Entre culture, divertissement et bienséance, les écrits de Madame de Genlis dans les magazines...
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Entre culture, divertissement et bienséance,
les écrits de Madame de Genlis dans les magazines
britanniques (fin XVIII° - début XIX° siècle).
Dés la fin du XVII° siècle la presse périodique
connaît, dans les Iles Britanniques, un développement
précoce et inégalé ailleurs. Un siècle plus tard, les
lecteurs ont à leur disposition un vaste choix de
journaux, de revues et de magazines dont beaucoup qui,
même lorsqu’ils ne sont pas spécialisés dans le
domaine littéraire, ce qui est rarement le cas,
apportent néanmoins une contribution importante au
rayonnement de la littérature, notamment fictionnelle
anglaise, mais également étrangère. La quantité de
prose venue d’ailleurs – d’Allemagne et de France
principalement, mais aussi d’Italie - présentée dans
les pages des publications britanniques, au cours de
la période, est imposante1. 1 Robert D. Mayo, The British novel in magazines (1740-1815), Evanston, NorthwesternUniversity Press, London, Oxford University Press, 1962, appendix III“Foreign fiction in translation”, p. 370. Cette étude sur Mme de Genlis aété très largement facilitée par le repérage systématique des œuvres
1
L’intérêt pour la littérature française,
notamment pour les œuvres romanesques de Rousseau – La
Nouvelle Héloïse et Emile - mais aussi pour de nombreux
autres auteurs, comme Melle L’Héritier (1664-1734)
fille de Charles Perrault, François-Guillaume Ducray-
Duminil (1761-1819) ou encore Mme de Saint-Venant, est
visible dès le milieu du XVIII° siècle. Cependant, les
écrivains français les plus traduits dans les
magazines britanniques, entre 1740 et 18152, sont
Jean-Pierre de Claris-Chevalier de Florian (1755-
1794), Nicolas Bricaire de la Dixmerie (1730-1791),
François Thomas Marie de Baculard d’Arnaud (1718-
1805), Madeleine-Angélique Poisson de Gomez (1684-
1770), Voltaire, Mme de Genlis (1746-1830) et surtout
Jean-François Marmontel (1723-1799) 3. Le choix des
fictionnelles dans les magazines britanniques, entre 1740 et 1815, effectuépar Robert D. Mayo, mais aussi par les différents index - des œuvres et desmagazines - que comporte son ouvrage. 2 La vogue des magazines commence, en Grande-Bretagne, à la fin de ladécennie 1730. Après 1815, débute une nouvelle ère au cours de laquelle lafiction va y occuper une place importante. La période 1740-1815 annonce levictorianisme et le triomphe du feuilleton dans les publicationspériodiques.3 Robert D. Mayo, op. cit., p. 372.
2
rédacteurs de magazines se portent sur des textes dont
ils savent qu’ils ne choqueront pas leurs lecteurs et
qu’ils pourront être lus avec plaisir par un nombre de
plus en plus en grand d’entre eux. Ils évitent, donc,
les écrits satiriques ou intellectuellement trop
exigeants, pour se tourner vers des histoires
édifiantes dans lesquelles la vertu finit presque
toujours par triompher4. Dans la sélection qui est
proposée le conformisme l’emporte sur la nouveauté ou
l’originalité littéraires.
Lorsque Mme de Genlis fait son premier voyage à
Londres, en juin 1785, elle n’y est pas une inconnue.
La réputation de l’auteur des Veillées du château ou cours de
morale à l’usage des enfans (1784) l’a précédée dans la
capitale. Son recueil a, en effet, été traduit par
Thomas Holcroft5 sous le titre Tales of the castle, or stories of
instruction and delight6 et, grâce à l’introduction4 Ibid., p. 374.5 Auteur de Alwyn, or the gentelman comedian…, London, Fielding and Walker/Paris,Barrois jeune, 1780. 6 London, G. Robinson, 1785.
3
bienveillante du duc de Chartres, dont elle élève les
enfants, elle est longuement reçue par la reine
Charlotte, mais également par le prince de Galles.
