Colloque Tunis

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1 Titre « Politique budgétaire et croissance : Référence au cas d’un pays rentier ». Toufik HAMDAD, Maitre assistant, Doctorant, Faculté des sciences économiques, commerciales et de gestion, Université Tizi-Ouzou, Algérie. Résumé : L’objectif de cette contribution est de montrer, à travers la conduite de la politique budgétaire en Algérie, les grandes orientations et les moyens mis en place pour sa concrétisation en vue de mesurer son impact sur la croissance économique. Nous tacherons une importance particulière à la période allant de 1990 à 2010. Le débat théorique autour des effets des dépenses publiques et de la fiscalité sur la production constitue sans doute un des sujet de controverse entre grandes écoles : les keynésiens et post keynésiens qui insistent sur les effets de relance d’une intervention de l’Etat par l’instrument budgétaire notamment en phase de récession économique. la remise en cause des vertus des idées keynésiennes fut par les monétaristes, sous l’égide de Friedman M. et puis par Lucas. Les principaux arguments développés consistent en l’ « équivalence ricardienne » formulée par Barro R. montrant la neutralité de la politique budgétaire. En effet, l’emprunt d’aujourd’hui est synonyme des impôts futurs, la rationalité des agents les mènent à prendre des précautions pour faire face aux remboursements des emprunts par la fiscalité. Un autre courant plus radical, développe la « Théorie antikeynésienne des finances publiques, montre que la politique budgétaire n’est pas seulement neutre, mais anticyclique. Sur le plan empirique, beaucoup d’études ont été menées. Certaines concernent des échantillons de pays, notamment suite au développement par Barro de la méthodologie d’analyses transversales sur des bases de données macroéconomiques internationales, d’autres contributions sont orientées vers l’analyse de cas. Beaucoup d’études testent l’influence de plus en plus de facteurs sur la croissance économique , education, infrastructure, capital humain… à ce sujet, Sala-i-Martin intitule un de ses papiers « I just ran two million regressions ». En effet, si la décennie 2000-2010 est caractérisée par l’ampleur des dépenses budgétaires engagées à travers les plans de relance économiques successifs mis en place, la décennie qui l’a précédée était plutôt marquée par une austérité budgétaire du fait du plan d’ajustement structurel mis en place. En Algérie, ces dépenses publiques ne sont plus financées par l’emprunt ni par la fiscalité ordinaire mais plutôt par la fiscalité pétrolière budgétisée et le concours du Fonds de

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Titre « Politique budgétaire et croissance : Référence au cas d’un pays rentier ». Toufik HAMDAD, Maitre assistant, Doctorant, Faculté des sciences économiques, commerciales et de gestion, Université Tizi-Ouzou, Algérie.

Résumé : L’objectif de cette contribution est de montrer, à travers la conduite de la politique

budgétaire en Algérie, les grandes orientations et les moyens mis en place pour sa

concrétisation en vue de mesurer son impact sur la croissance économique. Nous tacherons

une importance particulière à la période allant de 1990 à 2010.

Le débat théorique autour des effets des dépenses publiques et de la fiscalité sur la

production constitue sans doute un des sujet de controverse entre grandes écoles : les

keynésiens et post keynésiens qui insistent sur les effets de relance d’une intervention de

l’Etat par l’instrument budgétaire notamment en phase de récession économique. la remise en

cause des vertus des idées keynésiennes fut par les monétaristes, sous l’égide de Friedman M.

et puis par Lucas. Les principaux arguments développés consistent en l’ « équivalence

ricardienne » formulée par Barro R. montrant la neutralité de la politique budgétaire. En effet,

l’emprunt d’aujourd’hui est synonyme des impôts futurs, la rationalité des agents les mènent à

prendre des précautions pour faire face aux remboursements des emprunts par la fiscalité. Un

autre courant plus radical, développe la « Théorie antikeynésienne des finances publiques,

montre que la politique budgétaire n’est pas seulement neutre, mais anticyclique.

Sur le plan empirique, beaucoup d’études ont été menées. Certaines concernent des

échantillons de pays, notamment suite au développement par Barro de la méthodologie

d’analyses transversales sur des bases de données macroéconomiques internationales, d’autres

contributions sont orientées vers l’analyse de cas.

Beaucoup d’études testent l’influence de plus en plus de facteurs sur la croissance

économique , education, infrastructure, capital humain… à ce sujet, Sala-i-Martin intitule un

de ses papiers « I just ran two million regressions ».

En effet, si la décennie 2000-2010 est caractérisée par l’ampleur des dépenses

budgétaires engagées à travers les plans de relance économiques successifs mis en place, la

décennie qui l’a précédée était plutôt marquée par une austérité budgétaire du fait du plan

d’ajustement structurel mis en place.

En Algérie, ces dépenses publiques ne sont plus financées par l’emprunt ni par la

fiscalité ordinaire mais plutôt par la fiscalité pétrolière budgétisée et le concours du Fonds de

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régulation des recettes créé en 2000, pour stabiliser les recettes de la fiscalité pétrolière

budgétisée.

La succession de plans initiés suite à la flambée des prix de pétrole sur les marchés

internationaux de matières premières, nous amène à formuler l’hypothèse selon laquelle, ces

plans n’ont pas réussi à enclencher la dynamique souhaitée de l’activité économique.

L’absence de véritable « compte rendu » établi par les institutions indépendantes1, notamment

les organes de contrôle budgétaires a priori nous analysons les données communiquées par la

Direction de la prévision du ministère des finances. Le traitement des données porte tant sur

les prévisions budgétaires que sur les réalisations. Une telle analyse permet de rendre compte

des objectifs arrêtés par la politique économique et de montrer les états consommations des

budgets et de recouvrements des recettes.

