À la recherche d’un nouveau regard : le Canada s’expose à Paris, 1900

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1 This is the original manuscript (preprint) of a book chapter published by CTHS and Presses de l’Université Laval in Regards croisés sur le Canada et la France in 2007 http://cths.fr/ed/edition.php?id=4261 To cite: Guillaume Evrard, « À la recherche d’un nouveau regard : le Canada s’expose à Paris, 1900 », in Regards croisés sur le Canada et la France, directed by Paul Guillaume and Laurier Turgeon (Paris: Editions du CTHS; Québec: Presses de l’Université Laval, 2007), 329-346 A la recherche d’un nouveau regard : le Canada s’expose à Paris en 1900 Guillaume Evrard Pour commencer, je souhaite faire appel à l’imagination de chacune et chacun d’entre vous en vous invitant à visualiser mentalement la première image qui vous vient à l’esprit lorsque est prononcé le mot « Canada ». Des frondaisons polychromes ? Les Rocheuses ? Le Saint- Laurent ? La grande plaine ? La colline du Parlement, à Ottawa ? Des images mentales qui peuvent nous venir en référence à une réalité existante, et ainsi nous faire nous évader, nous faire voyager ; c’est ce dont il est question dans cet article, dans le cadre de ce colloque annuel du CTHS placé sous le thème « Voyages et voyageurs » et, plus spécifiquement, de ce colloque franco-canadien. Entre la recherche et la découverte : le voyage, le regard. Maintenant, voyageurs que nous sommes, transportons-nous dans le temps, il y a cent cinq ans exactement. L’Exposition universelle internationale de 1900 à Paris vient d’ouvrir. L’affluence est grande. Le long du quai d’Orsay, la rue des nations fait sensation. Elle est décrite avec enthousiasme comme « le plus magnifique bouquet monumental, la plus belle anthologie d’architecture, le plus glorieux et le plus éblouissant qu’on puisse imaginer 1 ». Que leurs motivations soient politiques ou économiques, éducatives ou ludiques, les Expositions sont, de manière générale, l'occasion d'une présentation, et donc, d'une mise en scène qui vise à séduire et à convaincre le public. Dans ce contexte, les pavillons nationaux qui représentent chaque pays participant deviennent progressivement un élément structurant. En 1900, la tendance se confirme : la plupart des pays souverains proposent leurs pavillons nationaux sur la rive droite de la Seine tandis que les colonies sont regroupées sur les pentes de la colline de Chaillot. A cette occasion, le Canada souhaite faire valoir ses atouts et améliorer son image, dans l’esprit de ses participations aux Expositions internationales antérieures. Autrement dit, le Canada est à la recherche d’un nouveau regard, tout spécialement à Paris, en 1900. Les idées et les arguments voyagent de part et d’autre de l’Atlantique, pour, à leur tour, inciter des hommes et des femmes au voyage transatlantique. Dans une première partie, pour bien comprendre les enjeux dont il est question, il est nécessaire de rappeler la situation internationale et diplomatique particulièrement défavorable au Canada pour assurer convenablement sa représentation et la communication de son message. Cette situation est défavorable aussi bien en règle générale que dans le contexte de l’Exposition. Pourtant, dans une seconde partie, lorsqu’elle retient l’attention, la participation canadienne parvient à se faire remarquer, de deux façons, soit dans un esprit de continuité, soit grâce à la nouveauté ou à l’originalité de son contenu. 1 A. Carraud, Guide bleu du Figaro à l’Exposition de 1900, Paris, Le Figaro, Taride, 1900, p. 26.

Transcript of À la recherche d’un nouveau regard : le Canada s’expose à Paris, 1900

1

This is the original manuscript (preprint) of a book chapter published by CTHS and Presses de

l’Université Laval in Regards croisés sur le Canada et la France in 2007

http://cths.fr/ed/edition.php?id=4261

To cite:

Guillaume Evrard, « À la recherche d’un nouveau regard : le Canada s’expose à Paris, 1900 »,

in Regards croisés sur le Canada et la France, directed by Paul Guillaume and Laurier

Turgeon (Paris: Editions du CTHS; Québec: Presses de l’Université Laval, 2007), 329-346

A la recherche d’un nouveau regard : le Canada s’expose à Paris en 1900

Guillaume Evrard

Pour commencer, je souhaite faire appel à l’imagination de chacune et chacun d’entre vous en

vous invitant à visualiser mentalement la première image qui vous vient à l’esprit lorsque est

prononcé le mot « Canada ». Des frondaisons polychromes ? Les Rocheuses ? Le Saint-

Laurent ? La grande plaine ? La colline du Parlement, à Ottawa ? Des images mentales qui

peuvent nous venir en référence à une réalité existante, et ainsi nous faire nous évader, nous

faire voyager ; c’est ce dont il est question dans cet article, dans le cadre de ce colloque

annuel du CTHS placé sous le thème « Voyages et voyageurs » et, plus spécifiquement, de ce

colloque franco-canadien. Entre la recherche et la découverte : le voyage, le regard.

Maintenant, voyageurs que nous sommes, transportons-nous dans le temps, il y a cent

cinq ans exactement. L’Exposition universelle internationale de 1900 à Paris vient d’ouvrir.