Elle rencontre aussi Fanny Burney et d’autre femmes et
hommes de lettres britanniques, dont Burke à Oxford7.
Elle retournera en Angleterre, durant la Révolution,
d’octobre 1791 à novembre 1792, « sous prétexte de
faire prendre les eaux de Bath à la jeune Adelaïde
d’Orléans »8. Elle se rendit cependant à Londres, où
elle habita de janvier à avril 1792. Ce séjour fut
moins paisible que le précédent9, orléaniste, elle est
désormais considérée « comme une ennemie des
royalistes émigrés »10.
Dans ce contexte, puis dans celui de l’Empire et
du Blocus continental, les écrits de Mme de Genlis, et
7 Gabriel de Broglie, Madame de Genlis, Paris, Librairie Académique Perrin,1965, p. 145.8 Didier Masseau, Introduction, Mémoires de Mme de Genlis, Paris, Mercure deFrance, Coll. Le Temps retrouvé, 2004, p. 17. 9 Alice M. Laborde, L’œuvre de Madame de Genlis, Paris, Editions A.G. Nizet,1966, p. 38-39.10 Didier Masseau, op. cit., p. 17.
4
ceux de Jean-François Marmontel11, qui occupent
respectivement la seconde et la première places, parmi
les écrivains français, dans les pages des magazines
britanniques pré-victoriens12, introduisent dans les
publications d’outre-Manche une touche d’exotisme de
bon aloi. Sur les trente titres, de Mme de Genlis,
repérés dans ces périodiques britanniques la plupart
sont de courts romans – 18 - ou des nouvelles, dont
beaucoup paraissent, malgré la modestie de leur
longueur, en plusieurs épisodes. Car, comme l’ont
montré les travaux d’un récent colloque13, si c’est en
Angleterre que naît le feuilleton dans la presse, ce
sont les organes français qui, plus tard dans le
courant du XIX° siècle, lui permettront de s’exprimer
pleinement et en feront un véritable phénomène
11 Auteur de Nouveaux contes moraux, Paris, J. Merlin, 1765.12 Robert D. Mayo, op. cit., p. 372. Des textes de Marmontel sont présents dans86 livraisons de magazines, ceux de Mme de Genlis dans 38 seulement. LeChevalier de Florian en compte, quant à lui, 34.13 Feuilletons et « serials » en Europe et aux Etats-Unis (XIX°-XX° siècles) : naissance et mutations d’ungenre/Serialized fiction in Europe and the United States (19th-20th centuries) : birth and evolution of agenre, université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines et universitéParis VII, 2-3 décembre 2004.
5
littéraire, voire un genre en soi. Les écrits de
Madame de Genlis ont, ainsi, eu la chance d’être été
déclinés, en Grande-Bretagne, sous une forme « plus
populaire » qui n’existait pas encore en France. Ne
fallut-il pas attendre 1836 pour voir paraître, dans
l’Hexagone, le premier roman par épisodes, La Vieille fille
d’Honoré de Balzac14 dans La Presse d’Emile de Girardin ?
Grâce aux magazines, dont la circulation augmente tout
au long du siècle, la prose de Madame de Genlis
bénéficie, donc, outre-Manche d’une importante
diffusion.
Les succès de Mme de Genlis en Angleterre.
Les œuvres de Mme de Genlis publiées dans les
magazines britanniques le sont en deux grandes
vagues : 1782-1792, puis 1802-1814. Celles-ci sont
interrompues par la Révolution française, période
troublée au cours de laquelle l’écrivain(e) ne produit
14 Devenu La Cousine Bette par la suite.
6
quasiment pas, mais aussi années durant lesquelles les
Anglais s’interrogent beaucoup sur la signification
réelle et les dangers de contagion de l’évènement.
Quels textes de Mme de Genlis sont choisis pour être
présentés au lectorat d’outre-Manche durant ces deux
phases précédant et succédant la mise à bas de la
Monarchie Absolue en France ?
