La naissance de la villa en Picardie : la ferme gallo-romaine précoce

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Le développement de l’archéologie de sauvetage, grâce aux nouvelles procédures progressivement mises en place à partir des années 1980 qui ont apporté des moyens jusqu’alors inconnus, a permis de renouveler très profondément nos connais- sances sur les campagnes gallo-romaines, notam- ment en Picardie. Parmi les multiples informations recueillies, certaines permettent de mieux appré- hender les étapes de l’apparition des villae, dont beaucoup succèdent à un établissement laténien. Ces villae ainsi que celles qui furent fondées dans les deux demi siècles qui encadrent la naissance de notre ère, connurent une phase de construction en matériaux “ légers “, terre et bois, faisant en grande partie appel aux plans et sans doute aux traditions techniques de La Tène. La disposition même de ces établissements, que l’on hésite à qualifier de villa, tant ce terme est associé à l’idée d’une architecture en dur, évoque, plus ou moins selon les sites, l’organisation des fermes laténiennes. Les liens entre les “ fermes indigènes “ et les villae sont désormais évidents. Toutefois, certaines fermes gallo-romaines précoces présentent, au moins à partir du dernier quart du Ier siècle, des aménage- ments spécifiques, à la fois au niveau de la disposi- tion générale et des édifices. Ces particularités sont plus flagrantes dans les établissements les plus grands. Ils n’ont d’ailleurs pas de parallèles à La Tène dans la région d’étude et dans l’état actuel de nos connaissances. Cet article sera centré sur l’exa- men de la nature des fermes gallo-romaines pré- coces, et de l’apparente originalité des plus grandes. Les autres questions importantes que sus- cite l’étude des campagnes à cette période, telle que la structure de l’occupation du sol et les phé- nomènes de continuité et de rupture dans l’habitat, sont abordées dans ces actes, pour la Picardie par C. Haselgrove et D. Bayard, ce dernier mettant par- ticulièrement en évidence les particularismes locaux, montrant ainsi que la romanisation est un phénomène complexe et sur le long terme. Les liens entre “ fermes indigènes “ et “ villa “ ont longtemps été mal définis. La Picardie, ou plus exactement le département de la Somme et ses abords immédiats, bénéficie du remarquable éclai- rage jeté sur les campagnes antiques par les pros- pections aériennes effectuées depuis les années 1960 par R. Agache. Ces travaux ont mis en éviden- ce d’un côté la grande densité des villae et l’homo- généité de leur organisation générale. R. Agache a pu en définir les caractéristiques : des bâtiments, le plus souvent dispersés, se répartissent autour d’une vaste cour rectangulaire ou trapézoïdale, dominée à l’une des extrémité par la maison du maître, qui s’organise, là encore, presque toujours selon un plan immuable, une enfilade de salles (souvent trois, mais parfois beaucoup plus), précé- dée par une galerie façade, généralement encadrée par deux pavillons d’angles, plus ou moins saillants et où se loge fréquemment un cave. Dans les établissements d’une certaine importance, la cour centrale est divisée en deux parties inégales. La partie la plus réduite, qui comprend la maison du maître, est identifiée à la pars urbana, et la plus grande, à la pars rustica ou agraria, entourée des bâtiments utilitaires (AGACHE 1975 ; AGACHE, BREART 1975 ; AGACHE 1978 ; AGACHE 1982 ; AGACHE 1982a). Les prospections aériennes ont par ailleurs révélé l’existence de systèmes d’enclos emboîtés protohistoriques, que R. Agache a baptisé « fermes indigènes », selon une terminologie repri- se des auteurs britanniques. Là aussi une typologie a été proposée, selon les tracés, assez variés, plus ou moins curvilignes ou au contraire rectilignes. Il est apparu que ces fermes appartenaient principa- lement à l’époque laténienne, mais certaines seraient aussi datables du début de la période romaine. Ce sont de modestes établissements “ en voie de romanisation “. Ils établissent une passerel- le entre les “ fermes indigènes “ et les villae, les secondes pouvant succéder aux premières (AGACHE 1976 ; AGACHE 1981). Ces conclusions ne reposaient pratiquement que sur les prospections aériennes. En effet, l’accompa- gnement nécessaire par des études au sol se fit longtemps attendre. Pourtant l’intérêt des recherches de terrain fut affirmé dès 1965 (AGACHE, VASSELLE, WILL 1965), et un pro- gramme de fouilles lancé par Ernest Will sur la Picardie et le Nord/Pas-de-Calais. Certaines réti- cences au niveau du Conseil supérieur de la Recherche archéologique ne permirent pas de mettre en œuvre des moyens conséquents. Les résultats s’en ressentirent, puisque la plupart des chantiers furent conduits par des archéologues amateurs qui n’étaient pas très au fait des méthodes de fouilles rigoureuses. Par ailleurs la plus grande “ villa “, celle de Ribemont-sur-Ancre, étudiée par A. Ferdière et le groupe d’Archéologie des étudiants de la Sorbonne se révéla être un… * Service régional de l'Archéologie en Picardie 5 rue Henri Daussy F - 80 000 AMIENS 121 Revue archéologique de Picardie N° spécial 11 - 1996 LA NAISSANCE DE LA VILLA EN PICARDIE : LA FERME GALLO-ROMAINE PRÉCOCE J.-L. COLLART *

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Le développement de l’archéologie de sauvetage,grâce aux nouvelles procédures progressivementmises en place à partir des années 1980 qui ontapporté des moyens jusqu’alors inconnus, a permisde renouveler très profondément nos connais-sances sur les campagnes gallo-romaines, notam-ment en Picardie. Parmi les multiples informationsrecueillies, certaines permettent de mieux appré-hender les étapes de l’apparition des villae, dontbeaucoup succèdent à un établissement laténien.Ces villae ainsi que celles qui furent fondées dansles deux demi siècles qui encadrent la naissance denotre ère, connurent une phase de construction enmatériaux “ légers “, terre et bois, faisant en grandepartie appel aux plans et sans doute aux traditionstechniques de La Tène. La disposition même de cesétablissements, que l’on hésite à qualifier de villa,tant ce terme est associé à l’idée d’une architectureen dur, évoque, plus ou moins selon les sites,l’organisation des fermes laténiennes. Les liensentre les “ fermes indigènes “ et les villae sontdésormais évidents. Toutefois, certaines fermesgallo-romaines précoces présentent, au moins àpartir du dernier quart du Ier siècle, des aménage-ments spécifiques, à la fois au niveau de la disposi-tion générale et des édifices. Ces particularités sontplus flagrantes dans les établissements les plusgrands. Ils n’ont d’ailleurs pas de parallèles à LaTène dans la région d’étude et dans l’état actuel denos connaissances. Cet article sera centré sur l’exa-men de la nature des fermes gallo-romaines pré-coces, et de l’apparente originalité des plusgrandes. Les autres questions importantes que sus-cite l’étude des campagnes à cette période, telleque la structure de l’occupation du sol et les phé-nomènes de continuité et de rupture dans l’habitat,sont abordées dans ces actes, pour la Picardie parC. Haselgrove et D. Bayard, ce dernier mettant par-ticulièrement en évidence les particularismeslocaux, montrant ainsi que la romanisation est unphénomène complexe et sur le long terme.

Les liens entre “ fermes indigènes “ et “ villa “ ontlongtemps été mal définis. La Picardie, ou plusexactement le département de la Somme et sesabords immédiats, bénéficie du remarquable éclai-rage jeté sur les campagnes antiques par les pros-pections aériennes effectuées depuis les années1960 par R. Agache. Ces travaux ont mis en éviden-ce d’un côté la grande densité des villae et l’homo-généité de leur organisation générale. R. Agache apu en définir les caractéristiques : des bâtiments, leplus souvent dispersés, se répartissent autour

d’une vaste cour rectangulaire ou trapézoïdale,dominée à l’une des extrémité par la maison dumaître, qui s’organise, là encore, presque toujoursselon un plan immuable, une enfilade de salles(souvent trois, mais parfois beaucoup plus), précé-dée par une galerie façade, généralement encadréepar deux pavillons d’angles, plus ou moinssaillants et où se loge fréquemment un cave. Dansles établissements d’une certaine importance, lacour centrale est divisée en deux parties inégales.La partie la plus réduite, qui comprend la maisondu maître, est identifiée à la pars urbana, et la plusgrande, à la pars rustica ou agraria, entourée desbâtiments utilitaires (AGACHE 1975 ; AGACHE,BREART 1975 ; AGACHE 1978 ; AGACHE 1982 ;AGACHE 1982a). Les prospections aériennes ontpar ailleurs révélé l’existence de systèmes d’enclosemboîtés protohistoriques, que R. Agache a baptisé« fermes indigènes », selon une terminologie repri-se des auteurs britanniques. Là aussi une typologiea été proposée, selon les tracés, assez variés, plusou moins curvilignes ou au contraire rectilignes. Ilest apparu que ces fermes appartenaient principa-lement à l’époque laténienne, mais certainesseraient aussi datables du début de la périoderomaine. Ce sont de modestes établissements “ envoie de romanisation “. Ils établissent une passerel-le entre les “ fermes indigènes “ et les villae, lessecondes pouvant succéder aux premières(AGACHE 1976 ; AGACHE 1981).

Ces conclusions ne reposaient pratiquement quesur les prospections aériennes. En effet, l’accompa-gnement nécessaire par des études au sol se fitlongtemps attendre. Pourtant l’intérêt desrecherches de terrain fut affirmé dès 1965(AGACHE, VASSELLE, WILL 1965), et un pro-gramme de fouilles lancé par Ernest Will sur laPicardie et le Nord/Pas-de-Calais. Certaines réti-cences au niveau du Conseil supérieur de laRecherche archéologique ne permirent pas demettre en œuvre des moyens conséquents. Lesrésultats s’en ressentirent, puisque la plupart deschantiers furent conduits par des archéologuesamateurs qui n’étaient pas très au fait desméthodes de fouilles rigoureuses. Par ailleurs laplus grande “ villa “, celle de Ribemont-sur-Ancre,étudiée par A. Ferdière et le groupe d’Archéologiedes étudiants de la Sorbonne se révéla être un…

* Service régional de l'Archéologie en Picardie5 rue Henri DaussyF - 80 000 AMIENS

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Revue archéologique de Picardie N° spécial 11 - 1996

LA NAISSANCE DE LA VILLA EN PICARDIE : LA FERME GALLO-ROMAINE PRÉCOCE

J.-L. COLLART *

sanctuaire (ce qui assura la pérennité de la fouille).En définitive quelques bâtiments principaux furenttout, ou en partie, exhumés, sans qu’on puisse entirer grand chose de neuf, de sorte que l’intérêt detels travaux continua d’être mis en doute.

Dans les années 1970 les chantiers de fouille pro-grammée furent fermés les uns après les autres.Dans ce contexte l’étude de la villa de Famechon(Somme), à partir de 1972, par le grouped’Archéologie des étudiants d’Amiens, sous laconduite de D. Vermeersch, occupe une place par-ticulière. Fait important, c’était une fouille de sau-vetage entraînée par l’exploitation de matériauxalluvionnaires. Ce contexte spécifique permettaitune approche différente puisque les surfaces étu-diables étaient beaucoup plus considérables qu’àl’ordinaire. Une problématique nouvelle permit demettre à profit cette opportunité, en portant enfinl’attention sur les bâtiments de la partie écono-mique de l’établissement. La fouille de Famechonfournit dès les premières campagnes un éclairagenouveau sur la villa du Nord de la Gaule, mais lesphases précoces ne furent réellement appréhen-dées qu’à partir de 1986.

Cette opération a marqué une nouvelle étape dansla recherche sur les villae. Les fouilles de sauvetageont offert une vision plus large, et la qualité desinformations recueillies a été nettement amélioréepar la généralisation de l’approche stratigraphique(d’abord dans le cadre contraignant des grilles decarrés séparés par des bermes puis à partir dumilieu des années 1980, en aire ouverte). Lesgrands décapages entrepris dans les plaines allu-viales à l’occasion des sauvetages liés aux extrac-tions de gravier (notamment dans la vallée del’Aisne, à l’instigation de l’URA 12 et de la direc-tion des Antiquités historiques) ne furent pas pourrien dans cette évolution.

Ce type d’intervention a aussi attiré l’attention desarchéologues antiquisants sur des catégories destructures quelque peu négligées jusqu’alors : lestrous de poteaux, les fossés et autres aménage-ments en creux. Dans cette prise de conscience, ilne faut pas négliger l’influence de l’archéologie bri-tannique, puisque la première démonstrationd’ampleur du grand intérêt de ce type de vestigedans l’étude des sites ruraux gallo-romains, futapportée par la fouille de Beaurieux, dans la valléede l’Aisne, menée de 1983 à 1987 par C. Haselgrove(supra), et dont l’un des objectifs était d’étudier lesmanifestations de la romanisation d’un établisse-ment agricole d'origine protohistorique. Lesfouilles ouvertes à partir de ce moment, tellesVerneuil-en-Halatte (1985-1990), Aubigny (1987-1988), Plailly (1989), s’attachèrent à l’examen atten-tif de ces traces, qui se révélèrent très richesd’informations pour toutes les périodes, et en par-ticulier pour les phases anciennes.

C’est donc seulement à partir du milieu des années1980 que l’aspect des fermes gallo-romaines pré-coces commença à être discerné. Parallèlement

l’étude des fermes laténiennes progressait demanière significative, notamment avec les fouillesde Missy (1986), dans la vallée de l’Aisne (PION,GRANSAR, AUXIETTE, supra) et Chevrières danscelle de l’Oise (FEMOLANT, MALRAIN, supra).Jusqu’alors la documentation sur les fermes indi-gènes se limitait aux photographies aériennes, oùseuls les enclos apparaissaient clairement et à laferme laténienne de Conchil-le-Temple (Pas-de-Calais), à peu près complètement fouillée de 1977 à1979 (LEMAN-DELERIVE, PININGRE 1981).L’étude des établissements laténiens a permis dedécouvrir les bâtiments et aménagements associés,ainsi que l'organisation interne des enclos. On a puobserver que les édifices, peu nombreux, étaient, leplus souvent, dispersés sur le pourtour de l’enclos,à quelques mètres des fossés, dégageant ainsi unespace central plus ou moins vaste.

Les années 1990 ont été inaugurées par le program-me de sauvetage du TGV Nord, où l’expérienceacquise put être mise en pratique sur une grandeéchelle, grâce à des moyens très considérables. Ledélai imparti ne permit pas de tirer au cours del’opération toute la leçon d’un champ de visionélargi grâce aux moyens de terrassement impor-tants disponibles. Les grands décapages permirentd’aborder l’analyse de la périphérie des zonesd’habitats et d’activités centrales, mettant en évi-dence des secteurs enclos de fossés, avec des tracesd’activités périphériques, voire d’habitat secondai-re. Cet aspect a été mieux étudié sur le tracé del’autoroute A 28, fouillé de 1990 à 1991 et sur celuide l’A 16, de 1992 à 1995. Les décapages élargis ontpermis de suivre l’évolution de nombreux sitesdepuis La Tène ou l’époque gallo-romaine précoce,jusque dans le courant de l’époque romaine, au tra-vers de leurs réaménagements successifs, souventassociés à des déplacements des zones centrales.

Les phénomènes observés, continuité de l’implan-tation et plus rarement de l’organisation généraledes sites, depuis La Tène finale ou l’époque gallo-romaine précoce, ont mis en évidence le caractèreinexact de la dichotomie admise communémententre “ fermes indigènes “ et villae. La filiation estévidente.

Cette idée n’est pas tout à fait neuve, puisquel’existence d’un lien (autre que la simple superpo-sition d’occupations) entre certaines fermes laté-niennes et gallo-romaines était avancée entre lesdeux guerres mondiales par les chercheurs alle-mands. L’évolution du bâtiment principal de lavilla de Mayen, à partir d’une construction laté-nienne, permettait de démontrer la pérennité d’untype architectural laténien, en l’occurrence la mai-son à grande salle unique et foyer central, au tra-vers du modèle de bâtiment d’habitation principalà “ halle centrale “ si caractéristique des Germanieset de l’Est de la Gaule (ŒLMANN 1928).

