Les remblaiements de fond de vallons : l'exemple du Royeau dans le bassin de la Sarthe, à l'ouest...

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Jean-Pierre Larue Chantal Leroyer Jean-Pierre Mahoué Les remblaiements de fond de vallons : l'exemple du Royeau dans le bassin de la Sarthe, à l'ouest du Bassin Parisien (France)/Accretion deposits in vale bottoms: the case of the Royeau in the Sarthe Basin, West of the Paris Basin (France) In: Géomorphologie : relief, processus, environnement. 1996, vol. 2, n°4. pp. 69-88. Résumé Résumé Des sondages récents permettent d'analyser les dépôts du remblaiement de fond du vallon de Royeau, situé au nord- est du Mans, afin de reconstituer les paléoenvironnements contemporains de la sédimentation. Contrôlée par la morphodynamique des versants, cette dernière révèle l'importance de l'accumulation au Subatlantique. Datées par plusieurs horizons riches en matière organique, trois principales phases de morphogenèse active sont déclenchées par la conjonction probable de la dégradation du couvert végétal par l'homme, bien enregistrée dans les diagrammes polliniques, et de périodes de légère péjoration climatique : les accumulations grossières correspondent à l'Age du Fer, au Moyen Age et au Petit Age Glaciaire. Les transformations rapides des paysages ruraux et des pratiques culturales depuis les années 1960 provoquent une nouvelle crise érosive mieux marquée sur les versants que dans l'axe des talwegs. Abstract Abstract Recent drilling makes it possible to analyse the accretion deposits of the bottom of the Royeau dale, located to the north-east of Le Mans, in order to reconstruct the sedimentary palaeoenvironments. Controlled by the slope dynamics, the sedimentation demonstrates the importance of accumulation in the Subatlantic period. Dated by several layers rich in organic matter, three main phases of active morphogenesis have been caused by the addition of the human degradation of the vegetable cover, well recorded in pollinic diagrams, and of slight climatic pejoration periods : coarse accumulations correspond to the Iron Age, the early Middle Ages and the late Little Ice Age. Drastic transformations of rural landscapes and of farming methods from the nineteen sixties caused a new erosive crisis better marked on slopes than along the talweg axis. Citer ce document / Cite this document : Larue Jean-Pierre, Leroyer Chantal, Mahoué Jean-Pierre. Les remblaiements de fond de vallons : l'exemple du Royeau dans le bassin de la Sarthe, à l'ouest du Bassin Parisien (France)/Accretion deposits in vale bottoms: the case of the Royeau in the Sarthe Basin, West of the Paris Basin (France). In: Géomorphologie : relief, processus, environnement. 1996, vol. 2, n°4. pp. 69-88. doi : 10.3406/morfo.1996.894 http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/morfo_1266-5304_1996_num_2_4_894

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Jean-Pierre LarueChantal LeroyerJean-Pierre Mahoué

Les remblaiements de fond de vallons : l'exemple du Royeaudans le bassin de la Sarthe, à l'ouest du Bassin Parisien(France)/Accretion deposits in vale bottoms: the case of theRoyeau in the Sarthe Basin, West of the Paris Basin (France)In: Géomorphologie : relief, processus, environnement. 1996, vol. 2, n°4. pp. 69-88.

RésuméRésumé Des sondages récents permettent d'analyser les dépôts du remblaiement de fond du vallon de Royeau, situé au nord-est du Mans, afin de reconstituer les paléoenvironnements contemporains de la sédimentation. Contrôlée par lamorphodynamique des versants, cette dernière révèle l'importance de l'accumulation au Subatlantique. Datées par plusieurshorizons riches en matière organique, trois principales phases de morphogenèse active sont déclenchées par la conjonctionprobable de la dégradation du couvert végétal par l'homme, bien enregistrée dans les diagrammes polliniques, et de périodes delégère péjoration climatique : les accumulations grossières correspondent à l'Age du Fer, au Moyen Age et au Petit AgeGlaciaire. Les transformations rapides des paysages ruraux et des pratiques culturales depuis les années 1960 provoquent unenouvelle crise érosive mieux marquée sur les versants que dans l'axe des talwegs.

AbstractAbstract Recent drilling makes it possible to analyse the accretion deposits of the bottom of the Royeau dale, located to thenorth-east of Le Mans, in order to reconstruct the sedimentary palaeoenvironments. Controlled by the slope dynamics, thesedimentation demonstrates the importance of accumulation in the Subatlantic period. Dated by several layers rich in organicmatter, three main phases of active morphogenesis have been caused by the addition of the human degradation of the vegetablecover, well recorded in pollinic diagrams, and of slight climatic pejoration periods : coarse accumulations correspond to the IronAge, the early Middle Ages and the late Little Ice Age. Drastic transformations of rural landscapes and of farming methods fromthe nineteen sixties caused a new erosive crisis better marked on slopes than along the talweg axis.

Citer ce document / Cite this document :

Larue Jean-Pierre, Leroyer Chantal, Mahoué Jean-Pierre. Les remblaiements de fond de vallons : l'exemple du Royeau dans lebassin de la Sarthe, à l'ouest du Bassin Parisien (France)/Accretion deposits in vale bottoms: the case of the Royeau in theSarthe Basin, West of the Paris Basin (France). In: Géomorphologie : relief, processus, environnement. 1996, vol. 2, n°4. pp.69-88.

doi : 10.3406/morfo.1996.894

http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/morfo_1266-5304_1996_num_2_4_894

Les remblaiements de fond de vallons : l'exemple du Royeau dans le bassin de la Sarthe, à l'ouest du Bassin Parisien (France).

Accretion deposits in vale bottoms : the case of the Royeau in the Sarthe Basin, West of the Paris Basin (France).

Jean Pierre Larue *, Chantai Leroyer ° et Jean Pierre Mahoué °

Résumé Des sondages récents permettent d'analyser les dépôts du remblaiement de fond du vallon de Royeau,

situé au nord-est du Mans, afin de reconstituer les paléoenvironnements contemporains de la sédimentation. Contrôlée par la morphodynamique des versants, cette dernière révèle l'importance de l'accumulation au Subatlantique. Datées par plusieurs horizons riches en matière organique, trois principales phases de morphogenèse active sont déclenchées par la conjonction probable de la dégradation du couvert végétal par l'homme, bien enregistrée dans les diagrammes polliniques, et de périodes de légère péjoration climatique : les accumulations grossières correspondent à l'Age du Fer, au Moyen Age et au Petit Age Glaciaire. Les transformations rapides des paysages ruraux et des pratiques culturales depuis les années 1960 provoquent une nouvelle crise érosive mieux marquée sur les versants que dans l'axe des talwegs.

Mots clés : Paléoenvironnements, Subatlantique, sédimentologie, palynologie, remblaiements, Sarthe, France.

