ETUDE PRELIMINAIRE D’UNE FORMATION PALUSTRE HOLOCENE DU BASSIN D’OUARZAZATE A SKOURA (SE DU...

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Sommaire RQM6, 2014 Gourari L. Typologie morphologique et pétrographie des travertins plio-quaternaires du géosystème karstique de l’Oued Aggai (Causse de Sefrou, Moyen-At las, Maroc). Moussa K. et Boualla N. La sédimentation plio-quaternaire d’Oran (Ouest Algérie) : Aspects stratigraphiques et sédimentologiques. Gretaa M., Aarab M., El Kamar1 A. & Laabidi A. Le Quaternaire de la région de Zebzat (Haute Moulouya, Maroc) Laabidi A., Gourari L., El Hmaidi A. & Aarab M., Géomorphologie, lithostratigraphie et sédimentologie des dépôts quaternaires du bassin hydrographique de l’Oued Salloum (région Sidi Abdalwahid, extrémité sud-est de la boutonnière d’Ahouli-Mibladane, Haute Moulouya, Maroc) Sadkaoui D., Gourari L., Benabdelhadi M., El Arabi H., Oujaa A. & Fontugne M. Etude géomorphologique de Boutkhoubaye au nord-est de Michlifène (Moyen Atlas , Maroc). Chahid D., Boudad L., Lenoble A., El Hmaidi A., Chakroun A., Jacobs Z. & Sitzia L. Stratigraphie , sédimentologie et âge de la formation du cordon littoral « post-ouljien » de Témara (sud-ouest de Rabat,Maroc). Boudad L., Malek F., Baidder L. & Ridaoui M. Etude préliminaire d’une formation palustre holocène du bassin d’Ouarzazate à Skoura (sud-est du Maroc) Aberkan M., Aboumaria Kh. & Ouadia M. Apport de l’observation du paysage côtier actuel et de l’organisation des séquences littorales sur la paléogéographie du pléistocène récent au nord-ouest de Rabat (Maroc). Damnati B., Etebaai I., Rhoujjati A., Arnaud D., Decobert M., Marais A. & TaiebM. Reconstitution de l’environnement lacustre actuel et de l’évolution paléo-climatique depuis 29.000 ans à partir d’une étude multidisciplinaire des eaux et des sédiments: cas du lac Ifrah (Moyen Atlas, Maroc) Idder A., Idder T., Nezli I., Cheloufi H., Hamdiaissa B., Hacini M. & Khemis R. Conséquence des interactions sol-eau sur la salinisation des aridosols nus (cas de la cuvette de Ouagla / Sahara algérien) Damnati B., Ben Hardouze H. & Guibal F. Reconstitution du climat en se basant sur la dendroclimatologie : étude préliminaire du cas du cèdre de l’atlas (Moyen Atlas Marocain) Aït Touchnt A., Boudad L., Peretto C., Vaccaro C. & Arzarello M. Approvisionnement en matières premières dans les sites paléolithiques de surface du sud-est marocain : sites d’Aza et d’Imlil. El Hmaidi A., Zahid S., Abdallaoui A. & El Moumni B. Application des réseaux de neurones artificiels pour la prédiction des teneurs en carbone organique dans les dépôts du quaternaire terminal de la mer d’Alboran. Aouadi N., Khedhaier-El Asmi R., & Belhouchet L. Contribution à la connaissance des comportements de subsistance au Paléolithique Moyen en Tunisie : la faune du niveau moustérien du site de l’Aïn el Guettar (Tunisie centrale) Ouchaou B. Réexamen des caprines (Bovidae , Mammalia) du gisement de Kaf-Taht-el Ghar (Tétouan, Maroc). Dridi Y., Aouadi N., Belhouchet L. & Mulazzani S. Nouvelles données sur le site néolithique de Kef el Agab (Jendouba, Tunisie) Roubet C. & Ouchaou B. Sur la domestication animale holocène en Afrique du nord. Regard vers le pastoralisme en Algérie et au Maroc VI-III millénaire. cal BC. Ben-Ncer A. & Bokbot Y. Etude de la sépulture 1 d’ifri n’Amr ou Moussa (Aït Siberne, Maroc) Nocairi M., Ibnoussina M., Witam O. & El idrissi Laaouini My S. Les caracteristiques technologiques de l’industrie lithique du site d’Abadou (Marrakech, Maroc). Heddouche A., Amara A., iddir S., benselama L. & Harichene Z. Recherches préhistoriques à Tabelbala (Saoura, Algérie): premiers résultats Belhouchet L., Aouadi-Abdeljouad N. & Karray M. R. Les plus anciens témoignages de présence humaine en Tunisie centrale Kherbouche F., Hachi S., Abdessadok S., Sehil N., Harichane Z., Merzoug S., Sari L., Fontugne M., Agsous S., Barbaza M. & Roubet C . Nouvelles recherches préhistoriques dans l’Adrar Gueldaman (Akbou, Algérie): premières fouilles dans la grotte GLD 1 Heddouche A. & Iddir S. Chronologie relative de quelques monuments funéraires de l’Ahaggar Aïssani B. Modèle de formation des effondrements du Sahara septentrional algérien : cas de M’Rara et de Saheb-elbir. 7 18 24 36 47 60 73 79 86 93 101 107 127 135 146 164 175 191 199 205 215 219 229 235 Actes de la sixième Rencontre des Quaternaristes Marocains (RQM6) 2014 Géosciences, environnement et patrimoine de part et d’autre du détroit de Gibraltar Actes de la sixième Rencontre des Quaternaristes Marocains (RQM6) Tanger, 15-17 Novembre 2011 Publications de l’Association Marocaine pour l’Etude du Quaternaire Sous la Direction scientifique des Prs. A. OUJAA, L. BOUDAD & B. OUCHAOU ASSOCIATION MAROCAINE POUR L’ETUDE DU QUATERNAIRE (AMEQ) Mai 2014 Association Annaser MIDAR

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Sommaire RQM6, 2014

Gourari L. Typologie morphologique et pétrographie des travertins plio-quaternaires du géosystème karstique de l’Oued Aggai (Causse de Sefrou, Moyen-At las, Maroc).

Moussa K. et Boualla N. La sédimentation plio-quaternaire d’Oran (Ouest Algérie) : Aspects stratigraphiques et sédimentologiques.

Gretaa M., Aarab M., El Kamar1 A. & Laabidi A. Le Quaternaire de la région de Zebzat (Haute Moulouya, Maroc)

Laabidi A., Gourari L., El Hmaidi A. & Aarab M., Géomorphologie, lithostratigraphie et sédimentologie des dépôts quaternaires du bassin hydrographique de l’Oued Salloum (région

Sidi Abdalwahid, extrémité sud-est de la boutonnière d’Ahouli-Mibladane, Haute Moulouya, Maroc)

Sadkaoui D., Gourari L., Benabdelhadi M., El Arabi H., Oujaa A. & Fontugne M. Etude géomorphologique de Boutkhoubaye au nord-est de Michlifène (Moyen Atlas , Maroc).

