le nouveau nepal, le pari d une utopie

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Vincent Greby

LE NOUVEAU NEPALLe pari d’une utopie

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Vincent Greby

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LE NOUVEAU NEPALLe pari d’une utopie

Collection Point Asie

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AVANT-PROPOS

Le présent ouvrage est né d'une rencontreavec un commandant de l'armée populaire, dansles environs de Pokhara, quelques jours aprèsles grandes manifestations de 2006. Undocument m’a été remis, je l’ai traduit unepremière fois, puis annexant une préface troplongue, le tout s’est  transformé en un livresur les propositions du parti communistemaoïste népalais. Sans signature, faisant référence demanière nominative à plusieurs acteurs duconflit, ce document décrit les initiatives,les réalisations, avec leurs succès et leurserreurs, d’une campagne de collectivisationdes terres. Mais aussi et surtout, ildémontre la complexité d’une sociétéouvertement inégalitaire, agencée sur unmodèle féodal où l’individu n’a pas ou peu dechoix. Les initiatives du parti destravailleurs feront sourire, frémir,réveilleront notre culture démocratiquepiquée au vif par des propositionsouvertement oppressives. Afin de relativiserces élans autoritaires, je tiens à signalerque ces directives, projets de constructions

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d’usines et autres fermages collectifs sesont mis en place dans un contexte de guerrecivile, au début des années 2000. Sur leterrain, ces propositions sont dépassées parles simples ravages de plus de dix ans deconflits. La population est fatiguée de laguerre et des potentats. Vainqueurs par lesarmes et par les urnes, les maoïstes devrontrépondre à toutes les attentes : moderniserun pays enclavé entre deux grandespuissances, redynamiser une économie endéroute, transformer un rêve en réalité ou uncauchemar en horreur.Afin de faciliter l’approche du document, jepropose au lecteur un éclairage. Celui-ci comprend une présentationgéographique et ethnique du pays. Ne pouvantdresser une historicité globale, je me suisattaché à décrire l’histoire du Népal depuisla moitié du XIXème siècle, soit le début durègne de la dynastie des Ranas, jusqu'àl’arrivée aux affaires des insurgés maoïstes.De plus, il m’a semblé important d’opérer unepasserelle descriptive entre la problématiquemaoïste népalaise et la problématique maoïsteindienne, représentée par le mouvementnaxalite. En annexe, un lexique, des carteset une liste non exhaustive de sites Internetpermettront au lecteur de mieux sefamiliariser avec ces acteurs politiquesissus des monts himalayens. Je tiens aussi et surtout à remercierMlle Nat V Sorlin pour ses conseils justes et

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judicieux, pour son aimable relecture etcorrection du manuscrit, Mlle Justine Leonardpour son soutien et mon éditeur pour sapatience.

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CHAPITRE I

BREVE HISTOIRE DU NEPAL

1- Présentation Générale Plusieurs théories définissent l’étymologiedu mot Népal. L'une fait référence au dérivédu mot sanskrit nepalaya, signifiant« Piedmont ». Une autre piste vient du mottibétain niyanpal, qui signifie « terre desdieux ». L’étude syllabique propose deuxmots: né signifiant laine et pal maison. Nepserait également le nom sanskrit désignant ungroupe de bergers venant des plaines du Gangeet al, un suffixe provenant du mot gopals(berger). Enfin, une interprétation plongedans l’histoire du pays. Un sage dénommé néserait à l’origine de la première dynastie,apportant sa protection sur la vallée pâla.Les incertitudes demeurent, chaque hypothèseest plausible. Le Népal n’en demeure pasmoins une large bande de terre de 800 km surune largeur de 145 km à 210 Km, coincée entredeux grands géants : l’un de 3,2 millions dekm carrés, l’Inde, l’autre immense, de 9,5millions de km carrés, la Chine. Faisant lanique à ces territoires, cette terre abrite

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« la demeure des neiges. », l’Himalaya : 9sommets de plus de 8000 mètres, une centainede plus de 7 000, une muraille de roche de deglace. Temple des turpitudes climatiques,lieu de convergence des courants d’airschauds, la mousson y prend naissance. Au pieddes montagnes, Katmandou : 2 000 000personnes sur les 28 millions d'habitantsdispersés entre les basses terres à 47% etles zones de moyennes montagnes à 45%. Lagéographie du pays est l’une des bases de sonidentité. Le pivot de son histoire. Les Indo-Népalais peuplent les terres basses tandisque les peuples des montagnes, les Tibéto-Népalais, vivent dans les hauteurs. Ces deuxgrandes familles de populations sesubdivisent en une myriade d’ethnies parlantplusieurs dizaines de langues. Ces identitésculturelles sont issues d’un isolementgéographique maintenu durant des siècles pourles peuples des montagnes et d’un brassagemigratoire pour les basses terres.

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Figure 1 : Carte physique du Népal (source :CIA)Au Moyen-Age, venus d’Inde et fuyant lesinvasions mongoles, les Indiens ont importéun modèle de société, l’hindouisme, avec lescastes, une division de la population enquatre groupes majeurs, du plus pur au moinspur. Les prêtres et enseignants formentl'élite « Bahun, Brahmines », viennentensuite les guerriers et agriculteurs« Chhetris », puis les commerçants« Vaisyas », les « Sûdras » qui pratiquentles petites professions et enfin les« Dalits », accomplissant les métiers ditsimpurs (forgerons, coiffeurs, cordonniers,etc.). Cette hiérarchie sociale impose undéterminisme : l'on naît, l'on vit et l'onmeurt dans sa caste. Certes, un changementéconomique peut advenir mais pas unchangement de caste. Les femmes, elles, sontde facto, considérées comme intouchables… Leslois népalaises de 1964 abrogent de tellespratiques. Dans les faits, elles sont peuappliquées même si la constitution de 1990les renforce. Ce système indien dehiérarchisation sociale est agrémenté d'unehiérarchisation ethnique dans laquelle lespeuples minoritaires des monts himalayens« Janajatis »  sont considérés, eux aussi ,comme intouchables… 56,4 pour cent de lapopulation se reconnaît dans cettestratification religieuse. 35,5 est horssystème, classifiée comme animiste ou

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bouddhiste, tandis que 8,1 pour cent estd’une autre confession (musulmane, chrétienneou autre). Les hautes castes sont présentes dans lespôles urbains à hauteur de 30 %. Ellesoccupent tous les postes clefs. Ce clivagesocial existe aussi d’un point de vuelinguistique. Il n’y a pas un Népal mais desNépal avec des religions, des cultures, deslangues, des territoires propres. La premièreimpression lors d’une visite à Katmandou estla disparité des visages, du type le plusmongol au plus caucasien. La langueofficielle n’est parlée que par 45% de lapopulation. Le népali n’a aucun lien avec lenewar, qui n'a aucun emprunt au tibétain etainsi de suite pour les 32 langues estimées. La répartition de ces différentespopulations s’effectue par un morcellementgéographique. Cinq grandes régions sedessinent : l'extrême ouest, le centre ouest,l'ouest, le centre et l’est. Cette divisionsommaire se partage en 14 zones nomméesAnchal, qui elles-mêmes se divisent en 75districts.

2- La dictature des Premiers ministres Formée de petits royaumes jusqu'à lamoitié du XVIIIème siècle, l’unité politiquese fait autour de la Prthivi Narayan Shah.

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Roi de Gurkha, il employa son règne à créerun Etat unifié, pouvant faire face auxmenaces de la Chine et des IndesBritanniques. Son succès fut aidé par unevolonté affirmée de réforme agraire, uneréorganisation de son armée et le contrôlestratégique des routes commerciales. En 1768,les villes les plus importantes du futurroyaume tombent entre ses mains, suivies deKatmandou, Patan et Bhâdgâun l'annéesuivante. Sa descendance n’aura de cessed’imposer la suprématie de la couronnenépalaise. Considérée comme l’incarnation dudieu Vishnou, la dynastie royale hindoue dela famille Shah s’imposera durant 240 ans.L’armée chinoise reconquerra une partie deses anciens territoires. Les britanniqueseux, entérinent tout élan expansionniste avecle traité de Ségoulie en 1816. Deux tiers desterritoires précédemment annexés sontrestitués. Un an plus tard, la monarchiepasse sous tutelle britannique. En ce milieudu XIXème siècle, le royaume du Népal estdirigé en sous-main par une Reine adultérine.Un Premier ministre fantoche, Fateh JangChautaria, parade. Le 14 septembre 1846,l’amant royal Gagan Singh est assassiné.Cette tragédie amoureuse va être lourde deconséquences. L’histoire du Népal bascule. Lesanglant massacre de Kot va débuter... Ivrede chagrin, la Reine ordonne à un officier,Jung Bahadur, de convoquer toute la noblesseau palais des armoiries, «  Kot Palace ».

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Plus de cent aristocrates répondent présents.La favorite du Roi hurle sa peine. Dans unexcès de rage, elle fustige le représentantde la famille Pandes. Et ordonne aucommandant de la garde de l’exécuter sur lechamp... Ce dernier s’y refuse, la colère està son comble. Le Premier ministre épaulé dujeune officier Jang Bahadur, quatrième dansla hiérarchie royale, s’en vont contenir ledésespoir royal. Adbhimman Sing lui, tournele pas. Comme il vient de réfuter l’ordre detuer le leader de la famille Pandes, lesarmes se font voir. Blessé, il parvient àhauteur de la garde. Les mots sont vifs,personne ne doit quitter l’enceinte. Latroupe encercle l’édifice. Un cri terrifiantse fait entendre. D’un coup de baïonnette,Adbhimman Sing est transpercé. Avant demourir, il hurle le nom du coupable, « JangBahadur». Les armes sortent, les mèches àmousquets sont allumées. La crème del’aristocratie est décimée. 80 personnesperdent la vie, certaines réussiront às’enfuir, en escaladant les murs, en sefaufilant entre les grilles. Le lendemain, leRoi absent de la tuerie nomme le seulcandidat au poste de Premier ministre : JangBahadur Rana. Une grande purge commence, 6000nobles quittent le pays… Les Ranas ont prisle pouvoir pour 100 ans. En sursaut dedésespoir, la Reine, avec l’appui de quelquesfidèles, prépare un coup de force. Desinformations remontent au Premier ministre.

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Elle et son mari sont mis aux arrêts, sessuivants exécutés. Le couple royal prend lechemin de l’exil. En 1847 à Bénarès, uneultime tentative de restauration estcomplotée. Des espions ont vent de cesvelléités, le Roi est officiellementdestitué. Son fils, maintenu en détentiondepuis un an, est couronné et assigné àrésidence jusqu’à la fin de ses jours. Lavoie est libre pour Jang Bahadur Rana,l’opposition est contenue. Un monarque de sonchoix est sur le trône, sa famille contrôleles affaires du pays. En 1850, il s’embarquedepuis Calcutta pour l’Europe. A son retour, l’autocrate importe lenéoclassicisme et les épaulettes. Sarencontre avec la Reine Victoria ne fut pasdes plus harmonieuses. La Reine dut se plieraux exigences d’un chef d’Etat, d'une escortede 22 chevaux et 19 salves de fusils. Cethôte de marque s’interroge, s’émeut de lapuissance britannique et réalise que touterésistance sera très difficile. Sa visite àParis confirme son admiration pourl’efficacité militaire européenne. Ilcomprend les jeux diplomatiques despuissances occidentales. Il affine lastratégie de son futur règne. En proie à dessoubresauts révolutionnaires, la couronnebritannique fait appel au despote.L’autocrate se montre présent et envoie unsoutien de 9000 hommes pour materl’insurrection des Cipayes de 1857.

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L’Angleterre sera l’un des plus fortssoutiens de la dynastie et peut-être l’un desseuls. En considération des services rendus,la Reine Victoria décide de distinguer JangBahadur de la Victoria Cross à Calcutta.Malheureusement, la cérémonie ne suit pas leprotocole. 17 salves de fusils sont tirées.Le représentant de la couronne britanniquelui appose la médaille de la main gauche,tout en désarmant le dictateur de ses deuxpistolets. De retour à Katmandou, furieux,Jang Bahadur réclame des excuses. Si cesdernières ne s'exécutent pas, il se verraobligé de retourner la médaille. Le despotevient de consolider son autorité. Le Népal sereferme. Seuls quelques hauts dignitairessont invités à des parties de chasse dans leTeraï. Le représentant anglais ne peutdépasser la vallée de Katmandou. La légenderapporte que des espions britanniquesd’apparence indienne se déguisent en moinesbouddhistes pour aller plus en avant dans lepays. En 1851, le Roi sans couronne crée sa proprechambre des Lords et constitue un nouveaucode législatif sous l’appellation « MulukiAin ». Regroupée en un ouvrage, la conduitepolitique, sociale et culturelle de toutnépalais se trouve régentée. Simplifiantl’interprétation des textes religieux (duDharma Sâstras), les conduites inter-castes,sont définies dans la vie quotidienne.Discriminatoire et impartial, ce code fut une

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avancée, pour un système où le bon vouloirprévalait sur toute forme de justiceL’intégrité des juges est réglementée, toutabus de pouvoir est sanctionné. Les peines deprison ou la confiscation des biens prennentle pas sur les châtiments corporels. Lapratique de la torture est interdite… A titre d’exemple, un Brahmine ne pourrarecevoir un châtiment corporel tandis qu’unautre coupable de basse caste sera décapitépour un crime identique. Le « Muluki Ain »divise la société en deux grands types desujets, les Tagardharis et le reste, lesautres, les Matwalis, les basses castes. Lesdeux tiers de l’ouvrage s’appliquent àdéfinir principalement des interdits sur lescontacts physiques a fortiori sexuels entreles castes. Afin de lever un de cesinterdits, un décret royal reconnaît ladominance de la famille Kunwar Rana. LePremier ministre est sacré maharajah desdistricts de Kaski et de Longjung. Il obtientainsi le titre de trois sri et est porté,avec sa famille, au deuxième cercle de lafamille royale. Des liens de parenté peuvents’établir entre les deux familles. Le Roiconserve son titre de suprême maharajah aveccinq sri, en prévalence à son statut divin.Tous contacts hors du premier cercle royal sedoivent d’avoir l’approbation écrite duPremier ministre. Les lectures et autresdivertissements sont soumis à une censure.Afin de forger une alliance durable avec la

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monarchie, deux des filles du dictateur semarieront avec un membre de la familleroyale. Quelques années plus tard, l’enfantissu de cette union sera couronné. Le Premierministre détient la quasi totalité despouvoirs : autorité administrative, civile etmilitaire, de politique nationale etétrangère, ainsi que le droit de paix et deguerre. Toutefois, certains aspects diplomatiquessont gérés par l’administration britannique.Désirant clarifier les modalités de sadescendance, Jang Bahadur Rana va codifierson propre mode de lignage avec le « Roll OfSuccession Act » : la transmission se fait defrère cadet à frère cadet ou à neveu, s’iln’y a pas de mâle. Conformément à cesdispositions, son frère lui succède en 1877.Moins entreprenant, Ranoddip Singh devrafaire face à une décennie d’intrigues et decomplots. La mort du Roi Surendra Bikkamcomplique sa position. Il fait couronnerPrithivi Bir Bikram Shah, âgé de 6 ans. Lesdescendants de Jang Bahadur ne cessent decontester la légitimité de Ranoddip. En 1881,son neveu Bir Shamsher Rana l’assassine. Lepays est dirigé d’une main de fer. Tous lesprétendants sont exécutés ou emprisonnés. Lecalme revenu, une politique de grands travauxcommence : l’eau courante est installée àKatmandou, le pont de Kulekhani estconstruit, le palace s'orgueillit de lapremière école de langue anglaise. Si

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l’accent est mis sur l’instruction, ellen’est accessible qu’à une très faible partiede la population. Les Ranas forment leursélites… Dev Shamsher Rana, successeur de BirShamsher Rana, restera au pouvoir 4 mois. Degrands desseins sont mis en place :l’émancipation des femmes esclaves, lacréation d’un réseau d’écoles de languenépalaise appelé Bata Patiala. Pourvoyeur degrandes idées, il se lancera dans unecampagne anticorruption. Féru d’imagesanimées, il organise des projections aupalais. Tous les jours, il fait tirer lecanon à midi. Ses élans, son caractèreprodigue inquiéteront son entourage. Il seradémis de ses fonctions par ses frères, puiséloigné en Inde. Encore aujourd’hui, cePremier ministre Rana est perçu par denombreux népalais comme un précurseur de ladémocratie. Malheureusement, son successeur,Chandra Shamsher Rana, endossera le costumede l’autoritarisme. Porté au pouvoir en 1885,l’un des grands chantiers de ce début derègne se situe sur le front diplomatique. Latentative d’incursion britannique du colonelYounghusband en territoire tibétain, a lafaveur de Katmandou. Ce choix diplomatiques’inscrit dans une révision des relationsavec Beijing. Lié par le traité de 1792, leNépal se devait tous les 12 ans de faire unevisite de bienveillance en Chine. La guerrecivile pose l’embarras. Sur le conseil des

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britanniques, Katmandou se refuse d'effectuerle voyage. Le Népal fait un pas de plus versson entière souveraineté. A Katmandou, le Roimeurt. Tribhuvan Shah est intronisé à l’âgede 5 ans. Un an plus tard, la première guerremondiale éclate. Prés de 100 000 népalaisvont combattre en France pour la couronneanglaise, plus de 200 000 serviront dans lescolonies britanniques. Réputés pour leurloyauté et leur acharnement au combat, lesconscrits Gurkhas s’illustrent par leurvaillance. En révérence à ce geste, unedotation annuelle à perpétuité d'un millionde roupies est offerte à la couronnenépalaise. L’envoyé anglais est transformé enrésident. Le traité de Ségoulie se voitrévisé. Outre certains pans de sa politiqueétrangère, Katmandou a l’entièreresponsabilité de ses affaires intérieures.C’est sur ce front que de grands changementsvont s’opérer. La première université estinaugurée, le Trichandra Collège, une sériede lycées sont construits dans les grandesvilles du pays. La crémation de l’épouseconjointement au décès de l’époux estinterdite. Ce vent de réformes s’accompagnede l’abolition de l’esclavagisme en 1923.50 000 d’entre eux sont rachetés à hauteur de3,7 millions de roupies à leurspropriétaires. Dans la continuité de sesprédécesseurs, la politique des grandstravaux continue. Une centrale hydrauliqueest construite, Katmandou est électrifiée en

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1921. Le Népal dans son isolationnisme,entretient des liens très privilégiés avecLondres. Georges V puis Edouard VII nemanqueront pas d'y faire escale. Désirant éviter toute querelle desuccession, une révision du « Roll OfSuccession Act » est entreprise. Divisé entrois classes, le pouvoir Rana se transmetainsi : la classe A de descendance directepeut entretenir des relations avec les hautescastes, ils sont les seuls à pouvoir assumerles plus hautes responsabilités de l’Etat. La classe B, née de seconde couche, peutinteragir avec les hautes castes mais il leurest interdit de partager un bol de riz, sesmembres ne détenant pas les mêmesprérogatives à gouverner. Enfin, la classe C, née d’épouses decastes inférieures, ne peut pas fréquenterles hautes castes. Seule la classe A est apteaux plus hautes fonctions civiles etmilitaires. Les enfants issus des classes Bet C ne peuvent être Premier ministre, leursresponsabilités militaires s’arrêtent augrade de colonel. Ce renforcement du statutdes Ranas du premier cercle, va dans unpremier temps, évincer tous les risques deconspiration mais susciter rage et envie.Chandra Shamsher Rana dirige le pays durantde nombreuses années. Il tente une ouverturesur la modernité, impose l’eau courante,suscite la création du premier journal mais

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maintient une politique isolationniste. En1929, il s’éteint. Durant 33 mois, Bhim Shamsher Rana varégner avec deux priorités : la poursuite desréformes et la répression. Ses nombreuxvoyages en Europe et en Inde le comblentd’honneurs. Sa diplomatie porte le pays aubord de la guerre avec la Chine et le Tibet.Une solution est trouvée grâce à unemédiation anglaise. Sur le plan intérieur, denombreux incidents illustrent sa politiqued’autocrate. Mr Tulsi Mehear se rendit enInde. Un concours de circonstances l’amena àfréquenter le sillage de Gandhi. De retour auNépal, il lance dans la vallée de Katmandou,une campagne du rouet identique à celle deGandhi. Son initiative est jugée dangereuse,il est arrête et jugé pour trahison. Quelquesmois plus tard, des jeunes gens décidentd’ouvrir une bibliothèque, ils obtiennent lesautorisations royales. Un courtisan lesobserve, rapporte au souverain qu’unebibliothèque est un outil de grandesubversion. 45 personnes sont arrêtées, lamoitié du revenu des amandes revient aucourtisan… Ces pratiques provoquent unecontestation organisée, sous l’appellationd’un parti clandestin, le « PrachandaGorkha ». Très vite, les services de sécuritéinterpellent les meneurs. Emprisonnés,fouettés, torturés, ils sont condamnés sansménagement à la prison à vie, exposés à lafoule dans des cages de bambous. De