Abstract Recent drilling makes it possible to analyse the accretion deposits of the bottom of the Royeau dale,

located to the north-east of Le Mans, in order to reconstruct the sedimentary palaeoenvironments. Controlled by the slope dynamics, the sedimentation demonstrates the importance of accumulation in the Subatlantic period. Dated by several layers rich in organic matter, three main phases of active morphogenesis have been caused by the addition of the human degradation of the vegetable cover, well recorded in pollinic diagrams, and of slight climatic pejoration periods : coarse accumulations correspond to the Iron Age, the early Middle Ages and the late Little Ice Age. Drastic transformations of rural landscapes and of farming methods from the nineteen sixties caused a new erosive crisis better marked on slopes than along the talweg axis.

Key words : Paleoenvironments, Subatlantic period, sedimentology, palynology, accretion deposits, Sarthe, France.

Abridged English version

Recent drillings (fig. 1), sedimentological and palynological investigations as well as several radiocarbone datings make it possible to reconstruct the accretion dynamics of the Royeau dale bottoms. This small watershed (2.75 km2) is located on the margin of the Saint-Calais plateau (140-150 m), in the western Paris Basin. Quaternary dissection by rivers generated slopes averaging 3 to 10 % on convex hillsides. Cretaceous and Eocene sandy -loamy deposits (fig. 2) generated paniculate and erodible soils which are sensitive to sheet erosion and dessication. This region benefits from a mild oceanic climate but heavy rainfalls may occur in May, August

Université de Paris- Val de Marne, 94010 Paris ° Centre National de Préhistoire, 24000 Périgueux 0 GEDEC, Université du Maine, 72017 Le Mans Cedex

Géomorphologie : Relief, processus, environnement, 1996, n° 4 pp. 69-8

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and October. Recent drastic changes in rural practices and landscapes, such as the clearing of hedges (fig. 3), have increased the risk of slope erosion and promote intense deposition.

In the valley bottom, colluvium and alluvial deposits are up to 6 m thick and display longitudinal and transverse lithological variations (fig. 4). Holocene deposits have been distinguished from the Cenomanian substrate and the periglacial deposits of the lower terrace, using grain size distribution and clay content. These deposits include coarse grained sediment made of sand and flint interlay ered with fine sand and peat deposits. The dynamics of valleys drained by low order streams is mainly controlled by slope processes. Periods of active erosion in the watershed triggered fluxes of coarse-grained sediments while periods of low slope erosion and wetness promoted the formation of peat layers.

Radiocarbone dating also proved that most sediment deposition may be attributed to the Subatlantic period. The pollinic spectra of the Roy eau and the Narais dales document open and densely humanized environments during the Subatlantic period (fig. 5). The higher rate of sediment deposition during this period was measured in the mid-section of the Royeau dale.

Several phases were identified in this study : 1 — Tardiglacial downcutting swept off almost all the periglacial sediments except lateral

terraces. 2 — Early Holocene alluvium, 3 m thick, is made of fine grained sediment with a higher clay

content than periglacial deposits. 3 — Four erosive crises may be dated Iron Age, Early Middle Age (between 840 and 670 BP),

Late Ice Age and Present. 4 - Periods of peat formation are dated ca. 3690 ± 100 BP, ca. 2010 ± 50 BP, ca. 840 ± 40

BP and 670 ± 40 BP. A discrete period of reafforestation ca. 670 ± 40 BP was due to land dereliction by humans or to a deliberate policy in favor of tree growth.

Introduction

Localisé dans l'ouest du Bassin Parisien, le vallon de Royeau fait partie d'une région qui a subi des crises érosives récentes et catastrophiques, comme en mai 1988 (J. Dufour et ai, 1990) et en mai 1990 (J. P. Larue, 1991a). Cette morphogenèse est responsable de ravinements sur les versants et d'accumulations sableuses en fond de vallon et jusque dans le lit de la Tortue, cours d'eau d'ordre 4. Les travaux déjà effectués (J. P. Larue et J. Monnier, 1992) ont mis en évidence le rôle primordial de l'activité humaine, les conditions climatiques et pédologiques étant favorables mais ne constituant pas les facteurs déterminants. A partir de ce constat, la problématique a été la suivante : ce bassin- versant a-t-il connu dans le passé des crises érosives d'origine anthropique ? Est-il possible de les distinguer des crises liées aux changements bioclimatiques, à partir de sondages dans les remblaiements de fond de vallon ?

Moins étudiés que les formations alluviales et colluviales des grandes vallées et que les remplissages lacustres, les remblaiements des fonds de vallons d'ordre 1, 2 et 3 (selon la classification de Strahler, d'après Horton, 1957), constituent pourtant de bons réceptacles pour les matériaux mis en place depuis le Tardiglaciaire. Les travaux de M. Chartier (1990) en Picardie orientale, de J. F. Pastre et al. (1991) au nord-est de la région parisienne, de J. C. Dreidemy et al. (1991) en Lorraine, de M. Laurain et al. (1991) en Champagne, de V. Děloze (1992) dans le nord du Berry et de M. Helluin et al. (1991) dans le Massif Armoricain s'accordent pour montrer une forte activité mor- phogénique au Tardiglaciaire ; en revanche l'évolution holocène apparaît moins assurée et les datations absolues restent peu nombreuses. Le relatif calme morphogénique du début de Г Holocène est interrompu, à des dates différentes selon les régions, par une

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ou plusieurs phases érosives dont l'origine est soit anthropique, soit climatique ou encore liée à une synergie entre les deux facteurs.

Maillons intermédiaires entre les versants et les vallées secondaires, les vallons, souvent dépourvus d'écoulement pérenne, enregistrent, avec un décalage dans le temps très réduit, les impacts des variations bioclimatiques dans leurs bassins-versants. Aussi l'analyse des remplissages, souvent organo-minéraux, peut-elle permettre de reconstituer les paléoenvironnements, en recourant à l'étude sédimentologique (analyses granulométriques, détermination des minéraux argileux), à la palynologie et à la datation au 14C des niveaux tourbeux. Cependant ces travaux sont rendus délicats par l'absence de coupes (les exploitants de sablières ne sont pas intéressés par ces dépôts) et par la difficulté des forages dans des matériaux peu cohérents et hétérogènes. De plus, les résultats obtenus reflètent des situations locales qui n'ont pas forcément de signification générale.

Il était donc intéressant d'analyser les dépôts qui remplissent les vallons, en les comparant avec les matériaux mis en place actuellement, afin d'essayer de séparer les accumulations d'origine anthropique de celles issues de l'évolution climatique.

Cadre de l'étude : un vallon dans un milieu fragile

Situé 25 km à l'est du Mans (fig. 1), le vallon de Royeau, affluent de la Tortue, fait partie du grand nombre de talwegs qui dissèquent en croupes étroites la bordure nord- ouest du vaste plateau de Saint-Calais (D. Obert, 1988). Ne dépassant guère 150 m d'altitude, cette région de l'ouest du Bassin Parisien présente un milieu fragile pour des raisons à la fois naturelles et humaines.

