Collectif - La céramique de l'Antiquité tardive en Picardie, état des lieux. Diocesis Galliarum,...

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DIœCESIS GALLIARUM. DOCUMENT DE TRAVAIL n° 9 161 Titre sur 2 lignes INTRODUCTION Les connaissances sur la céramique de l’Antiquité tardive en Picardie sont encore limitées, imprécises et très inégales, d’abord en raison des lacunes de la documentation régio- nale, mais aussi à cause de facteurs multiples qui rendent l’appréhension de cette période délicate. Il convient de les rappeler même s’ils ne sont pas spécifiques de notre région. Ces difficultés sont liées de près ou de loin à notre capacité (ou à notre incapacité) à préciser la chronologie des deux siècles que l’on attribue traditionnellement à l’Antiquité tar- dive dans cette partie de la Gaule, entre le milieu du III e s. et le milieu du V e s. Les incertitudes et les sources de biais chronologiques limitent ou fragilisent souvent les conclu- sions. Toutefois, les progrès réalisés ces derniers temps, en fournissant des instruments permettant de vérifier la qualité des éléments de datation traditionnels, voire de les préciser, autorisent un optimisme prudent. Par ailleurs, l’accumulation, certes lente, de petites études au fil des années (fig. 1) met en évidence ici ou là des types ou des caractères récurrents, voire des faciès régionaux et permet d’esquisser quelques grands traits évolutifs qui nous font espérer des progrès à venir aussi significatifs que pour le Haut-Empire. Trois exemples présentés par leurs auteurs, à Amiens, dans le Vermandois et le Sélentois, permettront aux lecteurs de juger de l’état d’avancement de nos connaissances pour le IV e s. 1. ÉTAT DE LA DOCUMENTATION RÉGIONALE Il est indéniable que nos connaissances sur la céramique régionale au Haut-Empire ont considérablement progressé depuis une trentaine d’années grâce à la multiplication des fouilles, dans les principales villes, ce qui a permis de construire un premier canevas typo-chronologique, et un peu partout dans la campagne, au gré des constructions d’autoroutes, de TGV ou de ZAC. Si l’occupation d’une bonne part de ces sites s’est poursuivie au-delà du milieu du III e s. et des premières invasions, les contextes clairement datés de la fin du III e s. du IV e s. ou du V e s., et suffisamment abondants en céramique pour fonder une étude, même sommaire, sont bien moins nombreux que pour la période précédente, et en général beaucoup moins importants. Si nous disposons de plusieurs ensembles utilisables pour une ville comme Amiens, il n’en est pas de même dans des villes comme Soissons ou Beauvais, par exemple. Et que dire des vastes espaces du Laonnois ou du Beauvaisis où notre docu- mentation est quasi-vierge. Cette documentation est à la fois très dispersée et très inégale. Elle comprend à la fois des ensembles céramiques « assez importants » qui ne comptent cependant guère plus de quelques dizaines d’individus et une multitude de petits ensembles réduits à quelques unités. Cette difficulté à isoler des ensembles de référence suffi- samment fournis et fiables explique certainement la rareté des publications. Cette documentation, publiée ou non, se répartit globalement en quatre catégories : MOTS-CLÉS Antiquité tardive, Picardie, Amiens, Saint-Quentin, Senlis, céramique. RÉSUMÉ Les connaissances sur la céramique de l’Antiquité tardive en Picardie sont encore limitées, imprécises et très inégales en raison principalement des lacunes de la documentation régionale. Néanmoins les études réalisées ces derniers temps mettent en évidence des types ou des caractères récurrents voire des faciès régionaux. Elles permettent d’esquisser quelques grands traits évolutifs. Les trois exemples présentés à Amiens, dans le Vermandois et le Sélentois permettent de juger de l’état d’avancement des connaissances pour le IV e s. Ils illustrent les pistes de recherche qui se dessinent pour l’avenir et autorisent un optimisme prudent. w La céramique de l’Antiquité tardive en Picardie, état des lieux DIDIER BAYARD, CYRILLE CHAIDRON, STÉPHANE DUBOIS, FLORENCE FLÛTRE-MILLE, VÉRONIQUE PISSOT

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Diœcesis Galliarum. Document De travail n° 9

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Titre sur 2 lignes ou 3 lignes

Fabien Pilon

InTroducTIon

Les connaissances sur la céramique de l’Antiquité tardive en Picardie sont encore limitées, imprécises et très inégales, d’abord en raison des lacunes de la documentation régio-nale, mais aussi à cause de facteurs multiples qui rendent l’appréhension de cette période délicate. Il convient de les rappeler même s’ils ne sont pas spécifiques de notre région. Ces difficultés sont liées de près ou de loin à notre capacité (ou à notre incapacité) à préciser la chronologie des deux siècles que l’on attribue traditionnellement à l’Antiquité tar-dive dans cette partie de la Gaule, entre le milieu du IIIe s. et le milieu du Ve s. Les incertitudes et les sources de biais chronologiques limitent ou fragilisent souvent les conclu-sions. Toutefois, les progrès réalisés ces derniers temps, en fournissant des instruments permettant de vérifier la qualité des éléments de datation traditionnels, voire de les préciser, autorisent un optimisme prudent.

Par ailleurs, l’accumulation, certes lente, de petites études au fil des années (fig. 1) met en évidence ici ou là des types ou des caractères récurrents, voire des faciès régionaux et permet d’esquisser quelques grands traits évolutifs qui nous font espérer des progrès à venir aussi significatifs que pour le Haut-Empire. Trois exemples présentés par leurs auteurs, à Amiens, dans le Vermandois et le Sélentois, permettront aux lecteurs de juger de l’état d’avancement de nos connaissances pour le IVe s.

1. éTaT de la documenTaTIon régIonale

Il est indéniable que nos connaissances sur la céramique régionale au Haut-Empire ont considérablement progressé depuis une trentaine d’années grâce à la multiplication des fouilles, dans les principales villes, ce qui a permis de construire un premier canevas typo-chronologique, et un peu partout dans la campagne, au gré des constructions d’autoroutes, de TGV ou de ZAC. Si l’occupation d’une bonne part de ces sites s’est poursuivie au-delà du milieu du IIIe s. et des premières invasions, les contextes clairement datés de la fin du IIIe s. du IVe s. ou du Ve s., et suffisamment abondants en céramique pour fonder une étude, même sommaire, sont bien moins nombreux que pour la période précédente, et en général beaucoup moins importants. Si nous disposons de plusieurs ensembles utilisables pour une ville comme Amiens, il n’en est pas de même dans des villes comme Soissons ou Beauvais, par exemple. Et que dire des vastes espaces du Laonnois ou du Beauvaisis où notre docu-mentation est quasi-vierge. Cette documentation est à la fois très dispersée et très inégale. Elle comprend à la fois des ensembles céramiques « assez importants » qui ne comptent cependant guère plus de quelques dizaines d’individus et une multitude de petits ensembles réduits à quelques unités. Cette difficulté à isoler des ensembles de référence suffi-samment fournis et fiables explique certainement la rareté des publications. Cette documentation, publiée ou non, se répartit globalement en quatre catégories :

mots-clés

Antiquité tardive, Picardie, Amiens, Saint-Quentin, Senlis, céramique.

résumé

Les connaissances sur la céramique de l’Antiquité tardive en Picardie sont encore limitées, imprécises et très inégales en raison principalement des lacunes de la documentation régionale. Néanmoins les études réalisées ces derniers temps mettent en évidence des types ou des caractères récurrents voire des faciès régionaux. Elles permettent d’esquisser quelques grands traits évolutifs. Les trois exemples présentés à Amiens, dans le Vermandois et le Sélentois permettent de juger de l’état d’avancement des connaissances pour le IVe s. Ils illustrent les pistes de recherche qui se dessinent pour l’avenir et autorisent un optimisme prudent.