L’affluence est grande. Le long du quai d’Orsay, la rue des nations fait sensation. Elle est

décrite avec enthousiasme comme « le plus magnifique bouquet monumental, la plus belle

anthologie d’architecture, le plus glorieux et le plus éblouissant qu’on puisse imaginer1 ».

Que leurs motivations soient politiques ou économiques, éducatives ou ludiques, les

Expositions sont, de manière générale, l'occasion d'une présentation, et donc, d'une mise en

scène qui vise à séduire et à convaincre le public. Dans ce contexte, les pavillons nationaux

qui représentent chaque pays participant deviennent progressivement un élément structurant.

En 1900, la tendance se confirme : la plupart des pays souverains proposent leurs pavillons

nationaux sur la rive droite de la Seine tandis que les colonies sont regroupées sur les pentes

de la colline de Chaillot.

A cette occasion, le Canada souhaite faire valoir ses atouts et améliorer son image,

dans l’esprit de ses participations aux Expositions internationales antérieures. Autrement dit,

le Canada est à la recherche d’un nouveau regard, tout spécialement à Paris, en 1900. Les

idées et les arguments voyagent de part et d’autre de l’Atlantique, pour, à leur tour, inciter des

hommes et des femmes au voyage transatlantique.

Dans une première partie, pour bien comprendre les enjeux dont il est question, il est

nécessaire de rappeler la situation internationale et diplomatique particulièrement défavorable

au Canada pour assurer convenablement sa représentation et la communication de son

message. Cette situation est défavorable aussi bien en règle générale que dans le contexte de

l’Exposition. Pourtant, dans une seconde partie, lorsqu’elle retient l’attention, la participation

canadienne parvient à se faire remarquer, de deux façons, soit dans un esprit de continuité,

soit grâce à la nouveauté ou à l’originalité de son contenu.

1 A. Carraud, Guide bleu du Figaro à l’Exposition de 1900, Paris, Le Figaro, Taride, 1900, p. 26.

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I. Une situation politique et diplomatique défavorable au Canada

D’abord marqué de l'empreinte culturelle française, passé ensuite sous le pouvoir de la

Grande-Bretagne, puis menacé par les visées impérialistes des États-Unis, le Canada tente,

depuis l'Acte de l’Amérique du Nord Britannique de 1867, de se forger sa propre identité.

D’une manière générale, le Canada subit les conséquences de sa position de « pays

semi-périphérique2 ». Il reste le sujet d’une influence majoritairement britannique puis

américaine et le destinataire « de formes économiques, de connaissances, de traditions et de

technologies3 » diffusées par ces deux puissances centrales – core societies

4.

Nouveau Premier ministre en juin 1896, Wilfrid Laurier a confirmé Lord Strathcona

comme chief emigration agent for Canada à Londres. Il doit y gérer les intérêts financiers du

Canada, encourager l’émigration, resserrer les liens entre le Dominion et la Grande-Bretagne,

et faire des comptes-rendus des questions intéressant Ottawa5. Tous les deux souhaitent

l'établissement d'une identité canadienne forte sur la scène internationale alors même que

l'impérialisme britannique reprend une certaine vigueur, à la fois favorable – dans la politique

d'incitation à l'émigration européenne vers le Canada – et défavorable aux intérêts du

Dominion – par exemple, en 1903, dans les accrochages entre le Canada et les États-Unis, sur

la frontière du Yukon. Le 19 juillet 1897, Wilfrid Laurier, invité à porter un toast lors d’une

réception à la chambre de commerce britannique à Paris, explique ainsi sa vision de l’avenir

canadien – en français : « A l’heure présente, nous sommes satisfaits de notre situation, de

notre rang ; mais il est évident que les relations présentes, si satisfaisantes qu’elles soient dans

le moment, ne sauraient toujours rester ce qu’elles sont. Un jour viendra où, par le seul effort

du développement de la colonie, le lien colonial si ténu, si léger qu’il soit, paraîtra lourd ; un

jour viendra où, par le seul effet de notre développement comme nation (car déjà nous

sommes une nation) nous aspirerons à quelque chose de plus6 ! »

Sans surprise, en cette fin de XIXe siècle, pas plus que lorsqu’il s’agit de gérer les

relations internationales quotidiennes du Dominion, les moyens et les initiatives du Canada ne

sont libres lorsqu’il est question d’organiser une Exposition universelle à Paris.

Depuis 1867, les projets que le Canada formule pour sa représentation lors des

Expositions internationales successives, en Europe comme aux Etats-Unis, sont bridés par le

contrôle exercé et les décisions prises par Londres. Plus largement, c'est non seulement la

Grande-Bretagne mais aussi l'ensemble de l'organisation coloniale britannique qui freinent les

initiatives du Canada.