Les données naturelles

La topographie vallonnée s'explique par la forte densité des talwegs et par l'importance de leur encaissement. Atteignant 2,18 km/km2, la densité de talwegs apparaît nettement supérieure à celle de la plupart des autres plateaux du Bassin Parisien (0,74 km/km2 en Picardie par exemple) et voisine de celle des plaines argileuses : 1,67 km/km2 pour la Woëvre (in K.J. Gregory et D.E. Walling, 1980). Situé à 86 m d'altitude lors de sa confluence avec la Tortue, l'exutoire du Royeau est encaissé de 70 m environ dans le plateau de Saint-Calais. Cela détermine des pentes très variables dans ce bassin-versant vaste de 2,75 km2. Si le fond du talweg principal décrit un profil longitudinal concave donnant une pente moyenne de 2,3 %, les têtes de vallons et surtout les versants enregistrent des valeurs beaucoup plus fortes : 3 à 4 % pour les premières et toujours plus de 10 % dans les sections convexes des seconds. La complexité du système des pentes est accentuée par la présence locale de ressauts sur les versants, principalement sur celui regardant vers le nord-ouest. En outre, le profil longitudinal dessine quatre petites ruptures de pente et la topographie du fond de vallon juxtapose des surfaces planes sans entaille marquée pour l'écoulement et des cônes qui s'appuient à la base des versants et avancent plus ou moins loin vers l'axe du talweg. Le fond du vallon atteint sa largeur maximum, soit 140 m environ dans le secteur moyen, de part et d'autre de la coupe В (fig. 2). Dans la partie aval, le lit majeur, large d'une quarantaine de mètres, est séparé des versants par deux banquettes le dominant de 5 m environ et formant une basse terrasse.

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Fig. 1 - Localisation et hiérarchisation du réseau hydrographique du Royeau. 1 : limite du bassin- versant; 2 : altitudes supérieures à 125 m; 3 : écoulement pérenne; 4 : hiérarchisation du chevelu hydrographique selon Stralher; 5 : emplacement des forages ; 6 : tracé des coupes (fig. 2).

Fig. I - Location and sorting hydrographie network in the Royeau basin. 1 : watershed limit; 2 : altitude above 125 m; 3 : perennial flow ; 4 : sorting hydrographie network according to Stralher; 5 : drill-hole location ; 6 : cross-sections (fig. 2).

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Fig. 2 - Coupes transversales au vallon de Royeau. A) au droit de la Championnière, B) au NE des Mézières. 1 : sables éocènes ; 2 : argiles à silex; 3 : tuffeau turonien; 4 : marnes cénoma- niennes; 5 : sables du Perche cénomaniens; 6 : niveau induré en grès ; 7 : sables du Maine cénomaniens ; 8 : colluvions et alluvions périglaciaires ; 9 : dépôts holocènes.

Fig. 2 - Cross sections of the Royeau valley. A) at la Championnière, B) near les Mézières (NE). 1 : Eocene sands; 2 : clay with silex; 3 : Turonian tufa; 4 : Cenomanian marl; 5 : Perche cenoma- nian sands; 6 : hard ground bed; 7 : Maine cenomanian sands; 8 : colluvium and alluvium (periglacial) ; 9 : Holocene deposits.

Avec un coefficient de compacité assez fort (1,52), le bassin- versant de Royeau, qui se situe dans la moyenne des vallons affluents de la Tortue, a une forme allongée qui n'est pas très propice à l'évacuation rapide des eaux de ruissellement. Par contre, ce dernier est favorisé par l'importance des fortes pentes modelées dans des matériaux engendrant des sols très sensibles à la battance.

A l'affleurement, les sables prédominent ainsi que le révèlent les coupes transversales du vallon (fig. 2). Étudiées par P. Juignet (1974), les formations cénomaniennes apparaissent sous les dépôts quaternaires de fond de vallon ainsi que dans les sections inférieures des versants. Leur subdivision en sables du Maine (Cénomanien inférieur et moyen) épais de 40 à 50 m et sables du Perche (Cénomanien supérieur) de 20 à 30 m de puissance, est facilitée par le fait que ces derniers sont encadrés par des niveaux de grès qui engendrent les ressauts signalés précédemment. Ces bancs gréseux d'épaisseur métrique sont des « hard grounds », selon P. Juignet (1974), car ils présentent une structure de surface durcie avec des tubulures et des manchons de sables concrétionnés par la goethite autour d'anciens terriers. Le haut des versants est modelé dans les marnes à huîtres du Cénomanien supérieur (moins de 10 m d'épaisseur), puis dans la craie glauconieuse et la craie à silex turoniennes (environ 15 m d'épaisseur), fréquemment

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recouvertes par l'argile à silex. Enfin, le sommet des croupes est couronné par des terrains éocènes à dominante sableuse. Affectés d'un léger pendage vers le sud-est, les terrains sédimentaires secondaires et tertiaires sont presque toujours masqués par des dépôts quaternaires détritiques, essentiellement sableux.

Excepté sur la craie et l'argile à silex où l'on rencontre des sols à bonne stabilité structurale, partout ailleurs, les sols lessivés, particulaires, instables, manquent d'argile et de matière organique nécessaires à la constitution d'agrégats résistants. Ils sont sensibles à la formation d'organisations pelliculaires de surface (OPS), définies par C. Valentin (1985), qui limitent l'infiltration et augmentent le ruissellement.

La prédominance des roches perméables dans le substratum explique le fort indice d'assèchement (76 %). L'écoulement pérenne, long de 1200 m, débute après la troisième rupture de pente. A l'exutoire, le débit apparaît relativement régulier avec une moyenne de 18 1/s/km2 : les années de sécheresse (1976 et 1989 à 1992) n'ont jamais arrêté l'écoulement.

Soumise à un climat océanique à légère tendance continentale, la région connaît un risque non négligeable de fortes averses. Ainsi la station de Bouloire, située 5 km plus au sud, reçoit en moyenne annuelle 628 mm de précipitation, mais des averses orageuses d'intensité supérieure à 30 mm/h se produisent fréquemment en Mai, en Août et durant l'automne, c'est-à-dire pendant les périodes de faible couverture végétale pour les parcelles cultivées.

L'influence anthropique

En agissant sur les structures agraires et les façons culturales, l'homme favorise l'érosion des sols. L'évolution des paysages ruraux dans le bassin du Royeau de 1957 à 1993 (fig. 3) montre que les agriculteurs ont choisi des systèmes de cultures protégeant mal les sols fragiles. Les photographies aériennes de 1957 révèlent un parcellaire très menu, bien décrit par J. Dufour (1981) : 350 parcelles occupent le bassin- versant du Royeau vaste de 275 ha. Les petits exploitants, polyculteurs-éleveurs laitiers, variaient les cultures fourragères et subdivisaient leurs champs en multiples parcelles de cultures laniérées, toujours orientées perpendiculairement à la pente. Les haies ne formaient pas un bocage complet, mais elles suivaient en général les ressauts de terrain correspondant aux « hard grounds » et la plupart des champs étaient complantés de pommiers. En 1993, les enquêtes sur le terrain soulignent les transformations du paysage. Si les plantations de peupliers se sont développées dans le fond humide du vallon, de nombreuses haies ont été arrachées par les agriculteurs, même en dehors de la zone remembrée qui n'occupe que l'extrémité sud du bassin. Les pommiers ont pratiquement tous disparu et la taille des parcelles a considérablement augmenté, à tel point que certaines d'entre elles couvrent l'ensemble d'un versant. Aujourd'hui, les trois exploitants qui se partagent le bassin ont réduit au maximum les prairies naturelles et se spécialisent dans les céréales et le tournesol. Les cultures de printemps (maïs et tournesol) qui couvrent environ la moitié du bassin, ont la propriété de laisser le sol à nu pendant la saison froide soumise à des précipitations qui peuvent atteindre de fortes intensités (J. Dufour et al., 1990). Le travail excessif du sol et l'utilisation d'engrais chimiques et de pesticides rendent les sols de plus en plus particulaires et sensibles à la dégradation structurale des horizons superficiels (J.R Lame et J. Monnier, 1992).