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nombreuses autres histoires ponctuent sonrègne : son petit fils est soupçonné depréparer un attentat alors qu’il achetait desmédicaments. Ses réformes, elles, restentimportantes : il supprime l’impôt sur le selet sur les cultures maraîchères et encouragela culture du coton. L’accès à l’eau courantes’intensifie à Katmandou. En 1931, il ordonnela suspension des exécutions capitales etmeurt en septembre 1932. Son frère,Judda Shamsher Rana, est lui, un amoureux desanimaux et de la nature. Il abdiquera en 1945pour se ressourcer dans les forêts. Sonautorité s’étale sur près de 13 ans. Unecatastrophe naturelle sans précèdent augureson entrée en fonction : le tremblement deterre de 1934… 8519 morts, près de 15 000blessés graves, environ 27 740 édificesendommagés. 3 millions de roupies sontallouées à la reconstruction, sous forme deprêts remboursables à taux zéro. La créanceest annulée quelques mois plus tard. Sonarrivée au pouvoir suscite convoitises etcomplots. A l’instar de ses prédécesseurs, ilmodifie le  « Roll Of Succession Act ». LesRanas de classe C sont nommés en province,puis évincés de la succession. Une alliancese crée entre la vieille aristocratie déchueet les Ranas de basse extraction… Iln’empêche qu’une politique de réforme estmaintenue. La première banque népalaise ouvreses portes. L’accent est mis sur le nerf del’économie : l'agriculture. Un comité

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d’experts est constitué pour définir lesorientations d’une politique agrairenationale. L’industrie naissante va serenforcer : 21 usines de transformation dematières premières sont construites. Desprojets hydroélectriques fleurissent.L’exploitation des gisements minierss’organise avec le « Himalayan MinorSyndicate ». L’affranchissement postal duroyaume est reconnu par les pays tiers, unemonnaie népalaise est frappée. L’éducationdevient aussi une priorité, un diplôme de find’études est institutionnalisé : « TheMatricule Examination ». La langue népalaiseest enseignée dans les universités indiennes.Sur le versant diplomatique à la fin desannées trente, Judda Shamsher Rana est trèscourtisé pour ses soldats. Hitler le reçoit,lui offre une longue vue et une voiture. Cetappel du pied sera vain. Les régiments deGurkha resteront dans le camp des alliés, 10d’entre eux recevront la Victoria Cross. Lesliens avec la couronne britannique sont fortsmais l’empire s’effiloche, les idéesindépendantistes indiennes pointent. JuddaShamsher Rana crée un bureau de préservationdes forêts. Toutefois, ses réformes ne vontpas se conjuguer avec une démocratisation dela société. En 1941, sur Indirachowk, unhomme prend la parole, il fustigel’autocratie. Quelques minutes plus tard, luiet ses trois camarades sont arrêtés. DharmaBhakta, Sukra Raj Shastri, Dasarath Chand et

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Ganga Shrestha seront pendus pour cetteimpudence à Teku Road. Une grande vague derépression débute. Ce jour de janvier 1941est célébré aujourd’hui sous le nom« Democracy Day » en mémoire de ces quatremartyrs… En 1945, Judda Shamsher Rana appose lui-même sa couronne sur la tête de PadmaShumsher Rana. Quelques jours plus tard, ilse retire à la campagne, loin de la folie deshommes et du pouvoir. Le nouveau Premier ministre libéral, PadmaShamsher Rana, est l’instigateur d’uneouverture politique sous l’intitulé« Government Of Nepal Constitution Act. »Rédigée avec l’appui de ressortissantsindiens, cette constitution définit unsystème bicaméral. La première chambre estexclusivement nommée par le Premier ministre,tout comme la précédente assemblée. Laseconde, elle, est contrôlée en grande partiemais laisse une ouverture sur la vie civile.Leurs décisions ne sont que consultatives,elles sont révocables à tout instant. A cetassouplissement vient se greffer laconstitution d’un cabinet de cinq membres,dont trois sont nommés par l’autorité et deuxautres élus, par le corps législatif. La viecivile s’ouvre sur le système de traditionindienne des panchâyats.Cette refonte des pouvoirs irrite nombre deRanas, qui dans leur catégorie de classe« C », voient leurs prérogatives s’effriter.

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Effective en 1950, la nouvelle constitutionest abolie en 1951.

3- La chute des Ranas, un nouveau pas versl’absolutisme

La révolte gronde. Le Premier ministre,Padma Shamsher Rana, est destitué en 1948. Unnouveau Premier ministre est nommé : MohanShamsher Rana. En cette période turbulente,le Roi Tribhuvan, descendant direct du RoiPrthivi Naragan, unificateur du Népal, refusede signer les décrets de mise à mort des soi-disant conspirateurs. Il se réfugie auprès dela mission diplomatique indienne deKatmandou. Un avion l’attend. Les Ranasintronisent un nouveau Roi âgé de 3 ans,Gyanendra… En avril de la même année, enInde, le Nepalî Democratic Congress fusionneavec le Nepalî National Congress pour formerle Nepalî Congress Party (NCP), sous lahoulette de Matrika Prasad Koirala (M.P.Koirala). Cette nouvelle force politique estsoutenue par Nehru. Une alliance secrète entre le Roi et leNCP se forge à New-Delhi pour destituerl’oligarchie. Depuis décembre 1950, desactions militaires importantes sont menées àla frontière népalo-indienne. La prise deBiirganj, deuxième ville du pays, marque untournant. Un gouvernement parallèle estconstitué. L’armée reste fidèle aux Ranas. Latension est à son comble. Le pays est àgenoux. Les 100 ans de règne des Premiers

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ministres ont renfermé le Népal dans unesociété féodale, hors de tout, hors du temps.Les élans modernistes énoncés ne sont qu’unepoussière au regard des immenses besoins dupays. L’industrie n’est qu'embryonnaire, lespolitiques de grands travaux répondent aujuste nécessaire. Des pans entiers du paysn’ont ni routes, ni écoles, ni centres desoins. La seule ouverture sur l’extérieur futle mercenariat Gorkha. Les soldats de retourau pays vont, de leur propre chef, ouvrir desécoles. Certains élèves réussiront àpoursuivre leur scolarité dans lesuniversités indiennes. Cet exil produira de nombreux cadres del’opposition, des partisans actifs aumultipartisme. Ces exemples restent trèsmarginaux. En 1950, le taux d’alphabétisationest de 3 pour cent pour les hommes, moinsd'un pour cent pour les femmes. Un enfant surcent est scolarisé. Le réseau decommunication est tellement inexistant queles habitants de la région de Dolpoapprendront, un an plus tard, la chute durégime. Isolé du monde, ce royaume l’estaussi économiquement. L’ouverture de cetimmense marché laisse rêveur. Organisant sonretour à Katmandou, le Roi se doit denégocier un soutien militaire avec Nehru. Ils’ensuit un traité de libre-échange entrel’Inde et le Népal. Exempté de taxes, leNépal peut utiliser le territoire indien avecses infrastructures comme site de

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réexportation, sans avoir à payer de taxes.Les produits népalais diffusés sur ceterritoire se doivent de s’aligner aux prixindiens. En échange, l’Inde obtient une liberté decirculation des biens et des personnes sur leterritoire népalais, l’accès gratuit à unmarché de 28 millions de personnes… En accordavec ce traité, New-Dehli dépêche des troupesdans les zones frontalières. Le 7 janvier1951, les pressions intérieures etextérieures provoquent l’acceptation par lesRanas d’une sortie de crise. Les principesétant, réintégration du Roi et de sa famille,amnistie pour les insurgés, organisationd’élections l’année suivante, formation d’ungouvernement intérimaire constitué de 14ministres sur la base d’une parité Rana,représentant populaire... Le Roi et le leaderdu Parti du Congrès observent un retourtriomphant à Katmandou, le 16 février 1951.Mohan Shamsher et sa suite prennent le cheminde l’exil. Le 18 février, un gouvernementintérimaire est constitué sur la base de 10ministres. Mr. B.P Koirala est en charge duministère des Affaires Intérieures. Lepremier, Premier ministre non issu de lalignée héréditaire des Ranas est Mr. M.PKoirala. Les tensions et revendications des partisextrémistes poussent le Roi à déclarer l’Etatd’urgence en 1953. Des pouvoirs étendus sontdonnés au Premier ministre. Le vent de

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réforme tient bon. Malheureusement, le Roidécède en 1955, année de la reconnaissance duNépal par l’O.N.U. Son fils, le Roi MahendraBir Bikram Shah Dev lui succède. Une énièmeconstitution est rédigée. Les premièresélections libres ont lieu en 1959. Le Partidu Congrès en sort vainqueur. Mr B.P Koiralaest nommé Premier ministre, l’idylle estcourte. Un coup d’Etat renverse legouvernement. La démocratie et lemultipartisme sont considérés comme peu enaccord avec les traditions népalaises. Lesleaders politiques sont pourchassés, Mr B.P.Koirala est incarcéré. Le Roi impose sonautorité absolue. En 1962, il interdit lespartis politiques, instaure le système desRastriya Panchâyat (National Parliament), detradition indienne. Il supprime le système decastes. En mars, cette « démocratie » sanspartis politiques organise ses premièresélections. Conçue sous forme de conseils devillages, ce pouvoir se décline sur quatreniveaux : local, départemental, régional etnational. Les sujets élisent des représentants duvillage, qui plébiscitent à leur tour desdélégués pour l’un des 75 districts. Cesderniers choisissent des représentants pourl’une des 14 zones. Enfin, ces grandsélecteurs vont désigner leurs « députés » auniveau national, qui siègent au« Parlement », National Panchâyat. Cetteassemblée consultative regroupe 90 membres

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plus 15 élus issus des 4 classes du pays(paysans, ouvriers, femmes, retraités desarmées) et 4 élus du corps diplômé desuniversités. 10 autres sont désignés par leRoi. Cette constitution garantit la libreexpression, la liberté d’assemblée, l’égalitédevant la loi et les suffrages. Les partispolitiques demeurent interdits, la presse estlargement censurée. Cette autorité collégialevillageoise se doit de résoudre les problèmesquotidiens avec, à sa tête, un élu secondé.Corporatiste, s’articulant autourd’organisations professionnelles, lepanchâyat va défendre et représenter desintérêts de groupes sociaux plus que des vuespolitiques. La vie parlementaire estverrouillée par la répression. Le panchâyatva bifurquer, être utilisé en sous-marin parl’opposition du Parti du Congrès et du PartiCommuniste. Le Roi, conscient de cette faille, décideen 1967 de lancer une campagne de retour auvillage. Les panchâyats sont de plus en plusfiguratifs. La nomination des postesdécisionnaires se fait sous autorité royale.Une nouvelle élite prend forme. Soumise ausouverain, elle calme les appétitsdémocratiques. Les panchâyats en sortentéprouvés. Interdite, muselée, l’oppositions’efface pour se consolider en exil. Le Partidu Congrès reste la seule force réellementémergeante. Les partis communistes se perdent

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dans des guerres de factions. Les autresforces se focalisent sur des revendicationsidentitaires. A ces carences idéologiquesviennent se greffer des carences de leaders,où les stratégies sont des plusindividualistes. Le panchâyat n’en demeurepas moins le seul levier politique de la viecivile. En 1968, une proposition d’ententeavec le Parti du Congrès aboutit à lalibération de prisonniers politiques. Mr B.PKoirala et nombre d’entre eux partent pour unexil consenti.En 1972, le Roi Mahendra meurt. Son fils, leRoi Birendra Bir Bikram Shah Dev, luisuccède. De formation anglo-américaine, lejeune souverain laisse entrevoir un vent deréforme. Le nouveau Premier ministre proposeune ouverture à l'opposition. Dans cet élan,Mr B.P Koirala retourne à Katmandou. Il estimmédiatement emprisonné... Les espoirs sontvite éteints. Six mois plus tard, l’Indeimpose la libération du leader politique, enéchange d’un exil accepté. Dans les universités, l’opposition aurégime ne fait que croître. Conscient de ces risques subversifs, lesouverain crée une association estudiantine,« The National Independent Council ». Cettemanœuvre sera désorientée par les émeutes de1979. L’organisation royaliste estdissoute. Parallèlement à ce soulèvement, ungroupe dissident de panchâyats attaque lePremier ministre pour malversation. Mis à

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mal, Mr Surya Bahadur Thapa est destitué. Lacontestation estudiantine n’en est pas moinsréprimée. Néanmoins, le palais accepte unerévision des panchâyats. En mars 1980, lepremier scrutin depuis 22 ans est organisé.Les résultats du 2 mai 1980 vont en faveurd'une administration royale améliorée. Le 21mai, le Roi réunit une commission de onzemembres pour proposer une révisionconstitutionnelle. Au programme : modifier le troisièmeamendement. Des élections auront lieu tousles cinq ans pour reconduire ou non les 112sièges. Le Premier ministre est élu par cetteassemblée, le « Gram Panchâyat » peutproposer un gouvernement au Roi, aprèsapprobation du Premier ministre. Le souverainpeut également proposer un cabinet. Desélections sont organisées pour l’annéesuivante. B.P. Koirala appelle au boycott.Fatigué, rongé par un cancer, il meurt épuiséen 1982. Plus de 500 000 mille personnes luirendront un dernier hommage. Figure de prouede l'opposition, leader du Parti du Congrès,il a pendant de nombreuses décennies, tentéde défendre le multipartisme, en affirmantune optique socialiste. Dans son exil, ils’illustra aussi comme l’une des figuresmajeures de la littérature népalaise. Comme convenu, les élections de 1981 setiennent. L’engorgement du nombre decandidats ne fait que provoquer un cafouillisdémocratique. 1096 postulants se disputent

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112 sièges. L’élection du « Gram Panchâyat »conjugue des positions sur des revendicationsrégionalistes, ethniques et de castes. Lespartis d’opposition n’arrivent pas à créer unfront uni. La vieille garde est destituéemais Mr Surya Bahadur Thapa est réélu en tantque Premier ministre. Son administration se perd dans leclientélisme et l’incapacité de moderniser lepays. D’immenses manques dans la gestionpublique des affaires ne font qu'accroître lacontestation. Une campagne de désobéissancecivile est organisée par le Parti du Congrès.Largement suivies par les intellectuels etles étudiants, ces actions civiques mettent àmal le pouvoir. Une série d’attentats contreles bâtiments royaux la fourvoie. Larépression est très dure, 400 personnes sontarrêtées. Au rendez-vous quinquennal de 1986,quelques 9 millions d’électeurs sont appelésà voter pour les 1584 candidats prétendant àl'un des 112 sièges. Le pouvoir est maintenupar les urnes. Les hautes castes maintiennentleur suprématie, même si près de 20 pour centdes délégués sont ouvertement opposés à lapolitique royale. Trois femmes font leurentrée à l’assemblée. Seuls 40 pour cent dessièges sont reconduits. Des élections locales auront lieu en1987, sans modifier le rapport de pouvoir.

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4- Vers une transition démocratique Peu à peu, de nombreux leaders desPanchâyats vont se distancier du palais ets’affirmer comme partisans d’un mouvementdémocratique. L’effondrement du mur deBerlin, le refus du voisin indien de réviserles accords économiques de 1950, vont être ledéclencheur. Pris à la gorge, le peuplenépalais descend dans la rue. Le Parti duCongrès avec l’appui du Parti PopulaireIndien et l’Union de la Gauche - demandel’autorisation du multipartisme. Le 18février 1990, date anniversaire de ladéclaration du Roi Tribhuvan, une série demanifestations débute. Le 2 mars, une grèvegénérale est lancée à Katmandou. Elle sepropage dans tout le pays. En dépit d’unerépression musclée, de plusieurs dizaines demorts, de milliers de blessés et del’arrestation de tous les dirigeants del’opposition, l’agitation continue. Le 8avril, le Roi Birendra, de peur de perdre sacouronne, interdit tout rassemblement. Lacontestation ne fait que perdurer. Le 16avril, le « Gram Panchâyat » est dissout. Laconstitution de 1962 est révisée. Le Roi faitappel au représentant du Parti du Congrès,Krishna Prasad Bhattarai, pour former ungouvernement d’intérim. Les élections quisuivent sont validées par les observateursinternationaux. Le Parti du Congrès remporte110 sièges sur les 205, Mr Grija PrasadKoirala est nommé Premier ministre. Cette

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transition démocratique plonge lescommunistes dans l’opposition. En 1994,l’opposition communiste dirigée par l’UMLremporte le vote. Le Népal devient lapremière monarchie hindoue communiste avec MrMohan Adhikary comme Premier ministre. Fortd’une faible majorité, l’UML forme ungouvernement d’ouverture, en partage avec leParti du Congrès. Cette coalition crée desremous en ses rangs, une dissidence estconsommée. Sans une ligne politiquedéterminée, les cabinets successifs laissentune grande part au chaos. Cette situation vaperdurer durant 5 ans. La dissidence, elle,s’organise. Elle se nomme le Parti CommunisteMaoïste Népalais. Son programme : l’abolitionde la monarchie, la révision des accordsindo-népalais, l’instauration d’unerépublique populaire maoïste au Népal. Lesystème des castes, l’exploitation de lapaysannerie par une minorité foncière, lesdiscriminations ethniques et religieuses,sont en ligne de mire. Une stratégie en cinqpoints est mise en place. Création d’unitésvillageoises expérimentales socialistes,regroupement puis fédération de toutes lesoppositions à la monarchie même si elles sonten désaccord avec le parti, déclenchementd’opérations militaires ciblées, politiqueconstante de ralliement des forces ennemiesdans les zones conquises. Cette stratégievolontariste est développée par deux hommes :Mr Pushpa Kumal Dahal « Parchanda » et Mr

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Bhattarai, tous deux de formationuniversitaire et issus de hautes castes. Levirage militaire est consommé le 13 février1996. Armé de faux et de bâtons, le mouvement« Peoples War » est lancé. Il durera plus dedix ans et fera des milliers de morts. Pékinréagit. Ces paysans, armés de faux et delances, ridiculisent la pensée du GrandTimonier. Jamais une position officielle n’aencouragé la guerre populaire. Regardée commeune jacquerie, déformant les principes deMao, la Chine n’a que faire de cesréminiscences nauséeuses, l’heure est à lalibre entreprise.

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CHAPITRE II

LA GUERRE POPULAIRE

1- La guerre populaire se met en mouvement L’émergence de ce mouvementrévolutionnaire marxiste-léniniste, pro-maoïste, ne s’est pas développée du jour aulendemain, en un sursaut miraculeux d’uneprise de conscience de classe des masses.Créé en 1949 à Calcutta, le Parti CommunisteNépalais va apporter un soutien actif à la

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chute des Ranas et à l’instauration dumultipartisme. Son aura n’en restera pasmoins faible. Interdit de 1952 à 1956, sonscore aux élections de 1959 avoisinera un peuplus de 7 pour cent des voix. Il secantonnera à un rôle d’opposition radicale.En 1962, l’instauration du régime despanchâyats pousse ses dirigeants à l’exil,tout en imposant un rapprochement avec leParti du Congrès. Cette politique d’allianceprovoque une scission, l’éviction de sonsecrétaire général pour un ralliement à uneligne plus dure en faveur de Pékin. Lepassage à l’acte reste au cœur des débats. En1971, son nouveau secrétaire général condamnel’exécution de propriétaires terriens sur lemodèle naxalite, dans la région de Jhapa. Lescontradictions sont à leur paroxysme. En1974, une nouvelle scission est consommée. Unrapprochement des cellules du Népaloccidental s’opère, sous l'appellation de« la quatrième convention ». Ces militantsn’auront de cesse, durant de longues années,de tisser un réseau d’influence. De façonclandestine sur le modèle des baselines, desstructures parallèles vont se mettre enplace. Le virage démocratique des années 90leur laisse peu de place. Les forcescommunistes se regroupent sous une seuleappellation, PCN-UML (United MarxistLeninist), optant pour une voieparlementariste. Certains groupes d’extrêmegauche briguent des mandats aux élections de

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1994 afin de « contester le pouvoir del’intérieur ». D’autres se l’interdisent. Larue reste leur seul champ d’action. En 1995,deux factions antiparlementaristes fusionnentpour créer le PCN Maoïste. A leur tête, MrBaburam Bhattarai et Mr Pushpa Kumal Dahal« Prachanda » (le Terrible). Un an plus tard,la guerre populaire est lancée.