Question principale

Pourquoi la politique budgétaire menée en Algérie depuis 2000 n’arrive-t-elle pas à

assurer une croissance économique consolidée indépendante du secteur des hydrocarbures ?

Introduction

La plupart des analyses théoriques traitant de l’efficacité des politiques budgétaires et

de leurs répercutions sur les économies des pays qui les adoptent ne prennent pas en

considération le financement par les ressources naturelles des dépenses engagées. D’une part,

ces études donnent un rôle premier aux dépenses, à leur ampleur, à leur structure et à

l’importance des déficits qui se manifestent. D’autre part, les financements sont supposés être

assurés par une fiscalité présente et/ ou future lorsqu’il s’agit de faire recours à l’emprunt

public.

Ainsi, Auty R. (2007) mentionne que les modèles de la croissance économique

néoclassiques sont limités du fait qu’ils ne prennent pas en considération le capital naturel

(Sachs et Warner, 1995) et le capital social (Acemoglu et al., 2002). Ces deux facteurs

contribuent fortement à différencier les pays sur le plan de la croissance économique2.

Ce constat nous pousse à poser des questions fondamentales :

D’abord, peut-on parler de politique budgétaire dans un « pays rentier », dès lors que le

financement déroge à l’impôt ordinaire et à l’emprunt ?

Ensuite, la volatilité des prix du pétrole sur les marchés internationaux rend la gestion des

recettes pétrolières délicate. Ce constat avait amené la plupart des pays exportateurs du 1 En Algérie, la loi de règlement budgétaire, n’est pas établie par la cour des comptes, conformément à la loi cadre des lois de finances. 2 Auty R. (2007), « Natural resources, capital accumulation and the resource curse », Ecological economics, Elsevier, N° 61, P. 628.

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pétrole à se doter de fonds pétroliers notamment de stabilisation pour faire face à certains

chocs. De ce fait, il y a lieu de mentionner que la gestion des recettes pétrolières n’est pas

aisée, notamment, lorsqu’il s’agit d’effectuer un arbitrage entre des objectifs de stabilisation

immédiate et altruisme intergénérationnel. Dans ce sillage, une question mérité d’être posée :

comment les pays déterminent-ils le prix de référence du pétrole ? Autrement dit, quel est le

niveau de recettes à consommer et quel est le niveau de ces revenus à épargner et/ ou à

investir ?

Enfin, l’Algérie est l’un des pays qui à récemment mis en place un « Fonds de régulation des

recettes ». Quel en est le contexte de sa mise en place et quels sont les principaux objectifs qui

lui ont été assignés ? Quels sont les mécanismes de son fonctionnement ?

1- Défis de la politique budgétaire dans les pays exportateurs des hydrocarbures

1-2- La dépendance énergétique

La dépendance énergétique3 touche aussi bien les pays importateurs (caractérisés par

des économies fortement industrialisées et par de très hauts niveaux de revenus et pour

lesquelles les hydrocarbures constituent un input incontournable) que les pays exportateurs

(principalement en développement si l’on excepte la Russie et la Norvège) et dont les revenus

sont pour la plupart intermédiaires4. Toutefois, il demeure entendu que la dépendance des

pays exportateurs des hydrocarbures est plus ancrée que celle des pays importateurs. En effet,

selon le Fonds monétaire international, la flambée des prix de pétrole caractérisant la période

2002-2005, s’est soldée par une augmentation de seulement 1,24% du PIB mondial, alors que

les exportations des hydrocarbures se sont accrues de 33,2%5.

A cette dépendance se greffe un problème majeur que les pays exportateurs doivent

prendre au sérieux. Ce problème, découlant du caractère même de la ressource exploitée, est

désigné sous le vocable de « crise de l’énergie »6 qui désigne la raréfaction des gisements du

pétrole. Les politiques de production de pétrole conduisent à l’épuisement des ressources7. En

effet, les pays africains producteurs du pétrole possèdent 10% des réserves mondiales et

exportent 12% des exportations totales mondiales d’hydrocarbures. En effet, ce rythme

d’exportation plus élevé désigne une surexploitation des gisements par ces pays et fait, par

3 Parmi les indicateurs utilisés pour montrer cette dépendance, « le déficit fiscal non pétrolier » désignant la part des dépenses budgétaires payée par les revenus pétroliers plutôt que par des revenus non pétroliers. Voir Mitchell J. et Rochefort D. (2006), « L’autre face de la dépendance énergétique », Politique étrangère, 2006/2, Eté, P.265. 4 Selon la classification de la Banque mondiale base sur le critère du PNB/habitant 5 FMI, World Economic Outlook, Avril 2006, Chapitre 2, Tableau 2.1 6 Werrebrouk J.C. (1979), « Contribution à la théorie de la rente pétrolière », Revue d’économie industrielle, Vol. 9, 3ème trim., P. 118. 7 Mitchell J. et Rochefort D. (2006), « L’autre face de la dépendance énergétique », Politique étrangère, 2006/2, Eté, P.260.

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voie de conséquence, chuter la durée moyenne des réserves estimée à seulement une trentaine

d’années. Soit, une durée inférieure de 10 ans à la moyenne mondiale estimée à 40 ans8.

En Algérie, ces proportions sont encore plus graves. En effet, sa part de la production

de pétrole représente 2% de la production mondiale alors que les réserves prouvées ne

représentent que 0,9 % des réserves totales mondiales prouvées9.