Cet exemple avait emporté l’adhésion de Grenierqui élargissait sans hésitation sa portée : “ ...Si lesvillas se sont développées en Gaule, c’est d’elles-

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mêmes, pour ainsi dire et parce qu’elles conti-nuaient simplement sous une forme nouvelle unetradition indigène. […] La villa rustique de typelatin n’est que le développement de la demeurerurale celtique. “ (GRENIER 1934, p. 784).

Depuis cette époque, la question de continuitéentre établissement laténiens et villae a été évoquéeà de nombreuses reprises, notamment à l’occasionde découvertes de mobilier céramique, et parfoisde quelques trous de poteaux. Mais Wightman en1985 (chap. 5) après avoir recensé les principauxcas en Gaule Belgique, peu nombreux, concluait àl’impossibilité de mesurer l’étendue de la continui-té entre fermes laténiennes et gallo-romaines (ana-lyse voisine pour l’ensemble de la Gaule chezFERDIERE, 1988). De manière générale l’originedes villae restait obscure, même si les quelques sitesayant livré des bâtiments de bois appartenant à desphases antérieures aux constructions en dur, pou-vaient être la manifestation d’un phénomène plusimportant.

Les recherches récentes apportent des éclairagescomplètement nouveaux sur ces deux points etpermettent d’avancer les premiers éléments deréponse. Sur un assez grand nombre de sites, l’évo-lution entre la ferme laténienne et la villa classique,construite en dur, a pu être bien suivie, révélantdes phases d’aménagement d’époque romaine quiprésentent un certain nombre de caractéristiquescommunes avec les fermes laténiennes. Ces étatsd’époque augusto-tibérienne et, jusqu’au milieu duIer siècle de notre ère, font appel, non seulementaux matériaux de construction vernaculaires, terreet bois, mais conservent des plans élaborés àl’époque de La Tène. La disposition de ces “ fermesgallo-romaines précoces “ (puisqu’il faut bien bap-tiser ce type d’établissement, sans doute préférableà “ villa précoce “, “ villa “ faisant référence à unensemble d’une certaine ampleur, tant au niveaude l’étendue des bâtiments que de leur qualitéarchitecturale, ce qui est difficile à démontrer pourdes constructions en matériaux légers), avec leursvastes enclos fossoyés, à tendance quadrangulaire,où les édifices dispersés occupent la périphéried’un espace central dégagé, est assez proche decelle des “ fermes indigènes “, tout en annonçant lavilla à cour centrale.

L’objet de cet article est tout d’abord de souligner,à partir de l’analyse d’un choix limité d’exemplesreprésentatifs des différentes catégories d’établis-sements ruraux, les caractéristiques des fermesgallo-romaines précoces.

Cette analyse met en évidence des particularitéspropre aux grandes fermes précoces. Il a paru inté-ressant de pousser un peu plus l’examen de cettequestion, en élargissant l’étude aux quatreexemples disponibles en Picardie.

LES FERMES GALLO-ROMAINES PRÉCOCES

Pour aborder la question de l’origine des villae etautres établissements agricoles gallo-romains,compte tenu de l’abondante documentation dispo-nible, il a paru préférable de se restreindre à l’ana-lyse de trois établissements ruraux, correspondantaux trois niveaux de ferme attestés dans la région :grande villa (Verneuil-en-Halatte), villa moyenne(Roye), petite ferme (Bazoches). Cela permet uneprésentation détaillée, au cours de laquelle, la qua-lité et la représentativité des éléments recueillispourront être examinées précisément.

Cette typologie est sans doute trop réductrice ; ellene concorde pas exactement avec celle de R.Agache, qui distingue parmi les villae , trois catégo-ries, les grandes, les moyennes et les petites. Maisles découvertes récentes individualisent surtout lesgrandes villae, comme nous allons le voir, et lespetites fermes. Les autres sites, plus ou moinsgrands, sont apparemment assez proches (au delàd’une diversité qui est loin d’être bien appréhen-dée, cf. BAYARD, infra).

Les trois sites retenus présentent comme caractéris-tique commune une occupation sur l’ensemble del’époque gallo-romaine, depuis le début del’époque augustéenne (dernier tiers du Ier av. n. e.)jusqu’à la fin du IVème siècle, voire le début duVème siècle. Tous trois se superposent ou se juxta-posent à une occupation laténienne.

En second lieu, ils montrent une grande continuitéde leur organisation spatiale, au travers des 400 à450 ans de leur phase romaine. À Verneuil-en-Halatte et à Roye le secteur central d’habitat etd’activité s’inscrit dans des limites, matérialiséespar des fossés ou des palissades, qui sont presqueimmuablement respectées. Les transformations setraduisent par de petits déplacements, de quelquesmètres, pour élargir les enclos (à Roye la cour est,par contre, étendue en longueur, ce dont on nepeut juger à Verneuil). À Bazoches, les change-ments sont un peu plus conséquents.

Ces établissements diffèrent donc principalementpar la taille, puisqu’à Verneuil-en-Halatte, il s’agitd’une grande villa, longue de 300 m environ sur 80m de largeur (espace central bâti), à Roye, d’unevilla moyenne, longue d’environ 200 m et large de60 m, et à Bazoches, d’une petite ferme de 60 m sur45 m.

En outre les deux premiers sites présentent lesconstructions à fondations en dur qui sont lamarque indiscutable de l’influence de l’architectu-re méditerranéenne, et qui associées à un planstructuré, où règnent la ligne droite et la symétrie,permettent d’utiliser le qualificatif de villa pourdésigner ces établissements agricoles. Ces mar-queurs font précisément défaut à Bazoches.

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VERNEUIL-EN-HALATTE “ LE BUFOSSE “

Le territoire de Verneuil-en-Halatte (Oise) occupeune assez vaste superficie à l’est de la ville de Creil,dans la moyenne vallée de l’Oise. Le fleuve sépa-rait Bellovaques, sur la rive droite, et Suessions etSylvanectes, sur la rive gauche. La villa est installéesur une langue d’alluvions légèrement proéminen-te, estompée à l’heure actuelle, mais bien visible auniveau du substrat et qui s’étend d’est en ouest (fig.1).

La villa du “ Bufosse “ a été découverte juste aprèsla seconde guerre mondiale. Elle fut étudiée de1950 à 1953 par P. Durvin (DURVIN 1955). Lesfouilles portèrent sur la moitié nord du bâtimentprincipal. En 1978, l’ouverture d’une ballastière àl’est de ce secteur, amena la mise au jour de fonda-tions et vestiges antiques. Deux longs murs paral-lèles furent notamment reconnus. Les fouillesultérieures montrèrent que ce sont les murs de clô-ture de la cour. Ils permettent d’apprécier la lon-gueur de celle-ci, environ 280 m.

Les fouilles récentes sont dues à l’aménagementd’un complexe sportif communal. Les recherchesont été réalisées sur plusieurs années, de 1986 à1990, ce qui était indispensable en raison de lamodicité des moyens financiers disponibles. Troishectares du coeur du site, un demi hectare à lapériphérie ont été étudiés en détail, et un hectare etdemi reconnu aux abords (BLANCHET 1989, P.244-246 ; COLLART 1991).

Certes il ne s’agit pas d’une fouille exhaustive,puisque la partie exhumée ne correspond qu’à lamoitié environ de la ferme du Haut-Empire. Maisla vision est suffisamment détaillée et large pourappréhender les lignes directrices de l’aménage-ment de la ferme gallo-romaine, au fil des quatresiècles de son existence.

Avant d’entreprendre la présentation des vestigesgallo-romains, il est utile d’évoquer la stratigraphieet la conservation du site, ce qui permettra demieux comprendre certaines particularités impor-tantes. Le dépôt stratigraphique est homogènedans sa partie inférieure : le substrat de colluvionssablo-argileux est recouvert par un horizon sablo-humique brun clair de 20 à 30 cm d’épaisseur, sur-monté par un horizon plus foncé de 10 à 20 cm dehauteur qui a livré du mobilier laténien et augus-téen précoce. Les niveaux associés aux périodesultérieures diffèrent d’un endroit à l’autre : horizond’accumulation noir, organique mais toujourssableux dans la cour et le petit édifice nord-est, suc-cession de quelques couches à l’intérieur de l’édifi-ce nord-ouest et du grenier. Dans le bâtimentnord-ouest, là où il est le mieux conservé (niveauxd’occupation du IVème siècle), le dépôt atteint 40cm. L’accumulation stratigraphique n’est nullepart connue dans son intégralité mais était visible-ment modeste de l’ordre de 40 à 50 cm au plus.

La conservation des vestige diffère selon les

endroits : les niveaux antiques sont plus ou moinsarasés, les murs et les fondations plus ou moinsrécupérées. Ces différences s’expliquent essentiel-lement par la topographie et les travaux agricolespostérieurs à l’abandon du site, qui ont atténué lesmicro-reliefs : les parties proéminentes furent rabo-tées et les déclivités comblées. La partie septentrio-nale du site est la mieux préservée, car plus basse.Au contraire le secteur central, qui correspond à lapartie culminante (31 m NGF) est très arasé. Le côtésud de la cour est moyennement conservé.

Occupation laténienne

Il y a quelques traces de La Tène ancienne sous lavilla. Un autre secteur d’habitat de La Tène ancien-ne ou moyenne a encore été observé au sud du site,près de la route départementale, mais il n’a pu êtrefouillé.

Un habitat de La Tène moyenne s’étendait appa-remment dans le secteur oriental détruit par la bal-lastière. Il n’est connu que par deux fossés, richesen mobilier céramique et osseux, et quelques struc-tures contiguës.

Phase augusto-tibérienne

La ferme gallo-romaine est mise en place dans ledernier tiers du Ier siècle avant J. - C. Le lien avecl’établissement laténien n’est pas défini. Un hiatusest envisageable. Elle se développe considérable-ment à l’ouest de l’établissement gaulois.

La restitution des aménagements de cette périodeest assez délicate. Les limites sont matérialisées pardes palissades et des fossés. Les édifices s’appuientsur des poteaux. L’organisation la plus récente, dusecond tiers du Ier siècle, peut être reconnue sanstrop de difficulté en raison du déplacement du bâtide quelques mètres vers l’extérieur. Par contre,l’individualisation des différents états de l’époqueaugusto-tibérienne est beaucoup plus délicate,puisque les édifices se superposent. Les recoupe-ments sont rares et parfois peu lisibles. De plus deszones importantes sont oblitérées par les fonda-tions des constructions en dur (balnéaire, abreu-voir). Quant au matériel, il a été retrouvé en tropfaible quantité pour qu’il soit possible de discernerdes niveaux chronologiques dans la courte périodeoù se placent ces remaniements. Malgré le caractè-re périlleux et en partie hypothétique de l’exercice,il a paru intéressant de dresser deux plans de laferme, l’un à ses débuts, à l’époque augustéenne,l’autre sous le règne de Tibère. Les deux organisa-tions seront décrites séparément, tandis que lesédifices associés seront examinés ensemble, carl’attribution à l’une ou l’autre phase n’est pas pos-sible pour beaucoup d’entre eux.

L’organisation augustéenne (fig. 3, plan 1)

L’un des éléments les plus lisibles de l’organisationinitiale est constitué par les trois segments de palis-sade perpendiculaires qui tracent une sorte de U à

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l’ouest du site. Ils encadrent un espace presquecarré, de 52,8 à 53,5 m de côté, soit pratiquement180 pm2 ou 1,5 actus. Le tracé est très régulier, lestrois faces étant parfaitement à angle droit. Cetaménagement pourrait correspondre à un encloscarré indépendant, d’environ 2 800 m (1), qui seraità l’origine de l’établissement. Cette idée est soute-nue par deux observations. Tout d’abord le tracéen U présente un léger décalage d’orientation avecle premier état de clôture interne attesté sur le côténord de l’espace situé à l’est. En second lieu lescaractéristiques des clôtures sont différentes : celledu tracé en U revêt la forme d’une tranchée, étroiteet de profondeur régulière, bien conservée dansune zone pourtant fort arasée, tandis qu’à l’est, ilne subsiste presque aucune trace, sauf à l’extrémitéorientale. L’hypothèse d’un enclos occidental,séparé de l’espace central de la ferme, renvoie àl’enclos de pierre mis en place au milieu du Iersiècle et qui encadre très exactement la clôture enU. L’absence du quatrième côté de l’enceinte nepeut être retenue comme une objection rédhibitoi-re, car le secteur est l’un des plus érodé de la villa.

La cour, à l’est, comprend sur le côté nord trois ouquatre noyaux de constructions (qui correspondenten fait à un bâtiment réédifié plusieurs fois), placésle long d’une clôture attestée ponctuellement.L’existence d’une seconde clôture parallèle et aunord de la précédente n’est pas certaine dès cettephase. Cependant au nord-est du bâtiment 7, il y aun court segment de tranchée de palissade avecquelques poteaux dans son prolongement. De plusà l’extrémité orientale de la fouille, deux courtssegments de palissade perpendiculaires évoquentles aménagements similaires bien observés à laphase suivante où ils relient les deux clôturesparallèles. La possibilité d’une clôture double, de 7à 8 m de profondeur, peut donc être envisagée.

Au sud, il n’y a apparemment pas de construction.Compte tenu de l’orientation générale et des tracés,il semble que les fossés latéraux, au nord et au sud,ne sont pas associés à cette phase.

L’organisation tibérienne (fig. 3, plan 2)

L’époque tibérienne se traduit par un réaménage-ment conséquent, qui ne bouleverse toutefois pasradicalement l’existant. Les clôtures de l’enclosouest sont déplacées un peu à l’extérieur des précé-dentes. Le côté occidental est parallèle au tracéantérieur, à une distance de 5 m. Par contre, sur lescôtés nord et sud, les nouveaux tracés sont appa-remment divergents : à l’ouest ils se placent à 2,5 mde leur prédécesseur, puis s’en rapprochent pro-gressivement, au point de recouper au nord l’ali-gnement antérieur d’environ 1 m. Ce qui compenseen fait le léger déplacement au sud de la clôtureméridionale. La largeur à la jonction de l’enclos etde la cour est identique, environ 53 m, ou 180 pm.Compte tenu de l’élargissement à l’ouest d’environ5 m, le tracé de l’enclos est assez nettement trapé-zoïdal. Sa limite nord est parfaitement alignée surcelle de la cour, elle-même redressée par un dépla-

cement de sa partie orientale à 2,5 m à 3 m vers lesud.

La cour est délimitée au nord par une palissade,appuyée sur des poteaux irrégulièrement espacés,bien observés à l’est de la fouille. Au nord, quatresegments de tranchées de palissade, assez espacéssemblent correspondre à une clôture parallèle. Ellea être observée ponctuellement, car elle se placesous le mur de clôture de la villa. L’espace ainsi cir-conscrit est large de 10 à 10,5 m. De courtes palis-sades perpendiculaires (4 et peut-être 5) viennentrecouper l’espace circonscrit par ces deux clôtures.

Au sud les vestiges des édifices sur poteaux plan-tés s’intégrent dans une organisation spatiale quitrouve son pendant au nord au cours de la phasesuivante. Toutefois une construction à l’angle sud-ouest (fig. 3 : 17) se démarque de ses voisines, carelle a été renouvellée et transformée quatre à sixfois. Sa présence à l’époque tibérienne est doncplus que probable. Par sa position elle confirme letracé de la clôture extérieure, contre laquelle elle seplace.

Les deux clôtures externes de la cour sont visible-ment les éléments les plus déterminants de l’orga-nisation spatiale : dans la phase suivante,caractérisée au nord par un déplacement de la clô-ture interne, elles restent immuables ; elles sontd’ailleurs conservées à travers tous les remanie-ments postérieurs, par les façades des édifices endur et les murs de clôture qui les joignent. Ellessont distantes de 70 à 70,5 m, soit 236 à 238 pm, cequi peut être rapproché de 240 pm, soit 2 actus.

L’enclos occidental et la cour sont encadrés au nordet au sud par une palissade installée dans une tran-chée. Au nord le tracé peu rectiligne est largementconservé, mais au sud cette limite a été mal étu-diée, car en grande partie détruite ou rendue inac-cessible par les travaux d’aménagement du terrainde sport. Elles se placent à environ 90 pm de part etd’autre de la délimitation de l’espace central (2).