Au cours de la première, deux grandes séries
tirées d’Adèle et Théodore (1782) sont publiées dans The
Universal magazine of knowledge and pleasure de juin 1782 à
décembre 1786 (27 épisodes15), presque tout de suite
après sa mise sur le marché à Paris, et dans The Lady’s
magazine or companion of the fair sex entre mai 1785 et avril
1789 (49 épisodes16). Ces Lettres sur l’éducation ne sont pas
reproduites intégralement. Dans le premier cas il est
signalé, lors de la publication du 27° épisode, que le
reste de l’œuvre sera résumé en indiquant uniquement
15 Soit 103 000 mots.16 Soit 126 000 mots.
7
ce qui est susceptible d’intéresser les lecteurs
anglais. Quant au second, la traduction n’a pas été
agrée par l’auteur et elle ne représente que les 3/5°
du texte original. Parallèlement à la parution, en
feuilleton d’Adèle et Théodore, The Lady’s magazine publie
sans nom d’auteur, entre janvier et juillet 1786, un
récit en sept parties intitulé « Female fortitude or the
history of the Duchess of C. » sans se douter qu’il s’agit
d’extraits du même ouvrage17.
La deuxième oeuvre dont le succès sera important
au cours de la première période est Les Veillées du château
(1784), dont plusieurs récits, plus courts – de un à
cinq épisodes - comme The Brazier (Le chaudronnier ou la
reconnaissance réciproque), aussi publié sous le titre
Eglantine or indolence reformed (Eglantine ou l’indolente corrigée),
The Fatal effects of indulging the passions ou History of Mr de La17Dans les magazines, les titres donnés à une œuvre ou à un extrait d’uneœuvre sont nombreux et assez souvent très différents les uns des autres,comme le montrent les exemples suivants : Adela and Theodore, or letters oneducation ; Adelaide and Theodore, or letters on education; Affecting history of Saint-Andre; TheHistory of Cecilia, or the beautiful nun; The History of Seraphina, the beautiful nun; The Memoirsof the Duchess of C.
8
Palinière, aussi intitulé The Slave of sensuality or fatal effects of
indulging the passions (Histoire de Monsieur de La Palinière),
Daphnis and Panderose, a moral tale (Daphnis et Panderose où les
Oréades, conte moral), viennent, assez rapidement, remplir
les pages de périodiques comme The New novelist’s magazine,
The European magazine, The New Lady’s magazine et The Hibernian
magazine.
Entre 1802 et 1814, il n’y aura plus de très
longs « feuilletons » réalisés à partir des ouvrages
de Mme de Genlis dans les périodiques britanniques. Ce
sont alors des extraits des Nouveaux contes moraux et
nouvelles historiques, dont Dalidor et Mulée, La Princesse des Ursins,
nouvelle historique, ainsi qu’un vaste choix de nouvelles
ou de romans parmi lesquelles La Jeune pénitente (1803),
Alphonse ou le fils naturel (1809), Sinclair ou la victime des sciences
et des arts (1808) qui sont offerts au lectorat d’outre-
Manche. Leur nombre déclinant progressivement18.
18 Aucun écrit de Mme de Genlis n’est reproduit dans un magazine britanniqueen 1812 et 1813 et un seul l’année suivante.
9
Au cours de la période pré-révolutionnaire, le
nombre de récits proposé est assez réduit – neuf –
mais le nombre d’épisodes – 108 - et la durée de leur
publication – plusieurs années (5) parfois – sont
longs. Dans les premières années du XIX° siècle, la
variété s’impose par le biais des nouvelles – 28
fictions différentes – mais le nombre d’épisodes est
beaucoup moins important – 72 – et leur échelonnement
ne dépasse jamais les 9 livraisons successives. Il est
à noter que les magazines n’hésitent pas à republier
une nouvelle ou un récit qui vient de l’être chez un
confrère, même peu de temps auparavant. C’est ainsi
que, The European magazine et The Hibernian magazine
publient tous deux, au cours du premier semestre 1785,
le même récit : The Fatal effects of indulging the passions, tiré
des Veillées du château. Celui-ci est repris deux ans plus
tard, en 1787, sous un autre titre, The Slave of sensuality,
10
or fatal effects of indulging the passions, dans le The New novelist’s
magazine.