Chahid D., Boudad L., Lenoble A., El Hmaidi A., Chakroun A., Jacobs Z. & Sitzia L. Stratigraphie , sédimentologie et âge de la formation du cordon littoral « post-ouljien » de Témara (sud-ouest de Rabat,Maroc).

Boudad L., Malek F., Baidder L. & Ridaoui M. Etude préliminaire d’une formation palustre holocène du bassin d’Ouarzazate à Skoura (sud-est du Maroc)

Aberkan M., Aboumaria Kh. & Ouadia M. Apport de l’observation du paysage côtier actuel et de l’organisation des séquences littorales sur la paléogéographie du pléistocène

récent au nord-ouest de Rabat (Maroc).

Damnati B., Etebaai I., Rhoujjati A., Arnaud D., Decobert M., Marais A. & TaiebM. Reconstitution de l’environnement lacustre actuel et de l’évolution paléo-climatique depuis 29.000 ans à partir d’une étude

multidisciplinaire des eaux et des sédiments: cas du lac Ifrah (Moyen Atlas, Maroc)

Idder A., Idder T., Nezli I., Cheloufi H., Hamdiaissa B., Hacini M. & Khemis R. Conséquence des interactions sol-eau sur la salinisation des aridosols nus (cas de la cuvette de Ouagla / Sahara algérien)

Damnati B., Ben Hardouze H. & Guibal F. Reconstitution du climat en se basant sur la dendroclimatologie : étude préliminaire du cas du cèdre de l’atlas (Moyen Atlas Marocain)

Aït Touchnt A., Boudad L., Peretto C., Vaccaro C. & Arzarello M. Approvisionnement en matières premières dans les sites paléolithiques de surface du sud-est marocain : sites d’Aza et d’Imlil.

El Hmaidi A., Zahid S., Abdallaoui A. & El Moumni B. Application des réseaux de neurones artificiels pour la prédiction des teneurs en carbone organique dans les dépôts du quaternaire

terminal de la mer d’Alboran.

Aouadi N., Khedhaier-El Asmi R., & Belhouchet L. Contribution à la connaissance des comportements de subsistance au Paléolithique Moyen en Tunisie : la faune du niveau moustérien

du site de l’Aïn el Guettar (Tunisie centrale)

Ouchaou B. Réexamen des caprines (Bovidae , Mammalia) du gisement de Kaf-Taht-el Ghar (Tétouan, Maroc).

Dridi Y., Aouadi N., Belhouchet L. & Mulazzani S. Nouvelles données sur le site néolithique de Kef el Agab (Jendouba, Tunisie)

Roubet C. & Ouchaou B. Sur la domestication animale holocène en Afrique du nord. Regard vers le pastoralisme en Algérie et au Maroc VI-III millénaire. cal BC.

Ben-Ncer A. & Bokbot Y. Etude de la sépulture 1 d’ifri n’Amr ou Moussa (Aït Siberne, Maroc)

Nocairi M., Ibnoussina M., Witam O. & El idrissi Laaouini My S. Les caracteristiques technologiques de l’industrie lithique du site d’Abadou (Marrakech, Maroc).

Heddouche A., Amara A., iddir S., benselama L. & Harichene Z. Recherches préhistoriques à Tabelbala (Saoura, Algérie): premiers résultats

Belhouchet L., Aouadi-Abdeljouad N. & Karray M. R. Les plus anciens témoignages de présence humaine en Tunisie centrale

Kherbouche F., Hachi S., Abdessadok S., Sehil N., Harichane Z., Merzoug S., Sari L., Fontugne M., Agsous S., Barbaza M. & Roubet C . Nouvelles recherches préhistoriques dans l’Adrar Gueldaman (Akbou, Algérie): premières fouilles dans la grotte GLD 1

Heddouche A. & Iddir S. Chronologie relative de quelques monuments funéraires de l’Ahaggar

Aïssani B. Modèle de formation des effondrements du Sahara septentrional algérien : cas de M’Rara et de Saheb-elbir.

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Géosciences, environnement et patrimoine de part et d’autre du détroit

de GibraltarActes de la sixième Rencontre des Quaternaristes Marocains (RQM6)

Tanger, 15-17 Novembre 2011

Publications de l’Association Marocaine pour l’Etude du QuaternaireSous la Direction scientifique des Prs. A. OUJAA, L. BOUDAD & B. OUCHAOU

ASSOCIATION MAROCAINEPOUR L’ETUDE DU QUATERNAIRE(AMEQ)

Mai 2014

Association AnnaserMIDAR

Comité de lecture (RQM6) :Oujaa A. (INSAP, Rabat); Boudad L. (FST, Errachidia); Ouchaou B. (FS, Meknès); Aboumaria K. (FST, Tanger); Aouraghe H. (FS, Oujda); Damnati B. (FST, Tanger); Debénath A. (MNHN, Paris); El Hammouti K. (FS, Oujda); El Hamouti N. (FS, Nador); Gourari L. (FS, Fès) ; Hachid M ; (CNRPAH, Alger); Lemjidi A. (CNPR, Agadir); Merzoug S. (CNRPAH, Alger); Nami M. (DPC, Rabat); Nespoulet R. (MNHN, Paris); Stoetzel E. (MNHN, Paris); Weisrock A. (MNHN, Paris);

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ETUDE PRELIMINAIRE D’UNE FORMATION PALUSTRE HOLOCENE DU BASSIN D’OUARZAZATE A SKOURA (SE DU MAROC)

PRELIMINARY STUDY OF HOLOCENE PALUSTRINE FORMATION OF OUARZAZATE BASIN AT SKOURA (SE OF MOROCCO)

Larbi BOUDAD1, Farid MALEK2, Lahssen BAIDDER3, Mohamed RIDAOUI4

1Université Moulay Ismail, Faculté des Sciences et Techniques, Département de Géologie, BP.509 Boutalamine Errachidia, Maroc ([email protected]).2Laboratoire de Recherche et d’Analyses Techniques et Scientifiques (LARATES), BP.6597, Rabat, Maroc([email protected])3Université Hassan II, Faculté des Sciences, Département de Géologie, Km 8, Route D’El Jadida, Casablanca, Maroc ([email protected])4Université Caddy Ayad, Faculté Polydisciplinaire, Département de Géographie, Sidi Bouzin, BP.4162, Safi, Maroc. ([email protected])

Résumé : Cette étude concerne les formations du Quaternaire récent et plus précisément les formations palustres de la région de Skoura. La formation de Skoura se présente sous forme de buttes résiduelles, où trois unités stratigraphiques distinctes s’individualisent : à la base, un important dépôt limono-argileux de différentes couleurs, puis une ou parfois deux unités hydromorphes noirâtres accompagnées de tufs et enfin une unité détritique grossière de type glacis-cône.