La théorie du « syndrome hollandais » montre les effets macroéconomiques négatifs d’un

boom du secteur pétrolier : « substitution des importations à la production de biens de

consommation, volatilité des recettes fiscales, faible intégration de cette industrie dans le reste

de l’économie et impacts négatifs des revenus tirés de l’exploitation pétrolière sur la qualité

de la gouvernance et des institutions »10

Beaucoup d’études empiriques montrent que les pays dotés d’importantes ressources

naturelles affichent un certain retard en termes du rythme de croissance économique réelle à

long terme. Une des analyses menée sur une quinzaine de pays exportateurs des

hydrocarbures pour la période allant de 1960 à 200011, montre que ces pays avaient enregistré

un taux de croissance moyen bas comparativement aux pays en développement et aux pays

non exportateurs d’hydrocarbures (Phénomène attribué au « Deutch disease » ou au

« Paradoxe de l’abondance »). Toutefois, l’auteur montre que pour la décennie 1970 (marquée

par une augmentation marquée des prix de pétrole suite aux deux « chocs pétroliers »), les

taux de croissance enregistrés par ces pays exportateurs de pétrole, sont en moyenne plus

élevés que ceux des économies en développement.

Les mêmes conclusions sanctionnent une analyse portant sur une période- plus récente- allant

de 1981 à 2007. Cette dernière montre que le taux moyen de croissance économique des pays

exportateurs d’hydrocarbures est de 2,6 % par an alors que ce taux est de 4,2% pour les

économies émergentes12.

Une des explications les plus solides de « la malédiction des ressources » est celle qui

repose sur des approches d’économie politique qui recherche comment la richesse en

ressources naturelles peut influencer de manière négative les politiques économiques et être à

l’origine d’échecs politiques et institutionnels13.

8 Gacem B. (2007), « La rente pétrolière en Afrique : Bénédiction ou malédiction ? », Finance & bien commun, De Boeck Université, 2007/3, N° 28-29, P. 115. 9 BP statistical review of world energy, Juin 2011, P. 6-8 10 Massayeau B. et Dorbeau-Falchier D. (2005), « Gouvernance pétrolière au Tchad : La loi de gestion des revenus pétroliers », Afrique contemporaine, De Boeck Université, N° 216, 2005/4, P.140. 11 El Anshasy A., « Oil prices and economic growth in Oil exporting countries », Collage of business and economics, United Arab Emirates University, P.1 12 Strum M. et al. (2009), « Fiscal policy challenges in oil-exporting countries: A review of key issues », European central Bank, Occasional paper series, N° 104, June, P.9. 13 Tompson W. (2007), « Un Venezuela du froid ? La « malédiction des ressources » et la politique russe », Politique étrangère, 2007/5, Hors série, P. 114.

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Les conclusions des analyses portant sur des données concernant un échantillon de

pays, révèlent les tendances générales qu’il convient parfois de prendre avec prudence, de

détecter les données qui influencent la tendance, ou bien tout simplement à montrer quelques

différences significatives entre les pays. En effet, si les ressources de la rente sont corrélées à

la croissance, El Anshasy A.14, montre en effet que des différences significatives existent

entre les pays. Ces dernières s’expliquent par la manière avec laquelle les gouvernements

consomment leurs surplus pétroliers et la manière avec laquelle ils ajustent leurs dépenses en

périodes de chute des prix.

1-2- Les défis de la politique budgétaire dans les pays exportateurs des hydrocarbures

Dans les pays exportateurs des hydrocarbures, la politique budgétaire se heurte à

plusieurs défis spécifiques liés principalement aux caractéristiques des ressources servant le

financement des dépenses budgétaires et à leur poids dans l’économie.

En effet, les revenus des hydrocarbures constituent les principales ressources des Etats

dans la plupart des pays. Ces ressources sont par ailleurs épuisables, volatiles, incertaines et

largement dépendantes de la demande externe. Ce sont ces caractéristiques qui posent les

défis majeurs dans les horizons temporels du long terme ou du court terme. A long terme, les

défis se posent en termes d’équité intergénérationnelle et de soutenabilité budgétaire15. Tandis

qu’à court terme, les défis à relever concernent la stabilisation macroéconomique et la

planification budgétaire.

2-1-1- Les défis de stabilisation : conciliation d’objectifs contradictoires à court terme

En période de boum, comme c’est le cas pour la décennie 200016, des effets

macroéconomiques favorables sont enregistrés en termes de croissance économique prospère,

des excédents budgétaires et des paiements courants. Toutefois, si dans les décennies

précédentes, les pays exportateurs avaient enregistré une faible inflation, comparativement

aux pays émergents, et des pays en développement en général17, la hausse des pressions

inflationnistes est apparue comme un défi croissant dans la plupart des pays exportateurs des

hydrocarbures durant cette période de boom.

14 El Anshasy A., « Oil prices and economic growth in Oil exporting countries », Collage of business and economics, United Arab Emirates University, P.16. 15 Le cas de la Norvège peut être cité comme exemple. En effet, l’épuisement des ressources à l’horizon 2025, pose le problème de financement des retraites et de la difficulté de la soutenabilité des finances publiques, bien que ce pays dispose d’un fonds souverain des plus transparents et des plus importants. Voir à ce sujet, l’étude de l’OCDE, 16 Même si les prix avait connu une baisse très significative sous l’effet de la crise financière des subprimes à la mi-2008, les cours de pétrole ont repris, par la suite, leur mouvement d’ascension. 17 Strum M. et al. (2009), « Fiscal policy challenges in Oil exporting countries: A review of key issues », European Central Bank, Occasional paper series, N° 104, June, P.14.

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La plupart des pays exportateurs, face à cette situation avaient utilisé une partie des

excédents budgétaires pour mener des politiques budgétaires expansionnistes. Or contenir

l’inflation nécessite des politiques économiques (monétaire et budgétaire) plutôt restrictives.

Les explications de cette orientation de politique économique trouvent leur fondement dans :

les pressions pour redistribuer immédiatement les revenus des recettes des hydrocarbures à la

population (consciente de la conjoncture prospère) ; les besoins de dépenses liées au

développement (dépenses en infrastructures) et enfin les considérations internationales qui

font que les revenus pétroliers sont recyclés dans un contexte de déséquilibre global.