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1957

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1993

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Fig. 3 - Évolution des paysages ruraux du bassin-versant de Royeau. Situation en 1957 - 1 : bois ; 2 : haie, arbre isolé ; 3 : ferme ; 4 : route et chemin ; 5 : limite du parcellaire (d'après photographies aériennes). Situation en 1993 - 1 : bois ; 2 : haie, arbre isolé ; 3 : prairie naturelle ou ray- grass; 4 : blé; 5 : orge d'hiver; 6 : maïs; 7 : tournesol ; 8 : vergers, jardins ; 9 : jachère; 10 : reboisement en conifères et peupliers; 11 : étangs; 12 : route et chemin; 13 : ferme; 14 : bâtiment et espace non agricole, (d'après enquêtes sur le terrain).

Fig. 3 - Rural landscapes evolution of the Royeau watershed. Situation in 1957 - 1 : wood; 2 : hedge, tree ; 3 : farm ; 4 : road 5 : plot limit, (from aerial photographs).

Situation in 1993 - 1 wood; 2 : hedge, tree; 3 meadow; 4 : wheat; 5 barley; 6 : corn; 7 : sun flower; 8 : orchards gardens; 9 .-fallow; 10 fir and poplar plantations 11 : pool; 12 : road; 13 farm; 14 : non agricultural area and non agricultural buildings (from observations on the field)

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Lors des orages exceptionnels de 1988 et 1990, la morphologie du vallon a subi des transformations visibles : ravines dépassant 1 m de profondeur sur les versants et accumulation de cônes sableux dans les secteurs où la pente se ralentit, c'est-à-dire sur les replats des versants et à la base de ces derniers dans le fond des vallons. Les matériaux accumulés apparaissent assez bien triés avec des indices de classement (So Trask) de 1 ,66 à 2,74 et des médianes situées entre 250 et 300 um. Bien qu'une partie des éléments fins ait été évacuée plus en aval par le flot boueux, il reste encore un pourcentage notable d'argiles (3 à 8 %). Des bancs sableux de 20 à 30 cm d'épaisseur fossilisent la vase du fond du lit des ruisseaux qui évoluent en cours d'eau à fond mobile.

Les matériaux de remplissage de fond de vallon

De l'amont à l'aval, la lithostratigraphie du remblaiement a été révélée par la réalisation de plusieurs sondages, localisés sur la figure 1. Les carottages 1, 5 et 6 ont été effectués par une sondeuse Sedidrill munie d'un carottier à percussion ; le sondage 4 est le relevé d'un forage d'irrigation, le 7 résulte d'une fosse ouverte à la pelleteuse; les 2, 3, 8, 9, 10 et 11 ont été réalisés à la tarière à main. Le sondage 9 a été effectué dans le secteur amont de la vallée du Narais qui draine un bassin- versant boisé à 60 % et présente un fond plat, large de 100 m et localement marécageux.

Des accumulations épaisses

Les forages effectués dans l'axe du vallon (fig. 4), même s'ils n'atteignent malheureusement pas tous le substratum, révèlent des accumulations importantes, beaucoup plus épaisses que dans le Massif Armoricain où M. Helluin et al. (1991) soulignent le faible bilan érosion-sédimentation durant l'Holocène, et assez semblables à celles décrites dans le Bassin Parisien par M. Chartier (1990) et J. F. Pastre et al. (1991). La puissance des dépôts augmente de l'amont à l'aval : 3,40 m au droit des Mézières (forage 1), entre 6 et 7 m (forage 4), plus de 5,50 m (forage 6). Dans la vallée du Narais, située plus à l'W, le sondage 9, près d'Ardenay, touche le substratum à 4,80 m de profondeur. Ainsi le remblaiement du vallon de Royeau dépasse-t-il en épaisseur celui de rivières de rang 4 comme le Narais. Transversalement, les forages 10 et 11 réalisés dans la nappe de la basse terrasse conservée dans les secteurs moyen et aval du vallon, montrent que les alluvions grosssières de cette dernière ne passent pas sous le remblaiement du lit majeur, mais restent étagées par rapport à ce dernier. Les colluvions des versants se raccordent au sommet de la basse terrasse (fig. 2, A).

Lithostratigraphie des dépôts

La lithologie enregistre des variations longitudinales et latérales notables comme l'attestent les logs des sondages (fig. 4). Malgré la prédominance du matériel sableux, le forage 1 révèle trois sous-ensembles :

- la partie supérieure, jusqu'à 1,40 m de profondeur, se compose de sables fins meubles devenant progressivement plus limoneux et argileux vers le bas ;

- le niveau moyen apparaît plus grossier, avec sur près d'im d'épaisseur des sables incluant des silex de taille variable ;

- enfin la base, n'excédant guère 1 m de puissance, redevient plus fine avec des argiles sableuses bariolées qui passent à des sables blonds parcourus de liserés

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d'hydroxydes de fer bran-noirâtre. Le substrat crétacé se distingue par des sables plus clairs incluant des concrétions calcaires.

Plus à l'aval, à 900 m de la confluence, le sondage 5 révèle une alternance plus complexe d'horizons argilo-sableux, d'horizons tourbeux et de niveaux plus grossiers de sables à silex. Ces derniers se situent entre 2 et 3 m de profondeur puis au delà de 3,50 m. Entre les deux, s'intercalent des sables clairs devenant très argileux vers le bas. Les horizons supérieurs renferment des débris végétaux et prennent une couleur ver- dâtre dès 1 m de profondeur en raison de phénomènes d'hydromorphie.

Près de la confluence, les logs 6, 7 et 8 soulignent la prépondérance des argiles sableuses verdâtres renfermant des débris de bois et formant localement des plaquettes de grès gris plus ou moins résistants. Les horizons tourbeux apparaissent très discontinus puisque sur une distance inférieure à 80 m, on passe d'un niveau mince à deux ensembles de 20 à 30 cm d'épaisseur chacun. Près de la Tortue, les niveaux tourbeux, séparés par une formation nettement sableuse, ont une puissance plus forte et à partir de 3 m de profondeur, les alluvions deviennent plus grossières avec des sables incluant des graviers et des galets de silex.