Cette formation fut considérée par plusieurs auteurs comme datant de la limite Plio-Pléistocène. Mais dans la partie supérieure de l’unité limono-argileuse nous avons découvert des ossements de mammifères et des fragments de coquilles d’œufs d’autruche qui ont donné un premier âge 14C de 7150± 85 ans BP. (Rabat 222).

Mots clés : Quaternaire, Holocène, Formations palustres, Hydromorphe, Ouarzazate, Skoura, Sud Est du Maroc.

Abstract: The Ouarzazate basin, an asymetrical syncline between the High Atlas at the North and the Anti-Atlas at the South, constitute the central part of the southern-atlasic depression, in the continuity of the Souss basin at the West side and the Tafilalt at the East. The Ouarzazate basin is mainly filled by inner fans, as the other parts of the southern atlasic depression, and particularly as the western part of the Tafilalt.

This study focuses on the Upper Quaternary formations, and precisely on the palustrine formations of the Skoura area. The formation of Skoura appears in residual hills, where three distinct units occur : at the basis, an important silty and argileous deposit of different colours, then one or sometimes two blackish hydromorphic units, suited by tufas, and, endly, a coarse detritic unit of fan type.

Some authors have considered this formation as dating from the Plio-Pleistocene boundary. But, in the upper part of the silty and argileous deposit, we find mammal bones and remnants of ostrich eggs that allowed a first 14C date of 7150 +/- 85 y. BP (Rabat 222).

Key word: Quaternary, Holocen, palustrine formations, Hydromorphy, Ouarzazate, Skoura, South-Est of Morocco

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1. INTRODUCTION :

Ce travail s’inscrit dans le cadre d’un thème fédérateur qui s’intéresse à l’étude du Quaternaire récent et à la préservation du Patrimoine préhistorique et archéologique de la marge nord-saharienne, tout le long du sillon sud-atlasique. Une première série d’études a concerné la sédimentologie, la géochronologie et la géomorphologie du Pléistocène supérieur et de l’Holocène du Tafilalt (Oufni et al., 2001 ; Boudad et al., 2003a ; b et c ; Boudad 2004).

Dans l’objectif de corréler et de comparer les différentes formations du Quaternaire récent du sillon sud-atlasique, de nouvelles coupes sont étudiées dans le bassin de Ouarzazate, coupes qui

présentent des caractéristiques comparables à celles du Tafilalt.

Les différentes terrasses, les glacis, et les cônes de déjections de la région de Ouarzazate ont déjà été décrits (Riser, 1988), mais malheureusement sans recours à la chronologie absolue. Plus précisément, la région de Skoura (fig. 1) présente de belles formations du Quaternaire récent, déposées par un système fluviatile longitudinal à chenaux tressés et matériel grossier vers l’amont (rañas), passant progressivement à un matériel plus fin vers l’aval. On a attribué différents âges (Gauthier, 1960 ; Akdim, 1991 ; El Hannani, 1998 ; El Harfi, 2001, Pastor et al., 2012) aux dépôts des oueds de la région.

Figure 1. Situation géographique et localisation de la formation de Skoura (selon la carte géologique de l’Anti-Atlas central et la zone synclinale d’Ouarzazate, 1/200 000) (Choubert et al., 1954).Figure 1. Geographic location and the formation of Skoura (according to geological map of the central Anti-Atlas and the synclinal area of Ouarzazate, 1/200, 000) (Choubert et al., 1954)

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Selon Gauthier (1960) le Quaternaire ancien occupe une position élevée entre oued Engoub et oued bou Izgarn. Il s’agit de cailloutis qui couvrent les plateaux. Ces cailloutis mal calibrés sont disposés en lentilles gréseuses irrégulières et consolidées. Le Quaternaire ancien a été décrit également par El Hannani (1998) sous la forme de glacis-cônes à matériel grossier entièrement encroûté.

D’après les mêmes auteurs, le Quaternaire moyen est constitué d’un revêtement de galets de tailles diverses (de quelque centimètres aux blocs), épais de 1 à 4 m. Ce matériel est d’origine atlasique (Lias, Crétacé et Eocène). On trouve de grandes surfaces de Quaternaire moyen au NW de Skoura sur les 2 rives de l’oued Imider-Timdri. Il est représenté également par du matériel encroûté : glacis III et IV et terrasses 3 et 4 de l’oued M’goun (El Hannani, 1998).

Le Quaternaire récent est caractérisé essentiellement par un faciès limono-sableux, présent autour de l’oued Rbat et, plus à l’Est, sous forme de buttes au niveau de l’oued El Hajjaj. On le trouve également entre les branches des oueds Toundout, Targanda et Timidri.

2. SITUATION GEOGRAPHIQUE, CADRE GEOLOGIQUE ET CONTEXTE CLIMATIQUE :

Le secteur d’étude choisi est localisé au sud-ouest de la ville de Skoura (N31°00 ; W06°36, altitude 1150 m), dans un large synclinorium qui forme, à l’échelle régionale, une cuvette déprimée étroite comprise entre le Sarhro au Sud (Anti-Atlas) et la bordure sud du Haut Atlas au Nord (fig. 1). A l’instar du Souss à l’ouest et du Tafilalt à l’est, la cuvette de Skoura est en partie comblée par de nombreux cônes de déjections (fig. 1), avec un matériel généralement grossier provenant de l’érosion du Haut Atlas et qui s’est déposé par des phénomènes d’aggradation au cours du Quaternaire terminal (Pastor et al., 2012).

Le bassin d’Ouarzazate forme un synclinorium asymétrique d’origine structurale entre le Haut Atlas au Nord et l’Anti-Atlas au Sud. Ce bassin représente la partie centrale du sillon sud-atlasique, en continuité avec le bassin du Souss à l’Ouest et le Tafilalt à l’Est. Comme les autres secteurs du sillon sud-atlasique, et notamment la partie ouest du bassin du Tafilalt, le bassin de Ouarzazate est rempli essentiellement par des cônes de déjection internes.

Comme pour le reste du piémont sud-atlasique,

le climat est de type aride à semi-aride, avec des précipitations moyennes de 200 mm/an (Agoussine et al., 2004) et des vents violents (5 m/s) à composante ouest dominante. La végétation est dominée par des Chamephytes (Haloxylon articulatum) associés à un grand nombre de Géophytes (El Hannani, 1998).

