Découverte d'un site fortifié de hauteur tardo-antique AMM 2008

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45 ARCHÉOLOGIE DU MIDI MÉDIÉVAL, TOME 26 - 2008, 45-57 * Doctorant à l’université Paris I Panthéon-Sorbonne. ** Institut national de recherches archéologiques préventives, UMR 5138 “archéométrie et archéologie”. *** Institut national de recherches archéologiques préventives. Le Couvent des Chèvres au Pouzin (Ardèche) : découverte d’un site fortifié de hauteur tardo-antique La carrière Lafarge est à 2 km au nord du bourg du Pouzin. Elle entaille la partie septentrionale de la colline du Couvent des Chèvres sur laquelle est implanté le prieuré Saint-Pierre-de-Rompon, bâtiment inscrit à l’in- ventaire supplémentaire des Monuments Historiques. Un projet prévoyant d’étendre la zone d’extraction sur 21,31 ha a incité le Service régional de l’Archéologie à faire réaliser une campagne de sondages pour déterminer le potentiel archéologique du terrain. Celle-ci a été effec- tuée entre le 20 octobre et le 4 décembre 2003. LE CONTEXTE HISTORIQUE Le Couvent des Chèvres se situe sur un plateau calcaire en bordure de la vallée du Rhône. Dominant le village du Pouzin, il est placé en face de la confluence de la Drôme et du Rhône. La présence sur ce plateau d’un microrelief formant une ligne droite a permis d’envisager un mur barrant l’accès sur la partie occidentale du promontoire. Quelques rares éléments de céramique non tournée découverts en prospection ont laissé penser qu’un site fortifié de l’Âge du Fer pouvait avoir été établi sur ces lieux (Durand, Lefebvre 1993). L’ensemble du mobilier recueilli lors d’une prospection pédestre effectuée en mars 2003 a été, quant à lui, daté du V e siècle. Dès lors, l’hypothèse d’une fortification du Bas-Empire a été émise (Ferber, Ferber, Rigaud 2003, 5). Le Couvent des Chèvres est surtout connu pour son occupation médiévale (Perroud-Christophle 1980 ; Saint-Jean 1971) : le lieu est cité dans la Charta Vetus, ce qui pourrait indiquer qu’une église est déjà établie à cet endroit dès le VII e siècle. C’est à la suite d’une dona- Le Couvent des Chèvres est connu régionalement pour ses vestiges d’un prieuré roman d’obédience clunisienne. En 2003, le projet d’extension d’une carrière de l’entreprise Lafarge a permis la réalisation d’une série de sondages sur son pourtour. Les restes d’une imposante muraille du V e siècle ont été mis au jour enveloppant, avec le prieuré, une surface probable d’environ 5 ha. Ce site de hauteur apparaît dès lors comme l’un des plus importants de la moyenne et de la basse vallée du Rhône. L’objectif de cet article est à la fois de présenter le résultat pour le moins inattendu des sondages archéo- logiques et d’en proposer une interprétation en fonction d’une relecture des données tant littéraire qu’épigraphique sur cette région. La question essentielle à laquelle nous avons voulu répondre est la suivante : pourquoi la puissance publique a-t-elle réalisé un tel site, en un tel lieu ? The Convent of the Goats is known regionally for its remains of a Romanesque priory of Clunisian obedience. In 2003, the project of extending a quarry belonging to the Lafarge firm allowed several test holes on its periphery. The remains of an imposing wall dating back to the Vth century were discovered which, in addition to the priory, isolated an area of probably five hectares. This perched site thus appears to have been one of the most important in the middle and lower Rhône valley. The purpose of this paper is to present the unexpected results of these archaeological test holes and propose an interpretation based on a new reading of the literary and epigraphic data available on this district. The main question we tried to answer is the following : why did public authorities created such a site in such a place ? Mots-clés : site de hauteur, fortification, bastion, tardo-antique, médiéval, cités, diocèses, wisigothique, burgonde, Ardèche. Key words : perched site, fortification, bastion, Late Antiquity, Medieval, towns, dioceses,Wisigothic, Burgund, Ardèche. Olivier DARNAUD*, Emmanuel FERBER** et Pierre RIGAUD***

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45ARCHÉOLOGIE DU MIDI MÉDIÉVAL, TOME 26 - 2008, 45-57

* Doctorant à l’université Paris I Panthéon-Sorbonne.** Institut national de recherches archéologiques préventives, UMR 5138 “archéométrie et archéologie”.*** Institut national de recherches archéologiques préventives.

Le Couvent des Chèvres au Pouzin (Ardèche) :découverte d’un site fortifié de hauteur tardo-antique

La carrière Lafarge est à 2 km au nord du bourg duPouzin. Elle entaille la partie septentrionale de la collinedu Couvent des Chèvres sur laquelle est implanté leprieuré Saint-Pierre-de-Rompon, bâtiment inscrit à l’in-ventaire supplémentaire des Monuments Historiques. Unprojet prévoyant d’étendre la zone d’extraction sur21,31 ha a incité le Service régional de l’Archéologie àfaire réaliser une campagne de sondages pour déterminerle potentiel archéologique du terrain. Celle-ci a été effec-tuée entre le 20 octobre et le 4 décembre 2003.

LE CONTEXTE HISTORIQUE

Le Couvent des Chèvres se situe sur un plateaucalcaire en bordure de la vallée du Rhône. Dominant levillage du Pouzin, il est placé en face de la confluence dela Drôme et du Rhône.

La présence sur ce plateau d’un microrelief formantune ligne droite a permis d’envisager un mur barrantl’accès sur la partie occidentale du promontoire.Quelques rares éléments de céramique non tournéedécouverts en prospection ont laissé penser qu’un sitefortifié de l’Âge du Fer pouvait avoir été établi sur ceslieux (Durand, Lefebvre 1993). L’ensemble du mobilierrecueilli lors d’une prospection pédestre effectuée enmars 2003 a été, quant à lui, daté du Ve siècle. Dès lors,l’hypothèse d’une fortification du Bas-Empire a étéémise (Ferber, Ferber, Rigaud 2003, 5).

Le Couvent des Chèvres est surtout connu pour sonoccupation médiévale (Perroud-Christophle 1980 ;Saint-Jean 1971) : le lieu est cité dans la Charta Vetus,ce qui pourrait indiquer qu’une église est déjà établie àcet endroit dès le VIIe siècle. C’est à la suite d’une dona-

Le Couvent des Chèvres est connu régionalement pour ses vestiges d’un prieuré roman d’obédience clunisienne. En2003, le projet d’extension d’une carrière de l’entreprise Lafarge a permis la réalisation d’une série de sondages sur sonpourtour. Les restes d’une imposante muraille du Ve siècle ont été mis au jour enveloppant, avec le prieuré, une surfaceprobable d’environ 5 ha. Ce site de hauteur apparaît dès lors comme l’un des plus importants de la moyenne et de la bassevallée du Rhône. L’objectif de cet article est à la fois de présenter le résultat pour le moins inattendu des sondages archéo-logiques et d’en proposer une interprétation en fonction d’une relecture des données tant littéraire qu’épigraphique surcette région. La question essentielle à laquelle nous avons voulu répondre est la suivante : pourquoi la puissance publiquea-t-elle réalisé un tel site, en un tel lieu ?