L’ensemble est lui même entourré par deux fossésdistants de 144 m en moyenne, soit 486 pm, mesurequi peut être rapprochée de 480 pm, ou 4 actus.

L’épure du plan combine donc des tracés basés sur90 pm et 120 pm. Les clôtures médianes sont asso-ciées aux clôtures internes de l’espace central, pla-cées dans le prolongement de celles du secteuroccidental : l’espace central est large de 180 pm, et encadré de part et d’autre par les clôtures média-

(1) - La recherche de coincidence avec les mesuresantiques conduit à utiliser fréquemment des valeurs enpieds monetales (0,296 m), abrégé en pm. Pour simpli-fier, les fractions ont été exprimées sur une base décima-le : on voudra bien nous pardonner cette audace !

(2) - Au nord, il y a entre 26,5 et 27 m, soit 89,5 à 91 pm.

125

nes placées à 90 pm de distance. Les clôtures externes del’espace central sont placées à 240 pm, et les fossés à120 pm de part et d’autre. Ces deux systèmes peu-vent être facilement combinés grâce à leur dénomi-nateur commun, 30 pm.

Des palissades perpendiculaires traversent lesespaces latéraux, recoupant la clôture médiane. Ladate de leur mise en place n’est pas établie. On noteencore à l’angle nord-ouest de l’espace occidentalde vastes dépressions multialvéolaires correspon-dant à des carrières (fig. 3, plan 2 : 18, 19,). Il enexiste une plus modeste à la limite sud-est de cettemême zone (fig. 3, plan 2 : 20), et encore deuxautres très petites (fig. 3, plan 2 : 21, 22).

Les bâtiments

Quoique cet article n’ait pour objet qu’une présen-tation rapide du site, il a semblé utile de décrire lesconstructions précoces relativement dans le détail.Nombre d’entre elles, en raison des chevauche-ments et de la conservation partielle, sont des resti-tutions à partir d’indices plus ou moins nombreux.Seules les hypothèses les plus crédibles ont étéconservées, mais il y a différents degrés de vrai-semblance. Pour les plans de détail au 1/200, on sereportera aux fig. 14 et 15.

L’espace en U entoure deux constructions surpoteaux. À proximité du segment de palissadeouest et au milieu de sa longueur, un bâtiment à

126

��������yyyyyyyy

500 100m

Site laténien

Site laténien

Secteur détruit par la ballastière

30,530,2530

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31

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176 400

Fig. 1 : Verneuil-en-Halatte “ Le Bufosse “. Plan général (1/2500).

127

25 m0 50 m

1

24 3

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58

6

79

10

Fig. 2 : Verneuil-en-Halatte “ Le Bufosse “. Plan d’ensemble (1/1000).

poteaux multiples peut être interprété comme unhabitat (fig. 3, plan 1 : 1). L’arasement poussé dusecteur n’a permis qu’une conservation partielle(au plus 10 cm pour les poteaux). Toutefois deuxétats de poteaux sont observés, qui plus qu’unesimple réfection, paraissent correspondre à deuxbâtiments successifs, superposés et de dimensionssimilaires. Le plus ancien serait une constructionsur six poteaux principaux (deux lignes de troispoteaux sur 6 m, séparées par 6,5 m (3) ; fig. 14, 1).L’axe de symétrie de l’enclos passe précisément aumilieu des six poteaux (au travers des deuxpoteaux médians). Le second état reposerait surdeux lignes de cinq poteaux placés en vis à vis,espacés de 2,2 m à 2,5 m (fig. 14, 2). Trois poteauxrapprochés évoquent l’aménagement de pignons à“ pans coupés “. On pourrait reconnaître dans cetensemble une construction à six poteaux princi-paux, avec des pignons comprenant deux poteauxd’angle et trois poteaux centraux (conservés seule-ment au nord). La longueur serait de 10,5 m pourune largeur de 6 m. La position particulière de cetédifice sur l’axe de la ferme précoce, au fond et àl’intérieur de l’espace central, en opposition auxautres constructions qui s’alignent sur le côté,conduit à se demander s’il s’agit déjà de la maisondu maître. D’autant qu’il y a de bons indices poursupposer qu’elle devait se trouver à cet emplace-ment vers le milieu du Ier siècle de n. e. (infra).

Au nord, il y a une petite construction carrée surhuit poteaux (fig. 3, plan 1 : 2), de 5 m au côté, ves-tige possible d’une construction sur neuf poteauxplutôt assimilable à un grenier.

Dans l’angle nord-est, deux greniers à neufpoteaux s’inscrivent dans l’espace encadré par lesdeux clôtures. Le premier est formé de deux tran-chées parallèles, qui recèlent trois surcreusementsà l’emplacement des poteaux (fig. 3, plan 2 : 3).Elles encadrent un alignement de trois fosses. Lalongueur est estimée à 4 m pour 3 m de profon-deur. L’arasement poussé de la structure expliquesans doute la disparition de la troisième tranchée(fig. 15, 8). Non loin un second grenier de 3,5 m aucôté (fig. 3, plan 2 : 4), présentait en effet trois tran-chées parallèles avec des surcreusements pour lespoteaux (fig. 15, 7). Un troisième grenier, à sixpoteaux, de plan carré (2,5 m au côté), a été fouilléau nord (fig. 3, plan 2 : 5), au delà de la clôturemédiane (fig. 15, 9). Ses deux tranchées présen-taient chacune trois dépressions à l’emplacementdes poteaux.

Trois noyaux de constructions sont attestés sur lecôté nord la cour au cours de la première phase. Àl’ouest, le premier édifice (fig. 3, plan 1 : 6) est unestructure sur six poteaux principaux (deux lignesde trois poteaux sur 5 m, séparées par 6,5 m), avecà l’est un pignon “ à pans coupés “ appuyé à 2,5 msur trois poteaux alignés. À l’opposé, une tranchéepourrait matérialiser l’autre extrémité de l’édifice(fig. 14, 3).

À moins de 15 m à l’est, un second ensemble de

poteaux est d’interprétation délicate (fig. 3, plans 1et 2 : 7). Il correspond à de nombreuses construc-tions plus ou moins superposées, incomplètementdégagées en raison de la présence du balnéaire tar-dif. Il y a de bons indices pour supposer la présen-ce d’un grand bâtiment sur six poteaux principauxet pignons “ à pans coupés “ : un triple alignementde trois poteaux, qui se recoupent est bien lisible,grâce à leurs caractéristiques dissemblables. Il sug-gère que l’édifice a connu trois états. L’absence depoteaux au nord permet d’exclure l’hypothèse deconstructions à huit ou neuf poteaux, et donne uneidée de la profondeur minimale des bâtiments. Lespignons sont évoqués à l’est et à l’ouest par des ali-gnements de trois poteaux. L’examen détaillé destracés permet différentes hypothèses. Les plus vrai-semblables sont : un premier état, profond de 9 m,avec une partie centrale large de 9,2 m, et despignons sur trois poteaux placés à 1,5 m ou 3,5 m(fig. 15, 2). Le second et le troisième états sontpresque identiques : une partie centrale large de7,5 m, avec des pignons à 1,8 - 2 m, reposant surtrois poteaux relativement espacés (4 m), qui don-nent à l’ensemble 11 à 11,5 m de long et 7 m delarge (fig. 15, 3). Trois fosses alignées au sud, pour-raient appartenir à une construction plus modeste.Une ou deux fosses au nord-ouest peuvent leurêtre associées. Elles formeraient une structure surhuit, et plus probablement six poteaux (5,7 m sur4,5 m). Les autres fosses sont détruites par le bal-néaire. Les trois poteaux seraient placés sur le longcôté. Cette construction est postérieure aux autres,puisque l’une de ses fosses recoupe l’un des trousde poteaux du plus ancien des bâtiments à sixpoteaux principaux et pignons “ à pans coupés “.

À l’est, après un petit grenier carré sur quatrepoteaux de 1,5 m au côté (fig. 3, plan 1 : 8 ; fig. 15,15), à une dizaine de mètres, il y a une concentra-tion de structures, mais il n’a pas été possible d’yreconnaître une organisation (fig. 3, plan 2 : 9). Les15 m suivant ont été entièrement détruits parl’abreuvoir. Au delà se trouve un secteur riche enstructures, perturbé par une vaste fosse comblée àl’époque tibérienne (fig. 3, plan 2 : 10). L’édifice leplus ancien est placé perpendiculairement à la clô-ture et en partie dans l’espace central (fig. 3, plan 1: 11). C’est une construction rectangulaire allongée,matérialisée par des poteaux installés dans depetites fosses, espacées irrégulièrement tous les 1,5à 2 m (fig. 15, 5). Quatre grandes fosses sont répar-ties tous les 2,5 m sur l’axe de l’édifice, une cinquiè-me est possible au nord, où l’amorce d’un trou depoteau a été observée contre la fondation du mur de clôture. Elles correspondent sans doute à despoteaux faîtiers. Le bâtiment mesurerait alors 15,8m de long et 4,5 m de large. Il est remplacé par uneconstruction de dimensions voisines, placée au mi-

(3) - Les dimensions indiquées pour les bâtiments sonten général assez approximatives : les fosses des poteauxont une taille importante (fréquemment de 0,8 à 1,2 m) cequi entraîne une imprécision de l’ordre de quelquesdizaines de centimètres (par défaut, le milieu des fosses aété pris en considération).

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25 m0 50 m

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Fig. 3 : Verneuil-en-Halatte “ Le Bufosse “. États anciens.

lieu de l’espace encadré par les deux clôtures del’époque tibérienne. Deux lignes de cinq poteauxen vis à vis, délimitent une structure de 17 m delong et 3,25 m de large (fig. 15, 4). Une vaste fosse,encadrée par les palissades sud et nord et deuxtronçons perpendiculaires, correspond sans douteà une carrière ; elle est plus régulière que celles quiont été observées ailleurs (zone centrale plane,bord régulier oblique à l’est et au sud, pente douceà l’ouest et au nord). Elle semble avoir fonctionnéavec la clôture méridionale, qui présente à soncontact une tranchée (c’est le seul endroit où elleapparaît).

Au nord de cette double clôture, on ne trouve pra-tiquement aucune construction, si ce n’est le gre-nier sur six poteaux déjà décrit à l’ouest, un secondgrenier sur six poteaux à l’est, entre le fossé exté-rieur et la clôture médiane (fig. 3, plan 2 : 12), etquatre petits greniers à quatre poteaux. Le secondgrenier est installé dans une zone basse, humide.Ses fosses sont vastes et irrégulières. Il mesure 3 mde large et 6 m de long (fig. 15, 11). Une structurerectangulaire (2 sur 3 m ; fig. 3, plan 2 : 13), nondatée, se place tout à côté. Deux petites structures(1,5 sur 2 m) semblent associées à la clôture média-ne (fig. 3, plan 2 : 14, 16 ; fig. 15, 13, 14). Une troisiè-me (fig. 3, plan 2 : 15 ; fig. 15, 12) a encore étéreconnue un peu au sud (2,5 m au côté).

Au sud de la cour, la situation n’est pas facile àdéfinir dans la mesure où il n’y a qu’un seul noyaude construction, à l’ouest (fig. 3, plan 2 : 17). Or à ladifférence de ce qui est observé au nord, il s’alignesur la limite externe de la cour. De ce fait, ils’intègre dans l’espace délimité par la double clôtu-re du second tiers du Ier siècle. Cependant, lesnombreux bâtiments qui se superposent à cetendroit (au moins cinq, peut-être sept) tranchentavec les un ou deux états des édifices associés ausecond tiers du Ier siècle. Il est donc très probableque les premiers bâtiments ont été mis en place àl’époque augusto-tibérienne. La restitution des dif-férentes constructions qui se sont succédées, n’estpas évidente, car les fosses sont nombreuses : unbâtiment sur six poteaux, de 5 m sur 6 m (fig. 14, 7),avec une réfection des deux poteaux orientaux,ferait place à un édifice sur quatre poteaux, dedimensions identiques (fig. 14, 8).

Chronologie

Les reconstructions nombreuses, au moins une surla plupart des édifices et jusqu’à quatre montrent ladurée de cette phase. Les éléments pour fixer lachronologie exacte ne sont pas nombreux et encoreinsuffisamment étudiés dans le secteur. Pour lesétats anciens, la céramique n’est jamais abondante,quelques petits tessons par structure. Les carrières,scellées sous Tibère et Claude fournissent l’essen-tiel du matériel, notamment la grande fosse aunord-est. La céramique y est assez hétérogène etnotablement résiduelle : certaines productionssemblent plutôt gallo-romaines précoces, d’autresse rattachent à la première phase de production

des gallo-belges (assiettes à bord oblique épais etfond pratiquement plat). Les niveaux d’occupationautour du bâtiment placé à l’angle nord-ouest del’espace central (fig. 3, plan 1 : 6) ont livré un petitensemble dépourvu de toute production gallo-belge. Il est donc vraisemblable que l’aménage-ment initial est antérieur à l’apparition descéramiques fines gallo-belges (placée entre - 20 et -10). Il ne semble pas que l’occupation remontebeaucoup plus dans le temps (pas de Dressel 1A ; 2fragments de Dressel 1B ; parmi les fibulesanciennes celles “ à plaquettes latérales “ type 9 deFeugère l’emportent : 7 exemplaires, pour 6Langton-Down, 3 “ à arc continu “, 3 en fer à cordeexterne et arc plat, 2 Kragenfibeln, 1 Nauheim enbronze). Ces phases se placent donc dans les deuxquarts de siècle qui encadrent le tournant de notreère.

Phase tibéro-claudienne

À l’époque tibérienne, la ferme est de nouveauréorganisée (fig. 3, plan 3). La double clôture de lacour est resserrée au nord par le déplacement de lalimite interne. L’écartement est désormais de 4,5 m,soit 15 pm. Les bâtiments sont reconstruits aunord. Le côté sud est entièrement occupé par unensemble de constructions, placés à peu près envis-à-vis de ceux du nord. La ferme a désormaisune disposition symétrique.

Les édifices de la cour

Les édifices construits sur le pourtour de la coursont plus homogènes : les bâtiments à six poteauxprincipaux, de 4,5 m de largeur et 5,5 m de lon-gueur, l’emportent. Au nord-ouest, on trouve uneconstruction sur six poteaux (fig. 3, plan 3 : 23). Leplan est un peu hypothétique car les fosses onttoutes été recoupées par les fondations posté-rieures. Les trois poteaux sont bien placés parallè-lement à l’espace central mais ils s’alignent sur lelong côté. Cet édifice paraît prendre la successionde la construction placée au sud, avec des dimen-sions plus modestes : 5,5 m sur 4,2 m.

À l’est, deux constructions pourrait s’être succé-dées (fig. 3, plan 3 : 24). La première est relative-ment hypothétique. Trois trous de poteaux peuimportants, reliés par une tranchée, pourraientappartenir à un petit grenier sur six poteaux,de 3,2 m sur 4,5 m. Une grande construction survingt poteaux lui succède. Elle a été reconstruitesur le même plan, si bien que les fosses des trousde poteaux des deux états se recoupent. Deuxrangs équidistants de six poteaux espacés réguliè-rement forment un rectangle de 12 sur 20 m (soit 40sur 70 pm). S’y ajoutent à 4 m au sud, deux poteauxen vis à vis de ceux du milieu du grand côté, quicorrespondent sans doute à un porche. La surfacede cet édifice est importante : 240 m2. Il précède legrenier sur vide sanitaire. Peut-être était-ce déjà unédifice de stockage ?

Une construction sur six poteaux principaux (4,5130

sur 5,5 m) est installée en partie sur la grande fossesituée à l’est de la fouille (fig. 3, plan 3 : 25 ; fig. 14,4).

Au sud de la cour, l’extrémité ouest est occupéepar un grenier à neuf poteaux, avec trois états quise superposent (fig. 3, plan 3 : 17). Le tracé estpresque carré : 2,9 à 3 m en façade sur l’espace cen-tral et 3,3 m en profondeur (fig. 15, 10). À l’est troispoteaux (5,5 m) le long d’une palissade, sont lesseuls vestiges d’une construction détruite par lapremière tranche des travaux d’aménagement (fig.3, plan 3 : 20). Il en est peut-être de même pourquatre trous de poteaux mis au jour à une vingtai-ne de mètres à l’est (fig. 3, plan 3 : 21).