3. METHODOLOGIE:

Une étude préliminaire a été effectuée sur le terrain, avec relevé de plusieurs coupes et échantillonnage des différentes formations. Une étude sédimentologique et minéralogique de ces échantillons est en cours. Des ossements de mammifères et des fragments d’œufs d’autruche (Struthio camelus) ont été récoltés in situ (Nahid et al. 2012). Ces derniers ont fait l’objet d’une datation radiométrique par la méthode 14C au Laboratoire de Recherche et d’Analyses Techniques et Scientifiques de la Gendarmerie Royale (LARATES).

Nous ne traitons ici que l’exemple de la «formation de Skoura», la seule pour laquelle nous disposons de résultats pour le moment.

4. LITHOSTRATIGRAPHIE DE LA FORMAATION DE SKOURA :

Figure 2. Stratigraphie de la formation de Skoura au niveau de l’oued HejjajFigure 2. Stratigraphy of Ouarzazate’s desposit at the wadi Hejjaj.

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La formation étudiée près de Skoura se trouve dans la coupe de l’oued El Hajjaj, en aval de l’un des cônes de déjection de cet oued (fig. 2). Elle a été déjà décrite par plusieurs auteurs (Couvreur, 1988 ; Littman et Schmidt, 1989) qui l’ont rangée respectivement dans le Quaternaire récent et le Rharbien. Il s’agit d’une accumulation, aujourd’hui disséquée par l’érosion hydrique et éolienne, qui se présente sous forme de petites buttes découpées reposant sur un substratum mio-pliocène. De bas en haut, trois unités peuvent être distinguées (fig. 2) :Unité 1 ou unité de base : elle est constituée d’un important dépôt limono-argileux d’environ 4,5 m d’épaisseur. Deux niveaux peuvent y être distingués :

1a : niveau de base ou sous-unité 1a, de 2,5 m d’épaisseur et de couleur rougeâtre. Il est constitué par un important dépôt limono-argileux très induré, avec parfois quelques intercalations sableuses et des poupées calcaires.

1b : niveau sommital ou sous-unité 1b, de 2 m d’épaisseur, de couleur grisâtre, légèrement induré, limoneux et de texture très compacte. Des petits bancs carbonatés, légèrement sablonneux, sont mis en relief par l’érosion. Ils contiennent des ossements et des fragments de coquilles d’œufs d’autruche, attribué au morphotype relatif à l’espèce Struthio camelus (Nahid et al., 2012), avec parfois des fragments de coquilles de gastéropodes d’eau douce du genre Melanopsis.

Unité 2 : représentée essentiellement par un niveau tuffeux avec deux sous-unités :

2a : niveau hydromorphe de quelques centimètres d’épaisseur, sableux, riche en matière organique, ce qui donne à cette sous-unité une couleur noirâtre ou grisâtre. Un peu plus au nord, deux niveaux noirâtres peuvent parfois être distingués. Ces caractéristiques indiquent une mise en place dans un milieu anoxique.

2b : niveau carbonaté de quelques centimètres d’épaisseur, portant des traces de végétaux.

Unité 3 : niveau à cailloutis, de 20 cm d’épaisseur environ. Elle représente la surface d›un glacis-cône.

5. CHRONOSTRATIGRAPHIE :

En matière de Préhistoire, la zone prospectée s’étend de Skoura à Toundout vers le nord et jusqu’à « Gassat » vers l’ouest. Au cours de cette prospection n’ont été trouvés que quelques

fragments de roches taillées (quelques éclats non retouchés) en silex et en rhyolite provenant sans doute de l’Anti-Atlas. Ces éclats n’ont aucune valeur stratigraphique puisqu’ils ont été trouvés à la surface. Par contre la sous-unité 1b (niveau grisâtre) a révélé la présence de quelques ossements d’équidés ainsi que quelques fragments de coquilles d’œufs d’autruche (fig. 2).

Une datation effectuée sur ces fragments de coquilles d’œufs d’autruche a donné un âge de 7150 ± 85 ans BP (Rabat, 222). Cette datation permet l’attribution de la partie supérieure de ces limons au Rharbien et plus précisément à la transition Rharbien ancien-Rharbien moyen.

6. DISCUSSION :

Selon les auteurs déjà cités, les buttes résiduelles étudiées reposent sur des formations du Mio-Pliocène (couches marneuses parfois conglomératiques). La formation de Skoura présente une extension localisée, de texture fine, témoignant d’un régime d’écoulement calme. A la partie distale des cônes atlasiques, le Sarhro constitue une sorte de barrage vers le sud de tous les affluents qui traversent la plaine de Skoura, barrage qui a permis l’installation de zones de décantation, qui évoluent vers des dépôts palustres avec un ou plusieurs niveaux d’engorgement (fig. 3).

Figure 3. Bloc diagramme de la superposition des dépôts du Quaternaire récent dans la région de Skoura.Figure 3. Block diagram of the Quaternary deposits superposition in the region of Skoura.

La base de la formation étudiée est peu visible. L’âge de la sous-unité 1a n’est pas encore déterminé avec précision : il peut s’agir de Soltanien ou du Rharbien ancien ; sa coloration rouge peut, quant à elle, être héritée de paléosols plus anciens (Delibrias et al. 1976).

Le niveau sablo-limoneux grisâtre (sous-unité 1b) est très intéressant par son contenu faunistique et

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la datation à 7150 ± 85 ans BP qu’il a fourni. Ceci permet de le comparer au dépôt de la séquence IV de la coupe de Makhfamane, sur le versant nord du Haut-Atlas, qui montre également des niveaux d’engorgement palustres à des dates tout à fait semblables de 7380 à 5875 ans BP (Weisrock et al., 1985 ; Weisrock et Miskovsky, 1987).

Le niveau noirâtre (sous-unité 2a) constitue un excellent repère stratigraphique et une datation plus précise que celle que nous pouvons avancer pour le moment : postérieure à 7150 ± 85 ans BP (6031±92 BC), serait d’un grand intérêt. Cette accumulation de matière organique dans un milieu gorgé d’eau est connue dans la région (Hugot, 1977 ; Riser 1988). Dans d’autres régions du Maroc, des sols gris se développent autour de 5000 BP (Weisrock et al., 1985 ; Wengler et al., 1992). C’est un phénomène assez répandu en Afrique du Nord (Ballais et al., 1979 ; Rognon, 1984, 1987, Alimen 1987), avec, on l’a vu, la possibilité d’une répétition. Ces niveaux noirâtres, associés à des niveaux carbonatés, montrent que l’installation de la végétation contribue au développement de niveaux carbonatés, pouvant prendre la forme de dépôts tufeux ou de dépôts travertineux zonaires. Ces niveaux correspondent à une stabilisation des versants par la végétation, avec une pédogenèse active et des écoulements calmes et réguliers. D’un point de vue climatique, la présence d’une sédimentation limono-argileuse de texture très fine va dans le sens d’un climat plus humide que l’actuel, avec des précipitations mieux réparties : la diminution des pluies orageuses et le développement d’un couvert végétal va dans le sens de la mise en place d’un milieu marécageux.