The Convent of the Goats is known regionally for its remains of a Romanesque priory of Clunisian obedience. In 2003,the project of extending a quarry belonging to the Lafarge firm allowed several test holes on its periphery. The remainsof an imposing wall dating back to the Vth century were discovered which, in addition to the priory, isolated an area ofprobably five hectares. This perched site thus appears to have been one of the most important in the middle and lowerRhône valley. The purpose of this paper is to present the unexpected results of these archaeological test holes and proposean interpretation based on a new reading of the literary and epigraphic data available on this district. The main questionwe tried to answer is the following : why did public authorities created such a site in such a place ?

Mots-clés : site de hauteur, fortification, bastion, tardo-antique, médiéval, cités, diocèses, wisigothique, burgonde, Ardèche.

Key words : perched site, fortification, bastion, Late Antiquity, Medieval, towns, dioceses, Wisigothic, Burgund, Ardèche.

Olivier DARNAUD*, Emmanuel FERBER** et Pierre RIGAUD***

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bastion. Sur le mur occidental de cette avancée, deuxouvrages de flanquement ont été réalisés contre le pare-ment extérieur du mur d’enceinte (fig. 2).

Le premier, au Sud, possède un plan carré de 5,45 mde côté. Les murs relativement peu épais (0,92 m.) sontancrés dans le rempart. Ce bâti occupe toute la partiesommitale d’un éperon rocheux et profite ainsi naturelle-ment de sa hauteur. À l’exception de leur largeur, cesmurs sont construits sur le même modus operandi que lesremparts. L’accès à cette construction n’a pas été repéré,mais il est probable qu’il se situe à l’intérieur de l’en-ceinte.

Le second ouvrage est placé au nord dans l’anglenord-ouest du bastion. Son mur septentrional n’estd’ailleurs que le prolongement du mur nord du rempart.Son plan est trapézoïdal : outre les murs du rempart quiconstituent les murs orientaux et septentrionaux de cettetour et sont liés suivant un angle de 117°, il comprenddeux autres murs de 0,92 m de large. Le mur sud, long de5,62 m, s’encastre perpendiculairement dans le mur occi-dental du rempart ; il se lie là aussi en angle droit, au muroccidental qui mesure 6,14 m. Cet ouvrage, dont lesdimensions sont sensiblement les mêmes que celui décritprécédemment, ne bénéficie pas d’une hauteur naturelle.Son accès est placé à l’intérieur de l’enceinte, dans lemur occidental du bastion (fig. 3). Cette porte, de 1,10 mde large, possède une importante hauteur conservée(1,90 m). La pièce n’a pas été fouillée. On note que lesol, au seuil de cette entrée est à plus de 2 m au-dessusdu niveau de circulation observé près de l’angle nord-ouest de la tour de l’autre coté de la muraille.

Près de la porte de la tour d’angle, un massif demaçonnerie est lié aux murs du rempart. Il supporte unescalier dont les quatre premières marches sont encorevisibles (fig. 3). Elles possèdent, comme la porte de latour, une largeur de 1,10 m. Les girons ont une profon-deur de 0,36 m et les contremarches ont une hauteurvariant entre 0,24 m et 0,30 m. Cet escalier doitpermettre d’accéder au chemin de ronde couronnant lerempart. L’espace séparant le départ de cet escalier et lemur septentrional du bastion permet d’envisager leniveau de circulation sommant la courtine entre 2 et 3 mau-dessus du sol de la cour. Sur la façade intérieure decette partie du rempart, un trou de boulin bouché a étéobservé : sa base est à 1,30 m au-dessus du niveau dusol. Cet aménagement a pu être pratiqué pour la mise enplace de l’échafaudage nécessaire à la construction.

Au pied de cet escalier, le sol est composé de dallesde calcaires liées à la chaux. Un sol de mortier de tuileauprolonge vers le sud le niveau de circulation.

Un mur de 0,60 m de large est accolé au massif demaçonnerie supportant l’escalier. Il est parallèle au murseptentrional du bastion et permet de définir une pièce de3 m de large. Son sol semble constitué par de la terrebattue.

Le chemin actuel semble reprendre l’ancienne voie.Celle-ci serait alors en bordure des remparts sur unelongueur de 45 m avant d’entrer dans la place. Ainsi, le

tion faite en 977, que l’église dédiée à saint Pierredevient un prieuré régulier des bénédictins de Cluny(Bruel, Bernard 1876-1903, II, n°1434), comptant ainsiparmi les plus anciennes fondations clunisiennes de larégion avec Eurre dans la Drôme (en 928), Saint-Saturnin-du-Port (Pont-Saint-Esprit en 948) et Saint-Pierre-de-Ruoms (en 994). Il connaît son apogée audébut du XIIe siècle : en 1112, le prieuré de Romponreçoit huit paroisses, situées entre La Voulte, Le Pouzinet Privas, avec leurs dîmes et autres revenus (De Vic,Vaissete, Du Mège 1842, preuve n°437, II) . Il comptealors douze moines et son prieur. Les ruines encorevisibles de l’église romane datent de cette période. Leprieuré se maintient jusqu’au XVe siècle. Son abandondéfinitif au XVIe siècle est probablement dû aux guerresde religions (Perroud-Christophle, 1980).

LE SITE

Les sondages ont mis en évidence l’existence d’unefortification couronnant le plateau du Couvent desChèvres. Sur les deux versants de la colline concernéspar le projet (Nord et Ouest), les murs d’enceinte ontainsi pu être suivis sur 440 m. Ils épousent globalementla limite de rupture de pente. Si le site couvre l’ensemblede la plate-forme, l’extension maximale de l’enceinte estde 5 ha (fig. 1).

La place est grossièrement quadrangulaire. Dans leszones étudiées, l’enceinte est composée de simples mursrectilignes qui possèdent une largeur de 1,80 m. Ils sontfaits de deux parements en moellons de calcaires gros-sièrement équarris placés en lits de hauteur variable etliés au mortier de chaux. Les joints externes sont beurrésau mortier de chaux. Un blocage d’éclats de calcaire,contenant peu ou pas de mortier, forme le cœur de lamuraille.

La plupart du temps, le rempart étant construit sur laligne majeure de rupture de pente, la base du parementextérieure est toujours notablement plus basse que celledu parement intérieur. Cette technique permet d’avoirdans l’enceinte la surface plane maximale et d’obtenir unmur extérieur le plus haut possible (donc plus défensif)en limitant le travail de construction du côté intérieur.Pour leur construction, le rocher a été grossièrementdérasé et le talus largement entamé de façon à faciliter lamise en place du parement intérieur. Dans certains cas,les niveaux de circulation sont naturellement plats. Dansd’autres, le pendage est tel qu’il nécessite un remblaie-ment à l’intérieur du rempart. Ce dernier est alorscomposé d’éclats calcaires mêlés à du limon brun rougeet, surtout, il est retenu par un mur de terrassement placéà 0,40 m en retrait de la muraille. La « tranchée defondation » ainsi créée entre le mur défensif et le mur desoutènement n’est comblée qu’une fois le rempartréalisé.