À 20 et 55 m, deux édifices à six poteaux princi-paux, ont un plan très voisin. Le premier a proba-blement été reconstruit une fois (fig. 3, plan 3 : 22 ;fig. 14, 5). Le pignon oriental est matérialisé parcinq trous de poteaux, alignés à 1,8 m. Le centre dela construction est large de 4,5 m et profond de 5,3m. Le second édifice (fig. 3, plan 3 : 23 ; fig. 14, 6),large de 4,5 m pour la partie centrale, profond de5,5 m, peut être associés à des trous de poteaux ali-gnés de part et d’autre, à 1,8 m à l’ouest et 2 m àl’est, qui matérialisent certainement des pignons “à pans coupés “. Une vaste dépression ovalaire aucentre de cette construction, avec des pierres rubé-fiées, des cendres et charbons de bois, peut êtreinterprété comme un foyer. Sa position conduit àenvisager son utilisation à l’intérieur de l’édifice.Toutefois il occuperait alors une part non négli-geable de la surface (5 sur 45 m2). On ne peut exclu-re qu’il soit postérieur.

L’enclos occidental

L’enclos occidental est réaménagé vers la fin decette phase. Les fondations profondes de calcairedolomitique indiquent plutôt une élévation en dur(la largeur, 0,9 m, paraît insuffisante pour un murde clôture en pisé ou bauge, l’emploi de l’adobe oudu torchis sont peu probables). Le tracé est un peuirrégulier : la longueur est de 71 m au nord et de70,5 m au sud, respectivement 241,5 pm et 238 pm,ce qui correspond visiblement à 240 pm, ou 2 actus.La largeur est plus différenciée : 62,5 m à l’est et 66m à l’ouest, 211 et 223 pm. La première dimensions’explique facilement : les clôtures internes del’espace central, placées dans le prolongement del’enclos à fondation de pierre, sont à 15 pm des clô-tures externes espacées de 2 actus. Elles sont doncséparées par 210 pm. La fondation septentrionaleest parfaitement alignée avec la clôture interne dela cour.

L’angle sud-ouest de l’enclos a livré les vestigesd’une très grande cave en L (fig. 3, plan 3 : 24). Ellemesure 16,8 m d’ouest en est, et 10,80 m du nord ausud. Sa largeur est de 4,7 m à 4,8 m. Le tracé estsans doute basé sur l’axe des murs, épais de 0,6 m,16,2 m correspondant à 55 pm, 10,2 m à 35 pm et4,2 m à 14 pm. La surface est importante : 75 m2.Elle était parementée vers l’intérieur avec des

moellons de calcaire fin de “ Saint- Maximin “, delongueur irrégulière, mais de hauteur identique ettrès soigneusement taillés. Seule la première assiseétait conservée. Le blocage à l’arrière du parementcomprenait des éclats de taille assez gros, liés ausable. La profondeur conservée est de 1 m. Mêmeen tenant compte de l’arasement certainementassez important, il est probable que cette caven’était pas entièrement enterrée (1,5 m ?). Elle alivré un sol finement feuilleté de sable jaune alter-nant à de la terre noire organique, quasiment stéri-le. Par contre le remblai de terre sableuse brune,avec des concentrations de terre noire riche encharbon de bois et fragments de torchis brûlé et despoches de limon, était extrêmement riche en céra-miques et objets divers : fibules, lampes en fer avecsa suspension, etc. Ce sont des déblais de démoli-tion (limon provenant de torchis ou autre cloisonde terre) et d’incendie (terre noire, torchis brûlé,tuiles brisées) provenant de constructions en tor-chis.

Cette cave est importante puisqu’elle paraît liée àla résidence du propriétaire. Cette idée repose bienentendu sur sa position, mais aussi sur la qualité dela construction, son étendue et la richesse de lacéramique recueillie dans les remblais (deux tiersde vaisselle d’importation : gallo-belge, sigillée etune variété d’amphores) qui confirme le statut pri-vilégié de l’habitat dont proviennent les remblais.Il est intéressant de remarquer que cet habitat, cou-vert de tegulae et imbrices, était édifié en bois et terre(torchis).

Chronologie

Cet état est postérieur au comblement de la grandefosse du nord-est (fig. 3, 18), scellée sous Tibère.L’enclos de pierre recoupe la vaste carrière située àl’angle nord-ouest de l’enclos occidental, qui paraîtabandonnée sous Tibère (voire Claude ?). La dispa-rition des constructions sur le côté sud de l’encloscentral se place sous Claude-Néron : le foyer placéau milieu de l’édifice à six poteaux principaux ausud-est est remblayé à cette période. Le matérielmis au jour dans les comblements des fossess’accorde avec cette datation.

Phases postérieures

La principale transformation dans la disposition dela villa est le déplacement du bâti au delà de ce quiconstituait la limite externe à l’époque précédente.La cour, a été ainsi un peu élargie (toutefois, lesgaleries façades empiètent à l’intérieur). Ce phéno-mène est fort courant (cf. Roye).

L’époque flavienne et le début du IIème sièclen’ont pas laissé beaucoup d’indices, dans la mesureoù les constructions sur poteaux plantés disparais-sent pratiquement (1 seul cas). Les fondations desédifices qui les remplacent sont superficielles etn’ont pas été conservées. Les éléments marquantsde cette période sont la construction du bâtimentprincipal à l’est de l’enclos occidental (dont la fon-

131

dation est utilisée pour la façade) et celle d’ungrand bassin devant. De l’édifice, il n’y a pratique-ment aucune trace (fig. 2, 1). On ne peut détermi-ner s’il ressemblait à son successeur élevé dans lapremière moitié du IIème siècle, en remplacementde la construction initiale détruite par un incendie.Le bassin, dont le soubassement de grands mono-lithes de calcaire fin est resté en place, se déployaitdevant la résidence (fig. 2, 2). Il était alimenté parune canalisation de poutres de bois, forées en leurmilieu et reliées entre elles par des cercles de fer.Ce bassin fut démonté et comblé, au début duIIème siècle, avec les débris d’un incendie. Commepour la cave en L, l’essentiel des remblais étaitformé de torchis brûlé et de limon.

Le bâtiment principal du IIème siècle n’était pasmieux fondé que son prédécesseur et n’a pas laissétrace de ses murs. Toutefois, un petit balnéaire, lestranchées pour les évacuations d’eau associées, unecave, les constructions postérieures qui viennent segreffer dessus donnent quelques indications. Ilétait long de 71,5 m, soit 240 pm (largeur de lacour) et profond de 11 m (tracé de 36 pm), avec unegalerie en façade de 3 m (10 pm). Au nord leségouts passent de part et d’autre d’un mur médian,dont on observe la trace près de la cave au sud.

Vers le milieu du IIème siècle, deux petits bâti-ments sont construits de part et d’autre de la cour,à proximité de la résidence (fig. 2, 3, 4). Ils sont pro-gressivement reliés à cette dernière, de sorte qu’ilsfinissent par former des ailes, donnant à l’ensembleun plan en U. Un mur les joint qui sépare la partierésidentielle de l’espace économique.

Sur le côté nord de la cour, la grande constructionsur poteaux avec porche est remplacée dans le cou-rant du IIème siècle par un édifice de dimensionidentique, avec vides sanitaires (fig. 2, 5). Ce gre-nier fit place au IIIème siècle à un grand édificeavec deux ailes, assis sur des fondations extrême-ment massives et pourvu de murs fort épais. Àl’ouest un abreuvoir, grand rectangle légèrementtrapézoïdal, aux parois de gros monolithes, et ausol en pente, est aménagé au IIIème siècle (fig. 2, 6).Plus loin on trouve une petite construction, proba-blement une habitation secondaire, qui est un peuagrandie au fil du temps par l’adjonction de petitespièces (fig. 2, 7).

Le sud-ouest de la cour est occupé par une vasteconstruction du IIème siècle, avec un sol empierréau sud et deux fondations circulaires au milieu dela largeur (en prenant en compte la galerie façade)et au tiers de la longueur (fig. 2, 8). Sa limite orien-tale est bordée par une vaste surface à l’épais sol(0,5 m) de craie damée sur hérisson, partiellementdétruite par les travaux d’aménagement. Plus loinà l’est, un édifice assez étendu a lui aussi souffertdes travaux (fig. 2, 9). Le plan est simple : une sallerectangulaire, avec une galerie façade pourvue dedeux pièces d’angle dont l’une avec cave. Vers lalimite orientale de la fouille un petite constructiona été partiellement reconnue (fig. 2, 10).

À la fin du IIIème siècle, l’aile nord de la résidenceest entièrement reconstruite. Il s’agit désormaisd’une bâtisse rectangulaire allongée à enfilade depièces. Suite à sa destruction par le feu, le bâtimentest de nouveau remanié et un ensemble de bainimposant est ajouté. La clôture de la cour est dépla-cée vers l’est, à l’extrémité de ce bain, doublantainsi la superficie de la cour résidentielle (fig. 2,11). Un vaste édifice agricole remplace le petit bâti-ment au sud-est (fig. 2 10).

La fin de la villa reste passablement obscure. Uneoccupation est attestée jusqu’au début du Vèmesiècle.

ROYE “ LE PUITS A MARNE “

La ville de Roye se situe dans l’angle sud-est dudépartement de la Somme, non loin de la limite del’Oise. Elle se développe, à la frontière des cités deAmbiens et des Viromanduens, autour de la voieantique d’Amiens à Soissons, par Noyon, à 3 kilo-mètres de Roiglise, village où l’on place la stationroutière de Rodium.

Le lieu-dit “ le Puits à Marne “, à l’ouest de la ville,et à 700 m au sud de la voie antique, recelait deuxvillae distantes de 300 m, fouillées en 1991 et 1992(fig. 4). Si la première était bien connue grâce à debonnes photographies aériennes de Roger Agache(AGACHE 1970 : pl. 151, fig. 482), la seconde,quoique observée (de petites “ substructions gallo-romaines “) n’avait pas été clairement identifiée.Les fouilles ont montré qu’il s’agissait d’une villade dimension voisine. Une si faible distance n’estpas fréquente. Pour distinguer les deux sites, ellessont respectivement appelées villa du “ Puits àMarne “ 1 et 2.

Seule la première nous intéresse directement ici, laseconde ne présentant pas de trace d’occupationanciennes. La fouille archéologique s'est dérouléeavec des moyens financiers limités (COLLART1992).

Les villae occupaient un versant exposé au sud,sud-est, de faible pendage. La villa 2 se place enpartie sur le sommet et au tout début du versant,sur un terrain pratiquement plat : 90,5 à 90 m NGF.La pente est un peu plus marquée pour la villa 1 :89 à 86,5 m NGF.

La conservation des vestiges est moins bonne qu’àVerneuil. Il subsistait quelques lambeaux des solsantiques, qui devaient se trouver dans des dépres-sions. Les observations montrant un arasementpoussé sont multiples, ainsi les fondations presquedisparues de plusieurs édifices, dont un où il nesubsistait qu’un tronçon conservé dans un fossé. Lamajorité des structures excavées n’est pas conser-vée, de telle sorte que bien des périodes ne sontreprésentées que par quelques fosses et des fossés.Ces derniers revêtent alors une importance primor-diale, car ils sont les seuls témoins de l’évolutiondu site. Les fouilles menées ailleurs sur le Plateau

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picard montrent que la villa de Roye est bien repré-sentative.

L’intérêt spécifique de la villa 1 réside dans lavision large qui est fournie par la surface : 2 ha (170m d’est en ouest, 120 m du nord au sud). On dispo-se ici du plan presque complet d’une villa qui s’estdéveloppée dans un enclos précoce et qui perdurajusqu’à la fin du IVème siècle. Il manque l’extrémi-té orientale, détruite par l’autoroute A1, soit auplus un quart du site.Les phases laténiennes et précoces

Comme pour la majorité des villae de la Sommefouillées récemment, la ferme gallo-romaine succè-de à une ferme laténienne. Trois systèmes d’enclos

ont été mis en évidence pour la période qui précè-de la mise en place de la villa. Le matériel n’étantpas abondant et encore assez mal connu dans cesecteur, la chronologie est large. L’ensemble paraîtrattachable au La Tène D 2 - gallo-romain précoce.Il est probable que le dernier état est postérieur à laConquête.

Deux organisations se succèdent avec une rupturenette. La plus ancienne se place en partie sous lacour agricole, au nord-est, mais se développe versle nord. Elle comprend un enclos curviligne,dépourvu de traces de construction, mais néam-moins interprétable comme un espace d’habitat. Ilest encadré par un fossé au tracé plus rectiligne,plus ou moins trapézoidal qui se poursuit hors de

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Fig. 4 : Roye “ Le Puits-à-Marne “. Plan général (1/2500).

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Fig. 5 : Roye “ Le Puits-à-Marne “. Plan d’ensemble (1/700). En grisé, fossés précoces.

l’emprise des fouilles au nord.

L’espace est entièrement réorganisé ensuite. Untrès vaste enclos ovalaire est créé au sud, avec unegrande extension vers l’ouest. Au sud-ouest, unenclos subrectangulaire à double fossé, doté desfameuses entrées en “ touche de palmer “ s’inscrit àl'intérieur.

La villa se développe à partir de l’enclos subrectan-gulaire, d’abord à l’intérieur, avec une extensionvers l’est, puis un peu à l’extérieur au nord et ausud.

Un petit enclos curviligne

Le plan de cet enclos palissadé est assez irrégulier.Au sud, il est large, 34 m, pour 20 m au nord (fig. 6,plan 1 : 1). Une extension est possible hors del’emprise, mais visiblement peu importante. Lasurface est d’environ 1000 m2. Le profil de la tran-chée, étroite, à bords subverticaux ne laisse guèrede doute sur le fait qu’il s’agit d’une palissade etnon d’un fossé. Les sondages n’ont été ouvertsfaute de temps, que sur les côtés sud et est. Ils ontlivré du matériel céramique relativement abondantau sud. Cet indice suggère la présence d’un habitatà proximité immédiate.

Cet enclos recelait au moins un silo (fig. 6, plan 1 :2). Il est clairement inscrit dans l’angle sud-ouest.Un second silo pourrait aussi être associé à cettephase (fig. 6, plan 1 : 3). Leurs comblements, richeen charbon de bois, cendres, débris de poterie et os,confirme la proximité d’un habitat.

Un enclos sud rectangulaire

Cet enclos fossoyé entoure l’enclos curviligne (fig.6, plan 1 : 4). Le mobilier recueilli ne permet pasd’établir s’ils sont contemporains, formant un sys-tème d’enclos emboités, ou s’ils se succèdent. Lasurface délimitée est nettement plus vaste, 3 240 m2pour la partie conservée. La limite orientale estpratiquement rectiligne, et forme presque un angledroit avec la face sud, légèrement arquée. Parcontre le côté occidental est assez nettement curvi-ligne. Le petit enclos palissadé curviligne est à peuprès centré par rapport aux trois côtés conservés.S’il en était de même au nord, le fossé de l’enclosne serait pas être très loin de la limite de fouille.Dans cette hypothèse le plan se rapprocherait pra-tiquement du carré, avec des dimensions de 690 mde côté, et une surface de 3 800 m2 environ.

Un système d’enclos emboîtés ?

Une deuxième période est marquée par le remanie-ment complet de l’espace, avec la mise en placed’un système d’enclos emboîtés, qui recoupel’organisation antérieure, mais se développe consi-dérablement au sud et à l’ouest : un grand enclosovalaire entoure un enclos subrectangulaire, quioccupe sa partie sud-ouest (fig.6, plan 2 : 5).

Étant donné le tracé du fossé externe à proximitéde l’enclos interne, la question de l’antériorité del’enclos ovalaire peut être posée : il ne semble pastenir compte de l’enclos interne puisque les fossésse rapprochent au point de se toucher près desangles de ce dernier.

Le grand enclos curviligne a un tracé ovalaire. Salargeur est de 100 m et sa longueur de plus de150 m (la limite orientale n’a pas été mise en évi-dence), soit une surface minimale d’un hectare etdemi.

Le second enclos, pratiquement rectangulaire, estlong de 90 m au nord et 88 m environ au sud. Lalargeur est encore plus régulière : 60 m. Ces dimen-sions paraissent correspondre à 300 et 200 pm(88,8 m et 59,2 m). Il est clair que le rapport entre lalongueur qui équivaut à une fois et demi la largeurne relève pas du hasard. La surface est de 5 600 m2.