Très vite, un engouement apparaît. Leterrain est favorable : plus d’un tiers de lapopulation vit en dessous du seuil depauvreté. L’agriculture concentre 80 pourcent des activités. Maîtres incontestés, lesgros propriétaires terriens, par unepolitique d’usure à des taux faramineux,maintiennent le monde rural en état de semiservage. Les infrastructures sanitaires,scolaires et de communication sont dans unétat déplorable. L’inhospitalité géographiqueet le désengagement de l’Etat apparaissentcomme les raisons majeures de cette situationde grande pauvreté. Les maoïstes apportentune réponse active et rapide. De manièreviolente, ils se réapproprient les terres,les redistribuent, exproprient les grandspropriétaires, brûlent les livres de comptes,attaquent les banques, prélèvent des taxesrévolutionnaires. L’insurrection se répandcomme une traînée de poudre. Les élections de 1999 porteront au pouvoirle Parti du Congrès avec une large majorité.La vie politique restera entre les mains du

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palais. Trois Premiers ministres vont sesuccéder : Mr K.P Bhattaraidu (du 31/05/99 au17/03/00), Mr G.P Koirala (du 20/03/00 au19/07/01) et Mr Sher Bahadur Deuba (du23/07/01 au 04/10/02). Aucune sortie de crisene va aboutir. Le gouvernement aveugle,contiendra la révolte qu’il considère commeune jacquerie, par des forces policières maléquipées et sous-payées. Nombre de seséléments fraterniseront avec lesrévolutionnaires. Les premiers pourparlers de paix débutentd'août à septembre 2001, sous l’auspice dunouveau Premier ministre, Mr Sher BahadurDeuba, pour se prolonger jusqu’au mois denovembre. Le 21 du même mois, le leadermaoïste, Mr Pushpa Kumal Dahal « Prachanda »,appelle à briser le cessez-le-feu. Uneattaque de grande envergure est lancée contredes bâtiments publics et pour la premièrefois, contre des baraques militaires. L’attaque du cantonnement militaire dansle district de Dang apporte une nouvelledimension au conflit. L’Etat d’urgence estdécrété. L’armée se doit d’intervenir. Laguerre civile est là, avec son cortèged’infamies. Le contexte international achangé, la guerre contre le terrorisme batson plein. Les États-Unis, l’Inde et l'UE,soutiennent les forces loyalistes. Cesnouveaux financements vont plonger le Népaldans une période du tout répressif.Arrestations, emprisonnements, éliminations

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physiques, censures de la presse sesuccèdent. Le contexte intérieur estégalement différent. Depuis un an, un nouveauRoi est sur le trône : Gyaendra.Son accenssion fait suite au massacre de lafamille royale en juin 2001. Lors d’un dînerau palais, le Prince Dipendra fit irruptiondans la salle à manger, un fusil mitrailleurentre les mains. Il fait feu, 10 morts etcinq blessés. Quelques minutes plus tardselon la version officielle, il retournel’arme contre lui. Ce nouveau massacre de Kotdécime les prétendants au trône. Le RoiGyaendra, l’un des seuls absents du dîner,est intronisé. La version officielle dumassacre est validée. Le conflit use, la population aspire aucessez-le-feu. Les forces maoïstes remportentde nouveaux succès, leur contrôle s’étend surune grande partie du pays. Le 22 mai 2002, leRoi, sur les conseils de son Premierministre, Mr Sher Bahadur Deuba, suspendl’activité parlementaire pour asseoir sonautorité. Le 4 octobre, le monarque prend lesrênes de l’exécutif. Le Premier ministre estdémis de ses fonctions. Le 13 octobre, lecabinet ministériel est supprimé, lesélections repoussées. Un nouveau Premierministre est nommé : Mr Lokendra BahadurChand. Il entre en fonction avec un plan derésolution de crise en cinq points : lacréation d’un environnement propice à la paixet à la sécurité, l’organisation d’élections

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locales et nationales, le retour des maoïstesà la vie civile. Des pourparlers sontorganisés en avril-mai de la même année.L’une des conditions de cette rencontre estde considérer les maoïstes comme acteurspolitiques à part entière, ne pas utiliser leterme de terroristes à leur encontre,supprimer les récompenses pour leurs captureset les mandats Interpol contre leurs chefs.Le 30 avril, les USA apposent le partimaoïste népalais CPN (Maoïste) et UnitedPeople’s Front sur la liste des organisationsterroristes par l’Executive Order 13224. Lespressions intérieures et extérieures plombentles négociations. Mr Lokendra Bahadur Chanddémissionne le 30 mai, après sept mois depouvoir. Les intervenants extérieurs au conflitvont pousser les insurgés à définir denouvelles cibles. Hommes d’affaires,sociétés, ONG, représentants etressortissants américains vont être attaqués.Le département américain déconseille de serendre au Népal. Le 4 juin 2003, contrel’avis de la classe politique, un fidèle estnommé Premier ministre : Mr Surya BahadurTapa. Des pourparlers sont organisés en aoûtde l’année courante sans véritable succès.

L’insurrection continue, aucune sortie decrise ne pointe si ce n’est l’intensité desopérations militaires de part et d’autre. Enaoût 2004, les maoïstes organisent un blocus

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de Katmandou. La ville est paralysée durantune semaine. Aucun bien de consommationcourante ne rentre ou ne sort, les prixaugmentent de façon vertigineuse. Le Premierministre, Mr Sher Bahadur Deuba, est rappeléaux affaires sans aucun plan d’apaisement. Leconflit s’enlise. Supprimant une à une lesinstances décisionnelles, le Roi joue sadernière carte en février 2005. Il s’imposepar un coup d’Etat. Des milices anti-maoïstessont organisées, les exactions culminent depart et d’autre. Par son incapacité àcontenir le soulèvement, le pouvoir sediscrédite, se noie dans l’ivresse du toutrépressif. Le pays est au bord du gouffre.

2- Victoire de l’insurrection maoïste En 2006, la classe politique se joint auxinsurgés maoïstes. D’immenses rassemblementsfont trembler la capitale, le palais cède,restaure un parlement identique à celui de1999. Mr Girija Prasad Koirala, leader duParti du Congrès, est proposé Premierministre par l’alliance des sept partis.Homme de dialogue et d’écoute, il vas’efforcer durant de longs mois, de maintenirla paix coûte que coûte. Le même jour, lesmaoïstes annoncent un cessez-le-feu. Un plande paix élargi est annoncé pour le mois denovembre 2006. Pendant deux années, lesmaoïstes vont se battre pour l’abolition dela monarchie, avant tout processus électoral.L’assemblée constituante propose une

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constitution d’intérim le 15 janvier 2007.Les droits du citoyen sont garantis, lemultipartisme autorisé. Les pouvoirs du Roisont transférés au Premier ministre. Lesouverain est maintenu à une positioncérémoniale. Cet appel d’air démocratique vaservir de tremplin à des revendicationsidentitaires et régionalistes. Des troublessecouent la région du Teraï. Un amendementest proposé par le Premier ministre au moisde février pour inclure les Madhesis commeminorité. Après de nombreuses tractations etdeux reports, l’assemblée constituante estélue pour la première fois, le 27 mai 2008.Aucune majorité franche ne se dégage maiscontre toute attente, les maoïstes arriventen tête avec 220 sièges sur 601. Ils formentle premier parti du Népal. Les nouveauxparlementaires entrent en fonction le 27 mai.Le lendemain, le 28 mai, le Népal estpromulgué Etat fédéral démocratique etrépublicain. La monarchie est abolie. Le 15août, Mr Pushpa Kumal Dahal, leader del’insurrection maoïste est élu Premierministre de la jeune république du Népal.

Cette victoire inattendue des maoïstessuscite la stupeur et la crainte. Pourtant,il ne faudrait omettre que durant denombreuses années, ils ont su diriger un Etatparallèle, avec ses cadres et sesinfrastructures. L’une des forces premièresde ce parti est un maillage invisible dans

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tout le pays, un contact et surtout uneexpérience de terrain dans un contexte desplus difficiles : celui d'une guerre. Fortede ces implantations, la collecte des voixfut une récolte de plus de dix annéesd'espoir. Les dérapages (extorsions de fonds,exécutions sommaires...) qu’ont dû vivre lespopulations civiles, auraient pu être unfrein à la victoire. Loin de ces contingencesmilitaires, peu propices à une entente avecla population, les maoïstes ont su jouer uneautre carte : celle des disparités socialesdu système de castes. Avec une volontéappuyée, la mise en place de sanctions contretout prosélytisme d'un sentiment « uppercast », les populations exclues et marginalesse sont tout de suite ralliées à leurscauses. Épaulé par des équipes jeunes,tournées vers la modernité, le maoïsme estappréhendé comme une opportunité à rompreavec l'archaïsme monarchiste, à poser lesbases d'une société plus égalitaire maisaussi et surtout, une alternative à ladémission de l’Etat dans la restauration del’ordre et de la justice. Certes, certainesirrégularités de vote sont flagrantes maiselles restent contenues. Plus qu’unearithmétique frauduleuse, ce vote exprime lalassitude du peuple envers des gouvernantslégiférant sans apporter de solutions auxproblématiques quotidiennes. Vote de la peur,de la lassitude de la guerre, des sacrifices,mais aussi l’expression d’un espoir pour une

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société débarrassée du féodalisme.Aujourd’hui, les armes sont déposées, lesterroristes d’hier prennent les rênes dupouvoir. Tout comme par le passé, Katmandouredevient une véritable capitale politique.Les jeux d’alliances vont commencer, lamonarchie s'affaisse pour la création d’unejeune république Assis dans sa berline noire, le vieuxmonarque quitte son palais, laissant derrièrelui près de 240 ans d’histoire. Les 30 000combattants maoïstes eux, s'efforcent à unretour à la vie civile. Population en transition où l'appel dusang doit laisser place à la quiétude d'unevie champêtre. Ci et là, quelques violencespersistent. Certains ne pouvant faire face auquotidien, embrassent les chemins dugangstérisme. D'autres, plus jeunes, ivres defougue, se drapent de l’intolérance del’adolescence. Les poncifs marxistes léninistes restentau vestiaire. Ce siècle n’est plus celui dela dictature du prolétariat mais celui desvoies médianes. La Chine n’a pas désertéKatmandou, contrairement à sa positioninitiale de dédain vis-à-vis de ces paysansarmés de bâtons et de faux. Elle flatte legouvernement, pousse ses ressortissants àouvrir des restaurants et des hôtels pour sajeune classe moyenne. Les dirigeantsmaoïstes népalais ont aussi mis de l’eau dansleur vin. Ils flattent déjà les capitaines

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d'industries en leur promettant unerévolution économique bourgeoise, issue del’élan démocratique.

CHAPITRE III

PROGRAMME DU PARTI COMMUNISTE NEPALAISMAOISTE

DANS LES ZONES DE COMBATPERIODE 1996-2004

I - La réforme agraire

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Largement inspiré par les théorieséconomiques marxistes léninistes de Mao Tsé-toung, le parti communiste népalais en accordavec ces présupposés a instauré une stratégierévolutionnaire de redistribution des terresdans les districts et autres territoiresconquis. De ce fait, le parti interditl’achat et la vente de parcelles dans larégion de Magutrat. Les personnes désirantacheter des terres ou en vendre se doiventavant tout d'obtenir une permissionmandataire du parti. Les parcelles mises envente ne doivent pas excéder 4 bighas*. Dansla région du Teraï, une famille ne peutposséder plus de 1 bigha pour ses besoinsquotidiens. Le parti tente de compenser le videlaissé par l’échec des précédentes réformesagraires, proposées par le gouvernementloyaliste.

Le parti des travailleurs a pour but deconstituer un recensement des paysans sansterres et des populations marginales afin deleur allouer des parcelles.

Le parti a aussi imposé aux habitants deces régions sous contrôle, un nouvelenregistrement des titres de propriété ausein des gouvernements populaires.

* 1 Bigha = 2603.7 mètres carrés

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Fig. 2; Carte des districts du Népal(source : Minunep) Le contrôle des terres s’effectue par laforce. Ces actes sont appelés « actes desabotage ». Avant leurs mises en action, desaffiches sont collées sur les murs desbâtiments publics pour informer le peuple quele parti va s’approprier les propriétés etles redistribuer. Cette note interpelle aussile peuple de ne pas s’engager dans destransactions commerciales.

Le parti s’engage dans l’expansion etl’affirmation de pratiques militaires tout endéveloppant simultanément des réformeséconomiques, culturelles et agraires. Lepoint fort est d’apporter des changementsradicaux au secteur agricole, nerf del’économie népalaise. « Nous avons intégréles succès de l’expérience révolutionnairepopulaire chinoise. A notre tour, nousessayons de briser notre système de normes etde valeurs traditionnelles dans les secteursde l’agriculture, de l’éducation et de laculture, aussi loin que permet l’élanprogressiste d’une pensée nouvelle » dit M.Rajesh, représentant officiel du district deKali Kot.

1- Situation dans les plaines Durant le dernier tiers de la campagne dequatre mois de l’armée populaire maoïste (du7 février 2004 au 4 Juin 2004), le

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département maoïste de l’agriculture ainstauré un fermage collectif dans sesenclaves. Cette annonce fut faite lors d’unmeeting public organisé à Khola Gaon, dans larégion de Rukum, le 3 mai 2004, par le chefdu district du gouvernement populaire, Mr.Saran Bantha Magar. Le gouvernement populairea aussi annoncé la distribution des terresaux familles de maoïstes morts au champd’honneur. Cette redistribution s’estaccompagnée d’un nouvel enregistrement deslots... Les certificats de propriété sontsignés par le chef du district dugouvernement du peuple et tamponnés. Mr.Sachin Rokka en charge du départementradiophonique, responsable du comité deredistribution, se fait écho des approbationsde la population pour cette initiative menéepar le parti. Cette politique a commencé dansla région de Rolpa puis s’est étendue àl’ouest du pays.

Les maoïstes se sont emparés des terresdétenues par les autorités politiques etreligieuses. Ainsi, l’armée du peuple a confisqué prèsde 1100 ropanis* à Rolpa et près de 1500hectares à Dang. Récemment, 94 ropanis ontété redistribués à Sat Dobato, 50 ropanisappartenant à la police ont été dispersés ausein de plusieurs familles. Selon M. Narayan,chef du district du gouvernement populaire,les lots furent répartis entre les

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combattants et les familles des victimes. Descertificats de propriété ont ainsi étédistribués à 14 familles de travailleursmaoïstes morts au combat. Rita Ghimire âgéede 12 ans, unique survivante d’une famille decombattants et de travailleurs a aussi reçuson lopin à Namuna. Les terres proches de la route ont unevaleur marchande non négligeable. D’autreslots proches des baraques militaires sontplus difficilement utilisables. Mais comme ledit Mr Dipak K.C, membre du gouvernementpopulaire du district «  Nous ne pouvons pasles utiliser à ce jour. Ces terres sontenregistrées avec leur certificat depropriété, en temps propice elles pourrontêtre exploitées ». Le gouvernement populairede la région de Surkhet déclare qu’il aintroduit un processus révolutionnaire deredistribution dans les cantonnements et leszones spéciales. En suivant ces principes, les terresappartenant aux temples, acquises de manièrefrauduleuse, ont été redistribuées.Toutefois, de nombreux lots confisquésrestent en friche.

Les maoïstes ont « saboté » les terresdes régions de Hat Sija, Birat, Pandugupha,Dhapa, Badaki, Narakot et Sani, dans lesalentours du village de Jumla. «  Nous noussommes appropriés les terres des exploiteurset des mauvaises gens, mais s’ils sont prêts

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à se rééduquer, le parti leur redonnera leursbiens, suivant les règles établies » dit Mr.Sudhar, chef du village de Badaki. Une politique de culture collective a étémise en place, des lots ont été distribués.Toutefois, les titres de propriété n’ont pasencore été émis. « Le processus est en cours.Le parti est déterminé à distribuer la terreà ceux qui la cultivent » annonce Mr Mahan,chef du village de Dhapa. A Jarjarkot, le parti s’est approprié 600bighas de terres appartenant aux populationslocales. Certains lots sont des terrainspublics.

*1 ropani = 200.28 mètres carrés

La plupart sont en friche. Le chef dugouvernement du district Darshan annonce quel’entièreté des lots sera distribuée auxpopulations sans terres, soit à peu près 1000personnes. La distribution des titres depropriété est en cours.

Le parti a confisqué plus de 70 bighas deterres à plus de 40 personnes à Mugu. Ceslots ont été redistribués aux pauvres et auxsans terres de Khatyad, région constituée desept villages réunis en comité dedéveloppement. Le parti a implanté un comitéde réforme agraire pour conduire etdévelopper cette initiative. Ce systèmecollectiviste de fermage est spécialement

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sous le contrôle du comité central. La moitiéde la production totale revient auxpropriétaires cultivateurs, l’autre auxbesoins de l’armée maoïste et autresnécessités du parti.

2- Confiscation des terres et sabotages. Le mot sabotage est populaire au sein destravailleurs et des sympathisants maoïstes. Atel point que ce mot est synonyme de rage àl’encontre des exploiteurs. Pour lesmaoïstes, il a une autre signification : ilse rapproche plus du sens capturer,confisquer, s’approprier les terres, lesbiens des féodaux. Dans la région ouest duNépal, le Teraï, plus exactement à Kailali,Kanchanpur, Dang, Banke et Bardiya, lesmaoïstes ont par la force et rapidement, pusaboter les terres des propriétaires et dugouvernement. Le 26 mai 2001, toutes lesorganisations révolutionnaires des paysansnépalais, avec notamment le « Peasant Front »du CNP maoïste, se sont réunies en un meetingà Banbarsha dans la région de Pahalmanpur,pour s’accorder à une politique de sabotageet de confiscation des biens détenus par lesgrands propriétaires.

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Lors de ces rencontres, plusieursdécisions ont été prises :

a) Rendre la terre aux laboureurs.

b) Les propriétaires terriens auront desterres pour leurs nécessités quotidienness'ils s’accordent avec le parti.

c) Les propriétaires terriens n’apportant pasleur soutien au parti ne seront pas autorisésà rentrer chez eux.

d) Toutes les terres publiques et privéesconfisquées seront redistribuées auxnécessiteux.

Mr Chitra Bahadur Kc, secrétaire généralde l’organisation, justifie cette politiquerévolutionnaire par l’augmentation desproductions agricoles. Il propose ainsi unplan populaire de redistribution. En accordavec ces principes, les terres serontdivisées par un système de tiers. Lestravailleurs obtiendront ainsi un tiers de laproduction, le propriétaire, le second tierset le parti, le troisième.

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Les maoïstes ont aussi fixé les critèresde redistribution des lots confisqués. Enpriorité :

- Aux familles des martyrs et aux famillesdes soldats des forces armées.

- Aux travailleurs transférés d’un district àun autre.

- Aux travailleurs travaillant a plein tempspour le parti.

- Aux nécessiteux.

- A ceux qui ont quitté leur emploi officielpour rejoindre les forces maoïstes, notammentles policiers et militaires déserteurs.

Les maoïstes se sont approprié les terresde Dhansinghpur, Narayanpur, Joshipur,Khailad, Bhajani, Masuriya, Hasuliya,Udasipur, Pahalmanpur, Gardariya, Thapapur etLalbojhi du district de Kailali. Selon lessources du parti, près d'un bigha a étéparcellisé à Kailali. 20 autres bighas ontété repartis à Jagannath Gyawali, région deKailali, 60 bighas à Bir Bahadur Rai dans larégion de Narayanpur / Dhansinghpur, 20bighas à Gobinda Shestha et 30 Bighas àPramod Uprey dans la région de Khailad... Certaines parcelles ont été redistribuéesà Kamaiya, aux sans terres et aux

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nécessiteux. Les terres situées au bord del’autoroute restent, elles, en friche. Lespaysans ne peuvent les utiliser du fait de ladangerosité de leur emplacement. Les maoïstesont échoué dans la protection des fermiers.Les forces de sécurité ont eu loisir desaccager les récoltes. Dans les villagesreculés où les forces de sécurité sont moinsprésentes, le peuple a pu cultiver etrécolter. Les propriétaires terriens ontaccepté, sous la menace, ces confiscationssans dire mot. La situation reste tendue.

Liée aux problèmes socio-économiquesinhérents à la situation népalaise, lesmaoïstes ont connaissance de l’inefficacitéde leur politique de redistribution desterres. Les terres « sabotées » de Masuriya,Kota et autres villages dans la région deKamaiya, n’ont pu être cultivées, dû à uneincohérence de la ligne politique.Loin de ces problèmes internes, laredistribution heureusement continue, lesopérations de sabotage demeurent.

Mahajani Pratha dans la province deKailali est l’un des plus vieux pôlesfinanciers du pays. Les marchands de grainsont pour habitude de prêter de l’argent auxpaysans à condition qu’ils rachètent leursdettes en grains et en nourriture. Lesmaoïstes ont interdit ces arrangements.Aussi, les maoïstes ont tenté une

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collectivisation des terres. L’achat et lavente sont interdits, un régime propre depropriété et de revenu est instauré. Enaccord avec ces principes, les fermiersdoivent payer soit 10 kilogrammes de grainset de nourriture, soit 40 roupies par bighaexploité. A ce jour, cette politique resteabstraite, elle a malheureusement créé unchaos financier dans la région de Kailali.Après le succès de l’abolition du système despropriétaires, il reste une carence dans lagestion des alternatives de fermage, cettevoie est transitoire. Le peuple vivant endessous du seuil de pauvreté acceptefacilement la collectivisation. Mais sonfutur est incertain. Un sentimentd’insécurité persiste. L’exploitation desterres en est entravée par les attaquesloyalistes. Les maoïstes perpétuent, dans lesens traditionnel, les pratiques agraires. Laproduction ne varie pas. L’acquisition ducontrôle des moyens de production crée ungrand enthousiasme chez la population destravailleurs.