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la céramique de l’antiquité tardive en Picardie, état des lieux

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- les ensembles issus d’habitats urbains, illustrés principale-ment par des fouilles assez anciennes à Amiens, au Logis du Roy (fouilles 1978-79) et à la ZAC Cathédrale (1995) mais aussi par de nombreux ensembles plus modestes, recueillis depuis une dizaine d’années, soit à Amiens, soit à Senlis et

dans une moindre mesure, dans les autres villes. Certains ont déjà fait l’objet de publications partielles1.

1 Bayard, Fournier, 1978 ; Bayard, 1994 pour Amiens ; Pissot, 1996 ou 1999 pour Senlis.

Beauvais

Cambrai

Rouen

Evreux

Paris

Meaux

Reims

Arras

Tournai

ThérouanneBoulogne

Amiens

Soissons

Plailly

Saint-Quentin

Martainneville

Conchil-le-Temple

Quend

Ognon

RullyVerneuil en Halatte

Gouvieux

Méaulte

Laversines

Roye

Estrées-Deniécourt

Estrées-St-Denis

Ennemain

Forêt de Compiègne

Amiens

Senlis

Vermand

Jumel

Limé

C. TURNACENSIUMC. BONONENSIUM

C. AMBIANENSIUM

C. BELLOVACORUM

C. VEROMANDUORUM

C. SUESSIONUM

C. REMORUM

C. MELDORUMC. PARISIORUM

C. ROTOMAGENSIUM

C. MORINORUM

C. ATREBATUM

Sites de référence cités dans le texte

Sites contemporainsLimites de cité

Chef-lieu de citéLimites de province

Capitale de province

Sambre

Oise

Aisne

Marne

Seine

Somme

Escaut

Oise

LUGDUNENSIS

BELGICA II

0 50 kmN

C. CAMARACENSIUM

Figure 1. Localisation des séries céramiques issues de fouilles récentes en Picardie (dessins D. Bayard).

DiDier bayarD, cyrille chaiDron, stéPhane Dubois, Florence Flûtre-mille, véronique Pissot

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- les cimetières romains tardifs, principalement des fouilles anciennes dans la Somme, à Noyelles-sur-Mer2, Vron3, dans une moindre mesure, Nouvion-en-Ponthieu4 et plus récem-ment à Limé, dans l’Aisne5, ou Bettencourt-Saint-Ouen et Pont-de-Metz dans la Somme (fouilles P. Lemaire et N. Soupart).- les établissements ruraux, soit une trentaine de sites antiques parmi la centaine fouillée dans des cadres divers (TGV, autoroutes, carrières, ZAC, projets d’urbanisme).- le produit des très nombreuses prospections pédestres qui ont été menées depuis une trentaine d’années, principale-ment dans la Somme, mais aussi dans le sud-est de l’Oise6. Ce matériel dénué de contexte chronologique peut être uti-lisé pour mieux cerner les aires de diffusion de productions caractéristiques.

2. les IncerTITudes eT sources des bIaIs chronologIques

2.1 le poids du contexte historiqueEn règle générale, la priorité d’un céramologue et parfois son principal enjeu, est de préciser la chronologie de l’ensemble étudié ou de conforter la datation établie à partir d’autres paramètres, en général les monnaies. Ce point est d’autant plus crucial pour nous que la période entre ca 260/275 et ca 450/480 est frappée à quatre reprises au moins par de profonds bouleversements qui ont, à chaque fois, modifié considérablement le peuplement des villes et des campagnes. Ceci a eu naturellement de fortes incidences sur la localisa-tion des ateliers de potiers, sur les marchés et par conséquent sur les courants de diffusion. Il n’est pas nécessaire de nous attarder sur ces grands clivages de l’histoire de la Gaule qui sont bien connus de tous :- la grande crise de la seconde moitié du IIIe s. qui connaît des prolongements locaux jusqu’au début du IVe s. (avec des incursions germaniques) ;- la crise du milieu du IVe s. qui n’est jugulée par Julien qu’au terme de plusieurs années de campagne et qui a marqué les campagnes du nord de la Gaule beaucoup plus durement qu’on ne le signale d’habitude ;- la grande invasion de 407, dont la date peut être considérée comme la véritable fin du IVe s. en Gaule et ses soubresauts, au moins jusque 4177 ;- la fin de la domination romaine à partir du milieu du Ve s. (accélérée par la mort d’Aétius et de Valentinien III, fin 454 et début 455).

2.2 des moyens de datation trompeursMalheureusement, nos principaux moyens de datation, les monnaies, ne sont pas d’une fiabilité totale. Les trois prin-

2 Marchand, Piton, 1978.3 Seillier, 1986.4 Piton, 1985.5 Soupart, 2001.6 Ben Redjeb, Duvette, Querel, 2005.7 Courcelle, 1948.

cipales périodes d’émission monétaire, parfois intenses, de 260-274/280 ou 290, 320/330 à 353, 364 à 388/392, sont séparées par des périodes de pénuries qui ont prolongé le cours des espèces anciennes pendant plusieurs décennies. Il en résulte une sorte de rythme ternaire dans les séries monétaires recueillies sur nos sites, dont il est difficile de s’affranchir :- Période I : 260-330 (dans le meilleur des cas, de 270 à 320 environ),- Période II : 320/330 à 364/370,- Période III : 364/370 à 402 et le demi-siècle au-delà.

2.3 des conditions de conservation très inégalesLa fréquence et l’importance des dépôts de céramiques sus-ceptibles d’être étudiés dépend également d’un autre facteur, du moins sur les sites ruraux arasés qui forment la base de notre documentation : les ensembles mobiliers clos suffi-samment abondants pour fonder une étude, proviennent généralement d’excavations ponctuelles, caves, puits, fosses, réalisées lors des grandes phases de construction et excep-tionnellement, de lambeaux de stratigraphies. Les périodes favorables, les phases de construction de la période constan-tinienne et dans une moindre mesure, de la période valenti-nienne, alternent avec de longues périodes défavorables, très peu actives de ce point de vue. Comment s’étonner dans ces conditions que la grande majorité des ensembles qui sont présentés ici comme ailleurs dans le nord de la Gaule reflè-tent principalement la fin de la période constantinienne et dans une moindre mesure des périodes moins bien cernées comme la période valentinienne ou pratiquement impos-sibles à isoler comme la Tétrarchie ou le début du règne de Constantin ?

La conjonction de ces facteurs oblige, lorsque c’est possible, à aborder chacune de ces trois grandes périodes de manière spécifique. Car chacune se singularise par des conditions de dépôts archéologiques et de conservation particulières, des modes de circulation monétaire différents et des problèmes d’évaluation du mobilier résiduel plus ou moins aigus.

La première période, de 260 à 320/330, par exemple, n’est pratiquement perceptible qu’indirectement, dans des contextes sauvegardés - et souvent remaniés - grâce à des terrassements de la période constantinienne. Ces travaux ont souvent remobilisé, non seulement des niveaux de la Tétrarchie et du début du règne de Constantin, mais aussi du milieu du IIIe s. Il en résulte une incapacité à dégager, à l’intérieur de la période, des faciès céramiques nouveaux et à déterminer la part des traditions anciennes et du mobilier proprement résiduel. Les questions que soulève cette période ont été abordées lors d’un colloque tenu à Arras en 19938. Il n’y a pas lieu de rouvrir le dossier.

