’autre sexe. Le fait de se sentirappartenir à un sexe tout en étant assigné à l’autre était alors vécu comme un avatar del’homosexualité. Puis, au milieu des années 2000, les concours de Miss transexual, dontles candidates doivent assumer au quotidien une identité féminine, se sont séparés desconcours dits de « transformistes » qui s’identifient comme des hommes homosexuelsoccasionnellement travestis en femmes (Aruquipa et al. 2012, p. 183-184).

3 Cette rupture a été décisive pour la consolidation et l’affirmation d’une subjectivité

transgenre distincte de l’homosexualité et du travestissement ponctuel. Elle aaccompagné l’élaboration d’un agenda politique propre dont la grande victoire est levote de la loi dite « d’identité de genre », en mai 2016. Cette loi, une des plus favorablesau monde pour les personnes transgenres, permet de changer la mention de son sexe àl’état civil grâce à une simple procédure administrative d’une quinzaine de jours, sansnécessité de modification corporelle, ni d’un diagnostic médical3. Début octobre 2016,trois mois après l’entrée en vigueur de la loi, 64 personnes avaient fait leur demande.

4 Cet article se propose d’analyser la contribution des concours de beauté au

surgissement d’un sujet politique trans, à la fois comme subjectivité individuelle etcomme identification collective. À l’image des Miss Black nord-américaines qui, dès lafin des années 1960, ont utilisé les podiums pour lutter contre l’hégémonie de la beautéet de la citoyenneté blanches exaltées par les concours traditionnels (Cohen et al. 1996),les concours de trans revendiquent l’inclusion d’autres modèles de femmes et deféminité dans les imaginaires de la Nation. Cette revendication rejoint celle desélections de Miss indigènes, dont la multiplication, à la fin des années 1990, estcontemporaine en Bolivie de l’institutionnalisation des élections trans4. Ceci n’estsûrement pas dû au hasard. Sur le continent sud-américain, au-delà de la diversité descontextes nationaux et de l’histoire particulière des catégories sociales représentées,les concours de Miss trans et de Miss indigènes semblent surfer sur une même vague defond : la reconnaissance, par des instances internationales, de droits spécifiques à despopulations identifiées comme « minoritaires » (« minorités nationales, ethniques,religieuses et linguistiques » dans la convention de l’ONU de 1992 ; « minoritéssexuelles » dans la foulée des principes de Jogjakarta présentés au Conseil des droitshumains des Nations unies en 2007).

5 Ces reconnaissances ont renforcé la tendance à la prise en charge étatique des

inégalités en termes de droits différentiels ; une tendance qui a accompagné lesréformes néolibérales des années 1980-1990 en Amérique latine. En Bolivie, où l’accèsau pouvoir d’un gouvernement identifié avec les populations indigènes en 2005 et lepassage de la République bolivienne à l’État plurinational ont reconfiguré le rapportentre « minorités ethniques », État et nation, la gestion politique des minorités – entre-temps accolées au concept de « diversité » – s’est conjuguée avec un programmeidéologique de décolonisation porté par le vice-ministère du même nom. Celui-ci estcensé assumer conjointement la défense des victimes de racisme, de l’homophobie et dela transphobie. Réunies dans le programme du vice-ministère de la décolonisation, lesfemmes trans et les femmes indigènes s’y retrouvent partagées par une mêmeambivalence entre le désir d’une égalité de fait et de droit (conformément auprogramme libéral de la gestion de la diversité) et celui de transformer un système qui

Journal de la Société des américanistes, 103-1 | 2017

104

les oppresse structurellement (c’est-à-dire un projet de décolonisation commerenversement des hégémonies dans la perspective des études subalternes etpostcoloniales).

6 Cette tension est également la marque de fabrique des concours de beauté alternatifs.

Le désir d’y être reconnue comme l’égale d’une Miss cis « conventionnelle » limite eneffet la remise en question des canons dominants de la beauté et de la féminité. Plusencore, les imaginaires ethniques et sexués sont aménagés pour faire place auxnouvelles venues, mais leur rôle dans les agencements hiérarchiques de la nation et desrapports sociaux n’est pas contesté. Comme les Miss indigènes, les concours de Misstranssexuelles tendent ainsi à reproduire certains processus (la compétition, lapromotion de canons de beauté quels qu’ils soient, la revendication d’authenticité entant que « femme » ou qu’« indigène ») qui fondent l’oppression qu’ils souhaitentsubvertir. D’ailleurs, les organisatrices des concours trans boliviens s’interrogent ellesaussi sur l’ambivalence des élections de beauté. Mais elles choisissent de jouer sur ledésir des concurrentes d’exalter publiquement leur féminité dans ce qu’elle a de plusstéréotypée pour gagner leurs paires au combat pour les droits civiques, avant derévolutionner le contenu de la catégorie « femme » et la place du sexe dans lesagencements sociétaux (voir Figure 1).

Fig. 1 – Miss Transexual et Señorita Transexual Bolivie 2015, Oruro (photo : Pascale Absi).

7 Afin de restituer le rôle des concours de beauté dans la production identitaire des

femmes trans boliviennes, comme sujets individuels et comme acteurs politiques,j’interrogerai tout d’abord la manière dont ces élections viennent prendre place dansdes trajectoires qui conduisent de la clandestinité à une identité publique de transgenreet, pour certaines, de militante. J’interrogerai ensuite le modèle de femme transvéhiculé par ces concours, et ce qu’il peut représenter de contraignant pour lesurgissement d’autres subjectivités. Je reviendrai finalement sur les tensions entre les

Journal de la Société des américanistes, 103-1 | 2017

105

revendications identitaires des femmes trans et le projet décolonisateur de l’Étatbolivien. Ces réflexions sont issues d’une enquête ethnographique que je mène depuisune dizaine d’années sur les établissements de prostitution dans la ville minière dePotosi, au sud des Andes boliviennes. C’est à cette occasion que j’ai rencontré lesfemmes trans que j’ai accompagnées, d’abord fortuitement, lors de certains concoursde beauté. Ce numéro du Journal de la Société des américanistes a été l’occasion dem’immerger plus systématiquement dans l’univers des concours et des collectifs LGBT(TLGB en Bolivie)5 ; les entretiens ont été réalisés entre août 2015 et juin 2016.

8 Les personnes qui assument une identité transgenre ne sont pas très nombreuses en

Bolivie. Selon une dirigeante du collectif trans OTRAF (Organización de Travestis,

Transgeneros y Transexuales Femeninas de Bolivia), elles seraient un millier surles 10 millions d’habitants que compte le pays ; la très grande majorité sont des femmestrans. Les événements, y compris nationaux, auxquels j’ai assisté, n’en réunissaient pasplus de quelques dizaines ; jamais des hommes, également absents des collectifs6. À ladifférence de ce que Kulick (1997) a observé au Brésil, les transgenres ne sont pas nonplus une figure familière du quotidien des habitants de la Bolivie, ni de leur imaginaireérotique ; le pays ne connaît pas non plus de catégorie sociale traditionnelle qui altèrele binarisme des sexes comme les hijra en Inde, les kathoey de Thaïlande ou les muxe duMexique. Plus qu’à leur nombre ou à leur visibilité dans l’espace public, leurs victoiresse doivent à l’engagement de leurs collectifs et au fait que plusieurs militants LGBT,dont une femme trans7, occupent – ou ont occupé – des postes dans le gouvernementactuel.

Miss transsexuelle, travesti ou transgenre ?

9 De l’enfant dont on attend qu’il se comporte comme un petit garçon et qui, bravant son

intense sentiment de culpabilité, revêt à la dérobée la robe de sa sœur ou de sa cousine,à la femme trans qui d’un pas assuré traverse l’estrade en tenue de gala sous lescrépitements des flashs et, parfois, le regard de sa famille, le chemin est long, semé dedoutes, de souffrances et de ruptures. Monter sur le podium d’un concours de Misstrans couronne un parcours qui débute par la découverte de la transsexualité (audépart quasi toujours pensée comme homosexualité) jusqu’à son acceptation, laconstruction d’une identité de femme et son expression publique. Cette trajectoirepasse par la production d’un nouveau corps que les concours de beauté viennent mettreà l’épreuve.

10 Les règlements stipulent que les participantes ne doivent pas être « transformistes »,

c’est-à-dire qu’elles doivent assumer au quotidien une identité visible de femme8. Selonles codes en vigueur en Bolivie, ceci implique au minimum de porter les cheveux longs,les perruques étant interdites lors des concours. Si la réassignation génitale n’est pasobligatoire, on attend implicitement des candidates qu’elles aient subi desinterventions qui rendent la transition quasiment irréversible : des traitementsmédicamenteux pour inhiber la testostérone, la prise d’hormones féminines ainsi quel’injection de silicone ou l’insertion de prothèses dans les fesses, les hanches et lesseins. Dans un second temps, certaines trans se font remodeler le visage pour leféminiser. C’est à ce processus de rétablissement de la coïncidence normative entrecorps et genre que renvoie le terme transexual dans le nom des concours.

Journal de la Société des américanistes, 103-1 | 2017

106

11 Issu du vocabulaire psychiatrique des années 1950 (Alessandrin 2014), le

transsexualisme a peu à peu remplacé la catégorie « travesti » qui s’est recentrée surles personnes qui assument ponctuellement une identité de genre distincte de celle quileur a été assignée à la naissance. La séparation des deux catégories est contemporained’un plus grand accès aux interventions médicales de féminisation et masculinisationdes corps, à partir des années 1950. On tend ainsi à nommer « transsexuelles » lespersonnes qui ont durablement modifié leur apparence sexuée. En Bolivie, la premièreopération de réassignation génitale remonte aux années 1960 (Aruquipa et al. 2012,p. 321) mais le recours à la chirurgie ne s’est vraiment répandu qu’à la fin desannées 1990. La distinction désormais opérée par la médecine entre travesti ettranssexuel et la popularisation de la chirurgie ont favorisé la naissance des concoursde Miss transexual comme manifestation d’une identité et d’une position politiquedistinctes des transformistes. À la différence des transgenres qui, pour la plupart enBolivie, se définissent comme des femmes hétérosexuelles, les concours transformistesrevendiquent une identité masculine homosexuelle inscrite dans l’appellation usuellede Miss gay transformista. Il s’agit donc de s’y produire dans un genre qui n’est pas lesien ; comme le résume lapidairement Maya Vasquez, présidente trans du collectifLGBT national : « Tu enlèves toutes tes bricoles [artifices] et tu es à nouveau unhomme. » « La différence » précise sa collègue Macacha qui n’a pas subi d’opération, nid’ailleurs participé à un concours, « c’est que nous autres [trans], nous démontrons labeauté d’une femme enfermée dans un corps d’un homme. C’est interne, et lestransformistes, c’est externe ». En cela, l’enjeu d’un Miss transexual est plus proche decelui d’un concours de femmes cis que de transformistes. C’est ce qui permet àAntonella, médecin qui oriente les novices dans la prise d’hormones féminines et lesinterventions chirurgicales, d’envisager qu’un même concours réunisse les unes et lesautres : « L’idée est de ressembler le plus possible à une femme biologique. Un momentarrivera dans l’histoire où nous, les femmes transsexuelles, nous concourrons sur unpied d’égalité avec les femmes biologiques. »

12 Beaucoup de participantes profitent ainsi de l’occasion pour présenter le résultat de

leurs premières transformations corporelles tandis que la volonté de participer enmotive d’autres à franchir le pas. Quelques jours avant l’inauguration du Misstransexual Bolivia 2015, quatre concurrentes se sont fait injecter à la chaîne de lasilicone chirurgicale dans les hanches et les fesses par une consœur coiffeuse. Parfoismême, le premier prix consiste en une injection9.

13 Jusqu’aux années 2000, qui correspondent à l’organisation des premiers collectifs trans

et à la séparation des concours transsexuels et transformistes, la catégorie « trans »était subsumée par la catégorie « homosexuel ». Non seulement elle ne possédait pas dereprésentation politique propre, mais les travestis – comme on nommait alors lespersonnes assignées au sexe masculin qui féminisaient leur apparence au quotidien –s’identifiaient comme homosexuels. Dans le langage populaire (maricón en espagnol,q’ewa dans le quechua de Potosi), cette catégorie regroupe encore tous ceux qui neremplissent pas tous les critères de l’équation : homme = viril = hétérosexuel. Lestravestis boliviens ressemblaient alors à ceux rencontrés dans les années 1990, au Brésilpar Don Kulick (1997) et au Mexique par Annick Prieur (1998), dans leur identificationcomme homosexuels et une identité féminine qui ne se confond pas (ni dans le corps, nidans l’esprit) avec celle de femme, mais qui serait plutôt de « non-homme »10. Lanaissance des concours transexuales reflète ainsi le surgissement d’une nouvelle

Journal de la Société des américanistes, 103-1 | 2017

107

catégorie identitaire qui, en Bolivie, regroupe aujourd’hui des femmes qui se sententprisonnières d’un corps d’homme. Partant de leur propre expérience, la catégorie transtend à devenir la vérité de celle d’homosexuel. La plupart de mes interlocutricesdécrivent en effet les homosexuels comme des trans qui s’ignorent ou ne s’assumentpas. Aujourd’hui, l’usage du terme « travesti » subsiste uniquement dansl’autodénomination des personnes de plus de 50 ans et de celles qui n’ont pas subi demodification chirurgicale ou hormonale mais qui, pour la plupart, aspirent à devenirtranssexuelles. Préféré – avec celui de trans-identité – par les associationsinternationales de personnes trans, l’apparition du terme transgenre est récente enBolivie et le terme est utilisé uniquement parmi les militants. À la différence de« transsexuel », il met à distance l’autorité des psychiatres du ressenti des individus etpermet de déconnecter l’identité sexuée des organes génitaux. Cette démarche n’estdonc pas celle de la plupart de mes interlocutrices qui désirent plutôt un ajustementanatomique avec leur identité de femme. En proposant à leurs candidates d’assumercette identité, les concours de beauté vont ainsi consolider cette identité trans, commecatégorie politique et comme identification subjective, distincte de l’homosexualité.

Les plateformes publiques de la production d’unefemme transgenre

14 Personne ne se décide du jour en lendemain à s’habiller en femme, ni à demander à ses

proches et collègues de renommer Madame ou Mademoiselle la personne qu’ils avaientl’habitude d’appeler par son nom masculin. À chacune son rythme, notamment face àl’administration. Le coming out est précédé par une période d’apparence androgyne quiva peu à peu se féminiser, parfois sur des années, y compris en masquant sous deshabits amples les premières interventions corporelles11. En attendant, les fêtes, la pageFacebook, et bien sûr, les concours de beauté offrent aux transgenres l’occasion d’êtrevisiblement elles-mêmes, ne serait-ce que l’espace d’une soirée. Présenter cesévénements, qui en sont autant d’étapes, permet de mieux comprendre la place desconcours de Miss dans la production de soi comme femme transgenre. Le premierd’entre eux, dans la chronologie des trajectoires, est une spécificité bolivienne12 : lecouronnement de reines bufa. Il témoigne d’une tradition locale de travestissementrituel13 avec laquelle vont jouer les trans pour s’ouvrir les portes de la sociétébolivienne. À leur occasion, nombre d’entre eux expérimentent pour première fois letravestissement public.

Le couronnement des Reinas bufas

15 Les Reinas bufas sont incarnées par des garçons habillés en filles. Comme leur nom

l’indique – l’étymologie de bufa est celle de bouffon – ces reines sont des caricatures defemmes, vulgairement maquillées et attifées. Selon une inversion typique du carnaval,elles sont le miroir grotesque des reines du carnaval mais leur couronnements’organise également à d’autres époques, notamment à l’entrée ou à la sortie d’un cyclede formation (l’année du bac, l’entrée à l’université ou la conscription militaire où ilprend alors le sens d’un bizutage). Avec leurs poils aux pattes, leurs perruques detravers, leur rouge à lèvres dégoulinant et leurs noms pseudo-érotiques (EspotaVerbona la défonceuse de lit, Miguelina la coquine, etc.14), les reines bufas ne

Journal de la Société des américanistes, 103-1 | 2017

108

prétendent pas passer pour des femmes. Les garçons qui les incarnent ne sont d’ailleursa priori pas efféminés, même si ce critère peut s’avérer décisif dans le choix du jury.Participer à l’élection de la reine bufa autorise ainsi de jeunes transgenres à donnerlégitimement libre cours à leur féminité.

Les concours de Miss transformista

16 La participation aux élections transformistes organisées par les collectifs homosexuels

et LGBT constitue un autre antécédent, plus immédiat, aux concours de Misstransexual. L’organisation des deux événements est d’ailleurs similaire, à l’exceptiondonc des conditions de candidature qui excluent des concours transformistes lespersonnes qui assument au quotidien une identité féminine15. Nous l’avons évoqué, cequi est évalué n’est pas l’ancrage corporel d’une identité de femme mais latransformation ponctuelle d’un corps d’homme en corps féminin. Les organisateursdéfinissent ce travestissement comme un art, la capacité à créer l’illusion grâce à denombreux artifices : maquillage, perruque, mousse pour modeler les seins, les fesses etles hanches, collants pour tenir la mousse et masquer la verge, etc. Les concours,désormais publics et couverts par la presse, participent des opérations de visibilité despopulations LGBT et de leurs revendications. À Potosi, par exemple, le défilé 2014 s’estprolongé dans les rues de la ville et un podium a été dressé devant une des églises ducentre. Les transformistes n’y ont pas paradé en robe de gala ou en maillot de bain maisen costume régional ; un accoutrement plus à même de susciter l’identification et lasympathie du public.

17 Les frontières entre les Miss transformistes et les Miss transsexuelles sont poreuses.

Nous avons vu qu’historiquement les premiers concours de transformistes étaientouverts aux transgenres. Surtout, nombre de candidates au titre de Miss transexualsont d’abord passées par des concours de transformistes parce que, comme la plupartde leurs consœurs, elles se sont d’abord pensées et présentées comme homosexuelsavant d’assumer leur identité de femme. Souvent d’ailleurs, c’est à l’occasion d’unconcours de transformistes qu’elles ont, pour la première fois, éprouvé une apparencede femme hors du secret de leur chambre à coucher et vécu, comme une révélation,cette rencontre publique avec une vérité d’elles-mêmes.

La marche de l’Orgullo gay

18 La sortie collective du placard qui a accompagné l’organisation des concours de beauté

transformistes puis transsexuels, sur fond d’organisation des collectifs LGBT, s’estégalement appuyée sur les marches de l’Orgullo gay. Les premières versions se sontdéroulées dans les deux plus grandes villes du pays : Santa Cruz en 2000, puis La Pazen 2001 ; les collectifs des villes moyennes ont ensuite suivi (à Sucre en 2007, à Potosien 2010, etc. ; Aruquipa et al. 2012, p. 219-241). L’Orgullo gay partage avec les concoursde beauté trans une manière de se produire comme collectif en unissant lecontestataire à l’esthétique, au festif et au ludique. Au milieu d’homosexuels plus oumoins déguisés et masqués et de quelques drag-queens, les transgenres (y compriscelles qui ne se présentent pas comme femmes au quotidien) y étrennent des tenues – vêtements régionaux, folkloriques ou robes de soirée – qui font écho à celles desélections.

Journal de la Société des américanistes, 103-1 | 2017

109

19 Les premières marches ont affronté des agressions et des railleries, qui émaillent

encore certains défilés. Malgré tout, elles ont rapidement rallié les institutions et lesautorités régionales, notamment à La Paz où, dès 2008, une ordonnance municipaledécrète le 28 juin « Journée de la non-discrimination aux diversités sexuelles et degenre ». Cette même année, le maire a pris la tête du cortège. Surtout, les défilés del’Orgullo gay ont su gagner l’intérêt et la bienveillance d’un public populaire. La passiondes Boliviens pour les manifestations festives et costumées joue en faveur de l’Orgullogay, comme des parades dans les rues des candidates des concours de beauté trans ; afortiori lorsque les participants mobilisent le langage consensuel du folklore.

Les fraternités folkloriques

20 Ce qui permet aux expressions folkloriques d’être un des principaux instruments

d’inclusion des transgenres, c’est qu’elles les mettent sur un pied d’égalité avec lesautres participants : tous se travestissent en l’incarnation d’une culture nationalepartagée, faite d’appartenances régionales, nationale et d’autochtonie.

21 Les travaux de David Aruquipa (2012 ; Aruquipa et al. 2012, p. 53-74) ont montré

comment le carnaval d’Oruro est devenu la première scène populaire investie par desfemmes trans. Jusqu’à la fin des années 1960, toutes les femmes étaient exclues desfraternités de danseurs. Les figures féminines (chinas, « femelles » en quechua etaymara) des danses de la diablada et de la morenada étaient interprétées par deshommes masqués dont le vêtement s’inspirait de celui des cholas16. Beaucoup étaientprobablement homosexuels, mais ils ne le revendiquaient pas. Puis, au début desannées 1970, alors que les cortèges s’ouvraient timidement aux femmes, CarlosEspinoza – un des premiers danseurs transformistes – introduisit une nouvelleesthétique, franchement marica (« pédé ») pour reprendre le qualificatif d’Aruquipa(et al. 2012, p. 59) dans le personnage de la china morena. Inspirées du glamour desvedettes du music-hall, ses robes courtes aux couleurs vives, ses bottes montantes àtalons compensés et l’érotisme de ses pas de danse contrastaient joyeusement avecl’apparence des autres chinas. Carlos Espinoza a également bien vite tombé le masquetraditionnel qui figurait les traits féminins de la china pour affirmer sa propre féminité.Il fut rapidement rejoint pas d’autres trans (transformistes et transgenres, voirFigure 2) et les femmes cis s’approprièrent de sa proposition esthétique pour consoliderla figure actuelle, ultra féminisée et sexy, de la china morena aux côtés des danseusescholas. Alors que l’organisation en fraternités folkloriques du carnaval d’Oruros’imposait dans la plupart des fêtes patronales boliviennes, la présence des trans s’estfaite populaire et attendue. La foule se presse désormais pour se prendre en photo avecces danseuses d’un genre particulier, y compris lors des festivités rurales où sontinvitées les fraternités urbaines. Au début des années 2000, la Familia Galan, célèbrecollectif transformiste17 auquel appartient Aruquipa (dont les travaux sont cités ici), aégalement imposé son propre personnage drag-queen dans la danse de la kullaguada.

Journal de la Société des américanistes, 103-1 | 2017

110

Fig. 2 – Personnage féminin de la morenada, célébration de saint Georges, patron des prostitués,Potosi, 2016 (photo : Miquel Dewever Plana).

22 Au début des années 1990, l’anthropologue Thomas Abercrombie (1992) interprétait les

fraternités de danseurs comme une expression de l’imagerie multiculturelle del’identité métisse de la nation bolivienne revendiquée par la révolution nationalede 1952. Depuis, l’identité de la nation s’est « indigénéisée » (du métis « blanc » avec unzest de sang indigène, on est passé à l’idée d’une population indigène partiellementmétissée) et « pluri-nationalisée ». Cependant les danses folkloriques continuent defonctionner comme l’expression esthétique de son unité, subsumant la diversitérégionale et ethnique. Y compris les danses inspirées de rites indigènes (comme lestinku du nord de Potosi ou les pujllay de Chuquisaca) se sont détachées de leur ancrageterritorial pour exprimer une patrie indigène délocalisée, c’est-à-dire nationale (voirFigure 3).

Journal de la Société des américanistes, 103-1 | 2017

111

Fig. 3 – Costume inspiré du personnage féminin du tinku, Orgullo gay, Potosi, 2014.

23 La tradition de travestissement et d’inversion du carnaval héritée d’Europe a ainsi

permis aux transgenres de s’associer à la célébration de la bolivianité. Mais c’estlorsqu’ils ont arrêté d’avancer masqués, lorsque « trans » n’a plus qualifié lepersonnage de la china mais celui qui l’incarne, que les fêtes patronales folkloriquessont devenues une scène inclusive. Mettre en œuvre son appartenance à la nation ens’associant au folklore est un langage qui parle au grand public, mais aussi à l’Étatbolivien qui l’utilise pour construire l’identité nationale. Ainsi, les gouvernementssuccessifs se sont longuement battus pour faire reconnaître les danses de la diablada

(en 2008) et du pujllay de Tarabuco (en 2014) comme patrimoine culturel immatériel del’humanité par l’UNESCO. Les conflits récurrents qui opposent la Bolivie au Pérou et au

Chili quant à l’origine de la diablada confirment que le folklore, comme l’inclusion destransgenres, est une affaire d’État. Même si leur cause déborde évidemment la simplereconnaissance bienveillante de leur existence, la connivence historique deshomosexuels et des transgenres avec les expressions de la culture nationale estaujourd’hui stratégiquement mobilisée lors de toutes leurs manifestations publiques(performances, Orgullo gay, concours de beauté, etc.). Et c’est presque sans surprisequ’on a entendu un ministre de la Culture qualifier la Familia Galan de patrimoine de laville de La Paz (Aruquipa et al. 2012, p. 247). Cette reconnaissance flatteuse n’est pasdénuée d’ambiguïté. Être reconnu comme patrimoine tend en effet à rabattre surl’identité et la culture les revendications politiques des collectifs LGBT qui sont desassociations militantes, pas un groupe ethnique ou culturel.

24 À un niveau plus intime, éprouver l’inclusion dans la liesse est une expérience forte

pour les femmes transgenres qui, du moins les plus jeunes, ne ratent pas une occasiond’intégrer une fraternité de danseurs. Macacha, qui ne se produit qu’en chola lors desévénements publics du collectif LGBT de Potosi, relate avec émotion l’accueil réservé au

Journal de la Société des américanistes, 103-1 | 2017

112

défilé de rue des participantes du Miss transformiste Potosi 2014 : « Cela m’a renduefière quand une femme indigène, vêtue d’une pollera18, nous a lancé des confettis endisant “Félicitations !” » Les fraternités jouent un rôle important dans l’établissementde réseaux sociaux mobilisés pour trouver un emploi, faire du négoce, trouver unparrain ou une marraine, ou tout simplement compter sur un allié avocat ou médecin(Tassi 2010). Y participer permet aux femmes trans de nouer des alliances avec despersonnes qu’elles n’auraient sûrement pas connues hors des groupes de danseurs.

La page Facebook

25 Désormais, toutes les femmes trans de Bolivie possèdent une page Facebook, à laquelle

elles accèdent constamment depuis leur téléphone. Il y a une dizaine d’années, lorsquela possibilité d’une identité trans était encore très confidentielle au sein de la sociétébolivienne, c’est souvent par le biais d’internet qu’elle s’est révélée à mesinterlocutrices. Grâce à Facebook, elles ont pris leurs premiers contacts avec leurspaires et les collectifs. Déterminer s’il s’agit d’un média privé ou public est complexe,vu l’usage qu’elles en font et le nombre d’amis, souvent deux à trois milles, qu’ellesacceptent. C’est cette ambivalence qui donne à ce support son rôle particulier dans latransition du privé au public. Les femmes trans qui s’assumaient déjà publiquementcomme telles lors de l’ouverture de leur page Facebook s’y présentent, évidemment,sous leur identité de femme. En revanche, celles qui n’ont pas franchi le pas possèdentgénéralement deux pages. La première, sous leur identité masculine, est destinée àgarder le secret auprès des cercles proches (famille, amis d’enfance, collègues detravail, etc.). L’autre, ouverte sous leur identité de femme, est partagée avec lesconsœurs, les membres des collectifs ainsi qu’un nombre incroyable d’hommesrencontrés par internet (des amis d’amies, des internautes qui fréquentent les sites derencontres trans, etc.). De sorte que la trans-identité de la personne est d’abord renduepublique auprès de parfaits inconnus avec lesquels les interactions se limitent àquelques échanges sur le net. Une fois la transition devenue publique, la pagemasculine est appelée à disparaître.

26 Carol, 25 ans, qui se définit comme travestie et s’habille en homme au quotidien – y

compris pour son travail de serveur dans une maison de prostitution de Potosi – pourne pas affronter ses parents avec lesquels elle vit, possédait en septembre 2015 plusde 2 000 amis sur sa page. Comme beaucoup d’autres, celle-ci aligne des autoportraits :en tenue chic, de china morena ou, d’allure plus décontractée, lors de sorties ou devoyages entre amies. Renversant l’idée que les profiles affichés sur le web permettentaux internautes de se construire une identité en partie fictive, la page Facebookstabilise et renforce une identité trans vécue comme réelle, par opposition à uneidentité masculine perçue comme virtuelle : un état civil et social vide d’investissementsubjectif. Elle permet de réunifier une identité disjointe par la famille et la loi. Commelors des concours de beauté, ce soi parfois encore secret est publiquement mis àl’épreuve au travers des likes et des commentaires des « amis ». « Que tu es belle ! (sexy,en forme, etc.) » : la page Facebook fonctionne ainsi comme un miroir sous-titré où lesfemmes apprennent à s’accepter au travers du regard des autres. Elle constitueévidemment aussi un laboratoire d’essai et de publicité des tenues et des performancesdes concours de beauté qui y sont amplement relayées.

Journal de la Société des américanistes, 103-1 | 2017

113

Une université de la cause transgenre

J’ai été une des premières Miss Bolivia transexual en 2008. En réalité, nous faisonscela comme un acte de revendication parce qu’il s’agit d’une manière – peut-êtrepas la plus correcte – de dire : « Nous sommes ici, nous existons. » Lors des Miss desfemmes biologiques, on élit la plus belle, point barre. En revanche, celle d’entrenous [qui gagne le concours] devrait être un peu plus [que belle] : posséder uneforce politique, un discours, n’est-ce pas ? C’est d’abord une manière de devenirvisible auprès de la société. C’est aussi une manière d’augmenter l’ego.Personnellement, le fait d’avoir gagné des concours de beauté m’a énormémentaidé à avoir plus d’estime de moi-même ; et aussi à ce que je fasse ma transition plusrapidement, à ce que je me définisse comme femme transsexuelle et que jedevienne une militante. Cela m’a donné de l’assurance pour sortir du placard, pourme montrer en public, en tant que Miss, lors d’entretiens, à la télévision, lors deconférences de presse, etc., et à maitriser un discours […]. Cela m’a aussiénormément aidé avec ma famille. Lorsque j’ai participé au concours Miss La Paz,j’étais alors interne à la maternité, ils [ses proches] savaient déjà que je vivaiscomme une fille. Je les ai donc invités. Ma mère, mes sœurs… tous sont venus mesoutenir. Ils m’ont fait des prospectus, des banderoles… La trajectoire d’une femmetranssexuelle qui possède le soutien de sa famille est très différente de celle de quine l’a pas, n’est-ce pas ?

27 Antonella, médecin d’une trentaine d’années qui participe aujourd’hui à l’organisation

des concours de Miss, les décrit ici comme une véritable école pour les femmes trans,tant pour l’affirmation de leur identité de genre que pour leur implication dans lemilitantisme collectif.

28 Premières apparitions publiques, exhibition des transformations corporelles,

apprentissage des codes esthétiques et comportementaux de la culture trans locale : laparticipation à un concours de beauté est décisive dans la construction de soi commefemme trans. Ce d’autant que le concours s’adresse d’abord aux plus jeunes qui, pourbeaucoup, s’habillent encore de manière androgyne. Chaperonnées, coiffées,maquillées, vêtues et guidées par les anciennes, les novices vont expérimenter cetteféminité démonstrative et éclatante (« glamour » disent les organisatrices) qui tientlieu d’horizon identitaire. Les participantes parlent de « producirse », qui signifie ici sepréparer, s’apprêter. L’expression restitue bien cette transformation à la fois physiqueet subjective à laquelle se réfère le témoignage d’Antonella. S’autoriser, et êtreautorisée socialement, à se produire comme femme est le processus le plus intime de ladimension politique des concours de beauté trans. Pour les novices, c’est le prélude dela conquête d’un espace public où elles ne passeront jamais inaperçues. Comme lesouligne Maya Vasquez, la simple présence d’une trans dans la rue est en soi un actesubversif auquel les concours vont préparer les femmes :

Nous n’attendons pas la loi [d’identité de genre, votée après ce témoignage], nousavons déjà changé notre nom, notre corps, nous exerçons déjà en tant que femme.C’est très beau d’être une femme, mais pour nous c’est un acte politique.

Au-delà de leur impact sur la subjectivité des candidates, les concours vont ainsidonner un sens militant à l’effet provoqué par l’intrusion publique des corps trans etleur interpellation visible à la non-coïncidence du sexe anatomique et du genre. Ils lelégitiment en lui offrant un cadre officiel et ils le publicisent. L’attraction n’est pastotalement grand public – ceux qui font le déplacement sont généralement des amis oudes parents – mais des journalistes sont toujours au rendez-vous et des séances photoset des conférences de presse sont organisées dans des lieux fréquentés de la ville qui

Journal de la Société des américanistes, 103-1 | 2017

114

accueille le concours. Par ailleurs, la constitution du jury est l’occasion d’inviter desautorités publiques et d’en faire des alliés de la cause trans. Ainsi, le jury de Misstransexual Bolivia 2015 à Oruro était composé d’une ancienne Miss cis, d’une élue del’assemblée législative départementale, d’une présentatrice d’une chaîne de télévisionlocale, du directeur du département Justice et égalité sociale de la mairie et d’unreprésentant du Comité de lutte contre le racisme et toutes formes de discriminationdu gouvernement départemental.

29 Les candidates sont préparées à communiquer avec la presse et répondre aux questions

du jury sur la situation et les revendications des femmes trans. Désormais, les électionssont couplées avec des congrès et des ateliers. Ainsi, l’élection nationale 2015 organiséepar l’OTRAF à Oruro a été précédée d’un débat avec les conseillers juridiques du collectif

et d’un exposé de Rosario Aquim, une philosophe féministe lesbienne, sur le caractèresocialement construit du sexe. Les concours permettent ainsi aux collectifs de mobiliserdes femmes qui n’auraient peut-être pas fait le déplacement pour un événementuniquement politique. Des personnes dispersées dans tout le pays peuvent alorscommuniquer, se tenir au courant des projets des organisations, construire un discourset un destin communs.

30 Le contexte des années 1990, quand la cause trans se confondait encore avec celle des

homosexuels, était celui du retour à la démocratie (1982) et de l’appropriation par l’Étatde la question des droits humains. Consolidés par les organismes internationaux delutte contre le sida (qui finançaient les premiers concours, Aruquipa et al. 2012, p. 18819)et les organisations de défense des droits humains, avant de rejoindre la mouvanceLGBT internationale, les collectifs se centraient alors sur l’inclusion sociale ; c’étaitl’époque des premiers Orgullo gay. Traduites en termes de lutte contre lesdiscriminations, ces demandes se sont cristallisées dans l’article 14 de la nouvelleconstitution de 2007 et dans la loi contre le racisme et toute forme de discriminationde 2010 qui condamnent la discrimination fondée sur l’orientation sexuelle et l’identitéde genre. Deux décrets suprêmes ont déclaré en 2009 et 2011, le 28 juin « Dia de losderechos de la población con orientación sexual diversa en Bolivia » puis le 17 mai « Díade lucha contra la homofobia y la transfobia ».

31 D’autres revendications postérieures ont encore du mal à s’imposer face aux

conservateurs, notamment certains courants indigènes et les puissantes Églisescatholique et évangéliques. En 2006, profitant de leur présence dans les comitéspréparatoires à la refonte de la constitution promise par le gouvernement d’EvoMorales, les collectifs LGBT ont tenté de reformuler, sans succès, le mariage comme uneunion entre deux personnes, indépendamment de leur sexe.

32 Entre temps, les transgenres ont constitué leurs propres lignes d’action et leurs propres

collectifs sur la base des organisations informelles existantes : OTRAF en 2007 et TREBOL

(Trans Red Bolivia) en 2008. Leur principal objectif est la loi d’identité de genre qui seravotée moins de 10 ans plus tard. Le premier congrès de l’OTRAF (2007) s’est clôt par la

première élection de Miss transexual Bolivia (Aruquipa et al. 2012, p. 271-274).Désormais, les congrès et les concours de beauté trans ont lieu au moins tous les deuxans et, en 2011, Potosi accueillait le premier Congrès latino-américain de femmestransgenres, avec l’appui du PNUD.

33 L’ouvrage d’Aruquipa et al. (2012) sur l’histoire des organisations homosexuelles et

transgenres de Bolivie témoigne du chemin parcouru depuis les années 1980. Leharcèlement policier et les arrestations arbitraires étaient alors incessants, les insultes

Journal de la Société des américanistes, 103-1 | 2017

115

et les agressions constantes. En 2001, une bombe explosait dans le cortège de l’Orgullogay à La Paz faisant six blessés. Certaines familles parvenaient encore à enfermer leshomosexuels dans des institutions psychiatriques. Les femmes trans, plus visibles etvulnérables, notamment celles qui exercent la prostitution, sont des cibles faciles. Dansce contexte, les concours de beauté trans ont été à la fois le reflet et le moteur de lasortie de la clandestinité. D’événements privés, interrompus par les descentes depolice, ils sont devenus publics, sponsorisés par les autorités locales. L’interdiction defilmer et de prendre des photos a désormais cédé la place aux conférences de presse.Rien n’est cependant totalement acquis : lors de l’élection de Miss transformista Sucre2015, les candidates ont été prématurément évacuées du patio de la préfecture par desfonctionnaires homophobes.

Le modèle de femme revendiqué

L’OTRAF Bolivia s’est définie ces dernières années par l’organisation des Miss. Onm’objectera : « Tu te contredis, parce que les Miss sont la représentation typique del’objectivation de la femme. » On m’a critiquée pour cela : « Comment peux-tuorganiser ces choses ? Tu chosifies la femme trans, tu exaltes le stéréotype de lafemme Barbie, jolie, 90, 60, 90, qui provoque l’homme, et tu renforces la structuredu patriarcat. » Et moi je réponds : « Une minute, il y a un [concours] Miss Bolivia,un Miss Universo de la femme qui n’est pas trans, où elle n’a pas besoin de dire “jesuis une femme”. On ne remet pas en question qu’elle est une femme. Lors d’unMiss travesti ou d’un Miss transexual, je dois dire à la société que je suis unefemme ».

Comme en témoigne Laura Alvarez, ex-dirigeante du collectif LGBT national qui n’ajamais souhaité être candidate, au sein même des organisations, certaines voixs’élèvent pour adresser aux concours de beauté trans les mêmes reproches qu’à leurshomologues cis ; c’est-à-dire de consolider les processus de domination au sein desrapports de sexe en exacerbant la chosification de la féminité et en promouvant descanons de beauté qui laissent bien des femmes, cis et trans, au bord du chemin.Silhouette élancée, cheveux longs, fesses et seins rebondis, pommettes, nez fin et droit,ovale du menton : les concours renforcent les archétypes qui guident également lesinterventions esthétiques des femmes trans et leur désir de réassignation sexuelle. S’yajoute une féminité comportementale stéréotypée qu’Antonella décrit comme :« principalement une question d’attitude, de mouvement, de voix, de douceur, dedélicatesse, de sensibilité. Tu peux être une femme trans très belle physiquement, maissi tu as des attitudes masculines, brusques, de macho, tu n’es pas féminine, et vice-versa, n’est-ce pas ? » Pour que leur démonstration soit probante, les candidates vontdonc sur-jouer les consignes du machisme quant à l’hyper-sexualisation des corpsféminins (voir Figures 4 et 5). L’âge épaississant les traits, l’équation officialisée par lesconcours trans entre féminité, beauté et jeunesse est particulièrement cruelle pour lesfemmes trans, poursuit Antonella :

Une femme biologique se laisse parfois grossir, elle se laisse aller… une femmenaturelle, tu comprends ? Alors qu’une femme transsexuelle, non. Nous, les femmestranssexuelles, nous sommes toujours dans l’hystérie d’être belles, parfaites,opérées, d’être de petites divas pour [entendre] : « Waouh, quelle beauté ! » Lafemme biologique, quelle qu’elle soit, est femme depuis sa naissance parce qu’elle aun vagin. Alors que le fait d’être une femme transsexuelle est en soi discriminant,pire encore si tu es moche.

Journal de la Société des américanistes, 103-1 | 2017

116

Fig. 4 – Durant l’élection Miss Transexual Bolivia, Oruro, 2015 (photo : Pascale Absi).

Fig. 5 – Durant l’élection Miss Transexual Bolivia, Oruro, 2015 (photo : Pascale Absi).

Le besoin d’expérimenter une féminité plus exacerbée que celle d’une femme cis selonles codes dominants n’est pas propre aux concours de beauté. C’est une étape presqueincontournable des trajectoires trans ; comme si l’assignation de départ au sexe

Journal de la Société des américanistes, 103-1 | 2017

117

masculin requérait un traitement de choc avant que les femmes s’autorisent à exprimerleur féminité de manière moins démonstrative. La capacité du corps trans de susciter ledésir désinhibé des hommes est un élément clef de cette prise de confiance20, que LauraAlvarez associe au passage du travestissement occasionnel à une identité de femme auquotidien :

L’esthétique travestie, plus que l’esthétique transsexuelle, est très extravagante,non ? Une femme super irréelle, super produite, avec les seins ici, les cheveux je nesais quoi, du maquillage, des talons, c’est-à-dire habillée comme une pute, pourattirer l’attention : plus la personne nous regarde, plus elle nous apprécie. C’estmal, mais nous sommes toutes passées par cette esthétique à un certain moment denos vies, y compris moi-même.

Au final, le modèle des reines de beauté cis va en quelque sorte domestiquer cettehyper féminité travestie pour la rendre plus conventionnelle. Au moins jusqu’à uncertain point ! Lors du Miss transexual Bolivia 2015 dédié à l’insertion professionnelledes femmes trans, il a été demandé aux candidates de se produire dans l’habitreprésentatif d’une profession. Malgré la recommandation de ne pas sexualiser latenue, l’esthétique trans a vite repris le dessus et l’on assista à une parade de secrétaire,de soldate et de papesse en mini-jupe ; celle de la travailleuse des mines découvrait dehautes bottes en caoutchouc rose à talons compensés !

34 La reproduction des codes esthétiques dominants est également raciale : l’idéal est la

plastique d’une femme blanche. De fait, il n’est venu à l’idée d’aucune concurrente de seprésenter en vêtement indigène, sauf lors de la présentation des costumes régionaux,et ce, alors que certaines revendiquent pourtant une origine indigène. De fait, je n’airencontré qu’une seule transgenre qui s’assume au quotidien comme chola : Diana qui ahérité ses premières polleras de sa grand-mère. Son usage de la jupe large, du châle etdu chapeau typiques des cholas de La Paz renvoie cependant plus à son statut decommerçante d’origine populaire et au succès de sa florissante boutique de polleras

(s’habiller en chola urbaine est plus cher que les vêtements à l’occidentale) qu’à uneidentification indigène et encore moins paysanne. À Potosi, deux des huit ou neuffemmes trans qui vendent du sexe – en tant que femmes cis « conventionnelles »21 –dans les établissements de prostitution réglementés utilisent également la pollera pourattirer une clientèle masculine populaire, mais elles ne s’habillent pas comme cela auquotidien. La pollera est alors un habit de travail dont les trans n’ont pas le monopolepuisque beaucoup de femmes cis utilisent le même stratagème pour séduire leursclients.

35 La volonté de démontrer que les femmes trans ne sont pas des monstres mais des

femmes – presque – comme les autres (voire les meilleures d’entre elles, du point devue du paraître) soumet donc les femmes trans aux mêmes injonctions que les Miss cis.L’objectif est de contredire l’étiquette de locas (folles), soulardes et délinquantes quileur colle à la peau. Ce n’est évidemment pas la figure d’une transgenre rebelle que lesconcours mettent en exergue. En adoptant le répertoire conventionnel, esthétique etcomportemental, des Miss cis, les concours trans mettent en quelque sorte au pas lesconcurrentes. C’est à ce prix, pensent-elles, que leurs revendications deviendrontrecevables auprès de la population. La démarche est à double tranchant. Non seulementles concours trans utilisent le langage de l’hégémonie esthétique machiste et raciste,mais ils limitent aussi le surgissement d’autres constructions du féminin et dumasculin. Ils entérinent une manière qui n’est pas la seule possible de penser letransgénérisme : celle, très majoritaire parmi les trans boliviennes, selon lesquelles la

Journal de la Société des américanistes, 103-1 | 2017

118

nature se serait trompée en distribuant les cartes, les emprisonnant dans un corpsd’homme. Ce postulat est également celui d’une grande partie de la psychiatrie quiprône une réassignation sexuelle chirurgicale totale visant à rétablir la coïncidenceentre sexe anatomique et genre. Une coïncidence qui est pensée comme naturelle etnécessaire à l’équilibre psychique. Résultat de cette colonisation du genre par le modèleanatomique, les interventions chirurgicales, stimulées par les concours de beauté,fonctionnent dans le milieu trans bolivien comme des preuves d’authenticité quidistinguent les vraies transgenres. Les novices sont sommées de « passer à l’acte » souspeine d’être considérées comme de fausses femmes ou « juste » des travestis. Beaucouprefusent de ce fait l’idée de se présenter comme femme trans ; c’est-à-dire dereconnaître leur passé de femme assignée au sexe masculin à la naissance, comme unparamètre de leur identité.

36 En cherchant à gommer tout ce qui renvoie les candidates à la physionomie masculine

(notamment en aplatissant et scotchant leur verge sur l’entrejambe), la figure idéale dela Miss consolide donc une vision du transsexualisme qui, bien que légitime etmajoritaire, heurte la multiplicité des subjectivités possibles. Il dénie notamment lapossibilité de se sentir femme au-delà de son anatomie génitale et de sa sexualité, ceque dénonce Laura Alvarez qui clame haut et fort son identité de femme avec pénis etson désir de pénétrer un partenaire masculin. Conforté par ses lectures de laphilosophe Judith Butler (2005) et sa démonstration du caractère socialement ethistoriquement construit de la sexuation, ce choix est incompréhensible pour laplupart de ses consœurs. Conserver sa verge est pour elles un pis-aller face aux coûtséconomiques et physiologiques d’une vaginoplastie. Comme l’écrit si justement SusanStryker (citée par West 2014, p. 10), la catégorie transgenre se réfère plus un point dedépart – une assignation sexuelle contestée – qu’à une destination identitaire unique.

37 On peut comprendre que, aujourd’hui, se présenter comme une femme à barbe ou

laisser transparaître sa verge au travers d’un collant moulant – voire la mettre envaleur comme lors des concours de Mister Univers – n’apparaissent pas comme debonnes stratégies pour revendiquer l’inclusion sociale. Il n’empêche que l’adhésion auxcanons des concours cis de Miss maintient les revendications trans dans un binarismesexuel qui ne correspond pas à l’expérience des trans qui, dans la lignée queer,réclament l’invention de nouvelles catégories et d’autres esthétiques ; c’est-à-dire dedécoloniser notre manière de penser le sexe, le genre et l’orientation sexuelle. C’est àl’occasion du mandat de Laura Alvarez comme vice-présidente puis présidente ducollectif national LGBT entre 2012 et septembre 2016, qu’ont eu lieu les premièrestentatives d’articuler cette perspective au projet décolonisateur de l’État bolivien.

Les ambivalences de la dépatriarcalisation :transgenres versus État

38 Dans le langage des études subalternes et postcoloniales, le concept de « colonial » s’est

extrait du contexte de la mise sous tutelle par un État étranger d’un territoire et sespopulations pour exprimer la nécessité de libérer les subjectivités de l’emprisehégémonique de certaines logiques. Dans le champ du transgénérisme, certains auteurs(par exemple Simakawa s. d.) qualifient ainsi de « colonial » le fait d’assigner lesnouveau-nés au sexe masculin ou féminin, en fonction de leur apparence génitale et deconsidérer que ces catégories sexuées possèdent un contenu fixe, unifié et cohérent.

Journal de la Société des américanistes, 103-1 | 2017

119

Inspirée par Butler (2005), la décolonisation des sexes et du genre consiste donc àdéconstruire l’hégémonie cisgenre (également hétéro-normative) et à affranchir d’unesupposée nature le contenu social et anatomique des sexes. Forgé par la féministebolivienne Maria Galindo (2013), en écho aux analyses de Silvia Rivera (synthétiséesen 2010) du lien entre colonialisme interne et patriarcat, le mot d’ordre« despatriarcalizar » est aujourd’hui utilisé par certaines militantes trans commesynonyme de « descolonizar ». Lors d’un colloque sur la sexualité, que nous avonsorganisé avec Céline Geffroy, à Sucre, en juillet 2015, Laura Alvarez mobilisa ce conceptpour expliquer son choix de montrer la photo d’un homme sodomisé par une femmetrans :

Au moment où la société voit un homme pénétrer un autre homme, c’est là que jepropose de dépatriarcaliser la structure [sociale] bolivienne, en questionnant cepatriarcat où seul l’homme est le dominant, le pénétrant. Beaucoup de transn’acceptent pas cela, et me questionnent : « Laura, comment vas-tu montrer cesphotos ? » Je leur réponds : « Ce n’est pas la réalité peut-être ? » C’est une réalité.Nous, la majeure partie des trans, nous sommes comme ça, actives et passives.Beaucoup sont même uniquement actives mais elles le nient : « Non, non, non ! Jesuis une jeune fille et je me fais seulement pénétrer. » C’est un mythe, un secret depolichinelle…

Depuis quelques années, le gouvernement bolivien s’est lui aussi saisi du concept dedépatriarcalisation pour en faire un des objectifs de la décolonisation, projet central dela refonte de la République de Bolivie en État plurinational. La décolonisation estdésormais inscrite au programme de la Constitution (art. 4) et possède son propre vice-ministère (dépendant du ministère des Cultures et du Tourisme). Depuis 2010, le vice-ministère de la Décolonisation héberge une « unité de dépatriarcalisation ». Sonmandat en faveur de l’équité entre les sexes est complémentaire de celui du vice-ministère de l’Égalité des chances, dépendant du ministère de la Justice. La présence del’unité de dépatriarcalisation au sein du ministère de la Décolonisation répond à l’idéeselon laquelle le patriarcat, dans sa forme machiste actuelle, est un héritage de lacolonisation espagnole et de la christianisation, infiltré comme un virus exogène ausein de sociétés indigènes où il était inexistant22.

39 En tant que porteur de la lutte contre toutes les discriminations, le vice-ministère est

un des interlocuteurs étatiques des organisations de ce que l’on appelle désormais ladiversité sexuelle. Le rapprochement avec une entité qui, au départ, pensaitprincipalement la discrimination en termes raciaux ne se serait pas fait sans lapersonne du militant LGBT David Aruquipa et son lien avec le ministère des Cultures,dont dépend la décolonisation. Aruquipa a en effet été directeur du Patrimoine de ceministère, avec lequel son groupe de transformistes, la Familia Galan, a par ailleurscoordonné certaines activités. Aujourd’hui, le ministère des Cultures est, avec celui del’Éducation, censé appuyer l’organisation de l’Orgullo gay. En novembre 2015, plusieursmembres du collectif LGBT national, dont Laura Alvarez, qui en était alors laprésidente, et David Aruquipa se sont rendus au « Premier sommet planétaire dedécolonisation, dépatriarcalisation, contre le racisme et toutes formes dediscrimination »23 organisé au Cercle des officiers de La Paz. L’atelier sur ladépatriarcalisation organisé par la coordinadora de la mujer (une fédération d’ONG) lorsdu Congrès national du collectif LGBT de 2013 avait auparavant favorisé la diffusionauprès des femmes trans d’un projet de dépatriarcalisation comme lutte contrel’idéologie machiste qui fonde l’homo- et la transphobie.