Les maoïstes enregistrent les terresconfisquées aux noms des paysans. Ils sontexempts de toute taxation. «  Notre politiqueest de distribuer 1 bigha par famille. Déjà,800 bighas ont été alloués aux personnes sansterres, les propriétaires terriens ontdisparu. L’autorisation de ventes de terrainsa été fixée à 10 bighas pour les

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propriétaires ayant une sympathie pour notrecause » déclare M. Ram Singh Chaudhuri,secrétaire à la redistribution des terres deRajapur, unité du district de Bardiya. Laplupart des propriétaires terriens détenantprès de 25 000 bighas de terres arables ontfui dans les grandes villes telles queKatmandou, Nepālganj, Butwāl et Bhairahawa.Avant leur départ, ils ont enregistré leursbiens aux noms d’animaux de compagnie pourempêcher toute mise en vente. Certes, il existe aussi nombred’incohérences dans la politique de réformedes terres des maoïstes. Le facteur decontingences locales prend souvent le pas surla doctrine.

Le 28 mai 2004, les maoïstes se sontapproprié 55 bighas détenus par M .YubrajUpadhyaya et 55 autres, détenus par Mr  LaxmiPrasad Upadhyaya à Khairi Chandpur. Dans unmême temps, 32 bighas de terres ont étéconfisqués à M. Janak Raj Gyawali, ainsi que35 autres à M. Bishnu Man Sherstha du villagede Manau. Ces terrains ont été redistribuésaux sans terres.A Bardiya, les confiscations ont étéimportantes. Région à forte productivitéagricole, grenier du Népal, le CNP (M) aconfisqué 365 bighas appartenant à des privéset 11000 hectares appartenant au gouvernementreprésenté par « The Cotton BoardDevelopment. »

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Jusqu'à ce jour, les maoïstes ontconfisqué les terres des personnessuivantes : Pratibha Rana, Tilak Rawal,Raghav Singh, Daman Dhoj Chand, Priti NathPyakurel, Binaya Dhoj Chand, etc. A Bardiya, la situation est aussifavorable. La confiscation s’est effectuéesans problème. « Le gouvernement populaire dela région de Bardiya a fixé le droit de venteà 10 bighas alors que l’ancien régime a fixéce droit à 28 bighas. Nous ne reconnaissonspas ces règles » dit M Suresh, travailleurrattaché à la réforme agraire du parti. Lesmaoïstes encouragent le fermage collectif.Mais ils imposent une pré-condition :

1- La loyauté au Parti dans ses comités eten son programme.

2- La participation à diverses activitésest obligatoire.

3- Les fermiers et les ouvriers agricolesse doivent d’obéir à ces directives:participer au programme public mais nepas prendre d’initiatives plusimportantes ni entrer dans la luttearmée.

Au regard de ces règles instaurées par legouvernement populaire, les fermierspropriétaires récolteront le fruit de leur

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labeur, les ouvriers agricoles n’enretireront qu’une partie.

En ce qui concerne l’irrigation desterres, l'armée populaire a pris le contrôlede Badhaiya Lake en 2004. Le district ducomité gouvernemental de développement louaitses eaux poissonneuses à un particulier àhauteur de 5 500 000 roupies. Cette source derevenu pour le District Development Committeene fut pas en accord avec la volontépopulaire. Ainsi, les maoïstes, par un actede sabotage, se sont approprié le lac etl’ont rebaptisé «  Lac Populaire ». A cejour, une entreprise populaire de pêche yprospère.

Les 1100 hectares appartenant àl’entreprise gouvernementale de coton situéejuste à 7 kilomètres du centre administratifde Gulariya ont été redistribués à 127familles du district Kamaiya dans la régionde Teshan Pur, au village de Mohamed Pur(zone maoïste n°7), ainsi qu’à 185 famillesdu district Kamaiya, dans la région JanataNagar, au village Kalika (zone maoïste n°3). L’entreprise gouvernementale de coton aacquis ces domaines par une politique dedéforestation et de malversation. Unemauvaise gestion, des jeux de corruption,laissent malheureusement de nombreusesparcelles en friche… Le peuple de Kamaiyarépond que les maoïstes se sont approprié ces

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terres, mais qu’ils les utilisaient bienavant les actes de sabotage. Les maoïstes rétorquent que ces terresappartiennent au parti avant toutarrangement.

4- Les Fermes Collectives Les maoïstes portent un vif intérêt surl’institution de fermages collectifs. Ilssont convaincus que cette option de politiqueagricole remportera un vif succès dans lepays, consolidera l’unicité des forcescollectives de production. Ainsi, ilspointent du doigt les inégalités de larépartition des terres entre les grospropriétaires et le nombre de sans terres. Lacollectivisation des terres révise ceproblème d’inégalité. Par sa mise en place,elle permet, à terme, l’éradication de lanotion de sans terres.

A Prashant, un comité central issu duparti maoïste a défini un système decoopérative selon ces vues :

- Au sein des villages : création d’unsystème de coopérative de production, degroupes de consommateurs, d’une banquecoopérative.

- Des comités de 6 à 11 personnes supervisentla gouvernance des dites coopératives.

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- Un comité général des coopératives seréunit au sein des districts deux fois paran.

Lors de ces rencontres, un audit esteffectué sur les productions, les profits yont redistribués. Les participants de cesaudits sont rémunérés.

Cette assemblée récompense lestravailleurs méritants, ainsi que lesstructures performantes. Cette politiquepermet une responsabilisation de la gestiondes stocks et une administration des biens.Les coopératives sont autorisées à vendreleurs produits avec une plus-value de 6 % surles produits usuels, de 15% pour les produitsde luxe.

Les profits générés par ces coopérativessont dépensés en accord avec les comités,suivant les directives du gouvernementpopulaire.

5- La décentralisation Les baselines ou zones d'influence sontles espaces où les maoïstes ont une influencepolitique et acquis un contrôle des terres. Atitre d’exemple, les maoïstes ont créé unnouveau district regroupant la moitié de lazone de Kali Kot et l’autre de Jumla. Lesmaoïstes tentent d’intensifier lacommunication entre les unités de production

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agricole. Ainsi, ils ont établi des bases surles territoires du village de Jumla Badki,Malika Khet jusqu’aux régions de Kali Kotjouxtant Malice Botha dans le nord-est.

Une commune populaire est une baseline.Les baselines sont les fondations descommunes nationales, les centres de lacollectivisation. Avec la création de cesdiverses unités urbaines, l’essentiel desstructures éducatives, culturelles,économiques et sociales est ainsi regroupé. AKali Kot, le parti a créé des petites unitésoù la propriété s’est collectivisée encommunes nationales. Neuf familles ont ainsiété renommées sous l’appellation de neufcommunes. Ces familles ont mis en communleurs terres, sans notion de propriétéindividuelle. La commune redistribue lesbénéfices des récoltes suivant le besoin desfamilles. Pour les maoïstes, le terme decommune populaire est similaire aux termes decollectivisation des biens de production, deforce de production (culture, récolte,stockage etc.). La commune populaire définittrois niveaux d’exigence :

a) Échange des forces de travail, cettevolonté est admise par les classes les plusbasses.

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b) La consommation collective, dopée par laproduction collective, propose unesatisfaction individuelle.

c) Encouragée par l’effort collectif pour unusage individuel, l'interconnexion descoopératives abolit l’usage de la monnaie,encourage des systèmes d’échanges similairesaux sociétés médiévales.

« Nous sommes à un staded’expérimentation » dit Mr Mahant, en chargedu village de Dampa dans le district n° 2. Cenouveau système de production inspire unrenouveau, il reste toutefois difficile deconvaincre certaines populations. »

Les maoïstes dans le district de Raku ontdéveloppé un modèle de coopérativesspécifiques. Plus de 95.5 % des habitants decette région vivent de l’agriculture. Lesystème des coopératives a permis dedévelopper des micro-industries pour laproduction de savon, de papier, de vêtements,de transformation de produits agricoles, etc.Les populations de Magma, Kola Gaon, Khan,Pipa, Chunan et Pokhara se sont engagées dansune refonte des modes de production. Avec uncontrôle de qualité, des efforts sontdéployés pour exporter ces produits dans lesmilieux urbains tels que Katmandou, Palpa,Butwāl.

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Aucune institution financière formelle ouinformelle n’a été établie. Toutefois, unsystème d’impôt très performant s’est imposé.A titre d’exemple, chaque familled’intouchables se doit de payer unecontribution de 200 à 500 roupies annuellesaux efforts de guerre. Les villages de Sète,Kami et Agathois paient une taxation de 500roupies mensuelles. Les professeurs sont misà contribution à hauteur de 10% de leurssalaires, chaque mois. «  Nous sommes dansune phase transitoire, nous ne sommes pas àmême de prodiguer les services énoncés par lacollectivisation au peuple. Mais nousévaluons la contribution populaire, que nousredistribuons avec de largesdividendes. » énonce Mr Primidi, chef descoopératives du district.

Une collaboration fructueuse s’estdéveloppée, en accord avec 10 villages dudistrict de Kali Kot. Les commandantsmaoïstes et les représentants politiques sesont entendus pour une redistribution desproductions. Après la mise en place decoopératives de travail, le parti s’apprête àimposer une collectivisation des systèmes deproduction. A Jumla, près de 15 % des terresest dédié à l’agriculture. Les maoïstes onttenté d’en modifier la gestion. Lespopulations de Badki et de Kalika ont refuséde suivre les diktats maoïstes.

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En accord avec leurs principes, lesmaoïstes ont confisqué les terres despropriétaires terriens de Jumla et de Sija.Ces familles se préparaient à la récolte deriz quand les maoïstes sont entrés en action.Sija est l’unique zone de culture de riz dansla région de Jumla. Derrière Jumla, il n’y aque des étendues naturelles, c’est l’uniqueendroit où le riz pousse en altitude.L’attitude progressiste du parti a provoquéla consternation de la population de Jumla.La notion de changement et de progrès estdifficile à faire entendre. Le parti aconstruit des bases très importantes àl'intérieur des villages de Jumla et KaliKot. La population a pris peur, ceschangements vont-ils modifier leur quotidien,la collectivisation va-t-elle transférer lapropriété des biens ? A ce jour, lesréticences vont aux magasins coopératifs.S’agit-il d’un passage d’une exploitation àune autre où l’effort individuel est noyédans le dessein collectif ? Le parti entend cette attitude comme lamanifestation de l’ignorance populaire. Dansces régions, les paysans ont travaillé durpour un minimum de revenus. La rigueur desconditions climatiques impose unecollectivisation des forces de productions.« Les revenus sont fixés par sexe, ils nesont pas égaux, car les capacités derendement sont différentes » dit M. RatimanRokaya, secrétaire du village de Badki dans

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la région de Jumla. Les coopérativesagricoles ont, dans cette région, étéacceptées, pas les magasins collectifs. Lesmaoïstes impulsent une volonté très forte defermage collectif mais restent silencieux surson approche concrète. Ils n’ont pas ou peuenvisagé, à titre d’exemple, le marketing despommes, la possibilité de diversifier lessemailles. Plus orientés vers la création decommunes collectives, ils délaissent lesproblématiques liées à la productivité. La politique agricole maoïste s’inscritdans la continuité des approchestraditionnelles avec de nouvelles priorités :

A - Restauration des droits des tenants.

B - Distribution équitable des semaillesentre les fermiers et les métayers.

C - Fin du système d’usure.

D - Individualisation des terres mises encommun.

E – « Sabotage » des terres.

F - Distribution des surplus de grainsstockés par les propriétaires.

Le CNP maoïste tente d’influer uneréforme révolutionnaire agraire en imposantune redistribution des terres et des profits,

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suivant un idéal de justice. Dans cet élan,des améliorations aux systèmes de productionsont proposées. A ce jour, la redistributiondes terres reste une préoccupation majeure.Avant d’en promulguer leur généralisation, MrRajesh, membre du district et responsable dela zone n° 11 de Jumla Kali Kot affirme que« la stratégie de confiscation des terres estla tactique de base de prise de contrôle descentres de pouvoir ».

II - Le système éducatif dans les régionssous contrôle maoïste

1 - «Range tes affaires, prend un flingue. Vise le palaisprésidentiel ! » Tel est le slogan martelé par le PartiCommuniste Népalais. Le CNP (M) considère quela politique menée en matière d’éducation parle gouvernement, consolide et développe desvues réactionnaires. Il la condamne, ladésigne antipopulaire. Ces politiques sontainsi dénommées bourgeoises, piliers de lacontinuation féodale des structures socio-économiques du pays.La libération du peuple de l’esclavagisme estune priorité. « La politique éducative imposeà l’individu un respect de lui-même, à sonintégrité. Le parti communiste népalais a,très tôt, contesté les politiques d’éducationmenées par l’Etat » dit M. Megharaj Gyawali(Bhasker), coordinateur général dudépartement de l’éducation. « Cette

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appréciation définit notre politiqueéducative ». Avant l’insurrection, dans ses doléancesadressées au Premier ministre, le parti avaitinsisté sur l’importance d’une politique delibre accès aux services de santé, àl’éducation, à l’arrêt de la privatisation deces secteurs. Suite à la constitution dugroupe « People’s War. », la création debaselines, la prise de contrôle de districtset de régions, les organisations étudiantesdu CNP (M) se sont occupées à développer despôles de réflexion, souvent hors de la lignedu parti. Les maoïstes tentent ainsi deremplacer la « National Educational Policy »par d’autres structures. Des campagnesd’intimidation des professeurs s’imposent. Lebut de ces pressions est d’aboutir au rejetcomplet du système éducatif national. Lescritiques maoïstes se concentrent surl’aspect strictement bourgeois du système,dénué de toute valeur scientifique. En leursfiefs, les maoïstes ont développé unenouvelle politique éducative sur les basesd’une culture marxiste-léniniste, pro-maoïste. Ces efforts se concentrent surl’école primaire et secondaire. Lesprogrammes sont largement dominés parl’instruction de dogmes politiques. Lecontenu de ces enseignements est similaireaux cours d’idéologie dispensés par le partides travailleurs à ses militants.

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Les maoïstes ont mis en place des stagesd’éducation des masses d’un village à unautre, d’un district à un autre. Ces journéessont le lieu de discussions, de réflexion surl’enseignement, de pédagogie, avec pourappui, des ouvrages fournis par le conseilrévolutionnaire du peuple, organe issu de lanomenclature du nouveau régime. Deux outilsde référence sont étudiés : « L’EducationPopulaire » et «  La République du Népal ».Ces ouvrages sont diffusés par le départementde l’éducation du gouvernement populairemaoïste. Un centre de recherches dispense unenseignement purement idéologique sur lesnouvelles formes de démocratie populaire, le« KAJU » (Kali Kot, Jumla, School) dans ledistrict de Kali Kot. Une forme itinérante decet enseignement existe aussi.

Dans cet établissement, l’uniformemilitaire est obligatoire pour les étudiantset les professeurs. Tous abordent de manièreostentatoire, le couteau populaire népalais,le Khukuri. Une journée scolaire type débute par le chantau drapeau de l’internationale communiste,suivi d’une séance de culture physique. Lescours dispensés s’articulent autour del’introduction à la guerre populaire maoïste,à la philosophie communiste, aux principesscientifiques socialistes, à l’étude desdiverses révolutions.

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Pour l’enseignement primaire etsecondaire, les maoïstes ont créé leur propreméthode de lecture, remplaçant letraditionnel Barhakhari, livre des lettres…L’alphabet est présenté avec le motcommunisme… « Ka » s’apparente à la consonnecontenue dans Devanâgari, « Ga » pourGanatantra (république), etc. Les écoles sont renommées « baraques »,l’étudiant est membre de l’armée du peuple,le professeur est son commissaire.D’autres expériences éducatives ont ététentées à Jumla, Kali Kot, Bajura et Mugusans être toutefois vérifiables. En 2003,dans de nombreux districts maoïstes, lescalendriers scolaires ont été modifiés. ARukum, une nouvelle école fut construite. Ce« centre de la nouvelle éducation populaire »propose une instruction idéologique desprincipes théoriques du communisme,conjointement à une formation militaire. Cetenseignement s’étale sur trois ans. A PurtimDada, dans la région de Rukum, un centre dece type permet aux frères des martyrs d’ysuivre une formation.

Dans une première phase du projet, 12élèves y ont été admis pour une durée de 18mois. Des classes d’alphabétisation sontdispensées dans les campagnes, auprès despopulations âgées. Des cours de secourismesont aussi largement prodigués.

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A titre d’exemple, dans la région de BalKumari Khada, une vieille femme de 65 ans deTrawang Jang a suivi ces cours pendant 13jours. Ces sessions se concluent par unesensibilisation aux problématiquescomparatives des systèmes monarchiques etrépublicains. Il s’ensuit un débat sur lesmodalités de la démocratie au 21ème siècle. ANara Bahadur, sous-région dénommée par leterme « Gulab », le leader du département del’éducation explique : « Notre politiquescolaire se concentre sur l’enseignement desnotions politiques, sociales et culturellesmaoïstes pour les populations jeunes, âgéeset pour les travailleurs. Pour chaquepersonne faisant partie de la société. L’unedes orientations premières de « People’s ofWar » est d’alphabétiser les masses. Nousutilisons comme support les chantsfolkloriques, les danses, l’iconographiepopulaire et autres symboles de la société. Àce jour, des livres sont sous presse mais enattendant leur diffusion, nous faisonscirculer des outils pédagogiques sous formemanuscrite. L’éducation se veut pratique etfonctionnelle. Ce qui, pour de nombreusesbranches du savoir, apporte des réponsesdirectes aux problèmes de la vie active ».Ces initiatives ne sont pas approuvées partoutes les composantes du corps enseignant.Les expériences de Jumla et de Kali Kot ontlaissé un goût amer. Les écoles ont étéfermées pendant plusieurs mois, les

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professeurs ont dû se soumettre aux diktatsdu parti. Mr Rama Raj Acharya de Hat Sinja ,région de Jumla, pense que ces pratiquesmettent en péril la vie de l’étudiant etplonge le corps professoral dans un abîme. MrAcharya a décidé d’envoyer ses enfants aucentre administratif du district où uneéducation plus cohérente y est dispensée. ARolpa, région reconnue comme le lieud’origine du soulèvement maoïste, le peuple aréfuté le système éducatif proposé par lesmaoïstes. A ce jour, les enfants etadolescents ont disparu en Inde ou dans lesdistricts voisins, pour poursuivre leursétudes… Les autorités du parti ont réagivivement à cette désertification scolaire.Plusieurs professeurs opposés aux idées etaux notions maoïstes ont été assassinés,d’autres ont disparu. Le système éducatif deRolpa est aujourd’hui hautement contrôlé.Professeurs et étudiants sont utilisés commedes boucliers humains lors de tensions avecle pouvoir loyaliste. 1300 élèves etenseignants se sont vus contraints de défilerdevant les administrations éducatives dudistrict, afin de revendiquer un cahier descharges en 16 points. Nombre de leaders maoïstes considèrentqu’à ce jour, les politiques d’éducation seconjuguent avec une période de guerre civile.Les orientations d’aujourd’hui serontdifférentes de celles de demain, jour de lavictoire. « En ces temps de conflits, l’école

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n’est plus le temple du savoir mais un lieud’entraînement militaire, d’étude de l’art dela guerre »  affirme Mr Keshar Pahadi, quirefuse de considérer les écoles comme deszones de paix, idée qu’il juge contre-productive au déploiement du mouvementpopulaire. Les maoïstes transforment les écoles endes centres de propagande marxiste-léniniste.L’art de la guerre et les sciences militairesy sont enseignés, au même titre que lareligion, la monarchie, le sanskrit et lamorale. Les maoïstes doivent faire face à unecarence d’enseignants. Peu de professeurs ontles qualités requises pour enseigner ladoctrine marxiste-léniniste, pro-maoïste etles arts militaires. A Jarjarkot, la sectionlocale du CNP maoïste demande régulièrementaux professeurs de réviser leurs programmes.Le parti interfère directement dans lescours, note Mr. Ilam Bahadur Shadi du villagede Karki : « Ils désirent que nous nousfocalisions sur les aspect critiques de lamonarchie constitutionnelle et de sesassemblées. Que nous engagions desprofesseurs maîtrisant ces sujets en leurpayant un salaire. Nous sommes considéréscomme les représentants de l’ancien régime.Des retraites de quatre mois sont organiséespour réorienter nos appréciations ».

De nouveaux programmes éducatifs pour lesclasses de 4ème et de 5ème niveau ont été mis

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en place. Pour le quatrième niveau, laphilosophie représente un crédit de soixanteheures, une quarantaine pour l’économie,trente pour l’histoire, trente aussi pourl’économie, vingt pour la culture et vingtautres pour les sciences militaires. Unétudiant est admis en classe supérieure avecun crédit de 200 heures de cours.

Le contenu se présente ainsi :

1- Cours de philosophie

Introduction à la philosophie:

- Deux classes : les exploités et lesexploiteurs.- Définition du concept de classes. Absence de conscience et dialectiquematérialiste. Travailleurs manuels et travailleursintellectuels. Savoir et ignorance.

2- Cours de Politique

- Biographie de Prachanda- Histoire de People Of War- Introduction générale aux sciences humainesdu développement social : société primitive,société esclavagiste, société féodale,société capitaliste.