Si les titres varient selon les versions – les
traductions, quant à elles, circulent d’un magazine à
un autre. Entre 1782 et 1786, la traduction d’Adèle et
Théodore présentée dans The Universal magazine – « une
excellente petite œuvre qui vient d’être publiée à
Paris »19 est, en partie, reprise par Weekly miscellany
sous l’appellation Affecting history of Saint Andre entre le
13 avril et le 11 mai 179120. De même The History of the
Duchess of C., publié dans les pages du New Magazine of
choice pieces, en un épisode en 1810, provient de la même
source. The Fatal effects of indulging the passions publié en
trois parties dans The European Magazine, entre décembre
1784 et février 1785, est, selon Robert D. Mayo, la
traduction de Holcroft qui paraît sous forme de livre
l’année suivante, dite pour l’occasion « for The
19 The Universal magazine, LXX juin 1782, p. 285. Cité par Robert D. Mayo, op.cit., p. 440. 20 Robert D. Mayo, op. cit., p. 449.
11
European magazine »21. Mais il y a aussi les versions
anglaises non agréées par l’auteur, comme ce Daphnis
and Pandrose, a moral tale offert à la lecture, entre juin
et octobre 1792, par la rédaction du New Lady’s magazine
ou celle d’Adèle et Théodore dans The Lady’s magazine (mai
1785-avril 1789).
Outre-Manche, un public de lecteurs grandissant
peut ainsi, grâce aux magazines dont le nombre et la
diffusion augmentent, suivre et juger de la production
littéraire de Mme de Genlis avec un décalage dans le
temps qui est relativement limité et un choix de
textes assez représentatif de son œuvre. Néanmoins, la
sélection qui est faite par les différentes rédactions
témoigne de leur volonté de plaire au lectorat
britannique et de ne lui donner à lire que des textes
supposés correspondre à ses attentes, sans le choquer,
tout en contribuant à élever son niveau culturel
21 Ibid., p. 491.
12
voire, dans un certain nombre de cas, en le
divertissant.
Madame de Genlis entre culture…
Les écrits de Mme de Genlis publiés, entre 1782 et
1814, en Grande-Bretagne, le sont dans vingt
périodiques différents. Ces publications sont de deux
types : les magazines littéraires pour un public
cultivé et ceux dont le contenu vise essentiellement à
distraire les lecteurs. Parmi les revues sélectionnées
pour leurs qualités littéraires par les rédacteurs de
l’ouvrage de référence British Literary Magazines. The Augustan
Age and the Age of Johnson (1698-1788) et The Romantic Age (1789-
1836) 22 huit d’entre elles font le choix de Mme de
Genlis pour leurs abonnés : Le Beau Monde or literary and
fashionable magazine, La Belle Assemblée or Bell’s court and
fashionable magazine, The European Magazine and London review,
The Hibernian Magazine compendium of entertaining knowledge
22 Alvin Sullivan ed., Westport (Conn.), London, Greenwood Press, 1983.
13
containing the greatest variety of the most curious and useful subjects in
every branch of polite literature, The Lady’s magazine or polite and
entertaining companion for the fair sex, The New lady’s magazine or
polite and entertaining companion for the fair sex, The New Novelist’s
Magazine or entertaining library of pleasing and instructive histories,
adventures, tales, romances and other agreable and examplary little
novels et The Universal Magazine of knowledge and pleasure.
Ces magazines appartiennent à deux générations
successives de publications. Les six derniers, plus
anciens, ont été fondés au cours de la deuxième moitié
du XVIII° siècle, pendant « The Augustan Age and the
Age of Johnson (169823-1788) »24. Cette période voit
croître, considérablement, le nombre de périodiques
mis sur le marché, de 66, en 1711, ceux-ci passent à
265, à la fin du siècle25, même s’ils ne sont pas tous
d’une grande longévité. Les deux premiers, qui portent
des titres en français, sont nés au début du XIX°
23 1698 est la date de parution du premier numéro du London Spy.24 British Literary Magazines, The Augustan Age and the Age of Age of Johnson (1698-1788), op. cit.25 Ibidem, p. XV.