Journal de la Société des américanistes, 103-1 | 2017

120

40 La manière dont les fonctionnaires du ministère entendent la dépatriarcalisation a, on

s’en doute, peu à voir avec l’interprétation de personnes comme Laura. Même si lestextes fondateurs du vice-ministère dénoncent l’assignation des femmes aux tâchesdomestiques, sa vision de ce que sont un homme et une femme est loin derévolutionner les normes de genre, a fortiori les identités sexuelles. Au nom de ladécolonisation, les intellectuels du vice-ministère prônent un modèle issu de lacosmovision andine où l’individualisme chrétien céderait la place à un concept spirituelautochtone : la dualité complémentaire. Inspiré par les travaux d’anthropologuesandinistes des années 1980-199024, ce concept serait le patron de l’organisation d’unmonde où chaque être et chaque chose possède son double complémentaire sexué : lejour/la nuit ; le soleil/la lune ; le haut/le bas ; les montagnes masculines/les montagnesféminines, etc. Par un court-circuit sémantique abusif, ce modèle symbolique est plaquésur les rapports sociaux entre homme et femme (chacha/warmi en aymara, langueindigène dominante au sein du gouvernement actuel)25. Comme l’indique le titre del’ouvrage coordonné par le vice-ministre Cardenas (2013), Despatriarcalización y

chachawarmi qui fusionne homme et femme sous un concept unique, c’est depuis cescouples structurants, et non depuis des positions individuelles et sexuées, que doit êtremenée la dépatriarcalisation comme recherche d’harmonie :

La dépatriarcalisation exige la lutte en forme duelle, depuis la cosmovision andinequi se base sur la parité, la complémentarité, et donc en équilibre26. […] ladépatriarcalisation, comme concept de base, nous a permis de fonder l’idée dedécolonisation autour de sa substance propre, plutôt que de celles héritées d’uneabstraction universalisante, en partant de l’histoires des pays pan-andins qui ontdécidé de parcourir leur propre th’aquí (en aymara) ou chemin. (Cardenas et al. 2013,p. 10)

Cette vision a-conflictuelle et dépolitisée des rapports sociaux de sexe se démarqueouvertement du féminisme, pensé comme la manifestation impérialiste etuniversalisante de l’individualisme occidental. Le bulletin 2014 du vice-ministère deDécolonisation27 explique : « la dépatriarcalisation n’est pas la lutte de la femme àl’encontre de l’homme, la lutte de la femme pour obtenir les mêmes droits quel’homme, femme contre homme. Ceci n’est pas de la dépatriarcalisation mais duféminisme ». Ou bien encore : « le point de départ de la dépatriarcalisation se situe dansla spiritualité, c’est ce qui nous différencie essentiellement du féminisme. Le féminismeest individuel, individualiste, il part des postulats occidentaux. Pour nous, l’unité n’estpas le un, l’unité est le deux ».

41 Hors du couple point de salut ! La femme ne peut compter que sur les hommes pour la

débarrasser du machisme. L’usage, par le ministère, du terme de dépatriarcalisationcomme synonyme de décolonisation pour se référer à l’ensemble des dominations, au-delà des rapports de sexe, finit ainsi par poser l’homme indigène (entendu commesynonyme de subalterne) en allié naturel des femmes28. Fondée sur la lutte contre lesdiscriminations et l’idéologie globale de la diversité, la conjonction des femmes transavec le monde indigène est donc extrêmement ambiguë. Depuis que les indigènes nesont plus en Bolivie une minorité sociale et politique, il ne peut y avoir de complicité deposition entre une minorité trans et une minorité indigène qui s’adresserait à unennemi commun, l’État. Mais plutôt que d’affronter de plein fouet la rhétorique duvice-ministère, Laura Alvarez a choisi de se l’approprier, non sans humour. Lors dupremier sommet de décolonisation, après avoir expliqué aux femmes indigènes venuesdu Pérou, du Chili et de l’Argentine que les trans sont elles aussi victimes du machisme,elle prit soin d’expliquer à une assemblée qui s’identifie par son rapport à la terre, que

Journal de la Société des américanistes, 103-1 | 2017

121

si la nature est une inspiration légitime, elle est plus ambivalente qu’il n’y parait. C’estle cas, rappelle inlassablement cette ancienne agronome, lorsque certaines plantes,comme les pommes de terre, se passent de la reproduction sexuée ! Par ce tour depasse-passe, les trans purent finalement inscrire leurs revendications au sein del’assemblage hétéroclite qui servit de déclaration finale à la rencontre.

42 Moins subversive et plus en accord avec le désir d’autochtonie de la perspective

étatique, une autre manière, pour les femmes trans, de s’approprier la matriceidéologique décolonisation/dépatriarcalisation a été de débusquer les vestiges d’uneépoque préhispanique fantasmée où le sexe n’était pas facteur de discrimination. Ainsi,Antonella a pour habitude de débuter ses interventions publiques – ici lors de Misstransexual Bolivia 2015 – en citant Domingo de Santo Tomás et Pedro Cieza de Léon qui,à leur arrivée en Amérique, auraient rencontré des « hommes habillés en femme, qui secomportaient et riaient comme des femmes. Cela veut dire qu’il existait destranssexuels dans les cultures inca, aymara, quechua. Et c’était normal. C’est la religionjudéo-chrétienne qui refuse d’accepter les personnes avec une diversité de genre ». Ilest aisé de retrouver sur internet, dans les publications de sites homosexuels péruviens,les références au travestissement et à la sodomie homosexuelle de l’un et l’autrechroniqueurs29. Il s’agissait de pratiques correspondant à des cultes et à des individusprécis qui, comme la pédérastie grecque, ne présagent absolument pas de la tolérancede ces sociétés hors de ce cadre. Plus encore, dans ses Comentarios reales [1609],Garcilaso rapporte que l’Inca châtiait de mort l’homosexualité non-rituelle. Dans leursformes préhispaniques, l’homosexualité et le transgénérisme ont donc peu à voir avecles revendications en termes de droits et de liberté individuelle des actuels collectifsLGBT. Le recours à l’histoire permet cependant de rappeler qu’aucune forme de penséen’est naturelle, ni figée. Les expériences venues d’ailleurs confirment que d’autresmanières d’appréhender la trans-identité sont possibles. Les travaux de LaurenceHérault (2005, 2009) ont par exemple montré que, à l’inverse de la biomédecine quiinfluence tellement les trans boliviennes, les sociétés amérindiennes ont souvent pensél’existence d’une personne trans comme une question sociale plus que d’identitépersonnelle, soit selon les termes de l’auteure (2009, p. 51), « quel est son statut ? » etnon « qui est-elle ? » Plus immédiatement, la rencontre avec une activiste mexicaineauto-identifiée comme muxe – le troisième sexe de la culture zapotèque – lors del’élection internationale de 2011 à Potosi, a confirmé à ses paires boliviennes quel’autochtonie n’est pas fondamentalement trans-phobique et qu’une articulation avecle projet décolonisateur de l’État reste possible, même si certains leaders indigènespersistent à penser les homosexuels et les transgenres comme une invention contre-nature de l’Occident, à décoloniser donc. Il n’y a pas si longtemps, en 2010, le présidentMorales lui-même déclarait durant la Conférence mondiale des peuples sur lechangement climatique et les droits de la mère terre, organisée à Cochabamba, que lepoulet aux hormones des Occidentaux était l’origine de l’homosexualité30.

En guise de conclusion

43 Rares sont les femmes transgenres qui n’ont pas participé à un concours de beauté.

Rares sont également celles qui, à la faveur du faible nombre de candidates, n’ont pasremporté une couronne. L’engouement pour ces événements – et pour les concoursconventionnels de Miss (cis) suivis à la télé et abondamment commentés – témoigne,

Journal de la Société des américanistes, 103-1 | 2017

122

j’espère l’avoir montré, de leur centralité dans les trajectoires personnelles etsubjectives des femmes transgenres. Ils ont également structuré la naissance et laconsolidation des collectifs trans boliviens. La prise de distance avec l’homosexualitéfonde ces deux processus. Nous l’avons vu, la séparation des élections de beauté transdes Miss gay transformista a accompagné le surgissement de la catégorie transgenre, àla fois comme position politique propre au sein des collectifs LGBT et comme identitépersonnelle disponible. Cette identité possède en Bolivie son propre imaginaire que peude trans contestent : les trans féminins sont des femmes prisonnières d’un corpsd’homme. De même que le désir de chirurgie, les critères des concours de beauté transtémoignent d’une volonté d’adéquation avec les stéréotypes dominants de la féminitédans le respect du binarisme homme viril avec pénis/femme féminine avec vagin31. EnBolivie, à la différence de l’Inde, de la Thaïlande ou du Mexique, la catégorie transgenrene possède pas d’antécédent culturel ; les traditionnels travestis rituels et festifs nerenvoient pas à l’identité subjective de ceux qui les incarnent. Il est possible que ceci aitcontribué à limiter le questionnement – par exemple depuis un troisième sexe – del’hégémonie de la catégorie « transsexuel » qui, comme le prouve le nom des Miss etdes collectifs trans, constitue leur horizon immédiat. L’évolution de la catégorie« travesti », qui regroupait il y a quelques années des personnes qui se considéraientcomme des hommes féminins et désigne aujourd’hui une étape d’un processus appelé àlibérer les femmes trans de leur corps d’homme, prouve cependant que les subjectivitésne sont pas figées. En témoignent également les efforts de certaines trans, commeLaura Alvarez, pour « dépatriarcaliser » le carcan binaire du sexe et de la sexualitédepuis une identité de femme avec pénis. Face à l’apparent conventionnalisme des Misstrans, Isaac West (2014) rappelle opportunément que des demandes qui peuventsembler assimilationnistes – souhaiter une réassignation génitale ou changer de sexe àl’état civil, plutôt que de chercher à supprimer cette mention, ou bien vouloir êtrel’égale d’une Miss cis – ne sont pas forcément aussi conservatrices qu’il n’y paraît. Lesdemandes d’égalité et d’inclusion sociale possèdent, montre West, un potentieltransformateur qui échappe à une interprétation – qui a parfois été la mienne – quioppose complicité et reproduction de la domination au rejet des normes et à lasubversion. Je l’ai compris en repensant à l’une des discussions que j’avais eues avec ladirigeante Maya Vasquez, depuis peu enregistrée en tant que femme à l’état civil. Alorsque nous évoquions son projet de réassignation génitale, elle me glissa en riant que,une fois opérée (et donc confortée dans son sexe, au-delà de ce que semble en dire sasexualité), elle pourra devenir lesbienne. Cette remarque n’a rien d’anecdotique.Devenir une femme comme les autres permet aux femmes trans de s’autoriser àredéfinir cette catégorie, après avoir surjoué, notamment lors des élections de beauté,leur adhésion à son contenu le plus conventionnel et hétéronormé. 32

Journal de la Société des américanistes, 103-1 | 2017

123

BIBLIOGRAPHIE

ABERCROMBIE Thomas

1992 « La fiesta del carnaval postcolonial en Oruro. Clase, etnicidad y nacionalismo en la danza

folklórica », Revista Andina, 10 (2), p. 279-352.

ALESSANDRIN Arnaud

2014 « Du “transsexualisme” à la “dysphorie de genre” : ce que le DSM fait des variances de

genre », Socio-logos [en ligne], 9, http://socio-logos.revues.org/2837, consulté le 18/05/2017.

ARUQUIPA David

2012 La China Morena. Memoria histórica travesti, Comunidad diversidad/Musef/Conexión Fondo de

Emancipación, La Paz.

ARUQUIPA David, Paula ESTENSSORO VELAOCHAGA et Pablo C. VARGAS

2012 Memorias colectivas. Miradas a la Historia del movimiento TLGB de Bolivia, Conexión Fondo de

Emancipación (Serie Estudios e Investigaciones, 5), La Paz.

BUTLER Judith

2005 Trouble dans le genre. Pour un féminisme de la subversion, La Découverte, Paris.

CARDENAS Felix, Idon CHIVI, Sandro CANQUI et Francisca ALVARADO

2013 Despatriarcalización y chachawarmi. Avances y articulaciones posibles, Ministerio de Culturas y

Turismo/AGRUCO-Plural, La Paz.

COHEN COLEEN Ballerino, Richard WILK et Beverly STOELTJE (éd.)

1996 Beauty Queens on the Global Stage. Gender, Contests, and Power, Routledge, London.

GALINDO Maria

2013 ¡A despatriarcalizar!, Edición Lavaca, Buenos Aires.

GEFFROY Céline

2013 Boire avec les morts et la Pachamama : une anthropologie de l’ivresse rituelle et festive dans les Andes

boliviennes, thèse de doctorat en sociologie et démographie, université de Nice.

HÉRAULT Laurence

2005 « Le rite de passage et l’expérience de “changement de sexe”. Van Gennep en terre

transsexuelle », Hermès, 43, p. 169-177.

2009 « De la Transition transsexuelle aux rites transgenres amérindiens », in Jacques Mateu,

Mathieu Reynier et François Vialla, Les assises du corps transformé. Regards croisés sur le genre, Les

Études hospitalières, Montpellier, p. 47-56.

KULICK Don

1997 « The gender of Brazilian transgendered prostitutes », American Anthropologist, 99 (3),

p. 574-585.

PRIEUR Annick

1998 « Little Boys in Mother’s Wardrobe. Sur les origines de l’homosexualité et de

l’efféminement », Actes de la recherche en sciences sociales, 125, p. 15-29.

RIVERA CUSICANQUI Silvia

2010 Ch’ixinakax utxiwa. Una reflexión sobre prácticas y discursos descolonizadores, Edición Tinta

Limón, Buenos Aires.

Journal de la Société des américanistes, 103-1 | 2017

124

SIMAKAWA Douglas Takeshi (Viviane V.)

s. d. « Pela descolonização das identidades trans », http://abeh.org.br/arquivos_anais/D/

D019.pdf, consulté le 18/05/2017.

TASSI Nico

2010 Cuando el baile mueve montañas. Religión y economía cholo-mestizas en La Paz, Bolivia, Praia,

La Paz.

WEST Isaac

2014 Transforming citizenships: transgender articulations of the law, New York University Press, New

York.

NOTES

1. Dans les termes « cisgenre » et « cissexuel », le préfixe « cis- » (du latin « du mêmecôté ») se réfère à des personnes dont l’identité subjective de genre coïncide avec lesexe attribué à la naissance. Il est l’antonyme de « trans ». Issu du vocabulaire desétudes sur le sexe, il est parfois utilisé par les militants trans en Bolivie.

2. L’usage du terme « transgenre » se répand en Bolivie, mais il n’est pas – encore ? –l’autodénomination la plus courante. De même que son abréviation « trans », il permetici de regrouper des personnes qui s’identifient comme travesti – c’est-à-dire qui n’ontpas subi d’opération de féminisation –, transexual – parce qu’elles ont modifiémédicalement leur corps – et les quelques militantes qui préfèrent se dire transgenero.

3. Ce qui est requis est le certificat d’un psychologue qui atteste la capacité du ou de larequérant(e) de prendre des décisions responsables.

4. Miss Cholita Bolivia surgit au milieu des années 2000 et il existe aujourd’hui pléthorede concours locaux de Miss et de Ñustas – titre des femmes de la noblesse inca –indigènes. À quelques années près, ce constat est valable pour d’autres pays d’Amériquelatine et les concours boliviens de Miss transformiste et transsexuelle se sont inspirésde leurs homologues argentins et péruviens (Aruquipa et al. 2012, p. 183).

5. Depuis 2008, les collectifs LGBT boliviens se sont rebaptisés TLGB par reconnaissancede la militance et la visibilité des transgenres.

6. Les hommes transgenres s’affilient aux collectifs lesbiens. En septembre 2016 a eulieu, à Potosi, le premier Mister lesbiana.

7. Tamara Nuñez del Prado, ancienne fonctionnaire du ministère de la Justice,assistante directe du Défenseur des droits (Defensor del Pueblo) depuis juin 2016.

8. Ces conditions sont issues de l’appel à candidatures pour Miss transexual Bolivia,Oruro, 2015.

9. L’élection de Miss Tiffany’s Universe en Thaïlande, où devait concourir la Misstransexual Bolivia 2015, offrait à sa gagnante une réassignation génitale.

10. Don Kulick (1997) a montré comment ces subjectivités font écho à la manière dontles sociétés définissent les genres. Au Brésil, ceux-ci renvoient moins au sexeanatomique qu’à la sexualité ; la distinction entre pénétré et pénétrant sépare leshommes non pas des femmes mais des « non-hommes » qui regroupent les femmes, leshomosexuels et les trans. À l’inverse, la sexualité n’apparaît pas comme première dansla reconstruction de leurs trajectoires identitaires par les femmes trans que j’ai

Journal de la Société des américanistes, 103-1 | 2017

125

rencontrées et qui évoquent surtout leurs travestissements infantiles. Contrairementaux récits reçus par Annick Prieur (1998), les expériences homoérotiques ne sontpresque jamais mentionnées.

11. Dans le contexte français, les étapes subjectives et de cette transition ont étédécrites, avec des processus proches de ceux observés en Bolivie, par des auteurscomme Laurence Hérault (2005).

12. Je n’ai pas réussi à trouver la trace des Reinas bufas dans d’autres pays latino-américains, où elles prennent peut-être un autre nom.

13. Y compris hors des festivités du carnaval, et dans les régions andines rurales(Geffroy 2013) où les rites funéraires mettent fréquemment en scène des travestis.

14. Description d’une élection organisée par des résidents boliviens en Espagne :http://blogs.periodistadigital.com/emigrantes.php/2009/02/09/p217872, consultéle 18/05/2017.

15. Il est également parfois spécifié de ne pas exercer le travail sexuel, comme lors deMiss transformista gay Sucre, 2015. La mention du travail sexuel est en revancheabsente des convocations transgenres, qui éliminent également les limites d’âge(18-25 ans pour les transformistes) afin de ne pas trop réduire le nombre de candidates.

16. Chola qualifiait à l’époque coloniale les femmes vêtues selon l’usage des métissesurbaines des Andes : un chapeau et une jupe large (pollera) à la facture caractéristiqued’une région particulière ; un corsage et le tressage des cheveux en deux nattes. Cettetenue se distingue des vêtements ethniques des paysans indigènes. Aujourd’huicependant, la plupart des jeunes femmes d’origine rurale préfèrent s’habiller en chola

voire à la mode occidentale si elles résident en ville.

17. Née en 1998, la Familia Galan est réputée pour ses performances de rue artistico-politiques en habits drag-queen visibles sur son site : https://www.facebook.com/groups/263760620423637/, consulté le 18/05/2017.

18. Voir note 17.

19. Déjà, en juin 1995, la première rencontre gay nationale coïncide avec l’élection deMiss gay Bolivia, à Santa Cruz (Aruquipa et al. 2012, p. 204).

20. Éprouver son pouvoir de séduction est également un attrait majeur de laprostitution auprès des femmes trans, auxquelles elle permet l’expérience d’unesexualité féminine légitimée par des hommes, les clients, qui se définissent commehétérosexuels.

21. Même après une passe, l’alcool aidant, beaucoup de clients ne découvrent pasl’identité trans de la femme avec laquelle ils discutent, dansent, boivent ets’embrassent.

22. Voir les bulletins du ministère de l’année 2014.

23. Une conversation entre David Aruquipa et Laura Alvarez au sujet de cette rencontreest en cours de publication dans le Bulletin de l’Institut français d’études andines.

24. Notamment Olivia Harris, Tristan Platt et Thérèse Bouysse-Cassagne.

25. http://www.descolonizacion.gob.bo/descolon-pdf/boletin-3.pdf, p. 2, consultéle 18/05/2017.

26. Discours prononcé le 8 juin 2015 ; http://minculturas.gob.bo/index.php/prensa/noticias/1762-viceministerio-de-descolonizacion-organiza-ii-encuentro-nacional-de-

Journal de la Société des américanistes, 103-1 | 2017

126

despatriarcalizacion-y-descolonizacion-con-estudiantes-de-educacion-superior,consulté le 18/05/2017.

27. http://www.descolonizacion.gob.bo/descolon-pdf/boletin-3.pdf, consultéle 18/05/2017.

28. « […]. El poder patriarcal no se limita a la opresión hacia las mujeres, sino también hacia

otros sujetos sometidos al poder. Tal es el caso de las niñas, niños, la juventud y los pueblos

indígenas originarios que son minoritarios o diferentes al grupo dominante », Caminos de la

Despatriarcalización, boletín informativo, Unidad de Despatriarcalización, juin 2012,http://www.ipas.org/es-MX/Resources/Ipas%20Publications/Caminos-de-la-despatriarcalizacion.aspx, consulté le 18/05/2017.

29. Par exemple, https://www.facebook.com/notes/joe-ramirez-roggero/el-ejercicio-de-la-sodom%C3%ADa-en-el-antiguo-per%C3%BA/809954769033540/, consultéle 18/05/2017. L’existence de préposés masculins au culte qui s’habillent et secomportent comme des femmes se retrouve dans le chapitre LXIV des Crónicas del Peru

de Cieza de León [1553]. Je n’ai en revanche pas retrouvé l’original de la citationattribuée à Santo Tomás par ces sites péruviens, selon laquelle : « entre los serranos las

prácticas homosexuales estaban cobijadas por una especie de santidad ».

30. http://www.elmundo.es/america/2010/04/21/noticias/1271833317.html, consultéle 18/05/2017.

31. Lors de notre rencontre à Paris, en décembre 2015, Giovanna Rincon, présidentecolombienne de l’association Acceptess-Trans, racontait qu’en France, les élections deMiss trans sont toujours organisées par des latinos. Elles sont d’ailleurs plutôt malperçues par les autres transgenres qui s’efforceraient plutôt d’accepter leur anatomiede naissance.

32. Cet article a été présenté lors d’une journée d’étude tenue au Laboratoired’ethnologie et de sociologie comparative à l’université Paris Nanterre, le 11 décembre2015, dans le cadre du projet ANR Fabriq’Am « La fabrique des “patrimoines”.Mémoires, savoirs et politiques en Amérique indienne aujourd’hui » (ANR-12-CULT-005).

RÉSUMÉS

Depuis une dizaine d’années, les organisations de femmes transgenres de Bolivie réalisent des

concours de beauté. Inspirés des élections de Miss conventionnelles, ces concours en prennent le

contrepied pour revendiquer l’existence et les droits d’une autre catégorie de femmes. Pour les

participantes, ils constituent une véritable école politique. Monter sur le podium est également

une étape centrale dans la trajectoire qui conduit de la clandestinité à une identité de femme

trans publiquement assumée. Le désir d’être reconnue comme l’égale en beauté et en

féminité d’une Miss limite cependant la remise en question des attributs hégémoniques de la

catégorie « femme ». De manière analogue aux Miss indigènes, les concours de beauté

transgenres apparaissent ainsi traversés par la tension entre la reproduction de certains

mécanismes d’oppression et le projet d’une subversion véritable.

Journal de la Société des américanistes, 103-1 | 2017

127

Desde hace unos diez años, las organizaciones de mujeres transgenero de Bolivia auspician

concursos de belleza. Inspirados de las elecciones de Miss convencionales, estos concursos

apuntan a reivindicar la existencia y los derechos de otra categoría de mujeres. Para las

participantes, constituyen una verdadera universidad política; subirse a la tarima es también una

etapa central en la trayectoria que conduce de la clandestinidad a una identidad de mujer trans

asumida públicamente. El deseo de ser reconocida como igual, en belleza y feminidad, de una

Miss limita, sin embargo, la posibilidad de cuestionar el contenido hegemónico de los atributos

de la categoría « mujer ». Así, de manera análoga a las Miss indígenas, los concursos transgenero

aparecen atravesados por la tensión entre la reproducción de ciertos mecanismos de opresión y

el proyecto de una verdadera subversión.

For about ten years now, transgender women’s organizations in Bolivia have been holding beauty

pageants. Inspired by the conventional Miss competitions, the aim of these contests is to assert

the existence and claim the rights of another category of women. For the participants, these

events represent nothing less than a political university; getting up on stage is also a milestone in

the journey that leads from hiding to a publicly embraced identity as a trans woman.

Nevertheless, the desire to be recognized as equal in beauty and femininity to a Miss limits the

possibility of questioning the hegemonic man/woman binary. Thus, in a similar way to the

indigenous Miss pageants, the transgender contests seem permeated by the tension between the

reproduction of certain means of oppression and a genuinely subversive project.

INDEX

Mots-clés : Bolivie, concours de beauté, décolonisation, LGBT, transgenre

Keywords : Bolivia, beauty pageants, decolonisation, LGBT, transgender

Palabras claves : Bolivia, concurso de belleza, descolonización, LGBT, transgenero

AUTEUR

PASCALE ABSI

IRD (CESSMA, UMR 245) [[email protected]]

Journal de la Société des américanistes, 103-1 | 2017

128

Varia

Journal de la Société des américanistes, 103-1 | 2017

129

Nuestra Madre Milpa Joven: unaimagen de la totalidad efímera enun ritual wixárikaNotre Jeune Mère champ de maïs : une image de la totalité éphémère dans un

rituel wixárika

Our Young Mother Corn Field: an image of ephemeral totality in a Wixárika

ritual

Regina Lira Larios

NOTA DEL EDITOR

Manuscrit reçu en mai 2015, accepté pour publication en octobre 2016.

Agradecimientos – Agradezco al Programa de Becas Posdoctorales de la Universidad Nacional

Autónoma de México por el apoyo brindado a los jóvenes investigadores. Agradezco de manera

especial a Isabel Martínez, Johannes Neurath y Federico Navarrete por sus comentarios durante

la elaboración de este artículo. Y también a los lectores cuyos dictámenes acertados e impecables

me permitieron refinar la versión final de este artículo, primer producto derivado de mi tesis

doctoral.

1 En el curso de mis estancias de trabajo de campo entre los wixaritari (o huicholes, pl.)

del occidente de México, tuve la oportunidad de presenciar una « fiesta » del cicloagrícola de la temporada seca en varios templos familiares de la comunidad de SantaCatarina Cuexcomatitlán o Tuapurie1. Luego de una larga noche de canto, al punto caside culminar, se produce una escena que siempre capturó mi imaginación: sobre lapiedra circular que marca el centro del patio ritual y conecta con el mundo de abajo, yen dirección al oriente, se coloca una silla; se sienta una mujer, y sobre ella se colocauna caja de ofrendas que contiene jícaras, flechas, velas, discos votivos, partes de unvenado cazado y de una res sacrificada; sobre ésta se extienden velas encendidas amanera de un abanico y al zénit brilla el sol de mediodía. Todos los ejecutantes del

Journal de la Société des américanistes, 103-1 | 2017

130

ritual se concentran en torno de este conjunto heteróclito, el cantador-chamán defrente, los hombres ungiendo sangre y las mujeres rociando agua sobre las ofrendas;todos guardan contacto los unos con los otros con lágrimas en los ojos. Sobre esteensamblaje perfectamente ordenado he preguntado en diversas ocasiones: «¿qué es? »,y cada vez se me respondió: « Nuestra Madre Joven Milpa. »

2 ¿Cómo es que las partes heterogéneas que la componen pueden ser concebidas como un

todo? ¿Cómo se atribuye de una identidad a algo tan efímero? ¿Bajo qué principios seproduce este reconocimiento? ¿Por qué produce tanta tristeza? ¿En qué radica el efectoque produce? En fin, ¿cómo nombrar y entender lo que a mis ojos resultaba uneensamblaje tan extraño y perfecto? Intentaré responder a estas preguntas al demostrarque la Madre Milpa Joven es la imagen heterogénea, plural y efímera que la sociedadwixárika (huichol, en sg.) crea de sí misma, basada en dos propuestas. La primera enuna noción de imagen formulada desde una perspectiva relacional y performativa apartir de la etnología melanesia, que ha puesto de relieve las formas específicas en lasque las personas se presentan « a sí mismas ante sí mismas », sea en forma artefactual,corporal, en performances u otras (Strathern 2013, p. 157; Gell 1998; Schieffelin 1985)2.La segunda, en la exploración de los procesos de construcción de una representaciónsocial o identitaria que no se remiten a la elaboración de un discurso, sino a la puestaen forma y en acto de relaciones particulares (Severi 2003, p. 8; Houseman 2006, p. 413),como ha demostrado la teoría del ritual enfocada desde la pragmática (Bloch 1974;Schieffelin 1985; Humphrey y Laidlaw 1997; Houseman 2000, 2012; Severi 1996, 2007)3.

3 Como vía para examinar el ensamblaje Madre Milpa Joven desde la complejidad ritual,

veremos cómo cada una de las partes que la componen es creada y manipulada a lolargo de un ciclo ritual. Con base en la etnografía presentada en un primer apartado,veremos el papel de los artefactos que la componen en la producción de personas en elritual, primero en el seno de las interacciones entre participantes en el patio deltemplo, después en el seno de las interacciones entre los antepasados en el canto ritual.Los artefactos serán diferenciados entre sí a partir de las relaciones que estos ponen enjuego entre personas del mismo sexo, entre personas de sexo diferente y entrehuicholes y no huicholes (Lira 2014). Así entenderemos a la Madre Milpa Joven comoemergente de un campo relacional que implica a todos los participantes humanos y nohumanos, a sus actos e interacciones, y opera como nodo integrador de los distintosregistros de la acción que le dan su aparente soporte, y son tanto paralelos comoindependientes en la medida en que cada uno hace el ritual (Houseman y Severi 1994;Bateson 1958).

4 Pondremos especial atención en los siguientes aspectos. En primer lugar, en su forma

arquitectónica (Bakhtin 1990 [1920-1923], 1990 [1924]), es decir la manera en que elensamblaje es construido y las relaciones que éste ordena, abordando cada uno de suscomponentes como índice visible de relaciones invisibles emergentes de la interacciónentre personas en el tiempo y en el espacio que cumplen una función composicional yorganizativa de la práctica ritual. En segundo lugar, en el modo en que produce unaimagen efímera de la totalidad, que hemos llegado a entender como un modo de actuaren el mundo y de conocerlo, en cuyo efecto altamente emotivo reside tanto su novedadcomo su poder y sus posibles significados (Kindl 2007; Freedberg 1989, p. 432). Comocreador y contenedor de tiempos, este objeto complejo va más allá del tiempoanacrónico que la obra de arte suele generar (Moxey 2013), y nos remite en cambio auna temporalidad múltiple al involucrar una técnica de coordinación y de

Journal de la Société des américanistes, 103-1 | 2017

131

sincronización de espacios-tiempo en la acción colectiva, abriendo preguntas sobre losmodos de transmisión dados a partir de la imagen, el tiempo y el cuerpo.

La cacería y la agricultura desde el enfoque relacionalal ritual

5 He dedicado un análisis detallado a este ritual centrado en los actores, sus prácticas y

en la enunciación de un canto ritual (Lira 2014), retomando una de las grandespreguntas antropológicas en la etnología del Gran Nayar: las relaciones entre la caceríay la agricultura, que en el caso wixárika han sido abordadas especialmente en el estudiode los rituales comunitarios con base en el análisis sobre las estructuras simbólicas y lasprácticas sacrificiales (Furst y Schaefer 1996; Gutiérrez del Ángel 2002; Kindl 2003;Neurath 2002). En mi experiencia, la práctica etnográfica en los templos comunitariostukipa es limitada por las autoridades tradicionales, pues se trata, en palabras suyas, de« su secreto ». Si bien se me permitió presenciar los rituales comunitarios, se me nególa participación a la peregrinación al desierto de San Luis Potosí, y fue en el ámbitofamiliar de diversas rancherías que pude realizar mis investigaciones. En miobservación de los rituales en ambos ámbitos ceremoniales – el familiar del temploxiriki y el comunitario del conjunto tukipa – constaté que en el familiar se ejecutan lassecuencias que se realizan en la mayoría de los rituales que implican la cacería devenado y el sacrificio de una res (vaca o toro); es decir, aquellas secuencias ligadas alciclo agrícola que en el ámbito comunitario implican un mayor número departicipantes, días, sacrificios y una mayor elaboración en su ejecución, lo que dificultala posibilidad de ser etnografiadas de manera individual. La etnografía a nivel familiarresultó adecuada ya que el xiriki es la base de la estructura social como red derelaciones de parentesco y de intercambio4. El xiriki es un nodo dentro de una red derancherías que en la dimensión político-territorial se liga con una agencia y con sucabecera, y en la religiosa se liga con una red de xirikite (-te marca del plural)parentales, con los templos ceremoniales (tukipa) y con los sitios sagrados (kakaiyarite).Es en la ranchería que la vida cotidiana transcurre y los miembros de una familiaextendida atienden sus responsabilidades rituales, incluso cuando han emigrado orechazan la participación en los templos comunitarios (Liffman 2011, p. 97)5.

6 La westa (huicholización del término « fiesta ») que aquí analizaremos forma parte del

ciclo ritual de la temporada de secas (tukari) que se celebra – en principio – cada año, yocurre después de la cacería de venado y la quema del coamil y antes de la siembra demaíz6 (ver Figura 1). En ella participan miembros de una familia extendida convocadospor el jefe de una ranchería donde se mantiene el templo familiar-xiriki en el que seveneran los ancestros comunes, tanto los ancestros deificados que fundan el cultofamiliar xiriki – Hermano Mayor Venado Tamatsi Kauyumarie y la Madre Maíz Tatei

Niwetsika7 –, como los ancestros genealógicamente demostrables que pueden remontara hasta cinco generaciones y están presentes en su forma « enfriada » al interior de lasjícaras-ancestros conservadas en el templo. La participación dependerá del grado deproximidad parental a los ancestros venerados, del nivel de aprendizaje ritualadquirido en su participación en el sistema de cargos, así como también de la edad y elsexo.

Journal de la Société des américanistes, 103-1 | 2017

132

Fig. 1 – Cronología del ciclo ritual durante la temporada de secas en un templo familiar.

7 El cantador-chamán (mara’akame) es escogido por el jefe de la ranchería con acuerdo del

grupo familiar por un ciclo de cinco años. Dirige la sesión ritual con un canto que duraaproximadamente desde antes de la medianoche hasta el atardecer del día siguiente,auxiliado a sus costados por dos dirigentes de la cacería (‘awatamete) que son sus« segunderos » (kwinepuwamete) y por los músicos que intervienen por lapsos, unguitarrista kanareru y un violinista xawereru. Como guía del grupo tiene la importanteresponsabilidad de cumplir con las expectativas de un auditorio compuesto porpersonas con distintos grados de aprendizaje, que no dudarán en cuestionar suautoridad si no cumple con los objetivos del ritual: cazar venado, hacer crecer maíz,traer lluvias, propiciar la salud de los familiares, los animales y la milpa. Su naturalezaparadójica involucra una identidad que es simultáneamente humana y no humana, queen el canto resulta en una identidad múltiple casi abrumadora (Severi 2002;Hanks 2009). Los dos niños haakeri, también designados por cinco años, son losaprendices de la tradición y « como venados » (una hembra y un macho) portan en suoreja una vara de plumas que simboliza su cuerno; y a la vez, su proximidad con la resdestinada al sacrificio en las secuencias preparatorias del sacrificio los vinculasimbólicamente con ella. A diferencia de los demás niños que se encuentran al margende la escena ritual, y se ocupan de ayudar con las actividades manuales (acarrear agua yleña, preparar y distribuir alimentos), ellos gozan de una perspectiva interna deltrabajo ritual, situados al lado del cantador y de los segunderos, quienes les indicancuándo deben manipular los objetos más « delicados »: las ofrendas, las herramientasagrícolas y, para la cacería, los utensilios para el sacrificio. La pareja de casados que« entregan la ofrenda » (timawamete, de mawari ofrenda, o mawarixa, sacrificio) esnombrada por un ciclo entero (aguas y secas). Son los responsables de comprar la res yde todo lo necesario para la realización del ritual, así como de depositar las ofrendas enlos « ancestros-topónimos » de mayor jerarquía en las semanas subsecuentes.

8 Los hombres del grupo serán nombrados de manera diferente según las etapas del ciclo:

Animales Cazadores (‘Awatamete) durante los cinco días de cacería, Coamileros(Watakamete) en los días dedicados a la preparación del campo de cultivo con la quemadel coamil, o Hermanos Mayores Venado (Tamatsima) durante la fiesta 8. Su modo dehacer implica destreza y precisión: para cazar con rifle, manipular el fuego en la quemadel coamil o para sacrificar y destazar la res. Para tener éxito en cada una de estasetapas los hombres deben actuar de manera colectiva, en estricta coordinación y conalto control de sí, a pesar del cansancio y las abstinencias impuestas. Las mujeres delgrupo son las madres genitoras, nombradas a su vez de manera diferente en cada etapadel ritual: como Madres de la lluvia y de la noche (Tateteima) durante la cacería (espaciodel cual son excluidas), y como Madres Maíz (Niwetsika) durante la preparación delcoamil y la fiesta. Su modo de hacer contrasta significativamente con el de los hombres:ejecutan sus actos de manera extremadamente ordenada y sigilosa. Llevan consigo lasjícaras-ancestros heredadas de los antepasados venerados en el templo familiar, que

Journal de la Société des américanistes, 103-1 | 2017

133

manipulan a lo largo del ritual entre el interior del templo, el centro del patio y frenteal fuego (simbólicamente asociados con el mundo de abajo, el de en medio y el dearriba). Según la exégesis masculina, las mujeres « están más cerca de los dioses » y nonecesitan « ni hacer tanto ni ir tan lejos » en su proceso de aprendizaje, ya que su podergenésico está dado de antemano.

9 La configuración relacional de este rito se organiza en torno de tres posiciones

ocupadas por dos hombres y una mujer, con lo cual he introducido el papel femenino alanálisis de las relaciones rituales. Estas serán ocupadas por todos los miembros de lafamilia en los años venideros, ya sea por suerte o por designación del cantador-chamán,y de ellas depende la transmisión intra (horizontal) e inter (vertical) generacional deltrabajo ritual.

10 Las identidades rituales de estas tres personas sólo son comprensibles al interior de una

red modificada de relaciones de parentesco de las que emergen por condensación detérminos contradictorios (Houseman y Severi 1994). Estos términos son proporcionadospor los participantes que se nombran a sí mismos en el curso de las secuencias rituales(por ejemplo al ser cazadores y venados), y por el canto ritual que proporciona nuevostérminos que complejiza sus identidades y nos permite reconstruir los vínculos deparentesco entre ellas: una mujer madre-jícara (tei xukuri), un hombre hermano mayorvenado (Tamatsi Kauyumarie) que a la vez es hermano menor tigre (Wawatsari nemuuta)9,y un hombre hijo-flor (nuiwari10) que a la vez es hermano menor tigre (-muuta), el jovensacrificador que será simbólicamente sacrificado al amanecer y es identificado con elnacimiento del sol.

11 La familia nuclear primigenia es restituida mediante la instauración de relaciones

rituales plurales que, tal como ha señalado J. Neurath (2008a, 2008b), se remiten adistintas esferas de intercambio – de cacería y de agricultura –, pero que analizadas enel seno de las relaciones sociales son la expresión de una doble diferencia – de género yde alteridad – y se expresan en el lenguaje del parentesco – colateralidad (afinidadpotencial) y consanguinidad. Las relaciones rituales emergentes entre estas tresposiciones no son solamente esenciales para la definición de sus identidades, sino quecoinciden con su gestación, extendiendo los lazos entre participantes más allá de lasfronteras biológicas al aludir al origen ancestral y a la procreación. Estas mismasactualizan y hacen visible el vínculo entre Nuestra Madre Maíz y Nuestro HermanoMayor Venado: el vínculo primordial que funda el culto a los ancestros practicado en eltemplo-xiriki familiar que se renueva en cada ritual « como si fuera la primera vez ».

12 Del campo relacional en el que todos los participantes se encuentran implicados

emerge la identidad mujer-maíz, posición ocupada por la mujer con el cargo detimawame (« que entrega la ofrenda »), llamada madre-jícara (tei xukuri) en el canto,sobre la cual se forma el ensamblaje Nuestra Madre Milpa Joven (Tatei Waxa ‘iimari),objeto de este análisis. Veamos ahora cómo se crean los demás artefactos, las jícaras,flechas, discos votivos y objetos sacrificiales, que compondrán este ensamblaje durantela secuencia « se prenden las velas » (haurimantiyani).

La puesta en forma y en acto de la Madre Milpa Joven

13 Un día, durante una ceremonia, se me dijo: « ¿Cómo ves la costumbre de los huicholes?

Tenemos que usar mucho la cabeza y ver cómo vamos a acordarnos. Hay quememorizar y memorizar. Entonces ya hacemos la fiesta, y ya está. » Sobre este

Journal de la Société des américanistes, 103-1 | 2017

134

« memorizar y memorizar » la observación y la participación que me fue permitida mellevó a entender que los artefactos son el núcleo en torno al cual se organiza la acciónritual: la fiesta comienza con su fabricación al atardecer, prosigue con su manipulaciónen el altar ubicado al interior del templo familiar (Este), el patio (Centro) y junto alfuego (Oeste) durante la madrugada, y culmina con su ensamblaje al mediodía, parafinalmente ser desagregados y entregados a cada sitio sagrado-ancestro en las semanassubsecuentes (ver Figura 2). En el canto, los artefactos también cumplen una funciónarquitectónica tanto a nivel micro como macro del texto ritual. A nivel de pasajes quese distinguen por su contenido narrativo estructurado por desplazamientos,manipulación y depósito de artefactos, que producen un subsecuente « retoño » (de laraíz verbal -weni « retoñar, desplegar, ofrendar »). Y a nivel de bloques, asociandoartefactos con entidades y regiones del mundo que esbozan los principios generales deun arte de la memoria wixárika (Yates 2004 [1975]). Tanto en la escena ritual como en elcanto, las secuencias de acciones en las que participan los actores humanos y nohumanos ofrecen perspectivas dispares, discontinuas y fragmentarias, que parecencrear una experiencia del tiempo y del espacio característica del rito. A la inversa, lamanipulación de los objetos permite reconstruir una trayectoria continua del trabajoritual, lo que a su vez produce una experiencia espacio-temporal también propia alritual y que coexiste con la anterior. Mientras por un lado los humanos se inscriben enla escena ritual como objetos, por el otro los objetos se comportan en el canto comohumanos. En fin, el modo en que ambas configuraciones se imbrican y articulan leconfiere a los artefactos y a las imágenes que de ellos se desprenden un papel central enla producción de simbolismo y en la circulación y transmisión de conocimientos en elritual.

Fig. 2 – Croquis del espacio ritual en una ranchería de la comunidad de Tuapurie.

14 Al ser el núcleo en torno del cual se estructura el rito, nuestra atención sobre la

fabricación y manipulación de artefactos nos llevó a apreciar el cuidado con el que lasmujeres crean los diseños al interior de las jícaras, los colores empleados en el dibujo delas flechas fabricadas por los hombres, el orden levógiro con el que el cantador dibuja

Journal de la Société des américanistes, 103-1 | 2017

135

los motivos en los discos votivos, o el modo en que todos decoran y nombran las velas.En este cuidado al hacer, se demuestra si una persona « tiene corazón » o ‘iyari,concepto que remite tanto a la entidad anímica común a todos los seres existentescomo también a la habilidad de una persona para recordar. Gracias a un proceso desensibilización de la mirada estimulada por los interlocutores, entendemos que ciertotipo de imágenes crean las condiciones de posibilidad para la comunicación con losancestros (de manera inversa, las imágenes inducidas por el consumo ritual de peyote oen los sueños se conciben como el recurso por excelencia de los ancestros paracomunicar con los humanos). Esta « comunicación » con los ancestros se traduce en laexpresión « un solo corazón » del discurso ritual, en la cual corazón o ‘iyari tambiéndesigna una memoria compartida que reside en el corazón y se transmite(Schaeffer 2002, p. 53), la cual remite al pensamiento y al entendimiento que seadquiere con un « corazón límpido » (Negrín 1985, p. 35)11. Esta memoria compartidapor humanos y ancestros se crea y se transmite en la manufactura y manipulación delos artefactos, que crean a su vez un espacio compartido articulado en torno de lamujer-jícara, como veremos a continuación.

15 Tanto por su técnica de fabricación, materiales, significados y como herramientas de

poder, los artefactos rituales huicholes han sido uno de los objetos de reflexiónrecurrentes en una producción de conocimiento etnográfico que rebasa los cien años(Lumholtz 1904a y 1904b; Preuss 1998 [1907], 1998 [1908]; Zingg 1982 [1938]; Furst 1972;Negrín 1985; Kindl 2007; Neurath 2013; Lira 2014). Aquí nos dedicaremos a mostrar suscontextos de uso en el ritual.

Producción de personas como artefactos en el patioritual

16 En la primera secuencia, « se fabrican las ofrendas » (metehauwewieni) se inaugura el

ritual. Convocados al atardecer, todos los familiares se reúnen en el centro del patioritual y terminan de decorar las ofrendas: los hombres hacen las flechas, las mujeres lasjícaras, el cantador los discos votivos y las velas son distribuidas a todos los familiares yadornadas con una flor en papel de china. Según lo documentó K. Preuss, los objetos deuso ritual que llamaba « instrumentos para ver » pertenecían originalmente a losantepasados, y los hombres no hacen más que tomarlos « prestados » al « renovarlos »(1998 [1907], p. 183; 1998 [1908]). En el hacer como los antepasados se produce undesdoblamiento de la identidad del participante que es a la vez pariente y actor ritual, ylos objetos se convierten en índice de su nueva posición: al hacer flechas son hermanosmayores venados, al hacer las jícaras son madres maíz, al hacer los discos votivos elcantador es abuelo fuego (entre otros). En el acto de su inscripción al ritual se opera latransferencia de agencia – secundaria en términos de A. Gell (1998) – sobre el objeto, yen el marco del ritual esto conduce a que humanos y antepasados no sólo se llamen dela misma manera sino a que hagan lo mismo; es decir, se trata de una paulatinasincronización y coordinación de actividades que producen un espacio compartido, obien lo que entre los mixe de Oaxaca P. Pitrou ha llamado el establecimiento de unrégimen de co-actividad (2012, p. 80)12.

17 Durante la cacería que se llevó en una etapa previa a la westa se cazó un venado gracias

a la suerte y destreza de un cazador. De este acto se produjo el rostro de venado,llamado nierika13, que el cantador sostiene en su mano mientras canta y orienta hacia

Journal de la Société des américanistes, 103-1 | 2017

136

las direcciones cardinales con su vara de plumas (muwieri), y manipula con el resto delas ofrendas. En el amanecer de la fiesta el sacrificador empuña un cuchillo en layugular de la res por instrucción del cantador. De este acto se produjeron unos cuernosde res, que junto con el corazón y el hígado se colocan con el resto de las ofrendas. Elrostro de venado y los cuernos de res son el índice de una relación condensada queengendra la identidad ritual de Cazador-venado que adquiere diversos nombres en elcanto, entre los cuales figuran el hermano mayor cazador-venado Tamatsi Paritsika, y elde Sacrificador-res, que en el canto se designa flor-xuturi y será identificado con elnacimiento del sol, Nuestro Ancestro Takaiye14. Todos estos artefactos son colocados enuna caja en el altar, al interior del templo.

18 Este modo de fabricar artefactos puede ser entendido como un sistema ritual de

producción de personas según lo propuso M. Strathern entre los hagen, donde hayrelaciones que producen objetos (cross-sex) y objetos que producen relaciones (same-sex)

(Strathern 1990; Gell 1999). Pero hay que notar que aquí no todos los objetos compartenel mismo estatus de agencia o persona, y que hay tanto relaciones directas comoindirectas al objeto. Por ejemplo el cantador, por su naturaleza paradójica que pre-existe al ritual, establece relaciones directas con los ancestros – de uno a uno – a travésde los discos votivos en los cuales dibuja el rostro de cada uno (para él cada nierika es el« rostro » de un ancestro con sus ojos, boca, nariz, orejas, « como una persona »),mientras que para el resto de los participantes su relación con los ancestros es mediadapor el cantador, los objetos, sus acciones e interacciones. Aquí tenemos objetos queproducen relaciones (simétricas o de rivalidad) entre personas del mismo sexo: lasflechas inscriben a los hombres como cazadores por un lado, y las jícaras a las mujeresgenitoras por el otro. Y de la relación (asimétrica o de diferencia) entre ambos seproducen objetos como personas, con lo que tenemos a la categoría de objetosvinculados con el sacrificio (velas, rostro de venado, cuernos de res) (ver Figura 3).

Fig. 3 – Relaciones acumulativas que dan forma a la Madre Milpa Joven.

19 Si hasta el momento la configuración relacional ha dado cuenta de la identidad ritual de

la mujer-maíz (« la que entrega la ofrenda ») y mujer-jícara en el canto comoemergente de un campo relacional que implica a todos los participantes y susinteracciones, los artefactos fabricados en el marco ritual son el índice visible de lasrelaciones invisibles entre personas del mismo sexo, de sexo diferente, y con susantepasados mediante procesos de identificación directos e indirectos. Sin embargo, elorden que adquiere este entramado relacional dado por la diferencia sexual no es

Journal de la Société des américanistes, 103-1 | 2017

137

suficiente para dar cuenta de la complejidad que los objetos sacrificiales adquieren enel canto, y que concierne la relación con los no indígenas, es decir los mestizos.

Producción de artefactos como personas en el canto15

20 En su inserción en el mundo-otro en el curso de la enunciación del canto ritual, los

artefactos orientan la imaginación de los ejecutantes del rito. Por él transcurren unadiversidad de objetos/imágenes: nierika-rostro, vara de plumas, mazorcas de maíz,equipal, cruces, tapete, flechas, jícaras, vela, flor, cirio, título y otros. Entre estos sóloalgunos son mencionados de manera recurrente y dotados de atributos humanos:nacen, crecen, hablan, ven, se desplazan, se colocan. A veces son designados comoplantas que crecen, frutos que maduran, flores que retoñan, o bien como venadosenlazados que quedan suspendidos en el aire como plumas. Acompañados de posesivosen 1a (mi o -ne), 2a (tu o -a) y 3a (su -0) persona, son atribuidos a distintas entidades endistintos planos espacio-temporales (derecha/sur, izquierda/norte, arriba/este oabajo/poniente), que terminan por confluir en el posesivo « nosotros » y en un« centro » que es el aquí-ahora de la enunciación. Entre los mencionadosrecurrentemente, un tratamiento lingüístico especial nos ha revelado los principios defuncionamiento de un pensamiento taxonómico poniendo en evidencia relacionesparadigmáticas entre artefactos que son reforzadas por el uso de deícticos que losagrupa en tres categorías: la categoría-jícara, manipulada por las entidades femeninas;la categoría-vara de plumas, manipulada por las entidades masculinas; y la categoría-flor-xuturi, que se vincula con los anteriores y con las entidades mestizas y agrupaartefactos ligados con el sacrificio. La manipulación e intercambio de algunos de estosartefactos tiene como consecuencia un acto de « transformación » o « retoño » que,según me explicaron, evoca la emergencia o el nacimiento de cosas animadas talescomo el retoño de una flor, el brote de un manantial, y también el acto de dar algo enofrenda.

21 El modo de hacer femenino, tanto en el canto como en la escena ritual, se vincula con la

manipulación de las jícaras (xukuri o sukuli según su pronunciación en el canto), seanlas ofrendas o las jícaras-ancestro. En el patio ritual las mujeres ejecutan una secuenciaque se repite en distintos momentos con pequeñas variaciones, desplazándose entre elaltar, el centro del patio y el fuego con una jícara que contiene una mazorca de eloteque llaman teiyari, « la Madre Maíz » que acogen con su manto y en el pecho (-wima). Amodo de una secuencia paralelística, las variantes de esta secuencia establecenrelaciones analógicas entre la cacería de venado, la fertilización del campo agrícola, lasecuencia de barrer el patio y el sacrificio de la res, que produce un simbolismo queremite a la muerte, a la fertilidad y a la procreación16. En la primera parte del cantoritual, el hacer de las entidades femeninas (Tateteima) es descrito acto por acto amanera de una secuencia cinematográfica en cámara lenta, con una jícara en su mantoque va adquiriendo rasgos humanos en pleno crecimiento (se le llama niña, joven,madre) en el curso de su desplazamiento desde el mundo de abajo o el lugar de la noche(Tikaripa) hacia el plano medio del mundo en el centro (Hixiapa). La función genésicafemenina es acentuada en pasajes que insisten sobre el motivo del nacimiento (nuiwari)

y en la mención del gesto femenino (-wima) con el que las mujeres « acogen en sumanto » la teiyari o el venado cazado, según la etapa del ciclo ritual. Este modo de hacermimético crea las condiciones para la sincronía entre humanos y no humanos en el

Journal de la Société des américanistes, 103-1 | 2017

138

marco del anacronismo característico del ritual. La jícara descrita en su proceso decrecimiento conforma lo que llamamos la categoría-jícara ordenada en una estructuraparalelística identificada a nivel macro del texto ritual, con la repetición sistemática deun término y la variación de otro (ver Figura 4).

Fig. 4 – Estructura paralelista de la categoría-jícara y sus variaciones.