Le dernier tiers du IVe s. n’est pas beaucoup mieux cerné. S’il est davantage exempt des problèmes de pollution et de résidualité, les ensembles susceptibles de lui être rattachés sont peu nombreux et peu abondants. En fin de compte, le

8 Bayard, 1994.

la céramique de l’antiquité tardive en Picardie, état des lieux

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Ve s., du moins à partir de 410 ou de 420, n’est peut-être pas le plus mal connu, grâce à la singularité des sites qui peuvent lui être attribués et aux progrès réalisés dans la chronologie des décors à la molette des sigillées d’Argonne9. Mais là encore, aucun élément nouveau n’est à signaler en Picardie. La rareté des contextes datables de la première moitié du Ve s. interdit toute approche régionale

Il résulte finalement de cette conjonction de facteurs défavorables une focalisation de nos connaissances sur le deuxième tiers du IVe s. et dans une moindre mesure, sur la fin du siècle.

3. des Progrès sIgnIfIcaTIfs dans le domaIne de la chronologIe

Il faut tempérer cette vision pessimiste car de réels progrès ont été effectués depuis une vingtaine d’années et d’abord dans le domaine chronologique. La sigillée d’Argonne, céramique omniprésente aux IVe et au Ve s. dans le nord de la Gaule, présente l’intérêt d’être souvent décorée à l’aide de molettes qu’il est possible de classer par type et de dater, globalement pour le IVe s.10 et même individuellement pour le Ve s.11 Les progrès réalisés depuis les travaux de Wolfgang Hübener en 1968 permettent même dans certains cas d’éva-luer la qualité des autres éléments de datation, voire de les corriger. La sigillée d’Argonne constitue d’ailleurs le seul élément de datation relativement fiable au Ve s.

Pour le IVe s, les progrès sont moins spectaculaires, mais pourtant sensibles. La relative uniformité des décors des deux premiers tiers du siècle oblige à garder l’approche typo-chronologique de Hübener. Si la typologie reste la même, la datation de chacun des groupes a sensiblement évolué.- Le groupe le plus ancien est le groupe 3, composé de casiers d’obliques simples. Il apparaît vers 320, cette date relative-ment tardive semble acquise, comme on peut en juger à son absence dans les niveaux de construction des Kaiserthermen à Trèves, ou très récemment dans le camp d’Oudenburg12. Il est pour le moment le seul type de décor à la molette attesté avant ca 330, notamment sur des sites comme Amiens, Logis du Roy-état VIII13, Gouvieux dans l’Oise14. Il semble disparaître ou au moins se raréfier considérablement après le règne de Magnence (350-353).- Le groupe 2, composé de molettes à rangées, simples, doubles ou triples, de petits carrés, apparaît vers 330, il devient rapidement prépondérant et le reste peut-être jusqu’à la fin de sa diffusion dans la décennie 360-370.- Le groupe 1, qui combine des casiers d’oves avec des motifs beaucoup plus complexes, est attesté entre ca 330 et les années 370, voire 380.

9 Bayard, 1990 ; 1993.10 Hübener, 1968.11 Bayard, 1990.12 Notamment dans la fosse de construction du puits 2562, mis en place en 319-

320. Nous remercions Sofie Vanhoutte (VIOE) pour ces renseignements.13 Bayard, 1994.14 Dubois, 1998.

- Le Sondergruppe et ses molettes complexes (ainsi que quelques molettes attribuées au groupe 7) est assez caracté-ristique des horizons du deuxième tiers du IVe s. ; il a une chronologie somme toute comparable au groupe 2.

Il est donc possible aujourd’hui de définir dans une certaine mesure des « faciès » chronologiques caractérisés par l’abondance relative de chacun de ces quatre types de décors, et par conséquent de proposer avec une bonne probabilité la ou les décennies les mieux représentées dans un dépôt donné. Pour prendre un exemple récent, l’enceinte de Reims a pu être datée de la deuxième partie de la période constan-tinienne grâce à la présence de décors des groupes 2 et 3 de Hübener, et ce malgré l’importante série monétaire qui se terminait initialement à la fin du IIIe s.15.

Les années 370 connaissent un renouvellement complet du répertoire iconographique. Les groupes 2 et 3 laissent place à des décors plus complexes, composés de croix de Saint-André, de globules… (Groupes 4, 5, 6 et 7 de Hübener). La complexité des décors permet beaucoup plus d’identifications individuelles que pour la période précédente et offre un potentiel de progression dans la précision chro-nologique bien supérieur à la méthode typo-chronologique de Hübener. Il devrait être possible, sur le modèle de ce qui a été fait pour le Ve s., d’isoler au moins deux ou trois horizons dans ce demi-siècle. C’est du moins l’impression que donne l’analyse combinée de quelques ensembles diachroniques de cette période, comme Amiens -ZAC Cathédrale, Arras, ou Sens (étude en cours).

Notre capacité à dater et à évaluer l’homogénéité chro-nologique des ensembles examinés s’est donc améliorée indéniablement ; elle devrait autoriser une approche plus dynamique de l’évolution des faciès céramiques régionaux et d’échapper aux risques de palimpsestes.

Par ailleurs, l’accumulation des fouilles et la multi-plication des ensembles céramiques collectés ont fini par produire leurs effets, en diversifiant les contextes chronolo-giques représentés. Nous disposons pour quelques secteurs géographiques, spécialement pour le IVe s., de jalons cor-respondant à chacune des trois grandes périodes évoquées ci-dessus, à l’intérieur desquelles, il est parfois possible de préciser des phases intermédiaires (fig. 2 à 4). Les trois exemples qui suivent illustrent ces progrès.

4. à ProPos des facIès16

Les fouilles récentes ont montré de fortes similitudes entre les répertoires connus à Amiens (80) et à Arras (62) au Bas-Empire. Le mobilier du site de Méaulte (2006, études en cours), situé à mi-chemin entre Amiens et Arras, témoigne que les ponts entre les deux faciès étaient multiples et qu’il est donc raisonnable d’envisager un répertoire commun, dans ses grandes lignes, à l’Amiénois et à l’Artois (fig. 5).

15 Bayard, 2006. Cette datation s’est trouvée confirmée dans un second temps par l’identification de deux monnaies constantiniennes.

16 Nous tenons à remercier Eric Binet, Patrick Lemaire, Richard Rougier et Christophe Hosdez, Inrap.

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Beauvais

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Amiens

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Vermand

C. TURNACENSIUMC. BONONENSIUM

C. AMBIANENSIUM

C. BELLOVACORUM

C. VEROMANDUORUM

C. SUESSIONUM

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C. MELDORUMC. PARISIORUM

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C. ATREBATUM

Limites de cité

Chef-lieu de cité

Limites de province

Capitale de province

Sambre

Oise

Aisne

Marne

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Somme

Escaut

Oise

LUGDUNENSIS

BELGICA II

0 50 kmN

C. CAMARACENSIUM

Conchil-le-Temple

Noyelles/Mer

Saint-Quentin

Martainneville

Gouvieux

Méaulte

Laversines

Ognon

Bettencourt

Forêt de Compiègne

DavenescourtRumigny

Crouy-St-Pierre

Jumel

Cimetières

Sites de référence cités dans le texte

Sites contemporains

Figure 2. Localisation des séries céramiques de référence pour la période ca 320/330-370 (dessins D. Bayard).