2-1-2- Les défis à long terme

A long terme, les restrictions budgétaires et l’accumulation des actifs financiers ; c'est-

à-dire, l’épargne des excédents de revenus, peut constituer une garantie pour une soutenabilité

budgétaire et une équité intergénérationnelle, alors que la conduite de la diversification de

l’économie dans beaucoup de pays requiert des investissements publics en infrastructure et en

éducation, par exemple.

Une des voies possibles dans un contexte de hausse des prix des hydrocarbures étant

l’amélioration de la structure des dépenses publiques (en privilégiant les dépenses

d’investissement et en contenant les dépenses courantes). Par ailleurs le rééquilibrage de la

politique mix-macroéconomique par le resserrement de la politique monétaire dans les

moments de croissance économique prospère peut aider à éviter la surcharge de la politique

budgétaire par des objectifs contradictoires.

Ceci requiert la modification des régimes de taux de changes prédominants par l’adoption de

régimes de change flexibles. La plupart des pays exportateurs sont confronté à la volatilité et

au « Dutch Disease » qui incitent les autorités monétaires à l’adoption de régimes de change

plus flexibles, en particulier du fait de la cotation du prix de pétrole en dollar américain18.

2- problématique de la gestion des recettes pétrolières

2-1- la création des fonds d’épargne et de stabilisation

Les réponses institutionnelles pour les défis spécifiques pour la politique budgétaire

dans les pays exportateurs de pétrole entrainent la fixation des budgets sur la base des prix de

pétrole prévisionnels prudentiels et plus récemment, l’établissement des fonds de stabilisation

et d’épargne explique dans peu de cas les règles fiscales. Lorsque chaqu’une des réponses a

ses mérites et ses inconvénients. Aucune n’est la solution pour redresser les défis à court

18 L’appréciation des taux de change réel des économies exportatrices peut être expliquée par une dépréciation de la valeur du dollar (monnaie de facturation des exportations du pétrole) du fait des de la balance des transactions courantes américaine lourdement déficitaire.

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terme et à long terme. Elles peuvent être des outils qui aident, mais les effets désirés ne

peuvent être réalisés que si la qualité des institutions de l’Etat et le niveau de gouvernance en

général conduisent à la responsabilisation de la conduite budgétaire.

En raison de l’irrégularité frappant les revenus des exportations du pétrole, les pays

exportateurs des hydrocarbures avaient profité des périodes de boom19 pour créer des fonds

dans le but de promouvoir l’efficacité de la politique budgétaire par :

- une offre de protection, contre la volatilité des prix des hydrocarbures, par

l’encouragement de l’épargne dans les périodes de boom.

- La stabilisation des dépenses publiques en assurant leur conduite en fonction des

objectifs de moyen terme définis au lieu des disponibilités de revenus à court terme.

- L’investissement des surplus accumulés pour concilier les besoins des générations

futures.

Les stratégies des pays divergent en termes de gestion de surplus pétroliers. Si la Norvège, le

Koweït et Abu Dhabi ont mené une politique d’investissement à l’étranger, l’Algérie, l’Iran et

le Venezuela ont plutôt opté pour la création de fonds de réserves.

La faible croissance durant la décennie 1980-1990 (soit après le second choc pétrolier de

1979), montre à quel point la volatilité des prix des hydrocarbures pouvait influencer la

croissance économique. En effet, la raison de la récession observée en Algérie pour cette

période était la combinaison de deux facteurs : d’une part la forte croissance démographique

et d’autre part la chute des prix des hydrocarbures. La poussée démographique avait poussé

l’Algérie à adopter un programme de maîtrise de la croissance démographique en 1983 ;

programme dit de « planification familiale » qui repose principalement sur l’espacement des

naissances. L’indice de fécondité passe dès lors de 7,1% en 1980 à 4,61% en 199020. De leur

côté, les prix des hydrocarbures avaient connu un rebondissement au début de la décennie

1990 suite à l’invasion du Koweït par l’Irak. D’autres événements impactent la croissance

économique dans les pays principalement exportateurs des hydrocarbures21. En effets les

crises financières successives impactent négativement la sphère économique réelle et

entraînent un ralentissement de la croissance économique mondiale. Par conséquent la faible

demande de l’énergie fait baisser les prix de ces inputs sur les marchés internationaux des 19 Principalement, deux vagues principales de création de fonds peuvent être distingués, ceux apparu suite aux chocs pétroliers, dans une optique plutôt d’épargne, et ceux créés au début de la décennie 2000 avec une orientation vers l’objectif de stabilisation. 20 Hemal A. et Haffad T. (1999), « La transition de la fécondité et politique de population en Algérie », Revue sciences humaines, N° 12, Université Mentouri, Constantine, P. 65. 21 L’Algérie figure parmi les dix pays pour lesquels les exportations d’hydrocarbures comptent pour plus de 40% du total des exportations. Ces pays sont : Algérie, Iran, Koweït, Lybie, Nigeria, Norvège, Russie, Arabie Saoudite, Emirats Arabes Unies, Venezuela.

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matières premières. Les crises asiatique en 1998, a fait chuté le prix de pétrole au deçà de la

barre des dix dollars le baril. Plus récemment, la crise des subprimes a mis une fin au cycle de

croissance des prix de pétrole entamé depuis le début de la décennie 2000, sous l’effet de la

forte croissance enregistrée par la Chine22.

2-2- Fiscalité budgétée et problème de fixation du prix de référence

Une des réponses institutionnelles23 à la volatilité des prix des hydrocarbures consiste

en la formulation de prévisions prudentielles des prix des hydrocarbures. Cette solution

comporte désormais certains avantages mais aussi des inconvénients.