Le 13 juillet 1892, le gouvernement français a publié un décret annonçant

l'organisation d'une Exposition à Paris, du 15 avril au 15 octobre 1900, sous la responsabilité

du Ministère du Commerce7. Le Canada ne figurait pas officiellement au nombre des

« cinquante-trois gouvernements priés de concourir à l'Exposition8, » mais le 24 avril 1897, le

gouvernement du Canada a annoncé son intention de participer officiellement à l'Exposition9,

2 H. H. Hiller, Canadian society: a macro analysis, Scarborough, Ont., Prentice Hall Canada Inc., 1996, p. 55.

3 Ibid.

4 Ibid.

5 D. McDonald, Lord Strathcona: A biography of Donald Alexander Smith, Toronto et Oxford, Dundurn Press,

1996, p. 403. 6 Arch. nat., F

12 4238, Exposition universelle de 1900 à Paris, « Grande-Bretagne – Premiers pourparlers »,

British Chamber of Commerce in Paris, Monthly circular, Circular No. 32, Special Number, July 1897, p. 4. 7 R. Mandell, Paris 1900 : The Great World's Fair, Toronto, University of Toronto Press, 1967, pp. 30-32.

8 Décret du 4 août 1894, cité dans A. Picard, Rapport général administratif et technique, Paris, Imprimerie

nationale, Tome Premier, 1902-1903, p. 247. 9 Archives nationales du Canada (désormais ANC), RG72, Vol. 197, Dossier 103028-1.

3

probablement informé de l'invitation française par le Secrétariat d'État aux Affaires

coloniales, à Londres. En fait, le Ministère français des Affaires étrangères savait depuis le

mois d’octobre 1896 que Wilfrid Laurier était favorable à la participation canadienne, par un

courrier confidentiel reçu du Consul général de France à Montréal, M. Kleczkowski10

. Il est

intéressant de noter le rapport qu’a produit le diplomate sur la possibilité d’une participation

canadienne. Il notait : « […] les articles que le Canada serait susceptible d’exposer à Paris ne

constitueraient pas un ensemble très considérable. L’industrie du pays étant relativement peu

développée, les articles agricoles, forestiers et miniers composeront la presque totalité de

l’exposition canadienne. Quant aux beaux-arts, ils ne pourraient être représentés que par les

œuvres du petit nombre de peintres et sculpteurs canadiens dont la plupart ont fait ou

complété leurs études en France11

. »

Cependant, la décision du gouvernement britannique de participer à l'Exposition n'a

été transmise qu'en janvier 189812

. Le 17 février suivant, le prince de Galles a créé un Comité

colonial (Colonial Committee) pour coordonner les participations des colonies britanniques et

assurer le dialogue avec les organisateurs de l'Exposition. Le Canada a nommé Lord

Strathcona pour représenter le Dominion.

Conformément aux instructions des organisateurs, les expositions coloniales ont été

réunies dans les jardins du Trocadéro13

. Dès le mois de février 1898, 60 500 pieds carrés –

soit environ 5 620 mètres carrés – ont été réservés par la Grande-Bretagne aux colonies

britanniques, sur des terrains de l'Exposition14

. Le Canada a alors eu le choix de participer à

une exposition générale de l'Empire britannique avec les autres colonies et territoires, en

participant aux frais au pro rata de la surface d'exposition occupée, ou de construire, à ses

frais, un pavillon particulier. Mais le Dominion a dû attendre la décision du gouvernement

indien pour formuler auprès de la Commission royale ses demandes en matière de superficie

d'exposition15

.

En fait, avant même que ne se posât la question de la décision des autorités indiennes,

la superficie accordée aux colonies n’a pas satisfait les désirs du Ministère de l'Agriculture

canadien, qui aurait souhaité 60 000 pieds carrés pour sa seule participation. Dans de telles

conditions, des doutes ont été émis quant à la possibilité de présenter une exposition

satisfaisante des produits canadiens. Les autorités canadiennes considéraient avec envie les

300 000 pieds carrés alloués à la seule Grande-Bretagne16

. Lors des réunions du Comité

colonial, Lord Strathcona a même évoqué à plusieurs reprises l’absence du Canada s’il n’était

pas possible de présenter une exposition digne de sa position et de ses ressources17

.

Le 7 avril 1898, il a presque été conclu que le Canada n'obtiendrait qu'environ 12 000

pieds carrés – environ 1 100 mètres carrés, soit un peu plus d'un cinquième de ce qu'il

demandait, superficie pouvant s'étendre si des territoires d'Australasie – Australie, Nouvelle-

Zélande et Nouvelle-Guinée – n'exposaient pas18

. Le 18 avril, le colonel Herbert Jekyll,

10

Arch. nat., F12

4238, Lettre confidentielle du Ministère des Affaires étrangères adressée au Ministre du

Commerce le 28 octobre 1896, reçue par le Commissariat général de l’Exposition universelle le 23 décembre

1896. 11

Ibid. 12

Anonyme, « 1900. Great Britain and the Paris Exhibition. The part we shall play in it. », The Daily Chronicle,

19 janvier 1898. 13

Collectif, Report of His Majesty's Commissioners For the Paris International Exhibition 1900 To The King's

Most Excellent Majesty, London, William Clowes & Sons, Limited, 1901, pp. 64-65. 14

ANC, RG72, Vol. 196, Lettre de Lord Strathcona à Sydney Fisher, ministre de l'Agriculture, 5 mars 1898. 15

Ibid. 16

ANC, RG72, Vol. 196, Lettre de Sydney Fisher, à Lord Strathcona, 14 mars 1898. 17

ANC, RG72, Vol. 196, Lettre de Lord Strathcona à Sydney Fisher, 31 mars 1898 : « I went so far as to state at

the last Meeting, that if Canada was not enabled to make an exhibit worthy of her position and her resources, it

might be a question for consideration whether we should exhibit at all. » 18

ANC, RG72, Vol. 196, Lettre de Lord Strathcona à Sydney Fisher, 7 avril 1898.