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- Constitution de gouvernements populaires auniveau des villages : devoirs et obligations.

3- Cours d’Histoire

- Histoire du mouvement communiste népalais- Le Parti, ses dirigeants, le début dePeople Of War- Biographie de Dil Bahadur Ramtel- L’attaque de Dang

4- Cours d’Economie

- Définition de la notion de travail et desalaire- Introduction de la notion de coopératives :types et importances- Qu’est-ce que la production et laconsommation ?- Qu’elles en sont les règles et les systèmesde régulation ?

5- Cours de Cultures

- Écoutes et apprentissages de la chanson« Je garde mon pays dans le fond de mesyeux », ses auteurs, ses musiciens.- Poésie des martyrs- Histoires pour enfants- Introduction générale aux festivitéstraditionnelles et populaires

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6- Cours de Science Militaire

- Exercices et marches- Définition des techniques - Information, décompte des troupes,rédaction de rapports - Introduction générale sur le rôle de lasentinelle et sur son importance- Introduction sur la fabrication d’armes àfeu avec illustrations iconographiques- Importance des communications codées sur lechamp de bataille.- Introduction aux divers explosifs, àl’échange d’informations.- Introduction à l’art de la guerre.

Les cours de cinquième année sontsignificativement plus complets.

1- Philosophie

- Introduction générale à la philosophie- Identification de deux classes:capitalistes / travailleurs féodaux / paysans

- Concept de deux classes:

Travailleurs manuels / travailleursintellectuels. Les biens / la conscience Le savoir / l’ignorance.

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- Identification de deux philosophies:matérialiste / idéaliste- Matérialisme et dialectique matérialiste

2- Politique

- Vie de Mao Tsé-toung- Biographie de People's War- La révolte de Spartacus (introductiongénérale)- Introduction aux organisations, règles etrégulations, droits et devoirs des districtspopulaires

3- Histoire

- Histoire du Parti Communiste Népalais(maoïste) depuis la première assembléeunitaire du People's War.- Biographie de Mitramani Acharya- L’action Achham

4- Économie

- Introduction à la valeur, distribution etcapital- Que signifie le travail ?- Que signifient les armes du travail ?- La propriété publique et privée- Introduction à la notion de coopérative

5- Culture84

- Présentation de la chanson « ChèreJaljala »- Biographie et travaux des poètes nationauxet locaux- Nouvelles, histoire scientifique,comptines.- Différence des cultures, introductiongénérale des différentes cultures féodales,capitalistes, communistes, socialistes.

6- Science Militaire

- Importance et rôle de la sentinelle - Exercices et marches- Maniement d’armes- Introduction générale aux explosifs,grenades, pièges et camouflage- Importance de l’étudiant dans lerenseignement militaire et la communication.- Méthode de lecture de cartes- Technique de transmission- Différents types de guerres: justifiées-injustifiées

« L’éducation est un concept politique àpart entière » souligne M. Janak Rokaya, chefdu gouvernement Pandugupha. « Ce concept estla base du parti communiste, un créneau quien fait sa force et son unité. C’est l’élanidéologique et l’organisation de campagnesmilitaires qui provoqueront la chute del’Etat. »

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Le parti a imposé en 22 points cette gestiondes écoles dans les districts de Jumla et deKali Kot. Les notions éducatives propres sontréduites, afin de préparer les étudiants àêtre tout de suite opérationnels sur leterrain. L’implantation de telles structures estdifficile. Transformer les écoles en écolespopulaires impose le dépassement denombreuses problématiques.

3- Calendrier scolaire. Le parti a envoyé un nouveau calendrierscolaire dans toutes les zones et districtsconquis. Des aménagements ont supprimé lesvacances officielles : visite du Roi,l’anniversaire royal, le jour de laconstitution, le jour de la démocratie, lejour de l’éducation. Certains congés religieux ont étésupprimés comme Rakshha, Bandhan (jour de latechnique), Nang Panchami (jour du serpent),Teej (fête des femmes), l’anniversaire deLord Krishna, le festival des couleurs. Enconséquence, d’autres jours chômés ont étéproposés : le jour de People’s War, le jourdu sacrifice, le jour de la résistance, lejour du mouvement populaire, le jour de lafondation du parti communiste népalais,l’anniversaire de Lénine, le jour deMitramani, l’anniversaire de Karl Marx,l’anniversaire de Mao, le jour des étudiantset le jour de Chiniya Kasi.

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Des directives ont été envoyées auxécoles sous contrôle maoïste, pour remplacerle drapeau national par le drapeau du conseilrévolutionnaire et par les couleurs desrégions autonomes. Ainsi que pour supprimerles photos du Roi et de la Reine. Chaquevendredi, un programme culturel est proposé.La culture physique est quotidienne.

3 - Attaque et Donation Le parti communiste maoïste népalais aune politique de destruction massive desécoles sous son contrôle, qui ne respecte pasles directives énoncées. A Rukum, lesbâtiments de l’école secondaire nationale deChunwang, de Pashupati, l’école, le lycée deRatapata, le lycée de Yamuna Nanda du villagede Shery et l'école primaire de Jana Kalimatin’ont pas respecté les directives. Deséliminations physiques ont eu lieu ainsi quela destruction des bâtiments. L’exécution deprofesseurs sert d’exemple. La mise à mortest le châtiment suprême pour ceux qui nesuivent pas et ne collaborent pas avec lesdirectives du parti. Certains professeurs ontdisparu. D’autres, incapables de résister auxpressions, se sont pliés aux exigences. Denombreuses écoles ont été transformées enlieu de cantonnement militaire. Professeurset étudiants se sont vus dans l’obligation decreuser des tranchées, de construire desbunkers, de participer à l’effort de guerrede « People’s War. »

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Les maoïstes considèrent les professeurset les étudiants comme parties intégrantes dela lutte. Le déplacement des enseignants estcontrôlé. Des certificats sont nécessairespour aller d’un village à un autre. Denombreuses terres leurs sont confisquées. Lesprofesseurs sont suspectés d’être des agentsinformateurs du pouvoir. Le parti impose unedonation de 5 % des salaires de tous lesenseignants, plus d’autres taxes annexes.

A Jarjarkot, le CNP (M) récolte des fondsen diffusant des publications telles que« Jooni », dont l’abonnement est obligatoireà tous les établissements. Le parti a fixéles abonnements à 200 roupies par mois pourles lycées et à 100 roupies pour les écolessecondaires et les collèges. De plus, toutesles écoles se doivent de verser une donationau mémorial des martyrs. Le parti demande enplus au corps enseignant, de fournir desvêtements aux cadres maoïstes. Les maoïstesont aussi imposé une renomination des écoles,ce qui ne va pas sans encombre. A Jarjarkot,le proviseur de l’établissement du lycéeBirendra Aishwarya s’est vu contraint derenommer l’école, de modifier l’appellationdes certificats et autres diplômes. Allant àl’encontre du vouloir des autorités, leproviseur s'interroge : «  Que se passera-t-il si le gouvernement décide la fermeture del’école ? Nous sommes face à un véritableproblème, toutes les infrastructures

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scolaires sont chamboulées. Nous sommes prisau piège. ». 

III - Industries et structuresmanufacturières

1 - Classification des industries Le CNP (M) n’a pas développé de politiqueindustrielle globale. Le gouvernement central ne fait qu'observerles politiques régionales mises en place, enproposant des directives de réajustement sibesoin est. Selon un important leadermaoïste, le parti se doit d’offrir une grandemarge de manœuvre aux gouvernements desrégions autonomes pour la gestion de leurpolitique économique. « Selon les potentielset les besoins, c’est à eux de décider desorientations les plus fructueuses, ainsi qued’explorer les possibilités de marchésextérieurs » mentionne Mr Santosh Budha, chefde la région autonome de Magarat. Pour desraisons de sécurité, les industries selimitent à cette région.

La politique de planification del’industrialisation du gouvernement populairede la région autonome de Magarat classifieles industries en plusieurs niveaux :

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a) Les industries militaires : biens denécessités, nourriture, vêtements.

b) Les industries moyennes : production depapier, d’herbes médicinales, de cuir,de laine, de Bhangro (vêtement fait àbase de fibres végétales), industrie detransformation de matière brute enbiens usuels.

c) Les industries de biens ménagers :savon, chaussures, chandelles, shawl.

La guérilla maoïste aurait une usine defabrication de chaussures très importante àKarnali, sur la rive de la rivière Kali Kot.Cette usine produirait des cuirs, deschaussures pour les troupes. Toutefois,personne n’a pu à ce jour visiter cesinstallations.Certains proches des leaders du partiaffirment : « les maoïstes ont une usined’armement, ce qui explique le fort niveau desécurité dans la région. Les six ponts ensuspensions joignant les rives de la rivièreKarnali ont été détruits ».

Les industries gouvernementales de larégion sont sous la coupe du parti. Il estinterdit de développer des pôles industrielsprivés de grande ampleur. Les moyennesindustries sont à capitaux mixtes.

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Les petites fabriques peuvent être détenues à100% par des particuliers. Cette industrialisation est efficientedans la partie est de la région de Magarat,avec un prolongement à l’ouest du pays, zonecombinatoire entre Rukum, Rolpa et Jarjarkot. Le travail en usine est d’une durée de 18heures par jour, pour un salaire de 3 000roupies par mois. « Le salaire journalier sesitue entre 120 et 140 roupies» déclare lecommissaire à la production, Mr Ajaya, quigagne 5 750 roupies par mois.

La région autonome de Magarat concentreune industrialisation de guerre. Songouvernement impulse une synergie entre lesdiverses activités industrielles. L’essorindustriel provoque l’édification de deuxnouvelles usines par an.

2 - Les anciens centres d’industries maoïstes. L’usine alimentaire du village de Thawangdans la région du district de Rolpa, estl’une des plus anciennes. Y sont produits deschips, de la confiture, de la compote, desgâteaux, des snacks salés et sucrés,différentes variétés d’aliments pour laguérilla. Ces produits sont distribués sur les marchésde Suli Chaur et de Rukum. Au début,

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seulement cinq employés y travaillaient,aujourd’hui une douzaine de personness’attellent à la tâche. La production est de bonne qualité, leschips se vendent aux alentours de 10 roupiesle paquet. Les besoins primaires pour cetteindustrie sont le maïs, le soja, le millet,les pommes de terre. Les colorants ne sontpas utilisés. Les ingrédients onéreux telsque le sel, l’huile, les épices, proviennentd’autres districts. A ce jour, les comptes decette usine sont équilibrés.

3 - Les industries de savon En janvier 2004, Mr. Santosh Budha, chefde la région autonome de Magarat, inauguraitune fabrique de savon à Thawang. Cette usinepropose un produit de substitution auxproduits importés. Deux sortes de savons ysont produites, l'une à base de ghee, l’autreà base d’huile de noix de coco. Cettefabrique ouverte avec un investissement debase de 30 000 roupies, produit 400 pièces desavon par jour. Les travailleurs maoïstesdéclarent que le savon se vend sansproblème. «  Ce produit est 100% naturel, ilest sain pour la peau ». Le produit sedécline en deux couleurs, rouge et crème. Uneétude sur la production de savon pour lingeest avancée.

Dans un autre district, une usine dechandelles fut construite en 2002 avec un

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investissement de 30 000 roupies. 300 piècessont produites par jour par 4 travailleurs.Deux types de chandelles sont proposés, l’uneà quatre roupies, l'autre à dix roupies. A cejour, la production de chandelles a rapportéquatre-vingt mille roupies. Le succès decette fabrique correspond à la demande destravailleurs maoïstes de Rukum et de Rolpa.Toutefois, devant faire face à une crise dematières premières, cette industrie estaujourd’hui en crise.

4 - Les fabriques de papier et de vêtements L’industrie de tissage et de vêtementsest effective depuis 2003. Elle fut lancéeavec un investissement de 50 000 roupies,soit huit métiers à tisser. Le but de cetteentreprise est de produire des vêtements pourl’armée du peuple et pour la populationlocale. Les matières de base viennent dumarché local. La partie purementvestimentaire de l’entreprise correspond à uninvestissement de 60 000 roupies, soit à unedizaine de machines à coudre occupant près dedix travailleurs. Un employé produit unvêtement par jour.

A Rukum, deux fabriques de papier sontdétenues par les maoïstes. Ouvertes depuissix ans, ces industries embauchent vingt

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personnes. Le parti est initialementpropriétaire mais deux injections de capitauxprivés ont été faites cette année. 1500pièces de papier sortent chaque jour del’usine de Rukum et de Jarjarkot. La qualitéde la production est d’un niveauinternational, mais le marché réel est local.

5 - Activité industrielle à Mugu Le CNP (M) considère Mugu comme unerégion en plein développement. Suite auxattaques des centres de commandementloyaliste, le parti a développé uneindustrialisation. Selon Mr Ravi, « Lesdistricts populaires ont investi à hauteur de300 000 roupies, dans le développement depetites fabriques de conditionnement d’herbeset de fruits. Le parti donne peud’informations sur ces initiatives, surl’emplacement, le type de production, etc. ». « Vous pouvez facilement imaginer lasituation. Nous combattons difficilementl’ennemi, rien ne sert de prendre des risquesinutiles, nous sommes en période de guerre,ne l’oublions pas .», mentionne un commandantanonyme de la région.

6 - Activité de constructions maoïstes. Le 20 décembre 2000, le CNP maoïste deBanfikante, dans la région de Rukum, aannoncé la création d'une entité parallèleavec le comité de développement, avec à satête Mr Purna Bahadur Gharti. En novembre

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2003, suite à une rencontre du concilepopulaire organisée à Chaur Jahari, M. SaranBantha est élu chef du district. Il proposepour la première fois, un budget à hauteur de2,2 millions de roupies. Le parti se lancedans la construction d’infrastructures devoiries telles que ponts, sentiers, centraleshydrauliques, toilettes publiques, etc. M.Bantha précise que la mise en chantier de cesactivités, excepté la construction duquartier général, dépend du parti: «  Nousreconstruisons les équipements que nous avonsdétruits ». Tels que la réfection de l’usineà papier du district de Chunwang, l’usine àbougies dans la région de Mahat, un pont enbois à Shobharo Dopai Khola, la porte desmartyrs à Chunwang, Kotjahari, Aathbeeskot età Khara, le terrain de jeu de Chinwang TashuDanda, la petite centrale électrique deSmilile, le pont de Liwang, des pont en boissur la rivière de Rugha… Tous cesaménagements ont été faits avec laparticipation volontaire du peuple. Le pontde Liwang fut édifié par les travailleurs duvoisinage en cinq jours. Cinq cents amendesfurent dispensées aux personnes refusant departiciper à l’effort collectif. Laresponsabilité de ce chantier fut confiée àla charge d’un comité non issu d’uneorganisation maoïste. Le revenu des amendes collectées à ChaurJahari ne fut pas dépensé. M. Bantha explique: « Ces fonds sont utilisés pour le

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développement interne, ils ne sont pas vouésà un dessein public ».

Le 19 janvier 2004, commence laconstruction de la centrale hydroélectriquede Simli, inaugurée par M. Bantha, le 13février 2004 (date anniversaire de lacréation de People’s War). A ce jour, 200personnes bénéficient des cinq kilowatts.Financée par le parti et par les commerçantslocaux, la centrale distribue son électricitéà la ville de Simili et de Garayal. Sur lesquatre techniciens qui ont dessiné le projet,deux d’entre eux étaient des prisonniers.Tout l’équipement provient de Puja Devi Shah,lieu-dit à côté du village Garayal. À cejour, le CNP (M) est l’actionnairemajoritaire de la centrale.

IV - Système judiciaire maoïste Nombre de personnes déplorent la lenteurdu système judiciaire, l’attente liée auxprocédures. L’avantage du système judiciairemaoïste est de délivrer une justiceinstantanée. Les maoïstes ne se basent passur des appréciations légales dans la gestioninstantanée des procédures. Les jugements detribunaux locaux sont le prolongement d’unsystème traditionnel effectif depuis la nuitdes temps. Les maoïstes ont réformé lesanciennes pratiques en les accordant avecleurs objectifs. Des tribunaux ont étéétablis au niveau des villages grâce aux

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sections des gouvernements populaires,responsables du maintien de l’ordre et durespect des lois. Ces décisions ne sont passans créer quelques problèmes. La sagessepopulaire va parfois au-devant des objectifsdu parti. Les maoïstes ont la réputation desemer la discorde. Le conseil populairenational a adopté un document dénommé «  aloi du peuple »  le 25 mars 2004, documentaussi compliqué que les lois sur les terrespromulguées par le gouvernement… Toutefois,cette « loi du peuple » donne des pouvoirslégislatifs élargis au niveau local. Le CNP (M) tente d’insuffler « le nouveausystème judiciaire populaire » à Kali kot età Jumla. Il est très difficile d’imposer denouvelles lois dans le pays. Les travailleursmaoïstes se défendent de travailler sous laprotection de leur propre législature. Iln’existe pas de livre rassemblant lesdirectives en termes de lois, mais unprototype législatif effectif, allant de lapériphérie vers le centre.

Ce système se compose ainsi:

- Les lois concernant la gestion des terress’assimilent aux lois déjà existantes.

- Personne ne peut ni modifier ni changer leslois édictées.

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- Il n’existe pas de commissions d'appel etautres autorités pour réviser un jugement.

- Il n’y a pas de définition claire etprécise en termes de système de punition.

- Aucunement, il n’est reconnu la légitimitédes comités d'action populaire par legouvernement loyaliste.

En septembre 2004, le 16 septembre, il yeut un accident de circulation sur la routemenant de Jhota à Bajhang. Le second du busfut tué quand le bus enfilait un virage.Arrêté par les maoïstes, le conducteur et sacompagnie, la Disnesh Travels, furentcondamnés à payer 500 000 roupies à lafamille du second. Mais une décision futprise en faveur du chauffeur. Il fut relâchéaprès 25 jours de captivité, suite aupaiement de la compagnie. Un jour plus tard,une décision fut prononcée sans êtredivulguée. Personne ne sut si la famille dusecond eut une compensation financière oupas… La plus petite entité judiciaire maoïstese situe au niveau local, « la courvillageoise populaire ». Elle est constituéede deux juges, d’un avocat, de deux gardesissus du gouvernement populaire et d’unefemme, membre du parti. Lors d’un dépôt deplainte, le plaignant expose son affaire, lacour diligente une enquête. Le coupable

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désigné est sermonné. Ces décisions sontpubliques et faites par un jury populaire. Lejuge n’en est que le rapporteur. Dans lesvillages, ce système est influent. De 11 à 15personnes sont membres de ces comités, ellesprennent en charge les affaires publiques. Lechef du village et le « député » ont lespositions les plus élevées. Ils entretiennentun rapport hiérarchique avec les comités dejustice, qui réunissent les chefs desvillages et autres membres du parti. Lescomités de justice sont constitués de 5personnes, deux sont issues de la classeprolétarienne, les trois autres sont deformation intellectuelle ou marchandes. Enparallèle à ce groupe de décision, septautres personnes forment un conseil dejustice indépendant. Il est constitué detrois membres du prolétariat, de trois issusde la paysannerie et d'un dernier, deformation indépendante. Le sommet de lapyramide est représenté par la chambrereprésentative des villages. Le camaradeSushil définit ainsi ce corps décisionnaire :«  Le chef des villages, son adjoint, cinqpersonnes issues des classes prolétariennes,cinq intouchables et cinq intellectuels oumarchands indépendants, forment ce conseil ».Mr Tilak, en charge du village de Hatsinja,précise que « le parti prend en charge lesactions à mener à l’encontre des ennemis etdes opposants politiques. Les conseilsvillageois entérinent ces décisions. Les cas

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sont jugés en une journée. «  Les autoritéslocales jugent au cas par cas, suivant lessituations et les besoins de lapopulation. Nous n’avons pas besoin desdirectives du comité central pour ce typed’initiatives. Il arrive que nous rejetionsla ligne du politburo quand elle s’avèreincompatible avec les besoins locaux. Nossanctions judiciaires ne sont, en aucun cas,amendées par des instances supérieures. Ilarrive que des innocents soient condamnéspour le bénéfice de la société. Nous prenonsen compte le passé, le caractère, lasituation familiale et la situationfinancière du condamnable. C’est sur cesbases que s’articule notre systèmejudiciaire. Dans un premier temps, nousobservons les remarques des plaignants puisnous analysons les cas, en maintenant uneperspective marxiste issue de la dialectiquematérialiste ». Suppléant aux carences de l’Etat, lesmaoïstes ont organisé des élections dans lesdistricts suivants : Rolpa, Rukum, Salyan,Jarjarkot, Bajura et bien d’autres. Six départements indépendants constituentl’armature des pouvoirs au niveau desvillages.