L’unité 3, qui se manifeste par le retour de l’activité torrentielle des systèmes fluviatiles, avec le transport de graviers et de cailloutis anguleux emballés dans une matrice sablo-argileuse, marque la réactivation des pentes. Ceci correspond à un éclaircissement de la végétation et au démantèlement du relief des bassins versants, avec la reprise d’une morphogenèse active, très probablement à l’Holocène supérieur, comme dans le Souss (Weisrock et al., 1991 ; 2002) ou le Tafilalt (Boudad et al., 2003b) .

7. CONCLUSION :D’après la date obtenue, la sous-unité 1a de la formation de Skoura se serait déposée à la transition Rharbien ancien - Rharbien moyen, dans un paysage correspondant à une large plaine alluviale, avec un comblement de sédiments

limono-argileux, comme c’est le cas dans d’autres régions du sud marocain (Weisrock et al., 2002). Ces dépôts se sont mis en place pendant ou un peu avant l’optimum climatique de l’Holocène moyen. Des investigations particulières au niveau de la reconstitution du couvert végétal et la multiplication des datations s’imposent pour une meilleures compréhension du climat et de la dynamique de mise en place des ces dépôts.

REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES :

Agoussine, M., Saidi, M. & Igmoullan, B., 2004. Reconnaissance des ressources en eau du bassin d’Ouarzazate (sud-est marocain). Bulletin de l’Institut Scientifique, 26, 81-92.

Akdim, B., 1991. Genèse et diagenèse des carbonates terrestres dans la dépression de Ouarzazate, Maroc méridional. PHD, Université d’Ottawa, Ottawa, 150 p.

Alimen, H., 1987. Evolution du climat et des civilisations depuis 40 000 ans du nord au sud du Sahara occidentale. Premières conceptions confrontées aux données récentes. Bulletin de l’Association Française pour l’Etude du Quaternaire, 4, 215-227.

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APPORT DE L’OBSERVATION DU PAYSAGE COTIER ACTUEL ET DE L’ORGANISATION DES SEQUENCES LITTORALES SUR LA PALEOGEOGRAPHIE DU PLEISTOCENE RECENT AU NORD-OUEST DE RABAT (MAROC).

CONTRIBUTION OF THE CURRENT COASTAL LANDSCAPE OBSERVATION AND THE ORGANIZATION OF COASTAL SEQUENCES ON THE LATE PLEISTOCENE PALEOGEOGRAPHY OF NORTHWEST RABAT (MOROCCO).

M’hamed ABERKAN1, Khadija ABOUMARIA2 & Mohamed OUADIA3

1 Université Mohammed V- Agdal, Faculté des Sciences, Département de Géologie, BP 1014 RP, Rabat([email protected])2 Université Abdelmalek Essaadi, Faculté des Sciences et Technique, Département de Géologie, BP 416 - Tanger 90000, Maroc, ([email protected])3 Université Chouaib Doukkali, Faculté des Sciences, Département de Géologie, BP 299, Eljadida ([email protected])

Résumé : La géologie du Quaternaire marocain a connu une évolution considérable au cours du 20ème siècle. En effet, par sa position géographique à la limite nord-occidentale du continent africain, le Maroc a constitué un pays frontalier des variations climatiques pléistocènes notamment les alternances de périodes glaciaires et interglaciaires bien connues en Europe du Nord. Ces dernières ont joué un rôle capital dans les déplacements des lignes du rivage. Cependant, les enregistrements paléoenvironnementaux sont variables selon les secteurs littoraux.Ainsi, l’observation des formations du paysage côtier au nord-est de Rabat-Salé, notamment celui de Mehdia au Sud de l’embouchure de l’oued Sebou (région de Kénitra), associée à celle des séquences littorales fossilisées dans la falaise bordant directement l’océan atlantique au nord de Rabat-Salé, fournit de précieuses informations quant à l’évolution morphologique et paléogéographique de la région. Elle permet de comprendre l’histoire du paysage côtier au cours du Pléistocène récent. De plus, l’organisation verticale, les caractéristiques pétrographiques et l’évolution latérale des dépôts quaternaires ne sont souvent pas en relation avec l’âge des dépôts mais plutôt le résultat de plusieurs facteurs interactifs tels que l’héritage paléogéographique pliocène, les fluctuations climatiques, les occurrences néotectoniques, les variations du niveau marin et la dynamique littorale. Les coupes observées le long de la falaise côtière, entre Rabat et la Plage de Nations, montrent des niveaux marins transgressifs. Les faciès superposés dans les séquences verticales sont très comparables à ceux, actuellement juxtaposés, observés dans le secteur de Sidi Boughaba entre la Plage des Nations et Mehdia.

Mots clés : Maroc, Pléistocène, fluctuations climatiques, variations eustatiques, paléogéographie, néotectonique, système littoral.

Abstract: Quaternary geology of Morocco has evolved considerably during the twentieth century. Indeed, by its geographical position at the north-western Africa, Morocco was a country bordering Pleistocene climatic variations that have played a role in the movement of shorelines consecutively to the alternation of glacial and interglacial periods well known in northern Europe.Thus, the observation of the system current coastline, particularly in the area of Mehdia south of the mouth of the river Sebou (region of Kenitra), associated with the coastal fossil sequences in the coastal cliffs north of Salé, provides valuable information about the morphological evolution and paleogeography of the region and helps to understand the history of the coastal landscape during the Late Pleistocene. More vertical organization, petrology characteristics and evolution side of quaternary deposits are often not related to the age of the deposits but are rather the result of several interacting factors such as inheritance pliocene paleogeography, climatic fluctuations, neotectonic occurrences, the sea level changes and coastal dynamics. Quaternary formations observed along the coastal cliffs between Rabat and Plage des Nations shows transgressive sea levels. Facies stacked in the vertical sequences are very similar to those currently juxtaposed observed in the area between Sidi Boughaba, Plage des Nations and Mehdia.

Keywords: Morocco, Pleistocene, climatic fluctuations, eustatic variations, paleogeography, neotectonic, coastal system.