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Chef-lieu de cité

Limites de province

Capitale de province

Sambre

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Aisne

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Seine

Somme

Escaut

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LUGDUNENSIS

BELGICA II

0 50 kmN

C. CAMARACENSIUM

Saint-Quentin

Martainneville

Quend

Méaulte

Roye

Ognon

Vron

Nouvion

Forêt de Compiègne

Gentelles

Pierrepont

Plachy-Buyon

Albert

Blangy-Tronville

Boves

Pont-de-Metz

Morvilliers

CanaplesCardonette

CandasSt-Valéry

Aubigny

EssertauxConty

Juvincourt-et-Damary

Mercin-et-VauxLimé

Vermand

Cimetières

Sites de référence cités dans le texte

Sites contemporains

Figure 3. Localisation des séries céramiques de référence pour la période ca 370-410 (dessins D. Bayard).

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Chef-lieu de citéLimites de province

Capitale de province

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BELGICA II

0 50 kmN

C. CAMARACENSIUM

Baron

Vron

Condésur Aisne

PontavertMercin-et-Vaux

Cimetières

Sites de référence

Figure 4. Localisation des séries céramiques de référence pour la période ca 410/420-450/480 (dessins D. Bayard).

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Limites de cité

Chef-lieu de cité

Limites de province

Capitale de province

Sambre

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Aisne

Marne

Seine

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LUGDUNENSIS

BELGICA II

0 50 kmN

C. CAMARACENSIUM

Présence majoritaire

Atelier du Bas-Empire supposé

Présence minoritaire ou anecdotique

Figure 5. Diffusion vers le sud des productions du groupe Artois (dessins C. Chaidron).

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ThérouanneBoulogne

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C. ROTOMAGENSIUM

C. MORINORUM

C. ATREBATUM

Limites de cité

Chef-lieu de cité

Limites de province

Capitale de province

Sambre

Oise

Aisne

Marne

Seine

Somme

Escaut

Oise

LUGDUNENSIS

BELGICA II

0 50 kmN

C. CAMARACENSIUM

Présence majoritaire

Atelier du Bas-Empire attesté

La Calotterie

Martainneville

Zone de forte présence de BB

Limite de diffusion significative des BB ?

Présence minoritaire ou anecdotique

Figure 6. Diffusion des productions côtières du groupe de La Caloterrie et des black burnished Ware (dessins C. Chaidron).

la céramique de l’antiquité tardive en Picardie, état des lieux

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Beauvais

Cambrai

Rouen

Evreux

Paris

Meaux

Reims

Arras

Tournai

ThérouanneBoulogne

Amiens

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Vermand

C. TURNACENSIUMC. BONONENSIUM

C. AMBIANENSIUM

C. BELLOVACORUM

C. VEROMANDUORUM

C. SUESSIONUM

C. REMORUM

C. MELDORUMC. PARISIORUM

C. ROTOMAGENSIUM

C. MORINORUM

C. ATREBATUM

Limites de cité

Chef-lieu de cité

Limites de province

Capitale de province

Sambre

Oise

Aisne

Marne

Seine

Somme

Escaut

Oise

LUGDUNENSIS

BELGICA II

0 50 kmN

C. CAMARACENSIUM

Présence majoritaire

Atelier du Bas-Empire supposé

Présence minoritaire ou anecdotique

Figure 7. Diffusion des productions tardives du Vermandois (dessins C. Chaidron).

DiDier bayarD, cyrille chaiDron, stéPhane Dubois, Florence Flûtre-mille, véronique Pissot

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Les formes principales montrent une vraie homogénéité : gobelet bilobé, imitation de Chenet 342 pour la céramique fine régionale, marmite à bord en bandeau, assiette carénée, bol hémisphérique à bord rentrant, bol caréné à lèvre éversée en amande, bol à lèvre en crochet sont les formes embléma-tiques de ce faciès « atrébato-ambien », dont quelques types caractéristiques ont déjà été signalées par le passé17.

L’influence de ce répertoire s’estompe lorsque l’on s’en éloigne, c’est ce que l’on constate sur les sites côtiers (fig. 6) qui présentent un catalogue de formes propres mais tou-jours complété par des formes « classiques » ou « de base » du faciès atrébato-ambien. Dans la Somme, à Quend, (fouilles Richard Rougier) et à Martainneville (fouilles Eric Binet), la présence en nombre d’importations britanniques (« Black burnished Ware ») pourrait être comprise comme un des éléments constituant du répertoire de « base » de ce faciès littoral, à moins que leur présence soit associée à des populations particulières. à Martainneville, les importations britanniques côtoient les imitations locales18.

à Quend, la proximité des ateliers de La Caloterie se fait largement sentir puisque la majorité des vases en sont issus mais, comme à Martainneville, les types classiques du faciès « atrébato-ambien » sont encore là : bilobé, imita-tion de Chenet 342, assiette carénée, bol hémisphérique à Martainneville, assiette carénée, bol hémisphérique, mar-mite à bord en bandeau, bol caréné à lèvre éversée en amande à Quend. Les limites de cité sont donc largement éclipsées par les circuits économiques.

Pour le Vermandois (fig. 7), le constat est différent même si les principes sont les mêmes : un faciès dominant, mis en « compétition » sur ses marges par les productions des régions voisines. Les données de Saint-Quentin (fouilles Patrick Lemaire), couplées à celle de Vermand (fouilles Jean-Luc Collart) confirment un phénomène observé déjà pour la Somme et le Pas-de-Calais (cf. infra, p. 00). Le faciès du secteur Vermand / Saint-Quentin est totalement indépen-dant de celui de la zone atrébato-ambienne, quelques formes arrivent toutefois à se diffuser par l’intermédiaire des ateliers du Cambrésis qui présentent des pâtes maintenant bien déterminables. Certaines formes, comme le bol à lèvre en crochet19 connaît de nombreuses variantes ici. Le bol hémis-phérique, la marmite à bord en bandeau, l’assiette carénée sont encore présents, mais particulièrement discrets. Par contre, de nombreux vases ne connaissent des pendants que dans le répertoire champenois, témoignant ainsi d’un cou-rant plus fort vers le sud-est et même vers le sud (le Sélentois par exemple, notamment par la présence bien attestée de poêlons à paroi moulurée, cf. la partie sur le Sélentois).

17 Seillier, 1994, Tuffreau-Libre, Jacques, 1994.18 Tuffreau-Libre, Mossmann-Boucquillon, Symmonds, 1995.19 Bayard, 1980, type 19.

5. analyse de deux facIès : amIens eT saInT-quenTIn

5.1 le faciès amiénois : l’exemple du site de la Zac-cathédrale-université-Parking20

L’étude céramologique de ce site a livré un lot de céramiques assez abondant datable des années 40 de notre ère jusqu’à l’extrême fin du IVe s. Les vestiges céramiques du Bas-Empire sont particulièrement bien représentés puisque près de 43 % du total céramique se rattache à cette période et en particulier au dernier tiers du IVe s.