Les granulométries

Elles permettent de distinguer plusieurs types de dépôts. Dépourvus de silex, les sédiments cénomaniens sont constitués de sables moyens à

grossiers relativement bien classés. Avec une médiane variant entre 290 et 370 um et un décile inférieur (D 10) entre 21 et 23 um, ils renferment peu d'argiles (1,2 à 1,4 %) et assez peu de limons (12 à 14 %). L'asymétrie est négative.

Les formations grossières composées de sables et de silex appartiennent à deux ensembles assez difficiles à individualiser :

- Les dépôts formant la basse terrasse sont caractérisés par de faibles pourcentages d'éléments inférieurs à 50 u, toujours inférieurs à ceux du Cénomanien. Le décile inférieur fluctue entre 20 et 1 10 um. De l'amont à l'aval, la taille des matériaux ne se réduit pas, elle augmente même entre les sondages 10 et 11, mais les apports de la Tortue, plus puissante que le Royeau, expliquent peut-être cette situation.

- Dans le fond du vallon, on rencontre ces formations à plusieurs niveaux. Celles de la base de l'accumulation, bien développées dans les sondages 5 et 8, se révèlent mal classées avec des indices So (Trask) supérieurs à 3 et un pourcentage d'argile notable (3,1 à 3,6 %), plus fort que celui des alluvions de la basse terrasse. Au sein du remblaiement, le niveau grossier, dont l'épaisseur varie longitudinalement, de 1 m, en 1 et 5, à seulement 20 cm en 7, apparaît mieux classé et plus pauvre en éléments fins (moins de 20 % inférieurs à 50 u). Localement, à 30 ou 40 cm de profondeur, se situent des apports grossiers de puissance inférieure à 15 cm et de granulométrie peu différente du niveau précédent. Enfin les crues actuelles peuvent déposer sur le lit majeur des sables plus ou moins grossiers : le ruisseau de Royeau déverse des sables plus fins (médiane de 155 u) que ceux de la Tortue (médiane de 363 u) mais renfermant tous un pourcentage notable d'argile, bien supérieur à celui des alluvions périglaciaires de la basse terrasse.

Les formations fines, sablo-limoneuses et limono-sableuses sont conservées aussi bien à la base de l'accumulation qu'à son sommet. Ravinant directement le substrat

Les remblaiements de fond de vallons 79

cénomanien à l'amont, elles en sont séparées à l'aval par le niveau grossier présenté ci- dessus. Les forages indiquent des faciès qui varient tant verticalement que latéralement. Mal classés, ces dépôts expriment deux modes de mise en place : les sables limoneux témoignent d'un transport par saltation et roulage alors que les limons argileux résultent de décantation en eau plus ou moins stagnante.

Absentes à l'amont, les formations riches en matière organique forment plusieurs niveaux dans les parties moyenne et aval du vallon ainsi que dans les plaines alluviales de la Tortue et du Narais.

Réalisée sur quelques échantillons, la détermination des minéraux argileux n'indique pas de différences très nettes entre les formations. Toutefois, les sables cénomaniens présentent une meilleure cristallinité que les alluvions quaternaires. Parmi les alluvions holocènes, les niveaux les plus grossiers renferment toujours plus de kaolinite que les horizons limono-argileux. Ainsi pour la fosse 7, les sables (1, 3 et 6) contiennent toujours de la kaolinite alors que les limons argileux verts (4, 7 et 8) en sont dépourvus. La kaolinite provient principalement des formations de hauts de versant : sables tertiaires et argiles à silex, alors que les smectites sont issues essentiellement des sables cénomaniens. La kaolinite témoigne ici d'apports plus lointains acheminés lors de crises érosives (J. P. Lame, 1991b).

Reconstitution des Paléoenvironnements

Datations et vitesse de sédimentation

Soumis à la datation au 14C, les horizons tourbeux fournissent des âges compris entre 3 690 ± 100 BP et 160 ± 40 BP (fig. 4).

Gif 10160 Gif 8 576 Gif 9 654 Gif 9 653 Gif 8 575

Vallée de la Tortue, sondage 8 Vallon du Royeau, sondage 7 Vallon du Royeau, sondage 5 Vallon du Royeau, sondage 5 Vallon du Royeau, sondage 7

3690±100BP 2010±50BP 840 ± 40 BP 670 ± 40 BP 160±40BP

Cal ВС 2397-1771

Cal AD 1053-1283 Cal AD 1283-1396

Le niveau le plus ancien, subboréal, se situe dans la vallée de la Tortue, au-dessus des alluvions grossières. En revanche, dans le vallon de Royeau, les âges ne dépassent pas le Subatlantique, ce qui implique des phases de tourbification ou tout au moins de sédimentation organique très tardives, comparées à celles enregistrées au tout début de l'Holocène dans la vallée du Loir (J. P. Larue, 1991c) ou à l'Atlantique dans les vallées du nord-est de la région parisienne (J. F. Pastre et ai, 1991). La tourbe datée de 840 ± 40 BP se trouve à 3 m de profondeur dans le carottage 5, alors que celle âgée de 2010 ± 50 BP ne dépasse pas 1,70 m de profondeur dans le sondage 7. Le fait que l'âge le plus ancien ne corresponde pas au niveau le plus profond souligne que les vitesses de sédimentation ont varié considérablement de l'amont à l'aval. Ainsi, dans le secteur médian du vallon, l'accumulation s'est effectuée rapidement : 5,9 mm/an entre 840 et 670 BP sous forme de sables grossiers à silex, puis 3 mm/an depuis 670 BP avec des limons sablo-argileux riches en matière organique. Près de la confluence avec la Tortue, le remblaiement apparaît plus lent entre 2010 et 160 BP, avec seulement

80 Jean Pierre Larue, Chantal Leroyer et Jean Pierre Mahoué

0,5 mm/an de limons argileux verts; cependant il s'accélère depuis 160 BP avec un dépôt de 5 mm / an de sables limoneux. Dans la vallée de la Tortue, il avoisine 0,75 mm/an depuis le Subboréal. Ces différences soulignent des décalages importants dans le temps et dans l'espace : la sédimentation fluviatile est un phénomène très discontinu (J.J. Macaire, 1990). A titre de comparaison, en Europe de l'ouest, la vitesse de sédimentation holocène apparaît très variable. Dans les grandes vallées, elle oscille entre 0,13 et 0,53 mm/an pour la Saône entre Villefranche et Anse selon J. P. Bravard (1990), mais peut aller jusqu'à 5 mm /an dans la vallée de la Severn d'après A.G. Brown (1987) ; dans la vallée du Cher, A. Giret (1990) l'estime à environ 0,7 mm/an depuis le Néolithique. Dans les vallons, les données plus éparses suggèrent de fortes différences : dans le Bassin Parisien les limons colluviaux subatlantiques, décrits par J. F. Pastre et al. (1991), se sont accumulés à un rythme moyen de 1 mm/an, alors que dans la région de Fougères étudiée par M. Helluin et al. (1991), les remblaiements holocènes discontinus n'ont aucune signification générale quant à l'évolution des paysages car ils sont liés à des aménagements anthropiques locaux.