1) Le département de la justice et desenquêtes criminelles

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2) Le département du développement et de laconstruction

3) Le département économique et destravailleurs

4) Le département social et culturel

5) Le département de l’éducation

6) Le département de la sécurité

Le département de la justice et desenquêtes criminelles statue au cas par caspour des disputes villageoises. Il prendaussi en charge les problèmes de propriétésfoncières. Nombre de personnes sont ravies deces activités car les enregistrements depropriété ne sont pas retenus pour preuvesdans les conflits fonciers. L’étude des casse fait sous la houlette de personnesd’expérience et de membres influents de lasociété. Après avoir entendu les deuxparties, le département propose une solutionsous forme de verdict. Pour les cas pluscompliqués et dans la limite des pouvoirsdécisionnaires du village, les dossiers sontenvoyés au niveau du district et dudépartement. Cela concerne majoritairementles crimes.

V- Les changements inévitables.

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1 – Les femmes Nombre de personnes dans les zones ouestet centrales du Népal considèrent que lestatut de la femme s’est largement améliorédepuis le début de l’offensive. L’un destraits significatifs du changement estl’incorporation massive de femmes dans lesrangs de l’armée populaire. Le parti a optépour une pratique de quotas à l’engagementdans toutes ses structures civiles etmilitaires. Au sein des villages, uneconstante acuité est portée sur la divisiondes sexes aux postes de responsabilités. Le leader maoïste Pampha Bhusal dit« Viduyt », assistante à la gestion du bureauspécial de la région de Rapti, Lumbini et deDhaulagiri, déclare : « 35 % de femmessoldates portent leur seul espoir dans lacréation d’un Etat maoïste, le reste est uneillusion. L’armée est le nerf de la société,notre salut vient du combat ».La Camarade Gîta, en charge du village deDapha, région de Jumla, considère le partitel le sein d’une mère, sûr et chaleureux,protecteur et infaillible. « Au parti, nousnous battons pour notre cause. Dans lasociété, les femmes sont muselées, exploitéeset tenues en esclavage ». Le parti maoïste népalais pose un regardlibéral sur le statut de la femme. Une étudeeffectuée sur les territoires de Rolpa etJarjarkot démontre qu’à ce jour, la femmenépalaise est libérée, travaille pour le

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parti sans arrière-pensées. Combien de femmesse sont-elles engagées dans les rangs de larébellion ? Ces femmes ont-elles rejoint leparti pour prendre leur revanche ? Quellessont leurs motivations politiques ? Commentperçoivent-elles la doctrine maoïste ?Considèrent-elles le parti maoïste comme lelibérateur de la cause des femmes ? Pour Mrs Pampha Buhsal, dirigeantemaoïste de haut rang, le parti ne recrute pasde femmes pour les exploiter ou pour lesplacer sous sa coupe. Il est vrai que leparti retire un bénéfice immédiat de cesélans d’adhésion. Les femmes sont lesreprésentantes par excellence de la classeexploitée. La vue très conservatrice de lasociété népalaise leur laisse peu d’issues.D’un point de vue religieux et dans lesystème hiérarchique, la femme est perçuecomme une esclave, ni plus ni moins. Face àcette constante exploitation, les femmesnépalaises ont développé une forte résistancepsychologique et physique. Le parti ne peutêtre que fièr de pouvoir avoir en sesstructures et en son armée, des êtres d’unetelle exception. L’armée maoïste de Salyan,Jaja Kot et Rola est composée à 40% defemmes. Fière, la camarade Avinas,commissaire de la première brigade de MangaSen déclare : «  Oui, ma brigade est composéede 40% de femmes combattantes ". En général,les femmes préfèrent rejoindre l’armée auxinstances du parti. Les taches purement

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politiques du parti sont un peu compliquées.Pour Amstrad, une jeune combattante de Salyan: « Au front, nous pouvons être près de 200avec un armement disparate. Ensemble, nousnous soutenons. Soit l’ennemi nous tue, soitnous l’abattons. Les travaux au bureau duparti sont plus solitaires, ils réclament enplus une constante mobilité. Peut-être aussisont-ils aussi plus dangereux et plushumiliants ». Sapan, un officier decommandement de l’armée populaire modère cespropos. « Il n’y a pas tant de femmescombattantes. Le feu des armes ne fait paspartie intégrante de leur mentalité. Certes,je commande des officiers subalternesféminins. Il n’existe pas de discrimination,nous faisons le même travail, nous ne sommespas en concurrence avec les hommes. La seulechose que je voudrais énoncer, c’est que noussommes les avant-postes de la révolution ».Saïd rajoute : « Il y a à peine deux ans,nous n’étions que des poupées de chiffons,pudiques, introverties, pitoyables.Aujourd’hui, ces « poupées » défilent dansles rues, armes à la main, le regard fier,exposant les valeurs du marxisme léninismemaoïste de « Prachanda Path ». Ces voix ne sont pas unanimes. Desdissidences se font entendre ci et là. AHatsija, dans la région de Jumla, ManarumaAcharya émet des réserves sur la politiquemaoïste : «  Je ne comprends pas réellementce qu’ils font ». Opposée à l’enrôlement de

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jeunes recrues, Manaruma a été invitée àrencontrer les leaders du village.Progressiste depuis de nombreuses années,l’une des premières révoltées contre lestatut des intouchables et des choupadi,illettrée mais sensible aux problèmespolitiques et sociaux, cette femme a émis desréticences sur les pratiques du parti. Il estvrai que la condition des femmes dans ledistrict de Jumla et Kali Kot est impensable.Avec courage et détermination, Manaruma atenté de changer les choses. En ces régions, le statut de la femme estencore très précaire. Les hommes nes’investissent pas dans les travaux ménagers,ni même aux champs. Les relations hommes-femmes se posent sur un modèle maître-esclave. Les maoïstes tentent avecdétermination de changer cette donne. Lesfemmes de Kali Kot se sont très impliquéesaux postes de responsabilités. De manièretrès courageuse, elles affirment leurpouvoir. L’éducation est devenue l’un desleviers de leur prise de conscience. Ellesont appris à lire et à écrire. Dans lesinstances du parti, le rôle des femmes esttraité au même niveau que celui des hommes,sur les champs de bataille aussi. Un peu partout dans le pays, denombreuses cellules du CNP (M) sont dirigéespar des femmes. Ces cellules sontresponsables du logement et de larestauration des visiteurs du parti des

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travailleurs. Elles organisent nombre demeeting publics, des programmes de discussionsur le rôle des femmes et leur devenir. Ladiffusion de l’information, la préparationdes directives internes et externes est l’unede leurs priorités. « Les femmes ne sont pasdes objets de désir. Le port de bijoux en oret autres ornements est interdit ». Cesobjets ne créent que jalousie et avidité pourle peuple. Ils sont le symbole du féodalisme.De plus, une politique de boycott descosmétiques a été mise en place. Resterillettrée est un crime » déclare Gîta,commissaire du district de Jumla et de KaliKot. Le parti stimule l’indépendancefinancière. Des centres d’élevages collectifsde volailles, de fermages de produitsmaraîchers ont été constitués. Bien que lesdébouchés soient réduits, leur satisfactionest visible, elles reprennent confiance. Leparti encourage l’épargne. Des banquespopulaires ont été ouvertes. Nombre de femmesapportent une attention soutenue auxprogrammes de magasins collectifs. Lesfaibles rentrées financières dues auxéchanges journaliers suscitent un vasteenthousiasme. Le CNP (M) a décidé de modifier enprofondeur les termes de l’organisation desmariages. Ainsi, la polygamie, les mariagesentre enfants et les mariages « adultérins »ont été interdits. Le remariage n’est

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possible que dans le cas où la mariée n’a pasdonné d’enfants et ce après plus de vingt ansde vie commune. Les veuves et les veufs sontlargement encouragés à se remarier. Le portde bijoux et d’autres ornements est interdit.Les mariages arrangés sont aussi interdits.Les parents ne sont pas autorisés à choisirle ou la promis(e). Chaque futur marié doitau préalable soumettre sa demande au parti,qui donne ou non son accord. L’âge minimumpour une jeune fille est fixé à 18 ans, pourun garçon à 21. Selon Sudhar : « Le systèmede mariage maoïste efface nombre dedésagréments. Les mariages arrangésdétruisent la vie du couple. Les mariagesd’amour encouragent la perversion. Nousvoulons changer les choses : quand un garçonet une fille s’apprécient mutuellement, ilsvont déposer une demande de mariage augouvernement local. Là, le parti diligenteune enquête... Au terme de celle-ci, il donneou non son accord. Suite à cette procédure,une simple cérémonie en présence de membresdu parti, des parents et d’amis, scellel’union. Le couple s’échange des couronnes defleurs et des Tikas (points rouges apposéssur le front). Sans l’accord du parti, lesmariages sont interdits. Si d’aventure uncouple se marie sans cette permission, unepeine de réclusion en camp de travail estprononcée. Les mariages maoïstes sontaujourd’hui très populaires. « Les mariagestraditionnels sont une lourde charge pour les

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familles. Le mariage maoïste apporte unapaisement économique, c’est une bonnechose » déclare Mme Gore Shahi du village deBadki, âgée de 67 ans. La musique romantiqueest interdite. Le Deuda ne peut être entendudans les régions de Kali Kot, Mugu et Bajuraque lors de forums populaires de culturefolklorique, lieu où le CNP promeut laculture marxiste-léniniste, pro maoïste. Leschants traditionnels de Deuda sont, en zonede contrôle maoïste, considérés comme uneoffense.

2 - Modification du tissu social Le gouvernement populaire de la région deJumla, Kali Kot et Bajura a modifiél’ensemble des représentations et desrapports sociaux. Par des slogans et parl’usage de la force, le CNP maoïste ainterdit au peuple de poursuivre sesdévotions, de se soumettre aux pratiquesculturelles traditionnelles. Les maoïstesmodifient les rapports sociaux en édifiant unmonde nouveau : une société communiste. Cen’est pas sans créer une peur et une certaineconfusion. «  Nous sommes comme des oiseauxen cage, nous ne pouvons pas manger ce quenous désirons, faire le labeur que nous avonsà faire. Notre vie est régentée. Les maoïstesn’ont pas de structures permanentes, leursbureaux sont des sacoches, qu’ilstransportent de village en village. La

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moindre protestation est impossible, nousnous devons de suivre leurs diktats ». En dépit de ces critiques et sans lemoindre bureau, le CNP (M) a réussi àendiguer la criminalité : les meurtriers,voleurs, joueurs, prostituées et autresvandales n’existent plus. L’eau est en libreaccès dans les villages et chaque maisonpossède ses propres toilettes. Ces peurs sontrelayées par des ONG. Le parti travaillepourtant main dans la main avec elles, maisen suivant ses propres termes. A ce jour, desONG construisent des ponts et autresinfrastructures, le peuple n’aime pas cestravaux forcés. Les rapports entre les ONG etle Parti sont tendus. Souvent, les ONG leurreprochent l’utilisation d’enfants soldatspostés comme sentinelles. « Chaque personneest responsable de la sécurité du village »rétorquent les maoïstes. Personne n’entre en territoire maoïstesans une autorisation du comité central, ilen va de même pour les cadres du parti. « Les cartes d’identité sont des signesobsolètes de l’ancien régime, uneautorisation du parti est indispensable. Cesdocuments prennent des formes différentes,soit une lettre d’introduction, soit unerecommandation écrite sur le journal d’unvoyageur. » En zone maoïste, le coût de la vie esttrès élevé. Régulièrement, le parti prélèveun impôt, en argent ou en nature (portion de

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récolte, etc.). Ces ressources vont au centrede commandement du district, qui les repartitpour les besoins de la guérilla.

3- Les intouchables Au Népal, le système de castes est trèsimportant. Il engendre des discriminationsdans tous les segments de la société. Le CNP(M) a virtuellement évincé le sens des motstouchables et intouchables, là où soninfluence est dominante (baseline area, zonede guérilla). Pour ce faire, l’utilisation de la forcea été nécessaire. Cette démarche s’inscritdans un élan maoïste marxiste-léniniste, demodifier intégralement la société népalaise.Personne, dans un village sous contrôlemaoïste, ne peut s’opposer à cette campagnecontre le système de castes. En octobre 2003,quand Dipak Shahi du village Aathbees Kot,dans la région de Rukum, s’est adressé à unenfant en utilisant le mot « doom », il atout de suite été arrêté et emprisonné pourune durée de trois mois en raison de saconduite «  upper cast » et de soncomportement inhumain. La politique desmaoïstes en termes de castes est d’encouragerles intouchables à briser les règles et lestraditions de soumission. A Surkhet, le partia organisé, sous l’impulsion de l’affirmationd’une volonté égalitariste, un front delibération des intouchables. Le parti sedésengage politiquement de ce front,

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n’intervenant pas sur leurs directivespolitiques. Cette organisation promeut uncode de conduite tendant, d’une part, àdénommer les lieux de discriminations, puis àles éliminer. Les maoïstes encouragent lesbasses castes à entrer dans les maisons decastes plus élevées, de briser les barrièresculturelles et religieuses pour l’affirmationde l’égalité des hommes. Les maoïstesprononcent des sentences très violentes àl’encontre de tous ceux qui prônent lesystème de castes : bannissement,emprisonnement, amende très importante. Pourcertains contrevenants récidivistes, la peinede mort peut être appliquée. Dans la région de Mugu, les maoïstes ontmodifié le nom du village de « Doom » en« Dhoom »; « Doom » est un terme argotiquedésignant la profession de couturier,« Dhoom » signifie le plaisir. Les maoïstesse sont aussi engagés à modifier certainsnoms de famille ou surnoms dégradants faisantréférence au système de castes. Mr. Tilak, encharge du village de Hatsija, est issu d’unecaste peu élevée. Un jour sans honte, il estrentré dans la maison de Mana PraschadAcharya et a discuté avec la famille de cebrahmane. Cette rencontre était à peinepensable il y a dix ans. Le peuple a acceptéces nouveaux challenges. La société se doitde changer vers une harmonisation et unefraternisation.

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Mr. Prem Bahadur Budha du village Kudariconfesse : «  Qui oserait prétendre revenirau système ancien ? Aujourd’hui, il n’y a quedeux castes : celle des hommes et celle desfemmes. Les autres castes vont s’évanouirdans le temps ». Pour Mr. Harka BahadurRokaya du village de Birat, enseignant de sonétat « C’est très bien pour la société que lanotion d’intouchables ait disparu.Aujourd’hui, tout le monde est égal. Nousformons une société sans discriminations. ». Dans la région de Badaki, Mr Bahadur Kami« Aakash » s’est vu promu chef d’un villagepopulaire. Depuis que son statut social s’estélevé, il est invité partout. Engagé dans lesaffaires du parti pour la conduite de sonvillage, il vit entouré d’un large respect.Sa femme est très fière de cette situation,mais les nuits blanches existent. Son mariest rentré en rébellion. A chaque instant, ilpeut être tué… «  Mes travaux journaliers merapportent peu de revenus, chaque soir descamarades viennent dîner, je dois lesnourrir, les aider ». En dépit de ces soucis,cette épouse semble heureuse. Bien que le district de Jumla, souscommandement maoïste, soit ouvert et libéré,des relents de discrimination existent. AKhalanga, centre de commandement du district,un intouchable est rentré dans un restaurantpour demander une tasse de thé. Après l’avoirbue, il s’est levé, l’a nettoyée, l’a déposéehors des autres, puis a payé. Les tasses

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doivent être rangées séparément suivant lesconsommateurs. Cette anecdote démontre que la logique decastes persiste. A trois jours de marche deKhalanga, les tenanciers de maisons de thé nefont pas de distinction entre leurs clients,entre les tasses. Ces changements sontimportants dans les régions du centre et del’ouest du pays.

4 - Le système de santé publique. La gestion et l’agencement du systèmede santé publique sont un problème sensiblepour les maoïstes. La capacité d’offrir dessoins dans leurs zones de commandement estmalheureusement très limitée. La destructiond’hôpitaux, de dispensaires, lors descampagnes de conquête laisse un vacuum trèsimportant, surtout dans les régions reculées.Le peuple et les soldats souffrent énormémentde ces manques. Des efforts importants dereconstruction, de réhabilitation des centresde santé sont enregistrés, mais les carencespersistent. La politique de prohibition, deproduction, de vente et d’achat d’alcool, esteffective et populaire. Dans les régions lesplus reculées du Népal, elle remporte un vifsuccès. Les femmes en sont très heureuses.Cette politique limitée aux zones deguérilla, s’étend par des slogans dans toutle pays.

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Chaque district se doit d’avoir undépartement de santé. Depuis quelques mois,des campagnes d’éducation hygiénique, deprévention des maladies et de combat contrel'alcoolisme, sillonnent les villages lesplus reculés. L’interdiction de laconsommation de tabac et d’alcool au sein dela population des travailleurs et desguérilleros est un succès. En août 2004, leparti interdit l’exportation et l’importationde tabac dans le district de Surkhet. Laconsommation d’alcool est interdite dans ledistrict central de Birendra Nagar. Dessanctions sont mises en place pour toutcontrevenant à la prohibition. A titred’exemple, à Surkhet, certains buveurs ontles lèvres coupées, d’autres sont plongésdans des barriques d’alcool pur... Desamandes très importantes sont levées.Aujourd’hui, la consommation et la productionde liqueurs sont stoppées à 80% dans la zonede Surkhet. Surkhet est l’un des centresnévralgiques de la politique de santé du CNP(M). De nombreux hôpitaux ont été ouverts,ainsi que des centres curatifs par les herbesmédicinales. Malheureusement, les infirmierset médecins sont en sous-nombre. Ces lieuxd’accueil sont prioritairement destinés auxcombattants. Hors de Surkhet, une politiquede santé a été mise en œuvre suivant lesdirectives énoncées.

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- Construction obligatoire de latrines danschaque habitation.Si ce n’est pas le cas, un système desanctions est prévu.

- Un système d’entretien de la voirie estinstauré, dans les zones sous commandement.

- Les cours de santé publique sontobligatoires.

- La création de centres communautaires,d’auberges, est vivement encouragée.

- La drogue et l’alcool sont interdits.

Ces mesures sont jugées tropinsuffisantes par la population de la zone deSurkhet. Nombre de personnes dénoncent lefait que des travailleurs du monde de lasanté doivent demander des permis decirculation à l’autorité maoïste. Ce problèmese pose aussi pour les malades devant serendre à l’hôpital. Il en va de même pour laprescription de médicaments.

6- Changements dans la langue et dans la culture. Le parti maoïste a, dans certainsendroits, modifié le vocabulaire des masses.De nouvelles formes de langages sontapparues, tant au niveau du vocabulaire, dela syntaxe, du sens apporté aux mots.

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Des expressions purement maoïstes se sontinfiltrées dans la société. A titred’exemple « People’s War, power, divisioncommand, vcs, dcm, acs, vc ou q, pbm, rbm,post, sabotage et dumping », sont les pluscouramment utilisées. Le peuple ne connaîtpas leur sens premier mais l’utilisation etleur sens commun lui est familier. Dans leszones de commandement de Jumla et Kali Kot,tout le monde s’interpelle loin de toutenotion de castes, fraternellement, avec lemot népalais « Tapain ». Aucune discrimination de race, dereligion, de caste n’est présente dans cesendroits. A ce titre, l’un des changementsimportants se remarque par l’utilisationcommune du mot «  Sir » entre lestravailleurs, villageois et invités. Toutepersonne âgée est saluée par le mot oncle,père, mère ou tante, frère et sœur. Toutefois, ces expressions ont perdu leursens émotionnel. Elles sont utilisées demanière presque mécanique. Les maoïstes interviennent en profondeurdans la société, tant sur le plan religieuxque sur le plan culturel : « Nous modifionsles présupposés de la société, en essayant dene pas commettre les erreurs passées »déclare Mr Sudhar, en charge du gouvernementpopulaire de Dhapa. A l’origine, la région deJumla est l’un des pivots de la constructionde la langue népalaise. Avant l’unificationdu Népal, Sinja était un pôle administratif,

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social, culturel... Un centre important depèlerinage religieux pour l’adoration de ladivinité hindoue, Kana Kasundari.Aujourd’hui, ce lieu vit des changements à lahauteur de son passé. Sinja est avant tout unsite historique. Seul ce point est àconsidérer, l’aspect religieux est totalementnégligé par le parti. Les pratiquesfunéraires, célébrations d'anniversaires etautres manifestations culturelles sontinterdites. Les dépenses engagées dans lesrites sont reconverties en travaux d’intérêtspopulaires.