Les principales productions céramiques présentes sont la céramique sigillée d’Argonne et la céramique commune sombre sableuse (respectivement 36 % et 53 % du total du IVe s.). Il va sans dire que la céramique sigillée d’Argonne constitue l’écrasante majorité du lot de sigillées (fig. 8, A). Au total, 514 vases ont été dénombrés. Le répertoire des formes reconnues est assez varié : Chenet 304, Chenet 313, Chenet 314, Chenet 320, Chenet 324, Chenet 330 et Alzei 9/11. De nombreux fragments de décors à la molette provenant principalement de vases de type Chenet 320 ont été aussi identifiés. Les sept groupes définis par Hübener21 ont été signalés sur ce site.

On note aussi la présence anecdotique de productions de l’atelier de Jaulges & Villiers-Vineux (fig. 8, B). Deux exem-plaires, un bol hémisphérique et une jatte de type Chenet 323A ont été identifiés.

Au total 747 formes en céramique commune sombre sableuse ont été reconnues pour la période. Les formes les plus répandues sont les bols globulaires et les marmites en lèvre en bandeau (fig. 9-10). De nombreuses imitations régionales des céramiques granuleuses de l’Eifel, en pâte sableuse, les formes Alzei 27 et Alzei 30, ont été retrouvées sur ce chantier.

Quant à la production granuleuse (fig. 11), quatorze vases ont été inventoriés (bols, marmites et cruches), dont deux exemplaires importés de l’Eifel (Alzei 27).

La céramique commune claire est peu représentée dans les ensembles tardifs : 59 formes reconnues, soit 4 %. La forme la plus répandue est le mortier (fig. 12), souvent orné d’un bec verseur et dont la lèvre montre une grande diversité de formes : rectangulaire et massive, éversée, en bourrelet…

En conclusion, les vestiges céramiques de l’Antiquité tardive sont très abondants et deux productions réunis-sent près de 90 % du matériel, les sigillées d’Argonne et les pâtes sableuses. L’étude céramologique a montré qu’un nouveau répertoire de céramiques sableuses s’est installé avec la création de formes locales originales (bols globu-laires, marmites à lèvre en bandeau…) et des imitations des productions de l’Eifel pour les formes hautes, retrouvées en masse (Alzei 27 et Alzei 30). Le répertoire est assimilé par les potiers locaux de grises sableuses et en définitive, très peu de véritables céramiques granuleuses ont été recueillies.

20 Document final de synthèse de sauvetage urgent de la ZAC Cathédrale Université Parking et bibliothèque universitaire sous la direction de Dominique Gemehl et Nathalie Buchez (1994-1995), Amiens, SRA Picardie-1996.

21 Hübener, 1968.

la céramique de l’antiquité tardive en Picardie, état des lieux

172

Echelle 1/1

A

B

0 5 cm

Figure 8. Amiens, Zac cathédrale-université, répertoire des formes en céramique sigillée d’Argonne et de Jaulges & Villiers-Vineux (dessins F. Mille).

DiDier bayarD, cyrille chaiDron, stéPhane Dubois, Florence Flûtre-mille, véronique Pissot

173

0 5 cm

Figure 9. Amiens, Zac cathédrale-université, répertoire des formes hautes en céramique commune sombre sableuse du Bas-Empire (dessins F. Mille).

la céramique de l’antiquité tardive en Picardie, état des lieux

174

0 5 cm

Figure 10. Amiens, Zac cathédrale-université, répertoire des formes basses en céramique commune sombre sableuse du Bas-Empire (dessins F. Mille).

DiDier bayarD, cyrille chaiDron, stéPhane Dubois, Florence Flûtre-mille, véronique Pissot

175

0 5 cm

Figure 11. Amiens, Zac cathédrale-université, répertoire des formes en céramique granuleuse (dessins F. Mille).

la céramique de l’antiquité tardive en Picardie, état des lieux

176

Les potiers régionaux ont ainsi su rapidement proposer aux habitants amiénois une adaptation des formes de la céra-mique commune sableuse, en mesure de résister à la concur-rence des productions en céramique granuleuse.

5.2 le Vermandois au bas-empire à la vue des fouilles récentes22

Les fouilles opérées à la périphérie proche de la ville de Saint-Quentin (fouilles Patrick Lemaire, Inrap) ont permis de compléter le répertoire des formes du Bas-Empire du Vermandois, connues par ailleurs par les fouilles de Vermand (rue des Troupes, fouilles Jean-Luc Collart, 1996).

La quantité importante de mobilier du Bas-Empire sur le site de la Voie de Francilly (étude des céramiques en cours),

22 L’étude des céramiques étant en cours, il s’agit ici d’une présentation des premiers résultats.

sur le territoire de la commune de Saint-Quentin, associé à un nombre non négligeable de molettes d’Argonne mais surtout à une quantité impressionnante de monnaies (étude Vincent Drost) ont permis d’esquisser deux horizons pour le IVe - début Ve s. après J.-C et probablement un troisième vers le milieu du IVe s.

D’une manière générale, les céramiques fines connaissent un visage commun au reste du nord de la France à cette époque. Elles sont dominées par les sigillées d’Argonne et par quelques imitations en mode A. La céramique fine régionale se démarque des autres secteurs présentés ici, témoignant d’un faciès propre à cette région. De même pour la céramique commune, les productions locales sem-blent mélanger des formes connues plus au nord, dans le Cambrésis, mais aussi en Île-de-France et en Champagne. Toutefois, les importations de ces secteurs sont relativement restreintes, témoignant ainsi d’un fort apport local.

0 5 cm

Figure 12. Amiens, Zac cathédrale-université, répertoire des formes en céramique commune claire du Bas-Empire (dessins F. Mille).

DiDier bayarD, cyrille chaiDron, stéPhane Dubois, Florence Flûtre-mille, véronique Pissot

177

5.2.1 l’horizon 320-350 (fig. 13-15)La chronologie de cet horizon est fondée sur l’étude de la céramique et celle des monnaies. Le faciès de cet horizon reste fortement marqué par celui de la deuxième moitié du IIIe s. La céramique fine comporte en effet des éléments « anciens » comme le Dragendorff 40 en sigillée d’Argonne. Les autres sigillées, toutes argonnaises, appartiennent au répertoire classique du IVe s. : Chenet 320 et 335.

Aux sigillées sont associées des imitations de sigillées de mode A, récurrentes dans le nord de la Gaule à partir du dernier tiers du IIIe s. : ce sont des copies des formes Chenet 328-330 et Chenet 320, ainsi qu’un gobelet guilloché. La diversité des pâtes implique plusieurs ateliers : pâte rose à cœur gris avec points calcaires et oxydes à engobe rouge foncé, pâte orange sableuse à engobe rouge pâle épais non grésé, pâte rose sableuse contenant de la chamotte. Une par-tie au moins semble originaire du Cambraisis.

Les importations sont relativement discrètes, aussi pou-vons-nous signaler un gobelet à dépressions à pâte fine calcaire, micacée avec un engobe gris foncé lustré (imitation de métallescente probablement d’Argonne) ainsi qu’un frag-ment d’un vase indéterminé à pâte grise fine et engobe noir mat.

Les autres céramiques fines sont principalement des productions locales : Vermand 3, Vermand 6-7, Vermand 1, Vermand B2 et Vermand 8 à pâte blanche fumigée ou à pâte grise lissée ou encore quelques assiettes à bord rentrant à pâte grise fine et surface lissée23.

Au milieu d’un faciès viromanduen très marqué (Vermand A1, A2, A7, C1, C2/C3, C5, C5a, forme 7 du groupe de pâte C de Vermand : Dubois, 1997) se retrouvent quelques formes atrébates : bol rond à lèvre rentrante, type Bayard 19d, mais aussi certaines formes typiques du répertoire du Vermandois réalisées dans une pâte atrébate (pot à col concave). D’autres vases sont typiques du faciès « atrébato-ambien » comme le bol Bayard 16/17 à pâte limoneuse grise, probablement de production locale (2192-7). Dans le même registre, on peut aussi signaler un fragment de céramique à dégraissant coquillier.