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I. INTRODUCTION

La géologie du Quaternaire marocain a connu une évolution considérable au cours du 20ème siècle. Le terrain marocain a constitué un lieu de rencontre privilégié pour des équipes de chercheurs pluridisciplinaires. Des axes de recherches s’étalant depuis les Sciences de la matière, de la Terre et de la vie jusqu’aux Sciences humaines et sociales nous apportent des renseignements de valeurs inégales qui participent ensemble à la reconstitution de l’histoire naturelle de cette ère de l’apparition de l’Homme et de son évolution dans un cadre naturel en mouvement continu.

Par sa position géographique à la limite nord-occidental du continent africain, le Maroc a constitué un pays frontalier des fluctuations climatiques pléistocènes qui ont joué un rôle capital dans les migrations de l’Homme et dans la répartition de ses contemporains notamment celle des vertébrés préhistoriques. Les déplacements des lignes du rivage consécutivement aux alternances de périodes glaciaires et interglaciaires, bien connues en Europe du Nord, sont bien enregistrés sur les façades maritimes du pays. En Europe du Nord, les témoins des glaciations étaient à la base de la lithostratigraphie climatique du Quaternaire alpin au 19ème siècle. L’hypothèse séduisante de vouloir transformer cette lithostratigraphie en chronstratigraphie quaternaire mondiale est l’une des causes de la difficulté de la géologie du Quaternaire. Cette hypothèse, que certains auteurs ont prise pour une conclusion acquise, a conduit à des situations confuses. De plus, les problèmes de corrélation à distances des dépôts quaternaires, souvent appartenant à des secteurs morphostructuraux différents, persistent jusqu’à nos jours. Une mise à jour de l’état des connaissances de la géologie du Quaternaire marocain à l’échelle locale et régionale s’impose. Cette mise à jour est nécessaire pour tenter de mettre fin au recyclage sans fin d’un grand nombre d’opinions peu fiables.

II. REVUE DES CONNAISSANCES SUR LES FORMATIONS LITTORALES QUATERNAIRES DU MAROC

L’étude des dépôts littoraux quaternaires du Maroc a débuté depuis presque un siècle. C’est à Gentil en 1918 que revient le mérite d’avoir

remarqué dans la Meseta côtière, l’existence d’un étagement de terrasses marines du Pliocène et du Quaternaire caractérisés par des faunes différentes. Chacun de ces niveaux marins est couronné par un dépôt éolien. Lecointre, en 1926, décrit pour la première fois l’étagement de quatre niveaux quaternaires dans la région de Casablanca. Cet étagement a poussé plusieurs auteurs à proposer des chronologies pour des terrasses quaternaires basées uniquement sur des critères altimétriques : l’âge des terrasses augmente avec leur altitude. Des corrélations chronostratigraphiques ont été établies avec le Quaternaire de l’Europe. Ces corrélations souvent hypothétiques, basées sur l’alternance des phases climatiques pluviales et interpluviales ont été parallélisées respectivement avec des périodes glaciaires et interglaciaires de l’Europe. Cette correspondance a été démontrée non fiable par Texier et al. (1985), qui ont conclu que les glaciations européennes étaient contemporaines des épisodes arides de l’Afrique du Nord, alors que les interglaciaires correspondaient à des périodes d’humidification climatiques dans cette partie du continent dont fait partie le Maroc. Ces concepts climatiques ont fait l’objet de nombreuses discussions à cause de l’imprécision de leurs paramètres et de leur répartition dans le temps et dans l’espace (Aberkan, 1989 et 2008).

Le développement des études sur le Quaternaire et la multiplication des données nouvelles et pluridisciplinaires a bien amélioré nos connaissances sur cette période géologique. Les méthodes d’étude ont connu une progression considérable. Cependant, des difficultés persistent du fait que des extrapolations hypothétiques non fiables, ont été rapidement prises pour des conclusions acquises. Ainsi des observations minutieuses des coupes disponibles le long de la falaise côtière et dans les carrières ouvertes dans les cordons littoraux entre Rabat et Tanger incitent à une grande prudence vis à vis de certaines opinions sur le Quaternaire marocain.

Les spécificités locales ou régionales des secteurs morphostructuraux (Alouane, 2001) ont conduit à une diversité des séquences littorales quaternaires. L’organisation verticale des dépôts littoraux pléistocènes montre la difficulté d’établir des corrélations entre des coupes à l’échelle locale et régionale (Aboumaria, 2009 ; Tuveri, 2010), à

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cause des discontinuités des dépôts et des variations des faciès au sein des niveaux quaternaires du même âge et de la même région. Ces observations incitent à des analyses détaillées des coupes qui ont été épargnées par l’érosion et à exploiter au maximum les enregistrements de phénomènes naturels précieux, fossilisés dans des coupes souvent rares mais très riches en enseignements. Ainsi Certaines de ces coupes clés sont mises au jour lors des ouvertures de carrières dans des cordons littoraux dont les dépôts sont exploités comme matériaux de construction. Leur destruction, sans être étudiée, peut constituer une grande perte d’informations sur la géologie du Quaternaire de la région. Un suivi de l’ouverture et de l’exploitation de ces carrières serait d’un grand intérêt pour l’avancée de nos connaissances sur l’histoire naturelle au cours du Quaternaire.

III. CADRE GEGRAPHIQUE ET GEOMORPHOLOGIQUE

La région étudiée se trouve au nord-est de Rabat (fig. 1). Elle constitue la bordure méridionale occidentale du Bassin du Rharb. Selon les secteurs, le rivage est délimité directement par une falaise vive, ou montrant un passage progressif de la plage vers l’intérieur du pays, à travers une succession de cordons littoraux d’âge croissant. Ainsi, le long de la côte, entre Rabat et Mehdia-Sidi Boughaba et sur les rives de l’embouchure de Sebou, l’accolement des dunes est tel qu’il est très difficile de retrouver les formes des dunes unitaires originelles (fig. 1, 2

Figure 1: Localisation géographique de la zone étudiée. (Source : Google Earth)Figure 1: Geographical localization of the study area. (Source: Google Earth)

et 3). On peut cependant repérer quelques formes barkhanoides. Leur enchevêtrement pourrait être dû à la progression vers l’Est de barkhanes alignées sur un même front (Aberkan, 1989). Actuellement, la dune vive comporte des barkhanes plus au moins individualisées qui, suivant la direction des vents dominants, se disposent obliquement par rapport à la côte. Toutefois, leur coalescence aboutit à des cordons dunaires complexes subparallèles au rivage.

Figure 2 : Le lac de Sidi Boughaba sépare la dune grise du complexe littoral.Figure 2: Sidi Boughaba Lake separates the gray dune and complex coastline.

Figure 3: Dune grise couverte par la végétation, lac de Sidi Boughaba et complexe littoral dont la base date de 112 ka.Figure 3: Gray dune covered by vegetation, Sidi Boughaba Lake and coastline complex, the base date of 112 ka.