Palynologie

L'analyse pollinique (fig. 5) ne concerne que les dépôts fins et organiques mis en évidence lors des sondages réalisés sur le Royeau (S 5), la Tortue (S 8) et le Narais (S 9). Trois des vingt échantillons initialement sélectionnés n'ont pu permettre l'obtention de spectres fiables du fait de mauvaises concentration et conservation des stocks polli- niques. L'étude souffre donc de l'extrême discontinuité de l'échantillonnage et des lacunes inhérentes à l'alternance de formations grossières dans les séquences.

Le vallon de Royeau Les sept échantillons proviennent de quatre niveaux organiques individualisés au

sein de formations sableuses puis argileuses. La première passée, datée de 840 ± 40 BP, est illustrée par trois spectres polliniques qui traduisent une très faible représentation des pollens arboréens. Inférieure à 6,5 % du total des pollens et spores décomptés, elle ne s'élève qu'à 13,5 % si les hygrophytes et les fougères, correspondant à la végétation du chenal, sont exclues de la somme de base. L'aulne est majoritaire, mais avec des fréquences d'à peine 5 % qui, de surcroît, chutent à 307 cm. Le noisetier, le chêne et le bouleau présentent des courbes continues mais très basses, tandis que le pin, le tilleul, les Rosacées et les arbustes sont sporadiques. Les herbacées sont largement dominées par les Poacées et les Cypéracées. Elles sont accompagnées ď Asteracées, de rudérales {Artemisia, Rumex, Galium, Plantago lanceolata, Plantago major/media, Urticacées, Chénopodiacées) et de céréales en taux non négligeables. Les hygrophytes (Sparganium, Typha, Potamogeton, Nuphar, Nymphéa) sont assez développées et les fougères sont abondantes.

Le second niveau organique est illustré par un seul spectre pollinique à 262 cm. Les pollens arboréens sont un peu plus abondants : ils atteignent 12 % du total (21 % si la somme de base est restreinte). Cette hausse est le fait du pin qui l'emporte sur le noisetier, le châtaignier et le chêne. Le cortège des herbacées varie peu : les céréales, les liguliflores et les hygrophytes diminuent sensiblement alors que progressent les Apiacées.

Les remblaiements de fond de vallons 81

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FOUGERES HYGROPHYTES

CYPERACEES

POACEES FABACEES KNAUTIA EUPHORBIACEES LAMIACEES POLYGONŮM APIACEES ASTER . TUBULIFLORES ASTER . LIGULIFLORES BRASSICACEES CARYOPHYLLACEES ERICACEES CENT . JACEA CENTAUREA RUDERALES CENT . CYANUS CANNAB . /HUMULUS

ARBUSTES ROSACEES JUGLANS CASTANEA CARPINUS FAGUS ACER FRAXINUS TILIA ULMUS

QUERCUS

Fig. 5 - Diagrammes polliniques des vallons du Royeau (S 5), de la Tortue (S 8) et du Narais (S 9) établis sur le total des pollens et spores recensés. Les arbustes regroupent : Satnbucus, Viburnum, Rhamnus, Evonymus, Hedera ; les rudérales ; Plantago lanceolata, Plantago major/media, Rumex, Urticacées, Chenopodiacées, Artemisia, Galium. Les hygrophytes : Sparganium, Typha, Potamogeton, Nuphar, Nymphéa; les fougères : Equisetum, Polypodium, monolètes lisses et ornées, trilètes lisses et ornées.

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Fig. 5 - Pollen diagrams of formations filling up Royeau (S 5), Tortue (S8) and Narais (S 9) valley bottoms established on the basis of the overall pollen count-Shrubs include : Sambucus, Viburnum, Rhamnus, Evonymus, Hedera; ruderal herbs : Plantago lanceolata, Plantago major/media, Rumex, Urticacées, Chenopodiacées, Artemisia, Galium; aquatic herbs : Sparganium, Typha, Potamogeton, Nuphar, Nymphéa. Ferns Equisetum, Polypodium.

82 Jean Pierre Larue, Chantal Leroyer et Jean Pierre Mahoué

La troisième formation organique (197 et 187 cm), datée de 670 ± 40 BP, témoigne d'une nouvelle hausse de pollens d'arbres (18 % ou 30 % avec une somme de base restreinte). Elle est liée à un meilleur enregistrement de cinq taxons (chêne, aulne, charme, noisetier et bouleau) mais une évolution est perceptible entre les deux niveaux. En effet, après un bref essor, à 197 cm, le chêne s'efface devant le bouleau, le noisetier et le charme; seul, l'aulne conserve une courbe assez stable. Les Poacées et les Cypéracées restent largement majoritaires au sein des herbacées, mais les premières diminuent. Les secondes, au contraire, connaissent une légère progression, tout comme les hygrophytes. Les céréales et les rudérales reculent, à 197 cm, pour ensuite se développer sensiblement.

Le dernier niveau organique (140 cm) témoigne d'une stabilité des proportions de pollens arboréens par rapport au total des pollens et spores. En revanche, l'exclusion des fougères et des hygrophytes de cette somme de base met en évidence un léger recul (26 %) des ligneux. L'aulne conserve la prédominance devant le noisetier puis le chêne, en taux à nouveau légèrement plus élevés. Le charme régresse tandis que le châtaignier, l'orme et le tilleul disparaissent. Les Poacées s'étendent, les Cypéracées et les fougères diminuent, les céréales et les rudérales restent stables.

La présence du hêtre, du charme, du châtaignier, du noyer et du seigle dans les cortèges polliniques du Royeau permet un rattachement de la séquence au Subatlantique, attribution corroborée par les datations 14C. Ces données illustrent un milieu fortement marqué par les activités humaines. Le paysage est particulièrement ouvert (L. Barthélémy, 1985 ; J. Heim, 1970) à la base de la séquence : seule une petite ripisylve perdure dans un environnement dominé par les prairies plus ou moins humides. Les activités agro-pastorales sont attestées par les fréquences assez élevées de céréales (seigle) et de plantes rudérales. L'emprise humaine semble avoir légèrement décru dans le second niveau organique et surtout à la base du troisième. A 262 cm, l'aulnaie a pres- qu' entièrement disparu, mais des boisements clairs à pins et noisetiers se sont développés tandis que les céréales sont moins abondantes. A 197 cm, est enregistrée une légère reprise forestière conjointement à un recul des marqueurs d'anthropisation (céréales et rudérales). Mais le chêne s'efface, dès 187 cm, devant des formations plus héliophiles à bouleaux, noisetiers et charmes. Cette évolution est significative de défrichements permettant l'essor des essences de lumière et s' accompagnant d'une reprise des cultures céréalières. Le dernier niveau illustre un contexte presque similaire. Le milieu est toujours profondément marqué par les activités agro-pastorales, mais des boisements restreints perdurent le long du Royeau et quelques chênes et hêtres subsistent sur les versants. Les prairies, humides en fond de vallon, restent la formation dominante du paysage.