4

secrétaire de la Commission royale, a fait parvenir au gouvernement canadien un premier plan

accompagné du montant des surfaces accordées à chaque territoire de l'Empire : le Canada

disposerait, de 11 000 pieds carrés – soit un plus de 1 000 mètres carrés – dans un pavillon

colonial partagé avec l'Australasie, les Colonies de la Couronne et l'Afrique du Sud, tandis

que l'Inde profiterait de 15 000 pieds carrés – soit presque 1 400 mètres carrés – dans un

pavillon qui lui serait entièrement consacré19

.

Le gouvernement du Dominion n’a perdu aucune occasion pour améliorer sa

situation dans l’Exposition. Le 6 mai 1898, Lord Strathcona envoyait une lettre à

Chamberlain, sous-secrétaire d’état aux colonies à Londres, pour plaider en faveur d’une

représentation du Canada et des autres colonies « auto-administrées » dans le Comité exécutif

de la Commission royale pour mettre un terme aux négociations difficiles en cours au sein du

sous-comité colonial20

. La démarche a porté ses fruits puisque le Canada a été invité, quelques

jours plus tard, à siéger au sein du Comité exécutif, aux côtés de l’Afrique du Sud et de

l’Australie21

. Au plus haut niveau, Wilfrid Laurier a été impliqué aux côtés du ministre de

l'Agriculture, pour plaider la cause canadienne auprès des autorités françaises au début de

mai22

. Mais la démarche est restée vaine. Au début de juillet 1898, le Ministère des Affaires

étrangères a rappelé au Ministère du Commerce le contenu de l’article 12 du Règlement

général de l’Exposition : « le Délégué officiel de chaque pays est seul chargé de traiter avec le

Commissaire général, les Directeurs généraux et les Directeurs, les questions qui intéressent

ses nationaux, notamment celles qui sont relatives à la distribution des espaces, etc.23

» Par

courrier du 28 juillet 1898, le Consulat de France à Montréal a transmis la réponse française

directement à Laurier, réponse qui soulignait notamment, sans détours, que « le

Gouvernement du Dominion n'est, pour l'Exposition de 1900, qu'un exposant particulier avec

lequel, conformément à l'article 12 du règlement général, l'administration ne peut

correspondre24

. » En mettant implicitement sur le même rang, par exemple, un exploitant

forestier de l'Ontario et le gouvernement du Dominion, cette réponse en disait long sur la

position du Canada et ses possibilités de diffuser le message qu'il souhaitait, dans les

meilleures conditions, sans avoir à passer par les arbitrages britanniques.

A l’automne 1898, la situation a connu un nouveau rebondissement avec une nouvelle

lettre du Consul général de France à Montréal, dont le contenu était résumé par une note

marginale : « Le Canada à l’Exposition de 1900. Urgence d’étendre la superficie accordée25

. »

Le diplomate plaidait en faveur du Canada auprès de l’administration centrale à Paris après la

publication, dans les premiers jours d’octobre, d’un télégramme dans le Courrier des Etats-

Unis, télégramme reproduit intégralement dans le courrier du Consul. En substance, il était

question d’un accroissement d’un quart de la superficie accordée aux Etats-Unis par le

Commissariat général de l’Exposition26

. Le Consul général expliquait : « La surface de douze

mille pieds carrés accordée à un pays qui en demandait soixante mille, paraît tellement

insuffisante que le gouvernement du Dominion n’est pas éloigné de renoncer à toute

participation à l’exposition. J’espère encore qu’il n’en viendra pas à cette extrémité. Mais ne 19

ANC, RG72, Vol. 196, Lettre de Herbert Jekyll à Lord Strathcona, 18 avril 1898. 20

ANC, RG72, Vol. 196, Lettre de Lord Strathcona à Chamberlain, sous-secrétaire d’état aux colonies à

Londres, 6 mai 1898. 21

ANC, RG72, Vol. 196, Lettre de Lord Strathcona à Sydney Fisher, 18 mai 1898. 22

ANC, RG72, Vol. 196, Lettre de Lord Strathcona à Sydney Fisher, 10 juin 1898 ; Arch. nat., F12

4238, Lettre

de Kleczkowski, Consul Général de France à Montréal, au Ministère des Affaires étrangères, à Paris, 14 octobre

1898. 23

Arch. nat., F12

4238, Projet de lettre du Ministre des Affaires étrangères au Ministre du Commerce, préparé

dès la mi-mai 1898, prête à être envoyée le 2 juillet 1898. 24

ANC, RG72, Vol. 196, Lettre de Duchastel, gérant du Consulat général de France à Montréal à Wilfrid

Laurier, 28 juillet 1898. 25

Arch. nat., F12

4238, Lettre de Kleczkowski, au Ministère des Affaires étrangères, à Paris, 14 octobre 1898. 26

Ibid.