Depuis la plage des Nations au Nord de Rabat, la ligne de côte présente une falaise vive taillée dans un cordon littoral consolidé. Ce cordon très complexe fossilise par endroit au moins deux paléorivages datés respectivement de 220 Ka et de 110 Ka (Aberkan, 2000). C’est le cas de la coupe de Sidi Moussa entre Salé et la plage des Nations (fig. 4). Ce tronçon de falaise littorale présente également des témoins d’environnement laguno-lacustres et des marqueurs de paléoseimicité (seismites) attribués au Pléistocène récent (Aberkan et al., 1987; Aberkan, 2000 ; Plaziat et al., 2006).

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Figure 4: Dépôt lagunaire (112 Ka) supportant un complexe dunaire (dont la base est datée de 110 ka) lui- même raviné, taillé en falaise et transgressé par un dépôt marin.Figure 4: Lagoon Deposit (112 Ka) supporting a complex dune (whose base is dated at 110 ka) itself ravines, carved into a cliff and transgressed by marine deposit.

Au niveau de la plage des Nations, la falaise côtière est décalée vers l’Est, cédant la place à la plage de Sidi Boughaba-Mehdia qui passe progressivement à un système dunaire qui se chevauche. Ainsi, une dune blanche, de 20 à 40 m d’altitude, encore vive âgée de 1000 ans couvre en partie une autre dune grise, de 20 à 30 m de haut, pédogénisée et fixée par la végétation (fig. 2). Cette dune grise date d’environ 5000 ans (Aberkan, 1989). Elle fossilise des restes de végétaux, des charbons et une biocénose constituée de pulmonés terrestres dont des hélix de taille variant entre quelques millimètres et plusieurs centimètres. L’érosion éolienne remanie les dépôts de cette dune grise en accumulant par endroits, sur la dune blanche, des amas d’escargots connus sous le nom d’«escargotières». Les coquilles de pulmonés terrestres observées à la surface de la dune blanche, sont donc plus anciennes que celle-ci et remontent à 5000 ans, âge de la dune grise rharbienne.

La migration des dunes s’est accélérée ces dernières années suite aux vagues de sécheresses et à la pression anthropique dans ce secteur littoral très convoité. L’ensablement constitue un véritable danger notamment pour le lac de Sidi Boughaba, une zone humide d’une grande importance écologique.

Dans la coupe dite de Sidi Moussa, au Nord de Salé, le complexe dunaire consolidé et taillé en falaise fossilise des paléosols rougeâtres qui témoignent de fluctuations climatiques relativement humides favorables à la fixation des dunes, au développement des sols et de végétation, avant que la sécheresse

ne reprenne le dessus et d’autres nappes dunaires viennent fossiliser les sols formés à la surface des générations dunaires précédentes (fig. 4).

Plus à l’Est, à droite de la route nationale reliant Rabat à Kénitra, une grande carrière entre Sidi Bouknadel et Sidi Taibi montre deux autres rivages plus anciens dont le plus vieux est antérieur à 350 Ka (Aberkan, 1989 ; 2008).

VI. SEQUENCES LITTORALES ET NATURE DES DEPOTS

4.1. Problème des séquences littorales quaternaires au Maroc

L’analyse des successions de dépôts pléistocènes de la façade atlantique marocaine a permis à plusieurs auteurs de conclure que les coupes relevées dans les formations marines quaternaires de la région de Rabat-Casablanca, présentent des séquences régressives (Akil, 1990 ; El Graoui, 1994 ; Chabli, 2009).

Il faut d’abord signaler que la tendance régressive ou transgressive des séquences quaternaires est très variable selon les secteurs (Aboumaria, 2009). De plus, les formations quaternaires ayant enregistré clairement des cycles sédimentaires complets sont très rares.

Par ailleurs, les interférences entre l’élévation du niveau de la mer avec le réchauffement climatique et le soulèvement des plages, sous l’action de la néotectonique, expliquent la géométrie complexe et l’évolution des dépôts des plages fossiles quaternaires. En effet, lorsque le taux de soulèvement par la tectonique excède la remonté eustatique d’origine climatique lors d’une transgression, engendrée par un réchauffement du climat, ou lorsque la mer régresse pendant un refroidissement, les dépôts côtiers peuvent échapper à l’action des vagues et être épargnés par l’érosion marine. Réciproquement, quand l’élévation relative du niveau de la mer d’origine climatique l’emporte sur le soulèvement du fond par l’action de la tectonique, les dépôts côtiers sont fréquemment atteints par les vagues de la transgression suivante qui les érodent, ce qui expliquerait la carence, voire l’absence des séquences transgressives dans certains secteurs littoraux. Cet état de fait a conduit à la conservation de séquences granocroissantes considérées par les auteurs comme des séquences

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régressives, alors qu’elles se sont mises en place lors d’un réchauffement climatique ayant entraîné une transgression. La tendance négative de ces séquences résulte du fait que, dans les secteurs morphostructuraux concernés, le soulèvement tectonique l’a emporté sur l’augmentation de la tranche d’eau par l’eustatisme dû au réchauffement climatique. Le résultat en est la mise en place d’une séquence granocroissante marquant une tendance à l’émersion, bien que la période climatique soit celle d’un réchauffement et donc équivalente d’un épisode transgressif. Les dépôts reflètent donc une diminution de la tranche d’eau marine à cause du taux élevé du soulèvement du fond par l’action de la néotectonique. Ces résultats s’accordent avec l’idée de Keller et Pinter établie en 1996 et celle de Trenhaile publiée en 2001, (in Alouane, 2001).

4.2. Organisation des séquences littorales quaternaires au Nord de Rabat

Les cartes élaborées par la Société Chérifienne Des Pétroles en 1952 attribuent les cordons littoraux du nord-est de Rabat au Plioquaternaire. (Aberkan, 1986; 1989; 2000) apporte des précisions géomorphologiques, chrono-stratigraphiques et sédimentologiques sur ces formations littorales quaternaires et décrit dans ce secteur des indices d’activité néotectonique dont des failles normales (Aberkan, 1986) et décrochement (Aberkan, 1989). Il précise également que les périodes pléistocènes, considérées comme étant arides et froides dans leur ensemble, ont connu des humidifications climatiques responsables de pédogenèses complexes. C’est ainsi, par exemple, que le Soltanien, période connue en stratigraphie du Quaternaire continental du Maroc, a enregistré au moins six fluctuations climatiques assez humides et relativement chaudes qui ont permis le développement de paléosols rubéfiés, repérés notamment dans les éolianites littorales de la façade atlantique marocaine (Aberkan, 1989).