Segmento Término en wixárika Término en español

30 sukuli jícara

31 tei masa sukuli madre venado jícara

72 ‘iimali sukuli joven jícara

108 nemuuta sukuli tiilí sukuli mi hermano menor jícara niños jícara

150 tuutuli sukuli flor jícara

150 tasukuli nuestra jícara

175 tatei sukuli nuestra madre jícara

22 El canto recrea el paralelismo observado en el plano de las secuencias, en el

tratamiento lingüístico que produce el crecimiento de la mujer-jícara que hemosidentificado como la mujer « que entrega la ofrenda » (timawame) en la escena ritual. Lamujer-jícara, con su modo de actuar sigiloso y contraído, opera como contenedor de losartefactos que dan forma al ensamblaje de la Madre Milpa Joven y tanto en el patioritual como en el canto se desenvuelve en interacción con su « retoño » (yirari), el hijo-flor xuturi cuya identidad se atribuye al joven sacrificador. La descripción acto por acto– de un tipo narrativo poco frecuente – toma una aparente linealidad que hemosabordado como una serie evolutiva que produce una temporalidad orientada por lostérminos lingüísticos en torno de las categorías polisémicas del wixárika tikari

(temporada de lluvias, noche, oscuridad) y tukari (temporada de secas, luz, vida), con lasque el cantador-chamán describe los procesos de transformación de los ancestros queemergen de la oscuridad para descubrir sus rostros con el nacimiento del sol y quehemos llamado el cronotopo de la agricultura (Lira, en prensa).

23 A la segunda categoría-vara de plumas pertenecen los artefactos que median las

relaciones entre las entidades masculinas (Kakaiyama), con las que el cantador seidentifica y cuyas identidades acumula en el curso de desplazamientos entre la regiónde en medio/Centro (Hixiapa) y de arriba/Este (Hixiata), y entre la derecha/Sur (Tserieta)

y la izquierda/Norte (‘Utata). Por ejemplo, en un pasaje dos artefactos, el tapete (‘itari)

sobre el cual el cantador esparce sus herramientas chamánicas, y el nierika, que designauna diversidad de objetos presentes en la escena ritual (el espejo que el cantador tienefrente a sí como parte de sus herramientas, el rostro del venado cazado que manipulaen su mano, la piedra circular tepari que marca el centro del patio), son colocadossimultáneamente en el centro. Al desplazamiento y depósito de artefactos les sucede un« retoño » – en lenguaje del canto – y el enunciador se designa a sí mismo « Yo soyKauyumarie » (Kaunemarie)17. Con el uso de posesivos el contraste de perspectivas entrelas entidades que manipulan tapete y nierika es acentuado, hasta que al final del cantose emplea el posesivo en plural « nuestro » (ver Figura 5).

Journal de la Société des américanistes, 103-1 | 2017

139

Fig. 5 – Contraste de perspectivas en la categoría-vara de plumas.

Segmento Término en wixárika Término en español

0 tanierika nuestro rostro

24 yu’itari – nenierika su tapete – mi rostro

59 ‘itari – nenierika tapete – mi rostro

86 ‘itari – nierika tapete – rostro

120 ne’itali – senierika mi rostro – sus rostros

133 yunierika – ne’itari su rostro – mi tapete

134 ta’itari nuestro tapete

153 tanierika nuestro rostro

24 Este contraste de perspectivas que distingue las intervenciones de las entidades

masculinas es acentuado con el uso de deícticos de espacio (aquí, ahí, allá) queproducen una espacio-temporalidad discontinua, que nos permite entender la caceríaen términos de cronotopo central (Bahktin 1981 [1937-1938]), que a su vez cumplefunciones tanto organizativas como composicionales del canto al centrarse en larelación simétrica (o de rivalidad) entre el venado presa y el tigre cazador en estaprimera parte. El acto de caza que sucede, sucedió y sucederá de manera indefinida enel canto es el momento cronotópico por excelencia: el nudo de la trama. En estecontraste de perspectivas figura el elemento inestable de la concepción de persona, queen el caso del enunciador implica que pueda asumir las identidades de las entidades conlas que se identifica directa (en primera persona) e indirectamente (en segunda otercera persona) – venado Kauyumarie, tigre Wawatsari, fuego Tewatsi18, sol Nekaiye –,o bien que estas identificaciones sean tanto acumulables como reversibles en el cursode sus desplazamientos en el mundo del canto que es transitable en múltiples sentidosy a diversas escalas (Lira, en prensa). Sin embargo esta acumulación no se realiza alinfinito sino es mediada por una operación que al cabo de acumular o fusionaridentidades, produce un desdoblamiento o fisión (López Austin 1983). Por ejemplo, en elcurso del nacimiento y manipulación de una vela (hauri), el tigre Wawatsari se desdoblaen león ‘Ututawi y se completa la serie de identificaciones. Manipulados en el mundoinvisible de los antepasados, los artefactos que conforman las herramientas chamánicasdel cantador se acumulan progresivamente en la región de en medio (el centro), y sonvisibles en el patio ritual frente al cantador que los tiene extendidos en su tapete (‘itari):su vara de plumas (muwieri), su espejo y rostro de venado (nierika), su estuche (takwatsi),sus velas (hauri) y su cirio (‘iteiri), restituyendo su identidad plural y compleja.

25 La tercera categoría-flor xuturi engloba los artefactos sacrificiales (mawari). En primer

lugar, este término se traduce por « flor » aunque no tiene un referente botánicoparticular y es exclusivamente un término ritual que designa una diversidad de cosasasociadas con el sacrificio: las velas empleadas en las secuencias preparatorias delsacrificio, las flores en papel de china que decoran las velas y la res que será sacrificada.La xuturi o sutuli – según la pronunciación del canto – nace (múltiples veces) en lugaresdonde hay agua, camina, es entregada en ofrenda, es flechada, retoña, toma la voz, y almismo tiempo se asocia con artefactos como las velas (hauri)19, la jícara (xukuri), y lascruces (kuruxi)20, los niños dios (yusi tiiri), un « Ancestro tierno » (kaiye wenima) y

Journal de la Société des américanistes, 103-1 | 2017

140

entidades del mundo mestizo como Jesucristo (Kesusi), San José (Sakutsé), el Vaquero(Wakeru) o la Virgen de Guadalupe (Wirken Walalupi). Entre los artefactos que conformanesta tercera categoría-flor xuturi destaca un comportamiento que tiende a laacumulación y a la contracción, desplegando sobre todo relaciones de analogía y deoposición (ver Figura 6).

Fig. 6 – Acumulación y contracción en la categoría-flor xuturi.

Segmento Término en wixárika Término en español

42 masa hauli kikii haulieya venado vela kikiia su vela

73 masa hauli tiwekari hauli venado vela tigre vela

78 matsi hauli kulusi hauli hermano mayor vela cruz vela

94 tikari hauli noche vela

95 yusutuli/’anierika su flor-xuturi tu rostro

97 nesutuli tuutuli mi flor-xuturi flor

100 nekulusi/nesutuli mi cruz mi flor-xuturi

103 sesukuli sesutuli su jícara su flor-xuturi

128 nesutuli hauli mi flor-xuturi vela

130 ‘arí ‘asutuli ‘arí misewí ya tu flor-xuturi, ya es uno

131 kikii hauli kikii vela

138 turi kikii flor kikii

149 tuli sukuli flor jícara

a. No encontré este término en otras traducciones. Lo dejé en lengua original porque hasta le fecha

no lo comprendo cabalmente. De su contexto de aparición en el canto se infiere su importancia, ya

que su asociación con la flor-xuturi es una constante. Entre las interpretaciones obtenidas está la de

venado, venado cazado, ofrenda, vaca que será sacrificada, vaca sacrificada, y animal doméstico.

26 De manera semejante a la escena ritual, la xuturi se engendra de la relación entre

relaciones. Es decir que la diferencia sexual (vía la vela y las jícaras) detona otro nivelrelacional que establece un vínculo con las entidades del mundo mestizo (vía lascruces). El canto finalmente dice « tu flor-xuturi ya es uno » y con ello, se atribuye a laMadre Maíz Niwetsika (Niwetsika sutuliyu). En la primera parte del canto se vislumbra loque llamamos el cronotopo del sol, si bien apenas es la medianoche. De este campo detransformaciones y de sus constantes se propuso que la xuturi u ofrenda en sacrificio(mawari) es simultáneamente ancestro (-kaiye), descendiente (-nuiwari) y tambiénmestizo, lo que nos remite al mito del nacimiento del sol (huichol y mesoamericano) enel que un niño « pobre e inválido » se auto-sacrifica en la hoguera y asciende al cielocomo Takaiye o « Sol Mayor » trayendo enfermedades, según la traducción de R. Lópezde la Torre (2006, p. 34), y que en otros relatos es concebido como foráneo o vecinomestizo (Lemaistre 1997, p. 251). Vale recordar las concepciones mesoamericanas queasocian la guerra con la cacería y también con el parto femenino, lo cual permiteconsiderar que el sol pueda ser concebido como enemigo engendrado (Olivier 2011,p. 78-79)21.

Journal de la Société des américanistes, 103-1 | 2017

141

27 Los artefactos-persona producidos colectivamente en el curso de las interacciones en el

patio ritual, así como las personas-artefacto complejizadas en el curso de laenunciación del canto que serán ensamblados sobre la mujer-jícara, dan cuenta por lotanto de un complejo entramado socio-cósmico. En estos artefactos están implicadasrelaciones de depredación y afinidad potencial entre cazador y presa, deconsanguinidad y de guerra entre madre e hijo, o bien de alteridad entre hijo-sol yentidades mestizas. Pensar en la Madre Milpa Joven en términos de imagen-persona,como la antropología del arte reciente nos ha enseñado a entender, eclipsaría lasrelaciones acumuladas e implicadas en su uso y los modos de hacer que las hanproducido, el cual conduce hacia la co-actividad entre humanos y antepasadosacentuada en el uso del posesivo del plural « nuestro » (nuestra jícara, nuestro tapete) yque da cuenta de la complejidad ritual en juego. A este proceso de sincronización sesuperpone el de la simultaneidad de los espacios-tiempo multiplicados en el canto, quecrea las condiciones para que el cantador alcance uno de sus grandes retos: el dearticular – enlazar o tejer según el lenguaje del canto – los distintos centros del canto (elpatio ritual, la fogata, el altar, la milpa, el lugar de caza, la flecha, el nierika, el tapete,etc.) en un mismo tiempo-espacio que es el aquí-ahora del ritual (Lemaistre 2003,p. 184; Benzi 1972, p. 107-108)22. Esta habilidad chamánica de ordenar el axis mundi

como « síntesis del mundo » es una de las múltiples definiciones de nierika que O. Kindl(2007, p. 2254-2255) ha propuesto desde el arte ritual, y que en el canto se llama hixiapa,el lugar del centro, el punto origo del canto, punto de partida y también de llegada. Estecentro-aquí-ahora de la enunciación forja un presente « fecundo », según la expresiónde J. Negrín (1985, p. 29-30), del que emerge la Madre Milpa Joven como un momento desíntesis, siguiendo a O. Kindl, pero que es, y debe ser, irremediablemente efímero.Volvamos al patio ritual.

El mediodía « se prenden las velas »

28 La puesta en forma y en acto de la Madre Milpa Joven se produce en la última secuencia

« se prenden las velas » (haurimantiyani), casi al final de la fiesta. Al medio día y en elcentro del patio ritual (centro del mundo, hixiapa), los elementos heterogéneos que lacomponen son colocados uno sobre otro: sobre la piedra (tepari – nierika) en el centrodel espacio ritual se coloca la mujer-jícara timawame hincada y mirando al Este. Sobresu cabeza se coloca la caja que contiene las ofrendas: las flechas (hombres venado), lasjícaras (mujeres maíz), los discos votivos (cantador chamán) y las velas, y también loscuernos y rostro del venado cazado, los cuernos de la res, su corazón e hígado reciénextirpados en el amanecer (víctimas sacrificiales sol-mestizo). Sobre la caja y a manerade abanico se colocan verticalmente velas que se prenden. En el zénit está el sol demediodía. El cantador, frente a ella, prosigue su canto, el Cazador-venado y elSacrificador-res esparcen sangre de sus víctimas sacrificiales (o de sí mismos) sobrecada una de las ofrendas, y el conjunto de mujeres-madres rocían agua proveniente delos manantiales sagrados con polvo de maíz azul en las ofrendas. Todos estos elementosguardan contacto entre sí, y las personas cuidan de mantener contacto físico entreellas. A este conjunto se le atribuye la identidad de Nuestra Madre Milpa Joven o Tatei

Waxa ‘iimari « o la Virgen de Guadalupe ó la Madre Maíz Niwetsika, pues es lo mismo »,según se me ha dicho en repetidas ocasiones (ver Figura 7).

Journal de la Société des américanistes, 103-1 | 2017

142

Fig. 7 – Configuración en torno a la mujer-jícara « que entrega la ofrenda ».

29 En el momento de su conformación provoca llantos entre sus creadores y una mirada

triste entre sus observadores, quienes me han comunicado las inquietudes que lessusita: « ¿por qué la Madre Maíz Niwetsika se nutre de tanta sangre?, ¿cómo vamos ahacer para pagar más vacas? » Como la cristalización en imagen de todo un ciclo, suspartes son eventualmente desagregadas y la fiesta casi ha llegado al final. En unas horasse comparten alimentos y bebida en abundancia y al día siguiente se concluye en elcoamil en el cual se vierten caldos, agua con chocolate, sangre y peyote. El coamil/milpa es también centro del mundo – el lugar de inicio y de término de todo ritual – laquinta dirección, hixiapa. En las semanas siguientes las ofrendas y partes sacrificadasserán entregadas a los distintos ancestros-topónimos, manteniendo el « andar »wixárika, concepto con el que las sociedades wixaritari designan « el costumbre »(yeiyari, « andar/caminar »).

30 Si humanos y ancestros hacen lo mismo, o son lo mismo, ¿quién es entonces el creador

de esta imagen de la transformación? Hemos mostrado cómo cada parte de este objetocomplejo es índice de relaciones directas e indirectas que se afectan de parte a parte yde parte a todo: un « objeto de arte » que A. Gell designa como dotado de « agenciaintencional compleja » (1998)23. Su autonomía aparente, que de manera concomitantefunda su autoridad, se explica no a partir de la intervención directa de uno u otroparticipante, sino más bien por una serie de identificaciones parciales que animan elconjunto de relaciones implicadas por su uso (Severi 2008, p. 117). Como objetoestrictamente relacional, resultante de la configuración de diversos registros de accióny de una superposición de planos relacionales, las relaciones que en ésta se hanacumulado se han colapsado sobre ella misma, mostrando su forma única que todosreconocen de manera inequívoca: se trata de la Madre Milpa Joven.

31 En el ensamblaje de la Madre Milpa Joven se han acumulado relaciones a diversas

escalas que la acción colectiva ha enlazado, lo cual nos lleva a entenderla como laimagen que la sociedad wixárika forja de sí misma al englobar a las personas y a susantepasados en un « solo corazón-memoria »24. Si en el acto creativo se originan lascondiciones de posibilidad para la coexistencia efímera de los mundos humanos y nohumanos, es en la experiencia colectiva de su creación en donde reside su potencia y sedifuminan sus contornos. Como lo expresaba justamente J. Negrín en uno de sus textosclásicos sobre el arte ritual huichol, en las ceremonias « los Antepasados son invocados,

Journal de la Société des américanistes, 103-1 | 2017

143

atraídos por los cantos de los maracate, las libaciones, el sacrificio animal, ycomplacidos por los esfuerzos de sus descendientes humanos; les prestan nuevasfuerzas al ‘iyari y les refrescan el alma cupuri con rocío. En esta forma se fusionan elespíritu inmanente de los Antepasados y el espíritu latente de los hombres, en unacorrespondencia entre el macrocosmo y el microcosmo que se sostienen mutuamente,inyectándose lo eterno dentro del fecundo presente » (1985, p. 29-30).

La Madre Milpa Joven como totalidad efímera

32 Como me ha explicado un amigo de la comunidad de Tuapurie: « el mundo es uno

aunque lo percibamos como dividido, en partes: en montañas, ríos, nubes, etc. ». A lapregunta sobre cómo esas partes – heterogéneas a mis ojos – conforman un todo, el arteha intentado responder de múltiples maneras. Entre los formalistas rusos, M. Bakhtin(1990 [1920-1923], 1990 [1924]) planteaba esta pregunta en sus escritos tempranos,enfatizando la heterogeneidad antes que la unidad del objeto estético que perfiló en sudefinición de arquitectónica como actividad que ordena las relaciones entre el yo y el otro

en un estado de tensión dinámico; posiciones que son tanto relativas como simultáneas,dadas en el marco de la experiencia a partir de la cual desarrolla su concepto dedialogismo. Esta reflexión que enfatizaba el carácter plural de la creación artísticapareciera lejana o ajena a la huichola. Más me ha estimulado cuestionar cómo esteensamblaje « enlaza » la unidad o completitud que no es el estado ordinario de lascosas, sino algo que se busca y se alcanza de manera irremediablemente efímera. Elconcepto de nierika como modo de conocimiento indígena – siempre riesgoso –comprende en sí esa pregunta: la de ver (del verbo nieriya), conocer, comprender « latotalidad » (Kindl 2007, p. 329).

33 El ensamblaje Madre Milpa Joven nos ha permitido hacer un recorrido por todo un ciclo

y ha puesto en evidencia su vínculo con la concepción nativa de ‘iyari o corazón-memoria. Primero como dispositivo mnemónico, al ser una construcción sinóptica detodo un ciclo ritual, y en segundo lugar como espacio de experiencia y de conocimientocompartidos y ordenados. Esta experiencia remite a los riesgos compartidos entre loshombres durante la cacería, entre las mujeres que los esperan y los apoyan, entrefamiliares que viven dispersos en rancherías lejanas y que se reúnen para la ocasión, ytambién de la experiencia con los otros: la otra mujer, el otro depredador, el otroenemigo, el otro mestizo. Como « imagen », ésta colapsa o condensa el contexto en símisma, lo cual detona su reconocimiento y al mismo tiempo se vincula con los« eventos » más valorados en la historia wixárika, transmitidos en el ritual que es lahistoria de cómo los antepasados crean, crearon y crearán el mundo en cada ritual« como si fuera la primera vez ». Como creadora de su propia temporalidad, las partesde este entramado permiten hacer un recorrido por esta historia que es historia enpresente, pasado y futuro, pero que no se restringe a una lectura lineal sino que puederecorrerse en sentido reversible o a manera de un fractal pasando de un nivel micro almacro. Como imagen anacrónica que es muchos tiempos a la vez, surge la pregunta deltiempo de su creación: esto es un tiempo colapsado en un presente, fecundo ydesmultiplicado.

34 Finalmente, las jícaras, las flechas, la velas, el venado, los cuernos, etc. son parte de un

repertorio gráfico presente en la gran mayoría de cuadros de estambre huicholesrealizados para la venta. Con esto se sugiere que estos artefactos-imágenes conforman

Journal de la Société des américanistes, 103-1 | 2017

144

un repertorio exclusivo que pueden combinarse en configuraciones cada vez máscomplejas, y cuyo contexto de uso orienta sus posibles interpretaciones. En el ordenimpuesto por este ritual agrícola en torno de una madre-jícara « que entrega laofrenda », su interpretación como Madre Milpa Joven detona otra memoria transmitidaen los cantos y el discurso mitológico. La de la madre dadora de vida, la que sacrifica asu hijo, la que porta una falda de estrellas, la que es maíz, virgen y mexicana25. Las ideaswarburguianas que tanto J. Assman (1995, 2006) como C. Severi (1996, 2007) hanretomado en torno de la imagen como huella mnémica convergen en el aspecto trágicoo doloroso que juega en su pervivencia. En este sentido, el maíz es efectivamente undetonador de una historia de sacrificios sin fin que involucra a cada persona en elpresente y la vincula con el pasado. Posiblemente esta fuerza trágica que se prolonga enla imagen haga del nacimiento del maíz uno de los grandes temas gráficosrepresentados en el arte huichol de tablas de estambre, y también del artemesoamericano, que a manera de figura intermedia entre el arte y el ritual se transmiterestituyendo el continuo vivencial entre el presente y el pasado.

BIBLIOGRAFÍA

ASSMAN Jan

1995 « Collective memory and cultural identity », New German Critique, 65, p. 125-133.

2006 Religion and cultural memory, Stanford University Press, Stanford.

BAKHTIN Mikhail M.

1981 « Forms of time of the chronotope in the novel. Notes toward a Historical Poetics », in The

dialogic imagination. Four essays, University of Texas Press (University of Texas Press Slavic series,

1), Austin, [1937-1938], p. 84-259.

1990 « Author and hero in aesthetic activity », in Michael Holoquist y Vadim Liapunov (eds.), Art

and answerability. Early philosophical essays by M. M. Bakhtin, University of Texas Press (University

of Texas Press Slavic series, 9), Austin, [1920-1923].

1990 « The problem of content, material and form in verbal art », in Michael Holoquist y Vadim

Liapunov (eds.), Art and answerability. Early philosophical essays by M. M. Bakhtin, University of Texas

Press (University of Texas Press Slavic series, 9), Austin, [1924].

BATESON Gregory

1958 Naven, Stanford University Press, Stanford.

BENZI Marino

1972 Les derniers adorateurs du peyotl, Gallimard, Paris.

BLOCH Maurice

1974 « Symbols, song, dance and features of articulation. Is religion an extreme form of

traditional authority? », in Archives européennes de sociologie, 15 (1), p. 54-81.

FAUSTO Carlos y Carlo SEVERI (coord.)

2014 L’image rituelle, L’Herne (Cahiers d’anthropologie sociale, 10), Paris.

Journal de la Société des américanistes, 103-1 | 2017

145

FREEDBERG David

1989 The power of images. Studies in the History of theory of response, University of Chicago Press,

Chicago.

FURST Peter T. y Stacy SCHAEFER

1996 People of the peyote. Huichol Indian history, religión y survival, University of New Mexico,

Albuquerque.

FURST Peter

1972 Mitos y Arte huichol, SepSetentas, México.

GELL Alfred

2006 « Vogel’s net: traps as artwork and artwork as traps » in Howard Morphy y Morgan

Perkins (eds), The anthropology of art: a reader, Blackwell Publishing, Oxford, [1996].

1998 Art and agency, an anthropological theory, Oxford University Press, New York.

1999 « Strathernogramms or the semiotics of mixed metaphors », in The art of anthropology: essays

and diagrams, Athlone Press (London School of Economics on Social Anthropology, 67), New

Brunswick (NJ), p. 29-75.

GRIMES Barbara F. y Joseph E. GRIMES

1962 « Semantic distinctions in Huichol (Uto-Aztecan) kinship », American Anthropologist, 64 (1),

p. 104-114.

GUTIÉRREZ DEL ÁNGEL Arturo

2002 La peregrinación a Wirikuta. El Gran Rito de Paso de los Huicholes, Instituto Nacional de

Antropología e Historia (Etnografía de los pueblos indígenas de México. Serie Estudios

monográficos, 2002-1), México.

HANKS Williams

2009 « Comment établir un terrain d’entente dans un rituel ? », in Carlo Severi y Julien

Bonhomme, Paroles en actes, L’Herne (Cahiers d’anthropologie sociale, 5), Paris, p. 87-113.

HOUSEMAN Michael y Carlo SEVERI

1994 Naven ou le donner à voir. Essai d’interprétation rituelle, CNRS Éditions/Ed. Maison des Sciences

de l’Homme, Paris.

HOUSEMAN Michael

2000 « Ce que parler ne saurait dire : identités équivoques chez les Beti du Sud-Cameroun », in

Jean-Luc Jamard, Emmanuel Terray y Margarita Xanthakou (eds), En substances. Textes pour

Françoise Héritier, Fayard, Paris, p. 115-134.

2006 « Relationality », in Jens Kreinath, Jan Snoek y Michael Stausberg (eds), Theorizing rituals.

Classical topics, theoretical approaches, analytical concepts, annotated bibliography, Brill/NUMEN-

Bookseries, Leiden, p. 413-428.

2012 Le rouge est le noir. Essais sur le rituel, Presses universitaires du Mirail, Paris.

HUMPHREY Caroline y James LAIDLAW

1997 The archetypal actoins of ritual. A theory of ritual illustrated by the Jain Rite of worship, Clarendon

Press, Oxford.

ITURRIOZ José Luis

2002 « Principios generales de la cultura huichola » Reflexiones sobre la identidad étnica,

Universidad de Guadalajara, Guadalajara, [1995], p. 79-93.

Journal de la Société des américanistes, 103-1 | 2017

146

2004 « Reconstrucción del contacto entre lenguas a través de los préstamos », in Lenguas y

literaturas indígenas de Jalisco, Secretaría de Cultura Gobierno del Estado de Jalisco, Guadalajara,

p. 23-121.

KINDL Olivia

2003 La jícara huichola. Un microcosmos mesoamericano, INAH/Universidad de Guadalajara, México.

2007 Le nierika des Huichol : un « art de voir », tesis de doctorado en etnología, université Paris

Ouest Nanterre La Défense, Paris.

LEMAISTRE Denis

1997 La parole qui lie, tesis de doctorado en anthropologie sociale et ethnologie, École des hautes

études en sciences sociales, Paris.

2003 Le chamane et son chant, L’Harmattan, Paris.

LIFFMAN Paul

2011 Huichol territory and the Mexican nation. Indigenous ritual, land conflict and sovereignity claims,

University of Arziona Press, Tucson.

LIRA Regina

2014 L’alliance entre la Mère maïs et le Frère aïne cerf : action, chant et image dans un rituel wixárika

(huichol) du Mexique, tesis de doctorado en antropología social y etnología, École des hautes études

en sciences sociales, Paris.

(en prensa) « Caminando en el lugar del día (tukari), caminando en el lugar de la noche (tikari):

primer acercamiento al cronotopo en el canto ritual wixárika (huichol) », in Guilhem Olivier y

Johannes Neurath (coord.), Mostrar y ocultar en el arte y los rituales: perspectivas comparativas,

Instituto de Investigaciones Históricas, Instituto de Investigaciones Estéticas, UNAM, México.

LÓPEZ AUSTIN Alfredo

1983 « Notas sobre la fusión y fisión de los dioses », Anales de Antropología, 20 (2), p. 75-87.

LÓPEZ DE LA TORRE Rafael

2006 El respeto a la naturaleza, legado de los antepasados Wixarika, Amaroma Editores, Guadalajara.

LUMHOLTZ Carl

1907a « Symbolism of the Huichol Indians », in Memoirs of the American Museum of Natural History,

vol. III. Anthropology, New York, vol. I.

1907b « Decorative Art of the Huichol Indians », in Memoirs of the American Museum of Natural

History, vol. III. Anthropology, New York, vol. II.

MANZARES Alejandra

2003 El sistema de cargos de los xukurikate : parentesco y poder en una comunidad wixárika, UNAM,

México.

MATA TORRES Ramón

1974 El pensamiento huichol a través de sus cantos, Editorial Kérigma, Guadalajara.

MEDINA MIRANDA Héctor

2012 Relatos de los caminos ancestrales. Mitología wixarika del sur de Durango, Miguel Ángel Porrúa/

Universidad Autónoma de San Luis de Potosí (Antropología), México.

MOXEY Keith

2013 Visual time: the image in history, Duke University Press, Durham.

Journal de la Société des américanistes, 103-1 | 2017

147

NEGRÍN Juan

1985 Acercamiento histórico y subjetivo al huichol, EDUG/Universidad de Guadalajara, Guadalajara.

NEURATH Johannes

2002 Las fiestas de la Casa Grande. Procesos rituales, cosmovisión y estructura social en una comunidad

huichola, INAH/Universidad de Guadalajara, México.

2008a « Cacería ritual y sacrificios huicholes : entre depredación y alianza, intercambio e

identificación », Journal de la Société des américanistes, 94 (1), p. 251-283.

2008b « Alteridad constituyente y relaciones de tránsito entre los huicholes : iniciación, anti-

iniciación y alianza », Cuicuilco, 15 (42), p. 29-44.

2013 La vida de las imágenes. Arte huichol, Artes de México, México.

OLIVIER Guilhelm

2011 « Cerfs mélomanes et chasseurs lubriques: chasse, musique et érotisme dans l’ancien

Mexique », in Nathalie Ragot, Sylvie Peperstraete y Guilhem Olivier (dir.), La quête du serpent à

plumes. Arts et religions de l’Amérique précolombienne. Hommage à Michel Graulich, Brepols Publishers

(Bibliotheque de l’École des Hautes Études, Sciences Religieuses), Paris.

PITROU Perig

2012 « Figuration des processus vitaux et co-activité dans la Sierra Mixe de Oaxaca (Mexique) »,

L’Homme, 202, p. 77-111.

PREUSS T. Konrad

1998 « Viajes a través del territorio de los huicholes en la sierra Madre Occidental », in Konrad T.

Preuss, Eduard Seler, Johannes Neurath y Jesús Jáuregui (coords.), Fiesta Literatura y magia en el

Nayarit. Ensayos sobre coras, huicholes y mexicaneros de Konrad Theodor Preuss, INI/CEMCA, México,

[1907], p. 171-199.

1998 « Resultados etnográficos de un viaje a la sierra Madre Occidental », in Konrad T. Preuss,

Eduard Seler, Johannes Neurath y Jesús Jáuregui (coords.), Fiesta Literatura y magia en el Nayarit.

Ensayos sobre coras, huicholes y mexicaneros de Konrad Theodor Preuss, INI/CEMCA, México, [1908],

p. 235-260.

RAMIRÉZ DE LA CRUZ Julio Xitákame

2003-2004 « Wixarika Xaweri », Revista Función, 27-30, p. 3-309.

SAHAGÚN Bernardino Fray

2000 Historia general de las cosas de la Nueva España, II, CONACULTA (Cien de México), México, [1577].

SCHAEFER Stacy

2002 To think with a good heart. Wixárika women, weavers, and shamans, University of Utah Press, Salt

Lake City.

SCHIEFFELIN Edward

1985 « Performance and the cultural construction of reality », American Ethnologist, 12, p. 707-724.

SEVERI Carlo

1996 La memoria ritual, locura e imagen del Blanco en una tradición chamánica Amerindia, Ediciones

Abya-Yala, Quito.

2002 « Memory, reflexivity and belief. Reflections on the ritual use of language », Social

Anthropology, 10 (1), p. 23-40.

2003 « Pour une anthropologie des images. Histoire de l’art, esthétique et anthropologie »,

L’Homme, 165, p. 7-10.

Journal de la Société des américanistes, 103-1 | 2017

148

2007 Le principe de la chimère : pour une anthropologie de la mémoire, Éditions Rue D’Ulm/Musée du

quai Branly, Paris.

2008 « Autorité sans auteur. Formes de l’autorité dans les traditions orales », De l’autorité,

colloque annuel [18-19 octobre 2007, Collège de France], Odile Jacob, Paris, p. 93-123.

STRATHERN Marilyn

1990 The Gender of the Gift, University of California Press, Los Angeles.

2013 « Artifacts of history: events and the interpretation of images », in Marilyn Strathern,

Learning to see in Melanesia. Four lectures given in the Department of Social Anthropology, Cambridge

University, 1993-2008, HAU Books (Master Class Series 2), Chicago, p. 157-178.

WEIGAND Phil

1992 Ensayos sobre el Gran Nayar. Entre coras, huicholes y tepehuanes, CEMCA/INI/Colegio de

Michoacán, México.

YATES Frances A.

2004 L’Art de la mémoire, Éditions Gallimard, Paris, [1975].

ZINGG Robert M.

1982 Los huicholes. Una tribu de artistas, I, II, Libros de México SA, México, [1938].

NOTAS

1. Las sociedades wixaritari o huicholas viven en los estados de Jalisco, Nayarit,Durango y Zacatecas, entre la costa del Pacífico, los márgenes del río Santiago y el surde la Sierra Madre Occidental, territorio que habitan desde tiempos prehispánicos. Lascomunidades indígenas agrarias conforman aproximadamente 400 mil hectáreas y seorganizan en cinco gobernancias, además de los ejidos adyacentes, las poblacionesdesplazadas y los territorios en disputa. El huichol o wixárika pertenece a la familialingüística yuto-azteca, dentro del cual forma un sub-grupo con el cora. Las reglas deortografía del wixárika son aún objeto de debate entre especialistas y hablantes quedisputan las variantes regionales. Me he apegado a la ortografía aplicada en lacomunidad de Tuapurie Santa Catarina Cuexcomatitlán (municipio de Mezquitic, estadode Jalisco), donde he realizado la mayor parte de mi investigación durante estancias detrabajo de campo realizadas entre los años 2007 y 2010 gracias al apoyo del ProgramaBecas en el Extranjero del CONACYT y al Laboratorio de Antropología Social del Collègede France. El trabajo de transcripción y traducción del canto ritual se llevó a cabogracias al apoyo de la Firebird Foundation Project for Oral Litterature. La redacción deeste artículo se elaboró gracias al Programa de Becas Posdoctorales de la UniversidadNacional Autónoma de México.

2. Me baso en la definición de imagen de sí que M. Strathern ha desarrollado en elcontexto etnográfico melanesio, quien dice « People objectify or present themselves to

themsleves in innumerable ways, but must always do so through assuming a specific form »

(2013), p. 157). En la etnología melanesia la performance como forma de auto-representación, como medio de transmisión o como objeto de arte que actúa en elmundo desde la perspectiva citada ha sido elaborada por M. Strathern, pero tambiénpor E. Schieffelin y A. Gell.

Journal de la Société des américanistes, 103-1 | 2017

149

3. Es de M. Houseman de quien he tomado la traducción del inglés enactment al francés(« mise en forme et en acte ») que he traducido al español como « puesta en forma y enacto » (2012).

4. Sobre la etnografía a nivel del xiriki parental, K. Preuss documentó fragmentos endistintas rancherías de comunidades en Nayarit y Jalisco (1998 [1908]), R. Zingg fue elprimero en documentar todo un ciclo ritual en una ranchería y en el centro ceremonialde Ratontita en los confines entre Tuxpan de Bolaños y San Sebastián Teponahuastlánen 1938, pero es J. Neurath quien logró articular el ciclo ritual anual celebrado a nivelfamiliar xiriki, comunitario tukipa y en la cabecera, en su tesis de doctorado publicadaen 2002.

5. P. Liffman atribuye una importancia particular a los rituales del xiriki ya que en SanAndrés Cohamiata, la comunidad donde ha realizado sus investigaciones, la legitimidadde ciertas instancias de poder está en declive y ha perdido la capacidad de englobarsimbólicamente a la comunidad entera, un proceso que desde los años 1960 eraobservado en San Sebastián Teponahuastlán por P. Weigand (1992, p. 48). SegúnP. Liffman, como consecuencia de esta crisis de legitimidad, la vida ritual en los xiriki hacobrado mayor importancia, y « la jerarquía se ha invertido » (2011, p. 89). No es el casoen Santa Catarina, donde de hecho la jerarquía de los templos comunitarios (tukipa) semantiene por encima de la cabecera, si bien las relaciones de poder alternan según losperiodos del año.

6. Este ciclo se complementa con otro ciclo que se ejecuta durante la temporada deaguas o tikari.

7. El culto a estos ancestros es común a todos los templos familiares-xirikite (-te, marcadel plural), y además cada uno se ocupa de la renovación de un número de relacionesrituales que puede variar entre templos al haber sido adquiridos por herencia o bienporque el responsable de hacer la fiesta las ha adquirido como nuevos pactos o deudas alo largo de su vida.

8. Los términos en español no son traducciones literales de los términos en huichol,sino que son los que me proporcionaron mis interlocutores. Por ejemplo, ‘Awatamete esliteralmente personas-cuerno, pero designa a los cinco cazadores míticos que songuardianes del fuego.

9. No nos detendremos en la demostración de las reglas matrimoniales implícita en elritual. Precisamos sin embargo algunos elementos claves para su comprensión. -Matsi

es un término de parentesco correspondiente a un hermano mayor y/o primo mayorbilateral, y -muuta corresponde a hermano menor y/o primo menor bilateral. Ambosdesignan una relación de hombre a hombre. El matrimonio preferencial se realiza entremiembros de una misma familia, no en línea directa sino entre ego y primos/as, tío/a,sobrino/a. Por ello -matsi puede designar al hermano mayor, al primo mayor o alesposo potencial de hermana o prima de -muuta. En consecuencia, - muuta puededesignar a hermano menor o primo menor de la esposa de -matsi (o la madre de -niwe).Al llevar la regla a su extremo, se designa una relación de afinidad potencial con lo cualse completa la condensación de términos contradictorios de parentesco: el jovensacrificador se identifica con el tío materno y el cazador se identifica con el hermano/primo menor de esposa, implicando la transgresión de la regla matrimonial queprohíbe el incesto en línea directa. Los términos de parentesco, que por lo general sonacompañados de un posesivo como prefijo, pueden aparecer sin ellos en el canto, comosucede en el caso de matsi. En el texto no añadí el posesivo en la traducción: -ta es

Journal de la Société des américanistes, 103-1 | 2017

150

« nuestro » y -ne es « mi ». Los términos de parentesco fueron tomados de A. Manzares(2003, p. 81) y cotejados en B. Grimes y J. Grimes (1962).

10. Este término es traducido por el lingüista G. Pacheco como « nacimiento », y en loscantos trabajados por D. Lemaistre (2003, p. 35) su traductor propuso hacerlo como« descendiente ».

11. El ‘iyari se entiende en relación al kipuri traducido como « alma vital » o « rocío »que anima a los seres existentes, sean personas, plantas, minerales, animales oancestros deificados. Este concepto ha sido abordado por la mayoría de los autores quehan estudiado el chamanismo huichol, y coinciden en su traducción como corazón ymemoria (ver, entre otros, Negrín 1985; Lemaistre 2003; Kindl 2007). O. Kindl además lodesigna como una « facultad conceptual y emocional » (2007, p. 367). S. Schaeferdescribe ‘iyari como « a kind of inherited memory that resides in the heart and ispassed down from the ancestors. The ‘iyari is an entity that exists independently of anindividual human being, and is associated with thought, experience, andunderstanding » (2002, p. 53)

12. P. Pitrou (2012, p. 80) encontró entre los mixe de Oaxaca entidades a los que se lesatribuyen actividades que « inventan o moldean las formas del mundo », como lo haríaun ceramista o un tejedor. En esta organización dada por actividades específicas, queP. Pitrou analiza en la creación de depósitos mixe, es que propone lo que llama« régimen de co-actividad » y dice: « Lors de la réalisation d’un dépôt, l’extension de la

sociabilité à un partenaire ontologiquement différent ne s’effectuerait donc pas seulement selon

la logique de l’échange réciproque, elle correspondrait également à un désir d’initier des

mouvements afin qu’un autre, réputé les observer, puisse les réaliser à son tour » (p. 98). Estaidea cobra sentido en la etnografía huichola y podría desarrollarse más.

13. Regresaremos sobre este concepto nativo particularmente complejo que designatanto un tipo de artefactos de uso ritual, como un modo de conocimiento propio alaprendizaje chamánico.

14. El término « -kaiye » quiere decir literalmente « ancestro », y lo encontramos en elcanto con los posesivos -ne (mi) o -ta (nuestro). Es el término ritual para designar al solsegún me indicaron los especialistas rituales. Así lo confirma R. López de la Torre (2006)en su libro sobre mitología wixárika, donde señala que un niño « pobre e inválido » seentregó el fuego en el poniente y tomó el nombre de Tamatsi Xautarika, pero que alemerger en el oriente se convirtió en el « vocero del sol » y tomó el nombre de TamatsiParikita Muyeika, pero cuando finalmente ascendió en el cielo fue nombrado Takaiye,que traduce como « nacimiento del gran poder » (p. 24-25) y como « Sol mayor » (ibid.,p. 34).

15. Los análisis derivados del canto ritual (wawi) se basan en la transcripción ytraducción de la primera parte de un canto (de un total de cinco partes), realizada conla autorización del cantador-chamán en su templo familiar, ya que el registro de cantosen los centros ceremoniales tukipa está prohibido por las autoridades tradicionales. Latranscripción y traducción fueron realizadas gracias a la colaboración con los lingüistasGabriel Pacheco y Angélica Ortiz, el traductor Totupica Candelario y asimismo enconsultas específicas con especialistas rituales.

16. La relación entre el barrido en el ritual y la fertilidad se ha destacado en laliteratura mesoamericanista durante la fiesta de Ochpaniztli dedicada a la diosa Toci,en la cual la escoba figura como símbolo de la feminidad (Sahagún 2000 [1577], p. 250).Según un testimonio citado por S. Schaefer, el cargo de « tenantsi » se ocupa de barrer

Journal de la Société des américanistes, 103-1 | 2017

151

el patio ritual, y en tiempos antiguos correspondía a las mujeres aprendices demara’akame (2002, p. 67, p. 83).

17. Es importante destacar que, entre los cantos de la comunidad vecina de San AndrésCohamiata, D. Lemaistre encontró la misma fórmula (1997, p. 142).

18. La traducción de Tewatsi como abuelo no es común. Esta traducción dada por losespecialistas rituales que consulté se encuentra en un artículo del lingüista J. L. Iturriozdonde analiza el término tewa que considera « palabra clave para entender laestructura social tradicional y las relaciones de parentesco » (2002, p. 80). Ahí nos diceque tewari se emplea como término de parentesco religioso, para las entidades de« segundo rango », después de los bisabuelos como el « dios del fuego »: el « perfilmítico de la figura del abuelo como transmisor de conocimiento »; y con el honorífico -tsi conforma el término tatewari que designa en una relación simétrica tanto a abuelosreales como a nietos (ibid., p. 80-81) y señala que esta palabra deriva probablemente deltewa-kari « llamarse » y el término tewa también se aplica a todos los animalesdomésticos y máquinas semovientes (ibid., p. 81-82).

19. La asociación entre la flor y la vela está registrada en el mito del sol registrado porR. Zingg (1982, II, p. 168-169).

20. Kuruxi puede ser traducido como « cruces » y también como « monedas ». SegúnJ. L. Iturrioz (2004, p. 27), éstas son el « principio vital » o « alma » de las entidadescristianas.

21. En un canto de la ofrenda (mawarixa), D. Lemaistre encuentra que el sol se designacomo teiwari (1997, p. 251), es decir vecino o foráneo, y en un mito documentado porR. López de la Torre se describe como el que trae enfermedades como la varicela o elsarampión entre otras (2006, p. 24-25). Esta interpretación del sol como enemigo esparte de una discusión mesoamericanista. En un libro sobre la cacería de venado y laguerra en el México prehispánico, Olivier reproduce una imagen del Códice Borgia en lacual la entidad de la gestación Tlazoltetol se representa como un prisionero en formade un niño y que porta en un collar (2011, p. 78-79).

22. Por medio de analogías a distintos niveles, se enfatiza este esfuerzo por unir yenlazar. Las diferencias acentuadas entre actores rituales al inicio del ritual van dandopaso a una imbricación progresiva en el plano de las acciones que exaltan la totalidadgrupal. Esto se realiza por ejemplo durante la secuencia anterior al sacrificio, en la quela cuerda con la que se ató la vaca durante toda la noche ata simbólicamente a todos losparticipantes del ritual, rodeando al grupo familiar y el espacio ritual, primero ensentido levógiro y en seguida en sentido horario. Así, el grupo familiar, el jovensacrificador, los niños haakeri, entre otros elementos, son asociados simbólicamente endistintos momentos con la ofrenda sacrificial mawari.

23. Me he basado en un ejemplo proporcionado por A. Gell en Art and agency, en el cualpropone que el principio que anima una « pirámide humana » formada por un equipode acrobacia que designa como « self-made index » se basa en las relaciones agente/paciente a niveles « part-to-part » y « part-to-whole » que se afectan al interior del objeto(1998, p. 41-45). En su célebre ensayo de 1996 (2006, p. 233) define objeto de arte: « I

would define as a candidate artwork any object or performance that potentially rewards such

scrutinity because it embodies intentionalities that are complex, demanding of attention, or

perhaps difficult to reconstruct fully. » Si ahora reconocemos que la aproximaciónrelacional a la imagen es una aportación de la etnología melanesia, el análisis se ha

Journal de la Société des américanistes, 103-1 | 2017

152

refinado gracias a su puesta a prueba en otros contextos etnográficos y desde la teoríasobre el ritual, como por ejemplo en Amazonía (Fausto y Severi 2014).

24. Esta idea se encuentra en el discurso ritual. J. Negrín lo explica en los siguientestérminos: « En esta forma, las familias de las rancherías dispersas entran también encomunión tribal; su sangre, gruesa de siglos de unión espiritual, fluye de cuerpo encuerpo, como fluyen los ríos al mar, todos se forman “de un solo corazón”: “ta iyari yari”

» (1985, p. 30). También está la idea de « un solo camino » (Mata Torres 1974, p. 24-26),que remite al andar wixárika.

25. Según distintas fuentes encontramos que Tatei Waxa ‘iimari es una madre que llevauna falda de estrellas (Lumholtz 1907a, p. 14) y sacrifica a su hijo en Teupa, lugar dondese arrojó el niño a la hoguera que emergió del otro lado del mundo como niño sol(según canto de San Francisco registrado por D. Lemaistre 1997, p. 304), o bien queabandona a su hija la lluvia del oriente, Niariwame (Medina 2012, p. 22, comunidad deDurango). Además, en D. Lemaistre (1997, p. 49) se dice que es la hermana del ancestroCola de Venado – Maxa Kwaxí quien logra robar los primeros peyotes a los guardianesdel desierto, los namakate. En J. Ramírez de la Cruz (2003-2004, p. 102) se la asocia con laVirgen de Guadalupe, como creadora de la música estilo regional. Está a la vez próximaa Tatei ‘Utianaka, a quien también se atribuye ser madre del niño venado que se sacrificópara que saliera el sol (¿su « hermana » o su « doble »?) vía Werika ‘iimari (Kindl 2003,p. 91; Lemaistre 1997; Lumholtz 1907a, p. 11), y tal como constaté en el trabajo decampo.

RESÚMENES

En un ritual agrícola, celebrado en un templo familiar en una comunidad wixárika del occidente

de México, se produce un ensamblaje en una secuencia organizada de actos compuesto por

elementos heterogéneos, artefactos, partes de animales sacrificados y personas, al que se

atribuye la identidad de Nuestra Madre Milpa Joven (Tatei Waxa ‘iimari). Analizaremos la forma en

que cada una de sus partes es creada y manipulada a lo largo de un ciclo ritual en el seno de las

interacciones entre humanos en el patio ceremonial, y entre no humanos en el canto ritual,

instaurando relaciones plurales y contradictorias entre personas del mismo sexo, de sexo

diferente y entre indígenas y no indígenas. Mostraremos cómo este ensamblaje opera como nodo

integrador de los distintos registros de la acción, creando las condiciones para la coexistencia

entre los mundos humano y no humano en el acto creativo, con lo que reflexionamos sobre los

modos de transmisión indígena a partir de la imagen, el tiempo y el cuerpo.

Dans un rituel agricole célébré au sein d’un temple parental dans une communauté Wixárika à

l’Ouest du Mexique, un assemblage hétérogène composé d’artefacts, de parties d’animaux

sacrifiés et de personnes se produit lors d’une séquence organisée d’actes, auquel on attribue

l’identité de Notre Jeune Mère champ de maïs (Tatei Waxa ‘iimari). Nous verrons comment

chacune de ses parties est créée et manipulée au cours d’un cycle rituel au sein des interactions

entre humains sur la scène rituelle et entre non humains sur le plan du chant rituel, en

instaurant des relations plurielles et contradictoires entre personnes du même sexe, de sexes

différents, ainsi qu’entre Amérindiens et non Amérindiens. Nous montrerons comme cet

Journal de la Société des américanistes, 103-1 | 2017

153

assemblage opère comme noeud intégrateur de registres d’action différents en fournissant les

conditions pour que les mondes humain et non humain coexistent dans l’acte créatif. À partir de

cela, nous réfléchirons sur les modes de transmission amérindiens dans les rapports entre

l’image, le temps et le corps.

During an agricultural ritual celebrated in a family shrine in a Wixárika community of West

Mexico, an assemblage composed by artefacts, parts of sacrificed animals and persons is

produced in the course of an organized sequences of acts and recognized as Our Young Mother

Corn Field (Tatei Waxa ‘iimari). We will show how each of its parts is created and manipulated

throughout a ritual cycle, during interactions among humans in the ritual patio and among non

humans in the ritual chant, while establishing plural and contradictory same sex, cross sex and

Indian and Non-Indian relations. We will show how this assemblage operates as an integrating

node, while establishing the conditions for human and non-human worlds to coexist in creative

act. We will thereby reflect on the modes of indigenous transmission in the links between image,

time and body.

ÍNDICE

Mots-clés: assemblage, complexité rituelle, image de soi, relations rituelles, temporalité

complexe

Palabras claves: ensamblaje, complejidad ritual, imagen de sí, relaciones rituales, temporalidad

compleja

Keywords: assemblage, ritual complexity, self image, ritual relations, complex temporality

AUTOR

REGINA LIRA LARIOS

Becaria Programa de Becas Posdoctorales de la UNAM, Instituto de Investigaciones Históricas

[[email protected]]

Journal de la Société des américanistes, 103-1 | 2017

154

On Yanomami ceremonial dialogues:a political aesthetic of metaphoricalagencySobre los diálogos ceremoniales Yanomami: una estética política de eficiacia

metafórica

Sur les dialogues cérémoniaux yanomami : une esthétique politique de

l’efficacité métaphorique

José Antonio Kelly Luciani

EDITOR'S NOTE

Manuscrit reçu en avril 2016, accepté pour publication en octobre 2016.

Introduction1

1 The Yanomami live on a vast territory straddling the Venezuela-Brazil frontier in some

400-500 communities, dispersed through lowland forest and highland savannas.Communities vary in size from a few households to a couple of hundred people living ina circle of domestic places around a central plaza, either under a single circular roof, orin a number of extended-family houses. Inter-village visiting is constant for quotidianaffairs and regular for more ritual occasions like funerary ceremonies. From thestandpoint of any given community, the network of material, marital and ritualreciprocity defines a group of allied communities. Further afield, the exchange of harmin the form of raids, sorcery or shamanic attacks is sustained with a number of presentand past enemies. In these crudest of terms, Yanomami inter-community politicsrevolves around the administration of these relations, through all forms of exchange(for a fully fledged analysis, see Albert 1985).

Journal de la Société des américanistes, 103-1 | 2017

155

2 The wayamou ceremonial dialogues play an important role in this political field. They

are a ritualized form of verbal exchange aimed at the resolution of conflict betweencommunities whose status as allies or enemies has become blurred, and is hence atissue. This means that those who engage in the dialogues normally live at a remove, butstill within the range of mutual influence. A contrast with the dialogues is offered bythe morning and evening harangues of influential elders, called patamou – meaning todo or behave as an elder – directed at co-residents. These monologues’ moralizingcontent looks to create a collective disposition for economic affairs; air and defuse localgrievances; and, in general, orient relations within the community, as well as itsstanding facing other ones (Carrera 2004). Whilst the patamou monologues seek to avoidthe degradation of conviviality into strife, conflict and division, the wayamou dialoguesseek to convert suspect exchange relations into mutually profitable ones, or at leastsettle the mutual status of socially and geographically distant communities.

3 The wayamou dialogues and their variations (himou, teshomomou) can take place in the

context of the elaborate funerary ceremonies where allied communities arrive at theresidence of the deceased by invitation.2 Alternatively they can occur independently, inwhich case the visitors arrive, perhaps after one or more days’ walking, engage in thedialogue during the night, have a restorative meal in the morning, exchange goods andleave swiftly.

4 The wayamou dialogues are a strictly nocturnal affair. After the visitors are received, as

darkness settles, the first pair of visitor-host participants begin. The earliest toparticipate are the youngest and least experienced. As the night proceeds, moreversatile speakers succeed the inexperienced, and towards dawn the elders displaytheir virtuosity. The morning light puts an end to the verbal exchange and inauguratesthe exchange of goods, invariably a topic of the dialogues themselves.

5 In each dialogue, one participant takes the lead, speaking or chanting his phrases,

whilst the other, closely crouched in front of him, responds by repeating his wordsidentically or with a slight variation. The phrases can be sung or spoken, they can bebroken into multi-syllable part-phrases, or even monosyllables. The response has to befast, to the extent that sometimes an interlocutor guesses the lead’s phrase before hefinishes. The voice – spoken or chanted – is usually very vigorous, often intimidating, asthe speaker harmonizes his words with the slight swinging of his body and the slappingof his hands on his crouched legs, punctuating the force of his words. He may also bestanding up, moving side to side facing his contender, perhaps brandishing his bow andarrow. The respondent must repeat the words of the lead, even if what is said is arecrimination; he may at times just acknowledge the rightfulness of the lead’s words.He may repeat phrase by phrase, or syllable by syllable, depending on the lead’s format,or await a separated multi-syllable sequence to end and then utter the reconstructedphrase. At times, a witty response may, for a few phrases, switch the lead of theexchange to the respondent, but in general the convention is that after the lead hasfinished, it will be his turn to listen and repeat the words of his interlocutor. As the twointerlocutors consume themselves in this verbal duel, which tests their physical andvocal stamina to an extreme, everyone else listens from their hammocks.