Cet horizon voit apparaître les premières céramiques cra-quelées-bleutées champenoises. Une seule forme est signalée, une assiette ou plat à bord rentrant (2192-24). D’autres fragments à pâtes champenoises témoignent de l’existence

23 Dubois, 1997.

2192-1

2192-2

2192-3

2192-4

ST 2192

2192-23

2192-18

2192-19

A

B

sauf molette au 1 : 1

0 5 cm

Figure 13. Saint-Quentin, Voie de francilly, horizon ca 320-350, sigillées d’Argonne et imitations, fines régionales de mode B (dessins C. Chaidron).

la céramique de l’antiquité tardive en Picardie, état des lieux

178

2192-9 2192-24

2192-25

2192-5

2192-6

2192-7

2192-8

2192-10

2192-11

2192-26

2192-15

0 5 cm

Figure 14. Saint-Quentin, Voie de francilly, horizon ca 320-350, commune sombre : craquelée bleutée, pâte grise sableuse et limoneuse du Vermandois (dessins C. Chaidron).

DiDier bayarD, cyrille chaiDron, stéPhane Dubois, Florence Flûtre-mille, véronique Pissot

179

d’un courant d’importations non négligeable. Les dolia (cf. deux paragraphes plus bas), semblent provenir du secteur de Cambrai (2192-21).

La céramique commune oxydante est hétérogène avec encore quelques éléments du Noyonnais (2192-13), des importations champenoises (mortier 2192-14 et peut-être 20), mais aussi de Bavay à pâte « savonneuse » (2192-22) et quelques cruches à pâte dite « scaldienne ».

5.2.2 l’horizon du milieu du IVe s. ? (ca. 340-360 / 370) (fig. 16-17)Tout comme l’horizon précédent, la chronologie s’appuie sur les molettes (groupes 1, 2, 3, 5, peut-être 4) et sur une série monétaire importante très majoritairement comprise entre 330/335 et 360.

La sigillée n’apporte aucune originalité. Associée aux imitations septentrionales de sigillée, le répertoire est iden-tique à celui de l’horizon précédent : Chenet 320 et 333. Le constat est similaire pour les imitations de sigillées septen-trionales : Chenet 320 et 330. Les autres importations fines sont surtout des éléments résiduels : gobelet engobé sablé d’Argonne, sigillées de Gaule centrale ainsi que quelques métallescentes ou imitations (forme non identifiable). La céramique fine régionale s’agrémente de bols à collerette type Vermand B5 (2519-6), du bol Vermand 1 ou B2 dans

sa version fine, du bol Vermand 3 qui devient une forme fréquente et le type Vermand 8.

Pour la céramique commune sombre, si les bols dérivés du type Bayard 19 et les assiettes à paroi convexe sont encore bien présents, de nouvelles formes apparaissent, comme les assiettes à bord en bourrelet (2169-2), à collerette (2103-5), les bols carénés (2218-3) ou à panse cannelée qui sont certainement des poêlons (2519-2 type Vermand B4) et les bols Vermand B10 (2519-4). Pour les formes hautes, les pots à col concave Vermand C1 sont toujours attestés tout comme les pots à bord moulurés, d’inspiration champenoise (2218-4 et Vermand C6 : 2103-7) déjà présents dans la phase antérieure (St. 2129). Des pots à bord oblique (2218-2), que l’on retrouvera par la suite, ne semblent pas avoir été observés précédemment.

Les dolia n’ont pas livré d’éléments rattachables à un type précis, l’analyse des pâtes montre que deux groupes s’individualisent : une production à pâte sableuse, peut-être du Cambrésis et une autre contenant de la chamotte non déterminée.

Les céramiques communes oxydantes présentent encore de nombreux éléments du Noyonnais, témoignant d’une continuité de la production au IVe s. Les productions à pâte savonneuse, dont une partie au moins doit provenir du sec-teur de Bavay, sont particulièrement significatives. D’autres

2192-21

2192-222192-13

2192-14

2192-20

0 5 cm

Figure 15. Saint-Quentin, Voie de francilly, horizon ca 320-350, dolium du Cambrésis, commune oxydante du Noyonnais, savonneuse de Bavay, mortiers champenois (dessins C. Chaidron).

la céramique de l’antiquité tardive en Picardie, état des lieux

1802169-2

2169-1

2103-2

2218-3

2519-1

2519-2

2519-4

2519-5

2519-6

2519 US1

2103-5

sauf molette au 1 : 1

0 5 cm

Figure 16. Saint-Quentin, Voie de francilly, horizon du milieu du IVe s. (ca 340-360 ?), sigillées d’Argonne, fines régionales de mode B, commune sombre du Vermandois (dessins C. Chaidron).

DiDier bayarD, cyrille chaiDron, stéPhane Dubois, Florence Flûtre-mille, véronique Pissot

181

vases, principalement à pâte calcaire et à pâte calcaire à sur-face lissée, restent d’origine indéterminée. Les productions oxydantes à pâte sableuse sont très peu représentées (sept fragments de céramique culinaire sableuse oxydante) et les productions scaldiennes inexistantes. La céramique à vernis rouge pompéien (VRP) est représentée, principalement par des plats Bayard 1c, à pâte rose sableuse (2519-3).

Les quelques fragments d’amphores peuvent être ratta-chés aux ateliers de Bétique, de Narbonnaise et du Noyonnais (aucun bord).

5.2.3 l’horizon 370/390-410/420 (fig. 18-22)Trois structures permettent d’isoler cet horizon identifié par les molettes (deux des structures) et par les monnaies (les trois structures). Les molettes sont des types UC 118, 140 inversée, 175, 197, 269 inversée et 352. La réparti-tion montre une forte présence des groupes 4 à 6 avec dix

molettes identifiées sur dix-huit au total. Les monnaies les plus récentes sont datées de l’extrême fin du IVe- tout début Ve s.

Le répertoire de la sigillée interdit une datation après 420/430. Les imitations de sigillées sont toujours présentes, mais la distinction avec les VRP est souvent délicate, pour preuve le bord engobé 2275-7 qui pourrait être une imita-tion de Chenet 313 mais aussi être un bord de VRP Blicquy 1-4 dont des exemplaires sont par ailleurs encore attestés au Bas-Empire, à Quend par exemple (contexte contem-porain).

Pour la céramique commune sombre, associés au réper-toire dominant du Vermandois, les bols ronds des ateliers d’Arras et du Cambrésis apparus dès la fin du IIe s., sont plus présents dans ces contextes que dans les contextes antérieurs. Ils sont surtout systématiques dans les ensembles du dernier quart du IVe s.

2103-1

2103-3

2103-4

2103-7

2218-1

2218-2

2218-4

2218-5

2519-3

0 5 cm

Figure 17. Saint-Quentin, Voie de francilly, horizon du milieu du IVe s. (ca 340-360 ?), pâte grise sableuse fine, commune sombre du Vermandois, modelée, commune oxydante sableuse et vernis rouge pompéien

(dessins C. Chaidron).

la céramique de l’antiquité tardive en Picardie, état des lieux

182

2275-21

2275-6

2275-7

2275-8

2275 US2

2210-1

0 5 cm

Figure 18. Saint-Quentin, Voie de francilly, horizon ca 390-410, sigillées d’Argonne et imitations (dessins C. Chaidron).