La vallée du Narais Les cinq échantillons proviennent d'une même formation de limons tourbeux déve

loppés en sommet de séquence entre 60 et 150 cm de profondeur. Les différents spectres polliniques présentent une certaine identité. Les fréquences de pollens d'arbres sont comprises entre 13 et 19 % (28 à 40 % pour des sommes de base restreintes) et l'aulne est toujours majoritaire devant le pin, le noisetier et le tilleul. Les deux niveaux supérieurs connaissent un très léger développement du chêne, du hêtre, des arbustes et surtout du châtaignier. Les Poacées, les Cypéracées et les fougères sont

Les remblaiements de fond de vallons 83

abondantes et relativement stables. Les rudérales progressent considérablement à partir de 120 cm. Les céréales, assez bien développées entre 130 et 100 cm, reculent dans l'échantillon sommital. Cette séquence, caractéristique du Subatlantique, évoque un milieu largement ouvert et fortement marqué par la présence humaine. Sur les rives du Narais persiste cependant une aulnaie aux côtés d'une formation de bas-marais assez dense. L'amorce d'une reprise forestière semble se marquer à la fin de cet épisode de tourbification par un très léger développement de grands feuillus. Elle est suivie par une baisse des activités céréalières.

La vallée de la Tortue Les cinq échantillons analysés proviennent de deux niveaux de limons organiques

séparés par une formation sableuse. Les deux échantillons du niveau inférieur (285 et 265 cm) se différencient assez nettement. Abondants à la base, les pollens arboréens reculent de 63 à 36 % du total, du fait surtout de la chute du chêne et plus modestement de l'aulne, du noisetier et du tilleul. Le recul de ces derniers ne se marque d'ailleurs pas si les fougères et les hygrophytes sont comptées à part. Les Poacées, les fougères et les rudérales s'étendent alors que les Fabacées diminuent. L'anthropisation semble limitée car les céréales sont absentes.

Les trois autres échantillons (200, 175 et 160 cm) sont issus du niveau organique supérieur. Là encore, l'organisation des spectres polliniques diffère, le prélèvement inférieur est très proche du niveau précédent : il traduit une même prédominance de l'aulne sur le chêne et le noisetier, puis le bouleau, avec un taux de pollens arboréens de 40 %. Les Poacées sont en revanche un peu moins développées alors que les Cypéracées sont un peu plus abondantes. Les deux derniers spectres témoignent d'un déclin des pollens d'arbres de 22 à 13 %. L'aulne, bien que moins abondant, reste majoritaire devant le noisetier qui, lui, progresse quelque peu. Le pin et les arbustes augmentent d'abord pour ensuite disparaître. La régression des ligneux relève essentiellement des grands feuillus : chêne, orme, tilleul, hêtre, châtaignier, qui reculent ou disparaissent. Les Poacées, Cypéracées et fougères surtout se développent considérablement. Les céréales restent très effacées et les rudérales stables.

Le paysage, illustré par les spectres polliniques des deux niveaux organiques de la séquence de la vallée de la Tortue, apparaît encore assez boisé, même si le recul des formations forestières est manifeste. Les espaces ainsi défrichés semblent essentiellement colonisés par des prairies, même si quelques cultures céréalières sont pratiquées. La séquence de la Tortue apparaît plus ancienne que celle du Royeau, au regard d'une plus faible emprise humaine et de la persistance d'un couvert arboréen un peu plus développé : le niveau inférieur est daté du Subboréal.

Bien qu'elle soit lacunaire du fait de la dispersion des niveaux organiques, l'étude palynologique apporte donc des informations sur l'évolution du paysage et de l'emprise humaine. Rattachées au Subatlantique, les séquences du Narais et du Royeau traduisent un milieu fortement anthropisé, marqué par la faiblesse de la couverture forestière, bien qu'une légère reconquête des grands feuillus soit cependant enregistrée sur les deux profils. En revanche, le diagramme de la Tortue témoigne du recul progressif de la forêt, encore solidement implantée à la base incluse dans le Subboréal.

84 Jean Pierre Larve, Chantai Leroyer et Jean Pierre Mahoué

Reconstitution de l'évolution morphodynamique des vallons

Malgré le peu de données antérieures au Subatlantique, on peut observer que le creusement tardiglaciaire, bien enregistré dans les vallées principales comme celle du Loir (J. P. Lame, 1991c), a déblayé presque tous les dépôts de la nappe périglaciaire qui ne subsistent que dans le secteur aval du vallon de Royeau et dans la vallée de la Tortue sous forme d'une basse terrasse étagée.

Les alluvions grossières constituant la base du remblaiement de la Tortue (sondage 8) sont difficiles à raccorder à celles du fond du vallon, bien conservées dans le secteur médian (4 et 5) : antérieures à 3690 BP, elles résultent de l'accumulation de la charge de fond liée à une diminution de la compétence des cours d'eau, mais la période reste imprécise, Tardiglaciaire ou Holocène. Daté du Subboréal, l'horizon tourbeux situé au sommet de ces alluvions grossières tend à prouver qu'elles ne sont pas périglaciaires mais plutôt holocènes, comme dans la vallée du Cher (J. P. Lame, 1994).

Le « remblaiement holocène principal » composé de sédiments fins tel qu'il a été décrit dans le Bassin Parisien (J. F. Pastre et al, 1991 ; C. Leroyer et al, sous presse) semble limité ici aux limons argileux verts dont l'épaisseur excède 3 m près de la confluence. Riches en argiles : smectite et illite, ils se sont mis en place durant une période où la pédogenèse l'emportait sur la morphogenèse, les sols ne libéraient que des éléments très fins. Ailleurs, soit comme Га montré M. Helluin et al. (1991) dans la région de Fougères, le bilan érosion/sédimentation est resté équilibré durant la majeure partie de Г Holocène, soit les dépôts fins de la période Atlantique ont été entièrement décapés par le regain d'activité fluviale engendré au Subboréal par une légère péjora- tion climatique (rafraîchissement et humidification), selon B. Frenzel (1983) et J. P. Bravard (1992). Les diagrammes polliniques de la Tortue soulignent une forte régression des espaces forestiers lors de la mise en place de chaque horizon tourbeux, le recul du chêne et du tilleul dans le niveau daté du Subboréal semble suggérer cette phase de refroidissement. La formation sableuse, bien triée, conservée entre les deux niveaux tourbeux, serait le résultat de crues brutales, défavorables à la décantation et éliminant les fractions argileuses. Cette forte activité fluviale pourrait correspondre avec la plus importante poussée glaciaire alpine du Post Glaciaire, entre 1400 et 1300 ВС (Е. Le Roy Ladurie, 1967). Toutefois, l'absence de silex démontre que les versants n'étaient pas encore déstabilisés malgré la régression de la couverture forestière.