En effet, l’avantage de cette pratique réside dans le fait qu’une sous évaluation des

prix prévisionnels du pétrole (servant de base pour la projection des engagements budgétaires)

constitue un signe de prudence budgétaire. Elle est motivée le plus souvent par des

considérations de d’économie politique. Budgétiser sur la base des prix des hydrocarbures

aide à contenir les dépenses et faire apparaitre de faibles excédents budgétaires, ce qui atténue

les pressions de dépenses pour les autorités.

L’inconvénient majeur de cette pratique réside dans le fait que les prévisions

prudentielles réduisent la transparence et accroissent la marge de manœuvre des pouvoirs

exécutifs. En fait les gouvernements ont souvent infligé une grande discrétion quant à

l’utilisation des surplus des hydrocarbures.

En Algérie, la fixation du prix de référence se fait une fois tous les dix ans. Le prix

adopté est arrêté sur la base de la moyenne arithmétique simple des prix enregistrés durant la

décennie écoulée. Ainsi, pour la période 1998 jusqu'à 2007, le prix de référence servant de

base pour l’élaboration du budget de l’Etat ainsi que des objectifs des lois de finances était 19

dollars le baril. Ce prix a été révisé par les dispositions de la loi de finances complémentaire

de 2007. Pour 2008, le budget étant établi sur la base de 37 dollars le baril du pétrole. Soit le

prix moyen effectif nominal enregistré durant la décennie 1998-2007.

Pour la décennie 1998-2007, il apparait que les objectifs des lois de finances étaient

sous estimés du fait que les prix de pétrole moyen représente presque le double du prix

prévisionnels sur lesquels ces budgets ont été arrêtés.

Les prix moyens enregistrés durant cette période sont donnés dans le tableau ci-dessous :

22 La Chine est le deuxième pays consommateur de l’énergie après les Etats Unies d’Amérique. En 2010, sa part dans la consommation mondiale du pétrole représente 10,6%, selon les statistiques de British petroleum, voir « BP statistical review of world energy », juin 2011, P.9. 23 En plus de la prudence dans la fixation des prix de référence, les pays exportateurs d’hydrocarbures ont créé des fonds de stabilisation et/ou d’épargne et la plupart des pays ont instauré des règles budgétaires plus au moins strictes. Voir occasional paper series N° 104, juin 2009, European central Bank, op.cit, P.42.

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Tableau N° : Evolution du prix moyen du pétrole pour la période 1988-1997

Année 1988 1989 1990 1991 1992 1993 1994 1995 1996 1997 Moy

Prix

moyen

14.92 18.23 23.73 20.00 19.32 16.97 15.82 17.02 20.67 19.09 18.58

Source : Brent dated statistiques publiées sur le site internet de British Petroleum

Au courant de cette décennie, l’évolution des cours du pétrole nominaux a connu trois

phases : entre 1988 et 1990, les cours ont passé de 14,92 dollars le baril au niveau record

enregistré durant la décennie soit 23,73 $, soit une augmentation d’à peu près 60%. De 1991 à

1994, les prix avaient chuté passant de 20 $ à seulement 15,82 $ le baril. Ces chutes de prix

accentuaient les tensions de l’austérité budgétaire dictée par le Plan d’ajustement structurel. A

partir de 1995, les prix avaient connu une reprise avant de finir avec une légère baisse en 1997

(conséquences de la crise financière asiatique et du ralentissement de la croissance

économique mondiale).

Tableau N° : Evolution du prix du pétrole pour la période 1998-2007

Année 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 Moy

Prix

moyen

12.72 17.97 28.50 24.44 25.02 28.83 38.27 54.52 65.14 72.39 36.78

Source : Brent dated, statistiques disponibles sur le site internet de British Petrolium

Excepté les années 1998 et 1999, où les prix de baril étaient inférieurs aux prévisions,

les prix avaient connu une accélération à partir de 2000 avec un léger ralentissement en 2001

et 2002. Entre 1998 et 2007, les prix ont passé de 12.72 $ à 72.39 $ le baril soit une

augmentation de 560 %. Cette envolée des prix s’explique par la demande croissante de

l’énergie de la Chine.

L’Algérie constitue en fait l’un des pays pour lesquels la politique de prévision est très

prudentielle mais aussi la règle budgétaire appliquée pour la détermination des prix

prévisionnels est rigide puisqu’elle ne change qu’au bout d’une décennie.

Le tableau ci après montre les prix de référence adoptés par quatre pays exportateurs

des hydrocarbures pour deux années 2008 et 2009 montrant ainsi la réaction des autorités

quant à la chute drastique des prix de pétrole24 suite à la crise financière des subprimes et la

récession économique conséquente.

Tableau N° : Prix de référence du baril de pétrole

24 Les prix de pétrole avaient chuté d’environ 30% selon……entre …. Et…..

10

Algérie Nigéria Russie Arabie Saoudite

2008 37 $ 59 $ 74 $ 50 $

2009 37 $ 45 $ 41 $ 45 $

Source : D’après « occasional paper series », BCE, op.cit. P.46

D’après ce tableau, il apparait que la Russie mène la politique la moins prudentielle parmi ces

pays, ces prévisions en période de boom avaient atteint le seuil des 95 $ par baril avant d’être

revues à la baisse en 2009 à 41 $.