5

ferons-nous aucun effort pour lui donner au moins une preuve de notre bonne volonté ? Sir

Wilfrid Laurier […] me presse d’agir auprès de Votre Excellence pour qu’un traitement

meilleur soit réservé au Canada. […] Le premier ministre est dans ce sentiment q’un pays que

tant de souvenirs rattachent à la France a droit à un traitement privilégié. Nous n’avons pas à

décourager une telle manière de voir27

. »

Il aura finalement été nécessaire d'attendre le 1 janvier 1899 pour que les superficies

fussent définitivement réparties : dans le pavillon colonial, 27 100 pieds carrés ont été

réservés au Canada28

. Ce processus a mis en évidence la sujétion du Dominion à l'égard de la

Grande-Bretagne pour les moindres détails de relations internationales – qu'est-ce qu'une

Exposition rapportée à l'ensemble du contenu des relations diplomatiques ? Retenons, de

manière significative, que le Canada a obtenu à peine la moitié de la surface souhaitée depuis

l'annonce de l'Exposition.

II. Malgré les difficultés, une certaine réussite de la participation canadienne

Le gouvernement du Dominion poursuit sa politique de communication par l'intermédiaire

des Expositions en présentant les produits canadiens dans l'ensemble des édifices thématiques.

Il souligne à nouveau l'importance et la qualité de ses productions céréalières : elles sont

l'élément central des expositions rassemblées dans le pavillon du Trocadéro. Les visiteurs y

sont accueillis par une statue monumentale du sculpteur québécois Philippe Hébert

représentant la reine Victoria qui tend au Canada, « représenté par une Canadienne gracieuse

et solide, la charte que lui confère ses droits29

». La Canadienne donne en échange une

couronne de laurier tandis qu'un lion symbolise « la force et le courage que le peuple canadien

emploie à défendre les libertés qu'on lui octroie30

». L'intérieur de l’édifice a été décoré par

Joseph-Omer Marchand (1872-1936), premier artiste canadien diplômé de l'École des Beaux-

arts de Paris. Les arcades cintrées en anse de panier dénotent l'influence de la Renaissance

française31

. Les compagnies de chemin de fer – le Canadien Pacifique et, pour la première

fois, le Grand Tronc – sont mises à contribution, et mettent en valeur la géographie

canadienne pour favoriser l'immigration et le tourisme32

. L'édifice au centre de Paris est

complété par un « pavillon des instruments agricoles », situé dans le Bois de Vincennes.

La participation du Canada à l'Exposition de 1900 est organisée par le Ministère de

l'Agriculture du Dominion. Elle peut donc être considérée comme l'un des instruments au

service de la politique d'immigration menée par le Canada depuis l'arrivée au pouvoir du

gouvernement libéral de Wilfrid Laurier et de Clifford Sifton, ministre de l'Intérieur,

responsable de cette politique et de la colonisation des terres des Prairies. Avocat et

journaliste, Sifton dynamise l'administration dont il a la responsabilité pour réussir enfin la

colonisation que les trente précédentes années du Dominion n'ont pu réaliser : l'objectif est de

faire venir dans les provinces centrales du Canada des agriculteurs et des ouvriers agricoles

capables de mettre en valeur les milliers d'hectares de terres arables encore disponibles,

27

Ibid. 28

Department of Agriculture, Canadian Commission for the Paris Exhibition, 1900: regulations and general

classification of exhibits, Ottawa, Government Printing Bureau, 1899, pp. xiii-xvi. 29

Charles-Bernard, "Le Canada à l'Exposition", Paris - Canada. Organe Bi-mensuel des intérêts canadiens et

français, vol. 18, No. 12, 15 juin 1900, p. 1. 30

Charles-Bernard, "Le Canada à l'Exposition VII - L'exposition artistique", Paris - Canada. Organe Bi-mensuel

des intérêts canadiens et français, vol. 18, No. 23, 1 décembre 1900, p. 1. 31

Ce motif se retrouve notamment à la façade des loges du château de Blois. 32

Charles-Bernard, "Le Canada à l'Exposition V", Paris - Canada. Organe Bi-mensuel des intérêts canadiens et

français, vol. 18, No. 17, 1 septembre 1900, p. 2.

6

notamment au moyen de publicités alléchantes33

. A cette fin, la présentation canadienne se

donne pour but, à travers l’ensemble de l’Exposition, de faire découvrir de nouveaux produits

ou de maintenir la réputation d’articles déjà connus. Elle se doit donc, dans l’esprit de ses

organisateurs, « de faire preuve d’un caractère national, d’être caractéristique des produits,

arts et manufactures, de la Puissance toute entière, sans considération du lieu d’origine34

. »

Les regards portés sur la participation canadienne adoptent soit un parti qui souligne

l’idée de continuité, soit un parti qui en met en valeur la nouveauté.