14
siècle, ils appartiennent à « The Romantic Age
(178926-1836) »27, les décennies du romantisme
triomphant, au cours desquelles de nombreux magazines
rallièrent ce nouveau courant littéraire, pour
disparaître avec lui.
Le Beau Monde (1806-1810) vise à être une
bibliothèque à lui seul, une nécessité pour tous ceux
qui aiment la littérature. Il fait paraître de juillet
1809 à avril 1810, en neuf épisodes, la première
traduction d’Alphonse ou le fils naturel28 – 1809 - (Alfonso or
the natural son). La Belle Assemblée (1806-1832/1837), un
journal destiné aux femmes élégantes dont, comme pour
le précédent, il faut remarquer le titre en
français29. Ce magazine n’est pas de facture légère,
une grande attention y est portée à la littérature. En
janvier 1811, il fait paraître Love and literature (La26 1789 est la date de publication des Songs of innocence de William Blake quimarque le début du romantisme anglais, une période qui se poursuit jusqu’àl’arrivée de Victoria sur le trône.27 British Literary Magazines. The Romantic Age (1789-1836), op. cit.28 Paris, Maradan.29 Ces deux périodiques sont respectivement publiés par John Bell et son fils.
15
Nouvelle poétique ou les deux amants rivaux de gloire tirée des
Nouveaux contes moraux et nouvelles historiques30, 1802), une
nouvelle qui envisage le dilemme entre amour et
renommée littéraire. The European magazine (1782-1826)
présente, quant à lui, une grande variété de sujets,
dont de la littérature - française - mais aussi des
informations sur la vie élégante. Quant à The Hibernian
Magazine (1771-1811) c’est un mensuel qui a pour
objectif d’être à la fois divertissant et bienséant.
Il offre une grande variété de rubriques et d’articles
et publie de nombreuses “romances” en longs épisodes,
comme The Fatal effects…, en cinq parties de janvier à mai
1785.
The Lady’s magazine (1770-1819), une publication à
volonté édifiante et éducative tirée mensuellement à
16 000 exemplaires, est celle qui joue le rôle le plus
important et le plus durable dans la propagation des
écrits de Mme de Genlis en Grande-Bretagne. Pas moins
30 Paris, Maradan.
16
de sept de ses œuvres31 - en 49 épisodes - y sont
publiées entre mai 1785 et 1806, avec une assez grande
régularité. The New lady’s Magazine (1786-1797) est un
rival malheureux du précédent. Ce mensuel à
destination des femmes contient essentiellement de la
littérature moralisante, des conseils sur les bonnes
manières et des textes de la main des lectrices elles-
mêmes. Il ne fera paraître qu’un écrit de Mme de
Genlis : Daphnis and Panderose a moral tale32 entre juin et
octobre 1792, dans une version non reconnue par
l’auteur. The New novelist’s Magazine (1786-1788) - un
hebdomadaire qui n’est pas véritablement un magazine
puisque toutes les nouvelles publiées dans ses pages,
au cours de ses deux années d’existence, ont été
31 Une version incomplète d’Adèle et Théodore de mai 1785 à avril 1789, unépisode du même recueil Female fortitude or the history of the Duchess of C. de janvier àjuillet 1786, The Princess des Ursins an historical novel (La Princesse des Ursins, nouvellehistorique – 1802, parue dans la Nouvelle bibliothèque des romans la même année) enjuillet-août 1802, Pamerose or the palace and the cottage, a novel (Pamerose ou le palais etla chaumière - 1801) d’août à octobre 1802, The Intrigue or the lovers who werepersuaded to be in love, une traduction non approuvée des Amants sans amour, publiéeau Mercure de France en 1804, de janvier à avril 1805, Dalidor and Mulee, a moral tale(Les rencontres) en octobre-novembre 1805, The Fair penitent an historical romance (Lajeune pénitente, parue au Mercure de France en 1803) de janvier à novembre 1806.32 Daphnis et Panderose ou les Oréades, extrait des Veillées du château (1784).
17
regroupées en deux volumes et constituent, selon le
British Literary Magazines33 la plus grande collection de
nouvelles du XVIII° siècle - fait paraître The Slave of
sensuality or fatal effects…, extrait des Veillées du château,
repris du European Magazine, en une partie, en 1787.