Dans la partie sud-est du site, le relief est insuffisantpour donner naturellement aux fortifications une positiondominante et des éléments de défense ont donc dû êtredéveloppés. Une extension de l’enceinte est bâtie sur unpetit surplomb rocheux formant à cet endroit une sorte de

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LE COUVENT DES CHÈVRES AU POUZIN (ARDÈCHE) : DÉCOUVERTE D’UN SITE FORTIFIÉ DE HAUTEUR TARDO-ANTIQUE

Fig. 1 : Plan général du site.

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Dans les environs immédiats, une applique en bronzeportant une tête de Jupiter-Ammon posée sur un disque(CARTA 2003, 81-82), d’un modèle relativementcourant (Boucher 1973, 48 ; Prieur 1984, 40) a étéretrouvée.

Près du rempart méridional, dans le « bastion », uneseconde fosse a été mise au jour. De plan rectangulaire,elle a été aménagée en retirant des blocs de calcairediaclasé au socle rocheux. Son comblement charbonneuxprésente la particularité de posséder un mobilier princi-palement composé de fragments de meule en grès (cinqgros fragments et seize éclats).

Le mobilier céramique mis au jour est homogène.Globalement, les types de céramique rencontrés révèlent,par leur texture et par leur forme, un contexte généralencore empreint de l’univers antique (fig. 4). On note, eneffet, que la sigillée paléochrétienne est bien présentemais qu’on ne trouve que de rares bandeaux de premièregénération (Horry 2000) et aucun bandeau de deuxièmegénération. Certaines formes sont comparables auxformes découvertes dans les couches du Ve siècle de la

fouille de Viviers : des bords de pots en céramiquecommune trouvent ainsi leur pendant (Esquieu 1988,fig. 40, o et w). Un fragment décoré de rouelles poséesen croix et estampées sur le fond intérieur du vase peutêtre comparé à un fragment de brique portant le mêmegenre de motif découvert dans l’oppidum de Lombren(Gard), daté lui aussi du Bas-Empire (Charmasson 1970,60). La présence d’une anse d’amphore orientale et dequelques fragments d’amphore africaine indique que cesite est loin de vivre en autarcie et que le commerce entreprovinces, même lointaines, persiste.

Quatorze des dix-neuf monnaies répertoriéesproviennent d’une même fosse. Les autres ont été retrou-

renforcement des défenses dans la partie la plus acces-sible du site a-t-il probablement été mis en œuvre pourcontrôler l’accès principal à la citadelle.

L’ensemble de ces ruines a eu un effet contentif sur leplateau. Les niveaux de circulation avoisinant cesconstructions ont été protégés de l’érosion et ont étérecouverts par des colluvions venant buter contre la basedes remparts. Le long de ces murs, sur une bande variantentre 7 et 16 m, le niveau d’occupation est ainsiconservé. Les structures restent rares et aucune zoned’habitat n’a été décelée.

Deux fosses ont été reconnues près du rempart :

La première a été coupée par la piste réalisée par lacarrière. Elle est située près de l’angle reliant le mur durempart occidental au mur du rempart septentrional. Soncomblement, très cendreux, contient un mobilier variédaté du Ve siècle de notre ère (une monnaie très usée duHaut Empire, plus de quatorze numus, une fusaïole, unecharnière et un jeton en os, divers fragments de céra-mique dont de la dérivée de sigillée paléochrétienne).

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Fig. 2 : Plan du « bastion » occidental.

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“BASTION” OCCIDENTAL

Fig. 3 : Ouverture et départ d’escalier au pied de la tour nord.

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LE COUVENT DES CHÈVRES AU POUZIN (ARDÈCHE) : DÉCOUVERTE D’UN SITE FORTIFIÉ DE HAUTEUR TARDO-ANTIQUE

Fig. 4 : Mobilier céramique issu des sondages de 2003.

0 1 5 10 cm0 1 5 10 cm

Céramique commune grise

Céramique commune rougeFond marqué (intérieur)

0 1 5 10 cm

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par sa taille de l’oppidum de Saint-Blaise dans lesBouches-du-Rhône (5,5 ha). Ses remparts maçonnésflanqués de tours de plan rectangulaire sont aussi deséléments caractéristiques que l’on retrouve sur certainssites tels que le Roc de Pampelune à Argelliers dansl’Hérault (Schneider, Ginouvez, Pages, 2002), Saint-Saturnin à Donzère dans la Drôme ou encore Château-Porcher à Châteauneuf-du-Rhône dans la Drôme (Ode1998). Comme ces derniers, la forteresse est implantéesur un plateau bordé de falaises.

Certaines fortifications reprennent des oppida proto-historiques alors que d’autres sont construites ex nihilo.Le Couvent des Chèvres est certes recensé parmi leshabitats groupés protohistoriques (Durand, Lefebvre1993, 32), mais la datation retenue alors reposait sur derares tessons retrouvés dans un éboulis. La mauvaiseconservation de la céramique dans ce contexte peut avoirété trompeuse et lors des campagnes de prospection puisde sondages, aucun élément probant n’a été retrouvépermettant de consolider cette hypothèse. En tout état decause, le rempart est ici tardif et, s’il y a eu une occupa-tion plus ancienne, il ne s’agit pas d’un oppidum. Dansces conditions, le Couvent des Chèvres doit être classéparmi les créations et non parmi les réoccupations desite.

La superficie susceptible d’être protégée suggère uneimportante occupation humaine. Les sondages réalisésn’ont pourtant, hormis une construction maçonnéeappuyée sur l’angle nord-ouest du « bastion », paspermis de mettre en évidence d’habitats. La zone sondéene fait qu’aborder le site proprement dit et il est doncenvisageable que l’habitat se situe hors de l’empriseétudiée. Il faut cependant garder à l’esprit que les tracesténues de constructions légères bordant les rempartsauraient été difficilement perceptibles dans des tranchéesréalisées à la pelle mécanique sur un sol rocailleux.

La présence d’une église dès la mise en place desfortifications, comme cela semble être le cas à Saint-Saturnin (Ode 1998) ou au Roc de Pampelune (Schneider2003a, 13) est aussi un point qui mérite d’être débattu.L’existence de l’église Saint-Pierre, dont les ruines domi-nent encore le lieu, semble pouvoir être reconnue par lestextes à la fin du VIIe siècle. Sa construction dès la réali-sation des remparts, si elle reste conjecturale, n’en estpas moins plausible1. Cette hypothèse nous amène alorsà nous interroger sur la pérennité du site.