3- Le Fonds de régulation des recettes (FRR) principal instrument de la politique budgétaire

Le Fonds de régulation des recettes est créé en 200025 dans le but de :

- restaurer le matelas des actifs externes, qui avaient précédemment chutés ;

- entretenir le stock de la dette publique ;

- lisser le profil des dépenses à long terme ;

Le Fonds de régulation des recettes est un sous compte de l’Etat auprès de la Banque

d’Algérie. C’est un compte en Dinars qui agit comme un compte de stabilisation. Il n a pas un

objectif explicite de transfert intergénérationnel. Depuis 2004, ses ressources sont divisées en

une petite part « liquide » et une large gamme de sécurités des revenus fixés. Les bénéfices

sur réserves sont, en fin de compte, transférés au budget sous forme de dividendes de la

Banque centrale. Les caractéristiques opérationnelles du Fonds laissent une marge de

discrétion considérable. Les actifs sont utilisés pour financer les investissements

d’infrastructure intérieurs, étant le besoin important des infrastructures incluant les logements

sociaux, mais aussi le financement des subventions accordées26 pour les biens de base afin de

protéger les consommateurs des prix élevés sur les marchés internationaux. Les revenus

excédant les prévisions sont déposés dans le Fonds pour lequel le solde a atteint près de 50

milliards de dollars à la fin 200727 et à peu près 65 milliard de dollars28.

Dans ce point, un intérêt est porté sur les répercussions sur la gestion des finances

publiques et la conduite de la politique budgétaire ainsi que la transformation de ses objectifs

induits par la mise en place du Fonds de régulation des recettes en 2000.

3-1- contexte de création

Le contexte de la création du Fonds de régulation est marqué par l’envolée du prix de

l’énergie sur les marchés internationaux (grâce à l’importante demande d’énergie induite par

l’affirmation de nouvelles puissances économiques dans le monde tels que la Chine et le

25 Loi de finances complémentaire, JORADP, N° du portant…..P. 26 Mouhoubi S. (2011), affirme que 30% de la rente pétrolière vont aux subventions, Revue l’Eco, N° 31, Octobre 2011, P. 28. 27 Strum et al. (2009) op.cit., P.44 28 Nos calculs d’après les données de la DGPP et de la Banque d’Algérie.

11

Brésil) mais aussi en raison de la deuxième invasion d’Irak. Cette conjoncture a permis la

capitalisation d’importantes ressources dans le Fonds de régulation dont la mission originelle

était le lissage des dépenses publiques et faire ainsi face à la procyclicité de la politique

budgétaire qui est principalement axée sur la fiscalité pétrolière.

Il faut dire que les difficultés budgétaires auxquelles caractérisant la fin de la décennie

1990 avec la chute considérable du prix de pétrole en 199829 suite à la crise asiatique

constitue sans doute un mobile pour la création des fonds pétroliers dans beaucoup de pays30.

En Algérie, les bouleversements entrainés par le « contre choc pétrolier » de 1986, qui s’est

soldé par un Plan d’ajustement structurel31, corollaire d’une austérité budgétaire dans le but de

stabilisation macroéconomique qui avait marqué le début de la décennie 1990 accentuant ainsi

la dépendance de l’économie envers les créanciers extérieurs. Vers la fin de cette décennie, le

ralentissement de la croissance économique mondiale, suite aux difficultés financières et

économiques des pays Sud asiatiques, confirme la fragilisation de l’économie algérienne.

3-2- Financement des déficits budgétaires par le FRR

Face à la demande mondiale de l’énergie (montée de nouvelles puissances) et au

rétrécissement de l’offre (politiques de quotas de l’OPEP mais aussi invasion de l’Irak32), et

avec la mise en place du Fonds de régulation des recettes, s’est substitué à une politique

d’austérité budgétaire une politique budgétaire expansionniste qui s’est matérialisé

principalement par la mise en place de trois plans de relance économique successifs.

Désormais, l’ampleur des plans de relance et face aux prévisions prudentielles du prix

du baril lors de l’élaboration des budgets de l’Etat, a vite (au bout de six années de

fonctionnement du Fonds de régulation des recettes) amener les pouvoirs publics à utiliser les

ressources du Fonds pour le financement des déficits budgétaires et du Trésor public.

A partir de 2008, et face aux demandes sociales, il y a une révision du prix

prévisionnel du baril servant à l’élaboration du budget de l’Etat.

29 En 1998, le prix moyen du baril de pétrole n’était que de 12,72 $ contre 19,09$ en 1997 soit une baisse d’un tiers selon les données de British petroleum. 30 Venezuela, Qatar, Kazakhstan, Azerbaïdjan et Algérie ont tous procédé à la création de Fonds pétroliers. C’est peut être l a deuxième génération de fonds après ceux créés principalement suite aux chocs pétroliers des années 1970. La plupart de ces fonds ont affichés des objectifs plutôt de stabilisation (face à la fréquente récurrence des crises), alors que la première génération de fonds sont créés dans des optiques d’épargne. 31 Le PAS, inspirés du courant théorique dominant de la Théorie anti keynésienne des finances publiques (voir chapitre 1 supra) est axé autour de trois éléments : austérité budgétaire, privatisations et libéralisation économique. 32 A la fin des années 1990, l’Irak compte à peu près 10% des réserves de pétrole mondiales prouvées.

12

Graphique N° Evolution des soldes budgétaires primaires prévisionnels depuis 1990

Déficits

-4000

-3500

-3000

-2500

-2000

-1500

-1000

-500

0

500

100019

90

1991

1992

1993

1994

1995

1996

1997

1998

1999

2000

2001

2002

2003

2004

2005

2006

2007

2008

2009

2010

2011

Déficits

Source : D’après les lois de finances initiales et complémentaires

L’évolution des recettes et des dépenses budgétaires entraine un impact sur le déficit

et/ ou excèdent budgétaire. Le graphique montre que pour toute la décénnie 1990, les soldes

budgétaires prévisionnels étaient excédentaires. Au début de la décennie 1990, les excèdents

budgétaires représentaient près de 40% des dépenses prévisionnelles et près de 30 % des

recettes prévisionnelles inscrites aux budgets de l’Etat. Ces proportions s’expliquent par

l’austérité engendrée par le Plan d’ajustement structurel qui vise la compression des dépenses

budgétaires. Vers la fin de la décénnie 1990, une certaine stabilité des finances publiques a été

retrouvée. Ces proportions ont été ramenés à environ 10%. La décennie 2000, quant à elle, a

été marqué, d’une part par, par des soldes budgétaires prévisionnels très imprtants, comme le

montre le graphique avec l’écartement significatif des deux courbes et d’autre part, par le

signe du solde budgétaire qui apparait dans le graphique par le recoupement des deux courbes.