Enfin, The Universal Magazine, une publication au succès
durable (1747-1814) – qui atteindra les 16 000
exemplaires - contenant une grande quantité de fiction
et dont les objectifs sont d’éduquer tout en
moralisant publie, comme il l’a été indiqué plus haut,
Adèle et Théodore.
Ainsi, dans les revues pré-victoriennes à
caractère littéraire, de nombreux écrits34 de Mme de
Genlis ont été publiés afin de contribuer à
l’élévation culturelle des lecteurs, tout en les
divertissant dans la bienséance.
33 BLM, Augustan, p. 254.34 Représentant un total de près de 300 000 mots.
18
…. divertissement et bienséance.
Parmi les périodiques privilégiant le
divertissement plutôt que la culture, une douzaine
choisit de proposer, à leurs lecteurs, une sélection
de la prose de Mme de Genlis. Ils portent d’ailleurs,
pour un certain nombre d’entre eux, dans leurs titres
même la marque du caractère encyclopédique de leurs
préoccupations – The General chronicle, The Gleaner
(Glaneur), The Monthly Museum, The Monthly Panorama, The
New Gleaner, The New Magazine of choice pieces or literary museum,
Tell Tale (Raconter une histoire), The Weekly Miscellany
(Mélanges hebdomadaires) - et/ou divertissante –
Entertaining, Weekly entertainer. Dans l’ensemble, ces
magazines sont de nature beaucoup plus éphémère que
les publications à caractère littéraire. Seul le
Weekly Entertainer or agreable and instructive repository connaît
19
une grande longévité : 28 ans de 1783 à 1811(?). La
douzaine d’autres publications ne dépasse pas une
durée de vie d’un an ou deux pour 8 d’entre eux, trois
ans pour un autre, 5, 6 et 10 ans pour ceux qui
restent. Il s’agit donc de périodiques plus fragiles
qui, parce que sans doute trop nombreux sur le marché,
trouvent difficilement leur place dans le paysage de
la presse de l’époque et dont la formule éditoriale –
une volonté de distraire avec bienséance - ne trouve
pas encore son public.
Leur préférence se porte très naturellement,
compte tenu de leur volonté de distraire et de plaire
à un public le plus large possible, sur des textes
plus courts que leurs confrères littéraires. C’est
ainsi qu’ils ne présentent quasiment pas de longues
séries, celles-ci ne dépassent jamais sept épisodes
dans le General Chronicle en 1811 ou six dans le Weekly
Entertainer en 1802-1803, voire cinq dans Weekly Miscellany
20
en 1791. Plus de la moitié de ces publications se
contente de publier, en une fois, une nouvelle
complète de Mme de Genlis. Elles refont parfois
l’expérience à plusieurs reprises – souvent deux fois,
parfois plus comme dans l’Ambigu. Variétés atroces et
amusantes. Journal dans le genre égyptien ou Entertaining. Magazine
or polite repository of elegant amusement qui, entre 1804 et
1808 pour le premier, et 1801-1802 pour le second,
publient respectivement quatre et cinq textes de Mme
de Genlis.
Quels sont les courts récits de Mme de Genlis
publiés dans ces magazines divertissants ? Entre 1784
et 1791 ils sont, pour la plupart d’entre eux, tirés
des Veillées du château et d’Adèle et Théodore ; dans les
années 1802-1814, il s’agit d’extraits des Nouveaux
contes moraux et nouvelles historiques (1802), de Sinclair ou la
victime des sciences et des arts35, du Comte de Corke ou la séduction
35 Paris, Maradan, 1808, 133p.
21
sans artifice, suivi de six nouvelles parmi lesquelles Les Savines36
(1805) ou de La Botanique historique et littéraire … suivie d’une
nouvelle intitulée Les Fleurs ou les artistes37 (1810), ou encore de
nouvelles comme La Jeune pénitente (1803), de romans comme
Alphonse ou le fils naturel (1809). Les écrits pré-
révolutionnaires de Mme de Genlis sont publiés dans
Weekly Miscellany or agreable and instructive entertainment (1789-
1792), un hebdomadaire publié à Glasgow. Quant aux
nouvelles – d’une très grande diversité - de la
période impériale elles paraissent, entre 1802 et
1814, dans 11 magazines différents, dont un en
français Ambigu. Variétés…., mais avec une fréquence de
plus en plus faible.