Les trois côtés ouest, nord et sud sont pratique-ment à angle droit et rectilignes. La face orientaleest formée de deux tronçons rectilignes mais diver-gents. Un étroit espace est encadré au sud et àl’ouest par les fossés des deux enclos. A l’est et aunord, une limite à double fossé est créée par lecreusement d’un fossé très exactement parallèle à3,4 - 4 m de distance. Cet enclos s’interrompt aunord et à l’est. Les deux portes sont encadrées parun retour du fossé (fig. 6, plan 2 : 6, 7). En Picardiece type d’entrée n’avait été observée jusqu’alorsque sur les photographies aériennes, où elles nesont pas rares. R. Agache les a dénommées “entrées en touches de palmer “ (des découvertessimilaires ont été faites depuis sur l’A 16).

L’utilité de ce double fossé qui enserre un espaceextrêmement étroit, de l’ordre de 3 m si l’on resti-tue les fossés dans leur largeur initiale, n’est pasencore clairement établie. On ne peut s’empêcherde rapprocher cette disposition de celle des “ fossés“, clôtures plantées d’arbre qui entourent lesfermes du Pays de Caux. La “ cour-masure “ estenserrée par un talus relativement élevé, de largeurvariable, bordé de part et d’autre par des fossés. Cetalus est planté d’arbres “ sur un ou plusieursrangs parallèles et en quinconce, de façon à bornerla propriété mais aussi à protéger gens, bêtes etpommiers des vents d’ouest et des grands froidshivernaux qui balayent le plateau “ (BOITHIAS,MONDIN 1970, p. 36 ; voir aussi BRIER, BRUNET1984, notamment la coupe d’un “ fossé “, p. 132).

Deux sépultures à incinération ont été mises aujour à l’entrée orientale (fig. 6, plan 2 : 7). Les fossesplus ou moins carrées s’alignaient sur le fossé. Cestombes sont précieuses, car les vases recueillis per-mettent de bien préciser la chronologie desenfouissements et la période à laquelle se rattachel’enclos associé.

L’ensemble, avec ses enclos emboîtés, est biencaractéristique de la “ ferme indigène “ définie parRoger Agache. L’absence de traces de construc-

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Fig. 6 : Roye “ Le Puits-à-Marne “. États anciens (1/1000).

tions, et la pauvreté du matériel conduisent às’interroger sur la fonction de l’enclos central. Ladisparition des vestiges des éventuels édifices estattribuable à l’arasement. Les fouilles récentes, par-ticulièrement sur les plateaux, ont montrél’ampleur du phénomène. De nombreux sites pré-sentent ainsi des périodes fort longues où l’occupa-tion n’est attestée que par les rejets recueillis dansles fossés et par les structures excavées. Ici, commec’est souvent le cas, les fossés de l’enclos intérieuront été recreusés, et leur comblement primitifn’était conservé qu’à l’est, sur une faible profon-deur, d’où le peu de matériel recueilli. Le plan estsuffisamment caractéristique pour ne pas avoir dedoute sur la fonction d’habitat de l’enclos central.

La première moitié du Ier siècle après J.- C.

Il n’y a pratiquement pas de trace d’occupationjusqu’au milieu du Ier siècle. Quelques indices ontété mis au jour dans deux zones de carrières ousilos (fig. 6, plan 3 : 8, 9) et dans des fossés. L’encloscentral est agrandi vers l’est par la mise en placed’une nouvelle limite à 13 m de la précédente (fig.6, plan 3 : 10). Au nord deux fossés obliques paral-lèles matérialisent une entrée, à l’est de l’accèsantérieur (fig. 6, plan 3 : 11).

Phases postérieures

La cave (fig. 5, 1), installée dans le pavillon d’anglenord du bâtiment résidentiel, montre que ce der-nier a été construit au plus tard à l’époque flavien-ne. Le bâtiment lui même est pratiquement arasé,son plan est lacunaire et il n’y a aucun indice pourdater les maigres traces observées.

Au sud la clôture extérieure, soit le fossé del’enclos ovalaire reste en partie ouvert, mais avecdes prolongements de part et d’autre. Au nord lefossé a été recreusé à quelques mètres vers l’exté-rieur. La cour est donc un peu élargie. D’autre partelle s’étend plus à l’est d’une vingtaine de mètre aumoins.

Les bâtiments à fondation de pierre sont mal datés,mais ils ne paraissent pas antérieurs au milieu duIIème siècle. Cinq constructions ont été observées.Deux édifices sont situés à proximité du bâtimentrésidentiel, en vis-à-vis. Au nord c’est un petit bal-néaire au plan bien caractéristique (fig. 5, 2). Ausud, l’édifice comprend deux pièces, dont une recè-le une petite cave (fig. 5, 3). Ce pourrait être unhabitat. À la fin du IIème ou dans la première moi-tié du IIIème siècle, un mur de clôture isole cesdeux bâtiments et la maison principale du reste dela ferme (on remarquera que cette séparation estapparemment mise en place relativement tardcomme à Verneuil).

Les trois, et peut-être quatre autres édifices, deuxau nord, deux au sud, sont placés plus ou moins envis-à-vis. À l’ouest, au niveau du futur mur de clô-ture, il y a deux constructions rectangulaires allon-gées (fig. 5, 4, 5). Au nord-est, un segment de

fondation, plus profond que les autres car installédans un fossé, pourrait indiquer une constructiondisparue (fig. 5, 6). Au sud-est, la construction, fortvaste, n’était pas très bien conservée au nord, et n’apu être entièrement dégagé à l’est, car placé enlimite d’emprise (fig. 5, 7). Une cave placée entreles deux édifices du côté nord de la cour (fig. 5, 8),met en évidence la disparition totale de la construc-tion dans laquelle elle s’intégrait. Tous ces bâti-ments chevauchent les fossés de l’enclos initial.

La fin du IIème siècle et la première moitié duIIIème siècle voient la reconstruction du bâtimentnord-est avec des fondations plus massives (fig. 5,9), et du mur de clôture qui sépare pars urbana etpars rustica, avec en son milieu le “ bâtimentporche “ caractéristique (fig. 5, 10). Le fossé estentièrement réaménagé, à quelque mètres versl’extérieur (fig. 5, 11).

La seconde moitié du IIIème siècle et la premièremoitié du IVème n’ont pas laissé beaucoup detémoignages. La seconde moitié du IVème siècleest beaucoup mieux représentée par des structuresen creux. Le site est abandonné après 410.

BAZOCHES “ LA FOULERIE “

Bazoches est situé dans la vallée de la Vesle,modeste rivière affluent de l’Aisne, à environ20 km de Soissons et 38 de Reims. La limite entreles évêchés de Soissons et Reims passe à 4 km àl’est (Fismes : Fines). La ferme laténienne et gallo-romaine de “ La Foulerie “ se trouve à l’ouest duvillage, le long de la rivière.

Le site occupe la terrasses alluviale. Le sol estformé d’une grève à éléments calcaire, recouvertepar un limon argileux plus ou moins épais (0,2à 0,7 m). Ce terrain permet une bonne lecture sur leplan archéologique, mais nécessite souvent undécapage assez profond. L’arasement n’est doncpas négligeable. La topographie est peu marquée(1 m de dénivelé du nord-est vers l’ouest et le sud).

La fouille du coeur de la ferme gallo-romaine a étéréalisée par L. Duvette en 1992 (DUVETTE,COLLART 1992). Les fouilles ont été poursuiviespar l’ERA 12 au nord-ouest et se sont achevées en1995 (HENON 1994 ; HENON, THOUVENOT1994 ; BAILLIEU, COLAS 1995 ; BAILLIEU,COLAS, ROBERT 1995 ; DESENNE, à paraître). Leplan général présente l’état des recherches en 1994 .

À la différence des deux villae présentées précé-demment qui relèvent de catégories parfaitementconnues, ce site est représentatif d’un type d’habi-tat rural modeste qui a pratiquement échappé àl’attention jusqu’alors. Les prospections aériennesdans la Somme n’ont pas permis de le mettre enévidence, soit parce qu’il est rare, soit, plus proba-blement, parce qu’il ne présentent pas de différen-ce perceptible à ce niveau avec les fermes indigènesPlusieurs fouilles récentes montrent que de telssites n’étaient pas rares : Rosières, sur le tracé du

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TGV Nord, Hardivillers (VANGELE, DELAHAYE1993 ; FEMOLANT, MALRAIN, supra), Houdan-court (MARECHAL, PISSOT, SIMON, VANGELE1994 ; MARECHAL 1994), Longueil-Sainte-Marie(JOSEPH 1995), Pont-Sainte-Maxence (ALIX,MALRAIN, MARECHAL, PRODEO 1995 ; ALIX,MALRAIN, MARECHAL, PELLERIN, PRODEO1995). Leurs caractéristiques communes sont unefaible superficie de l’espace d’habitat et d’activité(de l’ordre de 2500 à 10 000 m2 : 60 m sur 45m àRosières, Bazoches, 80 m sur 60 m environ, àLongueil, Pont-Sainte-Maxence, 116 sur 84 m àHardivillers), avec en corollaire la concentrationdes constructions et structures annexes. Cettesituation complique l’analyse de vestiges fortmodestes par ailleurs. La mode des bâtiments surfondation massives de la fin du Haut-Empire nesemble pas avoir touché ces établissements (sauf à

Houdancourt), de telle sorte que les édifices, fon-dés sur des soubassements superficiels, n’apparais-sent qu’exceptionnellement.

Phases laténiennes et gallo-romaine précoce

La petite ferme gallo-romaine succède apparem-ment à un établissement de La Tène D 1. Lesdécouvertes de 1995 ont révélé deux secteursd’occupation, au nord ouest de la zone étudiée,qui, en première analyse (étude en cours de l’ERA12), seraient datables de la Tène D1. L’un d’entreeux s’inscrit dans un enclos trapézoïdal de 100 mde long et large de 55 à 65 m (6000 m2). L’autreoccuperait une partie d’un vaste enclos sub-rectan-gulaire à angles arrondis partiellement recoupé parl’organisation postérieure.

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Fig. 7 : Bazoches “ La Foulerie “. Plan d’ensemble (1/2500).

À La Tène D2 - gallo-romain précoce (antérieure-ment au années 20 à 10 av. J.-C.), le coeur de l’habi-tat se déplace à une centaine de mètres au sud-est.La partie centrale de la ferme s’inscrit à l’intérieurde deux enclos emboîtés. L’enclos central (fig. 9,plan 1 : 1), rectangulaire, présente un tracé bienrégulier : 47-48 m de long pour 38-39 m de large(1870 m2). Il est probablement divisé en deux par-ties inégales. Cette partition est matérialisée à l’étatultérieur par un fossé. Sa présence dès cette phaseexpliquerait la position apparemment décentrée dela porte occidentale (fig. 9, plan 1 : 2) : elle se place-rait au milieu de la longueur de la partition princi-pale. Par ailleurs le tracé de cet enclos serapprocherait du carré (34 m).

L’enclos externe (fig. 9, plan 1 : 3) est lui aussi trèsrégulier, avec des côtés parfaitement perpendicu-laires. La limite sud a disparu, sans doute lors dudécapage des niveaux tourbeux, effectué avantl’intervention archéologique. La longueur est-ouestvoisine 94 m pour une largeur minimale de 84 m(7900 m2). La forme générale n’est donc pas éloi-gnée du carré (l’idée ne peut être écartée puisque letracé de la limite méridionale n’est pas déterminé).La partie septentrionale était recoupée par une ou

deux clôture nord-sud. Une première division estplacée dans le prolongement du fossé ouest dupetit enclos, (fig. 9, plan 1 : 5). La seconde, hypothé-tique, serait au voisinage du bâtiment mis en évi-dence dans l’angle nord-est (fig. 9, plan 1 : 4). Cetteconstruction, du type à six poteaux principaux etpignons “ à pans coupés “ à trois poteaux (fig. 9,plan 1 : 8), de 10 m de long et 6,5 m (cf. sa présenta-tion : PION, supra), est apparemment contemporai-ne de l’état initial. Une clôture est-ouest (fig. 9, plan1 : 6), appuyée sur des poteaux, la relie au fossénord-sud. À l’extérieur un fossé de parcellaireoblique vient rejoindre la clôture orientale (fig. 9,plan 1 : 7).

L’enclos interne n’est pas placé au milieu du grandenclos. La distance qui sépare leurs limites occi-dentales est identique à la largeur du petit enclos(39-40 m). Au nord il y a 36-37 m (soit approximati-vement la largeur de la partition principale du petitenclos).

Phase augustéenne

Les fossés sont recreusés, mais la disposition estpratiquement inchangée (fig. 9, plan 2). Le scelle- 139

25 m0 50 m

Fig. 8 : Bazoches “ La Foulerie “. Plan général (1/1000).

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Fig. 9 : Bazoches “ La Foulerie “. Plan général (1/2500).

ment de ce réseau est intervenu à la fin de l’époqueaugustéenne voire sous Tibère.

Deux limites parcellaires sont mises en place aunord et à l’ouest, où elles ont été suivies respective-ment sur 170 et 150 m (fig. 9, plan 2 : 9, 10). Il est ànoter que le parcellaire moderne est axé comme lefossé septentrional.

Phase du Ier siècle

Les vestiges de cette période sont bien maigres :une construction sur poteaux (fig. 9, plan 3 : 11),une grande structure encavée (fig. 9, plan 1 : 12). Laposition de ces deux structures, un petit segmentde fossé, à côté de la construction sur poteau, mon-trent néanmoins que la disposition de l’enclos cen-tral a été remodelée, au sud par un léger glissementdu fossé vers le nord, mais surtout par une exten-sion vers l’ouest. Les autres limites n’étant pasapparues la disposition d’ensemble nous échappe.Cependant il est probable que l’enclos central estdès à présent axé est-ouest. C’est la disposition quiest attestée au IIIème siècle lorsque les fossés sontcomblés (les structures de cette période ont étéreportés sur le plan 3, 14, afin de faciliter la com-préhension). La réorganisation de la disposition del’espace central semble être intervenue un peuavant ou vers le milieu du Ier siècle de n.e.

L’édifice, long de 10 m et large de 5,5 m, comportedeux alignements de cinq poteaux, irrégulièrementespacés (de 2 à 3 m), mais placés en vis-à-vis. Unpoteau central est possible. Le second bâtiment, de4,4 m sur 11,3 m, était en partie encavé (0,2 mconservés, soit au minimum une profondeur initia-le de 0,6m). L’élévation s’appuyait sur 22 poteauxplacés sur les longs côtés de la fosse.

Phases postérieures

Les vestiges des états postérieurs sont tout aussiténus. Le IIème siècle n’est pratiquement pas repré-senté. Le IIIème siècle correspond au comblementde l’enclos déjà mentionné, large de 40 à 46 m, etlong d’au moins 66 m (2 800 m2). Vers la mêmeépoque ou au début du siècle suivant des bâti-ments sur poteaux sont construits. Les construc-tions semblent ne se rencontrer que sur les côtéssud et est de l’enclos, dégageant ainsi une sorte decour au nord-ouest. Elle est en partie occupée parune grande mare, aménagée à une époque indéter-minée mais comblée dans les années 390-410, aumoment de l’abandon définitif du site.

REPRÉSENTATIVITÉ DE NOS EXEMPLES

La confrontation des trois établissements précé-dents, au demeurant fort différents, a permis derelever un certain nombre d’aspects communs.

Des fondation précoces

Situés à proximité d’établissements plus anciens,ils ont tous trois été fondés à la période du La Tène

D2 - gallo-romain précoce. À Roye et à Bazoches, lemobilier rencontré ne permet pas encore uneapproche chronologique assez fine pour détermi-ner si cette fondation est antérieure ou postérieureà la conquête. Le second cas de figure est assezvraisemblable pour Roye. À Verneuil, l’occupationprincipale ne semble pas de beaucoup antérieureaux années 20 à 10 avant J. -C.