DiDier bayarD, cyrille chaiDron, stéPhane Dubois, Florence Flûtre-mille, véronique Pissot

183

2275-37

2275-36

2275-34

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2210-6

0 5 cm

Figure 19. Saint-Quentin, Voie de francilly, horizon ca 390-410, céramiques fines de mode B (dessins C. Chaidron).

la céramique de l’antiquité tardive en Picardie, état des lieux

184

2275-31

2275-11

2275-15

2275-18

2275-3

2275-4

2210-282210-16

2275-27

2210-18

0 5 cm

Figure 20. Saint-Quentin, Voie de francilly, horizon ca 390-410, céramiques communes sombres et granuleuses imitations de l’Eifel (dessins C. Chaidron)

DiDier bayarD, cyrille chaiDron, stéPhane Dubois, Florence Flûtre-mille, véronique Pissot

185

2275-39

2275-9

2275-10

2275-2

2210-10

2210-7

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2210-21

2210-22

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2210-4

2210-14

2210-3

0 5 cm

Figure 21. Saint-Quentin, Voie de francilly, horizon ca 390-410, imitations d’Alzei 27, production francilienne et craquelées bleutées (dessins C. Chaidron).

la céramique de l’antiquité tardive en Picardie, état des lieux

186

Les pots sont très diversifiés : il y a des pots à bord en bandeau typiquement atrébates (2275-14), des produc-tions à pâte blanche à quartz du pays de Bray (2275-38 en PBQ-D et peut-être 2275-27) et des imitations d’Alzei 27 à pâte sableuse ou à pâte sableuse avec des silex. Les importations champenoises sont toujours présentes (2210-21 et 2210-25), sous forme de pots à bord mouluré en pâte blanche à surface bleutée et en craquelée bleutée. Le pot à bandeau concave 2210-7 pourrait lui être une importation francilienne.

Les couvercles sont de deux types, à bord en Y (2218-5) ou à bord en bourrelet aplati Vermand D1 (non représenté).

Le corpus des céramiques de l’Eifel est limité à un seul exemplaire d’Alzei 27, rareté qui exprime bien une diffusion en petite quantité observée une partie des occupations tar-dives du territoire viromanduen (Vermand, rue des Troupes, mais également en milieu rural comme à Ennemain, L’Orme sur le tracé A29, ou Saint-Christ-Briost sur le tracé du Canal Seine-Nord-Europe). En revanche, les imitations sont plus diversifiées, réalisées soit dans une pâte sableuse (production francilienne ?), soit dans une pâte sableuse avec des frag-ments de silex, peut-être originaire du Cambrésis. à côté des

pots Alzei 27, le vase 2275-11 pourrait être une imitation d’Alzei 32 (à quartz et silex), de même que le pichet (?) 2275-12 pourrait être une imitation d’Alzei 30 (pâte gris-beige sableuse).

La céramique commune oxydante présente encore beau-coup d’éléments provenant du Noyonnais, signalant ainsi une perduration de la production jusqu’au moins le milieu du IVe s., associés à d’autres productions à pâte calcaire ou siliceuse. Le seul plat à vernis rouge pompéien identifiable est le type Bayard 1c à pâte rose sableuse.

6. le facIès TardIf du sélenToIs

Le Sélentois, appelé aussi Senlisis, correspond à l’antique cité des Silvanectes, la plus petite civitas de la Gaule chevelue (à peine 500 km2) ayant Senlis (Augustomagus) pour chef-lieu. On dispose d’une documentation relativement abondante, particulièrement pour le IVe s.24, qui montre, pour s’en

24 Pissot, 2006a.

2275-33

2275-282275-30

2275-12

2275-14

2275-20

2275-5

2210-24

2210-13

2210-20

2210-17

0 5 cm

Figure 22. Saint-Quentin, Voie de francilly, horizon ca 390-410, communes sombres (dessins C. Chaidron).

DiDier bayarD, cyrille chaiDron, stéPhane Dubois, Florence Flûtre-mille, véronique Pissot

187

tenir au seul répertoire des céramiques communes, que deux formes principalement, le bol à lèvre moulurée et le pot à bord triangulaire, définissent véritablement le faciès de la céramique de ce petit secteur géographique au cours de la période romaine tardive.

Le bol à bord mouluré présente un col rectiligne et une panse renflée (fig. 23, n°  1 à 7). La surface est toujours lissée. Ce type de forme ouverte est attesté sur tous les sites des environs de Senlis occupés au IVe s. : la villa de Gouvieux au cours de la période constantinienne (fouilles Pascal Quérel25), l’établissement rural26 ainsi que la villa27 de

25 Dubois, 1998.26 Site de Rully II, Le Ravin Flobert. Programme du TGV Nord. Fouille de Jean-

Luc Collart (SRA Nord/Picardie), 1990.27 Site de Rully III, Les Essarts. Programme du TGV Nord. Fouille de Hervé

Barbé (Afan), 1990.

Rully28, le temple d’Ognon29, Senlis30, la villa de Verneuil-en-Halatte31 ou encore la villa de Plailly32. Sur ce dernier site, on note toutefois la présence d’une variante possédant un haut col orné de bandes lissées (n° 6 et 7) qui n’est attes-tée nulle part ailleurs dans la région considérée.

En Picardie, l’aire principale de diffusion de ces bols paraît se concentrer dans le département de l’Oise, sur la rive gauche du fleuve. Ils se rencontrent fréquemment dans l’extrême sud du département, dans le triangle que forment

28 Pissot, 1992b.29 Pissot, 2000 ; Durand, 2000.30 Pissot, 1996 et 1999.31 Villa de Verneuil-en-Halatte. Fouille de Jean-Luc Collart (SRA Nord/Picardie),

1986 à 1988. Pissot, 1992a.32 Fouilles de Jean-Luc Collart, SRA Nord/Picardie, 1988. Pissot, 1989.

1

4

5

6

7

2

3

0 5 cm

Figure 23. La céramique tardive du Sélentois. Le bol à lèvre moulurée (Rully II : n° 1 ; Ognon : n° 2 ; Senlis : n° 3 ; Verneuil-en-Halatte : n° 4 ; Plailly : n° 5-7) (dessins : V. Pissot).

la céramique de l’antiquité tardive en Picardie, état des lieux

188

les localités de Plailly, Compiègne et Crépy-en-Valois33. De même les occurrences sont nombreuses dans le nord de l’Île-de-France (en particulier chez les Parisii et la partie la plus septentrionale de la cité des Meldes). Au-delà de ce péri-mètre, la forme bien que régulièrement attestée semble se raréfier pour disparaître tout à fait. Ainsi est-elle exception-nelle dans le reste de la Picardie, que ce soit dans la cité des Bellovaques, des Viromanduens ou des Ambiens. De même, en Île-de-France, sa diffusion paraît considérablement res-treinte au-delà de cette limite que semblent constituer la Seine et la Marne (chez les Carnutes et la plus grande partie du territoire sénon).

La deuxième forme la mieux représentée dans ces contextes tardifs est le pot à bord triangulaire (fig. 24, n° 8 à 14). Le col concave est plus ou moins haut et l’épaule, plus ou moins anguleuse. Ce type remplace progressivement le pot à col tronconique muni d’un bord éversé à gouttière interne, caractéristique des IIe et IIIe s. Comme le type précédent, il est en usage dès la première moitié du IVe s. ainsi que l’attestent les exemplaires constantiniens du site de Gouvieux. Il semble en revanche avoir une aire de diffusion principale plus vaste qui couvre à la fois le Sélentois et la région Île-de-France34.