6 Visitors relay each other, as do hosts, although these successions need not be

simultaneous, and depend both on individual stamina and ability, and on the number ofable speakers present (Lizot 1994b). A bid to replace a fellow participant is initiated

Journal de la Société des américanistes, 103-1 | 2017

156

from one’s hammock with an itʰouwei « descending » (from the hammock) chant,consisting of longer phrases sung at a slower tempo.

* * *

7 In very general terms the wayamou is functionally, aesthetically and linguistically of a

kind with other Amerindian ceremonial dialogues, as analyzed by Urban (1986): itoccurs within a context of potential social disruption among socially distant peoples(but see Alès 1990, p. 228 for caveats); it semantically and pragmatically recallsculturally specific means to achieve social cohesion; it is a distinctive, recognizable andstylistically marked form of dialogue; it stages the mutual implication of verbal withmore generally social forms of solidary interaction; and host-visitor pairs takealternate « semantic » and « responsive » turns. Additionally, this Yanomami exampleshares several more specific characteristics with its functional homologues elsewherein Lowland South America: it is revelatory of principles, and participates in thenegotiation, of the contours of wide-scale social organization, as is the case among theTrio, Waiwai and Wanano (Rivière 1971; Fock 1963; Chernela 2001); it is an artful andcompetitive duel-like speech genre that takes time to master and thus distinguishes theyounger from the elder in terms of quality of performance, as is described for the Trio(Rivière 1971) and Jivaro ensemble cases, with which it also shares the importanceassigned to vocal potency and vehement expression (see Gnerre 1986; Descola 1996,p. 165-172).

8 There are also important differences either accountable to the phenomenon itself or to

the way it has been analyzed. In contrast to what Rivière (1971) and Fock (1963) sayabout the language used in Trio and Waiwai dialogues, respectively, wayamou does notuse archaic words or those that are otherwise distinct from those used in everyday talk,though certain metaphorical constructions and a few words would appear to be specificto or at least most common in wayamou (see examples in Lizot 1994b). Despite the use ofstereotyped, formulaic forms, as I shall try to show in the examples below, it is hard tocharacterize wayamou as void of communicative content, that is, where the phatic asopposed to message-bearing function is definitely overriding, as is said of the Jivarocases (Gnerre 1986; Descola 1996; Surrallés 2003). Last but not least, the weight ofimprovisation in the expert execution of wayamou places Yanomami wayamou on theimprovisatory pole of formalized speech genres when compared, for example, withXinguano « chiefs’ conversation » (Franchetto 2000) or Tukanoan ceremonial chants(Hugh-Jones, pers. comm.) based on the recital of memorized canonical and/or esotericknowledge, with little or no room for improvisation.

* * *

9 Before laying out the structure and argument of this paper, it is best I describe the

context that made it possible. Most of the wayamou sessions I have witnessed occurredduring assemblies of the Brazilian Yanomami organization Hutukara (2008, 2010, 2012),involving Venezuelan Yanomami invited to the meetings in the role of visitors, and amixture of Brazilian Yanomami in the role of hosts. In the last two of these meetingsheld at Tʰootʰotʰopɨ (2010) and Watorikɨ (2012), I recorded the wayamou dialogues ofMarcelo Borges and Alfredo Silva, Yanomami elders from the Parima highlands, and

Journal de la Société des américanistes, 103-1 | 2017

157

members of the newly created (2011) Venezuelan Yanomami organization Horonami. Infact, the visit to the 2010 Hutukara assembly served as a catalyst for creating Horonami.These wayamou sessions are held on the first night of the four-day meetings that duringthe day are engaged in discussing different aspects of Yanomami-state relations(health, education, illegal gold mining, land invasions, etc.) among the Yanomamithemselves, and with state representatives. In 2010, the discourses of the ParimaYanomami focused on demanding information as to how to create an organization andsecure financial aid from White (napë) allies for this purpose. In 2012, with Horonamijust being created, their requests were for advice and mediation with Whites from theirmore experienced counterpart (Hutukara).

10 Between early 2013 and late 2015, I transcribed and translated fragments of these

dialogues with three Yanomami collaborators: Marcelo Borges, Donaldo Silva andBruno Borges. Part of this work yielded a Yanomami-only publication (Borges et al.

2015). All the wayamou extracts presented below are taken from this book and are thefruit of this collaborative work, from which I have benefited greatly, not least becausemy collaborators’ comments as we transcribed/translated provide me with anindigenous perspective on wayamou that I could have hardly elicited or noticedotherwise. On the other hand, an indigenous organization’s assembly is a novelscenario for the holding of wayamou. Beyond its more conventional socio-politicalcontext, this creative extension of wayamou performance gives all the examples Ipresent below a particular inflection, where an inter-community ritual form comes toinclude an inter-ethnic content.

* * *

11 In this paper I describe and analyze the wayamou dialogues, taking a closer look at the

following:

The significance of their tropic nature. Although the use of the whole field of verbal

resources and the densely metaphorical character of wayamou is evident in Lizot’s previous

translations/interpretations of segments of these dialogues (1994b, 2000), I want to dwell on

the Yanomami understandings of metaphorical and circumventing language and how it does

its work. It is also true that trope is given little consideration in the wider field of

comparable ceremonial dialogues (see Urban 1986; Monod Becquelin and Erikson 2000;

Rivière 1971; Fock 1963; Gnerre 1986; Surrallés 2003; Chernela 2001). This metapragmatic

approach shows how trope is associated with conflict resolution; indexes highly valued

knowledge and skills contributing to political persuasion; and indexes past relations and

exchange expectations with the necessary diplomatic indirection.

The role played by knowledge and skills acquired in dreams. The importance of dreams that

comes vividly forth in Kopenawa’s auto-ethnographic account (Kopenawa and Albert 2010)

has, somewhat surprisingly, not been matched by its analysis in Yanomami studies. As with

other influential aspects of Yanomami life like shamanism and hunting, the ability to

« dream afar » is fundamental to excel in wayamou. Dreaming is the source of knowledge of

distant places, peoples and things to be displayed in « naming the forest », as it is of the

verbal skill to aspire to expert performances.

The manner in which « naming the forest » socializes space. Urifi wëyëɨ, glossable as

« naming the forest » or « naming places », is a fundamental aspect of wayamou discourse,

where all sorts of features of the landscape and its associated peoples and resources are

named. Whereas Lizot (1994b) shows this topographic naming to be a way of socializing the

forest, in concentrating on the intrinsic relation between places, peoples and resources

1.

2.

3.

Journal de la Société des américanistes, 103-1 | 2017

158

condensed in the notion of urifi, I want to show how such socialization is achieved mainly by

indexical means. I draw here also on Alès’ work (1990) to suggest that the inter-indexicality

between place, people and resources also allows for the referencing of events and peoples

gone by, a necessary form of diplomatic indirection among a people who hold a strict

prohibition on naming the dead.

12 Attention to wayamou’s metaphorical efficacy in conflict resolution and its dependency

on dream-derived knowledge and skill provide evidence for an argument I will onlyspell out in full in the conclusion: this combination of features in wayamou discoursedelineates an aesthetics of political agency of a kind with that of Yanomami and otherforms of horizontal shamanism (Hugh-Jones 1994) in Amazonia. Such proximitysuggests lines of continuity between political and religious agency and comes as aninvitation to bridge the gap Amazonianist anthropology has carved between theanalysis of intra-human politics and that between humans and non-humans.

13 Further reinforcing the argument that wayamou and shamanism share discursive

aesthetics and knowledge practices (dreaming) is the premium placed on various formsof improvisation as well as the perspectival person deictics deployed in the dialogues.Both these topics are dealt with in specific sections.

14 All the examples presented also demonstrate how expert wayamou speakers can

metaphorically translate the contents of inter-ethnic politics into the language ofexchange, myth, cosmos and Yanomami everyday life. This ability to make the novelresonate with the known has been recognized as a particularly shamanic expertisedeployed within the ongoing transformations of colonial and post-colonial Amazonia(Carneiro da Cunha 1998).

15 To my knowledge, this connection between ceremonial dialogues and shamanism has

not been as clearly stated in the literature, even though Alès (2006) has rightly notedthe use of gender shifting as demarcating a special ritual context in both wayamou andshamanic discourse. Elsewhere, Erikson (2000) has analyzed ordinary salutationsamong certain Amerindians as means to resolve the suspect ontological status ofvisitors. The tension surrounding formal visits among the Candoshi also leads Surrallés(2003) to think of the non-linguistic performative aspects of this welcoming ceremonyin terms of laying an ontological common ground as the precondition forcommunication among equals (human/Candoshi). In both cases, it is the renownedAmerindian mistrust of appearances (spirits and people are not always easily toldapart) that calls for measures to dispel ontological doubts.

16 Comparatively, I don’t think wayamou intends to clarify the ontological status of

visitors, mainly because any such suspicions will have been resolved in the« presentation dances » involving war mimicry and sexual bantering with whichYanomami enter host communities in formal visitations. Wayamou only commencesafter dusk, once visitors have settled in, and thus should not, strictly speaking, beconsidered a welcoming ceremony. Neither is the tension surrounding the dialoguestied to ontological concerns. The danger of wayamou lies in people having to talk aboutdelicate subjects – past grievances, hostilities, the dead – and recriminate and makeclaims on each other – current problems, requests of exchange or alliance – theoutcome of which is highly uncertain. Wayamou constitutes a political edge betweenpeace and conflict.

17 Ethnographic differences notwithstanding, with Erikson and Surrallés I want to

approximate human and inter-specific politics, but whereas they deal with discursive

Journal de la Société des américanistes, 103-1 | 2017

159

and aesthetic practices to reduce the ontological ambiguity of others – are thesevisitors human or spirits? – my tack, complementary to theirs, posits a single set ofdiscursive and aesthetic practices to influence others – be they human or spirits.

* * *

18 Given that previous analyses of wayamou (Lizot 1994a, 1994b; Alès 1990, 2003) 3 have

already established its correspondence with Yanomami social organization; its role inthe regulation of conflict, and hence in defining the relevant social categories of alliesand enemies; the importance Yanomami place on exchange in the establishment orbreakdown of alliance, and hence the continuity between verbal and physical violence;my concentration on these sociological aspects will be limited.

19 My approach is semiotic and performative, detailing how trope effects the sociological

work attributed to the dialogues, that is, I focus on metaphorical and indexicalprocesses (semiotics) deployed in hope of influencing interlocutors according to thespeakers’ political expectations (in this sense performative). This contrasts with thegeneral trend in which the absence of content in similar ceremonial dialogues has ledanalysts, in line with Urban’s (1986) comparative study, to understand their pragmaticeffects mainly in terms of achieving social cohesion in situations of tension.4

Metaphorical language and conflict resolution in wayamou

20 Working with the wayamou dialogues, my friends conjured the expression ã wã poapou

to match my sense of « metafora » in Spanish. Ã wã poapou conveys the sense ofcircumventing speech. The key part of the expression is the root poa-. When asked toexemplify its use, the first image offered was that of a creek from which a new arm isborn after heavy rain, circumventing a piece of higher ground. As he spoke, Marcelo’shands described a skirting move. As transcriptions proceeded, it became clear ã wã

poapou included all sorts of linguistic devices that avoided straightforward ways ofsaying things. Considering it is circumvention that Yanomami emphasize, I shall bereferring to metaphor in this very wide sense, subsuming, as Wagner (1972) does, allforms of trope as against lexical denotation. It is important to note from the outset thatthe use of metaphor in wayamou should not be understood as a way of hiding trueintentions or related to a general « distrust of language as a medium for knowingpersonal intentions or social states », as it has been described for New Guinea peoples(Stasch 2011, p. 168). For example, it is conventional that desired objects in wayamou

may not be requested explicitly; instead, they must be obliquely alluded to, in shortmetaphorical sequences. Talking quite off-handedly about this characteristic way ofasking for things, one Yanomami described the circumlocution involved in thefollowing terms: one must lie to (nasi-), but not deceive (mɨrã-), one’s interlocutor. Aswe shall discuss below, metaphor is about diplomatic appropriateness, politicalpersuasion and artful display all conjoined in an aesthetic efficacy.

21 My colleagues concur that only elders know how to metaphorize well in wayamou.

When youngsters participate, they name things, places and animals directly. Thesewords are considered « worthless » (tʰë ã kua pëa, tʰë ã nowã kuami). The clarity of

Journal de la Société des américanistes, 103-1 | 2017

160

youngsters’ words is their demise. Elder’s wayamou, in contrast, is true and important(peheti). In the context of wayamou, « clear words » (tʰë ã wararawë) are inadequate,whilst metaphor is the mark of correct performance.

22 When Yanomami comment on the wayamou in the abstract, it is conflictive contexts

and their resolution they presume and emphasize. In a generic rendition, whencommunities in conflict come together for wayamou, from the beginning, one host afterthe other will reprimand the visitors for their wrongdoings; this is forceful, dangerous,effective talk (wã wayu). The belting of criticism continues through the night and onlytowards dawn, after people have spoken their minds without restriction, will the moreexperienced seek to bring the dialogue to a compromise for the maintenance of peace.This phase of friendship talk is characterized in terms of okeprou « calm oneself down »or okemayou « to calm each other down ». The wayu/oke- opposition is important. Wayu

designates powerful substances like hallucinogenics, tobacco and poisons as well asenemies and dangerous situations. Okewë designates tasteless food, substances withouteffect over the body, and more generally harmlessness. What is at stake is thetransformation of affective states. The aggressive criticizing is necessary to appeasepeople, disposing them for reconciliation once they have become oke « calm » (forsimilar renderings of this sequence, see Kopenawa and Albert 2010, p. 397 andAlès 2003, p. 212).

23 The ability in wayamou is referred to as being aka hayu, an expression that more

generally refers to the ability to speak the Yanomami language correctly. The term isopposed to aka porepɨ, literally « to have the tongue of ghosts », and refers to smallchildren who don’t yet speak properly, mutes and those who don’t know how toparticipate well in wayamou. Not having the skill for wayamou is thus likened to notbeing able to speak at all. In a sense wayamou epitomizes language and speech, which iswhy the staccato style of wayamou, with the predominance of incisive short phrases andagile use of linguistic resources, appears, though to a lesser extent, in elders’ eveningand morning harangues (patamou), as well as in any serious conversation (seeLizot 2000). In this way of talking, ideas are uttered as a monologic enchainment ofverses, as in a poetic declamation. This contrasts with everyday talk, which is closer tothe format of a conversation, being more dialogic, straightforward, and with a differenttempo.

24 But aka hayu also refers to a person’s adroit handling of exchange relations and is an

accolade of influential elders who exemplify Yanomami exchange morality. In contrast,aka porepɨ may also indicate a person who gives things away without return and hencedoesn’t know how to make him/herself respected (Lizot 2004 p. 8). In myth, Pore

« Ghost » – the key term in aka porepɨ – is the master of plantains and incarnates anti-sociability on several accounts: he is stingy, doesn’t speak well, and scolds theYanomami for stealing from his garden (Lizot 1994b; Carrera 2004). The linguistic andmythological connection between speaking well and the morality of exchange is veryexplicit. As Lizot says, Yanomami « establish an equivalence between the exchange ofgoods and oral communication, that is an exchange of words » (1994b, p. 64). Sowhereas with Urban we can say wayamou is a « “model for” ordinary conversation, and,indeed, social interaction more generally », more than « conveying a message aboutsolidary linguistic and social interaction » (1986, p. 371), what wayamou does is reflectthe solidarity Yanomami pose between linguistic and social interaction.

Journal de la Société des américanistes, 103-1 | 2017

161

* * *

25 We have mentioned that it is youths who initiate the wayamou when night falls, and

that the clarity of their words makes for crude, disappointing performances. Youthsinitiate the wayamou to gain experience. Not knowing what to say, they anxiously limitthemselves to conventionalized formulas, void of communicational content(Lizot 1994b). Voidness notwithstanding, my colleagues stressed that youngstersbasically screw things up: they may instigate violence or deny exchange and assistance.It is left for the elders, later during the night, to mend their words and push for peace:

Oshe pë rë kui, pë ã wariaɨhe, « pë niya sheɨ, pëfë topëimi », ma kui, pata pënɨ pë wayamounomihɨo tëhë, pë ã wayamou sharirou.Youngsters speak badly/mess things up with their words, [they say] « we will hityou », « we won’t give you anything », but when elders speak in turn, theystraighten the wayamou (they offer things and assistance; they respond todemands).Pata pë rë wayamowei tëhë, oshe pënɨ tʰë ã rë warianowehei tʰë ã niya katehaihe. Oshe pëpufi taomi ha.When elders do wayamou, they will mend the ugly/wrong words of the youngerones, because youngsters are not wise/hospitable (they don’t foresee theconsequences of their acts).

26 From these descriptions, I want to stress the link between metaphorical skill and

pacifying competence ascribed to elders’ aka hayu speech in contrast with that ofyoungsters, who, like Ghost, exemplify the link between bad speech and anti-sociability.

Dreaming and naming the forest

27 How does one become aka hayu? For starters there is individual talent and personal

interest. To learn wayamou one must live with expert speakers and pay attention totheir chants. It is said eating hot peppers prepares the throat for forceful and fluidspeech in wayamou. Alès mentions that having the spirit of the short-tempered« Lightning Woman », Tʰafirayoma, is essential to being aka hayu. Her lightning/fire isassociated with « eloquence, volubility and phonic potency » (1990, p. 238).

28 On the other hand, there is dreaming. In general, dreams in which one sees, listens to,

or engages with animal masters, mythical ancestors or other forest spirits are afundamental source of knowledge and capabilities. Oneiric visions and travel arecentral to shamanism and hunting. In relation to wayamou, I was told that in mythicaltime Yanomami ancestors approached amoa hii, the « tree of songs », attracted by thebeautiful melodies that sprang from it and that they had never heard. The ancestorsretained these songs, acquiring the ability for wayamou. Today one may dream with thisscene to do well in wayamou.

29 Certain birds are considered aka hayu, and thus are good dream-targets to become aka

hayu oneself. Three bird-spirits – shitipaririwë, perhaps the buff-throated saltator;5 ayakorariwë, the yellow-rumped cacique; and kirakira moku, the red-fan parrot – werelisted to me as aka hayu birds who retain their vocal ability of mythical times, speakingYanomami language and holding wayamou among themselves. According to Kopenawa,shitipaririwë and ayakorariwë, among other birds-spirits, are « masters of chants » andhave a prominent role in bestowing vocal ability on shamans (Kopenawa and

Journal de la Société des américanistes, 103-1 | 2017

162

Albert 2010, p. 95, 142). Alès (2003, p. 222-223) also mentions yarapiariwë, a kind ofsparrow, and arimariwë, a species of parrot, as bird-spirits that enhance speakingabilities.

30 But perhaps the most relevant connection between dreams and wayamou is related to

urifi ã wëyëɨ, « naming the forest ». The first time I asked Marcelo, point blank inTʰootʰotʰopɨ, why Yanomami engage in wayamou, he simply said they want to name theforest. Wayamou dialogues are replete with socio-geographic references: present andpast places of residence, rivers, rapids, large rocks, mountains, bamboo groves, etc.,along with their associated peoples. As Lizot (1994b) says, naming the territorysocializes space. In this connection all sorts of Yanomami groups are mentioned. Apartfrom specific communities, more generic social categories like the shamatʰari and thewaika are recurrent. These terms form part of the Yanomami sociological landscape andconstitute a relational opposition: the former refers to peoples living south or west ofthe speaker’s community, the latter to those living north or east (Lizot 2004, p. 456).Specific peoples such as the parafiri (a term associated with groups in the Parimahighlands) and the napë (Whites) are also frequent sociological references.

31 In naming the forest, one mentions not only the regions one inhabits or visits, but also

those one knows only in dreams. In effect, dreams with distant places are the veritablesource of the ability to name the forest, as they are for shamanism and success inhunting. One of the terms for dreaming, tʰapimou, linguistically includes this referenceto distance, its root tʰapi- also appearing in tʰapi ha, meaning « further away »(Lizot 2004, p. 434). Correspondingly, tʰapimou means to have a premonitory dream,often about the proximity of visitors or enemies, or to dream about distant places orpeople (Lizot 2004, p. 434).6 It is not enough, then, to recite places one has heard about,my colleagues insist; one must see them close in dreams, to know and then name themduring wayamou. It is as if dreams had a superior capacity to fixate knowledge.

32 Let us now turn to Marcelo’s Itʰouwei chant, for it is a good example of naming the

forest and its links with people and resources.

1. « rafaka shiiwë këkɨ upraa fe rë weyape, ei këkɨ fe ã nɨ watupapɨ rãɨ fe rë weyape, ya e ãfãwëaɨ yaio sho », wamaekɨ pufi kuu hõã hokëprou yaiwë ha« The rafaka shiiwë bamboo grove that stands afar, the vultures raising flightindicate its presence, I will name it at once » you (second-person plural, refers to allhosts in the community) are thinking this as you rise for the wayamou2. « ha, ei rafaka si koropirimi, ei oru këkɨ upraa fe rë weyape, ya e ãfã ta wëa sho, yoyo awãri tʰarema a wãri wapë » yamare nofi tʰapou yaio ta përa sho« The rafaka si koropirimi bamboo grove, this snake that stands afar, I will name itimmediately, he will kill a yoyo toad and eat it », what does it matter [if] you reallyregard us like this?

33 Lines 1 and 2 find Marcelo impersonating his hosts, who will name (ãfã wë-) two

bamboo groves. These bamboos, generically called rafaka, are used as arrow points, andare correspondingly also called rafaka. To mention the grove is also to name thearrowhead. In 1, rafaka shiiwë, glossable as « shitting point », is a type of arrowhead saidto cause a victim to excrete after it has been struck. In 2, another arrow point, rafaka si

koropirimi, is named. This bamboo has a slightly rough surface and is thus likened to theskin of a snake, emphasizing its deadly efficacy. In saying his hosts will « name » theseplaces, Marcelo is in fact asking them to offer that of which they have plenty, for thearrow points metaphorize any exchange object, and in this particular case, they standfor an explanation about Hutukara. Line 2 is a variation of 1, repeating the request but

Journal de la Société des américanistes, 103-1 | 2017

163

adding its motive. « He will kill a toad and eat it » means, at a first level of trope, that,having obtained arrow points, Marcelo will hunt game – mentioning a toad is anunderstatement. The real sense is that, having had Hutukara explained to them, he andhis fellow Yanomami will create an organization in Venezuela (as in fact happened).Marcelo’s impersonation is a friendly request: Hutukara tʰë ã niya wëaɨ … rimɨmayou tʰë

ã, pufi topramayou tʰë ã. « [The interlocutor] will explain about Hutukara … this isalliance talk, words to content one another. »

34 Two important metaphorical correspondences appear in these lines: first, arrowheads

may stand for anything one may desire; and, second, naming an object or the placewhere it flourishes is tantamount to offering it (or alternatively demanding it). In fact,the term wëyëɨ means to give or offer something, whereas ã wëyëɨ, where ã meanssound/voice, is to talk about or explain something, and in urifi ã wëyëɨ is to namespecific territories. Finally, ãfã wëyëɨ, in which ãfã means « name », is to « promise,assign a name » (Lizot 2004, p. 453).

3. ha, waika wamakɨ përɨprainɨ, waika wamakɨ përɨprainɨ, wama ãfuku pëfi kãi kemarema,e ãfuku hukukuaaɨ yai ya ta përaheYou (second-person plural) waika who live dispersed, you waika who live dispersed,you have arrowed a toucan (lit. you have made the colored tail of the toucan fall),what does it matter [if] you pluck the tail feathers (to offer them)?4. ha, waika wamakɨ rë përɨprai, wamakɨ rë përɨprai, wama ãfuku pefi kãi kemarema, eãfuku niya huuaɨ yai a ta përaheYou waika who live dispersed, you waika who live dispersed, you have arrowed atoucan, what does it matter [if] you place the tail feathers in my earlobe?

35 The general sense of lines 3 and 4 is glossable as « you people gathered here, you are

well supplied with manufactured objects and aid from Whites, you have Hutukara: letus know how we can achieve such wellbeing with an organization ». In my colleagues’terms: wamare shiroko shimatihe, wamare topëɨ totihiopë, matohi a nakaimi, organización a

nakaɨ. « Don’t send us home empty handed, give us plenty, he [Marcelo] is notdemanding things, he is asking for the organization. »

36 Several tropes are involved. First, ãfuku, the red and yellow feathers of the toucan

(mayepɨ), is a metonymic reference to the bird whose feathers are used for adornment.Second, the adornment substitutes for objects and, again, the information onHutukara’s process and success. The waika in these phrases refer to the BrazilianYanomami, given the latter’s location (to the east of Parima).

5. waika pë rë përɨprai pë rë kuinɨ, hokoro a tʰaɨ totihia mrahei, waika pë përɨhou totihiapëtaThe waika living dispersed, they don’t make bird-hides, the waika just live withoutreason6. pë nɨ hëɨmɨpɨ si fa niyaonɨ, pë rë riyëhapeThey kill many cotinga birds with arrows and beautify themselves

37 Lines 5 and 6 point to hosts’ having an organization and material wellbeing. But line 5

is an antiphrasis. Although it is said the waika don’t make bird-hides, implying theydon’t have adornments, quite the opposite is meant. « Wamakɨ n ɨ◌hɨ◌te… paushi tʰarëwë. Wamakɨ sinap ɨ t ʰë hirimaou kuwë ma kui, nɨ◌hɨ◌te wamakɨ… wamakɨ matofip ɨwaikiwë!… wamakɨ hori ma rë mrai, yamarëkɨ ta topë rë! » « You (waika) are good hunters,you are people with adornments. It sounds like “you are bad hunters” but it means“you are good hunters” … you are full of goods … it is clear you are not in want forthem, give us! » The inversion of 5 is evidenced in 6. The bright blue breast skins of thecotinga are used as earlobe adornments by Yanomami men. Again, the adornment

Journal de la Société des américanistes, 103-1 | 2017

164

substitutes for objects, and these in turn for the organization. In Marcelo’s rendering:« Wamakɨ napëprou wakirayoma, kafë wamakɨ iropɨ si rë taowei naha ya kuaaɨ mɨ fetuopë.

Organización ya tʰë warɨ. » « You have already become like Whites [you have their objectsthat have come from stable relations with them], just like you have clothes, I, on mypart, want to have them too. I am asking about the organization. »

7. niyayopë u katɨa payëkëa fe rë weyapeThe river Niyayopë that lies afar8. wetinɨ pei wã tʰë pë hapa hõã shurukaɨ yaio ma ta tʰawëI wonder who really started the war there a long time ago?9. urifi ã wã nofi kuo mrãõpë ha ya përɨa totihia yai ya kuteenɨthere is no longer war there, because I live there [I can explain our situation]10. kihi shokekere tʰë parɨkɨ praa fe rë weyaratithe Shokekere mountain range that lies afar11. kihi hatakuatʰari pë rë përɨhoratithose chachalaca spirit-people who live afar12. kihi rafaka warowaropɨwei këkɨ rë uprapethat warowaropɨwei bamboo grove that stands afar13. ɨ◌hɨ◌ rë ya kɨ ãfã wëkei tʰawëI am to name/offer it?

38 From line 7, Marcelo begins to name his region (Parima). The niyayopë, « shooting

arrows at one another » creek, crosses the savanna home to several communities. It lies« afar » because Marcelo is speaking at Tʰootʰotʰopɨ, which is far from Parima. Lines 8and 9 refer to the region being named after prolific warring in the past (I am unsureabout a precise translation for line 9). In line 10, Shokekere, the « circular » range, refersto an arc-like range of mellow hills in Parima. In line 11 the chachalaca spirit-peoplewho live at Shokekere is an oblique reference to the Yanomami who live there. Why thespecific reference to spirits and why the chachalaca, I could not discern. My colleaguessaid this is simply pata tʰë ã, aka hayu tʰë ã, « elders’ speech, experts’ speech. » Line 12names another bamboo grove, this time a specific place in the region of Momoi (northof Parima). At this point Marcelo is implicitly asking his audience: « Do you know thisplace? » My colleagues add: pë rë hekuramouwei pë rë kuinɨ t ʰë shirõ niya taɨhe.

Wayamorewë pënɨ tʰë taɨhe. « Only shamans will know this place. Those who excel inwayamou will know this place. » Shamans and expert wayamou performers dream a lot,which is why they will not only name many places but also recognize them whenspoken by others. In line 13, asking whether he will name this region brings us again tothe intrinsic link between naming places and offering their resources. Marcelo is sayingthe visitors to the assembly have brought nothing to exchange. How is he to name aplace if he has nothing to offer? Yamare wayamomaɨ yaro, ya hore kuu pëtao, ya nofimou

pëtao, urifi ya wã wëyëɨ pëtao. « Given they incited us to wayamou, I mention this in vain, Iam just being friendly, I am just naming the forest (in vain). » In broader terms, thislack of objects refers to the dire situation the Parima Yanomami find themselves in. Anovergrown population has drastically reduced game available and induced deforesting,making the land infertile for gardens. A relative bonanza of goods and food previouslycoming from New Tribes Mission missionaries, and then directly from the governmentafter their expulsion in 2006, has also dwindled in the last few years. My colleaguescomment: ya tʰë ã tʰapou pashiami, matohi ya tʰapoimi, organización ya tʰapoimi « I havelittle information to offer, I have no objects [to exchange], I have no organization »,yamakɨ nɨ rë prëaɨwei, ya tʰë ã niya wëaɨ, wama tʰë ã tapë, « I will explain to you how wesuffer [in Parima] for you to know. »

14. kihi hiomari pora rë yaupe

Journal de la Société des américanistes, 103-1 | 2017

165

The Hiomari bird falls that hang afar15. kihi shamatʰari pë përɨprawënɨthe many Shamatʰari who live there16. këkɨ nɨ shamapɨ fa waahenɨthey eat plenty of tapirs17. ɨ◌hɨ◌ pë waɨ ma yokaaɨhe tëhëbut they eat by themselves (away from us, because they live in another region)18. ũasi, kamiyë shamatʰari yamare hõã hore hore rë hiraporayoiyounger relative, you have being calling us Shamatʰari mistakenly19. kamiyë shamatʰari ya mraiI am not Shamatʰari20. kamiyë fei pɨrɨsɨ tʰeri ya riiI am from the savanna21. kihi horomopë këkɨ pepi haat the foot of the Horomopë (whistling) mountain22. kihi mõrõ a wai rë titiratithe small armadillo in his burrow afar23. fesi wai ma shuwëo tëhëdespite its shell being small and thick24. « ya e fesi ã wai yupo sho »« I will request a small shell at once »25. awei ũasi, wamakɨ pufi kuu waikiwë rëYes, younger relative, you (second-person plural) are already thinking this

39 Lines 14-25 continue naming toponymic features of Marcelo’s region but establishing a

contrast with people living down-river from Parima, people they call Shamatʰari. It issaid they eat many tapirs because they live in a game-rich forest, and not the savanna.The contrast is introduced to stress Parima people’s lack of game, but also because thehost Yanomami were calling their Parima visitors « Shamatʰari ». There is an issue ofperspective here. Whilst the hosts consider the visitors Shamatʰari, the visitors useShamatʰari to refer to this aforementioned down-river people. Here again mycolleagues comment on dream knowledge: « In Tʰootʰotʰopɨ Yanomami also dream, theyalso know distant places. When Marcelo names the Shamatʰari region [in his audiencesome] will say “oaoaoa, I have been there in dreams, Marcelo is speaking the truth”.They will think “he is either a warrior, a good huntsman or a shaman”. He is adreamer. »

40 After naming elements of Shamatʰari topography he then refers again to a hill in his

region, Horomopë, « whistling mountain ». The reference to the small armadillo inlines 22-24 is again a reference to the Yanomami who live at the base of this mountain,that is, themselves. The small and thick-shelled armadillo makes for a poor exchangeobject and is a metaphor for the undignified way the Parima Yanomami are living. Thefinal lines refer to how Marcelo imagines that his hosts are eager to learn about howthey live, even if they as visitors have really not much to offer in terms of goods orinformation.

* * *

41 Let us take stock on some of the connections already visible in this segment. First: on

exchange and its metaphorical and sociological dimensions. Marcelo mentions manyexchange objects: different arrowheads, ornaments, a shell. Lizot (1994b) underscoresthat items requested during wayamou are to a large extent « imaginary », for they donot correspond to what actually changes hands in the morning. This in part is due to

Journal de la Société des américanistes, 103-1 | 2017

166

the indexical function of many (surely not all) requests: my colleagues insist suchdemands are « alliance talk » uttered not in pursuit of the often trifle object mentioned,but as an indication of the general disposition to exchange and aid each other. On theother hand, they insist that in reality they are after more valuable items (see Alès 1990),which suggests that specific phrasings of demands form part of the poetic conventionsof wayamou. Furthermore, in the segments presented (here and below), we see speakershave a given objective, they state over and over, enchaining metaphorical sequences,couching their demand with a variety of assertive, subtle, and witty overtones. Thelanguage of exchange lends itself as a meta-metaphor for such objectives.

42 The recursiveness of « exchange talk » and « exchange do », the intrinsic implication of

expert oratory and adroit handling of exchange relations, are mutually reinforcingstatements about exchange itself. As Lizot (1994b) and Alès (1990) both state, themeaning of all the exchange talk in wayamou requires taking a step back to grasp itsoverall sociological dimension, which is none other than to reiterate the importance ofreciprocal exchange for the sustenance of a peaceful relations. Whilst it can be said,following Urban, that wayamou conveys, in semantic and pragmatic terms, « a messageabout how cohesion is and should be achieved » (1986, p. 371), we cannot forget that italso exhibits the very opposite of social cohesion without leaving the register ofexchange talk. I am referring to the vehement airing of grievances that precedes andconditions alliance talk. In a very Maussian and Lévi-Straussian sense, wayamou

exhibits the conceptual continuity Yanomami pose between war and peace, different inthe « valence » of exchange, but not different in kind (Lizot 1994b; Alès 1990).

43 Second: on the connection between naming the forest, its people and resources. The

first thing to note is that there appears to be a naming sequence: topographicreference, people, things.

Bamboo groves – Waika – adornmentsRiver – mountain – chachalaca-spirit people – bamboo grove (arrow points)Water fall – Shamatʰari – tapirsSavanna – mountain – armadillo – armadillo shell

44 This may or may not be a conventional sequence, but what is more important is that

naming the forest exhibits an inter-indexicality between place, people and resources,whereby naming one element can index another. This feature of urifi ã wëyëɨ « namingthe forest » is attuned with the way urifi is conceived by Yanomami, not just as a chunkof nature, but as a territorialized conjunction of specific human and spiritualpresences, the outcome of which is a place with given characteristics.

45 We knew that naming the forest socialized it (Lizot 1994b). Now this notion of urifi and

the inter-indexation of is components allows us to suggest a way in which this comesabout. If the equivalence between the exchange of words and goods hinges on bothbeing forms of exchange, I think the one between naming and offering/demandinghinges on both presenting something absent, on making it visible, and, for that veryreason, available or subject to request. In Yanomami everyday life, objects in sightexpose their owners to exchange (hence desired objects are kept hidden), but namingpeople is offensive (and hence avoided) because, as Lizot and Clastres (1978) analyze,the individuation that comes with naming invokes death (see Erikson 2000 for theopposite correlation of naming with life among Pano-speaking peoples). Naming thedead is an even greater breach of norms. In both cases, naming is indicative of illfeelings, and in the latter case (naming the dead) is taken as a challenge to fight. In

Journal de la Société des américanistes, 103-1 | 2017

167

general, verbal or visual presentification, avoidance and concealment are importantperformative forms of displaying appropriate comportment and means of compellingothers to moral action (Kelly 2011). In naming a place, one may be indexing things andhence exchange possibilities. I was told as an example amid transcriptions: « If I namePuerto Ayacucho, I am speaking of the things they have there » (paraphrase). But innaming places one may be indexing people, which is crucial to bring the past to bearupon the visitor-host relation, for as Alès (1990) suggests, given the dead cannot benamed, topographic naming is also a way of alluding to the past, evoking the memoryof people and events gone by. We may add that features of the landscape are alsotestimonies of mythical events. This indexing rests on the intrinsic relation betweenplace, people and things condensed in the notion of urifi and is achieved bycircumlocution – making one thing present (things or people) by means of another(place). Part of the delicate art of naming the forest depends on a skillful play ofallusions within the realms of exchange and of past relations according to the currentpolitical expectations of the speaker.

46 Third: on the importance of dreams knowledge and skills. One who does not dream

with the tree of chants, with the eloquent birds-spirits, with distant places, will remainaka porepɨ – unfit for wayamou. Whereas wayamou stages a verbal contest, it is not onlyvirtuosity that is at stake, but also knowledge itself: of the forest, distant places,mythical events and cosmological planes. Some phrases seem to have no other purposethan to display this knowledge, sometimes to challenge one’s opponent, and here thereis reputation to be gained and lost.

* * *

47 In my colleagues’ comments on this wayamou there is a telling connection between

« indigenous organization » and manufactured goods that requires some context forinterpretation. At the time these Yanomami had no experience whatsoever ofindigenous organizations, whilst they have been the object of political parties’ andgovernment agencies’ attention for a couple of decades. In fact, during the assemblyone of the Venezuelan Yanomami asked me whether Kopenawa was a representative ofthe governor or the mayor – the most well-known political figures among theYanomami, who engage with them mainly through clientelistic exchanges of goods andsalaries for votes. There is little doubt that this political party model was lingering inthe Yanomami’s initial understandings about an indigenous organization. Since thecreation of Horonami, these same Yanomami have been involved in struggles for ademarcated territory and a better health system. A clear-cut differentiation is beingmade between « politics » – associated with obtaining things from the government –and « organization » – linked to defending rights and defined in opposition to« politics ». Moreover, we have seen « things » can metaphorize a wide range ofrequests. My colleagues insist that what was being asked from Hutukara wereexplanations, not things or money. This does not mean that Parima Yanomami are notinterested in manufactured goods, nor that the entanglement between indigenous andparty politics has been resolved. What I am saying is that it is misleading to read theconnection between « organization » and manufactured goods as the latter being thesole expected outcome of the former.

Journal de la Société des américanistes, 103-1 | 2017

168

Improvisation

48 Wayamou dialogues contain a range of blends of conventionalized and improvised

metaphors, phrases and rhetorical devices (e.g. contrastive comparison, antiphrasis,synecdoche). Young participants repeat stereotypical formulas, whilst elders mix moreor less metaphorical statements in creative sequences adjusting for the occasion. Idwell on improvisation for two reasons: 1. it is clear from my conversations thatYanomami consider this inventiveness key to being aka hayu and thus to performingwell in wayamou; 2. the improvisatory and metaphorical character of wayamou are bothimportant features of Yanomami shamanism, clearly of the horizontal type in Hugh-Jones’ (1994) terms. The connection is not lost on the Yanomami, who, as we worked,commented on how those who excel in wayamou « speak like shamans », meaning theycan talk knowledgeably about all sorts of things, mundane or obscure, passing from onesubject to the other seamlessly.

49 The following segment from Marcelo’s wayamou is a good example of metaphorical flair

and careful choice of words. Pursuing the main interest of the visitors to the assembly,Marcelo metaphorizes the request for explanations about Whites’ financial assistancethrough the figure of a woman whom Kopenawa has obtained in marriage from Whitesof Caracas.7 In this context Marcelo again impersonates what he wants to hear from hishosts:

1. ai prowëhëwë a pufi hatukëwëweinɨSome elder (lucid, knowledgeable person among the hosts)2. « hai! kamiyënɨ ya nowã ta tʰa sho »[Will say] « hai! I will explain [about Hutukara] at once »3. « awei, fei suwë a rë ɨpɨrefe »« Yes, that [white Caracas] woman [Kopenawa] has taken/married »4. « ai shomi shamatʰari wamakɨnɨ »« you (second-person plural) Shamatʰari from another community/unknown to us »5. « ëyëmɨ yãrimona wama hikɨ kãi fa kuaaɨmanɨ »« you have come here with yãrimona hikɨ love magic substance »6. « napë wama tʰou fa yãĩ koropoimanɨ » 8

« you have approached us carrying Whites’ love magic (perfume) »7. « eha a fiõkasi niya ta yãriyohe »« here they will cover the women’s nose and mouth (with the love magic) »8. « ya e niya kuu ma mrãõ tëhë ma kui »« even though I was not thinking of saying this »9. « ei wa e ɨtëtëtou waikia ha »« given that you have already approached us [host community/Hutukara] »10. « mori a ta wamoru, mori, mori, mori, mori, mori »« make love to one, [only] one, one, one, one »11. nowã niya tʰamou kë yaro, ei kë ya, ei, ei, eiBecause you will inform us [about Hutukara], here I am, here you have me (ready tolisten)

50 The general idea of this sequence is that the Parima visitors have come with friendly

intentions to learn about Hutukara in order to create an organization themselves. Thewoman referred in line 3 is a Caracas woman who stands for Whites’ aid. Line 4 refersto the fact that the Parima visitors are strange to their hosts at the assembly. Lines 5and 6 mention the visitors have come, first with yãrimona hikɨ love magic (5) and thenwith perfume (6), which is assimilated to a kind of Whites’ love magic for bothsubstances seek to attract women. Line 7 refers to the way such love magic is applied to

Journal de la Société des américanistes, 103-1 | 2017

169

reluctant women. From 8 to 10 the imagined elder says he will indeed explain aboutHutukara. Making love to the woman in line 10 is a metaphor for the explanation.Line 11 states this is what Marcelo wants to be informed about.

51 All this is « alliance talk » among people who consider each other shomi « different,

other » and who would not normally visit each other. Indigenous politics has broughtthem together in the assembly. Marcelo thus evokes both their status as mutualstrangers and the visitors’ desire to help each other out. Several subtleties in his wordsconvey this context. It is assumed that Hutukara has not gained the favor of Whiteseasily and hence the Caracas woman has been obtained by force (ɨpɨ-). Whites normallydon’t care for Yanomami and their aid doesn’t come about without a lot of convincing.In the same way, visitors’ recourse to love magic to obtain a reluctant women (theadvice and mediation with Whites they expect from Hutukara) conveys the sense that,just as Whites’ aid has not come easy to Kopenawa, neither will it be effortless for thevisitors to obtain the favor of their hosts. The impersonated host who changes his mindand accepts to provide the sought explanation reiterates the hope that friendshipstruck during the assembly will persuade the hosts into offering advice. Finally, thishost’s insistence on making love only to one woman indicates the visitors are not afterHutukara’s money, just their advice. So whereas the demand of a woman may be aconventionalized metaphor, Marcelo’s choice of words couches the demand carefully,displaying heightened awareness to context.

52 The following fragment shows how metaphorical sequences are not just embellishing

devices, but ways of evoking deep signification, which requires knowledge of history,myth and cosmology.

1. fei Surucucus tʰë rë praopeThe community/people of Surucucus (a Yanomami region in Brazil, east of Parima)2. fei sipara watanamo rë tapethose long machetes like the fruits of the watanamo9 tree that abound there3. weti ipa a ma rapahawë ma mraigive me one, it doesn’t matter if it is only a short one4. weti ipa a ta pufiogive me mine5. kihi shokekere tʰë parɨkɨ paimi rë praoratiOn the thick [with fern] flanks of the Shokekere mountain that lies afar (in Parima)6. moromoroma ya pë pafetimapeI will slash the ferns (to make a garden)7. ipa a ta yefimapaplace [my machete] on my back

53 These lines were explained as follows:

ipa organización ya tʰapraɨ mɨ fetuopë. Organización fikari a … Moromoroma ya kɨ fa hoyarɨni, ya iyaɨ kãi toprao përɨopë. Organización tʰë ã tʰaɨ ha, organización tʰë a nakaɨ ha.I will make my organization on my part [when we go back to Parima]. Anorganization is like a food garden. Having cleared the ferns, I can live well eatingplenty. He [Marcelo] is talking about the organization, he is asking for/about it.

54 The connection struck between an indigenous organization and a food garden is not a

capricious trope. The ferns mentioned are part of Parima people’s strife. Havingreplaced the forest in much of the surrounding hills, it has left the Yanomami with nonearby fertile grounds. The ferns thus epitomize hunger. That an organization cansupplant the ferns with food gardens is a powerful trope: it is the food that can put anend to hunger. Moreover, on several occasions and in several places, I have heard

Journal de la Société des américanistes, 103-1 | 2017

170

Yanomami equate gardens with what Whites work for (money, salaries). At some levelof analogy it is an inter-cultural metaphor for what sustains wellbeing.

55 A final form of witty improvisation key to aka hayu-ness is the introduction of slight

variations in the responses to the interlocutor in the lead. An experienced speakerimprovises variations in several ways: changing locative suffixes; introducingsynonyms; emphasizing the lead’s phrase with an added word or morpheme;commenting on the lead’s phrase; sometimes simply acknowledging what the lead hassaid. A short example suffices to illustrate the subtlety of these variations.

LeadResponse

1. ha, pitʰariwë ikaprarotiheSpirit of the ground/earth: don’t begin laughing

2. pitʰariwë a kafikɨ ta humɨparuSpirit of the ground/earth: keep your mouth shut

56 Lines 1 and 2 are addressed to Pitʰariwë, a demon associated with the ground who

causes disease. They are invocations for him not to pay attention to the Yanomami.Avoiding his interest is a way of keeping disease at a distance. It is implicit that if helaughs it is because he is capturing or devouring human souls. Note the change from« begin laughing » to « keep your mouth shut ».

3. Ha, amoa kë a ta yuruRetain the/my chant

4. amoa ã wã shinõ ta tërɨAlways/only retain the/my chant

57 In line 4, the response is a synonym: wã të- = wã yu-. Both mean to « retain chants » or

formulas of wayamou discourse (Lizot 2004, p. 472, 478). « Shinõ », meaning « always » or« only », adds emphasis. « Chants » refer more generally to what is being said in thewayamou.

[…]10

10. ha, titiriwë ikatihoSpirit of the night: do not laugh

11. titiriwë a rë kui a ikaprarotiheSpirit of the night (and not any other):

don’t begin laughing

58 From 10 to 11, there are two modifications: a rë kui is a way of particularizing « this one,

as opposed to any other ». Next, the infix -praro- is added to ikatihe (laugh, prohibitive),which becomes the prohibitive of « begin laughing » (see Lizot 2004, p. 328). Titiriwë isthe spirit of the night, another demon intent on capturing human souls. As in lines 1and 2, the objective is to keep disease at a distance.

12. Ha, ei henakɨ rë kui oThese flowers (not any other)

13. ei henakɨ rë kuiThese flowers (not any other)

59 There is no change from 12 to 13. Henakɨ is a contraction of kõe henakɨ, a plant whose

flowers women use as ear adornments (Lizot 2004, p. 169). It is a metaphor for women.

14. ha, henakɨ ikaprarotiheFlowers: don’t begin laughing

15. henakɨ kasi wateatiheFlowers: don’t smile

60 From 14 to 15, « smile » kasi wate-, replaces « laugh » ika-.

Journal de la Société des américanistes, 103-1 | 2017

171

16. ha, hei yuri a rë huoyahiThe fish that live nearby

17. fei a pata parimi rë fuopeThose who live forever (in the water)

61 From 16 to 17 there are several variations. Parimi refers to things eternal, and in this

context means that fish live on as long as there is water. Pata is added as an intensifier.The locative suffix -yahi, to be in front of, or near, the place of enunciation (Lizot 2004,p. 489), is replaced by the locative -pe, which in this context refers to something takingplace « near or below the water, below the ground, in a burrow » (ibid., p. 308).

18. Ha, ei a totori rë yërëaweiThe turtle stays still (crouched on the ground)

19. ei a tikukuprou mrai, ei a yërëo rë kõõpeThat one doesn’t go to live elsewhere,

it [will be] there again,still/it is always there,

still (crouched on the ground)

62 Lines 18 and 19 refer to the stillness of the turtle. Yërë- in this context refers to being in

a crouched position on the ground (ibid., p. 506). Marcelo reinforces its stillness bysaying it will not go to live elsewhere.

63 Even this briefest of samples is enough to realize the ability involved in quickly

introducing variation in one’s response. It is this variation that testifies to the skill andwit of aka hayu performers. This appreciation sheds some doubt as to the adequacy of aclear-cut distinction between semantic and non-semantic utterances of the « backchannel » type, such as Urban (1986) adopts in his analysis of South Americanceremonial dialogues (see Monod Becquelin and Erikson 2000, p. 16). To be sure,responses like those presented add little in semantic terms, but for the Yanomamithese slight alterations are what counts, « metacommunicatively » conveying aka hayu

skill. Furthermore, the wit in responding not only evidences that one has understoodthe lead’s words (as in back-channel « yes » or « that’s it » or simple repetition of thelead’s statement), but it also shows that one has correctly inferred an often obliqueinsinuation – about a mythical event, a distant place, a spirit’s habits – and, whenuttered as a challenge, it additionally demonstrates one’s knowledge on the matter.

Personal pronouns, kin terms and gender shifting

64 The last two features that are dense in wayamou are the common gender and personal

pronoun shifting. There are two reasons for this examination. On the one hand, Ipropose that the use of kin vocatives and gender shifting are means of indexing thestatus of visitor-host relations or effecting their transformation. This is a novelexplanation of this notable feature of wayamou, and one that situates this phenomenonalongside other tropic devices drawn upon to achieve desired political outcomes. Onthe other hand, speakers in wayamou occupy multiple enunciative positions, anotherfeature reminiscent of Yanomami and other forms of shamanism that furtherillustrates the proximity between political and shamanic discourse.

65 Kin terms such as « my brother-in-law » and « my father-in-law » are often substituted

by « my wife » and « my mother-in-law », respectively. Equally, « I » may be substitutedby « he/him » and « you » by « you two (dual) » or « you (plural) ». What do these shiftsachieve? Lizot (1994b, p. 60-61) suggests they are means to distance the speaker from

Journal de la Société des américanistes, 103-1 | 2017

172

his addressee, avoiding a direct and too frontal address. This is in accordance with whatI was told about certain kin usages in non-ritual circumstances. For example, it isinappropriate to address your father-in-law as such, shoape; instead, one must say pata

« elder same-sex relative », leaving the relation wawëtoimi, « unclear ». So if in generalYanomami manipulate personal pronoun use to avoid directness, it is expectable forthe delicate circumstances that call for the wayamou to require augmented care withsuch diplomatic devices.

66 It is also true that a wayamou participant is often not just speaking his mind but also

stating a collective position, in which case substitutions of the first-person singular forthe dual or plural could be related to representativity. Likewise the use of the thirdperson in self-reference may pursue the detachment of impersonal expressions (seeLizot 2000, p. 172). Finally, a speaker may address specific people in the audience, aspecific category of people or all those present. In these latter cases, pronouns usedcannot be considered substitutions, for what is at stake is a shift of addressee.

67 Alès (2006, p. 268-273), on her part, analyzes gender inversion in wayamou together

with its occurrence in shamanic curing. Both wayamou and shamanic performances areimbued with inverted contexts, articulating important oppositions: day and night,living and dead, in the first case; human and spirit worlds, in the second. In Alès’ view,gender inversion is of a kind with the general tropic environment of wayamou andparticipates in its ritual efficacy by way of transforming ordinary language. Whilst Ifully concur with her analytical approximation of features of wayamou and shamanicdiscourse and her attention to trope and ritual efficacy, I want to suggest gendershifting and vocative kin term use do more than signal ritual, or draw heightenedattention to a particular context of intra-human or inter-specific politics.

68 A more comprehensive understanding of gender shifting and the use of specific

vocatives in wayamou requires a brief examination of their use in normalcircumstances. Vocative kin terms, as opposed to terms of reference, are extremelyvaried because they can carry overtones of estrangement or endearment, contributingto the performance of « affinal civility », to borrow from Basso (2000). From a thoroughconversation on the subject with one of my Yanomami colleagues it can be said thatappropriate vocatives change mainly according to social distance and age.

69 For example, among co-residents, the use of shori or heriyë (brother-in-law) is

estranging, the term being more appropriate for outsiders one is not well acquaintedwith. Terms for a co-resident brother-in-law include suwëpiyë (my wife), ama (sister-in-law), ou (wë) (brother-in-law friendly), wariti (lit.: ugly) and yai tʰa (lit: strange,different). The latter two terms appear to be playful inversions, joking affinal termsthat connote proximity or affection. These terms are nofimou tʰë ã « amicable terms »and also pata tʰë ã « elder’s talk ».