7 - La campagne des chaussures et l’investissement destravailleurs Les maoïstes recrutent à temps completdes travailleurs pour les travaux des champset autres activités dans les provincescentrales et ouest du pays. Cette campagneest l’un des moteurs de la continuité de lalutte du parti des travailleurs. Des cartesde « whole timer »sont distribuées dans tousles villages de la région de Jumla, Kali Kot,Mugu Bajura et autres districts. Le conceptde « whole timer » est de rendre obligatoirel’adhésion au parti. Cette volonté est très mal perçue par lespopulations. Nombre d’entre elles ont fuileurs villages d’origine. Le peuple conçoit le « whole timer »comme un abandon total de la propriété

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privée, maison, vie civile, au profit duparti.« Il est vrai qu’un whole timer n’a aucunepossession privée. Le parti contrôle sontravail, sa production et sa rétribution. Ilest clairement établi qu’un whole timer nepeut refuser de rejoindre la lutte armée.C’est en ce sens que les villageois craignentde devenir des  « whole timers », déclare MrDirgha Bahadur Badhuwal du village deBadhuwal, région de Birat

8 - «  Mettez vos chaussures et préparez-vous à la révolte » Sans donner la moindre indication, lescadres du parti maoïste déposent une paire dechaussures devant les portes des habitationsle soir venu. Le lendemain matin, quand lafamille se réveille et voit les chaussures auseuil de sa porte, elle comprend qu’elle doitenvoyer le plus jeune au combat. Un systèmed’amendes est prévu en cas de refus…Le nom decette campagne est un dérivé des premièreslettres de deux mots népalais: « su » de« Sudridhikaran » et « ja » de « JanaAbhiyan » ou People’s War. Selon Mr.Prajapati Upadhyaya : « Nous avons passé leterme d’une guerre civile pour entrer enphase de guerre extra territoriale ». Chaquenépalais se doit de rejoindre l’effort deguerre et d’y contribuer. C’est à ce titreque la campagne des « whole timers » et deschaussures est lancée. Mais en aucun cas,

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nous ne menons une politique de déplacements,d’exodes des populations ».

VI- Interview de combattant A ce jour, nous représentons une force de30 000 hommes armés, de 100 000 miliciens et60 000 membres du parti. Le mouvement acommencé en 1996, la révolte a vraiment prisde l’ampleur en 2000. Aujourd’hui, nousrecrutons dans les villes, les travailleurs,les employés et les étudiants. Nos soutienssont essentiellement Chinois, Russes maisaussi Péruviens, Philippins, Indiens,Coréens... Notre but est d’étendre la révolutionmaoïste dans toute l’Asie. Tout a commencédans les villages reculés, peu de membres àl’époque étaient armés. Nous nous en sommespris au système féodal. La politique derépartition des terres a ainsi commencé. Les familles de propriétaires terriensont été chassées. Il faut savoir que près de81% de la population vit avec moins de deuxdollars par jour. La famille royale et lespropriétaires se répartissent l’ensemble desrichesses, il n’y a pas, à proprement parler,de classe moyenne. Notre pays s’apparenteplus à un type d’économie agraire, où lesrapports sociaux sont avant tout des rapportsféodaux, de vassal à suzerain, de serf àseigneur. Notre religion et notre système decastes ont depuis des siècles, figé cettementalité. Il est très difficile de la

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modifier, la notion même d’intouchables’inscrit dans cette logique. Une haute castene pourra manger aux côtés d’une basse caste,ni même s’asseoir à coté ou en face. C’estcette société que nous voulons modifier. Nosintentions dépassent nos frontières : en Indeet au Bangladesh, des groupes armés préparentla révolution et nous les soutenons. Lesnaxalites indiens sont en lutte, encouragéspar nos succès, ils continuent sans relâche àmener des actions. Leur succès est moinsévident car ils ont de suite pris une optiond’affrontement direct avec un armement lourd,contrairement à nous, qui attaquions il y a10 ans, les dépôts d’armes avec des couteauxet des lances. Quoiqu’il en soit, de nombreuxpaysans sans terres les soutiennent. Les naxalites sont leurs porte-voix.Installés dans les Etats les plus pauvres,nos frères de luttes ont réussi à obtenir denombreux soutiens. Ensemble, nous nousentraidons. Des transferts de combattantsexistent .Certains viennent s’entraîner ici,d’autres vont s’entraîner là-bas. Pour les armes, nous les récupérerons auxforces loyalistes en attaquant descommissariats de police ou des casernes. Ilest vrai, aussi étrange que cela puisseparaître, que nous achetons des munitions enInde. Pour l’armement plus lourd, je croisque c’est indiscret… Notre pays est coincé entre deux grandespuissances, la Chine et l’Inde, il nous est

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très difficile de nous imposer. A ce jour,notre but est le renversement de la monarchieet de son cortège de soutiens impérialistes.Quand je dis « impérialistes », je pense auxagents nord-américains qui n’ont de cesse desoutenir financièrement et logistiquement,l’armée loyaliste. Ce régime renversé, nousédifierons une société communiste. Toutes lesentreprises économiques étrangères serontmises à la porte. Forts et revigorés, nousexporterons la révolution. Maintes fois, nous avons refusé laposition de leader au sein du R.I.M(Revolutionary International Movement). AuNépal, le parti n’a pas les mains assezlibres pour pouvoir être le porte-drapeau dela révolution maoïste marxiste-léniniste. Degrandes avancées ont été faites, de nombreuxterritoires conquis, la situation bien querelativement calme n’est pas apaisée. Nousdevons nous concerter sur le développement denotre pays. Des pans entiers de l’économiesont vétustes, comme le secteur del’industrie. Comment le développer ? Desinitiatives sont prises dans certainsdistricts mais restent au niveauexpérimental. La donne de base pour ce paysest que nous sommes à 90 % une zone ruralerégie par des pratiques d’un autre âge. Atitre d’exemple, les paysans sont trèssouvent pris dans un système d’usure. Avantles semailles, les riches propriétairesterriens proposent des prêts pour acheter les

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semis. Il va de soi que c’est au moment oùles cours sont les plus élevés. Le dit prêtest remboursable en nature, juste à la findes récoltes où les cours sont les moinsélevés. Pour mettre fin à cette méthodefrauduleuse, les maoïstes sont allés visiterles greniers des grands propriétairesterriens. Ils ont redistribué le grain, lesterres, brûlé les livres de compte. Peut-êtrequ’un autre exemple vous démontreral’arriération de ce système. Si d’aventure,un mariage a lieu dans un village, le mariése doit pour une nuit ou plus, d’envoyer safuture épouse chez le propriétaire qui exerceson droit de cuissage. On ne compte plus lenombre d’enlèvements de jeunes-filles, dedisparitions… Le peuple réclame vengeance, le peupleréclame justice. Les maoïstes ont vidé lesgreniers, expulsé les propriétaires, redonnéla terre au peuple ! Déjà, des districtss’industrialisent. Vers Jumla, 2000 personnessont adhérentes au parti pour une totalité de6000 personnes. Nos intentions ne sont pas depromouvoir une société socialiste à 100 %,aujourd’hui, c’est impossible. Lamondialisation des échanges ne le permet pas,nous vivons dans une économie mondialeinterdépendante. Au XXIème siècle, il estpresque impossible d’imposer une dictatureprolétarienne où que ce soit. Une ouverturesur une économie de marché nous estindispensable afin de maintenir des secteurs

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de l’économie tels que le tourisme.Toutefois, il est indispensable qu’une partiedes revenus de ce secteur soit redistribuéeau parti. A proprement parler, nous n’avonspas de programme de nationalisation. Nousdésirons seulement mettre à la porte, toutesles entreprises détenues par des fondsétrangers. Confisquer ces moyens deproductions pour les redistribuer au peuple,évincer la tutelle d’agents étrangers…Unefois de plus, le recours à la lutte arméen’est pas un problème, c’est l’idéologie quiguide nos fusils. Aujourd’hui, une partie durêve est devenue réalité, une seconde guerrecommence... Après les campagnes, la conquêtedes villes…

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CHAPITRE IV

LES CHANTIERS DU POUVOUR

1 – Les chantiers du pouvoir Les besoins sont énormes. Le nouveauPremier ministre maoïste, Mr Pushpa KumalDahal, « Prachanda », se doit de gouverneravec une coalition. Le pays dans sesfondements est entièrement bousculé.Inspirant la peur chez les nantis, l’espoirchez les basses castes, le nouveau dirigeanta face à lui un immense ouvrage.

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Le premier grand chantier est la rédactiond’une constitution dans les deux ans, enaccord avec tous les acteurs politiques etsociaux du Népal. Le rêve d’une républiquefédérale démocratique s’imagine, "le nouveauNépal", la Suisse de l’Asie. Malheureusement, la marge de manœuvre estétroite. La refonte de toutes lesinstitutions politiques et sociales estindispensable. De plus, 75 pour cent dubudget de l’Etat proviennent de pays tiers oud’organisations internationales. Le versantpolitique est tout aussi fragile. Avec une majorité relative de 220 siègessur 601, l’alliance et le compromis sont derigueur avec une nouvelle opposition, leParti du Congrès et l’UML. La paix est certesrevenue mais des violences sporadiquescontinuent d’ensanglanter le paysagepolitique. 55 civils et 25 militants ylaissent leurs vies en 2008. La constitutionpeine à émerger. Le climat n’est pas bon. Leshaines d’hier resurgissent. Les partisd’opposition arguent la menace d’une dériveautoritaire maoïste. Des ligues de jeunessesèment la terreur dans les campagnes :extorsions de fonds, violences, exécutionssommaires se multiplient. La presse, prisedans l’allégresse de ce vent de liberté,dénonce et transporte ses premiers cercueils.Des journalistes sont éliminés, des maisonsd’édition mises à sac. L’opacité desresponsabilités devient abyssale. La loi

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déserte peu à peu la vie civile face àl’incompétence des outils policiers. Desmilices citoyennes s’organisent. Les excèsprennent vite le pas. La société civile estau rendez-vous, elle descend dans la rue,demande justice, interpelle le gouvernementmais aussi les organisations internationales.Ces crimes, effectués dans le silence,bousculent la vie intellectuelle… Le nouveauNépal sera démocratique ou ne sera pas.Chaque jour, le processus de paix s’enraye unpeu plus. Le Premier ministre, Pushpa Kumal Dahal,impose sa volonté de créer une républiquepopulaire, argue l’urgence d’incorporer sestroupes dans l’armée régulière. Les consensusd’hier volent en éclats. Le cinquièmeamendement de la constitution d’intérim votéeen juillet 2008, ouvre la porte à unegouvernance par une majorité d’élus.L’opposition prend acte, une union se créeentre le Parti du Congrès, l'UML et le MJF.Les postes de président de la république etdu président de l’assemblée constituante sontainsi promus hors du cercle maoïste. Reversde situation, les anciens insurgés maoïstesréussissent à édifier une coalition en faveurde leur leadership avec le MJF et l'UML. LeParti du Congrès reste dans l’opposition. LeParti du Congrès a, depuis les années 1980,évincé les positions socialistes radicales deB.P. Koirala. Le parti se définit comme unadversaire de centre gauche, l’un des plus

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farouches face à l’administration maoïste. Deguerre lasse, son leader, Mr G.P. Koirala, necesse de tendre la main pour une "alliancedémocratique" d’unité nationale. Les maoïstesrefusent, préfèrent une "alliancerépublicaine" plus soutenue, sous leurparapluie. Deux dossiers vont diviser lescamps. L’incorporation des anciens insurgésmaoïstes dans l'armée nationale et larestauration de l’ordre et de la loi dans lepays. Après une querelle de représentation, lecomité spécial pour l’intégration des forcescombattantes maoïstes prend forme. Chaquegrand parti y obtient une force décisionnelleéquitable. Mais le processus de paixs’enlise. Le Parti du Congrès dénonce desronds de jambes maoïstes pour infiltrerl’armée et toutes les agences de sécuriténépalaise. L’ombre des doutes plane. Au mêmemoment, la résolution officielle du conclavedu parti maoïste népalais fait frémir : « Des trois étapes de la guerrepopulaire, le maoïsme népalais a atteint lestade d’une stratégie offensive. Le PLA(armée maoïste) se doit de protéger larévolution contre tout soubresaut contrerévolutionnaire. L’armée maoïste s’imposecomme un élément créatif, ferme, offensif,dynamique et invincible. Pour ce faire, lePLA se prépare à une offensive politique etidéologique. Sous la forme d’unereterritorialisation idéologique et

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politique. Le PLA renforce son étude du« Prachanda Path » et du marxisme léninismemaoïste. L’entraînement se fera sur troisniveaux : basique, moyen et avancé.L’intégration des combattants du PLA dansl’armée régulière s’effectuera dans la lignéedes causes prolétariennes etrévolutionnaires ». Provocation, menace déguisée, le chef dugouvernement glorifie la lutte armée. Unclimat de peur s’installe, l’hydre d’unbasculement autoritaire plane. Le pays sapédans ses fondements structurels ne peutredonner espoir, le fantôme de la guerre esttoujours présent. La ligue des jeunessescommunistes s’illustre par sa violence.L’Etat dans sa déconstruction ne sait quoirépondre. Peu à peu, ces organisations de jeunessesmilitantes s’accaparent le paysage politiquenépalais. La plus connue, la « YoungCommunist League », est une émanation duParti Communiste Maoïste Népalais. Réactivéeen 2006 pour servir de paravent au décomptedes forces du PLA par les Nations-unies, elledevient le coup de poing des forces maoïstes.Aux dires de son président, la YCL recrutedes anciens combattants intéressés par lapolitique. Aucun entraînement militaire n’estmis en avant. Le secours aux populations lesplus démunies, les travaux de voiries, lerèglement des conflits locaux et l’éducationde la jeunesse lui incombent. Elle se doit

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d’être le versant lumineux de la propagandemaoïste. Un autre pan de ses activités estd’assurer, d’organiser des manifestations,d’y apporter un service d’ordre. Sesdérapages sont connus, sa réputation estcelle d’une organisation violente. Les YCLont l’habitude de se promener dans les rues,d’y arborer des couteaux, barres de fer etautres bâtons. Leurs entorses à la loipeuplent les colonnes des quotidiens. Forméspar d’anciens soldats au combat rapproché,ces « jeunes miliciens » imposent leursdiktats dans les villes et les campagnes. En2007, le Premier ministre, Mr Girija PrasadKoirala du Parti Congrès, les appelait« Young Criminal League », la ligue de lajeunesse criminelle. Face à tant dedébordements, le ministre de l’Intérieur UMLdécide d’intervenir. Il crée sa propre ligue…La profusion de ces organisations dejeunesses se montre incontrôlable sur leterrain. Assassinats, extorsions de fonds,intimidations se succèdent dans une relativeimpunité. Les violences du Teraï culminent,le MJF crée aussi sa ligue de jeunesse. Denombreux observateurs internationaux vonttirer la sonnette d’alarme. La paix civile sedoit de revenir par un retour à l’ordre et àla loi. Par l’arrêt de l’impunité desexactions. Le Parti Maoïste urge l’absoluenécessité de ces organisations sœurs pour lebon cheminement de la révolution. Le 6 août2008, le futur Premier ministre, Mr Pushpa

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Kumal Dahal, appelle à l’arrêt des violences,mais la ligue n’est pas dissoute. Face à cette menace d’un virageautoritaire, la société civile répondprésente. Dans ses balbutiements de liberté,elle a appris à dire non, à dénoncer, àdémontrer son désaccord, sa réprobation. Lamémoire de la guerre, des disparus, desdestructions, est toujours là mais aussi lesaccords de paix qui ont été conclus et à quelprix. Dès la proclamation du gouvernementd’intérim en février 2007, un vent deséparatisme balaya le Teraï. La mention d’unEtat fédéral incluant les aspéritésrégionalistes fut édictée. Désirant maintenirle rapport de force en leur faveur, leshabitants du Teraï, grenier du Népal, ontmaintenu la pression. Pas moins de vingtgroupes armés ont éclos. Au bout de leursfusils, les identités culturelles des Tharu,Madhesis, Limbou, Tamang… Blocages de routes,les villes ne sont plus ravitaillées, lesprix flambent, les violences avec les forcesde l’ordre se multiplient. Lieu de chaos etde non droit, le Teraï est venu planter sonépine dans la politique intérieure népalaise.Des accords avec différents groupes sontratifiés entre le gouvernement maoïste et lesinsurgés, sans toutefois apaiser lestensions. L’absence de toute représentationétatique depuis 2002, le délabrement desconditions de vie, plongent la région dans le

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chaos. Katmandou aux prises avec les jeuxpolitiques complexes, peine à donner desréponses crédibles. Certains groupes ontdéposé les armes, d’autres non. Sur une seuleannée, près de 74 bombes ont explosé,provoquant la mort de 11 personnes et enblessant plus de 200.

2 - Le Teraï La campagne d’éradication de la malariadans les territoires du Teraï a, dans lesannées cinquante, provoqué un affluxmigratoire important. Subventionnés parl’Etat, ces nouveaux arrivants ont modifié letissu social. S’adjoint à cette migrationintérieure, une migration extérieurecontinue. Venus d’Inde, du Bihâr voisin, descentaines de milliers de fermiers indiens onttenté leur chance dans ces plaines fertiles.Connue sous l’appellation de Madhesis, cettepopulation a forgé une forte identité de larégion au cours des siècles. Pauvres, decultures hindouistes, elles se sont heurtéces trente dernières années aux migrationsintérieures venues des plaines mais aussi auxlignages paysans de la classe moyenne deKatmandou, appelés les « Pahadis ». L’est duTeraï est devenu un immense jeu d’argent. Lesterres achetées à bas prix aux peuplesindigènes ignorants de leurs droits, sontdevenues un processus de transactionfructueux pour les nouveaux fermierscitadins. Les Madhesis souvent désargentés,

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fournissent une main d’œuvre complémentairedes populations indigènes. Le métayage,appelé « kamiaya », avec son enlisement deprêt d’usure, établit un rapport postféodal.C’est en 1990, avec l’ouverture de la sociéténépalaise sur un régime démocratique, que lespremières revendications s’expriment. Cespôles de défense des droits des sans terres,s’organisent par l’ethnicité des acteurs.L’un des plus importants se nomme le« Madhesis Jana Adhikar Forum. »L’insurrection maoïste dans sa conquêtemilitaire de territoires, propose une plateforme d’entente sous le slogan « la terre autenant ». Les Madhesis et les autres peuplesminoritaires reçoivent l’assurance que leursdroits seront respectés après l’arrivée aupouvoir des forces maoïstes. Une réforme agraire redistribuera lesparcelles de manière équitable, une politiquede discrimination positive favorisera leuraccès aux écoles, aux postes del’administration civile et militaire. Deplus, la promesse du redécoupage géographiquede la région annonce le pas vers uneautonomie. Les Madhesis vont aider lesinsurgés au point de se transformer en unpartenaire indispensable. La stratégie du MJFfut de promouvoir ces cadres en casd’adhésion au Parti Communiste NépalaisMaoïste. De concert, les positions du MJF seradicalisent, certains pamphlets évoquent une

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ethnicité raciale. Ils revendiquentl’entièreté de la région. Au lendemain des accords de paix, les termesde la Constitution d’Intérim les incluentcomme une minorité opprimée, au même titreque les populations indigènes et autresminorités ethniques. La réforme agraire peineà arriver. Le MJF doute de son ancien allié,des manifestations très violentes sontorganisées, avec un blocage de la frontièreindo-népalaise. Le coup de feu est échangéavec des militants maoïstes et la police. En mars 2007, la politique de la terreurprend le pas. 27 cadres maoïstes sontassassinés à Gaur. Le crime est effroyable,des actes de barbarie stigmatisent les corps.Le MJF plonge dans l’ivresse du sang.Katmandou est saisie par l’horreur. Desrounds de négociations se succèdent sansvéritable résultat. Les forces maoïstes,elles, quittent la région, le vacuum desinstances de l’Etat est complet. Unesuccession de micro-conflits va éclater. Enfévrier 2008, l’approvisionnement des grandesvilles népalaises est suspendu. Catalyseur detoutes les déceptions, face un Etat absent, àl’étourdissement des gouvernements postrévolutionnaires, le Teraï se transforme enun immense champ de bataille pendant de longsmois. Cette zone névralgique de l’économienépalaise représente 50 pour cent du GDP.Seul axe routier des échanges entre Katmandou

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et New-Delhi, sa maîtrise est la maîtrise del’économie népalaise. L’éclatement desethnies, le racisme affiché des hautes castesgérant les administrations, transformentcette région en une poudrière difficilementgérable. La politique de main tendue desautorités se brise contre l’impatience desnouveaux insurgés. La grogne embrase toute larégion. Certains affirment que des agentsétrangers attisent les conflits pourrenverser le processus de paix.L’autorité du gouvernement d’intérim, et plustard le gouvernement maoïste, se montrentincapables d’imposer un retour à l’Etat dedroit. La guerre populaire a mis à genouxtoutes les infrastructures étatiques (routes,écoles, hôpitaux, mais aussi la présence defonctionnaires, de policiers, etc.). Lareconstruction s’enraye dans la violence. Lapopulation perd chaque jour une partie de sonrêve d’une Suisse de l’Asie. Le manque d’eau,d’électricité et les grèves incessantes, ontpoussé les petites et moyennes entreprises àmettre les clefs sous la porte. Pataugeantdans un quotidien de plus en plus difficile,le peuple népalais tente d’avancer le ventrecreux, deux poings serrés dans des pochestrouées. En écho à cette crise, une pluslourde encore secoue le pays : la réinsertiondes anciens combattants.