Apparemment, l’ensemble du mobilier est comprisdans une fourchette chronologique relativement étroite(Ve-VIe siècles ap. J.-C.) et l’absence d’une stratificationdes niveaux d’occupation plaiderait en faveur d’une utili-sation brève de la place, mais les études demeurent tropponctuelles pour être catégoriques. L’occupation estattestée par les textes de la fin du VIIe au XVIe siècle,mais avec une vocation uniquement religieuse. Outre lehiatus apparu entre les résultats archéologiques et lesécrits, mais qui pourrait n’être causé que par la faiblesse

vées dans les tas de déblais. À l’exception d’unemonnaie du Haut Empire très usée, il s’agit à chaque foisde numus. Ces petites monnaies de bronze sont usées etdifficilement identifiables. L’une d’elles pourrait êtrefrappée à l’effigie de Gratien (367/383), une autre portesur l’avers le portrait de Valens (364/378) et, sur lerevers, une victoire qui avance vers la gauche avec l’ins-cription « SALVS REI PVBLICAE ». Certaines sontattribuables aux règnes de Constantin ou de ses fils. Plusque la date d’émission, il faut prendre en compte le faitque la menue monnaie du IVe siècle est encore trèsutilisée au Ve siècle, voire à la période franque. Entre 402et 425, les ateliers monétaires de Trèves, puis de Lyon,d’Arles et d’Aquilée ferment les uns après les autres(Brénot 1986, 197) et, pour pallier à la pénurie de numé-raires indispensables pour les échanges de la vie quoti-dienne, ces numus continuent à circuler pendant lessiècles suivants.

Ainsi, l’ensemble du mobilier montre un fonctionne-ment du site entre le Ve et le début du VIe siècle de notreère.

Par ailleurs, plusieurs scories ainsi qu’un morceau delaitier ont été retrouvés dans les sondages et permettentde penser qu’une forge est présente à l’intérieur de l’en-ceinte.

LE SITE DANS SON CONTEXTEARCHÉOLOGIQUE RÉGIONAL

L’opération réalisée est intéressante à plus d’un titre,même si les données recueillies dans de simplessondages restent très lacunaires. Le remarquable degréde conservation de certains vestiges est d’abord à souli-gner. En effet, de par leur nature, ce type de sites estgénéralement placé sur des éminences sujettes à l’éro-sion et qui possèdent de faibles recouvrements protec-teurs.

Le Couvent des Chèvres fait aussi partie des forte-resses rurales tardo-antiques dont l’apparition marqueune nouvelle forme d’occupation du sol.

Ces établissements de hauteur se multiplient auVe siècle en Gaule méditerranéenne (Schneider 2001).Longtemps ignorés, leur étude prend aujourd’hui del’ampleur. Leur recensement est actuellement en cours.S’ils sont désormais bien connus dans le Languedoc et laProvence (Schneider 2001), on découvre leur implanta-tion en Rhône-Alpes, en particulier dans la Drôme (Ode1998) et dans le sud de l’Ardèche (Clément 2002, 192-193 et 221-224).

Sous cette appellation commune, une variété de typeexiste : la superficie de la zone défendue, le type de maté-riaux, la présence d’un sanctuaire, ou encore la pérennitéde la zone d’occupation sont autant de paramètres quidiffèrent suivant les lieux (Schneider 2001).

Avec ses probables 5 ha de superficie, le Couvent desChèvres s’inscrit parmi les grandes places fortes, proche

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1 Cf. infra, l’apport des sources écrites.

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des données recueillies jusqu’ici, il faut aussi s’inter-roger sur cette évolution de statut. Soit la forteresse àvocation militaire n’a plus eu de raison d’être et aprèsune période d’abandon, l’emplacement est réoccupé aveccette fois une vocation cultuelle, soit l’occupation estpermanente et l’une des composantes fondant cetteinstallation prend le pas sur les autres. Le plus sûr moyenserait probablement de reprendre les investigationsarchéologiques autour de l’édifice religieux afin de tenterde déterminer la date de sa création.

La réalisation d’une telle structure doit répondre àdes besoins. L’emplacement stratégique qui permet lasurveillance d’un des principaux lieux de passage, lavallée du Rhône, est certes à prendre en compte, mais nejustifie pas pour autant de l’ampleur des travaux entre-pris.

Ce nouveau type d’établissement reflète manifeste-ment des changements de mode de vie pour cettepériode. Les raisons de ces modifications sont encore àl’étude et il est probable qu’elles soient de naturesdiverses :

Archéologiquement, le secteur le plus étudié relative-ment proche du Pouzin se situe à une trentaine de kilo-mètres au sud, dans un triangle compris entre Pierrelatte,Saint-Paul-Trois-Châteaux et Viviers. Dans le Tricastin,à partir du IIe siècle, l’abandon de la culture dans lesplaines (visible entre autres par l’abandon du système dedrainage) en corrélation avec une raréfaction de l’habitatde ces mêmes zones montre une modification des habi-tudes agricoles. La pratique d’une agriculture intensivede ces espaces durant le Haut Empire a conduit à unedégradation et une fragilisation des sols cultivés (Berger2003, 140 et 144) probablement accentuées par la dégra-dation climatique des Ve-VIe siècles (Berger 1996, 324).Ces secteurs pourraient avoir alors été délaissés au profitd’une pastoralisation des collines (Odiot, Berger 1995,122).

Pour la période qui nous concerne, la moyenne valléedu Rhône montre de vastes prairies humides qui n’ontpas été abandonnées pour autant. La pérennité decertaines nécropoles indique que l’occupation généralede la plaine perdure, là où les données archéologiques nepermettent pourtant pas de localiser l’habitat. Ainsi, lespremiers résultats obtenus sur la fouille de la nécropolede La Labre à Châteauneuf-du-Rhône (Ferber et alii2006) montrent que l’occupation se poursuit du HautEmpire jusqu’au VIIIe siècle, alors qu’à la villa voisinedu Palais (Béal 2002), datée du IIIe siècle, ne succèdentque de petites et ponctuelles occupations ne dépassantpas le début du Ve siècle (Ronco 2008). Aussi, le manquede données est plus à lier à la difficulté d’identifier ceshabitats qu’au fait qu’ils n’existent pas. D’un aspectprobablement modeste, ces constructions sont moinsremarquées lors des campagnes de sondages et pour-raient avoir été confondues avec des bâtiments annexesne donnant pas lieu systématiquement à une fouille.

Si les facteurs conjoncturels (effondrement de l’em-pire, crise monétaire) sont probablement à prendre aussien compte (Ode 1998, 13), les crises événementiellesne peuvent pas justifier l’édification de tels établisse-ments. Comme pour le Roc de Pampelune (Schneider2001), le soin apporté à la construction et l’ampleur del’ouvrage réalisé au Couvent des Chèvres semblentincompatibles avec la notion de site-refuge, souventaccolée à ce genre d’édifice. Il est difficile d’imaginerque pour répondre de façon urgente à un péril très ponc-tuel dans le temps, on se soit lancé dans de tels travaux.De même, il faut substituer à l’idée de crise écono-mique, celle de modification des modes de production.Les villae disparaissent au profit d’autres types d’unitéde travail et les réseaux commerciaux demeurent. Laprésence d’amphores orientales et africaines estcommune à plusieurs de ces sites : quelques fragmentsont été retrouvés au Couvent des Chèvres, mais aussisur le Roc de Pampelune à Argelliers (Schneider,Ginouvez, Pages, 2002, 55), à San Peyre sur lacommune de Bouquet (Provost et alii 1999, 258-260)ou encore dans le Camp de César à Laudun (Goury1997, p. 167). Ces témoins tendent à prouver que, loind’un repli autarcique, les échanges avec le bassin médi-terranéen ne relèvent pas de l’exception.