70 Combining these comments with Alès’ (2006) analysis, it can be said that affinal kin

terms of address among same-generation or elder co-residents are inappropriate andhence are diluted with more generic terms (shoape –> pata) or replaced with either« friendly affinal terms », terms involving gender shifting or joking expressions. Shoape,

shori, heriyë, fekamayë, prahawë tʰë ã, yafitʰërimi pë riha wa kuimi, tʰë hirimamou kirihiwë.

« Father-in-law, brother-in-law, son-in-law, are terms that distance, you don’t use themamong co-residents, it sounds shameful. » Among youngsters, more direct vocatives areunproblematic. So whilst youngsters and outsiders are addressed more directly, elderco-residents play with the options just mentioned. It follows that the use of different

Journal de la Société des américanistes, 103-1 | 2017

173

vocatives indexes the state of a relation or the tone one wishes to convey in addressingsomeone.

71 In the wayamou sessions I transcribed, the most common substitution is that of brother-

in-law for wife. Pursuing the issue, it was clear that the use of « wife » for « brother-in-law » is considered nofimou tʰë ã « friendly talk » or tʰë ã okewë « harmless talk », whilstthe use of shori « brother-in-law » is not. Moreover, to an extent, this use is aninvocation of conjugal harmony. Ipa suwëpiyë ya ahetepou rë kurenaha tʰë kua yaro,

suwëpiyë ya kuu. « Because I regard him [interlocutor] in the same way in which I amclose to my wife, I say “my wife”. » Another common term for brother-in-law was ama,or amawë, which Alès considers a term of address between sisters-in-law, and yet I wastold it was used between (real) sisters-in-law and (real) brothers-in-law. Following Alès,I am led to conclude that ama is primarily used among sisters-in-law and secondarilymay be used among brothers-in-law. Without discounting this order of primacy, itessentially signifies same-sex, same-generation affinity. This is what I could tell frommy discussions, and is in accordance with Alès’ analysis for the term ote, which in heranalysis is a close – though not identical – equivalent of ama (ibid., p. 265). Ama appearsto connote proximity or affection among sisters-in-law and brother-in-law alike, asAlès points out in relation to ote, a usage attuned to the companionship typical amongsame-sex, same-generation affines (ibid., p. 265-266).

72 If this analysis is correct, the use of ama (sister-in-law) alongside suwëpɨyë (my wife) in

wayamou are almost equivalent means to connote amicable intentions through a gendershift that evokes the conviviality of long-term co-residence. Amawë, okewë tʰë ã, hawe

yafitʰerimi, a yafitʰerimi mrai ma kui. « Amawë is harmless talk, as if [your interlocutor]were a co-resident, even though he is not. »

73 More generally, it can be said that wayamou dialogues intent on strengthening ties may

be more prone to these substitutions than those where people are treating each otheras shomi « strangers », where the terms for brother-in-law, such as shori, shoriwë andheriyë, index this social distance. In a more conflictive context, terms for brother-in-laware dropped in favor of more insulting expressions: « coward », « incestuous », and thelike. Even this incomplete examination is enough to suggest that wayamou incorporatesthe meaning and function of different vocatives and gender shifts used in quotidiancircumstances to index the state of visitor-host relations or stimulate theirtransformation.

74 In a different context, the use of a given kinship vocative is integral to a metaphorical

situation that has been set up, or is otherwise linked to the context of the discourse.For example, when Marcelo is requesting to be informed about Hutukara, at one pointhe metaphorically demands a woman from his hosts (see above). In that context, headdresses an imagined host as shoape « father-in-law », and uses fekamayë « my son-in-law » as the vocative the impersonated host should use to address him. Later in thesame discourse, he addresses the audience: « Elder brothers, shaman elder brothers,listen! » He then switches to impersonating their thoughts: « This is what my youngerbrother is saying. » Appealing to be heard, Marcelo puts himself in the position of ayounger brother of his hosts.

75 A final ingredient of wayamou’s pronominal play involves de-centering or perspectival

linguistic techniques. We have already seen how interlocutors put words in eachother’s mouths as a form of requesting a particular regard for themselves. Whilstreported speech is characteristic of the Yanomami language, our examples refer to

Journal de la Société des américanistes, 103-1 | 2017

174

desired responses – « not yet reportable speech », as it were. Note that this form ofcitation is not an attempt to draw on the authority of mythical, historical or otherforms of « traditional » discourse reframed in a contemporary political context, asParmentier (1994) shows to be the case in the Belauan case he analyzes. This is more amatter of impinging on the interlocutor’s disposition by way of (semantically)anticipating what one hopes to (pragmatically) effect.

76 There are other teknonymic ways of self-reference, such as referring to oneself as

suwëpɨfë (your wife) or amafë (your sister-in-law, your affine). In more conflictivecontexts, where the assimilation of warfare to hunting is common, a speaker mayposition himself as an enemy’s potential predator or prey using ɨra (jaguar) or yarohe

(your game) as self-reference (Lizot 2000, p. 176, 173).

77 In the variety of ways we have just examined, taking the other’s point of view seems to

be a way of impinging on his thoughts: impelling interlocutors to accede to one’sdemands evoking an imaginary kinship tie, a prospective response or the gravity ofpossible conflict through images of predation. In short, speakers enunciate from amultiplicity of kin and pronominal positions and switch addressees to differentrelationship-engendering effect.

78 Whereas some tactics seem to « neutralize the self » (Franchetto 2000, p. 483), and

deflect directness, at other moments the self is forcefully reinstated: « Thus I speak! »In addressing the interlocutor, similar switches from deflecting to focusing statementsare recurrent; people in the audience are addressed collectively, partially orindividually. Exchange items merely alluded to in poetic fashion are then vehementlydemanded: « Give me mine! » All I can say is that, some times the pronominalenvironment eludes the self and the other, obviating the directness of the face-to-facesetting, at other moments, interlocutors situate themselves back in the « you » and « I »of their one-to-one interaction. A similar play between circumvention and directnessholds if we consider how the metaphorical content of the dialogue is cast through verypotent vocal expression. With such an oscillating relation involving diffusion and focus,circumlocution and directness, it is not possible to characterize wayamou in terms of afixed or characteristic relation between speakers and the content of their speech, arelationship that students of speaking have shown to be analytically important whenconsidering verbal arts in political discourse (Stasch 2011).

79 At this point we can also review a number of ways in which trope is performatively

used to influence and persuade: oblique references to a historical and mythical past;imaginary situations set up to stage others’ responses; de-centering pronoun shifts toskirt overly direct expression; kinship manipulations and gender shifts to invokeappropriate relationship contexts; tangential evocations of desired objects; mobileenunciative positions. In line with Chernela’s (2001) analysis of a Wanano ritualdialogue as a performative event as a whole, we could say wayamou’s performativecharacter is achieved by myriad component performative utterances, repeated anddiverse attempts to impinge on interlocutors/opponents that return an evaluation ofone’s efficacy in driving the relationship in a desired direction.

Conclusion

80 I shall conclude in two steps. First, I shall recapitulate the ground we have covered in

our description of the « total social fact » of wayamou, with an aim to hone my

Journal de la Société des américanistes, 103-1 | 2017

175

argument that expert wayamou discourse exhibits a particular aesthetics of politicalagency, one that it shares with shamanism. Having done so, I shall next show how thisinvites us to rethink longstanding distinctions within the political anthropology ofLowland South America between headman and shaman, political and religiousinfluence, and inter-specific and intra-human relations.

81 Expert (aka hayu) discourse is metaphorical (ã wã poapou), forceful and effective in

transforming conflictive relations into peaceful ones – the passage from dangerous/angry (wayu) to calm (oke-) affective states. Here we already have an indication of aka

hayu discourse in wayamou having a specific aesthetic, semantically metaphorical andpragmatically forceful, which is the form of political efficacy.

82 Next, we saw how naming the forest, urifi ã wëyëɨ, one of the indispensable features of

wayamou, has the capacity to index exchange expectations and past events so as to bearon the specifics of the visitor-host relation. Let us recall that Yanomami have a strictprohibition on naming the dead, and, to a lesser extent, on personal names. Utteringone or the other is an invitation to conflict. I think the necessity of allegoric,circumventing words in this context of wayamou discourse is of a kind with theseavoidances: their efficacy to resolve conflict hinges on a delicate artistry that mustcompensate for the danger of exposing people to saying and hearing things that, ifpeace is to be sustained, might best remain unrecalled. Here metaphor works mainlythrough diplomatic indirection, an aspect of much verbal art and situations of conflict(Brenneis 1987, 1988), but more interestingly recalls the care with words in theYaminahua shaman’s description of his chants, where « twisted language brings meclose but not too close… with normal words I would crash into things » (Townsley 1993,p. 460).

83 Naming the forest along with other wayamou procedures also give cues as to knowledge

(of distant places, mythical events, cosmological planes) and skills (eloquence andvirtuosity) acquired in dreams. My impression is that with these displays of knowledgeand skill, and with the strength with which they are uttered, a speaker earns forhimself the acceptance of his interlocutor/opponent. Wayamou participants each have aworth that may only be overcome in its recognition, such is the work of an artfulperformance. At issue is a measuring up of regards. In this case metaphor participatesin indexing the high-valued, and eminently shamanic, ability to « dream afar » andrecalls the role of verbal arts in persuasive oratory (Caton 1987) and so many forms of« crooked » or « veiled speech » in achieving social and political influence (seeRosaldo 1973; Strathern 1975).

84 Finally, we have seen that improvisation, a valued requisite for aka hayu-ness and

characteristic of Yanomami horizontal shamanism (Hugh-Jones 1994), takes severalforms: the ability to talk knowledgeably about anything, seamlessly switching from onetheme to another; witty enchainment of meaningful multilayered metaphoricalsequences; and quick alterations to lead phrases in the speaker’s responses. Themultiplicity of enunciative positions speakers adopt in wayamou also place it wellwithin the discursive register of shamanism.

85 Considering the set of features of aka hayu discourse, I think we have a case for

suggesting a. that it is a chief means of influencing others, that is, an aesthetics of

political agency; and b. that circumlocution/indirection seems to be particularly relevantto this aesthetics. Considering other ethnographic reports that stress the importance ofindirection as a mode of appropriate relating in diverse political, ritual and everyday

Journal de la Société des américanistes, 103-1 | 2017

176

contexts (see Graham 1993 for the Xavante, and Schuler Zea 2010 for the Waiwai), amore systematic investigation into indirection in diverse contexts beyond those oflanguage would appear to be a profitable line of inquiry for Amazonian politicalanthropology. I think we also have a case for suggesting c. that this aesthetics shareswith shamanism many of the discursive devices and a knowledge practice (dreamingafar) at the base of its efficacy. Let us not forget how in many of the metaphorsdeployed in the Hutukara wayamou sessions (2010 and 2012) what we find areYanomami signifiers pointing to non-Yanomami signifieds: a woman in marriagestands for financial aid; love magic is assimilated to Whites’ perfume; a falcon-spiritthat blows magic substances over a powerful man in Caracas stands for a request madeto Hutukara, soliciting they intercede on behalf of their Venezuelan counterparts withPresident Chávez, thus predisposing him to being generous when Horonamirepresentatives meet him subsequently (see Kelly 2015). Wayamou can metaphoricallyaccount for any aspect of inter-ethnic politics or the non-indigenous world. As apolitical device it is primarily a form that, like shamans themselves, can engage withany content, however foreign.

* * *

86 At least since Clastres and Lowie, the role of oratory in Amerindian politics has been

acknowledged and developed. One such development was to question whether it waschiefs/headmen – powerless owners of a word without audience – or shamans – controlling symbolic life-giving and life-taking resources – who really possessed thepolitical means to exert collective influence (Descola 1988). Descola rightly querieswhether we should not consider shamans’ power « political ». Not in Clastres’ terms, hesays, but

Oui si on pense que la faculté d’apparaître comme la condition de la reproductionharmonieuse de la société est une composante fondamentale du pouvoir dans toutes lessociétés prémodernes. (Ibid., p. 825)

87 Considering the political aesthetics involved in wayamou’s efficacy, can we not flip

Descola’s query round and ask whether the political is not also shamanic? Is it not up toaka hayu men to mend exchange relations and secure alliances? Is it not the knowledgeand skills derived from dreams and displayed in wayamou that is put to the service ofharmonious inter-community relations? Are we not faced with a horizontal shaman-like personage?

88 Following Descola’s lead, part of the discussion about power in Lowland South America

shifted from the realm of politics to that of religion, where, to the political role ofshamans, that of the more priest-like prophet was added (Hugh-Jones 1994; Santos-Granero 1993; Stuztman 2005). In this latter religious sphere, the power of wordsuttered in metaphorical language comes into view as a key ingredient of shamanicefficacy in all its curing, « world creating » and transformative capacity (e.g.Townsley 1993; Overing 1990; Cesarino 2015).

89 What is striking about elders’ aka hayu discourse is that it brings to the political sphere

the metaphorical efficacy we are used to seeing mainly in shamanic discourse. If we canthink of metaphor/circumvention as an aesthetics of political agency, this can breachthe gap between anthropological analysis of inter-specific relations and intra-humanones.

Journal de la Société des américanistes, 103-1 | 2017

177

90 First, if the mark of inter-specific agency is the reversal of a perspective or subject

position (see Viveiros de Castro 1998), is this not what aka hayu discourse does?Impinge on and, if successful, revert initially distinct positions? Align peoples’disparately oriented minds to « live well » among allies? Imbricated with dreamknowledge, metaphorical agency and the regulation of social organization, is aka hayu

discourse not a form of shamanism?

91 Second, if we consider the perspectival play that proliferates in wayamou, we are

reminded of, for example, the Araweté shaman’s chants that Viveiros de Castro (1992,p. 226-248) describes, mentioning its metaphorical content, multiple enunciativepositions, dialogic character, emphasis on originality and, ultimately, insertion in theexchange of life and death sustained between humans and gods. The device of adoptingthe other’s point of view is as recurrent in Araweté shamans’ and killers’ songs, as it isin wayamou. This comparison serves to reiterate my point that wayamou deploys in theintra-human sphere a number of metaphorical and deictic devices that have becomecommonplace in the analysis of inter-specific shamanic negotiation. In a sense, inwayamou, human others are treated in the same way as spirits, which, on the one hand,suggests the anthropologically acknowledged continuity between humans and non-humans when considering their position as Others, and, on the other, suggests a muchless perceived use of a common political aesthetics across ontological boundaries.11

* * *

92 Two brief excerpts from Davi Kopenawa’s auto-ethnographic tour-de-force offer insights

as to the connection between verbal aesthetics and political efficacy. On the wayamou

and yãɨmou, Kopenawa says they are « le cœur de notre parler » (Kopenawa andAlbert 2010, p. 398), and continues:

Lorsque nous disons les choses seulement avec la bouche, durant le jour, nous ne nouscomprenons pas vraiment. Nous écoutons bien le son des paroles que l’on nous adresse, maisnous les oublions avec facilité. En revanche, durant la nuit, les paroles du wayamu et duyãɨmou s’accumulent et pénètrent profondément dans notre pensée. Elles se révèlent danstoute leur clarté et peuvent être véritablement entendues. (Ibid.)

93 It is telling that such a trope-ful form of language is what Yanomami use to reveal the

« clarity of words » and make themselves understood. Further on:

Si [les] [Whites’] anciens [des Blancs] connaissaient le parler de nos dialogues yãɨmu, jepourrais leur dire véritablement ma pensée. Accroupis l’un en face de l’autre, nous nousdisputerions longuement en nous frappant les flancs. Ma langue serait plus habile que laleur et je leur parlerais avec un telle vigueur qu’ils en seraient épuisés. Je finirais ainsi parempêtrer leurs paroles d’hostilité! Malheureusement, les Blancs ignorent tout de nosmanières de dialoguer. (Ibid., p. 414)

94 Whites are without doubt the mightiest of enemies and stubborn minds to change, if

only Yanomami could dialogue with them in their terms …

Journal de la Société des américanistes, 103-1 | 2017

178

BIBLIOGRAPHY

ALBERT Bruce

1985 Temps du sang, temps de cendres. Représentation de la maladie, système rituel et espace politique

chez les Yanomami du sud-est (Amazonie brésilienne), Ph.D. thesis, Université de Paris X.

ALÈS Catherine

1990 « Entre cris e chuchotements: représentations de la voix chez les Yanomami », in Catherine

Alès (ed.), L’Esprit des voix. Études sur la function vocale, La Pensée Sauvage, Grenoble, p. 221-245.

2003 « Función simbólica y organización social. Discursos rituales y política entre los

Yanomami », in Catherine Alès and Jean Chiappino (eds.), Caminos cruzados: ensayos en antropologia

social, etnoecología y etnoeducación, IRD Editions/ULA-GRIAL, Merida, p. 197-240.

2006 « L’aigle et le chien sylvestre: distinction de sexe dans les rites et la parenté yanomami », in

Catherine Alès (ed.), Yanomami l’ire et le désir, Éditions Karthala, Paris, p. 241-280.

BASSO Ellen

2000 « Dialogues and body techniques in Kalapalo affinal civility », in Aurore Monod Becquelin

and Philippe Erikson (eds.), Les rituels du dialogue, Société d’ethnologie, Nanterre, p. 183-198.

BORGES Marcelo, Alfredo SILVA and Donaldo SILVA

2015 Yãnomãmɨ Horonami tʰeri yamakɨ rë kui, Brasil tʰë urifi hamɨ yamakɨ wayamou rë kuanowei tʰë ã,

Horonami/Wataniba, Lima.

BRENNEIS Donald

1987 « Talk and transformation », Man, 22 (3), p. 499-510.

1988 « Language and disputing », Annual Reviews of Anthropology, 17, p. 221-237.

CARNEIRO DA CUNHA Manuela

1998 « Pontos de vista sobre a floresta amazônica: xamanismo e tradução », Mana, 4 (1), p. 7-22.

CARRERA Javier

2004 The fertility of words: aspects of language and sociality among Yanomami people of Venezuela, Ph.D.

thesis, University of St. Andrews.

CATON Steven

1987 « Power, persuasion, and language: a critique of the segmentary model in the Middle East »,

International Journal of Middle East Studies, 19 (1), p. 77-102.

CESARINO Pedro

2015 « Montagem e formação do mundo nas artes verbais maruno », Species Revista de Antropologia

Especulativa, 1, p. 66-78.

CHERNELA Janet

2001 « Piercing distinctions. Making and remaking the social contract in the North-West

Amazon », in Laura M. Rival and Neil L. Whitehead (eds.), Beyond the visible and the material. The

Amerindianization of society in the work of Peter Rivière, Oxford University Press, Oxford, p. 177-195.

COCCO Luis

1972 Iyëwei-teri. Quince años entre los Yanomami, Escuela técnica popular Don Bosco, Caracas.

Journal de la Société des américanistes, 103-1 | 2017

179

DESCOLA Philippe

1988 « La chefferie amérindienne dans l’anthropologie politique », Revue française de science

politique, 38, p. 818-827.

1996 The spears of twilight: life and death in the Amazon jungle, J. Lloyd (trans.), The New Press, New

York.

EIBEL-EISESFELDT Irenaus

1971 « Eine ethologish interpretation des Palmfruchfest des Waika (Venezuela) nebst einegen

Bemerkungen uber die bindende Funktion von Zwieggesprachen », Anthropos, 66, p. 767-778.

ERIKSON Philippe

2000 « Dialogues à vif… Note sur les salutations en Amazonie », in Aurore Monod Becquelin and

Philippe Erikson (eds.), Les rituels du dialogue, Société d’ethnologie, Nanterre, p. 115-138.

FOCK Niels

1963 Waiwai: religion and society of an Amazonian tribe, The National Museum (Ethnographic series,

8), Copenhagen.

FRANCHETTO Bruna

2000 « Rencontres rituelles dans le Haut-Xingu : la parole du chef », in Aurore Monod Becquelin

and Philippe Erikson (eds.), Les rituels du dialogue, Société d’ethnologie, Nanterre, p. 481-509.

GNERRE Maurizio

1986 « The decline of dialogue: ceremonial and mythological discourse among the Shuar and

Achuar of Eastern Ecuador », in Joel Sherzer and Greg Urban (eds.), Native South American

discourse, Mouton de Gruyter, Berlin/New York/Amsterdam, p. 307-342.

GRAHAM Laura

1993 « A public sphere in Amazonia? The depersonalized collaborative construction of discourse

in Xavante », American Ethnologist, 20 (4), p. 717-741.

HUGH-JONES Stephen

1994 « Shamans, prophets, priests and pastors », in Nicholas Thomas and Caroline

Humphrey (eds.), Shamanism, history, and the state, University of Michigan Press, Ann Arbor.

KELLY José Antonio

2011 State healthcare and Yanomami transformations, Arizona University Press, Tucson.

2015 « Aprendendo sobre os diálogos cerimoniais Yanomami », Species Revista de Antropologia

Especulativa, 1, p. 45-65.

KOPENAWA Davi and Bruce ALBERT

2010 La chute du ciel : paroles d’un chaman yanomami, Plon, Paris.

LIZOT Jaques

1994a « Words in the night. The ceremonial dialogue, one expression of peaceful relationship

among the Yanomami », in Leslie Sponsel and Thomas Gregor (eds.), The anthropology of peace and

nonviolence, Lynne Rienner Publishers, London, p. 213-240.

1994b « Palabras en la noche. El diálogo ceremonial, una expresión de la relaciones pacíficas

entre los Yanomami », La Iglesia en Amazonas, 53, p. 54-82.

2000 « De l’interprétation des dialogues », in Aurore Monod Becquelin and Philippe Erikson (eds.),

Les rituels du dialogue, Société d’ethnologie, Nanterre, p. 165-182.

2004 Dicionario enciclopédico de la lengua yãnomãmɨ, Vicariato Apostólico de Puerto Ayacucho,

Puerto Ayacucho.

Journal de la Société des américanistes, 103-1 | 2017

180

LIZOT Jaques and Hélène CLASTRES

1978 « La part du feu : rites et discours de la mort chez les Yanomami », Libre, 3, p. 103-133.

MIGLIAZZA Ernest

1972 Yanomama grammar and intelligibility, Ph.D. thesis, University of Indiana.

MONOD BECQUELIN Aurore and Philippe ERIKSON

2000 « Introduction », in Aurore Monod Becquelin and Philippe Erikson (eds.), Les rituels du

dialogue, Société d’ethnologie, Nanterre, p. 11-27.

OVERING Joanna

1990 « The shaman as a maker of worlds » Man, 25 (4), p. 602-619.

PARMENTIER Richard

1994 « The political function of reported speech: a Belauan example », in John Lucy (ed.), Reflexive

language: reported speech and metapragmatics, Cambridge University Press, Cambridge, p. 261-285.

RAMO Y AFFONSO Ana Maria

2014 De pessoas e palavras entre os Guarani-mbya, Ph.D. thesis, Universidade Federal Fluminese.

RIVIÈRE Peter

1971 « The political structure of the Trio Indians as manifested in a system of ceremonial

dialogues », in Thomas O. Beidelman (ed.), The translation of culture. Essays to E.E. Evans-Pritchard,

Tavistock Publications, London, p. 293-311.

ROSALDO Michelle

1973 « I have nothing to hide: the language of Ilongot oratory », Language in Society, 2 (2),

p. 193-223.

SANTOS-GRANERO Fernando

1993 « From prisoner of the group to darling of the gods: an approach to the issue of power in

Lowland South America », L’Homme, 126-128, p. 213-230.

SCHULER ZEA Evelyn

2010 « Por caminhos laterais: modos de relação entre os Waiwai no Norte Amazônico »,

Antropologia em Primeira Mão, 119, p. 1-21.

SHAPIRO Judith

1972 Sex roles and social structure among the Yanomama Indians of Northern Brazil, Ph.D. thesis,

Columbia University.

STASCH Rupert

2011 « Ritual and oratory revisited: the semiotics of effective action », Annual Reviews of

Anthropology, 40, p. 159-174.

STRATHERN Andrew

1975 « Veiled speech in Mount Hagen », in Maurice Bloch (ed.), Political language and oratory in

traditional society, Academic Press, New York.

SURRALLÉS Alexandre

2003 « Face to face: meaning, feeling and perception in Amazonian welcoming ceremonies »,

Journal of the Royal Anthropological Institute, (NS) 9, p. 775-791.

SZTUTMAN Renato

2005 O profeta e o principal: ação politica amerindia e seus personagens, Ph.D. Programa de Pos

Graduação em Antropologia Social, Universidade de São Paulo, São Paulo.

Journal de la Société des américanistes, 103-1 | 2017

181

TOWNSLEY Graham

1993 « Song Paths: the ways and means of Yaminawa shamanic knowledge », L’Homme, 126-128,

p. 449-468.

URBAN Greg

1986 « Ceremonial dialogues in South America », American Anthropologist, 88 (2), p. 371-386.

VIVEIROS DE CASTRO Eduardo

1992 From the enemy’s point of view: humanity and divinity in an Amazonian society, Catherine V.

Howard (trans.), University of Chicago Press, Chicago.

1998 « Cosmological deixis and Amerindian perspectivism », Journal of the Royal Anthropological

Institute, (NS) 4, p. 469-488.

WAGNER Roy

1972 Habu: the innovation of meaning in Daribi religion, University of Chicago Press, Chicago.

NOTES

1. For fieldwork in 2010, 2012, and 2014 I counted with the aid of Instituto Brasil Plural(IBP) and Grupo Socio-Ambiental de la Amazonia Wataniba. Fieldwork in 2015 wascarried out as part of my post-doctoral project « Two Yanomami devices for politicalmediation with alterity: indigenous organizations and ceremonial dialogues(Amazonas, Venezuela) », financed by the CAPES foundation of the Ministry ofEducation of Brazil, Project No. BEX: 0026/15-8. I would like to acknowledge the mostvaluable comments Stephen Hugh-Jones and Javier Carrera made on the initial draft, aswell as those of the anonymous reviewers.

2. Himou and teshomomou are carried out by day and are stylistically one with wayamou.The former take place when making formal solicitations in other communities; thelatter consists of short discourses given on the occasion of the entry of visitors into acommunity during a feast (Lizot 2000, p. 165).

3. Earlier, less exhaustive works that deal with the wayamou at different lengthsinclude: Cocco (1972), Shapiro (1972), Eibl-Eilbesfeldt (1971) and Migliazza (1972). For acritical appraisal see Lizot (1994b).

4. Lizot (1994b, 2000) himself is hesitant on this subject. On some occasions he stressesthe absence of message transmission; on others he simply states that the analysis ofwayamou as a sociological fact and the semantic interpretation of the dialogue are, to anextent, separate exercises.

5. Lizot has Shitiparimɨ as an unidentified small bird with « a very melodious and variedchant » (2004, p. 396). A similar bird name Sitipari si, most probably the same bird butpronounced differently due to linguistic variations among Yanomami groups, appearsas saltator maximus in Kopenawa and Albert (2010, p. 657).

6. Kopenawa insists on shamans’ ability to dream afar, in opposition to normalYanomami, who dream close – making the exception for good hunters. The contrast issharper when compared with Whites, who don’t know how to dream afar. Dreams areYanomami people’s specific source of knowledge in contrast with Whites’ writing andformal education (Kopenawa and Albert 2010, p. 490-503).

Journal de la Société des américanistes, 103-1 | 2017

182

7. Marcelo explained that had he known more of Brazil he would have mentioned itscapital.

8. This translation requires additional commentary. The expression yãĩ koropoima-refers to the specific way this love magic/perfume is carried by the approachingYanomami. It was explained to me as a person carrying a small stick with a cloth orcotton tied to one end, which has been soaked in the perfume contained in a bottle. Thedecomposition of yãĩ (tie) koro (bottom) -po- (hold) -ima- (approach) conveys thisinformation, whereas napë tʰou is the referred bottle of perfume.

9. I was told this tree has pods like those of the krepõ tree (Guama in local Spanish, ingaedulis [Lizot 2004, p. 176]), only longer. The metaphor hinges on the length of the pods.

10. Lines 5-9 are missing in this extract.

11. A similar point is made by Ramo y Affonso (2014) when comparing Guarani (mbya)inter-specific politics and those that they undertake with Whites. The author’s politicalreading of a people known in the literature for their religiosity is also suggestive of theappropriateness of looking for analytical threads between inter- and intra-specificpolitics, and hence religion and politics, in Amazonianist anthropology.

ABSTRACTS

The Yanomami ceremonial dialogues (wayamou) are a ritualized form of verbal exchange aimed at

inter-community conflict resolution. This paper is devoted to describing and analyzing these

ceremonial dialogues, taking a closer look at a. the significance of their tropic nature; b. the role

played by knowledge acquired in dreams; and c. the manner in which « naming » the forest

socializes space, peopling it not only with communities, but also with resources and exchange

possibilities. I shall demonstrate that this combination of features delineates a political aesthetics

reminiscent of shamanic form and efficacy. Such proximity suggests lines of continuity between

political and religious agency, helping to bridge the gap Amazonianist anthropology has carved

between the analysis of intra-human politics and that between humans and non-humans.

Los diálogos ceremoniales yanomami (wayamou) son una forma ritualizada de intercambio verbal

orientada a la resolución de conflictos intercomunitarios. Este trabajo describe y analiza estos

diálogos enfocándose en a. el significado de su carácter metafórico; b. el papel del conocimiento

adquirido en sueños; y c. la forma en que el nombramiento del territorio socializa el espacio,

poblándolo no solo de comunidades, sino también con sus recursos y posibilidades de

intercambio. Trataré de demostrar que esta combinación de características nos coloca frente una

estética política propia del chamanismo. Esta proximidad sugiere una continuidad entre tipos de

agencia politíca y religiosa que puede ayudar a acortar la distancia que la antropología

amazonista ha creado entre el análisis de la politica intra-humana y aquella que se lleva a cabo

entre humanos y no-humanos.

Les dialogues cérémoniaux yanomami (wayamou) sont une forme ritualisée d’échange verbal

destinée à la résolution des conflits entre les communautés. Ce travail décrit et analyse ces

dialogues en tenant compte : a. du sens de son caractère métaphorique ; b. du rôle des

connaissances acquises lors des rêves ; et c. de la façon dont les dénominations données au

Journal de la Société des américanistes, 103-1 | 2017

183

territoire socialisent l’espace, tout en le peuplant non pas seulement de communautés mais aussi

de ressources et de possibilités d’échanges. J’essaierai de montrer que cette combinaison de

caractéristiques relève d’une esthétique politique propre au chamanisme. Cette proximité

suggère une continuité entre différents types d’agence politique et religieuse. On pourra ainsi

tenter de réduire les distances que l’anthropologie amazonienne a crée entre l’analyse de la

politique entre les humains et celle qui se tient entre les humains et les non-humains.

INDEX

Mots-clés: dialogues cérémoniaux, Yanomami, métaphore, politique amérindienne, puissance

d’agir

Palabras claves: diálogos ceremoniales, Yanomami, metáfora, política amerindia, agencia

Keywords: ceremonial dialogues, Yanomami, metaphor, Amerindian politics, agency

AUTHOR

JOSÉ ANTONIO KELLY LUCIANI

Universidade Federal de Santa Catarina [[email protected]]

Journal de la Société des américanistes, 103-1 | 2017

184

Note de recherche

Journal de la Société des américanistes, 103-1 | 2017

185

Caractérisation physico-chimiquede pigments de peintures muralesmochica : San José de Moro (VIIIe-Xe

siècles apr. J.-C.)Physico-chemical characterization of Mochica mural paintings: San José de Moro

(8th to the 10th century AD)

Caracterización fisico-química de pigmentos de pinturas murales: San José de

Moro (siglos VIII-X d.C.)

Nicola Sardos, Nino Del-Solar-Velarde, Rémy Chapoulie et Luis JaimeCastillo Butters

NOTE DE L’ÉDITEUR

Manuscript reçu en décembre 2015, accépté pour comme note de recherche publicationen octobre 2016.

Remerciements – Cette étude n’aurait pu être réalisée sans l’autorisation, accordée par le

ministère de la Culture du Pérou, de sortie du territoire des échantillons pour les analyses au

laboratoire IRAMAT-CRP2A de Bordeaux ; qu’il en soit remercié. Les institutions françaises,

l’université Bordeaux Montaigne et le CNRS sont à remercier également pour l’aide qui a été

apportée par les personnels techniciens et ingénieurs notamment dans la préparation des

échantillons avant analyse. Nous tenons à remercier également le programme IdEx de Bordeaux

(Initiative d’excellence de l’université de Bordeaux) qui a soutenu le travail par un contrat

doctoral international. Cette recherche a bénéficié d’une aide de l’État gérée par l’Agence

nationale de la recherche au titre du Programme investissements d’avenir portant la référence

ANR-10-LABX-52/Laboratoire des sciences archéologiques de Bordeaux.

Journal de la Société des américanistes, 103-1 | 2017

186

1 Cette étude préliminaire sur les peintures murales du site de San José de Moro est

réalisée en lien avec le projet de recherche et programme archéologique « San José deMoro » qui participe à l’étude archéologique de la société mochica dans la partie bassede la vallée de Jequetepeque, sur la côte nord du Pérou.

Introduction et problématique

2 La peinture murale est l’une des expressions clés de la culture mochica (Bonavia 1959,

1974, 1985). En effet, en l’absence d’écriture, elle joue un rôle de vecteur idéologique etpossède un pouvoir symbolique fort, accessible à tous, et encadré par les élitesdirigeantes. Cette étude s’inscrit dans la continuité d’autres travaux de recherches, telsceux de Duccio Bonavia (1959, 1985) et de Véronique Wright (depuis les années 2010),où l’apport de l’outil archéométrique a permis, grâce aux analyses physico-chimiquesde la polychromie murale, d’apporter une meilleure compréhension de la techniquepicturale et des savoir-faire des artisans mochica.

3 La problématique de cette étude est d’identifier les matériaux utilisés dans la

composition de la couche picturale, de découvrir comment ces couches ont étépréparées et de contribuer à la connaissance de la société mochica entre les VIIIe et Xe

siècles de notre ère dans la vallée de Jequetepeque. Cela permet également de retracerune partie de la « chaîne opératoire » mise en œuvre dans l’élaboration des peinturesmurales.

4 L’archéométrie, par ces méthodes d’investigation, permet de répondre à ces

problématiques grâce à l’étude de la technologie picturale et la caractérisation desmatériaux employés. Les méthodes de l’archéométrie sont ainsi indispensables pouraborder l’archéologie péruvienne, notamment pour l’étude des céramiques et despigments utilisés, comme l’ont montré certaines études (Vaughn 2000, 2006a ;Wright 2008 ; Del-Solar-Velarde 2011, 2014 ; Dollwetzel 2014).

5 Cette étude s’inscrit dans un programme de recherche plus vaste concernant le site de

San José de Moro, un centre mochica d’échanges humains et technologiquesimportants, possédant une forte dimension religieuse dans la vallée de Jequetepeque(Castillo et al. 2009). Les pigments analysés sont issus de deux zones du site. La premièreest une sépulture dite de « prêtresse », personnage appartenant à l’élite. La secondezone échantillonnée est une huaca, un édifice pyramidal typique de la culture mochicadont les murs intérieurs présentent des vestiges de peintures murales.

6 La gamme picturale utilisée pour la réalisation des peintures murales de San José de

Moro est constituée de rouge, de jaune, de blanc, de noir et de violet. Les couleursrouge, jaune et blanc se retrouvent fréquemment dans la palette chromatique desdécors muraux mochica (Wright 2010).

La peinture murale mochica

7 Les peintures murales se retrouvent principalement dans l’architecture cérémonielle

notamment les pyramides mochica, les huacas. Afin d’avoir un maximum d’impact surle public, les murs étaient peints au niveau des façades externes. Les parois des espacesinternes, réservés aux officiants du culte étaient également décorées.

Journal de la Société des américanistes, 103-1 | 2017

187

8 Ces décorations murales polychromes étaient réalisées à l’aide de pigments minéraux

et végétaux appliqués avec des pinceaux en poils de lama, sur une base et un enduitd’argile. Cette technique confère leur spécificité à ces décorations murales mais ellesprésentent aussi une grande fragilité (Morales et al. 2002 ; Wright 2008, 2010).

9 Cette pratique artistique est présente sur de nombreux sites mochica. C’est le cas par

exemple dans l’aire Mochica sud pour les vestiges des sites de Pañamarca, El Castillo deHuancaco, Huaca de la Luna et Huaca Cao Viejo et dans l’aire Mochica nord pour lessites de Dos Cabezas, La Mina et Sipán (Wright 2010).

10 L’art constitue une source majeure pour la compréhension de l’évolution politique et

historique d’une société. Il reflète à la fois l’aspect technique du travail de l’artisan et latransposition de la vision que l’homme a de la nature et du réel. De cette manière, lapeinture murale présente sur des monuments publics permet de véhiculer des idées etdes valeurs et peut être perçue comme un moyen efficace de communication. Les sujetscommuns comme les thèmes religieux reflètent la structure de la société et favorisentsa cohésion (Wright 2010). Par ailleurs, cet art peut être également perçu comme unmoyen de contrôle par l’intermédiaire d’images visuelles à forte valeur symbolique.Pour la société mochica, qui n’a jamais développé d’écriture, l’art et son expressionrevêtent une dimension particulière (Wright 2010).

11 Les peintures murales se retrouvent majoritairement sur les édifices sacrés

monumentaux, à la fois centres cérémoniels et bâtiments représentant l’autorité àtravers des concepts idéologiques religieux précis. Mais des peintures murales ontégalement été retrouvées en contexte funéraire, comme en témoigne le site de San Joséde Moro.

12 L’archéométrie représente un moyen efficace d’appréhender la peinture murale

mochica (Bonavia 1959 ; Donnan 1972 ; Bourgès 1998 ; Scott et al. 1998). Bonavia fut lepremier à réaliser des analyses physico-chimiques sur les peintures murales mochicasur le site de Pañamarca en 1959 (Bonavia 1959). En 1972, la fluorescence de rayons X aété utilisée afin d’identifier les pigments des peintures murales de Huaca Facho(La Mayanga) (Donnan 1972). Donnan détermina ainsi que le rouge était composé decinabre, le jaune de goethite ou de limonite, le noir de pyrolusite, et le blanc d’oxyde decalcium. Sur le site de La Mina (vallée de Jequetepeque), des pigments furent égalementanalysés (Scott et al. 1998). Le jaune était composé d’ocre jaune, le blanc de calcite, lerouge d’ocre rouge, le noir de charbon de bois et le vert de chrysocolle[(Cu,Al)2H2Si2O5(OH)4.xH2O]. À la fin des années 1990, David Scott analysa neuf

fragments de peinture murale provenant de Huaca Cao Viejo et démontra que le rougeétait constitué d’ocre rouge, les pigments rosâtres d’un mélange d’hématite, de calcite,de charbon et de quartz, le blanc de calcite, le noir de charbon de bois et le vert d’unmélange de charbon, de calcite et d’ocre rouge et jaune (Scott 1999). Pour la vallée deMoche, la polychromie du site de Huaca de la Luna fut étudiée dès 1996 (Sabana etReyna 1998), révélant que les pigments blancs étaient constitués de talc[Mg3Si4O10(OH)2], le rouge d’hématite, le jaune de limonite, le bleu de disthène (SiO4Al2),

le noir de magnétite (Fe3O4) et le marron d’oxyde de fer. En 1998, Ann Bourgès analysa

une série de peintures murales montrant que les pigments blancs contenaient du gypseet du quartz, les rouges de l’hématite et de la goethite, les jaunes des oxydes de fer etles noirs du graphite (Bourgès 1998).

13 La recherche en archéométrie dans le cadre de l’étude des peintures murales a été

particulièrement développée dans les années 2000 et 2010. Plusieurs sites ont été

Journal de la Société des américanistes, 103-1 | 2017

188

analysés par la caractérisation physico-chimique des mélanges colorants et dessupports de terre crue afin d’identifier les outils et les matières premières employéesainsi que leur provenance. C’est le cas à Huaca de la Luna et sur d’autres sites où lesdifférentes analyses ont permis de mettre en évidence la présence des mêmes« recettes » dans l’élaboration des mélanges colorants (pigment, charge et liant) dansquatre vallées avec des particularités propres à chaque site, évoquant une transmissiondes savoir-faire dans tout le territoire mochica avec des adaptations locales(Wright 2008, 2010).

San José de Moro

14 Le site de San José de Moro est situé sur la rive droite du fleuve Chamán dans la vallée

de Jequetepeque (district de Pacanga, province de Chepén, département de La Libertad)et abrite l’un des plus importants sites funéraires et centres cérémoniels régionaux dela société mochica (Figure 1). Les occupations du site sont comprises entre la périodeMochica Moyen (400-700 apr. J.-C.) et la période Transitionnelle (850-950 apr. J.-C.)(Castillo et al. 2009). Deux édifices présentent des peintures murales : la HuacaLa Capilla et la sépulture M-U2111. Dans le premier cas les murs extérieurs et intérieursdu bâtiment présentent comme couleurs, du blanc et du noir. Dans le second cas, lesniches et les murs de la sépulture sont peintes en rouge, jaune et violet.

Fig. 1 – Carte de la répartition du territoire mochica et des différentes vallées occupées(Dollwetzel 2014 d’après Castillo 2006).

15 La Huaca La Capilla est le vestige d’une huaca, une structure pyramidale typique de la

culture mochica construite en adobe (briques de terre crue séchées au soleil). Leshuacas sont souvent décorées de peintures et associées à des pratiques rituelles, commela Huaca de La Luna (site de Moche) ou funéraires à l’image du site de Sipán.

Journal de la Société des américanistes, 103-1 | 2017

189

16 Celle de San José de Moro présente une élévation à un seul niveau, probablement due à

son état de conservation. Elle est considérée comme faisant partie d’une structurerituelle plus vaste datant également de la période Mochica tardive. Aucune sépulturen’y a été découverte actuellement. La structure présente deux murs porteurs dont l’unest percé d’une série de niches. Les deux murs présentent des traces d’un enduit clair(blanc-beige) et des traces de peinture murale noire (Muro 2014).

17 La sépulture M-U2111 est une tombe dite de « prêtresse », la huitième mise au jour sur

le site et la seule présentant des traces de peintures murales (Saldaña et al. 2013). Ils’agit d’une tombe à chambre funéraire constituée d’une pièce quadrangulaireconstruite en adobe avec un plafond en poutres de bois. Des niches ornées de peinturesmurales sont insérées dans les murs (Figure 2).

Fig. 2 – Tombe M-U2111 (extrait de Saldaña Campos et al. 2013).

18 Les tombes de « prêtresses » constituent la particularité de ce site et sont interprétées

comme telles suite aux comparaisons du mobilier funéraire découvert associé aux corpsavec l’iconographie de la céramique à ligne fine mochica. La découverte de peinturemurale dans une tombe d’élite est sans précédent dans l’archéologie mochica.

19 Cette étude permet d’approfondir les premiers résultats obtenus sur les pigments, pour

ce site, par fluorescence de rayons X portable (Del-Solar-Velarde 2014). Son intérêt estd’apporter de nouvelles informations sur ce site par l’étude de la technologie picturaleemployée, afin de compléter l’approche archéologique et anthropologique desrecherches effectuées sur les sépultures.

Journal de la Société des américanistes, 103-1 | 2017

190

Méthodologie et protocole analytique

Les échantillons

20 Au total, douze échantillons provenant de San José de Moro ont été prélevés sur la

couche picturale elle-même ainsi que sur le support de terre crue. Ces échantillonsprésentant différents degrés de fragilité, certains n’ont pas pu supporter des analysescomplètes.

21 Le prélèvement des échantillons a été effectué en 2014 par Nino Del-Solar-Velarde dans

le cadre du programme archéologique San José de Moro, sous la direction desarchéologues Luis Muro et Luis Jaime Castillo. Ceci a permis un échantillonnage dansdeux secteurs différents : la Huaca La Capilla (aire 51) et la sépulture M-U2111 (aire 47)(Figure 3).

22 Les murs de la tombe M-U2111 présentent des traces de peinture polychrome rouge,

jaune et violette (Figure 3).

23 Trois échantillons proviennent des niches de la sépulture M-U2111 (aire 47) et

présentent une gamme de trois couleurs (BDX17230 rouge, BDX17231 jaune etBDX17232 violet).

Fig. 3 – Niches de la sépulture M-U2111 (Del-Solar-Velarde 2014).

24 La seconde zone où des échantillons ont été prélevés est la Huaca La Capilla. Il s’agit de

neuf échantillons : trois de couleur noire issus des parois intérieures (BDX17221,BDX17222, BDX17223), un de couleur noire issu de la façade extérieure (BDX17224), unéchantillon de blanc qui correspond à l’enduit (BDX17225) et quatre du prélèvement dusupport en terre crue (BDX17226, BDX17227, BDX17228 et BDX17229) issus des paroisintérieures et extérieures (Figure 4).

Journal de la Société des américanistes, 103-1 | 2017

191

25 Tous les échantillons se présentent sous forme de fragments de petite taille (de l’ordre

du millimètre pour la plupart).

Fig. 4 – Présentation des données de l’échantillonnage des peintures murales de San José deMoro.

Référence Secteur Sous-secteur Couleur

BDX17221 Huaca La Capilla A – Niche Noir

BDX17222 Huaca La Capilla A – Mur interne Noir

BDX17223 Huaca La Capilla A – Mur interne Noir

BDX17224 Huaca La Capilla A – Mur façade Noir

BDX17225 Huaca La Capilla C Blanc

BDX17226 Huaca La Capilla B – Mur façade Couche support

BDX17227 Huaca La Capilla B – Mur façade Couche support

BDX17228 Huaca La Capilla A – Mur interne Couche support

BDX17229 Huaca La Capilla A – Niche Couche support

BDX17230 Aire 47 M-U2111 (niche 2) Rouge

BDX17231 Aire 47 M-U2111 (niche 4) Jaune

BDX17232 Aire 47 M-U2111 (niche 2) Violet

Protocole analytique

26 Afin de réaliser ces analyses, plusieurs techniques d’investigation ont été utilisées. Elles

ont été appliquées aux supports et à l’ensemble des couches picturales.

27 Une partie du corpus d’échantillons a fait l’objet de prélèvements qui ont été enrobés

dans de la résine polyester autopolymérisante Sody 33. Ils ont été découpés en lamesépaisses afin d’obtenir une vue en coupe stratigraphique. Cette préparation concernecinq échantillons (BDX17222 noir, BDX17225 blanc, BDX17230 rouge, BDX17231 jaune etBDX17232 violet). En premier lieu, une analyse colorimétrique a été effectuée in situ enutilisant le système Munsell qui permet de coder la couleur de chaque échantillon. Lesdonnées obtenues ont été converties en coordonnées RGB et L*a*b* afin d’identifier lescouleurs en présence. Les échantillons ont ensuite fait l’objet d’observations à la loupebinoculaire et au microscope optique polarisant. L’utilisation de ces techniques apermis de disposer d’informations préliminaires sur les supports et les couchespicturales concernant leur aspect général, leur texture et leur granulométrie.

28 Des analyses élémentaires ont été réalisées. La fluorescence de rayons X portable a été

employée in situ et constitue une analyse élémentaire préliminaire. Les résultats ontfait l’objet d’un traitement qualitatif et semi-quantitatif (Del-Solar-Velarde 2014).

29 L’analyse élémentaire a été poursuivie en laboratoire (IRAMAT-CRPAA) par la

spectrométrie de rayons X à dispersion d’énergie en microscopie électronique àbalayage (MEB-EDS). L’appareil utilisé est un JEOL JSM en mode Low Vacuum (LV) avecune tension d’accélération de 20 KeV. Les résultats ont été traités avec le logiciel INCA

Journal de la Société des américanistes, 103-1 | 2017

192

(Oxford Instrument). Deux protocoles ont été utilisés. Le premier consiste àsélectionner des zones d’analyse globale sur la surface de l’échantillon (entre 5 et 10) àun grandissement jugé faible de 250. Le grandissement est ensuite porté à 800 pourchoisir des zones de granulométrie homogène ou présentant un intérêt particuliercomme la présence de certaines inclusions. Des analyses ponctuelles et globales sonteffectuées (entre 5 et 12) avec un temps d’acquisition de 60 secondes. Le secondprotocole a majoritairement été utilisé sur les coupes stratigraphiques des échantillonsenrobés. Il consiste à réaliser des cartographies des éléments détectés par leursrayons X.

30 Les échantillons ont également fait l’objet d’analyses structurales par diffraction de

rayons X afin d’identifier les différentes phases minérales en présence. L’appareilutilisé est un BRUKER D8 Advance. Le protocole appliqué est celui développé parDollwetzel (2014) pour des analyses de pigments de décors céramiques mochica. Les

paramètres d’analyse de diffraction prennent en compte les angles de 10 à 70° en 2θ qui

sont enregistrés par incrémentation de 0,0133° en 2θ et 8 secondes par incrément.

31 Enfin, les échantillons ont été analysés par micro-spectrométrie Raman. Les analyses

ont été menées sur des grains représentatifs de la couche picturale et de la couchesupport afin d’apporter des informations sur leur structure. L’appareil utilisé est unspectromètre Raman Renishaw RM 2000 associé à un microscope Leica DMLM. Le laserutilisé est un laser rouge de 632,8 nm. Six accumulations de 20 secondes avec ungrandissement de 50 ont été réalisées. Les spectres ont été traités avec le logicielGRAMS 32.

Résultats et discussion

La couche picturale noire

32 Les échantillons de pigment noir prélevés à San José de Moro sont au nombre de quatre

(BDX17221, BDX17222, BDX17223 et BDX17224). L’épaisseur de la couche picturale est

d’environ 340 μm mais présente de nombreuses variations, due à l’état général deséchantillons. La surface de la couche picturale présente une granulométrie fine maisirrégulière constituée de grains noirs avec des inclusions nombreuses et grosses

(pouvant mesurer jusqu’à 200 μm), blanches ou translucides (Figure 5).

33 Les analyses préliminaires de peintures murales de l’aire 51 (Huaca La Capilla) par XRF

portable ont montré la présence importante de manganèse.

34 Les résultats qualitatifs et semi-quantitatifs obtenus par MEB-EDS ont confirmé que les

grains noirs contiennent en moyenne environ 20 % d’oxyde de manganèse.

35 Les analyses structurales ont démontré que la présence des oxydes de manganèse se

retrouvaient sous forme de manganite [MnO(OH)] et de pyrolusite (MnO2). Des

inclusions riches en fer (hématite, Fe2O3), en carbonate de calcium (calcite, CaCO3) et en

sulfate de calcium (anhydrite, CaSO4) ont été également identifiées ainsi que des grains

de quartz (SiO2).

Journal de la Société des américanistes, 103-1 | 2017

193

Fig. 5 – Vue en coupe de l’échantillon BDX17222 (noir). La zone encadrée représente la couchepicturale.

La couche picturale rouge

36 L’échantillon rouge, BDX17230 présente une couche picturale d’environ 110 μm

d’épaisseur. Elle est constituée de grains irréguliers et hétérogènes de couleur rougeavec beaucoup d’inclusions noires, jaunes, translucides et quelques inclusions blanches.Il est également important de remarquer une couche picturale jaune sous-jacente d’une

épaisseur d’environ 30 μm composée de goethite [FeO(OH)]. Sa présence peut davantages’expliquer par l’interaction des deux zones (rouge et jaune) au sein de la niche que parun éventuel repeint (Figure 6).

37 La cartographie de rayons X réalisée au MEB démontre que les concentrations en

oxydes de fer sont importantes dans la couche picturale et plus particulièrement dansla couche sous-jacente jaune. Le pigment est constitué d’hématite, ce qui confère sacouleur rouge. Les inclusions présentes dans la couche picturale sont des grains dequartz, de calcite avec la présence d’anorthite (CaAl2Si2O8) (probablement due à

l’interaction avec la couche support).

Journal de la Société des américanistes, 103-1 | 2017

194

Fig. 6 – Vue en coupe de l’échantillon BDX17230 (rouge).

La couche picturale jaune

38 Le jaune de San José de Moro a une couche picturale plus fine que les autres couleurs

avec une épaisseur moyenne d’environ 65 μm. La granulométrie est comparable audécor rouge avec des grains jaunes assez irréguliers et de nombreuses inclusions noires,blanches et translucides. De rares inclusions rouges sont également présentes(Figure 7).

39 L’ensemble des analyses a permis de comprendre que la couleur jaune est due à la

goethite, constituant majeur de la couche picturale. Des inclusions d’hématite, dequartz, de calcite et de gypse (CaSO42H2O) sont également présentes. Les analyses en

diffraction de rayons X ont également permis de constater la présence de natrojarosite[NaFe3(OH)6(SO4)2].

Journal de la Société des américanistes, 103-1 | 2017

195

Fig. 7 – Surface de l’échantillon BDX17231 (jaune).