Dans le secteur étudié, malgré la discontinuité des dépôts littoraux quaternaires, les formations qui ont pu échapper à l’érosion nous apportent des témoins d’enseignements précieux. Ainsi la côte atlantique marocaine au Nord de Rabat est bordée de quatre cordons littoraux carbonatés comportant des dépôts marins peu profonds disposés en séquences progradantes séparées par des surfaces érosives ou par des éolianites souvent intercalées

de paléosols rubéfiés. Les séquences littorales quaternaires ne sont donc pas toutes et partout régressives. Les dépôts marins de la majorité des coupes observées le long de la falaise côtière au Nord de Rabat sont bien transgressifs (fig.4 et 5).

Figure 5 : Dépôt marin transgressif sur des argiles lagunaires de 112 Ka, passant progressivement à une éolianite dont la base date de 110 Ka.Figure 5: Transgressive marine deposit on a lagoon clays of 112 Ka, gradually rising to an eolianite whose base date back to 110 Ka.

Dans le complexe littoral entre Salé et la Plage des Nations, l’organisation des séquences nous a permis la synthèse suivante (fig. 4) :

- Après une transgression marine il y a environ 220 Ka (fig. 6), un hiatus important pourrait être attribué à une phase d’émersion ou à une période de sédimentation dont les dépôts n’ont pas pu échapper à l’érosion;

Figure 6 : Dépôt marin de 220 Ka portant une croûte calcaire supportant des argiles lagunaires d’âge 112Ka.Figure 6: Marine Deposit of 220 Ka bearing a calcareous crust and supporting lagoonal clays 112 Ka of age.

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- la mise en place d’une paléolagune a permis la sédimentation de dépôts argileux datés de 112 ka. Cette lagune préhistorique n’aurait pu prendre place sans la présence d’une morphologie littorale spécifique, lui offrant un environnement protégé de l’érosion. Cette paléogéographie ressemblerait en grande partie au paysage actuel du secteur de Sidi Boughaba, où l’avancé des dunes a permis la mise en place, dans un sillon interdunaie, d’une zone humide ; le lac de Sidi Boughaba. - des nappes dunaires ont envahi la lagune préhistorique il y a environ 110 Ka;- une autre transgression marine est venue raviner le complexe littoral précédemment édifié, déposer un autre niveau marin littoral, avant qu’une large période d’éolisation favorise de nouveau la mise en place de l’édifice d’éolianites intercalé de paléosols rubéfiés. Cette éolisation a eu lieu probablement lors d’une aridification climatique notable. Cette dernière a connu cependant des fluctuations d’humidification relativement sensible ayant permis la genèse des sols rouges actuellement fossilisés dans les éolianites des cordons littoraux. Ce scénario préhistorique datant du Pléistocène récent rappelle fortement celui que montre le paysage actuel dans le secteur de Mehdia-Sidi Boughaba. Les facies littoraux superposés, observés dans la falaise côtière au Nord de Salé, sont très comparables à ceux juxtaposés que montre le paysage actuel à Sidi Boughaba.L'une des difficultés auxquelles nous nous sommes affrontés est celle d’établir des corrélations entre certaines unités. A l’échelle régionale, l’étude des propriétés pétrologiques dont la nature des constituants, le degré de diagenèse et de consolidation, montre que certains niveaux présentent une plus grande ressemblance avec des échantillons prélevés dans d’autres localités qu’avec ceux du même cordon. Ces difficultés sont à mettre en relation avec un recyclage des matériaux dans un environnement littoral, entre les zones infratidale et supratidale, selon les fluctuations eustatiques pleistocènes. Il serait donc intéressant de pouvoir effectuer des levés au Ground Penetrating Radar (GPR) afin d’imager la géométrie des dépôts et la disposition des cordons côtiers (Tuveri, 2010). Cette méthode permettrait de compléter les observations réalisées le long de la falaise côtière et dans les entailles des carrières. Les cordons éoliens étudiés ont subi plusieurs phases

de transgression et d’érosion, et donc plusieurs périodes de cimentation et de dissolution. La diagenèse a eu des impacts négatifs sur les propriétés des calcarénites comme roches réservoirs, souvent très poreuses. Les éolianites fossiles peuvent donc être confondues avec des dépôts marins. De plus, certaines unités éoliennes montrent des ciments fibreux ou palissadiques, typiquement marins, lorsqu’elles ont subi une transgression, lorsqu’elles sont directement exposées à la mer ou quand des phénomènes de capillarité font remonter de l’eau marine à l’intérieur d’unités éoliennes côtières.Ces ciments marins peuvent créer une confusion lors de la détermination de l’environnement de dépôt, lorsque les indices de diagenèse vadose sont oblitérés par une cimentation trop abondante. Ainsi, l’étude des ciments ne suffit pas pour distinguer de manière sûre un dépôt éolien d’un dépôt marin peu profond. Cependant, dans la plupart des cas, on peut suivre clairement sur le terrain, les enregistrements de transgression, de régression et d’érosion. Ainsi, certaines idées conçues sans arguments suffisants, comme celles qui concluent que toutes les séquences marines quaternaires de la façade atlantique entre Rabat et Casablanca sont toutes régressives (Akil, 1990, El Graoui, 1994, Chabli, 2009), sont à reconsidérer.

V. CONCLUSION

L’observation du système littoral actuel, notamment dans la région de Mehdia au Sud de l’embouchure de Sebou, fournit de précieuses informations quant à l’évolution morphologique de la région et permet de comprendre l’histoire du paysage côtier du Nord de Rabat au cours du Pléistocène récent. De plus, l’organisation verticale, les caractéristiques pétrologiques et l’évolution latérale des dépôts quaternaires ne sont pas souvent en relation avec l’âge des dépôts mais sont plutôt le résultat de plusieurs facteurs interactifs tels que l’héritage paléogéographique pliocène, les fluctuations climatiques, les occurrences néotectoniques, les variations du niveau marin et de la dynamique littorale.

L’observation du système littoral actuel et fossile a fourni de précieuses informations quant à l’évolution morphologique de la région et permet d’émettre des hypothèses sur l’évolution du paysage côtier au Nord de Rabat au cours du Pléistocène

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récent. Les dépôts littoraux superposés, observés dans la falaise côtière au Nord de Salé, sont très comparables à ceux juxtaposés, que montre le paysage actuel à Sidi Boughaba. Une claire ressemblance existe donc entre la paléogéographie du Pléistocène récent et celle d’aujourd’hui dans la façade atlantique marocaine au Nord de Rabat. Les dépôts superposés dans la séquence littorale au Nord de Salé étaient, comme ceux du paysage actuel de Sidi Boughaba, juxtaposés dans l’espace au moment de leur dépôt.

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