D’autres formes sont évidemment attestées au IVe s. dans ce secteur géographique (fig. 25). Parmi les récipients ouverts, certains dérivent clairement du répertoire du IIIe s.

33 Ce que montre bien le mobilier trouvé par Jean-Pierre Tymciow au cours de plusieurs années de prospections dans le secteur de la ville de Crépy-en-Valois.

34 La forme se rencontre dans l’ensemble de la région. Elle est très bien représentée dans le nord de la région (voir notamment Jobelot, Van Ossel, 2006 ; Couturier et al., 2003 et Benhaddou, 2006), à Paris (Guyard, 2003), Septeuil dans les Yvelines (Barat, Gaidon-Bunuel, Van Ossel, 2006) ainsi qu’à Vanves, dans les Hauts-de-Seine comme le montrent de récentes découvertes (fouille de la Rue Gaudray, resp. Xavier Peixoto, Inrap, 2005, DFS en cours). Les données manquent pour le sud de la région (une partie des Hauts-de-Seine, le Val-de-Marne et l’Essonne).

comme ces bols à bord en baguette (n° 18 et 19) ou encore ces bols ou poêlons à paroi moulurée (n° 16). Pour ces derniers, une production est connue à Saint-Sauveur, dans l’Oise, dans la forêt de Compiègne35, mais aussi à Paris36 au milieu ou seconde moitié du IIIe s. C’est le cas également de ces bols à bord en baguette (n°18 et 19). D’autres formes s’écartent nettement de ces modèles anciens tels le bol caréné (n° 17), le bol à collerette (n° 20) ou à col cylindrique et bord en baguette (n° 21). Enfin, quelques formes plus rares et pour lesquelles on ne peut exclure une origine extra régio-nale, sont attestées : couvercle à « bord en Y » (n° 15) et bol à renflement interne et paroi moulurée (n° 22).

Parmi les formes fermées en céramique commune sombre, on remarque la présence d’un mobilier hérité du répertoire du IIIe s. : le gobelet à col court (fig. 25, n° 23) ou encore celui à col tronconique (n° 24) dont on connaît une production apparentée à Saint-Sauveur dans l’Oise au IIIe s. (Margot, 1975). D’autres vases au caractère tardif plus marqué sont illustrés : le gobelet à haut col (fig. 3, n° 27) qui s’inspire du répertoire des métallescentes, le pot à bord en gouttière (n° 25) qui reprend un type classique en céramique granuleuse (type Alzei 27) ou encore le pot à bord vertical mouluré (n° 29).

Le répertoire des céramiques communes claires, majori-tairement à pâte calcaire, puise là encore largement dans le répertoire du IIIe s. avec notamment ces amphores à bord évasé et mouluré (fig. 26, n° 30) ou bien à bord triangulaire (n° 31), qui constituent un avatar tardif de ces amphores produites notamment à Paris, rue des Lombards37. Quelques mortiers, dont l’origine régionale n’est pas assurée, sont

35 Margot, 1975.36 Voir article de Thomas Mazière et Véronique Pissot sur le four de potiers de

l’atelier parisien des rues Crébillon/de Condé dans la présente livraison, p. 00-00.

37 Marquis, 2000.

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Figure 24. La céramique tardive du Sélentois. Pot à bord triangulaire (Rully II : n° 8-9 ; Verneuil-en-Halatte : n° 10 ; Plailly : n° 11-12 ; Ognon : n° 13 ; Senlis : n° 14) (dessins : V. Pissot).

DiDier bayarD, cyrille chaiDron, stéPhane Dubois, Florence Flûtre-mille, véronique Pissot

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encore attestés au cours de la période gallo-romaine tardive (n° 32 et 33).

Enfin, un dernier groupe céramique, qui apparaît dans le courant de la seconde moitié du IVe s., illustre bien le faciès tardif du Sélentois : la céramique granuleuse (fig. 26). Le répertoire des formes présente beaucoup d’affinités avec celui de la région d’Île-de-France. On reconnaît les types classiques pour ce groupe de pâtes : le pot Alzei 27 (n° 37), le pichet Alzei 30 (n° 38), deux bols Petit IIIb ou apparenté (n° 35 et 36) et des mortiers (n° 39 et 40). Une dernière forme, le type Alzei 28 (n° 34), est comme en Île-de-France, relativement rare. Les caractéristiques techniques de ces récipients suggèrent que l’atelier supposé de Vanves dans les

Hauts-de-Seine38 a pu être une des sources pour ce type de vaisselle.

Ainsi, il apparaît que le faciès de ce petit secteur géo-graphique, au moins pour le IVe s., présente un caractère francilien très marqué et qu’il s’apparente davantage à celui du nord de la région parisienne (voir notamment les sites de Vallengoujard, le Plessis-Gassot ou Luzarches) qu’au faciès « atrébato-ambien » (les vases bilobés par exemple sont tout à fait exceptionnels dans le Sélentois). Ces affinités dans le répertoire des deux régions font écho à l’hypothèse de Michel Roblin suivant laquelle la cité des Silvanectes aurait résulté d’un démembrement de la cité des Meldes39. Plus près de nous, elles rappellent aussi que le Sélentois,

38 Renel, 1997.39 Roblin, 1978.

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Figure 25. La céramique tardive du Sélentois. Formes diverses en commune sombre (Rully II : n° 15, 19, 21, 26-27 ; Rully III : n° 16, 28 ; Gouvieux : n° 18 ; Plailly : n° 20, 22, 24, 29 ; Senlis : n° 17, 23, 25) (dessins : V. Pissot).

la céramique de l’antiquité tardive en Picardie, état des lieux

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aujourd’hui intégré à la région administrative de Picardie, était rattaché à la province d’Île-de-France, avant la création du département de l’Oise en 1790.

conclusIon

La masse du mobilier céramique mis au jour en Picardie grâce à la multiplication des fouilles d’établissements d’époque romaine, en ville ou à la campagne, a permis d’at-teindre une « masse critique » suffisante pour faire naître des vocations de céramologues et obliger les autorités à recruter des spécialistes de cette discipline et finalement pour faire progresser nos connaissances dans des proportions que nous

n’imaginions pas il y a vingt ou trente ans. Mais force est de constater que l’ensemble des périodes de l’Antiquité n’a pas profité également de ces progrès, spécialement les deux siècles de l’Antiquité tardive. La raison tient à des causes multiples propres à la période, difficultés d’évaluation chro-nologique, mauvaises conditions de conservation… Avec un retard de quelques décennies, une bonne partie des obstacles évoqués sont surmontées aujourd’hui ou en passe de l’être, grâce à une meilleure maîtrise des questions chronologiques et à la collecte de nouveaux ensembles, notamment dans des secteurs géographiques dispersés. La présentation de trois exemples ponctuels ou micro-régionaux illustre l’état de nos connaissances et les pistes de recherche qui se dessinent pour l’avenir.

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Figure 26. La céramique tardive du Sélentois. La céramique claire (Rully III : n° 30-31 ; Plailly : n° 32 ; Rully II : n° 33) et la céramique granuleuse (Plailly : n° 34, 36, 39-40 ; Senlis : n° 35, 38 ; Rully II : n° 37 ; Plailly : n° 36, 39-40) (dessins : V. Pissot).