La couleur violette

40 Le pigment violet provient d’une couche picturale constituée de grains rouges et de

grains de couleur sombre au-dessus (Figure 8). L’épaisseur totale moyenne de la couche

picturale est d’environ 220 μm. La granulométrie est très irrégulière et hétérogène avecbeaucoup d’inclusions, nuisant à la lisibilité et à la compréhension de l’assemblage desdifférents grains.

41 Les analyses ont montré que la couche rouge était due à l’hématite. Les grains jaunes

présents dans le mélange pictural correspondent à de la goethite et les grains noirs ontété identifiés par diffraction de rayons X comme étant de la magnétite (Fe3O4). La

présence d’oxyde de titane (rutile, TiO2) a également pu être observée. Jusque-là, ces

composants se retrouvaient dans les pigments utilisés pour la décoration de céramique(Dollwetzel 2014 ; Del-Solar-Velarde, communication personnelle). La couche picturaleviolette n’est donc pas composée d’un élément chromogène violet mais d’un mélangede minéraux rouges, jaunes et noirs.

Journal de la Société des américanistes, 103-1 | 2017

196

Fig. 8 – Vue en coupe de l’échantillon BDX17232 (violet).

La couche picturale blanche

42 La couche picturale présente une granulométrie fine mais relativement hétérogène de

cristaux blancs avec la présence d’inclusions mesurant jusqu’à plusieurs dizaines demicromètres, de couleur noir, jaune, rouge ou translucide. L’échantillon analysé neprésentant pas de support, il n’a pas été possible de mesurer l’épaisseur de la couchepicturale (Figure 9).

43 Les analyses en diffraction X et en micro-spectrométrie Raman ont révélé que la couche

colorée était constituée de calcite, de gypse et de quartz.

Journal de la Société des américanistes, 103-1 | 2017

197

Fig. 9 – Vue en coupe de l’échantillon BDX17225 (blanc).

La couche support

44 Pour l’ensemble des échantillons provenant de San José de Moro, la couche support,

d’un point de vue texture et granulométrie est similaire, que ce soit par observationmacroscopique ou microscopique, bien que les prélèvements aient été effectués dansdeux secteurs différents.

45 La couche support présente de nombreuses inclusions de couleur jaune, noir, blanc,

orange ou translucide dont la taille varie de quelques dizaines de micromètres jusqu’à

200 μm pour les plus grosses.

46 La granulométrie n’est pas uniforme et présente une porosité importante.

47 Les analyses élémentaires et structurales ont permis de démontrer que le support est

majoritairement composé de quartz, d’aluminosilicates calcosodiques (albite) et d’illite.

Fig. 10 – Synthèse des résultats obtenus par micro-spectrométrie Raman pour chaque couleurd’échantillon.

Échantillon Phase Pics observés (cm-1)

BDX17222 (noir) Manganite 575 649

Pyrolusite 300 377-397 550 632

BDX17225 (blanc) Calcite 283 1 085

BDX17230 (rouge) Hématite 222 292 405 601

BDX17231 (jaune) Goethite 300 392 1 001

Journal de la Société des américanistes, 103-1 | 2017

198

BDX17232 (violet) Hématite 224 291 406 604

Rutile 230 448 611

Fig. 11 – Synthèse des résultats obtenus par MEB-EDS et moyenne de la composition élémentairedes couches picturales pour chaque échantillon.

Na2O MgO Al2O3 SiO2 P2O5 S K2O CaO TiO2 Mn2O3 Fe2O3 Cu2O Total

BDX17222 Moyenne 2 2,9 14,4 43,4 0,9 2,3 4,5 4,2 0,5 19,8 5 N/A 100

Ecart

type 0,7 0,3 1,8 3 0,2 0,1 0,8 0,5 0,2 2,2 0,5 N/A

BDX17224 Moyenne 0,8 9,7 14,4 37,8 0,7

N/

A 2,4 5,8 0,4 1,2 26,8 N/A 100

Ecart

type 0,3 3,9 1,2 3,4 0,3

N/

A 0,8 1,9 0,4 0,9 3,9 N/A

BDX17225 Moyenne 0,9 2,3 7,5 22,6 N/A 1,7 2,2 55,3 0,5 1,9 4,4 0,1 100

Ecart

type 0,5 0,4 1,5 2,9 0,1 0,3 0,4 3,3 0,3 0,4 1,3 0,3

BDX17228 Moyenne 1,6 2,5 17 50,8 1 4,1 4 9,9 0,7 0,1 7,4 N/A 100

Ecart

type 0,4 0,4 1,2 3,2 0,2 1,8 0,5 2 0,2 0,1 1,2 N/A

BDX17230 Moyenne 5,7 2,8 20,3 42,2 0,7 10,4 2,2 5,1 0,2 N/A 10,3 N/A 100

(couche

rouge)

Ecart

type 1,5 0,3 4,7 3,5 0,1 4,3 0,2 2 0,1 0,1 2,3 0,1

BDX17230 Moyenne 1,3 4,2 18,7 56 0,5

N/

A 2,5 1,6 0,3 N/A 14,9 N/A 100

(couche

jaune)

Ecart

type 1,1 2,9 3,3 1,5 0,1

N/

A 0,3 1,9 0,6 N/A 3,1 N/A

BDX17231 Moyenne 7,1 2,7 11,9 36,7 0,7 14,3 1,8 8,5 0,5 0,1 15,7 N/A 100

Ecart

type 1,4 0,2 0,9 3,3 0,1 4,5 0,2 1,5 0,1 0,1 3,8 N/A

BDX17232 Moyenne 3 1,7 25,8 57,1 0,8 0,9 3,8 3,5 0,3 N/A 3,2 N/A 100

(couche

rouge)

Ecart

type 3 0,9 3,2 3,6 0,8 0,4 3,2 3,1 0,3 N/A 1,3 N/A

BDX17232 Moyenne 0,7 1,2 23,6 59,7 0,9

N/

A 2,7 3,2 N/A N/A 8,2 N/A 100

(couche

noire)

Ecart

type 0,9 1,7 5,2 0,9 1,3

N/

A 0,2 1,4 N/A N/A 0,8 N/A

Journal de la Société des américanistes, 103-1 | 2017

199

Discussion

48 L’ensemble des analyses archéométriques réalisées dans le cadre de cette étude a

permis d’identifier les éléments chromogènes à l’origine des couleurs des peinturesmurales du site de San José de Moro.

49 Les pigments mochica sont constitués de grains fins ou relativement grossiers, ce qui se

traduit par des couches picturales hétérogènes. Cet aspect est probablement dû auxméthodes de préparation des pigments et au broyage peut-être insuffisant desminéraux.

50 Ainsi, le rouge constitué d’hématite et le jaune de goethite se retrouvent à la fois dans

les décors mochica de plusieurs sites (Sipán, El Brujo, Huaca de la Luna, Castillo deHuancaco, San José de Moro). Cette technique se retrouverait donc dans les différentesrégions mochica.

51 Des particularités régionales peuvent également être mises en évidence. C’est le cas

pour l’usage de pigments à base d’oxyde de manganèse, qui semble se retrouveruniquement à La Mayanga et à San José de Moro. Cela est peut-être dû à l’exploitationde ressources et de gisements locaux ou à des relations d’échange de technique, desavoir-faire ou tout simplement de matériaux.

52 Les résultats obtenus confirment la présence de manganèse, décelée par les analyses

XRF portable effectuées in situ. Selon les précédentes études (Del-Solar-Velarde 2011 ;Dollwetzel 2012, 2014 ; Nickel et al. 2013), l’hypothèse de possibles échanges detechniques ou de matériaux bruts entre les cultures mochica et huari pourrait être àl’origine de la présence de manganèse dans les peintures noires à Huaca La Capilla.Signalons par ailleurs qu’en 1972 Donnan avait déjà mis en évidence des peinturesmurales polychromes de style hybride mochica-huari à Huaca Facho, un site où de lacéramique mochica, huari et hybride a également été retrouvée.

Bilan

53 En tant que centre cérémoniel régional majeur, San José de Moro montre que la

peinture murale est fortement liée à l’élite politique et religieuse. Souvent associée aucontexte administratif, la peinture murale est liée au pouvoir, au culte et à sonidéologie (Wright 2010). Le contexte funéraire des peintures murales de San José deMoro n’est pas un cas isolé. Sur le site de Huaca Cao Viejo, la sépulture de la Señora deCao est associée à un patio décoré de peintures murales de différentes couleurs dont lerouge à base d’hématite (Wright 2010). La couleur participe activement aux activitéscultuelles et possède un aspect symbolique indéniable, probablement lié à la fonctionde l’individu, à des rites et/ou au culte dans le cas des décors étudiés à San José deMoro. De plus, il est intéressant de remarquer que la couleur violette (couleur rare de lapalette mochica) retrouvée à Sipán est également associée à un contexte funéraire. Eneffet, celle-ci se situe sur la plateforme funéraire et est attribuée à la période Mochicatardive comme la sépulture MU-2111 de San José de Moro. Le violet pourrait être lemarqueur d’un symbolisme lié au contexte funéraire. Bien que la composition des deuxviolets soit différente, la technique de fabrication est proche, avec le mélange de grainsd’hématite et de grains noirs dans les deux cas (magnétite pour San José de Moro etcharbon de bois pour Sipán). Cependant, aucune conclusion ne pourra être tirée

Journal de la Société des américanistes, 103-1 | 2017

200

définitivement tant que le corpus de sépultures décorées de peintures murales resteraaussi réduit.

54 L’apport de l’archéométrie à l’étude des peintures murales précolombienne permet une

approche pluridisciplinaire, mêlant l’archéologie et l’étude physico-chimique desmatériaux. Les méthodes mises en œuvre dans cette étude ont permis d’apporter desinformations d’ordre technique sur la mise en forme des peintures murales tout enreplaçant l’étude dans le contexte plus large de l’archéologie précolombienne et destravaux précédents réalisés sur le sujet. Grâce aux résultats obtenus, des informationspeuvent être mises en évidence sur les techniques des artisans précolombiens et surl’usage et le choix des couleurs.

55 Les analyses des pigments effectuées jusqu’ici présentent des lacunes quant à

l’approvisionnement en matière première et aux sources des minerais utilisés dans lesmélanges colorants, en particulier pour la vallée de Jequetepeque où se situe San Joséde Moro. Trop peu de travaux ont été réalisés sur le contexte géologique et sur lescarrières de matières premières pour répondre à des problématiques de provenance oude circulation des matériaux. La présence et la teneur en éléments traces pourraientfournir également un marqueur important de l’origine des matières premièresminérales et permettraient de les relier à une source. Dans le cadre de cette étude desanalyses quantitatives par MEB-EDS auraient pu apporter cette information. L’objectifserait d’exploiter ces données quand des sources locales éventuelles seront proposées.

BIBLIOGRAPHIE

BONAVIA Duccio

1959 Una pintura mural de Pañamarca, Valle de Nepeña, Instituto de Investigaciones Antropológicas/

Museo Nacional de Antropología y arqueología, Lima.

1974 Ricchata Quellccani. Pinturas murales prehispánicas, Fondo del Libro del Banco Industrial del

Perú, Lima.

1985 Mural painting in ancient Peru, Indiana University Press, Bloomington.

BOURGÈS Ann

1998 Peintures murales mochicas, Huaca de la Luna, Trujillo, Pérou, maîtrise de physique appliquée à

l’archéologie, université Michel-de-Montaigne Bordeaux III, Pessac.

CASTILLO BUTTERS Luis Jaime, Julio RUCABADO Y., Martín DEL CARPIO P., Katiusha BERNUY Q., Karim

RUÍZ R., Carlos RENGIFO CH. et Gabriel PRIETO B.

2009 « Ideología y Poder en la Consolidación, Colapso y Reconstitución del Estado Mochica del

Jequetepeque El Proyecto Arqueológico San José de Moro (1991-2006) », Ñawpa Pacha, vol. 29,

p. 1-86.

DEL-SOLAR-VELARDE Nino

2011 La caractérisation archéométrique des céramiques précolombiennes du Pérou : une synthèse

Journal de la Société des américanistes, 103-1 | 2017

201

historique et méthodologique, mémoire de master en archéométrie, université Michel-de-Montaigne

Bordeaux III, Pessac.

2014 « Caracterización elemental cualitativa y semicuantitativa por fluorescencia de rayos X

portable de cerámicas, pigmentos y pinturas murales del sitio de San José de Moro », in Luis Jaime

Castillo Butters (dir.), Informe del Proyecto Arqueológico San José de Moro Temporada 2014, ministère

de la Culture, Lima.

DOLLWETZEL Philipp

2012 Middle Horizon ceramic pigments. A meta-analysis of previous research on Peruvian ceramics in

Bordeaux and Chemnitz, rapport de stage, Technische Universität, Chemnitz.

2014 Manganèse et spinelles, marqueurs d’une interaction Wari-Mochica (Pérou, VIe-Xe siècle apr. J.-C.).

Caractérisation par MEB-EDS, DRX, Raman, spectrométrie Mössbauer et LIBS, mémoire de master en

archéométrie, université Bordeaux Montaigne, Pessac.

DONNAN Cristopher B.

1972 « Moche-Huari Murals from Northern Peru », Archaeology, 25 (2), p. 85-95.

MORALES GAMARRA Ricardo, Miguel ASMAT VALVERDE et Arabel FERNÁNDEZ L.

2002 « Atuendo ceremonial moche: excepcional hallazgo en la Huaca de la Luna », Iconos, 3,

p. 49-53.

MURO Luis

2014 Informe de excavación Temporada 2014 del Programa Arqueológico San José de Moro, Pontificia

Universidad Católica del Perú, Lima.

NICKEL Daniela, Luis Jaime CASTILLO BUTTERS, Rémy CHAPOULIE, Nino DEL-SOLAR-VELARDE et Philipp

DOLLWETZEL

2013 « Material analysis of colored pre-Columbian ceramic shards: identification of black

pigments on ceramics of the Huari Viñaque, Mochica Polícromo and Cajamarca Costeño styles »,

in Andreas Hauptmann, Oliver Mecking et Michael Prange (éd.), Archäometrie und

Denkmalpflege 2013. Jahrestagung an der Bauhaus-Universität Weimar (25-28 September 2013), Dt.

Bergbau-Museum Bochum, (Metalla. Sonderheft, 6), Bochum, p. 148-153.

SALDAÑA CAMPOS Julio Miguel, Ana Carito TAVERA MEDINA et Karla PATRONI CASTILLO

2013 Informe técnico de las excavaciones en el área 47 de San José de Moro – Temporada 1013, Museo

Arqueológico Rafael Larco Herrera, Lima.

SCOTT David A.

1999 El Brujo, Internal report, The Getty Conservation Institute, Scientific Program Memorandum,

Museum research Lab, Los Angeles.

SCOTT David A., Douglas H. DOUGHTY et Christopher B. DONNAN

1998 « Moche wallpainting pigments from La Mina, Jequetepeque, Peru », Studies in conservation,

43 (3), p. 177-182.

VAUGHN Kevin J.

2000 « Moving beyond iconography: neutron activation analysis of ceramics from Marcaya, Peru,

an Early Nasca domestic site », Journal of Field Archaeology, 27 (1), p. 75-90.

2006a « Ceramic production in Ancient Nasca: provenance analysis of pottery from the Early

Nasca and Tiza cultures through INNA », Journal of Archaeological Science, 33 (5), p. 681-689.

2006b « Craft production, exchange, and political power in the Pre-Incaic Andes », Journal of

Archaeological Research, 14, p. 313-344.

Journal de la Société des américanistes, 103-1 | 2017

202

WRIGHT Véronique

2008 Étude de la polychromie des reliefs sur terre crue de la Huaca de la Luna Trujillo, Pérou, thèse de

doctorat en préhistoire, anthropologie, ethnologie, spécialité « archéologie précolombienne »,

université de Paris I, Paris.

2010 « Pigmentos y tecnología artística mochicas : una nueva aproximación en la comprensión de

la organización social », Bulletin de l’Institut français d’études andines, 39 (2), p. 299-330.

RÉSUMÉS

Pour la culture précolombienne mochica qui se développa au Pérou sans écriture, la peinture

murale est un vecteur idéologique fort qui implique aussi bien les exécutants de ces décors, des

artisans spécialisés, que leurs commanditaires appartenant à l’élite dirigeante. L’archéométrie

permet de répondre à des problématiques liées aux technologies picturales employées et peut

apporter des informations sur les artisans qui ont réalisé ces décors. Dans cette étude, un corpus

de 12 échantillons de peinture murale a été analysé. Ils sont issus du centre cérémoniel et

d’échanges culturels et technologiques, San José de Moro (site mochica de la vallée de

Jequetepeque), daté du VIIIe au Xe siècle apr. J.-C. où des vestiges de peintures murales ont été mis

au jour dans les niches décorant une sépulture d’élite et sur les murs intérieurs d’une huaca (la

Huaca La Capilla), un édifice pyramidal associé au culte. Des analyses par MEB-EDS, diffraction de

rayons X et microspectroscopie Raman ont été réalisées sur les échantillons, venant compléter

les analyses par fluorescence de rayons X portable réalisées in situ. Les résultats obtenus ont

permis de retracer une partie de la chaîne opératoire et d’apporter des informations sur les

anciens artisans précolombiens et leur place dans la société mochica.

To the pre-Columbian Mochica culture, a culture that did not develop through writing, mural

painting is a strong ideological vector that involves the implementers of those decorations and

specialized craftsmen, as well as their sponsors, members of the ruling elite. Archaeometry

allows us to answer questions regarding the pictorial technologies that were employed and to

bring about pieces of information on the craftsmen who designed those decorations. A corpus of

twelve samples of mural paintings has been analyzed in this study. They are from the ceremonial

center of cultural and technological exchanges of San José de Moro (Mochica site of the

Jequetepeque Valley), dated from the 8th to the 10th century (AD), where remains of mural

paintings were uncovered in the alcoves of an elite entombment and on the interior walls of a

huaca (Huaca La Capilla), a pyramidal building associated to worshipping. Analyses by SEM-EDS,

X-ray diffraction and Raman spectroscopy were conducted on the samples, completing the

analyses by portable X-ray fluorescence made in situ. The results obtained allowed us to chart

part of the chaîne opératoire and to bring about pieces of information on ancient pre-Columbian

craftsmen and their role in Mochica society.

Para la cultura precolombiana mochica que se desarrolló en el Perú sin escritura, la pintura

mural fue un vector ideológico que implicó tanto al ejecutante de estas decoraciones, artesanos

especializados, como a sus comanditarios que pertenecieron a la élite dirigente. La arqueometría

permite responder a problemáticas vinculadas a las tecnologías pictóricas empleadas. En este

estudio, un conjunto de 12 muestras de pinturas murales ha sido analizado. Ellas vienen del

centro de intercambio cultural y technológico y centro ceremonial de San José de Moro (un sitio

mochica del valle de Jequetepeque). En este sitio, ocupado por sociedades Mochica entre el siglo

VIII y el siglo X d.C., vestigios de pinturas murales han sido descubiertos en los nichos y paredes

que decoran una sepultura de élite y sobre las paredes interiores de una huaca (la Huaca

La Capilla), un edificio piramidal asociado a expresiones rituales y de culto. Análisis por MEB-EDS,

Journal de la Société des américanistes, 103-1 | 2017

203

difracción de rayos X y microespectroscopía Raman han sido realizados sobre las muestras,

completando las análisis por fluorescencia de rayos X portable realizados in situ. Los resultados

obtenidos permitieron reconstituir una parte de la cadena operativa.

INDEX

Palabras claves : arqueometria, pigmentos, pintura mural, Perú, Mochica, Inca, arte

precolombino

Keywords : archaeometry, pigments, mural painting, Peru, Mochica, Inca, pre-Columbian art

Mots-clés : pigments, caractérisation, peinture murale, Pérou, Mochica, Inca, art précolombien

AUTEURS

NICOLA SARDOS

Université Bordeaux Montaigne [[email protected]]

NINO DEL-SOLAR-VELARDE

Université Bordeaux Montaigne [[email protected]]

RÉMY CHAPOULIE

Université Bordeaux Montaigne [[email protected]]

LUIS JAIME CASTILLO BUTTERS

Pontificia Universidad Católica del Perú [[email protected]]

Journal de la Société des américanistes, 103-1 | 2017

204

Chronique

Journal de la Société des américanistes, 103-1 | 2017

205

Con la ayuda de Dios. Crónica deluchas indígenas actuales por elterritorio en la Sierra Nororientalde PueblaPierre Beaucage, Leonardo Durán Olguín, Ignacio Rivadeneyra Pasquel yClaudia Marina Olvera Ramírez

NOTA DEL EDITOR

Manuscrit reçu en février 2017, accepté pour publication en avril 2017.

1 Los cuatro autores de este texto hemos intercambiado mucho durante una estancia de

Pierre Beaucage en la Sierra Nororiental de Puebla en septiembre-octubre 20161. Hemosrecorrido sitios de proyectos hidroeléctricos, hemos asistido a varios encuentros yhemos dialogado con los principales actores populares que participan en la luchacontra la construcción de represas y de líneas de alta tensión. El texto que sigue resumenuestras observaciones y nuestras reflexiones; su redacción ha sido la ocasión deintercambios constantes entre los autores.

2 En las páginas que siguen haremos la crónica de un proceso social actual: la lucha por

los ríos que se libra en la Sierra Nororiental de Puebla entre los pueblos nahuas(maseualmej) y totonacos (totonakú), por una parte, y las empresas hidroeléctricas y elEstado mexicano por otra. Primero, relataremos brevemente dos eventos cargados designificado que el azar hizo coincidir el día 29 de septiembre 2016: la Fiesta de SanMiguel y un encuentro de alto nivel en la Ciudad de México.

Journal de la Société des américanistes, 103-1 | 2017

206

La fiesta patronal en San Miguel Tzinacapan,Cuetzalan, Puebla

3 Como todos los años en los últimos dos siglos, el 29 de septiembre de 2016 se celebró en

el pueblo nahua de San Miguel Tzinacapan la fiesta del santo del pueblo. Meses depreparación tuvieron su apogeo en ese día. Desde julio pasado, a cada domingo, en lascasas de los tenientes o bajo los portales del palacio municipal o en el patio de laescuela primaria, ensayaron los músicos y los grupos de danzantes rituales: Migueles,Santiagos, Negritos, Cuetzalines, Toreadores, Voladores, Tejoneros, Moros y Españoles.Desde enero, el mayordomo de San Miguel (designado por el regidor de costumbresentre los varios aspirantes) buscaba ya, entre sus familiares, amigos y compadres, aquienes podían apoyarlo para sufragar los enormes gastos de la fiesta a la que le tocabaconvidar al pueblo. Durante semanas se cosieron los vistosos trajes, se tallaron lasmáscaras de madera, se encargaron cientos de cohetes en el vecino pueblo deXochitlán, famoso por sus pirotécnicos. Se criaron y se compraron pollos y guajolotes.El 26 de septiembre, en procesión, se les llevó la ropa nueva a San Miguel y a sus dossocios inseparables, el Ángel Custodio y San Francisco. El día 27, ya se alistaban losdanzantes en casas de los tenientes para ir a ofrecer las danzas al santo en la iglesiacuando empezó a llover, obligándolos a cuidar sus trajes y penachos preciosos para queno se mojaran. En la noche del 28, momento de la « entrada de las ceras » a la iglesia, lalluvia había transformado las calles en arroyos: no hubo procesión y las danzas serealizaron en la iglesia2. Por fin, llegó el día 29, el día de la fiesta. Era aún de nochecuando estallaban los primeros cohetes para despertar a todos. Amaneció lloviendo,pero San Miguel, sin duda conmovido por la devoción de su pueblo, suspendió la lluviaentre las diez y las veinte horas, como para que pudieran bailar y bailar durante horasen el atrio los danzantes enmascarados, luciendo sus trajes y penachos de colores vivos,donde dominan el rojo y el verde, al son de tambores, flautas, violines, guitarras,maracas y cascabeles. Dejó de llover lo suficiente como para que los cuatro audacesVoladores se pudieran echar una y otra vez al vacío, colgados con cuerdas, desde lo altode un mástil de veinte metros, y dar las imprescindibles trece vueltas hasta tocar elsuelo, mientras que su « caporal » seguía tocando la flauta y el tambor, parado en lapunta. Luego pudo desplegarse la procesión a lo largo de la calle principal, con el santocargado a hombros, desde la iglesia hasta la casa del mayordomo, donde los cientos dedanzantes y acompañantes estaban convidados a una comida de pollo con mole.

4 Las danzas conllevan dos grandes conjuntos de significados. Un primer grupo,

Voladores, Cuetzalines y Tejoneros, de origen precolombino, representan la integración

de la comunidad con el cosmos. La más cargada de sentidos es sin duda la Danza de losVoladores (Koujpapatanij)3. Para González Álvarez (en prensa), el mástil (tambiénpresente en los Tejoneros y en una versión de los Cuetzalines) representa el ejecósmico, que reúne los tres pisos del Universo (Semanauak): el inframundo (Talokan), lasuperficie de la tierra (Taltikpak) y el cielo (Iluikak). Se integra también el tiempo cíclico:las cincuenta y dos vueltas que dan los Voladores son las cincuenta y dos semanas queseparan una fiesta de la siguiente4.

5 A diferencia de esas danzas de integración cósmica, las de origen colonial expresan el

conflicto, el mismo que se advierte en la estatua de San Miguel: entre el Bien y el Mal. Enla figura que domina el altar central, San Miguel aplasta con su pie la cabeza del Diabloque hace muecas. Es el mismo Diablo que vencen los Migueles después de una

Journal de la Société des américanistes, 103-1 | 2017

207

complicada coreografía; es el « rey de los Pilatos » que logran tumbar Santiago; es lavíbora que pica a uno de los Negritos, curado después por la Mariquilla; son los« Españoles » que luchan contra unos « Moros » que llevan curiosos penachos deplumas y cuyos sarapes portan consignas como « ¡Viva México! » o « ¡Viva la Virgen deGuadalupe! ». Aquí el Bien aparece como un « Nosotros » y el Mal como un « Ellos ».

6 Al final del rito, que incluye la misa, las danzas, la procesión y el banquete en casa del

mayordomo – ritual que San Miguel aceptó quitando la lluvia –, el Mal está vencidotemporalmente, aunque no eliminado. Habrá que seguir repitiendo los rituales yrespetando las normas sociales para mantener esa frágil victoria. Proponemos aquí queesta cosmovisión y estos rituales proporcionan una matriz cultural para entender lalucha actual de los pueblos nahuas y totonacos de la Sierra por sus territorios y por susríos, así como también otras luchas que la precedieron.

Un encuentro de alto nivel

7 Ese mismo 29 de septiembre 2016, la Secretaría de Energía (SENER) y el Banco

Interamericano de Desarrollo (BID) celebraron en la Ciudad de México la 1ª Reunión

nacional de beneficios sociales compartidos de proyectos de energía para « examinar losbeneficios » que traen a las comunidades locales los grandes proyectos hidroeléctricos.El moderador de la reunión era el señor Mauricio Justus, presidente de Comexhidro,empresa que se dedica a la explotación de recursos hidráulicos, que también es elmaestro de obras del proyecto Puebla I, sobre el río Ajajalpan, en la Sierra Nororiental,a través de su filial Deselec. A ese encuentro (no público) se invitó a la Unión deCooperativas Tosepan (UCT), con sede en Cuetzalan, Puebla. La invitación causósorpresa en la Tosepan, en vista de sus posiciones muy explícitas en contra de larealización de megaproyectos en la región. El Consejo Altepe Tajpianij (cuyos miembrospertenecen a la UCT) obtuvo un amparo contra la Minera Autlán, cuyas concesionesmineras cubren una amplia zona en el sur del municipio de Cuetzalan y en áreascontiguas de los vecinos municipios de Tlatlauquitepec y Yaonahuac. También esmiembro de Tiyat Tlali, que agrupa a los pueblos nahuas y totonacos opuestos a losproyectos hidroeléctricos en la región.

8 La Tosepan mandó a tres representantes para expresar el punto de vista de la

organización. El moderador la presentó como una « empresa exitosa », cuyo punto devista tenía que ser escuchado. En su intervención, un representante de la Tosepanempezó denunciando la Ley de Reforma Energética5 del gobierno de Enrique PeñaNieto, cuyo fin es abrir la producción de energía al sector privado. Después analizó másen detalle el proyecto Puebla 1, que desarrolla Comexhidro en el río Ajajalpan, enterritorio totonaco. El vocero de la Tosepan señaló que, en este proyecto, la empresavioló la propia Constitución Mexicana, que reconoce el principio de la autonomía de lospueblos indígenas. También mostró que contradice los acuerdos internacionalesratificados por el Gobierno Mexicano, como el Convenio 169 de la OrganizaciónInternacional del Trabajo (OIT). Éste estipula que no se puede llevar a cabo proyectos dedesarrollo en los territorios indígenas sin una consulta previa, libre e informada: no fueel caso de Puebla 1. Nunca se mencionaron los riesgos asociados con este proyecto, queimplica la entubación completa del río, su canalización subterránea durante cuatrokilómetros y medio y su reemergencia en una « casa de máquinas », donde están lasturbinas. Para obtener los datos reales, e incluso para obtener los propios protocolos de

Journal de la Société des américanistes, 103-1 | 2017

208

la consulta, los indígenas totonacos de las comunidades que serían afectadas tuvieronque ampararse en la ley de acceso a la información (Durán Olguín 2016).

9 Esas declaraciones obviamente no correspondían a las expectativas de los

organizadores, pero sí al punto de vista de un grupo de indígenas zapotecos y huavesdel Istmo de Tehuantepec, Oaxaca, opuestos a la instalación masiva de eólicas en sustierras: informados de la reunión, se habían « autoinvitado ». Viendo la toma delencuentro por opositores, los representantes de la SENER y del BID optaron porretirarse. ¿Qué significa este encuentro en la coyuntura actual de México y de lastensiones entre organizaciones indígenas y empresas extractivas? ¿Qué relación tienecon la resistencia obstinada de los pueblos indígenas de la región?

Un poco de historia: la región y las organizacionesindígenas

Primero vinieron los españoles: en once años,once meses y once días los sacamos. Luego

llegaron los analtecos6 y los devolvimos del otrolado del mar, de donde venían. Por fin fueron los

villistas7 y los eliminamos hasta el último. Y sivienen otros, les va a pasar lo mismo. Porque los

jóvenes están más preparados y tienen buenasarmas.

Pedro de los Santos, en Taller de TradiciónOral 1994

10 La Sierra Nororiental de Puebla forma parte de la Sierra Madre Oriental, que separa la

meseta central, seca y fría, de la llanura tropical de Veracruz (Mapa 1). Es una zonaextremadamente accidentada, con lluvias durante la mayor parte del año; en algunospuntos, la precipitación anual alcanza los cuatro metros. A nivel ecológico se distinguela sierra alta (entre 1400 y 2000 metros de altura), fría y húmeda, y la sierra baja (menosde mil metros), de clima sub-tropical. En la región viven unos 600 mil habitantes, en sugran mayoría indígenas: 400 mil nahuas (maseualmej) y 100 mil totonacos (totonakú)

(Serrano Carreto et al. 2002, p. 66, 68). Los nahuas ocupan el norte, el centro-oeste y eloriente de la Sierra; los totonacos ocupan el centro (Mapa 2).

Los nahuas de la Sierra Nororiental (maseualmej)

11 A fines del siglo XIX, aprovechando las leyes de desamortización, grupos mestizos de la

meseta se implantaron en la zona nahua. A pesar de una fuerte resistencia se hicieronde tierras para ganadería y plantaciones, y se asentaron en las cabeceras municipalesdonde controlaron el comercio, el gobierno municipal y las profesiones. Los indígenas,mayoritarios, se replegaron hacia los pueblos y las rancherías, donde pudieronconservar cierta autonomía a nivel de las presidencias auxiliares y de los juzgados depaz. Cada pueblo tiene su iglesia propia, su santo patrón y su identidad propia seexpresa simbólicamente, con fuerza, a través de sus fiestas patronales, particularmenteelaboradas en la sierra baja.

12 En la sierra alta, la base de la economía campesina siguió siendo el cultivo del maíz,

completado por la ganadería a pequeña escala. La concentración de la tierra en pocas

Journal de la Société des américanistes, 103-1 | 2017

209

manos obligó tempranamente la migración estacional de los hombres hacia el vecinoestado de Veracruz (Beaucage 1974). En la sierra baja, durante el siglo XX, la adopción

del café como principal cultivo llevó a la sustitución progresiva del bosque original porun policultivo arbóreo: entre estos vergeles predominan el café y el chalahüite (susombra), con un gran número de plantas asociadas: la pimienta gorda, los cítricos, losplátanos así como frutales, plantas ornamentales, etc. La constitución del cafetaltradicional indígena permitió la preservación de una biodiversidad notable, tantovegetal como animal: avifauna, pequeños mamíferos, insectos y arácnidos (verBeaucage y Taller de Tradición Oral 2013, p. 100-121). A la vez, la extensión de estecultivo comercial trajo la subordinación económica creciente de los campesinos a losintermediarios, los mestizos de la cabecera, compradores de café y proveedores dealimentos e insumos.

13 A partir de la década de 1970, con la asesoría de unos cristianos comprometidos con el

cambio social8, y de agrónomos progresistas, y aprovechando políticasgubernamentales favorables al desarrollo rural, los nahuas de Cuetzalan crearon yconsolidaron organizaciones locales y regionales de tipo autogestionario y cooperativo.A nivel regional, se crearon la Sociedad Cooperativa Agropecuaria Regional TosepanTitataniske (Mora 1985 y Aguilar Ayón 1986) y la Maseualsiuamej Mosenyolchikauanij(Carcaño 2013). Estas organizaciones permitieron una reapropiación de lacomercialización de los productos agrícolas y de las artesanías, así como del abasto. Enla base del movimiento cooperativo encontramos la reciprocidad, dimensiónfundamental del sistema de valores indígenas: « No está bien que los koyomej pongan elprecio de lo que nos venden y también de lo que nos compran. » La cooperativaregional quebró este monopolio comercial, haciendo transacciones directas con elmercado nacional e internacional. En cuanto al abasto, se surtió de granos básicos aprecio subsidiado en CONASUPO y luego en DICONSA. Una breve incursión directa en lapolítica municipal (1986-1989) convenció a los cooperativistas de que, si bien podíanganar sus candidatos, una vez en el puesto verían mermada su capacidad de acción porel bloqueo financiero de las instancias superiores. Después de esta experiencia, optaronpor quedarse fuera de la lucha partidaria y apoyar a los candidatos que aceptabanretomar sus propias reivindicaciones.

Los totonacos de la Sierra (totonakú)

14 En el país totonaco, la penetración de los mestizos sucedió más tardíamente que en

Cuetzalan y en un contexto diferente9. Durante la Revolución (1910-1917), el generalGabriel Barrios, después de eliminar a sus rivales, estableció en el conjunto demunicipios totonacos familias mestizas a sus órdenes (Ellison 2013, p. 74-75) y una redtelefónica con fines político-militares. Los ricos cañeros y destiladores de Zapotitlancontrolaron la mayor parte de la producción de caña de los pueblos vecinos,asociándose con propietarios locales. Durante el siglo XX, el café sustituyó

progresivamente a la caña. Como en Cuetzalan, la transición de la agricultura desubsistencia a la comercial hizo que los pequeños productores dependieran cada vezmás de comerciantes y usureros, que les compraban su cosecha en pie, a bajo precio, obien les proporcionaban víveres e insumos agrícolas a crédito, a pagar con la cosecha.En una región montañosa y mal comunicada, esa burguesía de comerciantes yganaderos ejercía un control casi absoluto sobre la circulación de los productos básicos,transportados a lomo de mula.

Journal de la Société des américanistes, 103-1 | 2017

210

15 La fuerza económica de los recién llegados fue acompañada por una dominación

política férrea, más centralizada que en Cuetzalan. Por ejemplo, el último presidentemunicipal indígena de Huehuetla dejó el poder en 1928. Sus sucesores mestizossuprimieron el Consejo de Ancianos que reglaba la vida interna de la comunidad, enparticular la distribución de las tierras que habían logrado sustraer a los mestizos (ibid.,p. 111, 498). A partir de ese momento, los indígenas se vieron confinados a los cargosreligiosos, como el mantenimiento de la iglesia y la organización de la fiesta de SanSalvador, santo tutelar del pueblo y del municipio (ibid., p. 83 y sig.).

16 Unas monjas carmelitas llegaron a Huehuetla en 1965 y fundaron una escuela para la

educación de adultos. Luego llegaron sacerdotes igualmente influenciados por laTeología India10. Como en otras parroquias de la Sierra, formaron catequistas y se creólentamente en las parroquias un conjunto de Comunidades Eclesiales de Base (CEBs).Mientras se alfabetizaba a los adultos, se los concientizaba a través de discusiones conlos catequistas. Las CEBs formadas en los distintas rancherías reunieron un númerocada vez mayor de campesinos indígenas (Hernández García 2012, p. 49-138).

17 Uno de los frutos concretos de este proceso fue la creación, en Huehuetla, de la

Organización Independiente Totonaca (OIT), que ganó las elecciones del 1989,quebrando el monopolio del poder que detentaban los mestizos. Se mantuvo al frentedel municipio durante tres trienios consecutivos y realizó grandes reformas a nivel dela infraestructura (caminos, luz eléctrica) y de la educación. Sin embargo, ciertodistanciamiento con las bases, combinado con las maniobras de gobernador de Puebla,llevaron a que la OIT fuera derrotada en la elecciones del 1999. Le sucedió UNITONA(Unidad Indígena Totonaca Nahuatl), una red de activistas presente en muchosmunicipios (Beaucage y Rivadeneyra 2016).

Los años 2000: llegan los megaproyectos y seorganiza la resistencia

Las mineras en la sierra alta

18 En años recientes, los territorios indígenas de la Sierra Nororiental han suscitado la

codicia de poderosos actores externos a la región y los pueblos han tenido que adaptarsus estrategias de defensa a este nuevo contexto.

19 El gran capital minero, nacional y transnacional, ha detectado allí importantes

yacimientos de metales preciosos. Amparándose en la nueva Ley Minera de 1994, que dala prioridad a la explotación minera sobre cualquier otro uso del suelo, lastransnacionales canadienses, Almaden Minerals y Gold Corp obtuvieron vastasconcesiones, al par de grandes empresas mexicanas, como Minera Plata Real y Frisco,propiedad de Carlos Slim, que la revista Forbes considera el hombre más rico delmundo11. En la sierra alta, varias comunidades nahuas vieron llegar, a partir de 2007,ingenieros mineros y equipos de perforación. Así fue como se enteraron que el gobiernofederal había otorgado concesiones « para exploración y explotación » en sietemunicipios12, totalizando 56 mil hectáreas. Para explotar esos yacimientos con latécnica de « tajo abierto », que exige enormes cantidades de agua, las empresas cuentancon abastecerse en las reservas locales. Por ejemplo, en Ixtacamaxtitlán, zona semi-árida, Almaden Minerals utiliza para sus barrenos las fuentes de agua potable13. Más al

Journal de la Société des américanistes, 103-1 | 2017

211

noreste, la empresa mexicana Autlán Minerales obtuvo hace tres años concesionesmineras de cientos de hectáreas que le aseguran suficiente agua, a la vez que ponen enriesgo el abasto del municipio de Cuetzalan (47 mil habitantes).

20 Las mineras no contaban con las organizaciones indígenas de la región, tradicionales y

nuevas. En Tetela de Ocampo, la minera Frisco obtuvo en 2009 una concesión de 10 milhectáreas, válida por 50 años, para explotar el oro y la plata del cerro de La Espejera.Los vecinos formaron entonces « Tetela hacia el Futuro », y las autoridades declararonLa Espejera « zona protegida » de cualquier explotación minera. Hasta la fecha, Friscono llevó adelante su proyecto. En el municipio vecino de Zautla, una empresa china, JDCMinerales, compró un yacimiento de oro y plata, además de cobre y níquel, en La Lupe,cerca del pueblo de Tlamanca. Pero Zautla tiene una tradición fuerte de organizacióncomunitaria. Se formó una vasta coalición de organizaciones, desde los grupos deartesanos hasta los productores biológicos. Se descubrió que los permisos deexplotación de la empresa eran inválidos o incompletos. El 22 de noviembre 2012,cuando venció el ultimátum impuesto a JDC, más de cinco mil campesinos marcharonsobre la mina. Arrancaron la valla de protección y expulsaron a los cuadros y a lostrabajadores chinos. En Ixtacamaxtitlán, los ejidatarios de Tecoltemic, cuyas tierrasestaban incluidas en la enorme concesión de Almaden, obtuvieron un amparo contra laempresa. Cuando, en abril 2017, a pesar de la oposición ésta decidió ampliar susexploraciones, los campesinos bloquearon la brecha de acceso con un poste y unatrinchera. Se detuvo la exploración.

21 En 2008, para hacer frente a un proyecto turístico de gran escala que promovía la

Secretaría de Desarrollo Social (SEDESOL – Puebla) para la región, las organizacioneslocales se unieron a otros actores y formaron la CORDESI (Coordinadora Regional deDesarrollo con Identidad) (Rojas Mora 2014, p. 6). La llegada casi simultánea de lasmineras hizo que los integrantes de Cuetzalan crearan el COTIC (Comité deOrdenamiento Territorial Integral de Cuetzalan). Con la ayuda de « expertossolidarios » se redactó un Plan de Ordenamiento, que propuso apoyar el turismo apequeña escala, a la vez que la agricultura, las artesanías y el pequeño comercio yprohibió los megaproyectos mineros, hidroeléctricos y petroleros. El Plan fue adoptadopor las autoridades municipales y luego, estatales. Cuando llegó Autlán Minerales aCuetzalan, se creó el Consejo Maseual Altepe Tajpiyani (« guardianes del territorio »)para demandarla. En mayo 2015, la asociación obtuvo un amparo contra la minera queno puede ni explorar in explotar su concesión, por estar situada en un territorioindígena donde no hubo consulta previa, libre e informada tal como lo prevé elConvenio 169 de la Organización Internacional del Trabajo, ratificado por México.

22 Hasta la fecha, gracias a la acción organizada de las comunidades indígenas y

municipios, ninguna empresa minera ha llegado a la fase de explotación en la SierraNororiental de Puebla.

Las hidroeléctricas

« Quieren hacer nuestra tierra más pequeña »(un campesino totonaco de Olintla)

23 Mientras que las zonas altas se enfrentaban con los proyectos mineros a gran escala, los

ríos caudalosos de la sierra baja suscitaban el interés de las empresas hidroeléctricas ydel Estado mexicano, cuya Ley de Reforma Energética busca incluir el sector privado en

Journal de la Société des américanistes, 103-1 | 2017

212

una transición a la « era post-petróleo ». En la sierra nororiental, se planeó instalarunas diez « centrales de nueva generación ». En lugar de colocar las turbinasinmediatamente debajo de la represa, se entuba el agua del río que recorre así varioskilómetros antes de mover la turbina en una casa de máquinas; así se aprovecha lafuerte desnivelación para aumentar la fuerza motriz del agua. Las consecuencias másdirectas son que, mientras que se inunda el valle arriba de la represa, abajo, el ríodesaparece durante kilómetros. En toda la zona, se destruirían milpas y plantacionespara abrir las vías de acceso y construir las líneas de alta tensión en las empinadasladeras.

24 En 2011, la empresa mexicana Comexhidro, por medio de su filial Deselec 1, obtuvo del

gobernador de Puebla un permiso para construir tres represas en el río Ajajalpan, enterritorio totonaco. En 2012, en el valle vecino del río Zempoala, la Secretaría de MedioAmbiente y Recursos Naturales (SEMARNAT) autorizó la construcción de la Generadorade Energía San Antonio (GESA) por la empresa Ingdeshidro, « a condición de realizaruna consulta de la población ».

25 Cuando se supo de los proyectos hidroeléctricos, las primeras respuestas se dieron a

nivel local14. El 6 de octubre 2012, en Zapotitlán de Méndez, pueblo totonaco situado aorilla misma del rio Zempoala, y que estaría directamente amenazado por cualquierdisfunción de la hidroeléctrica GESA, mil vecinos reunidos en asamblea se opusieron alproyecto. (Hernández Alcántara 2012).

26 En el Ajajalpan, en el 2012, la situación no parecía muy favorable a la resistencia

indígena. Río arriba, la empresa Comexhidro (socia de la canadiense InnergexRenewable Resources) tenía tres años gestionando el proyecto Puebla I, que implica dosrepresas: una sobre el afluente principal del río y otra sobre un afluente tributario. Elmunicipio ribereño de Tlapacoyan, donde tiene su sede, parecía ganado a la causa,mientras que en los otros dos municipios afectados, Aguacatlán y San Felipe Tepatlán,la oposición se veía débil y fragmentada. La resistencia activa se manifestó primero ríoabajo, en el municipio de Olintla, cuyas autoridades eran muy favorables a un proyectosimilar de Grupo México. En diciembre 2012, los habitantes de la comunidad de IgnacioZaragoza, de ese mismo municipio, pararon con un plantón la apertura de una brechapara la construcción de la represa y retuvieron la maquinaria durante varias semanas.

27 En Cuetzalan (nahua), el comité fundado para el ordenamiento territorial (COTIC) se

reorientó hacia la defensa física del territorio, amenazado tanto por las concesionesmineras de Autlán como por las represas en el Apulco. Lo primero fue la difusión deinformación, por las radios comunitarias y el periódico local Kuojtakiloyan. Luego serealizaron asambleas regionales para la Defensa del Agua y del Territorio, donde milesde campesinos indígenas reafirmaron su oposición a los megaproyectos15.

28 En el mismo año 2012, doce organizaciones indígenas de la región, tanto nahuas como

totonacas, vieron la necesidad de coordinar sus fuerzas a nivel regional: se creó elConsejo Tiyat Tlali, (« Tierra », en los dos idiomas indígenas). Uno de los primerosgestos de Tiyat Tlali fue mandar un grupo de apoyo a los protestatarios de IgnacioZaragoza. Las autoridades municipales de Olintla respondieron violentamente,secuestrando a los manifestantes durante 24 horas. Esa represión dio un alcanceimprevisto a la lucha: la prensa nacional habló de ello. Un mes más tarde, Grupo Méxicoanunciaba el abandono del proyecto (Rojas Mora 2014, p. 68-69). Marcó la primeravictoria indígena clara frente a las hidroeléctricas en la región (Consejo TiyatTlali 2016).

Journal de la Société des américanistes, 103-1 | 2017

213

29 En 2014, un activista totonaco de Ignacio Zaragoza, miembro de Tiyat Tlali, fue a tomar

el pulso de las comunidades de Altica y San Felipe Tepatlán, situadas más arriba en elAjajalpan. Encontró mucha gente descontenta con Puebla 1, que les « iba a quitar surío » del cual sacan peces y acamayas, y cuyas orillas bañan sus cafetales, sin mencionarla arena que les trae cada creciente y que usan para la construcción de sus casas. Con elapoyo logístico de Tiyat Tlali se formó un comité y se organizaron asambleas deinformación. En una de ellas, el 6 de junio 2015, después de escuchar los argumentospresentados por el mismo presidente de Comexhidro, Mauricio Justus, y otrosempleados de la empresa, se decidió rechazar el proyecto; el presidente municipalrevocó por escrito el permiso otorgado por su predecesor para cambiar el uso del suelo(Ánimas 2015). En el mismo mes de junio 2015, a nombre de tres comunidadesafectadas, se presentó contra el proyecto de Comexhidro una demanda de amparo, quehasta la fecha sigue siendo estudiada por las autoridades judiciales.

30 Los proyectos hidroeléctricos no se limitan a la construcción de represas. Para sacar la

energía producida por las turbinas de Puebla 1, se ha diseñado una línea de alta tensiónde cuarenta kilómetros entre San Felipe y el vecino estado de Veracruz. Otra líneacruzaría el territorio de Cuetzalan desde el extremo noreste hasta la cabecera, en elcentro oeste, donde estaría localizada una subestación. En más de la mitad de surecorrido esta línea de alta tensión atraviesa zonas rurales densamente habitadas,incluyendo el pueblo de Xiloxochico. Estudios recientes muestran el peligro para lasalud que representa el campo electromagnético que emiten esos tendidos eléctricos dealto voltaje: una incidencia mucho mayor de leucemia entre los niños de cero a cuatroaños que viven a menos de cien metros del tendido eléctrico, así como un aumento defrecuencia de la enfermedad de Alzheimer entre los adultos que trabajan dentro de uncampo electromagnético (ver Gauvin et al. 2006; Hakansson et al. 2003). A pesar de estosgraves peligros para la salud, en septiembre 2016 la presidencia municipal de Cuetzalanautorizó la construcción de la línea, argumentando que no era uno de losmegaproyectos que prohíbe el Plan de Ordenamiento Integral (minas, represas yextracción de hidrocarburos). Frente a la inutilidad de sus gestiones, en la últimasemana de octubre las organizaciones que integran el COTIC tomaron las instalacionesde la Central que se estaba empezando a construir en Cuetzalan. Allí instalaron uncampamento, que se mantiene hasta hoy, donde se turnan para impedir el paso de lamaquinaria.

La segunda batalla del río Apulco

31 El caudaloso rio Apulco corre en pleno territorio nahua, en una zona intermedia entre

la sierra alta y baja. En 1862 fue el escenario de una importante victoria de los indígenasde la Sierra, bajo el mando de Juan Francisco Lucas, sobre las fuerzas de la Intervención.En 2013, la empresa Galla anunció la construcción de una represa cerca del pueblo deSan Juan Tahitic (Municipio de Zacapoaxtla).

32 En noviembre 2014, la empresa ICA (Ingenieros Civiles y Asociados) anunció un

proyecto de mayor envergadura aún en el Apulco, unos kilómetros más arriba. Consisteen un conjunto interrelacionado de cuatro represas, que afectaría un total de 26,5 kmdel cauce. Para ello presentó una Manifestación de Impacto Ambiental (MIA). Como enel Ajajalpan y el Zempoala, se trata de « hidroeléctricas de nueva generación » conentubación del río.

Journal de la Société des américanistes, 103-1 | 2017

214

33 La movilización en el alto Apulco empezó más tarde que en la sierra baja. Primero se

hizo a nivel comunitario. Los habitantes de San Juan Tahitic tienen la reputación de sermuy combativos16. En cuanto supieron del proyecto de Galla, fueron a « recibir » a losingenieros encargados del estudio, bloqueándoles el camino. En un segundo intento deéstos, les pincharon las llantas. Galla paró – hasta ahora – las obras. Frente al proyectode ICA, Cuauhximaloyan, del municipio de Xochiapulco, fue la primera en movilizarse.Recibieron apoyo de UNITONA, de Tiyat Tlali y de la pastoral social, en particular de laparroquia de Huahuaxtla, que comprende a varios pueblos cercanos al río. Se adoptóuna estrategia similar a la del Ajajalpan. Así se crearon, en varias comunidadesriberanas, Comités de Defensa del Río Apulco, que se integraron a Tiyat Tlali.

34 En un documento que mandaron a la Secretaría de Medio Ambiente y Recursos

Naturales (SEMARNAT), estos Comités de Defensa criticaron fuertemente la MIApresentada por ICA, por sus insuficiencias evidentes en cuanto a los daños al medioambiente. La empresa reaccionó presentando un proyecto « mejorado », en el quesuprimía la línea de alta tensión a Cuetzalan (por el Plan de Ordenamiento Territorial) yla reemplazaba por otra, hacia Zacapoaxtla. En septiembre 2016, la SEMARNAT rechazóla MIA, por no tomar suficientemente en cuenta el medio ambiente natural muyespecífico del valle del Apulco.