L’ampleur de l’investissement réalisé pour la fortifi-cation du site témoigne aussi du pouvoir économique deson commanditaire. L’aspect ostentatoire, peut-être à desfins politiques, pourrait alors avoir pris le pas sur lesseuls impératifs défensifs rendant encore plus imposantl’établissement nécessaire.

Mais la raison essentielle d’une telle construction estassurément stratégique. Certes, le lieu surplombe lavallée du Rhône en un point de confluence de la Drôme(sur la rive droite) et de l’Ouvèze (sur la rive gauche), cequi en fait un lieu de carrefour, mais il est probable,comme tendent à le démontrer les sources écrites, qu’ilse situe avant tout sur une frontière.

L’APPORT DES SOURCES ÉCRITES

Le Couvent des Chèvres ne fait pas exception à larègle commune à la majorité des sites de cette période :il n’existe pas de mention directe et contemporaine de celieu. La première mention textuelle est contenue dans undocument daté du milieu du Xe siècle, la Dotatio eccle-siae cathedralis Vivariensis qui est une compilation desdonations les plus anciennes réalisées en faveur del’Église de Viviers (Rouchier 1914, 636-640). Parmielles, la donation par Rodulfus des églises de Saint-Alban, Saint-Priest, Saint-Etienne-du-Lac et enfin Saint-Pierre sur les hauteurs de Rompon peut être datée entrela fin du VIIe et le VIIIe siècles. Ce texte mérite l’atten-tion car les autres mentions plus tardives de la montagnede Rompon ne nous sont d’aucun secours et n’apportentaucun éclairage pertinent ni sur la forteresse altimédié-vale, ni sur son contexte. La valeur de la notice deRodulfus tient donc essentiellement à la géographiehistorique qu’elle révèle, laquelle pourrait être la cléd’interprétation du site :

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LE COUVENT DES CHÈVRES AU POUZIN (ARDÈCHE) : DÉCOUVERTE D’UN SITE FORTIFIÉ DE HAUTEUR TARDO-ANTIQUE

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est de constater, dans un premier temps, que l’autoritéimpériale paraît s’exercer encore largement sur la régionpendant au moins la première moitié du Ve siècle et qu’àce titre la limite entre Alba5 et Valence n’est guère plusqu’une division administrative. La situation change radi-calement avec l’expansion des Burgondes d’Hilpéricdans la vallée du Rhône, suivie peu de temps après parl’irruption d’Euric et des Wisigoths. La date à laquelleles Burgondes ont pénétré dans la vallée du Rhône estcontroversée mais peut être précisément située dans unefourchette comprise entre 469 et 475 (Favrod 2002, 67).L’arrivée des Wisigoths dans la région ne pose, quant àelle, aucun problème de chronologie. La mainmise surune partie des cités rhodaniennes s’est réalisée en deuxtemps. Une première campagne menée à partir del’Auvergne a d’abord eu pour objectif les pays rhoda-niens et la Provence. Les déprédations consécutives àcette expédition sont à l’origine d’une aide alimentaireexceptionnelle apportée par l’évêque lyonnais – et donc« burgonde » – Patient à toutes les cités ayant subi lepassage des armées d’Euric (Sidoine Apollinaire, VI,ep. XII). La liste est longue mais décrit exactement lesfrontières méridionales du royaume des Burgondes, Alba

« Ego Rodulfus dotavi ecclesiam sancti Petri inRumpone monte et in Valentinense aedificavi ecclesiamin honore sancti Albani, dotavi Deo et sancto Vincentioet in Valentinense aedificavi ecclesias duas in honoresancti Proiecti et sancti Stephani. Dotavi eas. Ista omniatradidi Deo et sancto Vincentio. »2

En apparence, il n’y a aucune information directe surle site, si ce n’est que Rodolphe donne une église sur lamontagne de Rompon dont on sait qu’elle fut, au Xe siècle,le siège d’un prieuré conventuel clunisien. Au mieuxpeut-on affirmer qu’à la fin du VIIe siècle l’église Saint-Pierre est déjà en activité et qu’elle est de fondation plusancienne que les autres, dans la mesure où le donateur nel’a pas édifiée lui-même. Ce détail pourrait renforcerl’hypothèse ou la piste de travail précédemment évoquéeselon laquelle l’église et le site auraient pu être fondéssimultanément. Rien ne permet cependant de déterminersi, à cette date, la forteresse en est toujours une3.

En revanche, la notice en dit beaucoup plus sur lagéographie administrative du haut Moyen Âge qui appa-raît d’emblée très différente de l’organisation diocésaineconnue à partir du XIIIe siècle. La limite entre Vivarais etValentinois est en effet bien plus méridionale à hauteépoque : les églises de Saint-Priest, Saint-Alban etSaint-Etienne-du-Lac sont explicitement situées enValentinois tandis que le sens du texte ne laisse aucundoute sur la situation vivaroise de la montagne deRompon4. Dès lors, la carte qu’il est possible de réaliserà partir de ce texte montre l’existence d’une digitationvivaroise s’enfonçant en coin dans les terres valenti-noises, en y intégrant l’embouchure de l’Ouvèze (fig. 5).Le problème peut donc se poser de la manière suivante :la position intermédiaire du Couvent des Chèvres est-elleà l’origine de la création du site ? En d’autres termes, lalimite entre le Vivarais et le Valentinois a-t-elle constituéune frontière pendant la période d’activité reconnue de laforteresse et, si oui, la limite que nous avons déterminéeà la fin du VIIe siècle existe-t-elle déjà au VIe et auVe siècles ? Enfin, si l’hypothèse se révélait pertinente,d’autres sites proches n’auraient-ils pas été édifiés selonla même logique ?