L'essentiel du remblaiement du vallon apparaît ainsi comme très récent. La formation grossière ravinant, tantôt le substrat dans le secteur moyen, tantôt les limons argileux verts à l'aval, est antérieure à 2010 ± 50 BP. Elle pourrait correspondre à la conjonction d'une phase de péjoration climatique, marquée par les deux avancées glaciaires de Gôschen 1 (-900 -300 B.C.) et une augmentation des précipitations maximales vers 400 В. С (H. Lamb, 1977), et d'une période de défrichements actifs à l'Age du Fer, nécessaires, nous semble-t-il, pour expliquer une plus faible protection végétale. De tels défrichements ont été mis en évidence en Armorique (D. Marguerie, 1992), dans le Bassin Parisien (C. Leroyer, 1994) et dans le Nord (A.V. Munaut, 1988) dès la période gauloise.

Une deuxième vague de sédimentation grossière s'est produite entre 840 et 670 ± 40 BP, c'est-à-dire vers la fin de l'optimum climatique de l'an Mil qui se situe vers 1200 AC pour E. Le Roy Ladurie (1967) et seulement vers 1300 selon P. Alexandre

Limites de séquences et évolution géodynamique 85

(1987). Ce dernier montre une brusque dégradation climatique, avec des hivers doux et humides et des étés frais et pluvieux, qui serait le prélude au « Petit Age Glaciaire ». L'extension des défrichements, réalisée pendant le petit optimum médiéval, entre 900 et 1300, attestée par le très faible pourcentage de pollens arboréens dans le niveau tourbeux inférieur du Royeau, a probablement fragilisé les versants qui ont subi une morphogenèse active lors de la période suivante, fraîche et humide. La petite reconquête forestière mise en évidence par les diagrammes polliniques du Narais et surtout du Royeau où elle est datée de 670 ± 40 BP, peut traduire une déprise humaine. Cette hypothèse semble corroborée par les reculs des céréales enregistrés à 197 cm (Royeau) et 65 cm (Narais). Elle peut être liée à un problème démographique, comme à des mouvements de populations liés à des faits historiques précis, ou à la dégradation des sols provoquée par une trop forte mise en culture des versants. Mais cette légère reprise forestière peut également relever d'une volonté délibérée de privilégier les hautes futaies afin de pallier la pénurie de bois d'oeuvre. Cette hypothèse, avancée pour la séquence pollinique contemporaine de la vallée de l'Alain où elle se trouve étayée par des données historiques (C. Leroyer, 1995 et sous presse), semble confortée par la stabilité des courbes polliniques des rudérales qui n'évoquent en rien une déprise humaine conséquente. Quelle qu'en soit l'origine, ce développement des ligneux se traduit par un ralentissement de la vitesse de sédimentation et par une diminution de la taille des matériaux stockés en fond de vallon.

Une nouvelle décharge détritique n'est enregistrée qu'à l'aval du vallon. Sous le niveau tourbeux supérieur daté de 160 ± 40 BP, les argiles sableuses révèlent une érosion modérée engendrée par la péjoration climatique du Petit Age Glaciaire associée à une forte pression sur les sols non encore amendés par le marnage et le chaulage qui se répandent à la fin du XVIIIe siècle en Sarthe. Les accumulations récentes se mettent en place au XIXe siècle avec la réduction des surfaces en herbe qui descendent en-dessous de 10 % vers 1830 selon J. Dufour (1981) et depuis les années 1970 avec l'essor des cultures de printemps pratiquées sur de vastes parcelles. A la différence des sédiments fins, tous les dépôts grossiers renferment de la kaolinite issue des hauts de versants. En outre, comme la teneur en argiles diminue du bas vers le haut des remblaiements, il est probable que les premières décharges détritiques résultent des premiers défrichements, libérant des sols épais et riches en argiles, alors que les suivantes sont alimentées par des sols mal reconstitués et plus pauvres en argiles.

Conclusion

L'étude des remblaiements de fonds de vallons apporte des informations sur les rythmes et sur la nature de la sédimentation. Dans les bassins du Due et du Narais, les accumulations détritiques holocènes sont plus épaisses dans les vallons de rang inférieur à 4 que dans les vallées. Pour les premiers, la sédimentation est étroitement contrôlée par l'évolution morphodynamique des versants. Toutefois à cette échelle, les accumulations détritiques peuvent résulter d'aléas très localisés n'ayant pas de signification générale comme celles conservées dans les grands collecteurs.

Si les dépôts fins correspondent bien à des périodes où la morphogenèse est ralentie par un couvert végétal efficace sur les pentes, les décharges grossières restent plus difficiles à interpréter. Elles se placent toujours après des phases de réduction des espaces forestiers, ainsi que le montrent les diagrammes polliniques, mais l'origine de

86 Jean Pierre Larve, Chantai Leroyer et Jean Pierre Mahoué

cette régression peut être soit climatique ainsi que le suggère la séquence de la Tortue, soit anthropique comme le révèle la crise érosive actuelle, ou encore climato-anthro- pique. Comme les péjorations climatiques enregistrées durant l'Holocène (H. H. Lamb, 1977) semblent incapables de détruire entièrement le couvert végétal, il est nécessaire d'envisager les activités humaines pour rendre compte de ces crises érosives. Toutefois, l'anthropisation, en affaiblissant le couvert végétal, ne favorise l'érosion des sols cultivés que si le climat fournit des précipitations de fortes intensités lorsque les sols sont peu protégés. En progressant vers l'aval, les accumulations sableuses sont responsables de la rupture de pente localisée au niveau des sondages 2 et 3. Les transformations brutales des paysages ruraux depuis les années 1960 provoquent une nouvelle crise érosive mieux marquée pour l'instant sur les versants que dans l'axe des talwegs.

La tourbification se développe pendant des phases de calme morphogénique, mais elle ne présente pas de corrélations nettes avec les fluctuations climatiques holocènes. Elle se produit aussi bien durant les phases de refroidissement de l'Age du Fer et du Petit Age Glaciaire que pendant le réchauffement de la période romaine qui comporte toutefois une phase plus humide entre le Ier siècle AC et 250 AC (M. Magny et R. Richard, 1992). Elle pourrait aussi s'expliquer par des conditions topographiques propices à l'engorgement en eau, comme le suggère M. Chartier (1990) en Picardie. Ici, le rétrécissement du fond de vallon lors de la traversée de la nappe de la basse terrasse de la Tortue a pu favoriser ce phénomène, à moins que l'homme n'y ait aidé; toutefois, nous n'avons repéré aucun indice archéologique attestant d'un quelconque barrage. Mais l'exhaussement des levées alluviales sableuses a pu aussi isoler des espaces plus ou moins marécageux entre ces dernières et la base des versants.

Remerciements Cette étude a bénéficié du soutien financier du Syndicat du bassin du Due et du Narais. Les datations

au I4C ont été réalisées par M. Fontugne du Centre des faibles radioactivités de Gif-sur-Yvette. J.-J. Pechon (IUT Chimie du Mans) a réalisé les granulométries et A.M. Mercier (URA 449, Université du Maine) a effectué la détermination des minéraux argileux. Nous remercions également les membres du comité de lecture pour l'examen critique du manuscrit.

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Manuscrit reçu le 19 Mai 1995, accepté le 20 Septembre 1996