35 La siguiente etapa consistió en pasar de una oposición comunitaria al nivel municipal.

En cabildo abierto, las autoridades de Zacapoaxtla y Xochiapulco declararon susmunicipios « libres de megaproyectos ». Llama la atención el caso de Xochiapulco,donde el presidente, en su declaración del 30 de abril 2016, recordó el papel central quetuvieron los indígenas en la victoria sobre los invasores franceses, en los años 1860:« ¡Recuperamos el protagonismo histórico! »

36 La lucha por la defensa el alto río Apulco ha tenido hasta ahora un carácter menos

masivo que la que se desarrolla en la sierra baja adyacente. Entre otros factoresexplicativos, se puede observar que la población de los municipios afectados es másheterogénea culturalmente que los territorios nahua y totonaco de la sierra baja. Buenaparte de la gente del alto Apulco se define como mestiza, habla solamente español yalgunos parecen más sensibles al discurso del « progreso » que transmiten los mediosmasivos y el gobierno acerca de las represas. Además, durante los siglos XIX y XX,

algunas comunidades participaron directamente de duras luchas agrarias que dejaronla zona muy dividida. Los nahuas de Huahuaxtla no olvidan que los fundadores delpueblo mestizo vecino les arrebataron las tierras que Juan Francisco Lucas les habíaentregado en recompensa por su valor en la guerra contra la Intervención francesa. Ylos de Atzalan recuerdan las décadas de lucha épica contra el cacique de Apulco paraconseguir su ejido (Paré 1975). Participar en un movimiento junto con losdescendientes de estos adversarios, entonces, puede parecerles contradictorio con sumemoria histórica. Además, una experiencia más reciente de movilización, en losaños 1970-1980, fue desalentadora. Dos grupos con discursos radicales y que norechazaban prácticas violentas, la Unión Campesina Independiente (UCI) y AntorchaCampesina (AC), libraron una lucha acérrima por el control de los ayuntamientos.Resultó eliminada la UCI y AC retuvo entonces el poder en Huitzilan de Serdán. Losmunicipios vecinos, desmovilizados, regresaron a los partidos tradicionales. Por eso eltrabajo de concientización y organización frente a las hidroeléctricas tuvo que empezardesde cero. Y fue decisivo el apoyo de las organizaciones regionales preexistentes comoUNITONA y Tiyat Tlali, así como también del sector progresista de la Iglesia.

Journal de la Société des américanistes, 103-1 | 2017

215

Características de la lucha por los ríos y el territorio enla Sierra Nororiental

37 Cada una de las cuatro micro-regiones que se están uniendo ahora en contra de los

megaprojectos tiene sus rasgos específicos y su historia propia. La sierra alta, zona deagricultura de subsistencia y de fuerte emigración, sufrió el primer embate delextractivismo bajo la forma del capital minero transnacional. La respuesta se dio a nivellocal, utilizando tanto la protesta legal (Tetela contra Frisco, el ejido Tecoltemic contraAlmaden) como la acción directa (la expulsión de JDC Minerales de Zautla). Este tipo delucha fue suficiente – hasta ahora – para detener la ofensiva: el único proyecto mineroque sigue operando, aunque parado en su fase exploratoria, es el de Almaden en SantaMaría, municipio de Ixtacamaxtitlán.

38 En la sierra baja, tanto totonaca como nahua, los proyectos hidroeléctricos, de capital

nacional, resultan de mayor impacto, puesto que afectarían a muchas comunidades enmás de un municipio. En los pueblos afectados, las organizaciones y redes preexistentesbuscaron una respuesta global: la Tosepan, el COTIC y UNITONA se coordinaron conotros en Tiyat Tlali. A nivel discursivo, se logró asociar la lucha por los ríos con ladefensa del territorio, que en la región tiene profundas raíces tanto cósmicas comohistóricas. A nivel organizativo, en la zona nahua, la realización de asambleas deinformación y la creación de Comités de Defensa del Agua y del Territorio, así como deAltepe Tajpiani, fue facilitada por la presencia de una red bien establecida decooperativas locales. Las asambleas multitudinarias, que se celebran por turno cada dosmeses en cada una de las comunidades donde hay comités, permiten reforzar loseslabones más débiles, mostrando la fuerza del movimiento. En esas asambleas se votanacuerdos, que implican recursos legales o acciones directas hacia el Gobierno,municipal, estatal o federal (Ánimas Vargas 2016a).

39 En los pueblos totonacos de los valles del Ajajalpan y del Zempoala, la red preexistente

de catequistas y de Comunidades Eclesiales de Base (CEBs), construida a partir de losaños 1960, tuvo y tiene un papel similar. En la zona media (el valle del Apulco), másheterogénea, la movilización se funda tanto sobre las energías propias (en particular eltrabajo pastoral del clero y de laicos del lugar) como sobre el apoyo del movimiento dela sierra baja.

40 En toda la región, las acciones incluyen tanto una amplia gama de trámites legales

como presiones políticas o acciones directas. Los trámites legales están generalmenterelacionados con el cuestionamiento de las Manifestaciones de Impacto Ambiental (ICAen el río Apulco) o las demandas de amparo, fundamentadas en la ausencia de consultaprevia (Autlán en Cuetzalan, Comexhidro en el Ajajalpan).

41 En cuanto a las presiones políticas, sabiendo la poca posibilidad de influenciar las

autoridades de nivel superior, las organizaciones dedican mucho esfuerzo al nivelmunicipal. Según la ley mexicana, la puesta en marcha de un proyecto minero,hidroeléctrico o petrolero exige que el presidente municipal firme un documentoautorizando el cambio de uso de suelo. En seis municipios17, las presentaciones a laautoridad fueron suficientes para que se declararan « municipios libres demegaproyectos ». En otros, como en Olintla, donde las autoridades eranirreductiblemente favorables a la construcción de la presa, los opositores esperaron a

Journal de la Société des américanistes, 103-1 | 2017

216

las siguientes elecciones. Propusieron su apoyo a uno de los candidatos que secomprometió por escrito a no permitir los megaproyectos dentro de la jurisdicción.Gracias al trabajo de concientización efectuado, ése fue el elegido. Sin embargo, losalcaldes son sujetos a muchas presiones, tanto políticas como económicas, y puedencambiar de idea. Así, el presidente municipal de San Felipe Tepatlán, quien en 2015había rechazado por escrito la represa de Comexhidro-Deselec, decidió, el 10 deoctubre 2016, firmar el permiso de cambio de uso del suelo. En respuesta, el 23 deoctubre siguiente, para dejar bien claro que la lucha sigue, el Frente de pueblos náhuasy totonacos en defensa del Ajajalpan realizó allí el Encuentro Makxtum kgalhawchuchutsipi, para « festejar la vida defendiendo nuestros ríos » (Ánimas Vargas 2016b).

42 Una acción directa, como la anterior, se hace para apoyar los trámites legales cuando se

ven paralizados o bien para aumentar las presiones políticas cuando las mismasresultan insuficientes. Ya relatamos cómo, en diciembre 2012, activistas de toda laregión fueron a apoyar el plantón realizado por los indígenas de Ignacio Zaragozacontra la represa de Grupo México; a pesar de la represión inmediata, por su impactoen los medios, esta acción contribuyó a que la empresa abandonara el proyecto unosmeses después. Tal es también el objetivo de los que tomaron el futuro sitio de la sub-estación eléctrica de Cuetzalan, frente a la aceptación por las autoridades municipalesde la construcción de una línea de alta tensión en el municipio.

43 Es importante notar que, a pesar de algunos tropiezos, la estrategia adoptada por los

pueblos indígenas de la Sierra ha funcionado. En toda la zona nororiental, losmegaproyectos están parados. Frisco interrumpió sus exploraciones mineras en Tetelay Autlán Minerales en Cuetzalan. Grupo México abandonó su proyecto hidroeléctrico enOlintla, Galla suspendió el suyo en San Juan Tahitic, e ICA ve los suyos rechazados porSEMARNAT. En la actualidad, ningún proyecto ha llegado a la etapa de puesta enmarcha.

44 No todos se abandonan, por cierto. A pesar del movimiento de oposición en el

municipio de Ixtacamaxtitlán y del amparo logrado por el ejido de Tecoltemic, AlmadenMinerals no solamente continúa sus barrenos de exploración, sino que incluso contratóun importante bufete de abogados para sustraerse a su obligación de aceptar unaconsulta previa así como también de pagar los impuestos previstos (7,5 por ciento). Lapatronal descarga su ira, echando pestes contra esos inconformes que « impiden lainversión y el desarrollo ». En una entrevista al periódico Reforma, Jacobo Meckler,presidente de Amexhidro, (Asociación Mexicana de Empresas Hidroeléctricas) sequejaba amargamente: « Hay proyectos detenidos, cuatro hidroeléctricos en Puebla yVeracruz, 240 megawatios ». Su colega Adrián Escofet, presidente de la AsociaciónMexicana de Energía Eólica, va más lejos, acusando a « grupos ajenos » de causar losconflictos (Suárez 2016).

Una nueva estrategia de las empresas extractivas enMéxico

45 Más allá de lo anecdótico, la reunión del 29 de septiembre 2016 en México bien puede

marcar el intento, por parte de las empresas extractivas nacionales y transnacionales,de superar el embate de fuerzas que resulta de la movilización de los campesinosindígenas en defensa de sus territorios y de sus ríos.

Journal de la Société des américanistes, 103-1 | 2017

217

46 Un número creciente de esas empresas parece advertir que los acuerdos « desde

arriba », que daban tan buenos resultados en tiempos de la « dictadura perfecta » delPRI y a principios de los años 2000, claramente ya son ineficaces. Ni el aval deSEMARNAT, ni el permiso de las autoridades estatales convencen ya a los pueblosindígenas de aceptar la destrucción del entorno del que obtienen su subsistencia hacesiglos, donde están enterrados sus muertos y que comparten con poderosas fuerzassobrenaturales. Por su parte, el Estado mexicano, que ya tiene en sus miras laselecciones del 2018, quiere evitar que estallen conflictos regionales muy costosos entérminos de imagen y de votos.

47 En este contexto, las empresas y el Estado decidieron acudir a una estrategia ya

empleada en otros países, como Canadá y Perú: es decir, « asociar a las comunidades alos beneficios de los megaproyectos ». Al respecto, es interesante seguir la trayectoriazigzagueante de Comexhidro, socia de la canadiense Innergex y maestra de obra delproyecto hidroeléctrico Puebla 1 sobre el río Ajajalpan. Durante cinco años (2009-2014),se limitó a estudios técnicos a partir de su base local en Tlapacoyan, y a obtener lospermisos de las instancias federales y estatales. En 2015, se enfrentó al descontentocreciente de la población de San Mateo Tlacotepec y San Felipe Tepatlán, dondepretende hacer la represa y las turbinas (casa de máquinas). Asimismo, frente a unasolicitud de amparo depositada ante los tribunales, la empresa quiso realizar su propia« consulta ». Para ello, conjuntamente con la Secretaría de Energía (SENER) y laComisión para el Desarrollo de los Pueblos Indígenas (CDI), convenció al presidentemunicipal de San Felipe convocar una reunión, el 24 de abril 2015, a la que asistieronunas 300 personas, para que firmaran una consulta por la empresa (Méndez 2015).Rechazada la misma por los habitantes de San Felipe en mayo 2016, la empresa quisonulificar la solicitud de amparo componiendo sospechosas listas de gente que« desistía » del amparo18.

48 Frente a estos fracasos, las empresas hidroeléctricas, antes indiferentes a la opinión

local, ahora quieren « entablar un diálogo » con las organizaciones sociales. De allí lareunión selecta del 29 de septiembre 2016. ¿Por qué invitar a la Tosepan, organizaciónconocida en la región e incluso en el país por su oposición a los megaproyectos? Tal vezporque su importancia económica (comercialización de productos agrícolas, ahorro ycrédito, vivienda social) hizo pensar a los funcionarios de la Secretaría de Economía ydel Banco Interamericano que podrían apelar a su dimensión de « empresa » para quela discusión se centrara sobre el monto de las compensaciones por pagar a losproductores expropiados y a las comunidades. Manifiestamente, se equivocaron.

49 Varios elementos indican que ésta y otras empresas van a seguir en su intento de

obtener una « licencia social » por parte de las comunidades afectadas, ahora que yasaben que es ineludible. Para eso piensan sacar provecho de su asociación con empresasdel Norte, como Innergex Renewable Resources, que en su página web insiste en sularga experiencia de negociaciones « fructíferas » con comunidades indígenas, es decir,de cooptación de los líderes para obtener tal « licencia social ». ¿Cómo hacerlo? En unartículo reciente, Caroline Keddy (2016) subrayaba la « convergencia de intereses »entre empresas extractivas transnacionales y organizaciones no-gubernamentales eneste punto. Las primeras tienen muy mala fama. Cita como ejemplo a la giganteTransCanada, especializada en el transporte de hidrocarburos, que es la más criticadadel sector19. Ahora bien, estas transnacionales tienen mucho dinero mientras que lasONGs tienen credibilidad, y necesitan dinero: « Ambas tienen interés en desarrollar

Journal de la Société des américanistes, 103-1 | 2017

218

relaciones a largo plazo. » Es posible entonces que se trate del canal que utilizarán en elfuturo las empresas para obtener la licencia social para sus megaproyectos.

El debate sobre la Ley de Consulta

50 Las empresas extractivas están actuando también a nivel nacional. En vista de que las

comunidades indígenas se apoyan sobre el principio de la consulta previa presente enel Convenio 169 de la Organización Internacional de Trabajo (ratificado por México) a lahora de presentar sus demandas de amparo, las hidroeléctricas que operan en la Sierraresolvieron entrar en el juego. Se sabe que el Gobierno mexicano tiene ya lista una Leyde Consulta Previa y espera una coyuntura favorable para presentarla. La naturalezamisma de un encuentro no-público al que aludimos, en la que un empresario, laSecretaría de Economía y el Banco Interamericano están de la mano, confirmó lo quetodos sospechan. Esta Ley de Consulta – cuando llegue a presentarse – sólo va permitiruna respuesta: Sí. Y va a limitar la participación popular (en el mejor de los casos) paranegociar el monto de las indemnizaciones a los afectados. A no ser que, como en el casode Perú, estas vengan también determinadas por la Ley.

51 Hemos visto que el movimiento indígena mexicano funda su oposición legal a los

megaproyectos sobre la ausencia de consulta previa, libre e informada. A la vez, haypresentemente un debate sobre una ley alternativa. En la Sierra, algunasorganizaciones, como Tiyat Tlali, optan por rechazar toda intervención del Estado eneste campo, puesto que las posiciones pro-empresa de éste llevarían sin duda a unamanipulación de la voluntad popular, como expresó una representante de Tiyat Tlali enla asamblea de San Felipe Tepatlán, el 12 de septiembre 2016. Tal parece ser también laposición (no-oficial) de la Tosepan Titataniske. Por otra parte, la UNITONA (UnidadTotonaco Nahuatl), presente en la zona totonaca y en algunas comunidades nahuas deloeste, favorecería una « Ley de Consulta desde los pueblos », cuyo contenido precisoqueda por determinar. Si el debate queda abierto en cuanto a la forma legal en la que seexpresará su voluntad, hay en cambio algo muy claro: los pueblos indígenas de la SierraNororiental dicen “No” masivamente a los megaproyectos y están dispuestos a utilizartanto las armas jurídicas a su disposición como la acción directa para que se respete esavoluntad.

La lucha y la fiesta: las asambleas

Yo escuché que Gandhi, antes de emprender unaacción, ayunaba por varios días. ¡Aquí hacemos

una fiesta, con mucha comida!

52 Si bien el análisis de la fiesta nos permite comprender mejor la dimensión cósmica de la

lucha actual contra las mineras y las hidroeléctricas, ¿dónde arraiga la capacidadorganizativa de los pueblos indígenas de la Sierra Nororiental para realizar marchas,plantones, o asambleas de cientos, de miles de personas? La respuesta está en elexamen de los complejos procesos sociales subyacentes a la celebración de lasespléndidas fiestas patronales: la selección de los responsables y de sus ayudantes, lareciprocidad entre familias, la colaboración con las autoridades locales; todo eso logramovilizar los talentos y los recursos materiales considerables que se requieren para

Journal de la Société des américanistes, 103-1 | 2017

219

fabricar las monumentales ceras, traer el Palo del Volador, ejecutar las danzas rituales(trajes, música, ensayos) o bien proveer comida y bebida para todos los participantes.

53 Si bien la agricultura suscita la cooperación entre varios hogares (mano vuelta), y si el

compadrazgo teje una red densa de relaciones de respeto mutuo, la fiesta es la ocasiónde la cooperación a gran escala. Y entonces vuelve a consolidarse, año tras año, laidentidad colectiva. En Huehuetla (zona totonaca), la organización que desembocó en latoma del poder municipal (OIT) fue el producto político de una identidad étnico-religiosa que se expresaba en el culto a San Salvador. En Cuetzalan (zona nahua), laTosepan Titataniske primero cobró fuerza expresando las necesidades económicas delas campesinos. Desde 2012, la organización de una fiesta de San Isidro, como « santopatrón de la cooperativa » (el 15 de abril), consolida una identidad colectiva similar a laque se expresa en las fiestas comunitarias. En turno, cada una de las seis cooperativasde la UCT hace de « mayordomo », recibe la estatua del santo y convida a cientos decooperativistas a la fiesta20.

54 De forma similar, en cada Asamblea por la Defensa del Territorio y del Agua, uno de los

pueblos participantes es el anfitrión de los demás. Y el comité local hará lo necesariopara que la recepción sea generosa, con comida abundante y con música (Albores 2015),tal como lo hace el mayordomo en las fiestas religiosas. Eso vale tanto para los pueblosgrandes, como los del municipio de Cuetzalan, donde la organización es más antigua yconsolidada, como en los más pequeños, como en las tierras bajas, donde es incipiente.

55 En la batalla actual por el agua y el territorio, se pueden observar múltiples

interrelaciones entre la cosmovisión y el ritual de los pueblos nahua y totonaco, quetienen su máxima expresión en la fiesta patronal, y otras representaciones, regionales yglobales, que surgen de las nuevas prácticas, económicas y políticas (cooperativismo,comités, asambleas). Tanto el principio de la integración con el cosmos como la lucha

entre el Bien y el Mal operan en ambos campos. En todo el proceso se observa la formaen que la cosmovisión y los valores indígenas fundamentales no son anulados por lapenetración de la modernidad (educación, comunicaciones), sino que pueden servir debase a una modernidad apropiada por la mayoría. La fiesta y la lucha, lejos decontradecirse, se refuerzan mutuamente.

Epílogo

56 El 19 de noviembre 2016, respondiendo a la convocatoria de la organización Altepe

Tajpianij, se instaló un campamento en el sitio donde se preveía construir la sub-estación de la línea de alta tensión que cruzaría gran parte del municipio. La decisiónde acampar pacíficamente en ese sitio se tomó para protestar contra la voluntad de lasautoridades municipales de autorizar la construcción de esta línea, que contradice elPlan de Ordenamiento Territorial Integral de Cuetzalan, adoptado democráticamenteen 2010. Después de haberle exigido vanamente al presidente municipal que respete elPlan, y su palabra, más de mil personas se dirigieron hacia el sitio donde montaron uncampamento, poniéndole fin a la construcción de la sub-estación. Hasta el día de hoy(17 de abril 2017), las autoridades no se atrevieron a interrumpir una acción que sabenrespaldada por un gran número de ciudadanos en un municipio mayoritariamentemaseual. El sábado 10 de diciembre, Día Internacional de la Tierra-Madre, los queacampan hicieron la acción de mayor fuerza simbólica que existe para el pueblomaseual: sembraron maíz en el sitio. Es el maíz de primavera llamado tonalmil, o « maíz

Journal de la Société des américanistes, 103-1 | 2017

220

del sol ». Desde ahora en adelante, además de los vigilantes que se turnan en el sitio, losespíritus guardianes del maíz protegerán esta siembra hasta su cosecha, en agosto, yprotegerán también la tierra, consagrada por esta siembra. En esta ocasión se recordóque, hace más de 200 años, los antepasados maseualmej hicieron lo mismo paradefender las tierras comunales que un latifundista les quería arrebatar. Sembraron unamilpa grande en Xocoyolo. La lucha fue dura, en aquella ocasión como en muchas otras,pero finalmente los maseualmej conservaron su territorio.

BIBLIOGRAFÍA

AGUILAR AYÓN Álvaro

1986 La comercialización de la pimienta gorda a través de la Cooperativa Agropecuaria Regional Tosepan

Titataniske en la Sierra Norte de Puebla, tesis profesional, Universidad Autónoma de Nayarit, Escuela

Superior de Agricultura, Nayarit.

ALBORES María Luisa

2015 « El camino áspero, pero alegre, de nuestra resistencia en la Sierra Nororiental »,

Kuoujtakiloyan, 23, p. 5.

ÁNIMAS VARGAS Leticia

2015 « Tepatlán, Puebla: cuando el Pueblo dice no », Regeneración [en línea], 6/07/2015 http://

regeneracion.mx/tepatlan-cuando-el-pueblo-dice-no/, consultado el 28/10/2016).

2016a « Se reunen 223 pueblos opositores a hidroeléctricas en el Estado de Puebla », in Ignacio

Rivadeneyra, Gabriela Sandoval Hernández y Rocío Antonio Posadas, Cuarto Manual Tajpianij 2016.

« El agua y la tierra, nuestro derecho ». Proyectos de muerte, NO, Agencia Timomachtikan/Tajpianij,

Cuetzalan, p. 50-51.

2016b « Crónica: Totonakus piden fuerza contra hidroeléctrica en Sierra Norte », in Municipios

Puebla [en línea], 23/10/2016, http://municipiospuebla.mx/nota/2016-10-23/huauchinango/

cr%C3%B3nica-totonakus-piden-fuerza-contra-hidroel%C3%A9ctrica-en-sierra-norte, consultado

el 8/06/2017.

BEAUCAGE Pierre

1974 « Antropología económica de las comunidades indígenas de la Sierra Norte de Puebla »,

Revista Mexicana de Antropología, 36 (1), p. 101-146.

BEAUCAGE Pierre y TALLER DE TRADICIÓN ORAL

2013 Cuerpo, cosmos y medio ambiente entre los nahuas de la Sierra Norte de Puebla. Una aventura en

antropología, Plaza y Valdés/Instituto de Investigaciones Antropológicas/DIALOG/Unión de

Cooperativas Tosepan, México.

BEAUCAGE Pierre y Ignacio RIVADENEYRA PASQUEL

2016 « Luchar por el espacio político: las organizaciones totonacasde la Sierra Norte de Puebla: 1960-2013 », in Adrián González Romo, Danae Duana Ávila y Diana

Xóchitl González Gómez (dir.), El proceso de producción cafetalero en la región vertiente del Golfo de

México, Universidad del Estado de Hidalgo/PRODEP/Plaza y Valdés, México, p. 143-186.

Journal de la Société des américanistes, 103-1 | 2017

221

CARCAÑO Erika

2013 La Nueva Ruralidad Colectiva. La Maseualsiuamej Senyolchikauanij, tesis de doctorado,

Universidad Autónoma Metropolitana (Unidad Xochimilco), México.

CONSEJO TIYAT TLALI

2016 « La cancelación de la hidroeléctrica en Olintla, un triunfo totonaca… pero la lucha sigue »,

Comunicado de prensa [2013], repr. in Ignacio Rivadeneyra, Gabriela Sandoval Hernández y Rocío

Antonio Posadas, Cuarto Manual Tajpianij 2016. « El agua y la tierra, nuestro derecho ». Proyectos de

muerte, NO, Agencia Timomachtikan/Tajpianij, Cuetzalan, p. 47.

DURÁN OLGUÍN Leonardo

2016 « El falso discurso de los beneficios sociales de los megaproyectos hidroeléctricos », La

Jornada de Oriente, 30 de septiembre.

ELLISON Nicolas

2013 Semé sans compter. Appréhension de l’environnement et statut de l’économie en pays totonaque

(Sierra de Puebla, Mexique), Éditions de la Maison des Sciences de l’Homme, Paris.

GAUVIN Denis, Emmanuel NGAMGA DJEUTCHA y Patrick LEVALLOIS

2006 Exposition aux champs électromagnétiques: risques pour la santé et pertinence de la mise en œuvre

du principe de précaution, Institut national de santé publique, Québec (https://www.inspq.qc.ca/

pdf/publications/655-ChampsElectromagnetiques.pdf, consultado el 29/05/2017).

GONZÁLEZ ÁLVAREZ Aldegundo

(en prensa) « Koujpapataninij. La Danza de los Voladores, el tiempo y el territorio maseual »

[2017], presentado para publicación a la revista Anales de Antropología.

HAKANSSON N., P. GUSTAVSSON, C. JOHANSEN y B. FLODERUS

2003 « Neurodegenerative diseases in welders and other workers exposed to high levels of

magnetic fields », Epidemiology, 14, p. 420-426.

HERNÁNDEZ ALCÁNTARA Martín

2012 « Los habitantes de San Antonio invitaron al personal de Ingdeshidro a exponer

públicamente su proyecto en la Asamblea Comunitaria en Zapotitlán de Méndez el día 6 de

octubre, pero no llegaron », La Jornada de Oriente, 8 de octubre 2012.

HERNÁNDEZ GARCÍA Milton Gabriel

2012 Historia contemporánea del movimiento indígena en la Sierra Norte de Puebla, Ediciones Navarra,

México.

ICHON Alain

1969 La religion des Totonaques de la Sierra, Centre national de la recherche scientifique, Paris.

KEDDY Caroline A.

2016 « Insights: energy sector & NGOs/Activism », Linked In, Pulse [en línea], 12/01/2016, https://

www.linkedin.com/pulse/insights-energy-sector-ngos-activism-caroline-keddy, consultado

el 8/06/2016.

MÉNDEZ Patricia

2015 « Simulan consulta para imponer hidroeléctrica en la Sierra Norte », e-consulta.com [en

línea], Julio 1, 2015, http://www.e-consulta.com/nota/2015-07-01/gobierno/simulan-consulta-

para-imponer-hidroelectrica-en-tepatlan, consultado el 9/06/2017.

MORA Sergio

1985 La Cooperativa Agropecuaria Regional Tosepan Titataniske en el proceso de desarrollo rural: el caso

Journal de la Société des américanistes, 103-1 | 2017

222

de Cuetzalan, en la Sierra Norte de Puebla, tesis de licenciatura, Universidad Autónoma de Chapingo,

México.

PARÉ Luisa

1975 « Caciquismo y estructura de poder en la Sierra Norte de Puebla », in Roger Bartra (comp.),

Caciquismo y poder político en el México rural, Siglo XXI, México, p. 31-61.

ROJAS MORA Xanath

2014 Fiestas y festivales en el círculo de los mercados culturales en al Sierra Nororiental de Puebla, tesis de

doctorado en sociología, Benemérita Universidad Aútónoma de Puebla, Puebla.

SÁNCHEZ DÍAZ DE RIVERA María Eugenia y Eduardo ALMEIDA ACOSTA

2005 Las veredas de la incertidumbre. Relaciones interculturales y supervivencia digna, Universidad

Iberoamericana, Puebla.

SERRANO CARRETO Enrique, Arnulfo EMBRIZ OSORIO y Patricia FERNÁNDES HAM (coord.)

2002 Indicadores socioeconómicos de los pueblos indígenas de México, 2002, Instituto Nacional

Indigenista, México.

STRESSER-PÉAN Guy

2011 El Sol-Dios y Cristo. La cristianización de los indios de México, vista desde la Sierra de Puebla, Fondo

de Cultura Económica/Ambassade de France au Mexique, México.

SUÁREZ Karina

2016 « Frenan amparos megainversiones. Atoran 19 mil millones por incorformidad de

comunidades », Reforma, 11/07/2016.

TALLER DE TRADICIÓN ORAL

1994 Tejuan tikintenkakiliayaj in toueytatajuan/Les oíamos contar a los abuelos, Instituto Nacional de

Antropología e Historia, México.

NOTAS

1. Este texto constituye una versión modificada de un artículo, por los mismos autores,aceptado para publicación en la revista canadiense Anthropologica y que será publicadoen los próximos meses.

2. Al ser preguntado por qué llovía tanto, y si estaba enojado el santo, el mayordomocontestó filosoficamente: « Ya se permitieron nueve años seguidos sin que lloviera. A lomejor tocaba lluvia este año. »

3. Para una descripción detallada de las danzas rituales en la Sierra Norte de Puebla,ver Stresser-Péan 2011, p. 249-335. Los totonacos, vecinos de los nahuas, comparten loselementos esenciales de su cosmovisión y de su ritualidad (ver Ellison 2013, p. 151-264 eIchon 1969, p. 327-392).

4. En la época precolombina habrían representado más bien los cincuenta y dos añosdel ciclo sagrado, que terminaba con un « fin del mundo » y un « renacimiento »cuando se apagaban todos los fuegos, y luego se volvían a encender.

5. Esa ley, que modifica el Artículo 27 constitucional, fue aprobada por el Senado el 11de diciembre de 2013 y por la Cámara de Diputados un día después.

6. Analteko: « los del otro lado del agua [mar] ». Así se designó a las tropas franco-austríacas que invadieron México en 1862. Los indígenas de la Sierra participaron

Journal de la Société des américanistes, 103-1 | 2017

223

directamente en la resistencia armada contra la Intervención; en particular, en lahistórica victoria del 5 de mayo en Puebla.

7. Bandoleros que, bajo el mando de Salvador Vega, hijo de un comerciante deCuetzalan, asolaban a los campesinos durante la Revolución.

8. Uno de sus objetivos era la « revitalización cultural » a través de « la investigaciónparticipativa de la tradición oral, la dinamización de las celebraciones y la articulaciónde los programas educativos a la cultura náhuat y al proceso organizativo » (Sánchez yAlmeida 2005, p. 341, cit. por Rojas Mora 2014, p. 108).

9. Esta parte se funda sobre Ellison (2013), Hernández García (2012) y sobre lainvestigación realizada por Pierre Beaucage e Ignacio Rivadeneyra Pasquel (2016).

10. « La Teología India es una corriente del catolicismo que tiene su antecedenteinmediato en la Teología de la Liberación Latinoamericana […] cuyos adherentesaceptan las lecturas étnicas del catolicismo dadas en las distintas regiones indígenas »(Rojas Mora 2014, p. 89-90).

11. Con una fortuna estimada en 69 mil millones de dólares (Forbes, octubre de 2012).

12. Ixtacamaxtitlán, Jolalpan, Libres, Santiago Miahuatlán, Tetela de Ocampo, Zacatlány Zautla. En total, entre 2006 y 2008, fueron 85 las concesiones otorgadas en toda laSierra. En una sola, la de Almaden, en Ixtacamaxtitlán, se realiza exploración ahora(Almaden detenta el 60 % de la superficie concesionada en la Sierra).

13. Según testimonios de los habitantes de Santa María, Ixtacamaxtitlán, en unaasamblea, en mayo 2015.

14. Como antecedente a estas luchas por los ríos, hay que mencionar la oposición de losxochitecos, que logró impedir la construcción de una carretera hasta el río Zempoala,en 2007, por los daños irreparables que la misma hubiera traído para la flora, la fauna yel paisaje (Rojas Mora 2014, p. 109).

15. Hasta la fecha se han realizado quince, cada una en un pueblo de los que participana la lucha. Cuatro en 2014, en 2015 seis, y otras seis en 2016. A la primera asambleaasistieron 350 personas; a las últimas, más de 3 mil.

16. En los pueblos vecinos, se dice, en broma: « Si vas a Tahitic, siempre lleva tu morral.De regreso, ¡podrá servir para poner tu cabeza! ».

17. Cuetzalan, Zoquiapan, Xochiapulco, Tuzamapan, Zacapoaxtla y Ayotoxco.

18. El 12 de septiembre 2016, en una asamblea celebrada en San Felipe Tepatlán, variosvecinos cuestionaron la autenticidad de esta lista. Algunos, cuyos nombres aparecíanallí, afirmaban nunca haber firmado nada. Otros mencionaban lo extraño de ver unalista completa de nombres y apellidos, mientras que varios miembros de la comunidadfirman con huella digital.

19. TransCanada, que vio su proyecto de oleoducto a través de Estados Unidos(Keystone XL) rechazado por el gobierno Obama, quiere ahora llevar el petróleo de lasarenas bituminosas de Alberta por el este de Canadá; encuentra una férrea resistenciapor parte de los pueblos indígenas y de amplios sectores del pueblo de Quebec,alertados por el peligro de derrames mayores en sus territorios. En México,TransCanada quiere llevar adelante el controvertido gasoducto Tuxpan-Tula comoparte de un megaprograma de conductos de hidrocarburos en todo el centro y el nortedel territorio (ver su sitio web).

Journal de la Société des américanistes, 103-1 | 2017

224

20. Lo que desencadenó el proceso fue la negativa de algunos grupos de danzantesrituales de participar en un acto de tipo cultural organizado por la Tosepan en el sitioprehispánico de Yohualichan. « ¡No bailamos para piedras viejas! ¡No bailamos paraturistas! ¡Nosotros bailamos para un santo! ¿Dónde está el santo patrón de laTosepan? » Poco después, la asamblea adoptaba a San Isidro y se dotaba de unaorganización para realizar su fiestas (ver Rojas Mora 2014, p. 6). Lejos están los tiemposen los que las autoridades municipales « citaban » a los danzantes para divertir a algúndiputado o gobernador (ibid., p. 119).

AUTORES

PIERRE BEAUCAGE

Antropólogo, profesor emérito en la Université de Montréal, Quebec, Canadá. Asociado

desde 1984 al Taller de Tradición Oral de San Miguel Tzinacapan, Cuetzalan, Puebla en varios

proyectos de investigación (etnobiología y etnohistoria) [[email protected]]

LEONARDO DURÁN OLGUÍN

Agrónomo, asesor de la Unión de Cooperativas Tosepan, Cuetzalan, Puebla, México

[[email protected]]

IGNACIO RIVADENEYRA PASQUEL

Profesor en el Tele-Bachillerato de San Miguel Tzinacapan, Cuetzalan, Puebla, México

[[email protected]]

CLAUDIA MARINA OLVERA RAMÍREZ

Frente de Defensa del Apulco. Cantante y co-productora del video « Mijtotianij » (« Los

danzantes ») sobre las danzas rituales en Xochitlan, Puebla. Reside en Talcozaman, Tetela de

Ocampo, Puebla [[email protected]]

Journal de la Société des américanistes, 103-1 | 2017

225

Manifeste contre les attaquesinfligées aux droits des autochtonesdu BrésilSimone Dreyfus, Jonathan D. Hill et Lia Zanotta Machado

Mai 2017

1 Nous, professeurs, intellectuels et universitaires, manifestons avec véhémence notre

refus de la politique anti-autochtone de l’État brésilien et notre préoccupation vis-à-visd’une politique qui a déjà des conséquences génocidaires dans les États du Mato Grossodo Sul, de Bahia et du Maranhão. Ces cinq dernières années, les attaques contre lesdroits autochtones se sont aggravées et ont permis leur révision en autorisant lacontestation légale des droits acquis. Les droits constitutionnels garantis auxpopulations autochtones sont pris en otage par la situation politique du pays et soumisà des amendements de la Constitution votés et approuvés par le Congrès national. Cetteattaque de la Constitution est conduite principalement par ce qu’on appelle le « lobbyde l’agrobusiness » (bancada ruralista). Les attaques sur le plan judiciaire ont augmenté àpartir de l’imposition de dix-neuf conditions pour la démarcation d’une terreautochtone particulière, la T.I. Raposa Serra do Sol (qui fit l’objet d’une bataillejuridique). Ces dix-neuf conditions ont été établies par la Cour suprême (SupremoTribunal Federal) en octobre 2013, faisant alors jurisprudence. De ces dispositions ontdécoulé de nouveaux concepts juridiques, non prévus par la Constitution, qui oriententd’un côté le discours anti-autochtone, et de l’autre, de façon encore plus nocive, lesverdicts des tribunaux concernant les terres autochtones.

2 Le plus important de ces nouveaux concepts est celui de « marque temporelle » (marco

temporal) qui soutient que les Indiens n’auraient droit qu’aux terres autochtoneseffectivement occupées le 5 octobre 1988, date de promulgation de la Constitution.Même si la session plénière de la Cour suprême avait décidé que les conditions deRaposa Serra do Sol n’étaient pas valables pour d’autres démarcations judiciaires, cettethèse a permis au tribunal d’annuler postérieurement les démarcations de terresautochtones Guarani, Kaiowá et Canela situées au Mato Grosso do Sul et au Maranhãoet, plus grave encore, celle de la terre autochtone Terena Limão Verde, également au

Journal de la Société des américanistes, 103-1 | 2017

226

Mato Grosso do Sul, démarquée et homologuée depuis plus de dix ans. Sur le planlégislatif, les actions contre les droits constitutionnels des autochtones commencèrentpeu après la promulgation de la Constitution. Le droit à la terre étant toujours visé,comme le montre la proposition d’amendement à la Constitution no 215 (PEC 215) dontl’objectif est de transférer au Congrès national les processus de démarcation des terresautochtones et de rendre possible l’annulation de démarcations déjà homologuées.

3 L’attaque la plus récente de l’Assemblée législative a été la création d’une Commission

d’enquête parlementaire destinée à enquêter sur les organes fédéraux chargés de lapolitique foncière des autochtones et d’autres populations traditionnelles(quilombolas), la Fondation nationale de l’Indien (FUNAI), l’Institut national de

colonisation et de réforme agraire (INCRA). Le but est de déstabiliser le processus de

démarcation, ainsi que certaines des principales institutions non gouvernementales quiappuient les luttes autochtones (Conselho Indigenista Missionário [CIMI], InstitutoSocioambiental [ISA], Centro de Trabalho Indigenista [CTI] et jusqu’à l’AssociaçãoBrasileira de Antropologia [ABA]). Sont aussi visés des anthropologues directementimpliqués dans ces processus. Le rapport final de cette commission, qui risque d’êtreapprouvé lundi (8 mai 2017), propose la mise en examen en masse de leadersautochtones, anthropologues, indigénistes, religieux et de plusieurs procureurs de laRépublique. La plupart des inculpés n’ont même pas été entendus par la commission,n’ayant donc pas eu droit de se défendre. Avec l’actuel gouvernement fédéral, l’attaqueenvers les droits autochtones est devenue politique d’État, dès que le lobby del’agrobusiness s’est trouvé installé au ministère de la Justice en la personne durapporteur de la proposition d’amendement 215, le député Osmar Serraglio. Telle est lasituation actuelle qu’affrontent les peuples autochtones au Brésil, créant une grandeinsécurité juridique et une augmentation exponentielle de la violence et légitimant desactions comme l’attaque brutale subie par les Gamela du Maranhão, il y a quelquesjours. Il s’agit d’un cas de plus dans l’ensemble des violences infligées aux peuplesautochtones qui se traduisent, entre autres choses, par la criminalisation croissante desleaders autochtones et par des déplacements forcés de populations, les obligeant àmigrer vers les périphéries des villes et les « favelas » (bidonvilles) et posant desproblèmes de santé collective, d’insécurité alimentaire, de crimes, d’alcoolisme et desuicides.

4 En conséquence, nous demandons à l’État brésilien de respecter les droits

constitutionnels des peuples autochtones ainsi que les traités internationaux quiprotègent les populations traditionnelles. Nous savons tous que ces terres sontindispensables à leur survie ainsi qu’à la diversité de la vie de notre planète.

AUTEURS

SIMONE DREYFUS

Président, Groupe international de travail pour les peuples autochtones (GITPA)

Journal de la Société des américanistes, 103-1 | 2017

227

JONATHAN D. HILL

President, Society for the Anthropology of Lowland South America (SALSA)

LIA ZANOTTA MACHADO

Presidente, Associação Brasileira de Antropologia (ABA)

Journal de la Société des américanistes, 103-1 | 2017

228

Compte rendu

Journal de la Société des américanistes, 103-1 | 2017

229

GONZÁLEZ Raúl, Estudio fonológico ymorfo-sintáctico de la lengua tobahablada en el este de la provincia deFormosa (Argentina)Lincom Europa (Lincom Studies in Latin American Linguistics, 75),München, 2015, 246 p., bibliogr., mapas en blanco y negro, tablas, anexo.

Cintia Carrió

REFERENCIA

GONZÁLEZ Raúl, Estudio fonológico y morfo-sintáctico de la lengua toba hablada en el este de la

provincia de Formosa (Argentina), Lincom Europa (Lincom Studies in Latin AmericanLinguistics, 75), München, 2015, 246 p., bibliogr., mapas en blanco y negro, tablas,anexo.

1 Basándose en una perspectiva tipológico-funcional, Raúl González ofrece en este

estudio una descripción y un análisis detallados de la lengua toba (qom) hablada en eleste de la provincia argentina de Formosa. Suma así una contribución clave para elestudio de las variedades de la lengua toba conocida hasta ahora, sobre todo por losestudios sobre las variedades del oeste de Formosa (Carpio 2012) y de la provincia deChaco (Censabella 2002, Messineo 2003, Cúneo 2013). Sobre este trasfondo comparativo,además de precisar la singularidad del habla del este de Formosa, González desarrollanuevos análisis e hipótesis que echan luz sobre aspectos de la lengua hasta ahora pocoestudiados. El autor considera que la variedad que analiza « puede pensarse como partede un continuum dialectal » (p. 3) en el que la acumulación de pequeñas diferenciaslingüísticas se da a lo largo de grandes extensiones geográficas. Pero, al mismo tiempo,reconoce que este continuum es geográficamente fragmentado ya que en el centro y

Journal de la Société des américanistes, 103-1 | 2017

230

noroeste de Formosa los tobas constituyen un grupo minoritario entre los pilagás y loswichís.

2 En la parte introductoria del libro (capítulo 1), el autor hace un repaso de los estudios

etnográficos y sociolingüísticos consagrados a los tobas del este de Formosa. Esteapartado da cuenta del desafío que constituye el trabajo con consultantes de referenciay la importancia de su rol para la constitución de las investigaciones de este tipo. Elrigor científico con el que se aborda aquí el análisis de la lengua está reflejado tambiénen las decisiones teóricas y metodológicas asumidas: en relación con el enfoque detrabajo, con las categorías analíticas y con la construcción de la muestra. El cierre de laintroducción sirve para orientar al lector respecto de las características del corpus. Setrata de un conjunto generoso de datos, cuidadosamente transcriptos y glosados, quedan cuenta del habla de hablantes nativos de diferentes franjas etarias. Dicho corpusestá conformado por textos libres (uno de los cuales se recupera en el anexo del libro) yelicitaciones directas.

3 El sistema fonológico es descrito (capítulo 2) atendiendo a las variaciones alomórficas

más regulares y los contextos que las habilitan. En un apartado especial se presentanlos procesos fonológicos de neutralización más frecuentes, los cuales, a su vez,permiten caracterizar la variedad de la lengua estudiada. La misma se diferencia de lasvariedades chaqueñas por la frecuencia de uso del fonema fricativo glotal [h] enposición inicial absoluta con una función epentética para evitar sílabas sin inicioconsonántico (onset). El autor dedica especial atención a otro rasgo que, si bien no esdistintivo de la variedad que estudia, se destaca en ella por el avance en su

consolidación: la realización de la fricativa bilabial sonora [β] como variante de laaproximante labio-velar sonora [w], fenómeno presentado como inestable en lasdescripciones de las variedades de Chaco.

4 El estudio de la frase nominal (capítulo 3) comienza con un análisis pormenorizado de

los demostrativos y pronombres. Se atiende aquí el caso de los demostrativos(adnominales, pronominales y exofóricos) teniendo en cuenta si pueden aparecerduplicados o bien como pronombres escuetos. Repasar así sus contextos de inserción yreconversión permite la discusión de su estatuto categorial. Al respeto, es necesariouna mención especial de lo que el autor define como « identificadores demostrativos ».Se trata de marcas con valores semánticos de mayor o menor proximidad que – insertasen contextos post-existencial – reciben un tratamiento cercano a las construccionesadverbiales. No estudiadas en las variedades chaqueñas, estas marcas permitenidentificar un referente en predicaciones calificadas por el investigador como no-verbales. Si bien revisar el estatuto categorial asignado a estas marcas puede resultarenriquecedor para el análisis, también sería necesario atender especialmente a suposibilidad de insertarse en una construcción existencial, dado que tal construcción estratada en otras lenguas guaycurúes como una construcción verbal que requiereargumentos nominales. Por último, en relación con los demostrativos, un apartadoparticular es dedicado a las formas -maʒe y -maɢa (sufijos que se combinan con raícesdeícticas para la constitución de pronombres demostrativos). Se remarca que mientrasla primera evoluciona hacia una función de relativizador, no sucede lo mismo, al menosen sincronía, en el caso de la segunda forma. Es destacable que, para llevar adelante suestudio, González toma en consideración tanto los factores morfosintácticos queintervienen en los procesos como así también los semánticos y pragmáticos. En tal

Journal de la Société des américanistes, 103-1 | 2017

231

sentido, la reorganización del sistema de número es abordada en función de lasdiferencias que presenta el toba del este de Formosa respecto de otras variedades.

5 En el dominio verbal y en relación con las construcciones simples (capítulo 4), se dedica

especial atención al análisis del sistema de alineación en pronombres libres e índicespronominales en los verbos. En el caso de los índices pronominales, el autor distinguedos paradigmas, uno definido por la participación en el acto de habla y el otro por la noparticipación, distinción que procura tener en cuenta la incidencia pragmática en losfenómenos morfosintácticos. El segundo de estos paradigmas lo induce a proponer unanálisis novedoso de lo que, entre los especialistas del toba chaqueño, se ha tratadocomo « voz media » (Censabella 2002) o como « activo afectado » (Messineo 2003).González propone un conjunto de índices pronominales que ocurren ya sea en cláusulasintransitivas cuando existe alguna clase de afectación del participante único, o bien encláusulas transitivas para marcar el menor grado de agentividad del participante enfunción de sujeto.

6 Más allá del análisis de los índices pronominales, el capítulo se interesa además por los

diferentes procesos que afectan la valencia verbal: causativos, aplicativos,construcciones pasivas y antipasivas, construcciones reflexivas y recíprocas. Gonzálezaporta datos y explicaciones que reflejan un avanzado proceso de gramaticalización delverbo qoyin (« decir »). Asociado con un paradigma defectivo para la tercera persona ycon el prefijo de voz pasiva impersonal, este verbo interviene en construccionescausativas perifrásticas que codifican causación indirecta. Esta construcción fosilizadadel verbo « decir » señala que la información fue suministrada al hablante por unafuente de información ajena. Por lo tanto correspondería, según el autor, a un tipo deevidencial citativo. El estudio de esta estrategia de evidencialidad constituye sin dudauno de los aportes más originales del trabajo de González.

7 El capítulo 5 focaliza en las estructuras complejas, asumiendo los postulados de Alsina

et al. (1997) sobre el aspecto multinuclear de tales estructuras. Este capítulo se destacapor su análisis de las construcciones simétricas y asimétricas de los verbos seriales y sudetallada explicación respecto de las posibilidades de considerar a ciertas estructurasverbales en las que aparece el verbo ta (« ir ») como construcciones de ese tipo, en lasque el verbo ta funcionaría como verbo « menor ». En el cierre de este capítulo hayasimismo un análisis de las funciones y tipos de complementos y complementizadores,seguida por una clasificación preliminar de los tipos semánticos de verbos quehospedan estas estructuras. Además de la serialización y de la complementación, seinvestigan otros dos mecanismos de complejidad: las estrategias de relativización y loscoordinantes. Para quienes quieran avanzar en el estudio de las estructuras complejasen toba, el análisis exhaustivo desarrollado en este capítulo se impone como una tareaobligada.

8 El estudio de Raúl González apunta tanto a promover la reflexión lingüística tipológico-

funcional como a precisar las singularidades de la variedad toba del este de Formosa. Laobra adquiere así un alto valor no solamente para los interesados en el estudio de lalengua toba, sino también para quienes busquen fuentes que permitan realizarcomparaciones con el resto de las lenguas de la familia guaycurú.

Journal de la Société des américanistes, 103-1 | 2017

232

BIBLIOGRAFÍA

ALSINA Alex, Joan BRESNAN y Peter SELLS

1997 « Complex predicates: Structure and Theory », in Alex Alsina, Joan Bresnan y Peter

Sells (eds), Complex Predicates, CSLI Publications, Stanford, p. 1-12.

CARPIO María Belén

2012 Fonología y morfosintaxis de la lengua hablada por grupos tobas en el oeste de Formosa (Argentina),

Lincom Europa (Lincom studies in native American linguistics, 67), München.

CENSABELLA Marisa

2002 Descripción funcional de un corpus en lengua toba (familia Guaycurú, Argentina). Sistema fonológico,

clases sintácticas y derivación. Aspectos de sincronía dinámica, tesis de Doctorado en Letras Modernas,

Universidad Nacional de Córdoba.

CÚNEO Paola

2013 Formación de palabras y clasificación nominal en el léxico etnobiológico en toba (guaycurú), Lincom

Europa (Lincom Studies in Native American Linguistics, 68), München.

MESSINEO Cristina

2003 Lengua toba (guaycurú). Aspectos gramaticales y discursivos, Lincom Europa (Lincom studies in

native American linguistics, 48), München.

AUTORES

CINTIA CARRIÓ

Instituto de Humanidades y Ciencias Sociales del Litoral, Consejo Nacional de Investigaciones

Científicas y Técnicas/Universidad Nacional del Litoral

Journal de la Société des américanistes, 103-1 | 2017

233

GÓMEZ GONZÁLEZ Sebastián, Fronteraselvática. Españoles, portugueses y sudisputa por el noroccidente amazónico,siglo XVIIIInstituto Colombiano de Antropología e Historia (Colección Espiral),Bogotá, 2014, 400 p., bibliogr., indice geográfico, indice onomástico, ill.

Jean-Pierre Goulard

RÉFÉRENCE

GÓMEZ GONZÁLEZ Sebastián, Frontera selvática. Españoles, portugueses y su disputa por el

noroccidente amazónico, siglo XVIII, Instituto Colombiano de Antropología e Historia

(Colección Espiral), Bogotá, 2014, 400 p., bibliogr., indice geográfico, indice onomástico,ill.

1 Dans cet ouvrage, version revue d’une thèse de doctorat soutenue à l’UNAM de Mexico,

Sebastián Gómez González reprend avec brio une problématique, déjà abordée, mais àlaquelle il donne un nouveau souffle. L’auteur revisite le dossier des limites, véritableenjeu de l’occupation du territoire amazonien. Il centre son étude sur un « territoiregris », le Moyen-Amazone, dont l’importance n’a pas toujours été prise en compte, caril a longtemps été perçu avant tout comme un simple espace de passage. GómezGonzalez s’intéresse à une époque cruciale, celle des missions jésuites, qu’il replacedans le contexte de l’exploration du bassin amazonien, et plus largement de laconquête de l’Amérique du Sud, en comparant notamment ces missions avec celles duParaguay, ainsi que celles d’autres continents. Il analyse ainsi ces missions jésuitescomme une entreprise globale.

2 L’ouvrage prend pour point de départ l’année 1640, date de la séparation des couronnes

espagnole et portugaise. La confrontation qui débute alors ne cessera pas jusqu’aux

Journal de la Société des américanistes, 103-1 | 2017

234

indépendances des territoires sud-américains. Cette confrontation résulte de deuxapproches difficilement conciliables : les jésuites, à qui la couronne d’Espagne a déléguéson autorité civile, revendiquent le respect des limites imposées par le traité deTordesillas, tandis que les Portugais contestent cette division. Cette querelle s’exprimepar de nombreux échanges épistolaires et des menaces d’affrontements militaires.Chacun argumente, contestant des traités en avançant des faits postérieurs, ou en seréclamant d’une mission évangélisatrice et civilisatrice. Les Portugais se réfèrent avanttout à l’expédition de Teixeira (1639) et à la « pierre philosophale » qu’il aurait posé àl’embouchure d’un fleuve, longtemps mal identifié, comme limite du territoirelusitanien : pour les uns, il s’agit du río Napo, pour les autres, du río Caqueta ou Japura(p. 320). Ils contestent ainsi la partition originelle et revendiquent la domination desrives de l’Amazone, jusqu’à l’embouchure du río Napo (p. 139 et suiv.) : « les richessesdu río Napo ont été une sorte d’aimant dont le magnétisme attira les Portugais du GrãoPará et Maranhão » (p. 150). Les Portugais avaient face à eux des acteurs, les jésuites, àqui la vice-royauté espagnole avait donné délégation pour la prise de possession duterritoire, à travers la mise en place de « réductions ». Bien que les jésuites fussent loind’être tous hispaniques, leur appartenance à l’ordre de Saint-Ignace dépassait leurpropre origine nationale, de telle sorte qu’ils revendiquaient leur rattachement à lacouronne d’Espagne et agissaient en son nom. Ce sont donc ces religieux quireprésentaient la royauté espagnole, en jouissant d’une certaine autonomie, alors quedu côté portugais, c’était le pouvoir civil, au nom du roi du Portugal, qui avait très viteprédominé. L’auteur insiste sur le rôle essentiel de Pombal qui, dans sa volontéd’adopter une démarche politique s’opposa frontalement au pouvoir religieux, maisaussi au système civil en place depuis la Conquête. La réforme qu’il imposa jeta lesbases des limites des futurs pays (Brésil, Pérou et Colombie) qui trouveront leurindépendance au début du XIXe siècle.