L’histoire politique régionale permet de répondre demanière nuancée à la première de ces questions. Force

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2 Cette donation est extraite de la « Charta Vetus », autrement dit du cartulaire partiellement inédit de l’Église de Viviers. La partie la plus anciennedu document est une compilation datée de 950 rassemblant vingt-sept donations à l’Église de Viviers effectuées entre la fin du Ve et le début duVIIIe siècle. Dans le cadre de sa thèse de doctorat, Olivier Darnaud proposera une nouvelle édition de ce document. Cette notice, en particulier, nemontre aucune trace d’interpolation. La géographie historique qu’elle révèle prouve au contraire qu’elle est authentique, dans la mesure où elle fait lapart belle au territoire valentinois alors même qu’à l’époque de la compilation, le diocèse de Viviers s’est considérablement étendu au Nord, bien au-delà de la limite suggérée par cette notice. Quant à sa datation, la mention de saint Priest, évêque de Clermont, fournit un terminus a quo. La notice estnécessairement postérieure à 676, date du martyre de l’évêque. 3 De surcroît, au Xe siècle, le site de Rompon n’est pas même le chef-lieu éponyme d’un ager. En effet, la fondation du prieuré clunisien en 977 montreque le lieu relève de l’ager Albanense, aujourd’hui Saint-Alban sur la commune de Saint-Julien-en-Saint-Alban (Bruel, Bernard 1876-1903, II, n°1434,491-492). 4 La localisation vivaroise de Rompon est également appuyée par une deuxième notice de la Charta Vetus qui concerne une villa dans la dépendancede la curtis de Cruas appelée Exopergio et située au nord du Pouzin, à quelques centaines de mètres en contrebas du site du Couvent des Chèvres(Rouchier 1914, 639).5 Il faut préciser que le Vivarais n’existe, à proprement parler, que depuis la fin du Ve siècle. Il correspond au transfert des évêques d’Alba à Viviers vers475. C’est la raison pour laquelle nous parlons d’Alba pour la période antérieure au transfert et du Vivarais ensuite. Mais, en réalité, nous ignorons sil’autorité civile a également suivi le même trajet.

ARCHÉOLOGIE DU MIDI MÉDIÉVAL – TOME 26 - 2008

Fig. 5 : Espaces et souverainetés dans la région valentinoise àla fin du VIIe siècle.

Le Rhône

L‘OuvèzeLa Drôme

La Payre

l‘Eyrieux

Cruas

AUSTRASIE

NEUSTRIE-BOURGOGNE

NEUSTRIE-BOURGOGNE

Exopergio

0 10 km 2

80 m

Couvent des Chèvres (Rompon)

VALENCE

ToulaudSoyons

Crussol

Saint-Alban

Saint-Etienne-du-LacSaint-Priest

Le Puy

Viviers

Valence

2607

900 m

VIVIERS

Limite diocésaine tardive (XIIIe siècle)

Chef-lieu diocésain

Lieu référencé dans un diocèse ou un espace politique

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comprise6. Cette première campagne se conclut par leretrait provisoire des troupes d’Euric de Provence etl’avancée des armées d’Hilpéric jusqu’à la Durance.Euric passe à nouveau à l’offensive en 476, tenant défi-nitivement les Burgondes à distance du rivage méditerra-néen. Dès lors, les frontières des deux royaumes parais-sent durablement établies. À cette date, en effet, les fron-tières rhodaniennes du royaume wisigoth vont connaîtreune trentaine d’années de stabilité, jusqu’à l’effondre-ment du royaume lui-même. Une épitaphe découverte àViviers au XVIIIe siècle et datée du règne d’Alaric II(C.I.L. XII, n°2700) montre incontestablement que leVivarais fut rattaché au royaume wisigoth tandis que lacité de Valence constituait alors un territoire burgonde.Durant une génération, la ligne de séparation entre lesdeux cités a donc constitué plus qu’une délimitationadministrative, une frontière politique. Celle-ci s’effacemomentanément en 508 avec la fin du royaume deToulouse. L’ancien territoire wisigoth passe sous lacoupe des Francs, à l’exception du Vivarais qui échoitaux Burgondes. La même année, Théodoric met enmouvement ses troupes qui prennent le contrôled’Avignon et de Viviers. Ces prises sont éphémères carles Burgondes reprennent les deux cités l’annéesuivante : Avignon par un traité et Viviers par la force(Delaplace 2000). Pour peu de temps cependant car, en534, le royaume de Gondebaud s’effondre à son toursous les coups des Francs, laissant le soin aux héritiers deClovis de s’en disputer les dépouilles. Pour s’en tenir ànotre région, nous nous contenterons d’observer que leVivarais échut à Théodebert tandis que le Valentinois etle Tricastin suivirent les destinées du royaume deChildebert. Suite à ce partage, le Couvent des Chèvres sesitue à nouveau sur un espace frontalier entre deux regnafrancs le plus souvent rivaux pendant tout le VIe siècle etau-delà (Cardot 1987, 165-179). À l’issue de cette brèveesquisse d’histoire géopolitique, nous voudrions seule-ment souligner le fait qu’entre Vivarais et Valentinois il ya eu, sur deux siècles, un peu plus de quatre-vingts ansde frontière. Nous ne pouvons être certains que cetteposition particulière soit la raison d’être du site, sonorigine mais elle constitue à n’en pas douter une de sesraisons de fonctionner. La question est maintenant desavoir si la carte administrative et politique de la fin duVIIe siècle est aussi celle des siècles précédents et, à plusgrande échelle, de quel côté de la frontière le Couventdes Chèvres se situe.

Sur ce dernier point, la documentation ne devientabondante et précise qu’à la fin du VIIe siècle. En effet,nous disposons de la donation de Rodolphe qui permetde fixer de manière assez sûre la limite entre leValentinois et le Vivarais, tandis qu’un ensemble épigra-phique du dernier tiers du VIIe siècle, mis au jour autourdu massif de Crussol, permet de restituer au royaumed’Austrasie un espace en corridor reliant une étroitefaçade sur le Rhône à l’Auvergne (Descombes 1985,

230-241 et Darnaud 1998, 224-239). La cartographie deces données permet incontestablement de rattacher le sitede Rompon au Vivarais et, à une autre échelle, auroyaume de Neustrie-Bourgogne (fig. 5). On observerala situation particulière de la forteresse qui ne se trouvepas au centre d’un terroir mais à l’extrémité d’une petitedigitation, constituant l’ultime avancée du Vivarais auNord. Malheureusement, il y a un hiatus entre la préci-sion de ces données historiques et la chronologie actuelledes vestiges mis au jour. Nous ne pouvons être certainsqu’à la fin du Ve siècle, c’est-à-dire à l’époque de lafondation du site, le territoire du Vivarais soit identique,car les données manquent pour cette période (fig. 6).Nous devons nous contenter d’une borne milliaire del’empereur Constantin (307) mise au jour à Cruas etnumérotée depuis la cité d’Alba (C.I.L. XII, n°5566). Ausud de cette localité, le territoire est donc incontestable-ment « helvien ». Au Nord, seules des données hagio-graphiques sur l’évêque Apollinaire de Valence permet-tent de penser que le Valentinois s’étendait au-delà duRhône à la fin du Ve siècle. Le village de Soyons, enparticulier, devait faire partie du royaume burgonde.Mais la source est ici sujette à caution, dans la mesure oùil s’agit de récits d’historiens du XVIIe siècle, à savoirNicolas Chorier et Jean Colomb (Columbi 1672, 9 etChorier 1661, 440). Si les sources utilisées par cesauteurs étaient fiables, quoique souvent disparues aujour-d’hui, l’interprétation qu’ils en font ou les bribes qu’ilsnous en livrent doivent nous inciter à la prudence. Cesdonnées certes très limitées ne modifient cependant pasfondamentalement la cartographie historique précédente,dans la mesure où la montagne de Rompon est déjàsituée à cette époque sur un espace de confins. La docu-mentation contemporaine de la fondation du site est doncavare en informations d’ordre géohistorique. Il faut se

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6 « Quapropter, etsi ad integrum conicere non possum, quantas tibi gratias Arelatenses, Reienses, Avenniocus, Arausionensis quoque et Albensis,Valentinaeque nec non et Tricastinae urbis possessor exsolvat […] »

LE COUVENT DES CHÈVRES AU POUZIN (ARDÈCHE) : DÉCOUVERTE D’UN SITE FORTIFIÉ DE HAUTEUR TARDO-ANTIQUE

Fig. 6 : Le contexte politique dans la région valentinoise à lafin du Ve siècle.