L’Exposition donne l’occasion au Canada d'affirmer une identité propre, distincte de

celle de la Grande-Bretagne. Cependant, c'est le drapeau de la puissance impériale qui flotte

au-dessus de l'entrée du bâtiment et non pas le drapeau du Dominion. Et les commentateurs

expriment une certaine confusion des sentiments : « Le pavillon canadien a une originalité

propre. On sent le lien politique avec l'Angleterre, mais aussi l'autonomie de l'œuvre

commune35

. » L'édifice est d'un intérêt esthétique assez limité. Abritée dans un édifice de

charpente et de staff au style officiellement dit « Renaissance anglaise36

», la présentation

canadienne pâtit du contraste défavorable créé par la proximité des autres colonies,

représentées de façon beaucoup plus pittoresque et exotique. Pour cette Exposition de 1900,

les organisateurs ont semblé ne pas imposer de contrainte esthétique particulière pour la

construction des pavillons nationaux et coloniaux37

. Pourtant, leur refus d'un premier projet de

pavillon canadien au printemps 1898 donne des indices sur leurs « ambitions architecturales »

: des pavillons de petites dimensions sont préférés à de grosses structures qui écrasent le

visiteur, vraisemblablement pour multiplier les styles architecturaux et ainsi augmenter les

dimensions pittoresque et exotique38

.

En matière de continuité, il faut souligner l’indifférence à l’égard de la participation du

Dominion, que les divers plans de l’Exposition expriment bien graphiquement. Sur le plan

général de l’Exposition universelle proposé à la fin du Guide bleu du Figaro à l’Exposition, le

Canada n’est pas du tout mis en valeur puisque son pavillon est réuni avec le pavillon indien

sous le vocable « Colonies anglaises »39

. A proximité, vers l’est, on trouve un restaurant

français, le pavillon de l’Egypte, au nord, les édifices des Indes néerlandaises, du Transvaal,

et immédiatement à l’ouest, l’ensemble dédié à l’Algérie.

Du côté du contenu éditorial des guides, maintenant. Dans L’Exposition pour tous, qui

veut « prendre le visiteur par la main et le promener partout dans l’Exposition, non à la façon

d’un guide aride, mais comme un compagnon aimable, soucieux de renseigner sans fatiguer,

de faciliter les moyens de tout voir et de bien comprendre tout ce qu’on voit, de donner une

attachante vue d’ensemble des choses, tout en signalant au passage les objets les plus dignes

33

V. Knowles, Strangers at our gates. Canadian Immigration and Immigration Policy, 1540-1990, Toronto et

Oxford, Dundurn Press, 1992, pp. 58-62. 34

Department of Agriculture, Op. cit., p. xvi. 35

Anonyme, Exposition universelle de 1900 : les plaisirs et les curiosités de l'exposition, Paris, Chaix, [1900], p.

278. 36

Arch. nat., F12

4238, « Grande-Bretagne – Renseignements statistiques, Questionnaire B. République

française. Ministère du Commerce, de l’Industrie, des Postes et des Télégraphes. Exposition universelle

internationale de 1900. Direction générale de l’exploitation. – Installations générales. Renseignements

statistiques demandés. Pavillons Isolés, constructions et annexes dans les parcs et jardins, Puissance du

Canada. » 37

J. Allwood, The Great Exhibitions, Londres, Studio Vista, 1977, p. 101. 38

Coll., Report of His Majesty's Commissioners For the Paris International Exhibition 1900... Op. cit., p. 68 : «

[The desire of the French authorities] was that the ground should be occupied by a number of small pavilions

similar to those erected by Tahiti, Réunion, and Martinique, and that they should be as light and ornamental as

possible. » 39

A. Carraud, Op. cit.

7

d’attention40

, » les pentes de la colline de Chaillot sont décrites comme un « heureux mélange

de parcs élégants et de pittoresques constructions41

» mais il n’est fait absolument aucune

mention de la participation canadienne, pas même du pavillon qui l’abrite. Idem dans Le

Guide rapide illustré de l’Exposition42

.

Le Canada participe donc bien au « grand rendez-vous colonial43

» sur la colline de

Chaillot mais ce n’est pas lui qui retient l’attention : « Le groupe colonial de la Grande-

Bretagne comprend trois pavillons : indien, australien et canadien […]. Mais c'est le pavillon

indien qui frappera tout particulièrement la curiosité des visiteurs44

. » Le pavillon indien est

« la fidèle reproduction d’un palais hindou avec ses précieuses ornementations, ses boiseries

sculptées, ses vérandas45

. » A proximité immédiate, le contexte de la présentation canadienne

ne provoque pas l’enthousiasme : « Le palais [australo-canadien] relève d’un style qu’on est

convenu d’appeler style colonial et dans lequel on vise moins à l’élégance qu’au

confortable46

. »

Dans le registre de la continuité, on peut considérer tous les développements qui

soulignent le lien entre la colonie et sa métropole. La représentation canadienne est ramenée

au stéréotype habituellement attribué à la puissance coloniale, « le confortable anglais 47

».

L’emphase placée sur les éléments de continuité avec le passé ou de cohérence avec les

préjugés des visiteurs-lecteurs permet aux commentateurs d’abréger les développements

relatifs au Canada, pour se concentrer sur des présentations jugées symboliquement plus

importantes. Ce que fait, par exemple, le guide Paris et l’Exposition qui signale très

succinctement que « le Canada expose ses produits les plus beaux : échantillons agricoles,

fourrures, etc.48

» La description fait appel aux connaissances présumées du lecteur en

rappelant des informations supposées connues.