En termes relatifs, les excédents budgétaires enregistrés pour la période 2000-2002,

représentaient à peu près 30% des dépenses budgétaires et plus de 20% des recettes

budgétaires prévisionnelles. Cette situation peut s’expliquer soit par une sous estimation des

dépenses budgétaires soit par une surestimation des recettes. A partir de 2003, il y a eu un

retournement de situation. En effet, les soldes budgétaires prévisionnels sont plutôt

déficitaires. Une aggravation considérable des déficits budgétaires est obsérvée à compter de

2006. Ces derniers passent alors de 315 milliards de dinars en 2005 à 3626 milliards de

dinars en 2011. à compter de 2006, les déficits budgétaires prévisionnels représentent plus de

13

40 % des dépenses budgétaires prévisionnelles (ils dépassent parfois les 50%). Ces déficits

rapportés aux recettes budgétaires prévisionnelles dépassent souvents les 100%.

L’analyse de ces seuls chiffres, peut nous amener à un raisonnement de type keynésien

envisageant ainsi une relance économique par le levier des dépenses publiques. Or, la

spécificité de l’économie algérienne consiste justement en le caractère « exceptionnel » d’une

part importante de ces recttes budgétaires, tirées du produit de la fiscalité pétrolière. De ce

fait, il y a lieu de mentionner que c’est grace au Fonds de régulation des recettes crée en 2000

que ces déficits sont comblés.

Graphique N° :

Emplois du FRR

25%

6%

24%

45% DETTE PUBLIQUE

AVANCE BADEFICIT TRES

RELIQUAT

Source : D’après les données de la DGPP

Le graphique montre que près de la moitié des ressources cumulées du Fonds de

régulation des recettes est utilisée pour le remboursement de la dette publique et le

financement des déficits du Trésor publique. Le Fonds n’a épargné que 45% des reliquats de

la fiscalité pétrolière. En l’espace de cinq ans (de 2006 à 2010), près d’un quart des recettes

du Fonds avaient servi à la résorption des déficits du Trésor public.

3-3- Le poids des déficits budgétaires prévisionnels dans le PIB

Un des indicateurs utilisés souvent pour exprimer le poids de la politique budgétaire

d’une économie est le solde budgétaire rapporté au PIB. En Algérie, et dans les principales

économies exportatrices d’hydrocarbures, un autre indicateur peut également etre calculé. Il

s’agit du ratio Solde budgétaire/PIB hors hydrocarbures.

Tableau N° : Ampleur des déficits budgétaires prévisionnels

14

Années

Solde

budgétaire

prévisionnel PIB

Solde

budg/PIB PIB HH

PIBHH

/PIB

Solde

budg/PIB

HH

2000 360,6 4123,5 8,74% 2507,2 60,80% 14,38% 2001 455 4227,1 10,76% 2783,8 65,86% 16,34% 2002 446,9 4522,8 9,88% 3045,7 67,34% 14,67% 2003 -333 5252,3 -6,34% 3383,4 64,42% -9,84% 2004 -392 6149,1 -6,37% 3829,3 62,27% -10,24% 2005 -315 7562 -4,17% 4209,1 55,66% -7,48% 2006 -1862 8514,8 -21,87% 4632,6 54,41% -40,19% 2007 -2116 9366,6 -22,59% 5277,3 56,34% -40,10% 2008 -2119 11090 -19,11% 6092,5 54,94% -34,78% 2009 -2296 10034,3 -22,88% 6925,2 69,02% -33,15% 2010 -2779 12049,5 -23,06% 7869,1 65,31% -35,32%

Sources: Lois de finances et données de la DGPP

Le tableau ci-dessus montre l’évolution de deux indicateurs prévisionnels exprimant

l’objectif de la politique budgétaire. Nous pouvons tirer ces quelques conclusions de l’analyse

de ce tableau :

- Le PIB nominal a presque triplé entre 2000 et 2010 passant de 4123,5 Milliards de DA

à 12049 milliards de DA. Le PIB hors hydrocarbures à plus que triplé durant la même

période.

a- Le ratio Solde budgétaire/PIB a évolué d'une manière significative pour la période considérée,

En effet, la période 2000-2002 a connue des excédents budgétaires prévisionnels, avoisinant les 10

% du PIB, sous l’effet de la sous estimation des dépenses budgétaires. A partir de 2003, les soldes

budgétaires prévisionnels sont désormais déficitaires. Nous distinguons:

- La période 2003-2005 dont les déficits budgétaires prévisionnels sont

modérés (entre 4 et 7 % du PIB)33.

- La période 2006-2010 qui a connu des déficits budgétaires prévisionnels plus

importants (dépassant les 20% du PIB), sans doute, pour répondre aux besoins

de financement des grands chantiers publics mais aussi des dépenses de

fonctionnements qui avaient connu des hausses spectaculaires en raison des

33 Selon les critères de Maastricht, les pays membres de l’Union européenne doivent avoir un déficit ≤ 3% du PIB et une dette publique ≤ 60% du PIB.

15

augmentations de salaires et des multiples transferts (subventions et

dégrèvements…).

b- Le ratio solde budgétaire/PIB HH : Hors activités hydrocarbures, les déficits budgétaires sont

plus conséquents, ils ont dépassé les seuils de 40 % du PIB pour les exercices 2006 et 2007.