3 Dans ce travail, il n’est pas question, à juste titre, de frontières mais bien de limites ou

plutôt de bordures des territoires revendiqués qui se déplacent selon des jeux (enjeux)et rapports de force (menaces armées) entre les deux couronnes. Pombal décida laconstruction d’un fort militaire à Tabatinga, qui deviendra de fait le point focal de lafuture frontière du Brésil. La couronne espagnole ne prit tardivement conscience decette situation, car elle était encore mue par une conquête reposant sur le fait spirituel.Il s’agissait donc de deux projets de conquête de territoires : l’un reposant sur uneoccupation militaro-politique, l’autre sur une présence religieuse justifiée par laprésence de populations indigènes à convertir.

4 À plusieurs reprises, l’auteur replace la « querelle » régionale dans un modèle plus

global, en la rapprochant notamment des événements qui se déroulent dans les courseuropéennes. Ceux-ci ne manquent pas d’influer sur les comportements des acteursprésents en Amazonie. C’est ainsi le cas des tentatives de définition des limites duterritoire amazonien proposées par le pouvoir lusitanien avec d’autres couronnes (lorsdu traité d’Utrecht, en 1713, par exemple) (p. 138). Les invasions successives desPortugais conduisirent finalement l’Espagne à armer une soldatesque (p. 263-266), sibien que les jésuites « hispaniques » durent finalement accepter une présence militaire,à laquelle ils s’étaient opposés jusqu’alors afin d’être mieux à même de conquérir les« âmes » des populations indigènes. L’état de belligérance qui s’était ainsi instauré,entraîna à terme l’expulsion des jésuites, à la suite de la brutale reprise en main de lasituation côté lusitanien (p. 267).

Journal de la Société des américanistes, 103-1 | 2017

235

5 Pour les « Espagnols », il s’agissait donc de la conquête des âmes, pour les Portugais de

celle de territoires. Quand les premiers prirent conscience de l’enjeu territorial, il étaitdéjà trop tard. Les Portugais se servaient déjà des populations indigènes qu’ilsdéplaçaient, pour revendiquer les territoires qu’ils avaient conquis sur ces dernièrespar la force. Dans un deuxième temps de la conquête, les acteurs rivaux cherchèrent àregrouper les populations éparses dans l’interfluve au sein de villages créés sur les rivesde l’Amazone pour justifier leurs prétentions (p. 130-131).

6 L’ouvrage est susceptible d’intéresser plusieurs publics : d’abord, les chercheurs qui

étudient les notions de limites et de frontières ; ensuite, ceux qui s’intéressent auMoyen-Amazone, dont la « fluidité » vaut jusqu’à aujourd’hui, avec toutes lesconséquences induites. Ce travail montre en effet comment les populations indigènesont été utilisées à des fins politiques, provoquant la disparition de certains groupes etle déplacement forcé d’autres, pris dans ces querelles territoriales qui ne lesconcernaient pas. En conséquence, cette étude est un outil qui permet d’éclairer lesraisons de la dispersion des populations amérindiennes, qui, pour se protéger, devaientfuir, se déplacer ou se soumettre aux représentants des autorités qui mettaient en placedes formes de gouvernance, nouvelles pour elles, tantôt au nom de la religion, tantôt aunom de l’autorité politique.

7 Le livre est écrit dans un style fluide et dynamique qui facilite la lecture et suscite

l’intérêt, malgré la rudesse de la thématique. L’apport de nouvelles données, trouvéesdans les archives, permet de suivre pas à pas le déroulement des événements de part etd’autre. L’auteur recourt à des sources inédites, rapproche et confronte lescorrespondances.

8 Cet ouvrage vient utilement compléter l’étude de Sweet (1974) pour enrichir la vision

du Moyen-Amazone à l’époque des missions jésuites. Leur lecture conjointe fournit eneffet une perspective historique sur l’inexorable tragédie des populations indigènesd’Amazonie.

BIBLIOGRAPHIE

SWEET David Graham

1974 A rich realm of nature destroyed: the Middle Amazon Valley, 1640-1750, thèse de doctorat,

University of Wisconsin.

AUTEURS

JEAN-PIERRE GOULARD

Membre associé CERMA-Mondes Américains-EHESS

Journal de la Société des américanistes, 103-1 | 2017

236

SENDÓN Pablo F., Ayllus del Ausangate.Parentesco y organización social en losAndes del sur peruanoPontificia Universidad Católica del Perú/Instituto de Estudios Peruanos/Centro Bartolomé de Las Casas, Lima, 2016, 367 p., bibliogr., cartes, tabl.,graph.

Laurent Segalini

RÉFÉRENCE

SENDÓN Pablo F., Ayllus del Ausangate. Parentesco y organización social en los Andes del sur

peruano, Pontificia Universidad Católica del Perú/Instituto de Estudios Peruanos/CentroBartolomé de Las Casas, Lima, 2016, 367 p., bibliogr., cartes, tabl., graph.

1 Résultat de trente-cinq mois d’enquête ethnographique menée au sein de

communautés paysannes quechuaphones du massif de l’Ausangate (sud-est duDépartement de Cuzco, Pérou), cet ouvrage parachève un travail de recherche delongue durée, débuté en 1997, sur l’étude des relations de parenté et l’organisation

sociale du village de pasteurs de Phinaya (province de Canchis) et des communautés dudistrict de Marcapata. Sous les dehors d’une ethnographie régionale des systèmes etréseaux de parenté, l’ouvrage propose en réalité une nouvelle problématisation et unereconsidération de l’unité sociale fondamentale des sociétés andines : l’ayllu, envisagénon seulement comme le segment de base des organisations politiques, organe et lieud’expression des activités productives, rituelles et symboliques, mais aussi, et avanttout, comme un groupe fondé sur la parenté.

2 Les dimensions politiques, économiques et symboliques de l’ayllu ont fait l’objet de

nombreuses recherches depuis près d’un siècle et constituent l’un des thèmescardinaux de l’anthropologie andine. Le système de parenté quechua a pour sa partsuscité des études abondantes, vouées en premier lieu à répondre à des

Journal de la Société des américanistes, 103-1 | 2017

237

questionnements sur la période incaïque, suivant deux lignes d’investigation : le modede filiation et le système matrimonial, essentiellement sur la base de la terminologie deparenté. Située à l’intersection de ces deux axes d’investigation, la question de lanature familiale de l’ayllu, sa dimension de groupe social fondé sur la parenté constituedepuis longtemps une donnée axiologique de l’anthropologie andine. Une donnée qui,considérée comme un postulat, n’a pourtant jusqu’à présent jamais réellement faitl’objet d’une interrogation poussée jusqu’à son terme : la mise en lumière des liensconcrets et précis, à la fois mécaniques et organiques, reliant le système de parenté àl’existence et à la physionomie spécifique de l’ayllu. Cela probablement parce quel’ayllu, envisagé comme unité sociale, a avant tout été considéré, dans une perspective« descendante », comme un segment de la structure sociopolitique dans laquelle ils’intègre, et dès lors, au regard de la parenté, comme une association de lignages et lecadre par lequel ces derniers trouvent une surface d’expression sociale et politique.L’ouvrage de Pablo Sendón, renversant cette perspective (et contribuant par là même à

la rendre sensible au lecteur), tend à montrer tout du long que si l’ayllu est bien le lieupremier d’expression des relations de parenté, il n’en est pas le simple contenant, maisbien la résultante. Autrement dit, l’ayllu n’est pas seulement un réceptacle de laparenté, il en est aussi la sécrétion.

3 À la question de savoir s’il est possible de mettre en relation « l’univers social de

parents immédiatement classifiables par un individu » avec « la forme d’organisationsociale dans laquelle ils sont insérés », l’auteur pose un premier jalon dans le chapitre Ide l’ouvrage. Il y revient sur les interrogations soulevées, à la fois dans l’ethnohistoireet l’ethnographie, par deux termes de parenté désignant des affins, et leurs extensionsclassificatoires, riches de valeur heuristique, car contribuant à délimiter les contoursde l’ayllu : qatay (en premier lieu, « époux de la sœur » et « époux de la fille » de Ego) etqhachun (« épouse du frère » et « épouse du fils » de Ego). La variabilité de l’usage de cestermes dans l’espace et dans le temps, les questions soulevées par les apparentescontradictions au sein des divers usages locaux, mais aussi l’importance positionnellede ces termes d’affinité dans les différentes tentatives de définition de la portée et deslimites de l’ayllu andin comme unité sociale fondamentale, font de ce questionnementun point d’entrée nécessaire dans la démarche de l’auteur. Reprenant et discutantl’ensemble des données du problème, ce dernier s’attache à l’analyse de l’usage de cestermes à Phinaya, en relation avec l’organisation du village en deux moitiés,Conchasapi et Ilave, constituant également deux (sous-)ayllus, hatun ayllu (« grandayllu ») et huch’uy ayllu (« petit ayllu »).

4 En s’appuyant sur les usages classificatoires locaux, les modèles suggérés par ses

informateurs ainsi que l’analyse du réseau de parenté de Phinaya, l’approche fine deSendón permet de montrer que le couple qatay/qhachun, opérant comme un point demédiation entre le non-ayllu et l’ayllu, constitue un mode de transformation du « non-parent » en « parent » qui, appliqué à l’ensemble des personnes concernées par lesextensions classificatoires de cette terminologie (couplé avec la descendance agnatique,la circulation des femmes entre les moitiés), laisse voir l’ayllu à Phinaya comme lerésultat de relations de descendance et d’alliance reliant entre eux les habitants dansun univers virtuellement composé de parents consanguins et affins, ordonnés en deuxmoitiés. Moitiés dont l’auteur démontre corollairement qu’elles constituent moins lecadre d’exercice de ces mêmes mécanismes que leur résultante, manifestée dansl’espace du territoire. Cette approche révèle surtout que la portée classificatoire decette paire terminologique conduit à voir dans Phinaya un univers virtuellement

Journal de la Société des américanistes, 103-1 | 2017

238

composé de parents, où les limites entre la consanguinité et l’alliance tendent às’effacer.

5 S’agissant d’évaluer ses conclusions en tachant de les inscrire dans la diachronie,

l’auteur se propose par la suite de retracer l’histoire communautaire de Phinaya depuisle début du XXe siècle, notamment les « métamorphoses juridico-institutionnelles »

découlant de l’évolution de la législation péruvienne concernant les populationsrurales : multiples changements de statut du village et de ses habitants, fluctuationsterritoriales, division en secteurs, etc. Dans le cadre de cette histoire mouvante, Sendóntente de mettre au jour les persistances structurelles qui traversent les mutationshistoriques, notamment un « dualisme institutionnel » régulateur dont il montre laperpétuation.

6 Afin de préciser les caractéristiques des moitiés, et plus largement les relations de

parenté effectives existant entre les membres de l’ayllu de Phinaya, l’auteur procède àl’analyse généalogique des familles appartenant aux deux moitiés. Par ce moyen, ilparvient à identifier 48 « lignes de descendance » agnatiques bénéficiant d’un ancragedans certaines portions du territoire, lignages reliant entre elles les familles nucléaires,et qui par la récurrence des échanges matrimoniaux assurent la reproduction del’organisation sociale concrétisée dans les deux moitiés, et au-delà dans le village lui-même considéré comme un ayllu. Il s’avère cependant que chacun de ces lignages est leproduit d’une histoire heurtée, s’inscrit dans une continuité mais se voit aussi soumis àdes phénomènes de ruptures qui supposent des mécanismes de renouvellement faisantintervenir des étrangers issus d’autres villages ou communautés de la région,partageant les mêmes caractéristiques socio-écologiques d’économie pastorale quePhinaya. L’incorporation réussie des étrangers résulte de l’établissement de liensd’alliance féconds avec les lignées locales bénéficiant d’un ancrage temporel plusprofond, de l’exploitation fructueuse d’une portion du territoire, mais aussi d’unphénomène souligné par l’auteur comme l’une des caractéristiques de la sociétéphinayense : une faible mémoire généalogique, dépassant rarement la génération desgrands-parents, facilitant ainsi une rénovation fluide des lignages qui constituent lesdeux moitiés.

7 Les multiples ressources mobilisées par l’auteur au plan de l’analyse démographique et

statistique, et de la restitution exhaustive des lignées de descendance, rendent

extrêmement convaincantes ses propositions quant à la détermination de mécanismes,à la fois rigoureux dans leurs horizons et souples dans leurs applications, permettant lareproduction des moitiés Consachapi et Ilave par le double jeu de l’inscription dans leréseau de parenté et l’occupation territoriale qui en dépend. Ce versant de la définitioncourante de l’ayllu comme unité socio-économique exploitant une portion d’unterritoire fait l’objet d’une attention particulière de l’auteur, qui cherche à aborder ceproblème du point de vue du groupe de parenté. Autrement dit, la manière dont les« pratiques associées à la sphère productive, technologique et économique peuventêtre interprétées à l’aide de la clef généalogique » (p. 196) : le rôle des relations deparenté dans l’accès aux terres et leur usufruit, la connexion entre ces relations deparenté et l’importance de l’organisation en ayllu dans les activités productives, enfinl’approche de la question de la fragmentation territoriale à partir des deux lignesd’analyse précédentes. Afin d’illustrer la relation possible entre ayllu, parenté etterritoire dans le Sud péruvien, l’auteur s’attache à l’analyse de cas des secteurs deLacco et Ch’umpi de l’ayllu-communauté de Collana (Marcapata), au terme de laquelle il

Journal de la Société des américanistes, 103-1 | 2017

239

montre notamment que le mouvement de dispersion de la possession terrienne lié auxphénomènes de succession et d’héritage est absorbé par un processus dereconcentration territoriale animé par les unions matrimoniales du fait du taux élevéd’endogamie locale.

8 Qu’il s’agisse d’évaluer l’extension précise des termes clés qatay et qhachun qui

délimitent les contours de la parenté affine, de rendre compte des liens de parentéeffectifs entre les membres d’un ayllu ou de mettre au jour le double mouvement defragmentation-concentration territoriale des terres agricoles, dans l’ensemble deschamps d’analyse mettant en jeu le facteur de la parenté l’auteur recourtsystématiquement à une reconstruction généalogique minutieuse et à la mise enévidence des liens de parenté effectifs entre l’ensemble des acteurs concernés. Cet axeméthodologique auquel Sendón reste fidèle tout au long de l’ouvrage conduit àl’élaboration de diagrammes impressionnants, largement salués par R. Tom Zuidemadans sa préface à l’ouvrage, et dotés d’une forte vertu probatoire soutenue par uneanalyse fine et claire.

9 À l’aide de cette « clé généalogique », l’ouvrage démontre le caractère puissamment

structurant des relations de parenté dans les différentes dimensions de la réalitéconcrète de l’ayllu. La mise en évidence de la dimension générative des liens de parenté(consanguinité et affinité) sur le plan institutionnel est poussée jusqu’à son terme :celui de l’organisation en moitiés. L’auteur montre que dans les cas étudiés cettedernière résulte d’une cristallisation consécutive à la fréquence d’échangesmatrimoniaux au fil du temps entre des unités sociales (les familles nucléaires, et au-delà les lignées agnatiques auxquelles elles se rattachent), fréquence qui, soutenue pard’autres facteurs corrélés, engendre un mode d’organisation « dualiste ». Cettequestion qui parcourt l’ensemble de l’ouvrage constitue le cœur du dernier chapitre,issu d’un article coécrit avec Diego Villar, présentant sur ce point un comparatismeéclairant entre les phinayenses et les chacobo (branche méridionale des pano) del’Amazonie bolivienne. Il en résulte que le « dualisme » y apparaît moins comme unedonnée structurelle normative a priori que comme la conséquence d’un équilibrageentre différents facteurs qui animent la dynamique sociale. En d’autres termes, ce n’estpas tant la division en moitiés qui encadre et prescrit les échanges matrimoniaux, queces derniers qui permettent le maintien de cette division et la justifient comme unmoyen de perpétuer l’ayllu.

10 On conçoit dès lors toute l’utilité et la fécondité théorique de cet ouvrage, qui propose

avec rigueur et prudence une tentative salutaire de « dé-essentialisation » de certainsconcepts et catégories emblématiques de l’anthropologie andine (ayllu, organisation enmoitiés, « dualisme » structural, etc.), pour les ré-ancrer dans leur pleine concrétude etleur plasticité vivante. Il permet ainsi de questionner les dangers, les limites et lesimpasses d’une approche more geometrico relativement courante dans l’étude dessociétés andines, peut-être moins héritée d’un Lévi-Strauss que de l’idéalismenéoplatonicien d’un Garcilaso de la Vega, et qui faute de passer au crible d’uneapproche concrète et détaillée, encourt le risque de la stérilité ou de la superficialité.L’auteur pare efficacement au travers inverse à cette « géométrisation », à savoir unempirisme qui peinerait à dépasser l’horizon des faits. S’il parvient à des résultats aussifructueux, c’est que sa perspective directrice est ancrée dans une réflexion approfondiesur l’ensemble des acquis mais aussi des demi-succès de la recherche ethnographique etethnohistorique du dernier siècle, qui font l’objet d’une évaluation critique claire et

Journal de la Société des américanistes, 103-1 | 2017

240

mesurée jusque dans leurs fondements théoriques et épistémologiques. Notons parailleurs que c’est précisément parce qu’elle est approfondie, minutieuse et exhaustive,mais aussi circonscrite avec une grande rigueur méthodologique et théorique, que lamise en perspective des faits empiriques permet de faire apparaître les faits structurelssous-jacents.

11 L’apport de Sendón est aussi précieux par ses développements sur un certain nombre

de points qui de prime abord pourraient sembler secondaires, mais dont l’importanceet la fécondité se font jour au fil de l’ouvrage. On pense ici en particulier au rôle jouépar la faible mémoire généalogique des phinayenses, considérée par l’auteur comme unecaractéristique déterminante de l’univers parental local, conjointement avecl’endogamie, la virilocalité et les phénomènes migratoires. La mise en évidence du rôletenu par cette mémoire généalogique ténue, ne dépassant pas la génération des grands-parents, dans les processus de renouvellement fluide des lignées ouvre la possibilitéd’enrichir une anthropologie andine de la mémoire souvent cantonnée à l’explorationdes procédés mémoriels déployés par des sociétés sans écriture. Sendón propose iciquelques éléments précieux pour une anthropologie de l’oubli, d’autant plus attractifsque sa perspective à la fois empirique et systémique permet de déjouer les séductionsd’un fonctionnalisme quelque peu univoque qui peuvent menacer de tellesperspectives.

12 Plus généralement, il faut également saluer l’intérêt de l’ouvrage au plan

méthodologique. On peut penser qu’à sa suite, les travaux ethnographiques portant surla parenté andine pourront difficilement éviter de se confronter à une reconstitutionminutieuse des réseaux de parenté des populations considérées ; leur étude exhaustiveapparaît même dorénavant comme une condition nécessaire à une approcheréellement consistante de l’organisation sociale dans les Andes centro-méridionales,pour autant que cette dernière souhaite s’affranchir d’une perspective essentiellementsociopolitique. L’apport méthodologique est également sensible du point de vue del’approche de la documentation historique, telle qu’elle se déploie notamment dans les« divertimenti » du chapitre IV et l’interprétation proprement généalogique del’information dispensée par les registres paroissiaux, dont la perspective analytiqueétait jusqu’alors globalement restreinte – du moins pour ce qui concerne les étudesethnographiques – aux questions touchant la qualification des échanges matrimoniauxet la transmission des patronymes.

13 Bien que les abus rhétoriques en aient quelque peu galvaudé l’expression, c’est donc à

bon droit que l’auteur a défini son programme comme une « sorte d’archéologie del’ayllu » (p. 34) ; c’est-à-dire une tentative d’élucidation des conditions de possibilité decette « institution sociale » dans les Andes du sud péruvien, de ses multiplesdéclinaisons et de ses différents champs d’application (économiques, politiques,rituels…), qui constituent autant de manifestations et de cristallisations découlant del’« exercice de la parenté ». Il convient cependant de relever que l’approche systémiquede l’auteur exclut expressément de faire de la parenté la clé unique de la physionomiede l’ayllu. Il montre d’ailleurs combien, selon les circonstances, les situations locales etl’interaction avec les autres données sociologiques, la valeur générative de la parentépeut produire des formes sociales variées. Il n’en reste pas moins qu’une « approche dela diversité des formes adoptées par l’ayllu dans les Andes devrait moins se préoccuperde découvrir des régularités et des normativités qui permettent l’identification desystèmes fermés, que de s’interroger s’il existe un seul cas où l’ayllu ne suppose pas de

Journal de la Société des américanistes, 103-1 | 2017

241

liens généalogiques étroits ratifiés par le traitement terminologique qui les définissenten eux-mêmes et dans leurs extensions classificatoires respectives » (p. 305).

14 De cette « archéologie » de l’ayllu, que l’on pourrait également définir comme une

esquisse de « physiologie », la préface justement laudative de Zuidema témoigne aussides questionnements multiples qu’elle ouvre sur une « définition de la placeparticulière de la culture andine, et des cultures originales d’Amérique du sud engénéral au sein du grand ensemble de la culture mondiale » (p. 18). Comme le suggèreZuidema, parmi ces interrogations figure celle des connexions entre le système deparenté et l’organisation politique au travers de certains traits spécifiques del’organisation sociale, notamment la division en moitiés exogames. La question – en soirelativement classique – des rapports entre parenté et organisation politiquereprésente en réalité un enjeu de première importance pour la compréhension dumonde andin dans son présent, aussi bien que dans son passé. On pense notamment icià l’organisation sociopolitique du Cuzco inca, où les relations politiques s’exprimaientprécisément par le langage de la parenté, et pour l’analyse de laquelle – malgré lesnombreux travaux de Zuidema – des bases suffisamment solides (tant quantitatives quequalitatives) font encore défaut. On sait également que la parenté, « réelle » ou« symbolique », a tenu un rôle structurant dans les mécanismes de l’expansioncuzquénienne, qu’il s’agisse de l’établissement d’une parenté affine avec l’intégrationdes élites locales par la voie matrimoniale, ou bien d’une consanguinité symboliqueappuyée sur la réélaboration de mythes d’origine ou de figures ancestrales. Marquantune expression politique maximaliste de la parenté et usant du langage de celle-ci pourfonder le lien politique, l’« empire » inca a certainement appuyé certaines de sesdynamiques profondes sur les points de réversibilité de ces deux domaines. Iciégalement le travail de Sendón est susceptible d’ouvrir des perspectives théoriquesfécondes, notamment à partir de ses développements sur la parenté affine et lesfranges où elle cesse et se recompose autour de l’usage des termes qatay et qhachun, parlesquels le groupe parental s’ouvre au monde social, et donc à l’espace politique.

15 L’auteur commence la présentation de l’ouvrage en émettant le doute – rhétorique,

certes – que celui-ci ne soit « passé de mode » (p. 25). Il va sans dire que, loin deconsister en « considérations inactuelles » (encore qu’un rappel nietzschéen ne soit pastotalement dépourvu de sens au regard du travail de « physiologiste » réalisé parl’auteur), ce livre est en réalité à ranger parmi les ouvrages récemment issus de larecherche andiniste qui présentent un réel caractère d’utilité : de fait, les perspectivesoffertes vont bien au-delà des conclusions qu’en tire l’auteur pour son propre compte.Hormis les gains analytiques, théoriques et méthodologiques substantiels que l’on peuttirer de sa lecture, il est par ailleurs à espérer que celui-ci suscite un regain d’intérêtpour le chantier de la parenté andine dont il rénove un certain nombre de perspectiveset pour lequel il suggère des outils heuristiques performants.

Journal de la Société des américanistes, 103-1 | 2017

242

AUTEURS

LAURENT SEGALINI

ArchAm, CNRS-université Paris 1-Panthéon Sorbonne

Journal de la Société des américanistes, 103-1 | 2017

243

HANKS William F., Converting words.Maya in the age of the crossUniversity of California Press, Berkeley/London, 2010, 439 p., bibliogr.,index, ill., cartes, tabl., graph.

Capucine Boidin

REFERENCES

HANKS William F., Converting words. Maya in the age of the cross, University of California

Press, Berkeley/London, 2010, 439 p., bibliogr., index, ill., cartes, tabl., graph.

1 Converting words s’inscrit dans la lignée des grandes œuvres écrites à partir et à propos

des documents en langues amérindiennes. Anthropologue, l’auteur a pour point dedépart de ses interrogations sur les sources anciennes son expérience de seize annéesauprès d’un shaman connu sous le nom de Don Chabo : ses performances de cérémoniesde la pluie (ch’áa chaák), exorcismes (pa’ik’), purifications de la terre (hetz lú’um) et curesspirituelles, comme le santiguar, utilisaient des formes apparemment anciennes detraditions à la fois catholique et maya, de manière subtile et profonde (p. XIII). Mais

dans son enquête William Hanks ne cherche pas à exhumer la vision des vaincus, ni àmettre au jour les cosmovisions des sociétés amérindiennes avant et/ou après lacolonisation (León Portilla 1959, Wachtel 1971, Lockhart 1992). Bien au contraire il faitun travail d’ascèse interprétative1. Il démontre minutieusement l’impact de lachristianisation du vocabulaire maya dans la plupart des documents écrits en mayaaprès la conquête, que leurs auteurs soient indigènes ou créoles, que les textes produitssoient autorisés ou prohibés par les autorités ecclésiastiques. Pour autant, Converting

words ne met pas l’accent sur les phénomènes de recouvrement, d’occidentalisation oude métissage des pratiques, des pensées et des langues (Gruzinski 1999). Il décrit lephénomène de commensuration ou encore d’alignement que les missionnaires et lesauxiliaires indiens entreprirent entre leurs langues (le latin, l’espagnol) et le maya,pour donner naissance à ce qu’il appelle une translangue susceptible de véhiculer ladoctrine chrétienne : une langue maya tournée vers la langue espagnole. William Hanks

Journal de la Société des américanistes, 103-1 | 2017

244

suit alors l’itération et la dispersion de cette translangue dans les écrits coloniaux etépicoloniaux en maya. Après la démonstration de Converting words, il n’est plus possiblede lire les Chilam Balam comme de purs témoignages d’une cosmovision mayademeurée intacte de toute influence chrétienne ni comme des textes syncrétiques. Cesont plutôt des textes qui véhiculent un certain registre de langue, la langue élaboréedans, par et pour les missions, les guardanías franciscaines du Yucatán : « Ce registre aété dupliqué et réitéré, indépendamment des croyances et des intentions dequiconque » (p. XIV)2. Il propose de dépasser l’opposition entre les études sur

l’évangélisation (imposition) d’une part et l’idolâtrie (résistance) de l’autre, pours’intéresser à ce qui dépasse et traverse les frontières tracées par les institutionscoloniales : la langue maya « convertie ». L’ouvrage s’organise en trois temps. Unepremière partie décrit en deux chapitres le processus historique et sociologique deréduction (fondation de missions) opéré par les Franciscains dans le Yucatán, unerégion de frontière. Le projet missionnaire est décrit comme un projet total detransformation des habitus des Indiens (des rapports à l’espace, au temps, au corps, à lalangue). Une seconde partie, cœur de l’ouvrage, compte cinq chapitres qui décrivent leprocessus de conversion linguistique par l’élaboration de dictionnaires, grammaires ettextes d’évangélisation. La troisième donne à voir la dispersion du maya réduit dans lesactes notariés (titres de propriété en particulier), les pétitions et les livres de ChilamBalam.

2 Les Français peuvent lire une synthèse de Converting words élaborée par l’auteur lui-

même et publiée en 2009 dans la collection des conférences Eugène Fleischmann de lasociété d’ethnologie. Je m’attacherai ici à rendre compte des nuances que l’auteurapporte dans son ouvrage en anglais de plus de 400 pages, à discuter certains points et àsouligner les éléments de méthode et de comparaison qu’il permet de tisser avec lesétudes sur l’Amérique du Sud, tenues en dehors des champs d’horizon de l’auteur. Et ce,alors même que ses intentions sont finalement proches des démarches de Jean PierreDuviols et César Itier pour le quechua ou de Bartomeu Melià (2003) pour le guarani.

3 Selon William Hanks, avant la conquête, « il n’y avait qu’une seule langue à travers la

péninsule », le maya (p. 25). Ce monolinguisme et cette homogénéité linguistiqueprécoloniaux tranchent avec ce que nous connaissons pour les Andes où certainesvariantes de quechua, plus « générales », se superposaient à de nombreuses langueslocales, de différentes familles linguistiques. La péninsule du Yucatán serait dans unesituation plus proche de celle du Rio de la Plata où le guarani était réputé être unelangue universellement parlée de la côte jusque dans l’intérieur. Mais de récentstravaux commencent à battre en brèche ce présupposé. En effet certains acteurscoloniaux de l’époque rapportent une grande fragmentation linguistique tandis qued’autres soulignent que l’intercommunication était rendue possible par le guarani.Actuellement nous faisons l’hypothèse que certaines variantes du guarani étaientvéhiculaires au-delà des particularismes linguistiques. Multilinguisme et variationlinguistique coexistaient très probablement grâce à des individus et des collectifsplurilingues3. Ce sont les missions franciscaines et jésuites qui, en faisant du guarani lalangue religieuse et politique de leurs territoires, ont fait de ces derniers des espacesmonolingues et relativement homogènes. Autrement dit la colonisation a contribué àhomogénéiser, à diffuser et à imposer certaines langues amérindiennes déjàvéhiculaires au détriment d’autres langues préexistantes. Converting words montre très

Journal de la Société des américanistes, 103-1 | 2017

245

précisément les rouages de ce processus pour le maya et instille donc le doute quant aucaractère précolonial de son homogénéité et de son monolinguisme.

4 La conquête du Yucatán reposa sur deux dispositifs auxquels contribuèrent certains

secteurs de la population indienne : la subjugation militaire (un petit nombre de soldatsavec épées, mousquets, chevaux et chiens) et la conquête pacifique (un petit nombre demissionnaires armés de constructions monumentales, de croix, de vêtements religieux,de catéchismes, de l’hostie, du vin, de l’huile et des discours). Les prêtres catholiquesclament qu’ils ne veulent pas détruire la société indienne, comme le font les soldats,mais la purifier, la déconstruire pour la reconstruire. De même qu’ils réutilisent lespierres des pyramides pour construire leurs couvents, de même ils gardent en vie etrééduquent les corps indiens. Ils réemploient et purgent la langue de ses idolâtries,pour édifier une langue chrétienne : ils veulent « réduire » la langue, c’est-à-dire nonpas la diminuer mais la mettre en ordre pour mieux convaincre et convertir leurslocuteurs au christianisme. Dans ce projet le problème des missionnaires devient celuide la sincérité intérieure des Indiens (p. 3-4). Dans ce processus, la langue est un pivot :à la fois objet de la réduction et moyen par lequel la réduction peut opérer (p. 5). Ils’agit de créer en maya de « très puissants marqueurs de discours comme la croix, lagrille spatiale quadrilatérale orientée d’est en ouest, les dates, les titres, les signatureset les noms de lieux et de personnes » (p. 7). Il faut aussi « altérer les valeurssémantiques d’expressions préexistantes en les reliant avec des pratiques spécifiques etdes experts sélectionnés » (p. 7).

5 La langue n’est pas actualisée dans un espace vide. Au contraire, les mots, les corps, les

habitus des locuteurs et les référents (objets) sont transformés en même temps que seconstitue le champ social des missions ou l’espace des positions hiérarchiques àl’intérieur des missions. Certaines de ces positions ne sont ouvertes qu’auxmissionnaires. Le locuteur européen natif, capable de parler les langues indigèneslocales et de trouver les correspondances avec les concepts chrétiens, est considérécomme « lengua ». La compétence en maya est un capital qui légitime l’autorité d’unecongrégation ou du clergé séculier sur une région (p. 10). Les grands lenguas quirédigent et/ou publient des œuvres métalinguistiques (dictionnaires, grammaires) oudes œuvres d’évangélisation peuvent non seulement administrer les sacrements etentendre les confessions, comme le font les media lenguas, mais aussi prêcher.Inversement, l’Indien qui maîtrise l’espagnol est un « ladino », terme qui admet desconnotations péjoratives (habilité proche de la traîtrise). Auxiliaires nécessaires deslenguas, ils peuvent également aspirer à plusieurs fonctions dans le champmissionnaire. Les Indiens lettrés sont maîtres de chœur et enseignants, chargés del’endoctrinement des enfants. Les Indiens de confiance, Indios de confianza, surveillentl’assistance à la messe et la conformité des pratiques de dévotion et/ou font desrapports aux missionnaires. À l’autre bout de la chaîne se trouvent les simples almas de

confesión (p. 16). Dans le champ politique les Indiens lettrés étaient également candidatsaux différentes positions (alguacil, alcalde, corregidor, etc.) au sein des cabildos

(municipalités indigènes). Les Indiens ladinos s’appuient sur les missionnaires lenguas

pour légitimer leur position dans la nouvelle société et vice versa.

6 Mais la relation, interdépendante, n’est pas symétrique : les Maya du Yucatán n’ont pas

pu convertir les missionnaires à leur religion, ni traduire leur religion en espagnol,uniquement maintenir des traditions cachées. Les ladinos n’ont pas produit dedictionnaires et de grammaires mais des documents notariés, liés au gouvernement

Journal de la Société des américanistes, 103-1 | 2017

246

municipal indigène ainsi que des genres interdits, comme les Chilam Bilam et les rituelsde Bacab. « Avec le temps, et à travers les genres les plus importants du discourscolonial, les racines doctrinales du maya réduit et l’indexation de nombreusesexpressions maya anciennes dans la doctrine catholique vont contribuer au processusde transformation grammaticale et sémantique du maya. Je désigne ce processuscomme étant une conversion linguistique et cette langue, une translangue. Elle n’est nisimplement européenne, ni simplement maya, elle est une langue produite par laconjonction de deux langues déjà tournées l’une vers l’autre et adaptées à la création del’univers sémantique de la conquête pacifique » (p. 16).

7 L’originalité de la démarche de William Hanks est d’étudier les références croisées et

les liens intertextuels entre les œuvres métalinguistiques, les œuvres de doctrine, lesdocuments notariés et les genres natifs. Or généralement, les premières sont étudiéespar les linguistes, les seconds par les théologiens et les troisièmes par les historiens etles anthropologues. L’auteur présente chaque genre et ses modalités spécifiques, mèneune analyse critique de certaines œuvres et de certains auteurs clés tout en suivant unesérie de termes dans tout le corpus : ainsi tuzinil, néologisme créé à partir de la racinezin (verbe positionnel commun pour « étiré »), tu (préfixe qui crée des non relationnels)et il (totalement), pour être un équivalent de la « toute puissance » est essentiellementaccolé au Dieu chrétien, quel que soit le genre choisi. Cette opération réalisée par lesmissionnaires n’est rendue possible que par une bonne connaissance de la structure dela langue et de ses usages au service du projet de commensuration et de conversionlinguistique. En s’intéressant non seulement au lexique4 mais également à lagrammaire5, William Hanks fait faire un pas décisif aux études des corpus en langueamérindienne. Son analyse croisée des dictionnaires espagnol/maya puis maya/espagnol gagnerait à être comparée avec ce qui se passe pour les autres languesgénérales du continent américain à la même époque. Peut-on étendre les quatreprincipes qu’il relève comme étant caractéristiques de la commensuration des deuxlangues et de la constitution d’un sens translingual, à savoir l’interprétance,l’économie, la transparence et l’indexation ? En premier lieu les mots maya censéscorrespondre aux concepts chrétiens (baptême, confession, conversion, etc.) sontgénéralement composés (racine, préfixe, suffixe) et fonctionnement pratiquementcomme des commentaires du mot espagnol : baptême = oc ha (entrer + eau), conversion= oc çah ba (entrer + causatif + réflexif) : la langue cible interprète la langue source. Cetteinterprétation est économique (une même racine oc est massivement utilisée pourcréer le nouveau vocabulaire) et transparente (la composition racine/affixe restelisible). Et même si les signifiés ne se correspondent pas totalement, les signifiantsespagnol/maya renvoient dans les guardianías à un même objet/pratique/personneconcret exemplaire, c’est-à-dire à un même référent (p. 163). « Ce processus tourneeffectivement les expressions maya vers l’univers colonial de référence, tout comme latransparence tourne la sémantique maya vers les sens des mots et phrases espagnols »(p. 164). Une rapide analyse du processus à l’œuvre dans la création d’un langagechrétien en guarani nous montre que le principe d’économie est beaucoup moinsimportant, tandis que les principes de transparence, d’interprétance et d’indexation,interdépendants, se retrouvent plus clairement.

8 Or « de même que les missionnaires lenguas couraient le risque de la subversion en

transposant leur doctrine en maya, de même les Indiens ladino et les élites indiennesprenaient le risque de se réduire eux-mêmes en cherchant à défendre leurs propresintérêts » (p. 21). « L’ironie de la communication interculturelle, dans une situation

Journal de la Société des américanistes, 103-1 | 2017

247

coloniale comme celle du Yucatán, n’est pas réductible aux malentendus. Elle estintrinsèque à la structure du champ dans lequel les agents des discours ontsystématiquement une double face, comme Janus, tandis que leurs œuvres sontsystématiquement ambiguës » (p. 21). En effet les auteurs des œuvres interdites ontsouvent été des Indiens lettrés qui occupaient dans le système missionnaire des postesélevés, liés à l’enseignement de la doctrine catholique. Le recours au vocabulairebourdieusien (champ, habitus, capital) éclaire singulièrement les logiques sociales(distinction, reproduction, homologie) à l’œuvre dans l’élaboration, l’utilisation et ladiffusion du maya réduit par les missionnaires lenguas et les Indiens ladinos. Il permetd’en saisir la cohérence et l’efficacité mais peut-être également à en surestimer lerésultat et à minimiser la conscience que les acteurs pouvaient avoir de la violencesymbolique sur laquelle reposait le système.

9 Tout au long de l’ouvrage, l’auteur se démarque des approches en termes de

malentendus, approches en particulier impulsées par l’école philologique de JamesLockhart et par les travaux de Matthew Restall. D’une manière générale l’auteur esttrès prudent et circonspect sur ce qu’il est possible de reconstituer ou non des sociétésprécoloniales et se refuse à toute approche essentialisante et réductrice d’une culturemaya précoloniale unique et homogène. Il synthétise la vision que chaque sourcecoloniale lui offre sans gommer ses incohérences ou ambiguïtés et s’appuie sur lesdifférents auteurs qui ont cherché à reconstituer la variété des situations précoloniales.Certaines régions auraient été plus « structurées » que d’autres, à moins que les sourcess’y référant n’aient été plus explicites : un homme ayant le titre de halach uinic,« homme véritable », était le gouverneur d’une région. Cette fonction héréditaireincluait des responsabilités judiciaires, militaires, politiques et religieuses touchantautant le noyau urbain que la région alentour. On ne sait pas si un conseil l’aidait àprendre des décisions mais il était assisté par un hol pop (lit. « head of the mat ») et unnacom (« chef de guerre ») lui-même assisté par un guerrier spécial hol can (lit. « tête duciel » ou « tête de serpent »). Le halach uinic percevait un tribut de la ville (en produits),des cadeaux de la part de ceux qui venaient lui demander justice et le produit du travailde ses propres esclaves. Sur ses petites villes alentour, il plaçait un batab, un conseiller,qui travaillait avec un conseil incluant des ah cuchcab (lit. « earth bearers ») et des ah

kulels (« députés »). Les accompagnaient les ah kin, prêtres, les ah cambesah, chefsenseignants, et des hommes importants nohxib ou nucteil (« great trees ») (p. 31). Qu’ellequ’ait pu être l’organisation territoriale précoloniale, la violence de la conquêtemilitaire et de ses effets (chute démographique et déplacements forcés) comme leprojet très structuré de la conquête « pacifique » des missionnaires ont induit uneprofonde réorganisation spatiale : l’abandon de villes préexistantes et le regroupementde la population autour d’un nombre réduit de noyaux urbains entourés de villagessatellites : une guardianía était composée d’une cabecera (« chef-lieu ») – où setrouvaient le couvent, l’église principale et le cabildo indien – et des pueblos de visita quiavaient chacun leur chapelle et auxquels le prêtre rendait des visites. Le ratio étaitd’environ 1 prêtre pour 1600 personnes, ce qui rendait la présence du prêtreintermittente et le rôle des Indios de confianza primordial. L’auteur relève également lamultiplicité des points de vue et du vocabulaire des sources coloniales quant aufonctionnement des guardianías, des cofradías (« confréries ») et des cabildos indiens. Parexemple, dans le système espagnol, certains noms de fonction se retrouvent dans leshiérarchies religieuses comme dans la hiérarchie politique (fiscal, mayordomo, alguacil)et il reste difficile en l’état actuel de comprendre leurs rôles précis.

Journal de la Société des américanistes, 103-1 | 2017

248

10 Pourtant la rigueur de l’approche micro-historique attentive à la variabilité et à la

labilité des appellations, des relations et des pratiques n’est pas incompatible avecl’approche des malentendus. En réalité ce dernier modèle, d’abord travaillé au niveaumacro-historique, a effectivement conduit à des simplifications qui ont pu paraîtreréductrices, opposant un système, amérindien, à un autre, européen. À notre sens ilpourrait cependant être éclairant d’utiliser le modèle des malentendus à l’échellemicro-historique pour reconstruire la variabilité des équivalences mutuelles établiespar les Maya – alliés et ennemis – comme par les Espagnols – militaires ou religieuxissus du clergé séculier et régulier. Chaque acteur a interprété les deux systèmes selonson expérience, son point de vue et ses intentions, entrainant des identificationsmutuelles variables entre les positions espagnole et maya. Les acteurs espagnols n’ontpas tous interprété et actualisé les systèmes espagnol et maya à l’unisson : certes, d’unemanière générale, les missionnaires n’ont pas reconnu les autorités religieuses mayatandis qu’ils ont cherché à réutiliser leur système politique. Mais tous n’ont pascompris le système politique de la même manière. Donnons un exemple : il sembleraitque dans un premier temps la position de gouverneur ait été assimilée à celle de halach

uinic, l’autorité supra-régionale. Mais rapidement les Espagnols ont supprimé touteautorité supra-régionale (p. 292-293). Une équivalence fut donc fixée entre legouverneur et une autorité mineure batab (p. 81). Inversement le fait que de nombreux« prêtres » maya ah kin soient devenus des maestros de capilla suggère qu’ils aient puinterpréter les fonctions et le prestige symbolique associés à ces derniers à partir desleurs. Mais en même temps, le maestro de capilla est parfois appelé maestro cantor, maestro de escuela ou ah cambesah (« enseignant ») : « ce sont probablement desdésignations différentes d’une même position […] Ce qui est clair c’est qu’il y avait aumoins une position au sein des missions dans laquelle la fonction d’enseigner etd’endoctriner était concentrée » (p. 77). Dans les missions jésuites du Paraguay, uneambiguïté semblable est difficile à lever dans les textes. Il sembleraitque l’enseignement du chant, de la doctrine et de la lecture/écriture aient reposé surun même Indien lettré. Mais au fond, au lieu de chercher à tout prix la correspondanceentre fonctions précoloniales et coloniales, il faudrait plutôt s’attacher à comprendreles logiques d’équivalences partielles et mouvantes d’une région, voire d’une réductionet d’un auteur à l’autre.

11 Quoi qu’il en soit, « chaque guardianía fonctionne comme une structure missionnaire et

comme une ressource politique indienne » (p. 316). Les documents notariés queproduisent les autorités indiennes des missions utilisent le maya réduit et respectent àla fois les contraintes du système espagnol et les formes habituelles du discourslégitime en maya (style, canon). La démonstration est particulièrement efficace dans lecas des pétitions ou doléances qui dénoncent le tribut excessif, l’exploitationéconomique et les repartimientos (chapitre X). Une pétition est un okotba than ( okol

pleurer + ba réflexif + than discours) : un pleurer sur soi-même en discours, uneexpression qui est également utilisée pour demander pardon lors de la confession etpour implorer la pitié lors d’une prière (p. 319). Une profonde continuité entre prière etpétition se met en place au niveau moral et affectif lorsque les autorités indienness’adressent au roi ou à son représentant pour implorer sa protection et sa pitié. Eux,chefs de leurs régions, se situent humblement en dessous de leurs pieds et mains etinsistent sur leurs souffrances et la vérité de leurs paroles. Dans la plupart des cas, lesformules utilisées peuvent faire l’objet d’une double lecture, selon les formules derespect habituelles en espagnol et le style des discours en maya. Le chapitre XI qui

Journal de la Société des américanistes, 103-1 | 2017

249

analyse les Chilam Balam et la conclusion sur la Guerre des castes laisse le lecteur sur safaim. En effet, le fait que les maestro cantores, c’est-à-dire les plus haut placés dans lahiérarchie indienne chrétienne et donc souvent les hommes de confiance desmissionnaires, soient généralement des ah kin prêtres et les auteurs des Chilam Balamest relativement connu. Que leurs textes utilisent le maya réduit n’étonne donc pasnécessairement. Comme le rappelle William Hanks la répétition constante du langagedu baptême, de La Trinité, de la confession et de la tristesse chrétienne a eu des effetsbien réels sur le maya quotidien à l’époque coloniale et jusqu’à nos jours. En mêmetemps, les missionnaires lisaient voire même peut être étudiaient les textes écrits qu’ilsconfisquaient. Nous ne savons donc pas si les ressemblances entre textes catholiques ettextes interdits sont liées à la seule dispersion du maya réduit ou à une influencemutuelle (p. 339). L’hypothèse d’influences mutuelles nous semble plus plausible quecelle d’une simple « dispersion et itération » d’un maya réduit par les missionnaires. Defait elle est plus ancrée dans l’hypothèse centrale de l’ouvrage : à savoir la formationd’un espace translinguistique de deux langues asymétriquement tournées l’une versl’autre, fonctionnant dans un même espace sociohistorique, les guardianías

franciscaines composées d’un centre urbain organisé autour du couvent et de petiteschapelles satellites. Une territorialisation qui s’accompagne de l’émergence denouvelles identités et pratiques linguistiques et culturelles, ni totalement européennesni totalement indiennes, des pratiques interdépendantes et en convergence (Pachecode Oliveira 1998).

12 L’auteur situe son travail par rapport à l’historiographie méso-américaine, nahuatl et

maya, qui a généralement dédaigné les œuvres doctrinales, considérées comme tropcatholiques et trop peu maya. Nous avons cherché dans ce compte rendu à fairedialoguer son livre avec l’historiographie sud-américaine, plus proche de sa démarche.À partir des derniers travaux dans ce domaine, nous avons remis en cause l’idée que lemonolinguisme maya préexiste à l’œuvre missionnaire et nous avons souligné quel’approche par les malentendus, menée à un niveau micro-historique, pouvait éclairerles confusions et contradictions apparentes dans les vocabulaires politiques en maya.Par ailleurs la proposition principale de l’auteur, à savoir de considérer l’émergenced’un espace translinguistique dans les guardianías franciscaines du Yucatán pourraitbien être une piste féconde pour analyser les processus à l’œuvre dans d’autres espacesmissionnaires des Amériques. Une comparaison plus systématique des processussociohistoriques et linguistiques à l’œuvre dans le Yucatán, dans les Andes et dans leRio de la Plata serait très certainement fructueuse. Elle devrait prendre en compte lecadre impérial commun et les spécificités des ordres religieux à l’œuvre et des conflitspolitiques et militaires de chaque région. La comparaison pourrait également êtreétendue aux phénomènes contemporains. Les propos des locuteurs de l’une et l’autrerégion sont étrangement proches : les habitants de la péninsule yucatèque disent qu’ilsne sont pas maya, ne parlent pas le maya légitime et sont métissés, « mixed spiced up » (« xá’ak’á’an »), tandis que les Paraguayens et Correntinos du nord de l’Argentineclament qu’ils ne sont pas Indiens , ne parlent pas correctement guarani et s’exprimentdans un guarani jopara, c’est-à-dire mélé d’espagnol.

Journal de la Société des américanistes, 103-1 | 2017

250

BIBLIOGRAPHY

ESTENSSORO Juan Carlos et César ITIER (coord.)

2015 « Langues indiennes et empire dans l’Amérique du Sud coloniale », Mélanges de la Casa de

Velázquez, 45-1.

GRUZINSKI Serge

1999 La pensée métisse, Fayard, Paris.

HANKS William

2009 Pour qui parle la croix. La colonisation du langage chez les Mayas du Mexique, Société d’ethnologie,

Nanterre.

LEÓN PORTILLA Miguel

1959 La visión de los Vencidos. Relaciones indígenas de la Conquista, Universidad Autónoma de México,

Mexico.

LOCKHART James

1992 The Nahuas after the Conquest, Stanford University Press, Stanford (CA).

MELIÀ Bartomeu

2003 La lengua guaraní en el Paraguay colonial, que contiene La creación de un lenguaje cristiano en las

reducciones de los Guaraníes en el Paraguay, CEPAG, Asunción.

PACHECO DE OLIVEIRA João

1998 « Uma etnologia dos “indios misturados”? Situação colonial, territorialização e fluxos

culturais », Mana, 4 (1), p. 47-77.

ROBIN Valérie

2005 « Pierre Duviols, ed, Procesos y Visitas de Idolatrías, Cajatambo Siglo XVII… », L’Homme, 175-176,

p. 524-528.

RUIZ DE MONTOYA Antonio

1640 Arte de la lengua guarani, Iuan Sanchez, Madrid.

WACHTEL Nathan

1971 La vision des vaincus, Gallimard, Paris.

NOTES

1. Comme l’ont réalisé Pierre Duviols et César Itier pour les Andes et le quechua. VoirRobin 2005.

2. « It became self replicating and iterative quite apart from anyone’s beliefs or intentions. »

3. « Langues indiennes et empire dans l’Amérique du Sud coloniale », Mélanges de la Casa

de Velázquez, 45-1, 2015, coordonné par Juan Carlos Estenssoro et César Itier. Il fauttoutefois souligner une différence entre les modèles des Andes et du Rio de la Plata telsque nous les reconstituons aujourd’hui : dans les Andes seuls quelques individus dechaque communauté étaient plurilingues, à savoir les chefs politiques reconnus parl’État inca ; dans le Rio de la Plata l’un des effets des conquêtes et des alliances menéespar les sociétés tupi-guarani était la diffusion de leur langue parmi des collectifs

Journal de la Société des américanistes, 103-1 | 2017

251

entiers. En ce sens, plusieurs variantes proches du guarani étaient effectivementdiffusées au sein de peuples plurilingues (Estenssoro et Itier 2005).

4. Cherchant à comprendre la raison pour laquelle les dictionnaires du maya n’ontjamais été publiés et ne présentent ni nom d’auteur ni datation, William Hanks faitl’hypothèse qu’il s’agirait d’un trésor en perpétuelle construction que les ordresreligieux ne souhaitaient pas divulguer. Pourtant les dictionnaires du quechua et duguarani sont publiés et leurs auteurs connus. Cette activité éditoriale donnait mêmeune certaine légitimité aux ordres religieux qui pouvaient ainsi revendiquer la gestionexclusive de certains espaces linguistiques. Il faudrait donc revoir les raisons pourlesquelles les Franciscains ne considèrent pas comme stratégiquement nécessaire lapublication de leurs dictionnaires.

5. William Hanks montre que les premiers grammairiens accentuent des distinctionsqui permettent de trouver autant de genres, de conjugaisons ou de modes que le latin,et atténuent les distinctions propres à la langue maya qui n’ont pas de correspondancelatine. Pourtant leurs exemples montrent qu’ils étaient familiers des phénomèneslinguistiques propres au maya. Cet écart entre la théorisation et la pratique aégalement été observée dans les grammaires jésuites du guarani : Elodie Blestel,« Marqueurs épistémiques et évidentiels du guarani dans deux grammairesmissionnaires : de la tradition gréco-latine à la prise en compte de l’oralité »,communication lors du colloque organisé par le projet ANR LANGAS, « Temps, espace etsociété dans les langues autochtones d’Amérique du Sud », 8 et 9 février, universitéSorbonne Nouvelle Paris 3. Notons que si les premières grammaires franciscaines (1620)ne formulent pas la distinction entre les nous inclusif et exclusif du maya, la grammairejésuite de Montoya (1639) l’explicite très clairement : « En el plural del pronombre : che la

primera persona (ore) excluye la persona con quien se habla, el ñande la incluye » (Ruiz deMontoya 1640, p. 5).

AUTHORS

CAPUCINE BOIDIN

IHEAL, université Sorbonne Nouvelle Paris 3

Journal de la Société des américanistes, 103-1 | 2017

252