L’article de D. Bayard (infra)montre que ces fonda-tions très précoces sont loin d’être systématiques.La mise en place des établissements gallo-romainspeut être plus tardive. Le Ier siècle avant J.- C. estnéammoins une période de transformation particu-lièrement intense au niveau de la structure del’occupation du sol, qui se traduit par le dévelop-pement de l’habitat du type “ ferme indigène “(PION, supra ; HASELGROVE, SCULL 1992 ;HASELGROVE, supra). Nombre d’établissementsmis en place à cette époque (environ la moitié selonD. BAYARD, infra ; beaucoup moins d’après C.HASELGROVE) perdurent à l’époque romaine etse transforment en villae, pour les plus grands.

Les liens avec La Tène

À Verneuil le rapport entre l’établissement gallo-romain et l’occupation laténienne est indéterminé,puisque la nature, l’importance et même la chrono-logie de cette dernière, ne sont pas définies. Un hia-tus peut être envisagé. Celà semble être la règlepour les grands établissements, ainsi à Beaurieux,Juvincourt et Famechon : aucun de ces sites neparaît succéder directement à un habitat laténien,même si, de par leur situation dans des emplace-ments topogaphiques recherchés par l’homme, lesterrasses alluviales et les fonds de vallée, ils ne sontjamais bien éloignés d’un habitat laténien.

Par contre, la continuité est bien établie pour Royeet Bazoches. À Roye, l’habitat est réorganisé surplace, du moins en partie. En effet son ampleur esttrès différente d’une période à l’autre. Il est difficilede croire qu’un habitat inscrit dans un espace de1000 m2, est identique à celui qui se développedans 5 600 m2. On peut donc légitimement s’inter-roger sur l’éventualité d’un regroupement de plu-sieurs unités d’habitat auparavant séparées.

À Bazoches, il est encore difficile de se prononceren l’abscence de l’analyse détaillée de l’occupationlaténienne, mais l’impression est celle d’une assezgrande continuité. La transformation essentiellesemble se résumer à un déplacement de l’occupa-tion et à une plus forte structuration de l’espace.Les sites de même ampleur, précédemment énu-mérés, montrent des évolutions similaires. Pourcertains, l’occupation antique se poursuit mêmedans le cadre tracé à la fin de La Tène (Pont-Sainte-Maxence). Les petits établissements, qui présententd’ailleurs le moins de signes de romanité, sont lesplus proches héritiers des fermes laténiennes, etconservent leurs caractéristiques au travers del’époque romaine.

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Roye et Bazoches illustrent assez bien les situationsrencontrées en Picardie. Les fouilles récentes ontmontré une occupation laténienne à proximitéimmédiate ou sous l’établissement gallo-romain,dans plus de la moitié des cas (BAYARD, infra).Bien entendu la réciproque n’est pas vrai. Nombred’établissements laténiens ont été abandonnés(ibid.). Mais Roye montre que la continuité peutêtre relative : la taille du site peut changer entredeux phases d’occupation. Cet exemple illustreune tendance plus générale. Vers la fin de La Tène,dans les établissements ruraux structurés par desfossés, la superficie des espaces d’habitat, et plusgénéralement des surfaces encloses, paraît croître(cf. l’expansion de la ferme de Jaux, FEMOLANT,MALRAIN, supra). Cette tendance expliquerait ladifférence d’échelle, qui est observée entreles “ fermes indigènes “ et les villae gallo-romaines.Pour La Tène, la majorité des exemples livrés parles fouilles récentes en Picardie, Haute-Normandie,Île-de-France, paraît se situer dans une fourchettede 1 500 à 6 000 m2, les établissements plus grands,jusqu’à 1 ha sont minoritaires et ils présentent sou-vent un réseau de bâtiments assez lâche(FEMOLANT, MALRAIN, supra ; DESFOSSES,supra ; diverses contributions dans BUCHENS-CHUTZ, MENIEL 1994). Au contraire à l’époqueromaine, l’unité caractéristique de l’occupationrurale est la villa moyenne, dont le bâti et la courcentrale s’étendent sur 1,5 à 2 ha. Certes les petitesfermes continuent d’exister, mais dans l’état actuelde nos connaissances, il semble s’agir à l’époqueromaine d’une catégorie marginale. De plus, mêmedans ce type d’établissement, la superficie sembleaugmentée (par ex. à Marne-la-Vallée : BUCHEZ,DAVEAU, infra ; ou encore Hardivillers :FEMOLANT, MALRAIN, supra).

Une explication satisfaisante de ce phénomène n’apas encore été trouvée. Il peut répondre à unbesoin économique nouveau ou consécutif audéveloppement d’une production agricole (unessor de l’activité pastorale a été proposé). Il estaussi possible d’envisager un regroupement del’habitat. À La Tène, il existe des établissementstrès étendus, qui sont en fait formés d’une juxtapo-sition d’unités d’habitats contemporaines, inscritesdans un petit enclos et relativement dispersées. Detels ensembles ont été observés, pour La Tènemoyenne et finale, à Verberie “ La Plaine Saint-Germain “ (FEMOLANT, MALRAIN, supra), àLoeuilly (GONNET 1993 ; GONNET 1994) et auTranslay (BAYARD, infra). Ces “ hameaux “, pourreprendre un qualificatif parfois employé, ne sem-blent plus exister à l’époque romaine. Par ailleurs,les grands établissements gallo-romains précoces(voir infra) montrent clairement que des regroupe-ments de population ont eu lieu, au moins audébut de l’époque romaine. Elles n’ont pas d’anté-cédent direct connu : aucune ferme laténienne n’alivré les preuves manifestes de la présence en sonsein, de cinq ou dix cellules familiales. Il est doncpossible que l’accroissement de la surface moyennedes habitats à enclos fossoyés corresponde à unmouvement similaire de concentration de l’occupa-

tion, mais à une échelle plus modeste. De ce fait, ilest plus délicat à mettre en évidence. Cette hypo-thèse s’accorderait assez bien avec la structurationplus forte de l’habitat, qui caractèrise développe-ment des “ fermes indigènes “ (cf. P. PION, supra ;FEMOLANT, MALRAIN, supra).

Sur le plan morphologique, l’examen détailléauquel nous nous sommes livré a permis de mon-trer clairement la grande parenté qui existe entreles fermes gallo-romaines précoces et les “ fermesindigènes “. Cette observation est confirméeailleurs en Picardie. L’analyse de cet aspect étantdéveloppée plus bas par D. Bayard (Morphologiecomparée des “ fermes indigènes “ et villae gallo-romaines), il suffit ici d’en résumer les caractéris-tiques. Dans les “ fermes indigènes “, l’habitats’inscrit dans un enclos fossoyé, qui tend, vers lafin de La Tène, à se rapprocher d’un tracé rectan-gulaire (ou carré). Cet enclos peut être subdivisé,ménageant plusieurs secteurs d’activité et parfoisd’habitat. Au delà de cette diversité, il apparaît quele bâti est le plus souvent dispersé à la périphéried’un espace central, souvent à proximité des fossésextérieurs, ou des divisions internes (MALRAIN,1994).

La ferme gallo-romaine précoce adopte ces deuxprincipes, mais avec un souci de régularité accru.Le bâti est réparti autour d’une vaste cour. Il peuts’aligner sur une clôture, à l’extérieur de la courqui est ainsi isolée. À l’exception de certains grandsétablissements, les fossés périphériques sont placésà proximité du bâti. Certaines fermes laténiennesprésentaient ces caractéristiques, de telle sorte qu’iln’est pas possible dans l’état actuel de nos connais-sances d’affirmer que la régularisation croissantedes plans (parfois très tardive, comme sur l’A 28,cf. BAYARD, infra) est due à la seule influenceromaine (et serait la marque de la romanisation).Elle se place en effet dans la continuité d’une ten-dance observée à la fin de la Protohistoire.

Le lien entre les deux types d’établissement estd’autant mieux perceptible que, durant une longuepériode, jusqu’à la fin du règne de Tibère, les tradi-tions architecturales de La Tène perdurent. Cetaspect est bien documenté sur les grands établisse-ments (voir infra).

De la ferme gallo-romaine précoce à la villa clas-sique

Nos trois exemples donnent une image assez voisi-ne du développement des établissements rurauxau début du Haut-Empire. Dans leur cas, le termede fondation ne semble pas usurpé, car au delàquelques adaptations et remaniements partiels, ladisposition générale de l’établissement resteimmuable jusqu’à l’abandon du site. À Verneuil, lacontinuité est grande au niveau de la cour, où lesfaçades des édifices et les murs de clôture qui lesjoignent se superposent au tracé extérieur de ladouble clôture. La cour est donc un peu élargie,puisque les constructions sont placées au delà de la

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limite qui les enserrait auparavant. La transforma-tion la plus importante est le déplacement du bâti-ment principal d’un côté de l’enclos occidental àl’autre, soit une réduction de la longueur de la villad’une soixantaine de mètres à l’ouest. L’extémitéopposée de la cour ayant disparu, il n’est pas pos-sible de déterminer si cela correspond à une dimi-nution de la longueur du site, ou si elle futcompensée par une extension de ce côté. À Roye eneffet, la principale transformation est l’allongementprogressif de la cour. Mais elle est aussi un peuélargie comme à Verneuil. À Bazoches les informa-tions sont lacunaires, et il est difficile d’arriver àune conclusion solide. Les maigres indices sem-blent aller dans le sens d’une relative continuité del’organisation spatiale.

Verneuil et Roye semblent représentatifs d’un cer-tains nombre de villae, où des constructions recou-pent d’anciens fossés périphériques. Cestransformations modestes tendent à accroître légè-rement la surface de l’habitat, mais sa dispositiongénérale n’est en rien modifiée. Cependant si cer-taines villae, comme Verneuil et Roye, sont structu-rées fort tôt, et présentent une disposition quiannonce le plan canonique de la villa du Nord de laFrance, d’autres sites n’adoptent cet aspect quebien plus tard (BAYARD, infra).

La continuité est cependant relative. Elle est nettepour l’organisation spatiale mais l’image est touteautre lorsque l’attention se porte sur la nature del’occupation inscrite dans ces limites. Les transfor-mations sont considérables, tant au niveau desplans des bâtiments que des techniques deconstruction. Le second aspect est beaucoup plusfacile à appréhender. Le site de Famechon (infra)est très intéressant à cet égard, car il présente uneévolution complète, qui paraît représentative de laPicardie toute entière. Dans cette région, les bâti-ments sur poteaux plantés semblent l’emporter lar-gement jusqu’à l’époque tibérienne ; ellesdeviennent rares après le milieu du Ier siècle. Eneffet dès le règne de Tibère, les structures posées, àmême le sol ou sur des soubassements légers,connaissent une mode croissante. Les murs à struc-ture de bois sont largement attestés (mais ponctuel-lement, en raison de l’arasement) grâce auxtranchées et aux empreintes laissées par lessablières basses, ou au travers des solins et autressupports (abloc ou dé de pierre). Ces pans de boisétaient le plus souvent hourdis de torchis, dont onretrouve des fragments de parois brûlées. L’adobea été reconnu sur un site (il a été aussi rencontré enmilieu urbain, à Amiens et Soissons). Quelquesauteurs envisagent aussi des élévations de pisé oubauge, en se basant sur la largeur de certains sou-bassements. Quoiqu’il en soit, la terre semble bienêtre le matériau principal. Les couvertures de tuilessont attestées dès l’époque augustéenne. La pierreest utilisée dès le second tiers du Ier siècle de notreère, mais principalement sous sa forme brute, dansles solins et les fondations (silex sur le Plateaupicard, calcaire dolomitique dans la vallée del’Oise). Des éléments taillés se rencontrent dès cette

période (cave de Verneuil), mais de façon limitéejusqu’au IIème siècle. Les murs, en opus caementi-cium, mais aussi montés à sec, ou liés à la terre, auparement plus ou moins régulier selon le matériaudisponible (craie, calcaires plus ou moins fins ougrossiers, grès) sont un peu mieux attestés auIIème siècle, mais leurs traces restent très rares.Enfin dans la seconde moitié du siècle et dans lesuivant, les fondations massives (très majoritaire-ment de craie damée dans la Somme) deviennent larègle. Ces fondations profondes ont rarement dis-paru. Cette évolution architecturale, vers desconstructions mieux fondées, partiellement (mursbahuts) ou entièrement construites en dur (legrand bâtiment à ailes de Verneuil) manifeste laprospérité et la stabilité de l’habitat rural du Haut-Empire en Picardie (ce second point est d’ailleursbien apparent au niveau de l’occupation du sol : àpartir du milieu du Ier siècle de notre ère, l’essen-tiel du réseau de l’habitat rural est en place, pourdeux siècles au moins : BAYARD, infra).

Les étapes du développement du bâti sont difficilesà suivre sur la très grande majorité des sites, en rai-son de l’arasement. L’exemple de Verneuil en estune bonne illustration. Entre le milieu du Ier siècle,où presque toutes remplacées par de grands édi-fices utilitaires. Quand et comment, ces bâtimentsagricoles apparaissent-ils ? Quelle est leur origine,car les antécédents laténiens semblent faire défaut. En définitive, il y a là une rupture non négligeable,entre la ferme gallo-romaine précoce, avec ses bâti-ments hérités de La Tène, et la villa classique, auxédifices plus importants en superficie, qui fontappel à des techniques nouvelles (élévations à pansde bois sur sablières posées, large portée des char-pentes sans appui au sol…). L’apparition de cesnouveaux bâtiments, traduit des évolutions pluslarges, au niveau de la gestion de l’exploitationtoute entière.

Ces observations montrent que la rupture avec lacivilisation de La Tène a été très progressive et par-tielle. Les fermes gallo-romaines précoces, se pla-cent à bien des égards dans la continuitédes “ fermes indigènes ”, tant au niveau de l’orga-nisation spatiale que des bâtiments. On décèlentquelques différences : une augmentation de la sur-face des établissements, une régularité accrue deleur tracé, et de la répartition des constructions àl’intérieur. Mais tous ces aspects sont connus dès lafin de La Tène et il est difficile de faire la part de cequi relève de l’influence romaine ou de l’amplifica-tion de tendances antérieures. Par contre la ruptureentre la période précoce et l’époque classique,semble avoir une ampleur non négligeable. Lecontraste est peut-être exagéré, car la villa clas-sique est essentiellement perçue sous sa forme tar-dive, vers le milieu du IIème siècle, ou après.Verneuil montre tout de même une vaste construc-tion sur poteau planté, au milieu du Ier siècle, quioccupe une surface identique à celle de la construc-tion à pan de bois du IIème siècle. Ce développe-ment est donc très mal documenté, et échappelargement à l’analyse. Il n’est pas possible de faire

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la part entre ce qui pourrait avoir une genèse locale(par l’adaptation d’un type architectural indigène,dont le mode de construction et l’étendue seraienttransformés) et ce qui serait un modèle méditerra-néen importé.

UNE SPECIFICITE DES GRANDES ETABLISSE-MENTS ?

Dans l’ensemble, les fermes gallo-romaines pré-coces, ne montrent pas de rupture nette avec la dis-position des établissements laténiens. Cependantles grands établissements offrent une image un peudifférente. D’une part, certaines de leurs caractéris-tiques n’ont pas d’équivalent identifié à La Tène.Mais plus encore, ils forment un groupe très homo-gène, qui paraît représenté bien au delà des limitesde la Picardie.

Les exemples de grandes fermes gallo-romainesprécoces sont au nombre de quatre en Picardie :Famechon (Somme), Beaurieux (Aisne), Verneuil-en-Halatte (Oise) et Juvincourt-et-Damary (Aisne).La ferme de Conchil-le-Temple, au sud du Pas-de-Calais, fouillées très récemment dans le cadre duprogramme de l’A 16 (LEMAIRE, ROSSIGNOL,infra), est proche de ce groupe, par son ampleur, larégularité de son aménagement, la densité desconstructions ; mais quelques particularités (fosséd’enclos proche des constructions, regroupementserré de ces dernières) lui donnent une place unpeu à part dans ce groupe. Elle serait d’ailleurs unpeu plus ancienne (milieu du Ier siècle avant J.-C.).

La documentation est inégale, compte tenu dessurfaces explorées et des moyens mis en oeuvre. ÀVerneuil comme à Juvincourt, le site n’a pas étéentièrement reconnu. À Beaurieux et à Famechon,quelques milliers de m2 ont été fouillés, dans desconditions extrêmement difficiles dans le secondcas.