Des efforts importants ont été déployés notamment pour résorber la dette publique,

toutefois est il sensé de tolérer de financer les déficits conséquents prévisionnels par le recours

aux recettes du Fonds de régulation des recettes en prenant un risque d'endettement à long et

Moyen terme en cas de non décollage de croissance économique escomptée et de détérioration

des prix du pétrole sur les marchés internationaux ?

Graphique N° Evolution comparative des écarts de dépenses et de recettes budgétaires

-1800

-1600

-1400

-1200

-1000

-800

-600

-400

-200

0

200

400

2000

2002

2004

2006

2008

2010

*

Années

Mo

nta

nts

ECART recettes

ECART dépenses

Source : D’après les données du tableau ci dessus

Ce graphique illustre en effet, l’importance des écarts de gestion budgétaire ainsi que

leur évolution pour la période allant de 2000 à 2010. Nous pouvons dès lors distinguer trois

phases d’évolution des écarts :

La période allant de 2000 jusqu'à 2002, se caractérise par une certaine divergence des

deux courbes. Le graphique montre que cet espacement s’explique seulement par la courbe

mettant en relief les écarts sur recettes budgétaires. L’explication de cette situation étant la

surestimation des recettes budgétaires contenues dans les indicateurs de cadrage servant à

l’élaboration des lois de finances pour ces exercices.

16

La période allant de 2003 à 2005 montre le rapprochement des deux courbes. Les

écarts enregistrés durant cette période sont plus modérés. Ceci s’explique par la révision à la

baisse des prévisions de recettes budgétaires, qui passent ainsi de 2049,3 milliards de dinars

en à 1451 milliards de dinars courants en 2003 (soit une baisse de 29,2%)

La période allant de 2006 à 2010 montre le creusement caractérisé des écarts négatifs

enregistrés en dépenses, malgré le maintien des écarts de gestion des recettes budgétaires à

des niveaux assez bas. Cette situation traduit l’importance des dépenses engagées notamment

celles liées au Plan de consolidation et de croissance économique, alors que les réalisations

font état de reliquats très importants qui peuvent éventuellement trouver une explication

éventuelle dans les retards liés à l’exécution des programmes d’équipement inscrits aux

budgets, aux réévaluations des coûts de réalisations. Face à l’importance de ces dépenses tant

prévisionnelles que réelles entreprises et les déficits budgétaires qui en découlent, le Fonds de

régulation des recettes semble se démarquer de sa d’épargne et/ou stabilisation, pour devenir

un instrument garantissant la conduite d’une politique budgétaire expansionniste.

Conclusion

Les pays exportateurs de pétrole sont donc face à deux défis majeurs : le premier défi

consiste à protéger la capacité du pays à importer. Durant la décennie 2000-2010 ce défi est

relevé puisque les pays avaient réussi à rembourser leurs dettes extérieures mais aussi à

constituer une épargne importante en accumulant des actifs externes ; le second défi, à long

terme, consiste à réduire la dépendance des comptes courants vis-à-vis de l’exportation du

pétrole. En effet, les pays exportateurs devront diversifier leurs économies et se préparer à

l’éventuel déclin des profits qu’ils tirent de l’exploitation du pétrole en développant leurs

économies hors hydrocarbures.

Une chute soudaine des prix des hydrocarbures entraîne, à court terme des difficultés,

liées notamment la continuation des programmes de dépenses déjà initiés34. La plupart des

pays exportateurs des hydrocarbures se trouvent actuellement dans des situations confortables

puisqu’ils ont amené à des niveaux bas leurs dettes publiques et ont accumulé d’importants

actifs externes. Ces actifs peuvent permettre de se prémunir temporairement de la baisse des

prix des hydrocarbures et éviter la procyclicité de la politique budgétaire. Le défi majeur de la

politique budgétaire dans les pays exportateurs des hydrocarbures, étant un imprévisible

retournement des prix des hydrocarbures sur les marchés internationaux. En effet, si les prix

chutent, ces pays devront ajuster leurs politiques budgétaires :

34 Le « contre choc pétrolier » de 1986, avait entrainé l’abandon de plusieurs projets d’équipement public : métro d’Alger, infrastructures routières… qui ont été reconduits à l’occasion de la hausse des prix des hydrocarbures.

17

- Soit en réduisant les dépenses courantes exagérées et les dépenses marginales

d’investissements publics afin de ne pas entraver les perspectives de croissance à long terme

ou les efforts de diversification.

- soit en augmentant les taux d’imposition. L’accroissement des revenus basés sur le

développement d’un système fiscal efficient peut être bénéfique à moyen terme, puisqu’il

permet de réduire la dépendance des budgets aux recettes pétrolières et accroit le contrôle des

autorités sur les revenus publics, qui plus loin sont largement au delà de leur contrôle.

En Algérie, la conduite de la politique budgétaire expansionniste, à partir de 2000, à

entrainé une forte inflation (5,4% en 2009) et un taux de croissance économique de

seulement 2,1%35 pour la même année. Ces performances mitigées de la politique de relance

enclenchée durant la décennie 2000, découlent du non respect des conditions de relance

keynésienne, notamment celle de l’élasticité de l’offre qui réagit à toute demande effective

supplémentaire. La faiblesse du tissu industriel et l’ouverture de l’économie algérienne36,

voire sa dépendance envers l’extérieur (notamment sur le plan alimentaire) mais aussi une

dépendance des exportations hydrocarbures représentant 98% du total des exportations, font

qu’alimenter les effets d’éviction international et la poussée inflationniste.

La voie de consolidation de la croissance et du développement économique est

étroitement liée aux investissements en capital humain et à la diversification des industries

locales et leur protection.

35 Données du FMI. 36 Le degré d’ouverture de l’economie algérienne est de