Le Rhône

L‘OuvèzeLa Drôme

La Payre

l‘Eyrieux

07 26

Couvent des Chèvres

VALENCE

Soyons(a. 490)

Le Puy

Viviers

Valence

Alba

0 10 km 2

80 m

900 m

Chef-lieu de cité et de diocèse

Lieu rattaché à une cité ou à un diocèse

Cruas(306-307)

Royaumeburgonde

Royaumeburgonde

Royaumewisigothique

ALBAeVIVIERS(c. 475-480)

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rieure. La tentation est grande, en effet, de considérerque la situation administrative mise en évidence à l’ex-trême fin du VIIe siècle soit valable deux siècles aupara-vant car les limites connues pour l’Antiquité semblent,en définitive, très proches de celles observées ensuite. Sion ne peut démontrer que le Couvent des Chèvres appar-tient dès l’origine à une même cité et/ou à un mêmediocèse on peut néanmoins être certain que sa positionfut pendant les premiers siècles de notre ère intermé-diaire, aux marges de deux territoires.

De surcroît, la comparaison avec d’autres sites dehauteur rhodaniens nous incite à suivre cette piste car lemême raisonnement peut être appliqué aux sites fortifiésde Château-Porcher et de Saint-Saturnin, en tout ou enpartie sur les communes de Châteauneuf-du-Rhône et deDonzère. Il s’agit là aussi de sites imposants et sansdoute d’initiative publique – dont un unicum – qui sesituent à l’extrême limite du diocèse de Viviers, face auTricastin (Ode 1998). Si, dès le IXe siècle, il ne fait aucundoute que Donzère ne relève plus du Vivarais, au civilcomme au religieux (Giry et alii 1952, n°443, 493-497),et vraisemblablement aussi Châteauneuf-du-Rhône, uneanalyse minutieuse de la documentation montre qu’avantle VIIIe siècle une étroite bande de terre sur la rive gauchedépendait du diocèse de Viviers. La Charta Vetus est unefois encore une source déterminante. La donationd’Alcinius et Macedonia cite en effet le lieu de Bello,aujourd’hui Bel sur la commune de Pierrelatte, commedépendant de l’église de Cousignac (Cuisiniano) enVivarais. Le domaine de Bel, ainsi que les terres faisantface à la ville de Bourg-Saint-Andéol de l’autre côté duRhône sur la rive gauche ont, de surcroît, fait partie dudiocèse de Viviers jusqu’à la création des communes en1790. L’analyse de la charte de donation de l’abbaye deDonzère à l’abbaye de Fontenelle en 677 est encore plusexplicite : elle situe clairement Donzère « in episcopatuVivariensis » (Font-Reaulx, 1937-1938, 234-235). Laconfiguration des sites de Château-Porcher et de Saint-Saturnin est par conséquent très proche de celle déjàrencontrée au Pouzin, ainsi que la chronologie. Dans lesdeux cas, les sites sont attestés à partir du Ve siècle. Cesont des réalisations d’une ampleur certaine, localiséesaux limites de la cité et, à certaines périodes, aux fron-tières d’un royaume. Sur les deux sites, la frontière nousparaît être une clé d’interprétation essentielle. Cette cléest d’ailleurs indirectement confirmée par les textes.Cassiodore mentionne ainsi l’existence d’un ensemblede fortifications le long de la Durance, à la frontière entreles royaumes burgonde et ostrogoth (Cassiodore, III,n°41)9. Certes le récit ne concerne pas directement leVivarais ou le Valentinois mais il met en scène les mêmes

reporter à une situation plus ancienne pour espérer déli-miter un peu mieux l’espace de la cité d’Alba ou, dumoins, vérifier qu’il n’y ait pas de contradiction avec lespropositions précédentes. Les données sont ici consti-tuées par des bornes milliaires du IIe siècle (Napoli etRebuffat 1992, 51-79) et par une série d’inscriptions maldatées de la cité de Nîmes, vraisemblablement aussi duIIe siècle (C.I.L. XII, n° 2317, 3316 et 4107). Cesdernières évoquent une corporation d’utriculaires del’Ardèche (Atricae) et de l’Ouvèze (Ovidis)7. On peuthésiter sur la localisation de l’Ouvèze, dans la mesure oùil existe deux rivières homonymes se jetant dans leRhône : l’une au nord d’Avignon, l’autre au Pouzin enArdèche. Identifier l’Ouvèze ardéchoise présente doncune cohérence géographique certaine, dans la mesure oùl’activité des utriculaires correspondrait précisément auxlimites supposées de la cité d’Alba. L’hypothèse, déjàancienne, retient l’attention (Jullian 1921, 271, note n°1et 401, note n°2). Mais le raisonnement qu’elle induit estpourtant biaisé car, outre le fait qu’on ne sait presque riendu fonctionnement réel de cette corporation et d’uneéventuelle cohérence géographique de son activité, il y adans cette hypothèse une recherche évidente de corres-pondances avec les diocèses ou les pagi médiévaux quisous-tendent traditionnellement la restitution des limitesantiques. L’Ovidis de l’inscription est très probablementl’Ouvèze vauclusienne, malgré les difficultés quesoulève une telle identification (Burnand 1971, 152-153). En définitive, il paraît plus juste de s’interroger surla pertinence même de l’attribution traditionnelle del’Ardèche à la cité des Helviens, d’autant plus qu’uneurne funéraire épigraphe exhumée à Vallon-Pont-d’Arctend, elle aussi, à éloigner les Helviens du cours de cetterivière (C.I.L. XII, n°56868), sans compter deuxcadastres uzégeois qui s’étendent de part et d’autre decelle-ci (Assenat 1996, 92 et 116). Potentiellement, celarevient à soustraire à l’identité régionale deux de sessymboles fédérateurs et c’est sans doute la raison pourlaquelle les historiens régionaux n’ont jamais envisagécette éventualité. Restent donc les bornes milliairesdatées du règne d’Antonin (145-146). Ce bornageprésente une particularité rare, à savoir qu’il couvre l’en-semble de la voie reliant le nord de la cité d’Alba au sudjusqu’à Vagnas. Les bornes conservées ou seulementréférencées sur le trajet sont encore nombreuses, répar-ties avec régularité et l’on peut estimer la proportion desbornes connues à 1/3 environ. De fait, la dernièrecolonne milliaire retrouvée au nord d’Alba place lalimite de cette cité, au minimum, 3 ou 4 km en amont duvillage de Cruas, peu avant l’embouchure de la Payre.Une délimitation plus haute n’est certainement pas àexclure mais aucun élément matériel ou documentaire nela corrobore, sauf à recourir à la documentation ulté-