Entertaining. Magazine or polite repository of elegant amusement a
sans doute été un périodique très éphémère. A-t-il
survécu au delà de son année de création, 1802, au
cours de laquelle il publie pourtant, entre août et
36 Paris, Maradan.37 Paris, Maradan.
22
décembre, pas moins de cinq nouvelles en un épisode,
de Mme de Genlis, tirées de la « Nouvelle bibliothèque
des romans » ? The Reviewer, a literary tale, une traduction
de la nouvelle intitulée Le Journaliste, paraît dans la
livraison d’août. Le mois suivant le choix se porte
sur The Castle of Kolmeras, a romance (Le château de Kolmeras)
puisé à la même source, ainsi que The Princess des Ursins, an
historical spanish novel (La Princesse des Ursins, nouvelle historique),
en octobre. Pamerose or the palace and the cot (Pamerose ou le
palais et la chaumière) paraît en novembre et The Green
petticoat, a German anecdote (Le Jupon vert, anecdote) en
décembre.
Le 13 décembre 1802, The Weekly Entertainer or agreable and
instructive repository (1783-1811?) donne, quant à lui, le
premier épisode du roman Pamerose or the palace and the
cottage (Pamerose ou le palais et la chaumière – 1801), qui en
comptera six38, ce qui constitue le texte le plus long
publié, après la Révolution, par ces magazines plus
38 Le dernier paraîtra dans le numéro hebdomadaire du 17 janvier 1803.
23
préoccupés par le divertissement que par la
littérature. Tell Tale or universal museum consisting of a series of
interesting adventures, voyages, histories, lives, tales and romances
(1803-1805) offre à ses lecteurs, en 1804 et 1805,
deux récits inspirés d’Adèle et Théodore : The History of Cecilia
or the beautiful nun et, empruntés à son confrère The
Universal magazine qui a fait paraître quelques années
auparavant – entre 1782 et 1786 - l’intégralité du
livre, et The Brazier, une traduction non authentifiée
du Chaudronnier, ou la reconnaissance réciproque, extrait des
Veillées du château.
En 1806, trois textes de Mme de Genlis paraissent
en Grande-
Bretagne, tous trois dans The Gleaner or entertainement for
the fireside, consisting of tales (1805-1810). Deux d’entre eux
sont des emprunts à Adèle et Théodore, le troisième aux
Veillées du château. Entre décembre 1809 et avril 1810, ce
sont les lecteurs irlandais qui, grâce au Belfast Monthly
24
magazine (1808-1814), auront le privilège de pouvoir
lire en quatre épisodes, Sinclair (Sinclair ou la victime des
arts et des sciences, 1808), spécialement traduit, est-il
indiqué, pour la rédaction de ce périodique.
L’année 1810 voit la publication de quatre récits
de Mme de Genlis, deux dans The New gleaner or
entertainement for the fireside (1809-1810) une continuation
du Gleaner, un dans The New magazine of choice pieces or literary
museum de Londres (1810) et un autre dans The Monthly
panorama de Dublin (1810). Ni Le Jupon vert qui est déjà
paru dans The Entertainer huit ans auparavant, ni Eglantine
or indolence reformed, tirée des Veillées du château, repris
dans The New gleaner, cette année-là, ne sont des
exclusivités pas plus, d’ailleurs, que le récit choisi
par le New Magazine of choice pieces qui se contente
d’emprunter un morceau choisi d’Adèle et Théodore au
Universal magazine. C’est The Monthly panorama qui, en cette
année 1810, fait preuve de l’originalité la plus
25
grande en proposant à ses lecteurs irlandais une
nouveauté intitulée Alphonso or the natural son (Alphonse ou le
fils naturel, 1809). Malheureusement, la publication de ce
roman cessera dès la fin du premier épisode.