Par ailleurs, d’autres commentateurs se font fort de rappeler les liens historiques qui

unissent la France et le Canada, « ce pays qui nous a appartenu et où la littérature française est

toujours cultivée49

». La nostalgie, le regret ne sont pas absents de ces références historiques :

« C'est par l'abondance et l'extrême variété des produits exposés que la section canadienne

s'impose à l'attention. On éprouve une impression d'amère ironie en constatant la richesse de

ce beau pays lorsqu'on se souvient du mot de Voltaire : « quelques arpents de neige... » Qui

donc disait récemment que le Canada était actuellement la plus florissante de nos colonies ?

Colonie perdue, demeurée en partie française, et qui se souvient toujours de son ancienne

métropole50

. »

Et Quantin d’expliquer dans son guide de visite, L’Exposition du siècle : « Nombre de

Canadiens d’origine française ont gardé pour nous des sentiments d’affection. Mais il ne leur

est plus permis de servir la France sans agir en rebelles. Leur désir n’est pas de redevenir

Français, mais de rester Canadiens. Il ne faut pas s’hypnotiser dans des regrets stériles, et

nous ne pouvons que souhaiter aux Canadiens de savoir profiter pour eux-mêmes du

40

Anonyme, L’Exposition pour tous : visites pratiques à travers le palais : vue d’ensemble, les nouveaux palais

des Champs-Elysées, le pont Alexandre III et les palais de l’Esplanade des Invalides, Paris, Montgredien, 1900,

p. 6. 41

Ibid., p. 74. 42

Anonyme, Le Guide rapide illustré de l’Exposition, Paris, E. Cornély, 1900. 43

A. Carraud, Op. cit., p. 85. 44

Exposition universelle de 1900 : les plaisirs et les curiosités de l'exposition, Op. cit., p. 278. 45

A. Carraud, Op. cit., p. 103. 46

H. Lapauze, M. de Nansouty, A. da Cunha et alii, Le guide de l’Exposition de 1900, Paris, E. Flammarion,

1900, p. 344. 47

A. Carraud, Op. cit., p. 103. 48

Anonyme, Paris et l’Exposition, Paris, Impr. Cerf-Lévy, Guide H. Dorville, [1900], p. 251. 49

Exposition universelle de 1900 : les plaisirs et les curiosités de l'exposition, Op. cit., p. 279. 50

L. Meillac, « Canada », dans Collectif, Le Livre d’or de l’Exposition de 1900, Paris, E. Cornély, 1900, p. 314.

8

magnifique avenir promis à leur pays51

. »

L’exposition du Dominion se distingue finalement des autres pays par les « merveilles

de la faune et de la flore52

» qu’elle présente aux visiteurs, tout comme le fait l’exposition de

l’Australie. Les têtes de cerfs, de bisons, de rennes, d’élans et d’ours exposées incitent les

commentateurs à rappeler que « le Canada est le pays des grandes chasses53

. »

Dans le registre de la nouveauté, la transformation du regard porté sur le Canada déjà

observée à l’Exposition internationale de Chicago, en 1893, semble se poursuivre en 1900,

auprès du public européen, si l’on en croît le ministre canadien de l'Agriculture : « Pour la

première fois, depuis nombre de générations, on a définitivement mis au rancart et relégué

dans le domaine des fables du passé l'opinion surannée qui voulait que le Canada ne fût que

quelques arpents de neige. Aujourd'hui le Canada est connu comme une terre où le lait et le

miel coulent en abondance, et les peuples européens apprécient notre pays à sa juste

valeur54

. » Cette impression officielle est confirmée par Quantin. Il est formel : « Quant aux

‘arpents de neige’ dont parlait Voltaire pour se consoler de la perte du Canada, ils ont été, par

l’étalage de leur puissance productive, un des étonnements de l’Exposition55

. »

Henry de Varigny propose une description relativement détaillée du contenu de la

participation canadienne au Trocadéro : « […], le bâtiment consacré à l'exposition canadienne

est bien fait pour donner l'idée d'un pays étendu, de ressources variées, et prospère dans ses

entreprises56

. » Ses remarques sont soutenues par des références aux performances

économiques de chaque filière d’activité : les chasses et les pêches, l’extraction et la

transformation des minerais, l’agriculture, l’industrie du bois et du papier, etc. Dénuée de

préjugés et de clichés, et probablement largement inspirée par le contenu informatif de la

participation canadienne elle-même, la description analytique de Varigny est l’un des rares

comptes-rendus de visite à inciter le lecteur à consacrer une partie de son précieux temps et de

son énergie au pavillon du Canada au cours de son voyage immobile à travers l’Exposition :

« Il faut du reste visiter de très près le pavillon ; il est plein de renseignements et de faits ; des

tableaux et des photographies superbes l'ornent avantageusement, et par la multiplicité et la

variété des objets, il donne beaucoup à réfléchir ; il est très instructif, et c'est avec un plaisir

tout particulier qu'un Français le parcourt jusque dans ses moindres recoins, en admirant

l'ingéniosité et l'activité de ses frères d'outre-mer. Souvent même, il a le droit – si ce n'est le

devoir – de les envier…57

» Au détour de ses descriptions, Varigny démonte quelques

préjugés, favorisant la formation d’un nouveau regard porté sur le Canada. Soulignant d’abord

qu’ « il y a beaucoup de choses à voir dans le pavillon canadien58

», il remarque « une

industrie agricole locale qui n'est pas sans importance59

».