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7 Deux des inscriptions proviennent de l’amphithéâtre de Nîmes et la troisième de Saint-Gilles-du-Gard. C’est la même formule qui est employée maisl’inscription la plus ancienne est aussi la plus complète (n°3316) : NAUT(is) ATR[icae] ET OVIDIS (...).8 Col(onia) Nem(ausensium). Deux autres urnes de ce type sont connues, l’une à Nîmes, l’autre à Balaruc. La prise en charge publique de la sépulturedes pauvres est un phénomène attesté qui relève de chaque civitas. C’est la raison pour laquelle ce type d’inscriptions pourrait constituer un marqueurterritorial.9 « Tritici itaque speciem, quam ob exercituales expensas nostra providentia de Italia destinavit, ne fatigata provincia huius praebitione laederetur, adcastella supra Druentiam constituta de Massiliensibus horreis constat esse portandum. ». Lettre datée de 508 ou 510.

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protagonistes, Goths et Burgondes, et nous assure qu’auVIe siècle la démarcation et le contrôle des territoires ontété une motivation réelle – quoique non exclusive – dansl’édification de certains sites fortifiés de hauteur. Nousrejoignons en cela les conclusions d’autres études ponc-tuelles menées dans le Languedoc ou en Catalogne(Schneider 2001, 443 et Constant 2005, 35-45 et 60-62).Pour clore cette analyse, il nous paraît également impor-tant d’évoquer le cas du transfert de l’évêché d’Alba àViviers à la fin du Ve siècle. Deux hypothèses sont ordi-nairement évoquées pour expliquer le déplacement duchef-lieu épiscopal (Lauxerois 1983). Il y a d’abord l’hy-pothèse traditionnelle du site-refuge : les évêques deViviers auraient fui la cité d’Alba dépourvue de rempartspour se réfugier sur le rocher de Viviers, mieux défendu.Les opérations militaires d’Euric en 475 sont en effet soitcontemporaines soit de peu antérieures au déplacementdu siège. La concomitance des deux événements nepouvant être fortuite, l’explication allait de soi. Dans lesannées 60, une autre explication fut avancée se substi-tuant à la première, à savoir qu’Alba aurait amorcé unlent déclin économique au profit du port fluvial le plusproche, mieux situé sur l’axe commercial rhodanien. Cen’est pas le lieu de discuter ces hypothèses mais nousvoudrions seulement apporter un élément supplémen-taire de réflexion sur cette question, dans la mesure où lagéographie historique régionale met peut-être en lumièreun facteur nouveau. Un indice matériel a été négligéjusqu’à présent. Il s’agit d’une borne milliaire datée del’empereur Valérien découverte au XVIIIe siècle dans lesfondations de la chapelle Notre-Dame-du-Rhône àViviers (C.I.L. XII, n°5571). Cette découverte était asso-ciée à d’autres inscriptions dont la provenance locale nefait aucun doute tout comme, selon nous, la bornemilliaire. Le problème est que l’indication de distance,sans origine explicite, paraît aberrante : 14 milles, soit18 km. Cette indication pose problème dans la mesure oùl’on admet, a priori, qu’Alba est l’origine du comput. Or,Alba se trouve à 12 km de Viviers. La discordanceobservée ne pouvait donc se résoudre qu’en supposant undéplacement de la colonne sur une distance de 6 kmjusqu’à la chapelle Notre-Dame. Cela paraissait aller desoi. A contrario, il n’y a pas d’erreur si l’on considèreque la distance milliaire a pour origine AugustaTricastinorum. Saint-Paul-Trois-Châteaux est en effetexactement située à 18 km de Viviers. Simple coïnci-dence ? Nous ne le pensons pas et il nous semble quecette explication est beaucoup plus satisfaisante que l’hy-pothèse précédente. Les fragments du cadastre d’Orangemettent également en évidence le fait que Viviers a faitpartie de la pertica de la colonie et les deux indices lais-sent donc à penser que ce lieu n’a jamais été une compo-sante de la cité d’Alba. Pourtant, Viviers a incontestable-ment supplanté Alba à la fin du Ve siècle, au moins dansle domaine de l’organisation ecclésiastique et vraisem-blablement aussi dans le domaine civil. Cela suppose quel’une et l’autre ont fait partie, à un moment donné, d’unmême territoire. Cette unité territoriale ne peut être anté-rieure au règne de Valérien. L’expédition d’Euric et saconséquence immédiate, à savoir le rattachement duVivarais au royaume wisigoth fournit sans doute l’expli-

cation la plus probable. Le rattachement de Viviers à lacité d’Alba et le déplacement du chef-lieu de cité d’Albaà Viviers pourraient en effet être simultanés. À la fin duVe siècle, la frontière de la cité s’est déplacée sur leRhône ainsi que son chef-lieu. La particularité de cenouveau centre est d’avoir été ceinturé de murailles aumoins depuis la première moitié du VIe siècle, tandisqu’Alba est toujours restée un site de plaine ouvert. Noussavons en effet que l’évêque Venance s’est chargé derestaurer les remparts de sa cité. L’information nousvient des manuscrits liturgiques de Viviers, corroboréspar une épitaphe anonyme qui mentionne les moeniaurbis (C.I.L. XII, n°2705). Entre 516 et 544, datesprobables de l’épiscopat de Venance, les remparts de laville ont ainsi été remis en état de défense, ce qui signifieévidemment que leur construction est antérieure. A-t-elleprécédé l’expédition d’Euric ? C’est peu probable dansla mesure où la promotion de Viviers en évêché après475 et, sans doute aussi, en chef-lieu de cité a dû consti-tuer la raison d’être de ces murailles. Autrement dit et àrebours de l’historiographie du siècle dernier, ce n’estpas l’existence d’un site fortifié qui expliquerait le dépla-cement du siège épiscopal mais c’est du fait de la promo-tion de Viviers au rang de chef-lieu diocésain – et civil ?– que le site aurait été ceinturé de fortifications. Viviersprésente, en définitive, certaines similitudes avec lesexemples précédents qu’il nous paraissait important desouligner : la topographie du site, l’importance d’unesituation au bord du Rhône qui devait constituer la fron-tière du royaume wisigoth, la construction probable demurailles au cours du Ve siècle.

En résumé, il nous est apparu que le site du Couventdes Chèvres par ses dimensions mêmes et la symboliquede pouvoir dont il est porteur ne pouvait être l’œuvre qued’une puissance publique. En étudiant le contexte d’im-plantation il est également apparu qu’il se situait enlimite de diocèses ou de cités et, à certaines périodes, auxfrontières d’ensembles politiques rivaux. La frontière etl’histoire politique sont-elles sa raison d’être ? C’est, endéfinitive, l’interprétation que nous proposons bien quenous ayons parfaitement conscience de la difficulté oudes risques que comporte une hypothèse qui conduit, endernière analyse, à identifier des vestiges à des événe-ments.

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