Verneuil et Beaurieux ayant déjà été présentés(supra et HASELGROVE, dans ce volume), il reste àexaminer les cas de Juvincourt et Famechon.

JUVINCOURT-ET-DAMARY “ LE GUE DE MAU-CHAMP ”

Le site se développe sur la rive droite de l’Aisne, àla limite de ce département. L’exploitation des car-rières de granulat et le passage de l’A 26 ontconduit à fouiller 7 ha sur la basse terrasse alluvia-le, et permis de reconnaître 3,5 ha sur les versantscrayeux au niveau de l’autoroute. Les fouillesfurent conduites par D. Bayard de 1984 à 1991,d’abord sur l’emprise de l’autoroute (1984-1986),puis dans les carrières ouvertes de part et d’autre àpartir de 1987 (BAYARD 1989 ; BLANCHET 1989,p. 207-210). La ferme gallo-romaine a été étudiée en1990 et 1991, avec des moyens très réduits. Lerésultat des recherches est encore inédit, et jeremercie D. Bayard qui a mis à ma disposition cettedocumentation. Une quinzaine de périodes d’occu-pation ont été reconnue, du Néolithique à l’époquecarolingienne.

Phases laténiennes

L’espace est structuré à La Tène ancienne par unfossé est-ouest qui barre la terrasse sur plus de 200m (fig. 10, 1). Dès lors l’habitat ne se développequ’au sud. À la fin de la Tène ancienne ou au débutde La Tène moyenne, deux fossés nord-sud vien-nent recouper l’espace. Le fossé ouest (fig. 10, 2),reconnu sur plus de 160 m, est resté marqué dans lepaysage jusqu’à la période romaine car la fermeantique est axée dessus. Il a d’ailleurs été recreusé,du matériel de cette époque a été recueilli à plu-sieurs endroits. Les constructions de La Tèneancienne sont figurées en blanc, celles de La Tènemoyenne en gris clair (pour le plan de détail, voirPION, supra, fig. 3). On remarquera la présence dedeux bâtiments à pignons “ à pans coupés ” (formeovalaire).

La ferme gallo-romaine précoce

Après l’abandon de ce secteur, il y a un hiatusjusqu’au début de l’époque romaine. Une occupa-tion de cette période est observée à l’ouest, sous laferme gallo-romaine. Elle n’est pas dense. On peutlui attribuer le bâtiment III (fig. 11).

Le grand établissement gallo-romain précoces’implante sur un espace peu occupé jusqu’alors etqui ne le sera pas d’avantage après l’abandon dusite à la fin de l’époque romaine. La partie sud adisparu suite au déplacement du cours de l’Aisne.La partie nord est hors de la zone d’exploitationdes matériaux alluvionnaires. L’étendue du siten’est donc pas connue. La longueur minimaleattestée est de 210 m. La largeur de l’espace centralencadré par deux fossés parallèles est de 192 m. Letracé des limites de l’espace central est assez irré-gulier. Il est matérialisé par des fossés et des palis-sades. La largeur de la cour est de 84 m au sud, 95m au centre, et semble se réduire à nouveau aunord. L’espace latéral est de 53 à 60 m à l’est, et de44 m à l’ouest. La disposition générale, relative-ment régulière, n’est toutefois pas rigoureusementsymétrique.

De même les constructions placées le long des clô-tures de l’espace central, à l’extérieur de ce dernier,ne sont pas réparties régulièrement : 20 à 30 m lesséparent. Les zones de constructions forment depetits groupements de fosses et trous de poteaux.Les états ne sont pas nombreux, quatre au plus, etla restitution des édifices est assez facile dansl’ensemble, sauf pour le secteur VIII (fig. 11).

Les constructions les mieux représentées sont desédifices sur 6 poteaux principaux, avec dans deuxou rois cas, des traces de pignons “ à pans cou-pés ”. Elles ne sont donc pas fréquentes mais le siteest arasé. À l’ouest, les deux constructions neposent pas de problème. Le bâtiment I (fig. 14, 10)possède 6 poteaux principaux, qui dessinent unrectangle de 5 sur 7 m ; 3 autres poteaux au nordcorrespondent vraisemblablement à un pignon àpan coupé, ce qui allonge la construction de 2,6 m.Le bâtiment II, sur 6 poteaux (fig. 14, 11) présente144

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Habitats laténiensL'Aisne25 50 m0

Ferme gallo-romaine

1

2

3

Fig. 10 : Juvincourt-et-Damary " Le Gué de Mauchamp ". Plan d'ensemble.

I

II

V

VI

VII

VIIIIV

II

carrières

0 50m

Fig. 11 : Juvincourt-et-Damary " Le Gué de Mauchamp '. L'établissement gallo-romain (1/2 000ème).

deux constructions exactement superposés (6,6 sur4,6 m). À l’est, le secteur V correspond à deux édi-fices sur 6 poteaux contigus (6,8 sur 4,4 m, fig. 14,12 ; 5,4 sur 4,8 m, fig. 14, 13). Le secteur VI est unpeu plus complexe (fig. 11), une construction sur 6poteaux est décelable (fig. 14, 14 : 6 sur 5 m). Dansle secteur VII, 4 bâtiments se chevauchent. Deuxétats très similaires ont un plan très proche des édi-fices sur 6 poteaux (fig. 14, 15 : 6 sur 4 m), les deuxautres sont plus modestes.

Le mobilier recueilli suggère une chronologie res-serrée qui est confirmée par le petit nombre d’étatsattestés : les deux quarts de siècle qui encadrent letournant de notre ère.

États postérieurs

La ferme gallo-romaine précoce ne s’est jamaisvéritablement transformée en villa. L’occupation sepoursuit aux Ier et IIème siècles, mais sur uneemprise limitée au nord du site (le bâtiment IV estflavien, le secteur VIII a livré des vestiges du Haut-Empire). À la fin du IIème ou au début du IIIèmesiècle, une petite unité d’habitation, s’implante ausud-est de la ferme précoce, en respectant son axequi était donc encore bien marqué dans le paysage(BAYARD 1989b). L’occupation s’y est poursuiviejusqu’à la fin du IVème siècle, voire au début duVème siècle.

FAMECHON “ LE MARAIS ”

La villa de Famechon au sud-ouest de la Somme, à25 km d’Amiens, est implantée dans une petite val-lée, au confluent de deux modestes rivières, lesÉvoissons et son affluent la Poix. Les vallées quirecoupent le Plateau picard sont en général encais-sées, comme ici. Le substrat est un matériau allu-vionnaire (silex), surmonté d’apports récentslimoneux argileux, recouverts par endroit de tour-be.

Les fouilles récentes sont liées à l’exploitationd’une carrière. Elles ont été entreprises par le grou-pe d’Archéologie des étudiants d’Amiens à partirde 1972 et se sont poursuivies régulièrementjusqu’en 1988 (VERMEERSCH, VERMEERSCH1975 ; VERMEERSCH, VERMEERSCH 1976 ;VERMEERSCH 1981 ; BLANCHET 1989, p. 258-259). Les résultats sont particulièrement intéres-sants dans la mesure où la situation topographiquea entraîné une accumulation stratigraphique biensupérieure à la moyenne (0,6 à 0,8 m sur la pars rus-tica), largement préservée par l’absence de culture(des prairies occupaient le terrain). Les dépôts dansla pars rustica sont conservés jusque dand le cou-rant du IIème siècle. D. Vermeersch, qui prépareun article de synthèse sur ces travaux, m’a autoriséà présenter le résultat des dernières campagnesmenées sur la pars rustica, et je l’en remercie.

La villa se développe d’ouest en est sur plus de300 m (la limite orientale n’a pas été atteinte : fig.12). La largeur de la cour n’est pas établie avec cer-titude, d’autant qu’elle paraît trapézoïdale. Près du

bâtiment principal, elle aurait une centaine demètres ce qui est tout à fait considérable, si l’on seréfère aux autres plans de villae connus dans laSomme. Famechon appartient indiscutablement aupetit groupe des grandes villae. Son plan présenteune lacune importante en son milieu, car le suiviarchéologique est intervenu après la destruction decette partie.

L’état 1

Une occupation du début de La Tène finale a étéreconnue au nord du bâtiment principal, mais lesfouilles sont restées très limitées et l’organisationdu site, apparemment peu étendu, n’est pasconnue. Il est abandonné bien avant la mise enplace de la ferme gallo-romaine précoce. Un petitniveau de La Tène finale a aussi été mis au jourdans la pars rustica.

La phase initiale de la ferme précoce n’a été recon-nue qu’à l’est de la pars rustica (fig. 13 : état 1). Uneclôture parallèle au futur mur de la cour, mais pla-cée à 5 m environ au nord, était matérialisée pardes poteaux disposés tous les 2- 2,5 m. Un secondalignement parallèle à 3 m environ au sud a étéobservé sur quelques mètres à l’ouest, jusqu’à uneltroisième clôture perpendiculaire.

À la limite orientale de l’emprise une constructiona été partiellement dégagée, à 4,5 m au sud de laclôture C’est un édifice sur 4 poteaux principaux(fig. 14, 9). Deux états sont attestés, de dimensionsidentiques. Seul le pignon change : initialement ilest arrondi (sur 5 poteaux, dont 3 alignés ?), ensuiteil est droit (sur 7 poteaux dont 5 à l’ouest ?). Lapartie centrale est profonde de 7 m, et large de 4 m.Avec le pignon occidental (2 m), la longueur estd’au moins 6 m (42 m2), mais pourrait atteindre 8m, avec un pignon symétrique à l’est (soit 56 m2).La différence dans l’aménagement des 4 poteauxprincipaux et des éléments des pignons est particu-lièrement nette, au niveau du diamètre des fosseset de la profondeur des poteaux. Les 4 poteauxprincipaux étaient d’ailleurs conservés grâce à leurimmersion dans la nappe phréatique. Les éléva-tions ont été détruites par le feu. Il est à noter quela face nord du bâtiment coïncide très exactementavec l’alignement de tous les édifices qui lui succè-dent, et avec le mur de clôture de la cour qui lesjoint.

Au sud un fossé bien parallèle et longtempsouvert, se place à 22 m de la clôture, et 17,5 m de lafaçade de la construction. Un autre fossé traverse lacour au nord.

La chronologie proposée est La Tène D2 (céra-mique laténienne, ou de tradition laténienne exclu-sivement, et une amphore).

État augusto-tibérien (état 2)

Cette période est attestée à la fois dans la parsurbana et dans la pars rustica. Dans le premier sec-teur, sous le bâtiment principal, une grande146

construction de 12 m de large environ correspondvraisemblablement à la maison du maître. Elle estinstallée sur une semelle formée d’un lit derognons de silex, recouvert d’un niveau de craiedamée, dans lequel les cloisons apparaissent sousforme de tranchées.

Dans la pars rustica, deux bâtiments sont assezlisibles, et deux autres ne sont pas clairement appa-rus. Les édifices sont installés sur une semelle decraie ou de vase calcaire. Le premier type de sup-port paraît associé à des constructions sur poteaux,le second à des élévations sur sablières basses. Letracé de ces dernières est marquée par des dépres-sions ou tranchées. Le bâtiment à l’ouest mesure5,6 m en façade sur 5,4 m (30 m2), le troisième àl’est, environ 6,6 m en façade, pour une profondeur

de 5 à 6 m. Des foyers centraux permettent d’affir-mer que ce sont bien des habitations.

État du milieu du Ier siècle (état 3)

La maison du maître est reconstruite avec des tech-niques similaires : une semelle de craie, avec destranchées à l’emplacement des sablières. La lon-gueur est d’au moins 23 m.

Les édifices de la pars rustica sont bien apparusgrâce à leur soubassement de craie. Le bâtimentouest repose sur des sablières basses (6,3 sur 4,8 m,soit une surface inchangée de 30 m2), son voisin àl’est, et le bâtiment oriental (6 sur 6 m, 36 m2) utili-sent les poteaux plantés, et le dernier est assis surun solin de rognons de silex (7 sur 6 m, 42 m2). Les

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Fig. 12 : Famechon "Le Marais ". En haut, la villa au milieu du Ier siècle ; en bas, la villa à la fin du IIème siècle (dessin D.Vermeersch).

Maison du maître

PARS URBANA

PARS RUDTICA

PARS RUSTICA

PARS URBANA

Maison du maître

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Fig. 13 : Famechon "Le Marais ". Les états de la pars rustica (dessin D. Vermeersch).

État 1

État 2

État 3

État 4

État 5

foyers centraux mis en évidence dans les trois mai-sons suffisamment dégagées, confirment leur sta-tut d’habitation. Le mur de clôture, avec unsoubassement de moellons calcaire relie désormaisles façades.

États postérieurs

À l’époque flavienne (état 4), la maison du maîtreest rebâtie un peu au nord-est sur de larges soubas-sements de silex, mais les élévations utilisent laterre (des enduits peints recouvraient les murs etdes tessères ont été découvertes). La pars rustica nechange pas d’aspect. Les maisons ont un planinchangé, à salle unique et foyer central. Les mursreposent sur des solins de grosses pierres.

Au début du IIème siècle (état 5), la rivière estdéplacée vers le nord, ce qui permet d’étendre lasurface de la pars rustica. Le bâtiment principalreconstruit en petit appareil présente le plan carac-téristique à galerie façade et pavillons d’angle, avecdes dimensions importantes (53 m du nord au sud,25 m d’est en ouest). Un grand bassin se déploiedevant. Des thermes sont probables au nord-est.Dans la pars rustica les constructions existantes sontremplacées à partir du milieu du IIème siècle pardes bâtiments sur fondations de craie massives. Lessols ne sont plus conservés, les foyers font doncdéfaut. Ces édifices, avec deux ou trois pièces, sontplus grands que leurs prédécesseurs (88 m2,99 m2 ?, 145 m2). Dans la seconde moitié du IIèmesiècle (état 6), le bâtiment principal connaîtquelques remaniements qui ne modifient pas sadisposition générale. Ce secteur n’a pas livré devestiges après le dernier tiers du IIIème siècle, larésidence pourrait être abandonnée. L’occupationperdure dans la pars rustica jusqu’à la fin du IVèmesiècle.

CARACTERISTIQUES DES GRANDES FERMESPRECOCES

L’examen des caractéristiques communes auxgrands établissements gallo-romains précoces, meten évidence la cohésion de ce groupe, à la foistypologique et apparemment chronologique.Certes l’échantillon est encore réduit et la docu-mentation bien partielle. Mais alors-que, dans lespetites fermes et les villae moyennes, les phasesgallo-romaines précoces se placent dans la conti-nuité des établissements laténiens, les grandesfermes gallo-romaines précoces n’ont pas encored’“ ancêtre ” direct parfaitement identifié. Ellesapparaissent vers -40/-30 (Beaurieux, Famechon).On ne peut pas exclure une lacune de la documen-tation, surtout lorsque l’on garde présent à l’espritl’extraordinaire enrichissement, en moins de dixans, de nos connaissances sur la question.

Une ampleur inconnue jusqu’alors

Les grandes fermes gallo-romaines précoces occu-pent des emprises tout à fait considérables.Famechon et Juvincourt paraissent se situer à un

niveau supérieur. Sur le premier site, la cour a plusde 300 m de long et il y a des indices d’un dévelop-pement important hors de l’emprise des fouilles. Salargeur initiale n’est pas établie avec certitude,peut-être 80-90 m (si l’on se réfère à l’implantationdu premier bâtiment principal), soit une superficiede plus de 2,4 ha. L’espace central de Juvincourt,incomplètement reconnu, se développe sur plus de210 m, avec une largeur moyenne de 90 m, soit 1,9ha. Avec les espaces latéraux, l’emprise est doublée(4 ha). À Verneuil, l’espace central a plus de 230 mde long et 53 m de large soit 1,2 ha. Avec lesespaces latéraux, la surface est portée à 4,2 ha.Compte tenu de l’extension observée pour la villadu Haut Empire dans le secteur détruit à l’est, iln’est pas impossible que le coeur du site atteigne1,6 ha (320 m de long), et la surface totale, 4,6 ha. ÀBeaurieux l’organisation spatiale n’est pas tout àfait claire, l’enclos a 150 m de large et au moins280 m de long, soit 4,2 ha. Un espace latéral appa-raît bien au nord mais pas au sud.