The General chronicle and literary magazine (1811-1812)
innove, lui aussi, en 1811 avec la publication en sept
parties de The Flowers and the artists, tirée de La Botanique
historique et littéraire…, suivie d’une nouvelle intitulée : Les Fleurs, ou les
artistes (1810). Mais le dernier texte de Mme de Genlis
publié dans un magazine d’outre-Manche, avant la chute
de l’Empire, l’est dans The Monthly museum or Dublin literary
repertory of arts, science, literature and miscellaneous information
(1813-1914) entre août et novembre 1814. Sympathy, une
version abrégée des Savinies (extrait du Comte de Corke ou
la séduction sans artifice, suivi de six nouvelles, 1804) est un
texte peu ou pas connu des lecteurs britanniques
puisque, expliquent les rédacteurs de ce magazine
irlandais, il n’en existe qu’une seule traduction en
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anglais : The Earl of Corke, or seduction without artifice parue à
Londres en 180839.
Il y a cependant, en Grande-Bretagne, une
publication périodique qui n’éprouve pas le besoin de
passer par la traduction et qui donne à lire les
écrits de Mme de Genlis dans la langue dans laquelle
ils ont été rédigés. L’Ambigu. Variétés atroces et amusantes.
Journal dans le genre égyptien (1803-1813) représente un cas
particulier. Entre 1804 et 1808, il publie quatre
textes – en un épisode - de Mme de Genlis. Les trois
récits de 1804 sont des nouveautés, celui de 1808 est
déjà connu, il s’agit de Sinclair. Dalidor et Mulcée (dont
le titre original est Les rencontres, tirée des Nouveaux
contes moraux et nouvelles historiques, vol. IV, 1802)40,
L’épouse impertinente par air suivie de dialogues entre deux hommes
de lettres, du Mari corrupteur et de La Femme philosophe (imité de
l’anglais de Charles Llyod)41 et La Jeune pénitente, deux nouvelles39 R. D. Mayo, op. cit., p. 602.40 Cette nouvelle sera publiée en anglais dans The Lady’s Magazine entre octobreet décembre 1805 en deux parties.41 Paris, Maradan.
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d’abord publiées dans Le Mercure de France respectivement
le 19 novembre (n° 125) et le 17 décembre (n°129)
1803. Ici, la médiation est inutile.
Conclusion
Entre 1782, date de la publication de son premier
texte dans un magazine outre-Manche, et 1814, les
écrits de Madame de Genlis passent d’un public
élitiste, féru de littérature42, à un lectorat plus
nombreux, cherchant davantage à se distraire qu’à se
cultiver43. Celui-ci dispose, à la fin du XVIII° et
dans les premières années du XIX° siècle, dans des
délais relativement courts, d’un bon choix de la
production récente de cet auteur, mais également d’une
sélection de textes plus anciens. Si les magazines
s’empruntent, mutuellement, bon nombre de nouvelles et
42 Sept textes de Mme de Genlis sont publiés dans la presse périodiquebritannique au cours de cette décennie, six dans des magazines auxprétentions littéraires, un seul dans une publication destinée à distraireplus qu’à cultiver. 43 Entre 1802 et 1814, 34 textes de Mme de Genlis sont publiés dans desmagazines britanniques, dont 24 dans des périodiques divertissants.
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de contes, l’écrivain(e) française n’en demeure pas
moins en bonne place parmi les auteurs français de son
temps, juste après Jean-François Marmontel.
Considérée comme représentative de la culture
littéraire française dans ce qu’elle a de meilleur -
une prose policée, bienséante et distrayante – Madame
de Genlis sera donnée quelques années plus tard, en
1821, dans la très respectée et très conservatrice
Quarterly Review44 après la publication à Paris et à
Londres, en 1819, de Pétrarque et Laure comme étant, avec
Mme Roland, Mme du Deffand, Mme Necker et surtout Mme
de Staël, l’une des femmes de lettres les plus
appréciées des intellectuels d’outre Manche.
Diana Cooper-RichetCentre d’Histoire Culturelle des SociétésContemporainesUniversité de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines
44 N° 48, janvier 1821, pp. 529-566.
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