Je souhaitais analyser la transformation du regard porté sur la participation

canadienne : dans un premier temps, la recherche du Canada pour imposer ses vues et son

51

A. Quantin, L’Exposition du siècle, Paris, Le Monde moderne, [1900], p. 203. 52

A. Carraud, Op. cit., p. 103. 53

Exposition universelle de 1900 : les plaisirs et les curiosités de l'exposition, Op. cit., pp. 278-279. 54

Discours de Sydney Fisher, devant la Chambre des Communes à Ottawa repris dans Paris - Canada. Organe

Bi-mensuel des intérêts canadiens et français, vol. 19, No. 8, 15 avril 1901, p. 2. 55

A. Quantin, Op. cit., p. 202. 56

Henry de Varigny, « Le Canada et son Exposition », dans Collectif, L'Exposition de Paris (1900) publiée avec

la collaboration d'écrivains spéciaux et des meilleurs artistes, Paris, Librairie Illustrée, Montgredien et Cie, vol.

3, [1900], p. 206. 57

Ibid. p. 208. 58

Ibid., p. 206. 59

Ibid., p. 207.

9

image propre ; dans un second temps, la diversité des regards portés sur la participation du

Dominion.

Les tergiversations sur les superficies d'exposition accordées au Dominion, le manque

d'influence du gouvernement fédéral sur les conditions de sa propre présentation,

l'impossibilité de communiquer directement d'égal à égal avec les organisateurs de

l'Exposition, sont autant d'arguments – non exhaustifs – en faveur d'une plus grande

autonomie du Canada lors des Expositions internationales tant dans la phase de conception

que pendant l'évènement lui-même. Le statut colonial bride le Canada dans son expansion et

limite la communication de son message.

On comprend ainsi la création en 1901 de la Commission des expositions du

gouvernement canadien qui doit littéralement mettre en scène les produits canadiens de

manière plus efficace et plus frappante tandis que Laurier déclare que « le Canada est une

nation60

. » La création de cette Commission, révélatrice de l’émancipation progressive du

Dominion, porte ses fruits au niveau quantitatif : en 1915, lors de l’Exposition de San

Francisco, le pavillon canadien est le deuxième plus grand après celui de la Californie ; au

niveau qualitatif, lors de l’Exposition internationale des arts et techniques dans la vie moderne

à Paris, en 1937, le Canada est libre de choisir une parcelle en bord de Seine, aux côtés de la

Grande-Bretagne et de la Belgique. Sur cette parcelle, au pied de la tour Eiffel, le

gouvernement canadien poursuit la promotion du tourisme au Canada et attire les regards par

un pavillon en forme de silo à grain.

La participation canadienne en 1900 s’inscrit dans le mouvement d’émancipation du

Dominion et, dans le regard des visiteurs, permet d’estomper ses arpents de neige à la faveur

de son potentiel agricole, industriel et touristique.

Résumé

Depuis que la Puissance du Canada a été constituée, elle a participé à de nombreuses

Expositions internationales, en Europe comme en Amérique. Promouvoir les produits

canadiens, stimuler l’économie et la démographie canadiennes, tels sont les objectifs

prioritaires traditionnellement choisis par Ottawa dans le cadre de sa participation, malgré les

difficultés engendrées par ses liens avec la puissance britannique.

En 1900, le Canada participe à l’Exposition universelle internationale de Paris. Encore

dépendant de la Grande-Bretagne, le Canada expose ses produits dans un pavillon installé

dans les jardins du Trocadéro. Ainsi, le Dominion figure sur l’itinéraire du voyage fictif à

travers le monde que rend possible l’Exposition internationale, sans sortir de Paris.

La participation canadienne en 1900 s’inscrit dans le mouvement d’émancipation du

Dominion et, dans le regard des visiteurs, permet d’estomper ses arpents de neige à la faveur

de son potentiel agricole, industriel et touristique.

Archives

Archives nationales, F12

4238, Exposition universelle de 1900 à Paris, « Grande-Bretagne –

Premiers pourparlers ».

60

Cité par H. Fabre, « Le Canada à l'Exposition », Paris - Canada. Organe Bi-mensuel des intérêts canadiens et

français, vol. 18, No. 6, 15 mars 1900, p. 1.

10

Archives nationales du Canada, RG72, Vol. 196-7. Paris Exhibition 1900 – Report of the

Canadian Commission at Paris, List of Awards made to Canada, Estimates, General File

Paris 1900, Claims, Plans, etc. (Exposition universelle de Paris, 1900. Rapport de la

Commission canadienne à Paris, Liste des récompenses décernées au Canada, Estimations,

Dossier général sur l’Exposition, Plaintes, Plans, etc.).

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nouveaux palais des Champs-Elysées, le pont Alexandre III et les palais de l’Esplanade des

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