Ces établissements ont donc plus de 200 m de long,mais il est vraisemblable que la longueur minimaleest de 250 à 300 m. En Picardie, quelques trèsgrandes villae atteignent 500 à 600 m de long, maisil n’y a pas d’indice qui permettent de déterminersi c’est déjà le cas pour certains grands établisse-ments précoces. La largeur de la cour varie de 50 à90 m, comme dans les villae classiques.

Les recherches récentes dans le Nord-Ouest de laFrance, n’ont pas livré de fermes d'habitat enclos,du type “ ferme indigène ”, dont l’espace centralatteint l’étendue des cours des grandes fermesgallo-romaines précoces. Le décalage est particuliè-rement net pour les plus grandes, Juvincourt etFamechon, avec leurs cours de 2 ou 3 ha minimum.Les sites de taille inférieure, Verneuil, Conchil-le-Temple, avec 1,6 (?), 1,3 ha, se rapprochent desgrandes fermes laténiennes. Néammoins, l’occupa-tion y paraît plus dense (c’est bien net à Conchil-le-Temple). Ces grands établissements semblentcorrespondre à une étape supplémentaire, dans lemouvement de concentration et de structuration del’habitat qui paraît caractériser la fin de La Tène etle début de la période romaine (supra).

Une organisation spatiale originale

La régularité du tracé de ces établissements estassez frappante, même si certains sites y échappentpartiellement (Juvincourt). Mais plus que cetaspect, qui n’est pas une innovation, mais se placedans le droit fil d’une tendance apparue à La Tène,c’est l’ensemble de la disposition qui présentequelques particularités, étrangères à la période pré-cédente.

D’une part, la vaste cour centrale est délimitée parune ligne de bâtiments et de clôtures palissadées(Famechon, Juvincourt, Verneuil, Beaurieux), oufossoyées (Juvincourt). Les clôtures joignent lesbâtiments ou passent devant. Cet alignement estplutôt rectiligne, sauf à Juvincourt. Ce type de dis-

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position ne paraît pas fréquent à La Tène (unexemple à Bazoches-lès-Bray, “ La Voie Neuve ”,non daté : GOUGE, SEGUIER, 1994, fig. 8).Habituellement, à cette période, les constructions,ne sont pas séparées de l'espace central.

En second lieu, cette zone de constructions estencadrée par des fossés rectilignes placés à unebonne distance : 55 et 44 m à Juvincourt, 35 m àVerneuil, 32 m à Beaurieux, 21 m à Famechon).C’est là encore une particularité, car à La Tène, lamajorité des bâtiments est placée sur la périphériede l’enclos, à proximité du fossé, souvent à unedizaine de mètres. De ce point de vue la fermegallo-romaine de Conchil-le-Temple est proche desétablissements laténiens.

Enfin, le bâti, qui présente un majorité écrasante deplans similaires, est réparti d’une manière particu-lièrement régulière, tous les 20 à 25 m, quels quesoient les sites.

Une population nombreuse

Ce bâti peut être majoritairement identifié à deshabitats familiaux. L’essentiel des constructions estconstitué de bâtiments sur 6 poteaux principaux,avec quelques édifices de plan similaire, sur 4poteaux. La fig. 14 permet de remarquer la grandehomogénéité des plans. La partie supérieure pré-sente 8 constructions de Verneuil et une deFamechon, la partie centrale, 7 bâtiments deJuvincourt, et en bas les 3 édifices de Beaurieux. Leplan est rectangulaire, plus ou moins allongé, lespoteaux sont toujours placés sur les petits côtés. Lalongueur varie de 5 m (Verneuil, Beaurieux) à 7 m(Famechon, Juvincourt), la largeur, de 3,5 m à 5,5 m(avec une plus grande fréquence des écartementsde 4 à 5 m). Le groupe est donc particulièrementhomogène.

Dans plus de la moitié des cas (10 sur 19), despoteaux liés à un pignon ont été mis en évidence,sur deux côtés (5), ou un seul (5). À Beaurieux cesont de gros poteaux axiaux. Ailleurs il peut s’agird’un alignement de 2 poteaux (1 ex.), 3 poteaux,dont un axial (4 ex.), 4 poteaux (1 ex). L’alignementainsi défini a une longueur inférieure à celle de lapartie centrale, ce qui conduit à parler de “ panscoupés ”. Ce tracé est parfois souligné par d’autrespoteaux placés sur l’oblique qui joint les poteauxprincipaux et ceux des pignons (3 ex), ou dans l’ali-gnement de la partie centrale (1 ex). Les édifices àun pignon ont une longueur augmentée du tiersenviron, et ceux à deux pignons, du double. Lesconstructions peuvent alors atteindre 10 m de long(2 ex), mais les exemples de 6 à 8 m sont plus cou-rants (8 ex).

Ces poteaux sont souvent installés dans des fossesmoins profondes et plus étroites que celles despoteaux centraux (cas de figure particulièrementnet à Famechon), ce qui pourrait expliquer leur dis-parition dans les constructions qui n’en présententapparemment pas, ou n’en possèdent que sur uncôté. Toutefois, ces constructions sont suffisam-

ment nombreuses pour envisager l’existence debâtiments à un seul pignon, ou de plan rectangulai-re simple.

Des édifices de plus grande taille, à Beaurieux (fig.15, 1) et à Verneuil (fig. 15, 2 - 3) adoptent ce plan.Le premier bâtiment est large de 9,5 m et long de 14m (8,5 m pour la partie centrale) avec des pignonssur 3 poteaux. Les éléments disponibles à Verneuilsont plus lacunaires, cependant il semble qu’unbâtiment de dimension voisine ait existé sous lebalnéaire (fig. 15, 2). Deux alignements de poteauxpourraient correspondre aux pignons, de sorte quela longueur n’est pas déterminée. Une constructionplus modeste remplace cet édifice, avec deux étatssuperposés (fig. 15, 3). La profondeur est de 7 m etla longueur de 11,5 m (7,5 m pour la partie centra-le).

Ce type de plan est bien connu depuis La Tènemoyenne, par exemple dans la vallée de l’Aisne(PION, AUXIETTE, GRANSAR, supra) et plus lar-gement (FEMOLANT, MALRAIN, supra ;LAMBOT, supra ; BUCHENSCHUTZ, MENIEL1994). Il est assez proche des constructions àpignon arrondi, qui ne sont pas attestées à l’époqueromaine (du moins avec la disposition caractéris-tique de la partie centrale). Les variantes à 4 ou 6poteaux centraux, semblent aussi fréquentes, et lespignons sur 1 à 4 poteaux sont rencontrés.

Il est toujours délicat de préciser la nature de l’utili-sation d’un type de construction dont les sols ontdisparu, surtout s’il a été décliné en plusieursdimensions. Ce groupe peut être aisément distin-gué des greniers, grâce à au plan nettement rectan-gulaire, avec des écartements importants, plusde 5 m et jusqu’à 7 m (au moins sur un côté), et unesurface non négligeable. De plus, dans les grenierssur 6 poteaux, les 3 poteaux sont généralement pla-cés sur les longs côtés (comme dans les exemplesprésentés plus bas). Si cette fonction peut être écar-tée sans difficulté, il reste plusieurs possibilités: onpeut douter qu’un bâtiment de 30 m2 ait le mêmeusage qu’un édifice de plus de 100 m2.

Toutefois la grande homogénéité des bâtiments lesplus petits, leur implantation similaire, la naturedes vestiges recueillis à la périphérie, la présencede petites caves ou réserves, à Beaurieux (fig. 14,16, 17, 18 : c) et à Juvincourt (maison I, fig. 14, 10 : c)suggèrent que leur fonction était celle d’habitation.L’exemple de Famechon apporte une preuve sup-plémentaire de poids : une construction de ce typea été remplacée par une habitation, de surface etd’implantation identiques, avec foyer central. Enoutre, ce site montre que les surfaces des habitatssont, au Ier siècle, de 30 à 40 m2, ce qui correspondau groupe étudié, même si certains édifices ont unesurface un peu supérieure, jusqu’à 60 m2. À Jaux,l’analyse fine des vestiges paléo-environnemen-taux recueillis autour de plusieurs édifices à 4poteaux de ce type, a confirmé leur fonctiond’habitation (GRANSAR, MALRAIN, MATTERNE1995).

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Fig. 14 : les bâtiments gallo-romains précoces.

Verneuil a livré deux grands bâtiments, étroits etallongés (fig. 15, 4, 5), assez comparables à uneconstruction de Beaurieux (fig. 15, 6). La construc-tion de Verneuil la plus récente (fig. 15, 4) est fortétroite et pourrait correspondre à un grenier(AUDOUZE, BUCHENSCHUTZ 1989, p. 78-79).C’est peut-être aussi la fonction de son prédéces-seur (fig. 15, 5).

Les autres édifices présentés sur la fig. 15, sontindiscutablement des greniers (AUDOUZE,BUCHENSCHUTZ 1989, p. 161 ; PION, supra). Il ya une certaine variété entre les constructions detaille moyenne, à 6 et 9 poteaux (fig. 15, 7, 8, 9, 10),et les petits greniers à 4 poteaux (fig. 15, 12, 13, 14,15). Tous tendent vers un plan carré sauf un, à 6poteaux, franchement rectangulaire (fig. 15, 11).Ces constructions sont bien connues durant laProtohistoire, et deviennent fort rares après lemilieu du Ier siècle de n. e. La présence de tran-chées entre les poteaux dans trois cas est une parti-cularité, qui paraît propre à l’époquegallo-romaine.

L’étude de ces divers édifices montre une fois deplus et de manière indiscutable, la parenté étroitequi existe, en milieu rural, entre l’architecture deLa Tène et celle du début de l’époque romaine. Lesinnovations techniques, tels les bâtiments à struc-ture posée, introduites en milieu urbain dèsl’époque augustéenne, ne semblent pas s’êtrerépandues rapidement. Le monde rural est restéfidèle plus longtemps à la construction sur poteauxplantés, bien présente jusqu’au milieu du Ier sièclede notre ère, et qui, ne disparut jamais.

La coexistence de plusieurs cellules familiales,dans le cadre de ces grands établissements agri-coles, est établie : au moins 3 à Beaurieux, 4 ou 5 àVerneuil (phase tibérienne) et Famechon, 5, sansdoute 6 à Juvincourt. Comme aucun de ces sites n’aété entièrement reconnu (sauf Conchil, l’analyse decet aspect y sera importante), les chiffres sont plusélevés, et peuvent être du double, voire plus. Cessites, qui pouvaient héberger une dizaine defamilles, devaient se présenter comme de véri-tables hameaux ou villages. Ils annoncent, parexemple, la grande villa d’Anthée.

C’est, là encore, une particularité, par rapport aux“ fermes indigènes ” qui ne présentent apparem-ment pas d’exemple d’une telle concentrationd’habitats (le grand établissement de Jaux n’a livréque 4 bâtiments interpétrables comme des mai-sons, pour une occupation d’une certaine durée).

Une aire de répartition vaste ?

Une dernière particularité de ces établissements,ou plutôt des villae qui leur succèdent, peut êtreversée au dossier. Certes on ne dispose pas, ailleursen Gaule, d’exemple comparable à nos grands éta-blissements ruraux précoces. En revanche, lesgrandes villae, du type de Famechon et Verneuil,qui leur succèdent sont nombreuses. Or un

nombre important de ces grandes villae de Gaule etdes Germanies, présentent une disposition globale-ment similaire. L’homogénéité de ce groupecontraste avec la variété des plans observées sur lesvillae plus modestes.

Un examen rapide des différents plans adoptés parles villae en Gaule et dans les Germanies, parexemple à partir de l’ouvrage de Ferdière (1988),permet de se convaincre de l’hétérogénéité desformes qu’adoptent les villae moyennes et petites,dans cette vaste aire. Plusieurs typologies régio-nales ont été elaborées, mais il y aurait matièrepour une analyse sur une plus large échelle, afin decaractériser des écoles régionales.

Le contraste entre les grandes villae et les autres, estplus ou moins marqué. D’un côté, celles dePicardie et de l’Artois, adoptent toutes, quelle quesoit leur taille, une disposition similaire. Les petitesvillae se présentent comme une réduction desgrandes, avec une cour un peu moins large et sur-tout moins longue. À l’opposé on peut prendrel’exemple des Germanies et de l’Est de la Gaule, oùle contraste en les grands établissements et lesautres villae est saisissant. Ces dernières adoptentdifférentes dispositions, avec pour constante unecour centrale et un enclos périphérique. Mais lesplans peuvent être beaucoup moins structurés,avec par exemple un bâtiment résidentiel central etdes bâtiments dispersés à l’intérieur d’un vasteenclos, en un relatif désordre, ou au contraire,répartis régulièrement à la périphérie, voire auxangles. Ailleurs les constructions entourent la cour,mais le bâtiment principal est placé sur le longcôté. Bref, l’objectif n’est pas de détailler, ni de clas-ser cette variété, mais de montrer qu’elle est gran-de. Les villae de Gaule et des Germanies sont loinsde présenter un aspect homogène.

C’est pourquoi, le groupe des grandes villae à courrectangulaire, qui se rencontrent, au moins dans lamoitié septentrionale de la Gaule, et dans lesGermanies, tranche par l’homogénéité de saconception standardisée, une vaste cour rectangu-laire allongée, avec des constructions répartiesrégulièrement sur les longs côtés et un vaste bâti-ment résidentiel à l’une des extrémités. Cette origi-nalité conduit à s’interroger sur l’origine de ceplan. La documentation disponible est à ce jourinsuffisante, mais on peut se demander si ces éta-blissement, au plan particulier, n’ont pas eu unegenèse similaire à celle de Verneuil, Famechon etBeaurieux. L’hypothèse serait que ce plan, dont ona tenté de montrer la spécifité par rapport aux éta-blissements laténiens, n’aurait pas une originestrictement locale, mais serait lié à un modèle dif-fusé largement dans le Nord de la Gaule et dans lesGermanies.

CONCLUSION

Deux points paraissent désormais bien établis. Laferme gallo-romaine précoce est dans le Nord de laGaule, largement l’héritière de la “ ferme indigè-

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Fig. 15 : les bâtiments gallo-romains précoces.

ne ”, aussi bien au niveau de son organisation quede son architecture. Elle prolonge un siècle au delàde la Conquête, et sans changement fondamental,une structure d’occupation apparue à la fin de laProtohistoire.

Mais, à partir du milieu du Ier siècle de notre ère,ce type d’établissement connaît des évolutionsimportantes, dont le rythme et la signification nouséchappent encore. Il semble qu’une véritable rup-ture caractérise le passage de la ferme gallo-romai-ne précoce vers la villa classique, même si cettedernière conserve les grandes lignes de l’organisa-tion spatiale des établissements antérieurs.

Les grands établissements gallo-romains précocesgénèrent des questions auxquelles il est encore dif-ficile de donner une réponse satisfaisante. Ils pré-sentent des apects particuliers, dans leurorganisation et par leur ampleur, qui semblent lesdistinguer des établissements plus modestes. Ilsn’ont pas d’antécédent direct bien identifié enPicardie. Compte tenu de sa relative parenté avecles “ fermes indigènes ”, il peut s'agir d'un modèleimporté, originaire d'une autre partie de la Gaule .Ou alors, c'est un développement local, constituantl'aboutissement de tendances observées à la fin dela Protohistoire.

Quoiqu’il en soit, ce type constitue l’aboutissementde deux tendances observées à la fin de La Tène : laconcentration de l’habitat, qui se traduit par lacroissance de sa superficie moyenne, et sa structu-ration. Dans la grande ferme gallo-romaine préco-ce, l’espace est mis en scène, avec une courcentrale, vide, dont l’ampleur est soulignée à la foispar la longueur, l’étroitesse relative et la clôturequi l’isole. La répartition symétrique du bâti et sadispersion contribuent à cette recherche de lamonumentalité. On peut en effet douter de l’apectfonctionnel de ce “ gaspillage ” de l’espace, qui cul-mine avec les fossés largement placés à l’extérieur.L’ensemble a sans doute plus pour objet de démon-trer la richesse et l’importance du maître des lieux.Elle est d’ailleurs soulignée, par le regroupementde ses dépendants, dont le statut subalterne trans-paraît plus clairement ainsi, que dans le cadre d’unhabitat dispersé. Tout cela annonce la grande villa.

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