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3 - Les organisations internationales Cantonnés dans des baraques sous l’égidedes Nations-unies, les anciens insurgésrestent un vivier potentiel d’un retour à laviolence. L’ONU au lendemain du cessez-le-feu, a dépêché sur place un secrétariatspécial devant épauler le processus depacification : la Minunep (Mission desNations Unies au Népal). Les objectifs decette mission sont de surveiller lesarsenaux, d’aider les protagonistes duconflit à mettre en œuvre des accords sur lagestion des armes et des personnels armés,d’apporter un appui technique à lapréparation d’une assemblée constituante. Cemandat de 12 mois peut être étendu sur lademande du gouvernement népalais. Mr IanMartin, envoyé spécial de l’ONU, tente decalmer les aspirations belliqueuses. Cetancien secrétaire d’Amnesty International,met en place une commission deréconciliation nationale avec le haut-commissariat aux droits de l’homme desNations-unies. Mentionnée dans les accordsde paix, cette commission tente de faire lejour sur le sort des nombreux disparus. Lacommission se charge aussi del’indemnisation des victimes civiles, durecensement du nombre de déplacés, del’indemnisation des possessions détruites.2,6 millions de certificats d’identité vont

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être distribués dans tout le pays afin defaire valoir ces droits. Les Nations-uniesencouragent une politique inclusive desminorités et des femmes dans lesadministrations. 33 pour cent de sièges sontainsi obtenus pour le deuxième sexe. 45 pourcent des emplois d’Etat sont réservés auxminorités ethniques, indigènes Madhesis etaux basses castes. Ces initiativesfavorisant le processus de paix, buttent surl’intégration nécessaire des forces rebellesdans l’armée. D’énormes efforts vont être entreprispour effectuer la démobilisation des enfantssoldats des deux camps. En Janvier 2007, legénéral de l’armée népalaise, Mr RupmangatKatawal, pointe les difficultés d’intégrerdes combattants endoctrinés idéologiquement.Affilié aux forces loyalistes, ce militaireprovoquera, plus tard, la chute dugouvernement maoïste. Le pays reste encoreprisonnier des séquelles de la guerre. Lamission de la Minunep est plusqu’indispensable. Les attentats et lesfusillades se multiplient dans tout le pays.Les groupes séparatistes du Teraï et lesforces royalistes encouragent la violence. Lebureau du haut- commissariat aux droits del’homme demande l’arrêt de toute utilisationde la violence à des fins politiques. Lesgrèves incessantes du sud du pays vontbloquer les approvisionnements de la capitaleen pétrole, en février 2008. L’Union

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européenne se déclare alarmée par lasituation. Passant de la manifestation àl’émeute, le soulèvement compte ses premiersmorts suite à la répression policière. Unaccord aboutit sur une promesse d’autonomiede la région, le 29 février 2008 avec lesinsurgés du Teraï. Le principe de l’électionconstituante d’avril 2008 est tenu. 4021candidats s’inscrivent sur les listes duscrutin. Le 19 mars, une équiped’observateurs de l’ONU se montreenthousiaste sur le processus électoral, endépit des violences et des assassinats. Unappel de la Minunep tente de calmer lesesprits, le processus électoral est vital.Les élections sont la clef de passage versune république. Face à la recrudescence desviolences et des attentats, le chef de laMinunep, Mr Ian Martin s’interroge surl’usage excessif ou la partialité politiquedes forces de sécurité. Le scrutin du 10avril se déroule sans grand problème, avecune victoire inattendue des maoïstes. Ladécision est prise de mettre fin à lamonarchie. La force onusienne décide de réduire seseffectifs dans le pays. Le 22 mai,l’assemblée constituante prête serment. Levieux monarque est sommé de descendre de sontrône. Tout de suite après l’élection duleader maoïste, un ballet diplomatiquecommence avec l’ambassade des Etats-Unis.L’aide y est maintenue, mais le parti maoïste

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népalais reste sur la liste des organisationsterroristes dressée par l’administration Bushfils. Les organisations internationales dusystème des Nations-unies condamnent lalenteur de la réhabilitation des enfantssoldats, le régime d’impunité, la répressionsanglante d’une manifestation pro royalistedevant le palais qui a fait trois morts parballes. La Minunep, elle, dresse son premierbilan : 14 500 engins explosifs improvisésont été détruits, 53 sites nettoyés soitl’équivalant de 14 000 mines antipersonnelles. Entre novembre 2007 et mai2008, le haut- commissariat aux droits del’homme des Nations-unies interpelle le Népalsur les violences sexuelles commises lors duconflit par les forces royalistes. Unecommission d’enquête est nécessaire. Le PAM(programme alimentaire mondial) lui, tire lasonnette d’alarme. 2,5 millions de népalaisont un besoin alimentaire d’urgence. Lahausse des cours risque d’en affecter 3,9millions d'autres… La mission de la Minunepse prolonge de 6 mois. Mais ses effectifssont réduits, sa mission d’intégration deforces armées rebelles reste entière. 3 000enfants soldats retournent à la vie civile.Un programme de scolarisation et d’insertionest proposé par la représentante spéciale dusecrétariat général des Nations-unies. LePremier ministre, Mr Pushpa Kumal Dahal, lui,s’engage à restituer les terres saisies parl’armée populaire. Le gouvernement peine à

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tenir ses promesses. Manifestations etaffrontements se poursuivent. Les problèmeseux, ne varient pas. En janvier 2009, laMinunep est reconduite pour six mois,toujours pour surveiller les arsenaux et lepersonnel combattant. Mr Ram Baran Yadav duParti du Congrès est élu président de larépublique, Mr Pushpa Kumal Dahal, Premierministre, l’ancien commandant des forcesrebelles, Ram Bahadur Thapa, est nomméministre de la Défense. Tout de suite, ledossier des disparus est présenté au nouveaugouvernement par la Croix Rouge. La Minuneptemporise l’ardeur. Mr Ian Martin décritl’immense tâche du jeune gouvernementnépalais, il prône l’indulgence et lacompréhension. L’ONU verse une aide de 10millions de dollars prélevée sur les fonds deconsolidation de la paix de l’ONU. MadameKarin Landgren est nommée dans la fonction dereprésentante spéciale, adjointe au Népal.Une table ronde est organisée par le nouveaugouvernement avec divers groupes armés duTeraï afin de proposer un accord de paix. Leproblème du désarmement reste complet. KarenLandgren remplace Mr Ian Martin. Dans sonannonce de départ, Mr Ian Martin met l’accentsur le sort des disparus, de l’absoluenécessité d’intégration des forces rebelles.La crise alimentaire fait rage, le PAMréclame une aide de 40 millions de dollarspour nourrir plus de 2,7 millions denépalais.

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L’ambassade américaine ne propose pasd’échéancier pour le retrait des maoïstes dela liste noire des organisations terroristes.Le dirigeant des combattants maoïstes exprimeson désir d’enrôler de nouvelles troupes.L’armée népalaise, elle, dit avoir 2800nouveaux soldats. Cette entorse aux accordsde paix fait bondir les ambassadeurs desEtats-Unis, de la France et du Royaume-Uni.Dans ce climat de défiance, le ministre de laDéfense met à la retraite anticipée, 8généraux. La cour suprême bloque la décision,pour manque d’information. Le Royaume-Uni etla Norvège renforcent leur aide à la jeunerépublique. La crise entre le gouvernement etl’armée ne fait que croître. La démission dugénéral Katawal, chef des armées, estdemandée suite à l’intégration de 2800hommes dans ses bataillons. Le Président dela république la refuse. Le gouvernementmaoïste népalais tombe. Les agences desNations-unies déplorent ces égarements touten appelant au calme. Le Conseil de Sécuritésomme l’extrême nécessité d’une politique deconsensus. Une grande série de manifestationsest organisée par les anciens insurgés. Latension est palpable dans les rues deKatmandou. L’ultimatum est posé. Le retouraux affaires des forces maoïstes n’estpossible qu’après la démission du généralKatawal… Un nouveau gouvernement est formésans les forces rebelles, monsieur MadhavKumar (UML) est nommé Premier ministre. Les

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maoïstes entament une stratégie de blocage duparlement. Le général Katawal est maintenu enson poste. L’aile dure de l’armée offre unepromotion de Lieutenant général à Mr ToranJung, impliqué dans des actes de torture etautres violations du droit humain. Le climatest de plus en plus tendu. Le mandat de laMinunep est prolongé jusqu’en janvier 2010.Le haut-commissariat aux droits de l’hommedes Nationsunies, presse le gouvernement àplus de transparence dans la délivrance de lajustice. La Minunep se réjouit de la reprisedu processus de réhabilitation des ancienscombattants, incluant les anciens enfantssoldats. La crise des forces armées a enliséle pays dans une crise politique. L’arrivée aux affaires des maoïstes futaussi bousculée par une catastropheécologique sans précèdent.

4 - Kosi River Formée par la confluence de sept rivièressituées entre la Chine, le Tibet et leNépal, la Kosi river se jette en Inde dans leGange. Parcourant près de 729 Km, recouvrantune surface de 69 300 Km carrés, ce serpentd’eau draine chaque année près de 80 millionsde tonnes d'alluvions, de sable, de pierres.Ses caprices sont connus, on le dénomme lefleuve du chagrin. Traversant des zonessismiques intenses, son cours se modifie augré des variations des plaques euro-asiatiques. Sa fureur a, en 1954, provoqué

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une immense catastrophe. D’un commun accord,l’Inde et le Népal se sont investis ensembleà la construction d’un géant : le barrageBhimnagar. Long de plus de 1142 mètres, munide 46 ouvertures de 18,28 mètres de long surplus de 6 mètres de large, ce monstre debéton recouvre une surface opérationnelle de745 000 hectares, offrant 440 000 hectares deterres cultivables. Afin de contenir lesflots, 125 Km de remblais ont été édifiés surle flan est et près de 71 Km sur le flancouest. En moyenne, la puissance du fleuve estde 55 000 cure/ sec, avoisinant près de840 000 en période de grandes eaux. Lesingénieurs ont, dans leurs pires scenarii,prévu des crues à 950 000 cure/sec. Puissanceenregistrée en 1963, 71, 84, 87, 91 et 1995… Au terme des accords indo-népalais,Katmandou fournit le terrain, l’Indeconstruit l’édifice, en assume lamaintenance. En échange, le Népal reçoit del’électricité et de l’eau. Le 18 août 2009, les remblais lâchent à12 Km du barrage, le fleuve sort de son lit.Déjà le 5 août, l'ingénieur en chef alerte sahiérarchie sur les possibles risques derupture. Le 16, un télégramme d’alarme estenvoyé en Inde. Des premiers travaux deconsolidation sont effectués. Mais le 18, lesremblais cèdent près de la ville de Kusaha,au Népal. Le fleuve se déporte sur plus de120 kilomètres, rejoint son ancien lit. 5districts népalais sont touchés, 330 290

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personnes directement affectées, 340 000hectares de terres arables noyées… 504personnes disparaissent sous les flots, 10844 têtes de bétail sont englouties, 285 768habitations détruites. En Inde, la montée deseaux envahit la province du Bihâr. L’un desEtats les plus pauvres de l’Union renoue avecl’horreur. Des millions de déplacés, desmilliers de blessés, des centaines de morts.La plus grosse inondation depuis cinquanteans va tout emporter. Les récoltes sontdétruites, les remblais anéantis, la centralehydroélectrique mise au rebut. Pendant plusd’une semaine, les populations sinistréesvont être livrées aux grés des flots. Legouvernement indien peine à intervenir, lesadministrations pataugent dans leurs cellulesde crise. Trains, voitures, camions, sontincapables d’acheminer l’aide de premièreurgence. Par centaines de milliers, cespaysans vont vivre un exode interminable. Lagéographie du terrain a permis l'extensiondes eaux, toujours plus loin. La nourritureet l’eau potable viennent à manquer. Lespectre de l’épidémie hante. Plus de 2,5millions de personnes sont sur les routes.Les raisons invoquées sont une défaillancehumaine, plus que les fortes précipitations.Chargés d’alluvions, de bris de pierres, lesdépôts se sont accumulés au fil des ansjusqu'à provoquer son débordement. Lesremblais n’ont pas tenu. L'étendue de lacatastrophe est terrible.

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Le Premier ministre indien déclare lasituation comme calamité nationale. Desunités spéciales de l’armée sont déployéespour l’acheminement des vivres. Lespopulations, elles, sont à genoux. Senourrissant de semailles et de racines, elleserrent sur les grands plateaux. Faisant fides querelles politiciennes, le Premierministre népalais maoïste effectue une visiteen Inde, un mois après le drame. Les deuxEtats décident de coopérer. Une enveloppe de320 millions de roupies est accordée à lajeune république maoïste pour un premiersecours aux populations des districts deSunsari et de Sapin. Les travaux dereconstruction des routes endommagées sonténoncés. De plus, un crédit de 2,4 milliardsde roupies est octroyé par l’Inde àKatmandou. Echelonnée sur trois mois, cettesomme assurera l’approvisionnement enpétrole. Enfin, un accord est signé pour laconstruction d’un nouveau barrage hydrauliquesur la Rapti river, le « Namure Barrage PowerProject ». Ces accords s’inscrivent dans ladynamique d’urgence. L’aménagement nécessairede la Kosi est une réponse indispensable pourprévenir toute inondation. Mais les tenantsdu traité de 1954 sont révisés. Chaque Etatreconnaît ses fautes dans la gestion dubarrage et de la crise. En juillet 2009,l’Inde offre à nouveau son aide auxpopulations népalaises sinistrées, avec uneenveloppe de 200 millions de roupies.

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Le drame va avoir aussi des conséquenceséconomiques lourdes. Le Népal jusqu'àréparation de l’édifice, va être plongé dansla nuit. Seulement 8 heures d’électricitéquotidienne seront disponibles dans lesgrands centres urbains pendant plus de 6mois. L’eau se fait rare. N’ayant pas depompes pour la remonter des puits, elledevient un bien précieux. Une économie debatteries et de seaux se met en place.L’hiver vient de débuter… Une autre criseattend l’administration maoïste…

5 - Pashupatinath Construite sur les rives de la Bagmati à5 Km de Katmandou, le complexe shivaïte dePashupati est l’un des plus renommé au monde.Son nom est formé du mot "Pashu" qui signifieêtre, vivre et de "Pati", qui se traduit parmaître. Son origine, suivant le mythe, fait suiteà une escapade du dieu Shiva. Lassé par lavie du mont Kailash tibétain, Shiva décide defaire une excursion. Fatigué, il se reposesur les bords de Bagmati sous l’avatar d’undaim. Son escapade attire les foudres deVishnu et des autres dieux. Ensemble, ilspartent à la recherche du fugueur. Pendant cetemps, Shiva se prélasse, broutant les herbesgrasses de la vallée. Aux appels incessantsde ses comparses, il reste sourd. Furieux,Vishnu décide d’utiliser la force pour lerattraper. Réussissant à l’attraper par les

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cornes, il livre le dieu Shiva à la colère deses acolytes divins, qui n’hésitent pas àmettre en pièces le pauvre daim. Livré auxquatre vents, de son corps mutilé, jailliraun temple pourvu d’un lingam. Des centainesd’années se succèdent, les lingams sontenvahis par la végétation. Un jour, un vacherconstate que depuis quelque temps, l'une deses vaches ne produit plus de lait.Interloqué par ce mystère, il décide de lasuivre le lendemain. Stupéfait, il découvrele lingam et comprend que sa bête, dessemaines durant, nourrissait le dieu. Trèsvite, l’endroit devient sacré, un premiertemple est édifié. Le pâturage se transformeen lieu de pèlerinage. Une inscription sur undes lingams remonte à 477 AD, une autrementionne un Roi, Lichchavi, régnant vers533. Le lieu est décrit dans les chroniquesde Gopalraj Vamsavali, un temple aurait étéédifié par le Roi Supus Padeva en 753. Durantdes siècles, de nombreux souverains ne vontavoir de cesse d’y effectuer des sacrifices,d’édifier et de restaurer les temples. Destravaux importants sont l’œuvre du souverainMalla Shivadeva II, le toit du temple estrecouvert d’or. De nouvelles constructions prennent formeen 1360 sur l’initiative du Roi JayashimaMalla. La poussée musulmane détruit unegrande partie des bâtiments au 14ème siècle.C’est en 1578 que son aspect contemporain estédifié par la volonté de la Reine Shivasimha

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Malla. Posé sur près de 281 hectares, letemple rivalise de dorures et de boiseries.Les images des déités sont nombreuses, faitesavec beaucoup de style. L’or et l’argent sedisputent les faveurs divines, plus de centlingams sont construits. Au même titre queles ghâts de Vârânasî, la crémation en cetemple est un passeport pour l’au-delà.Chaque jour, des milliers de pèlerins venusdu Népal et d’Inde y font leurs dévotions. Pashupati, temple du « maître de lavie », a une vocation politique importante.Plus qu’un lieu religieux il symbolise larésurgence de l’hindouisme incarné par ladynastie Malla, victorieuse des invasionsmusulmanes du XIVème siècle. Le Roi JayatithiMalla (1382-1395) redéfinit l’hindouisme dansla vallée de Katmandou. Les Newars sontdivisés en 64 castes, l’orthodoxie hindouisteva se diffuser dans la société népalaise. Ilsrenforcent le shivaïsme comme religiond’Etat, « Rastradevata ». Cette dévotions’affirme avec le secours porté au royaumeIndien de Mithalie. Le Népal déploie toute sasplendeur, le pays des purs parmi les purs,le « Népal mandala». Dès les débuts de l'ère chrétienne, lesrois Lichchavi appliquent une inscription surleurs monnaies : « Bhâgavat PashupatiPadanugrahita », littéralement « celui quiest béni par les pieds de Shiva ». Le mondereligieux fait un avec la royauté. Plustard, le Roi Malla Jayajyotir (1395-1428)

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inclura dans son panégyrique, le titre de« Pashupati Carana Kamala Dhursa Rita » soit« celui couvert avec la poussière des piedsen forme de lotus de Shiva ». Pashupatinathconnaîtra une importante rénovation sous sonrègne. Alors que la vallée de Katmandouéclatera plus tard en trois royaumesdistincts, le culte de Pashupati, avatar deShiva, s’affirmera avec l’édification à Patanet Bhaktapur, d’un Pashupatinath... La dynastie Malla n’en reste pas là. Enaccord avec la doctrine du renouveauhindouiste exposée par le sage AdiSankarâchârya (700 ?- 750 ?), le Roi YaskhaMalla (1428-1482), alliant des aspéritésreligieuses et diplomatiques, appointe autemple de Pashupati, des prêtres Battha issusdu sud de l’Inde. Réputés pour leurs pouvoirsésotériques, ces religieux prennent touteleur importance dans le cérémonial.L’interdiction de mariage avec lespopulations autochtones leur confèrent unedistance nécessaire à la pratiquesacerdotale. Des assistants newars sontnommés pour la gestion des donations. Plustard, la dévotion des souverains ira jusqu'àcreuser des tunnels, étendre des bandes detissus entre le temple et le palais royal.Point névralgique de la représentation dupouvoir, Pashupatinath, par sa richesse dueaux très nombreuses donations, s’est aussitransformé en caisse noire de l’Etat. Face àla témérité des armées Gurkha de Privithi

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Shah, le Rois Jayuprakasa (1736-1769)n’hésitent pas à ponctionner le temple pourle paiement de ses mercenaires. Tout commeShamsher Rana (1863-1929), suite àl’abolition de l’esclavagisme, le rachat desesclaves aux propriétaires se fait par lacaisse de Pashupatinath. Aux vues de ces données historiques, lacontroverse des dirigeants maoïstes sur lagestion du temple s’inscrit dans une volontéde rupture avec l’orthodoxie hindouiste. Plusqu’une querelle religieuse, cette querelleest l’affirmation d’un nationalisme népalais.Au mois de décembre 2008, le gouvernementmaoïste enregistre le départ des prêtres sudindiens du temple de Pashupati. Le Premierministre en qualité de chef du « Pashupatiadministration directory trust », décide derompre avec la tradition, de nommer parordonnances des officiants religieux denationalité népalaise. Cette décisions’inscrit dans la continuité de ladestitution de la monarchie et bien sûr, muéepar une volonté, tout comme ses prédécesseursroyaux, d’un « contrôle » sur le lieu saint.Une levée de boucliers s’organise. Un recoursà la cour suprême est lancé par descommunautés religieuses. Le verdict est larestauration des prêtres indiens. Pourtant,le 1er janvier 2009, le temple de Pashupatiferme ses portes pour la première fois depuis800 ans. Le 2 janvier, le Premier ministre etle ministre de la Culture, forcent les

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cadenas, y introduisent les nouveaux prêtresnépalais, en opposition à la décision de lacour suprême. Militants et dévots seretrouvent face à face… En Inde, denombreuses manifestations se déroulent face àl’ambassade du Népal. L’effigie de« Prachanda » est brûlée, des sloganshostiles à la décision fusent. La directiondu parti traditionaliste hindou, le BJP,deuxième force politique du pays, condamnecette intrusion comme une offense à lareligion hindouiste. Stars de cinéma etpolitiques fustigent le gouvernement maoïstenépalais. L’ex-Roi du Népal sort de saréserve. Les rives de Bagmati se transformenten lieu d’affrontement, pas moins de 10blessés sont évacués aux portes du temple. Le5 janvier, lors d’une allocution télévisée,« Prachanda » s’accorde avec la décision dela cour suprême. Son arrêté ne critique pasla nationalité des prêtres mais leur manquede formation pour officier. Deux nouveauxprêtres hindous sont nommés. Quelques mois plus tard, suite à unequerelle sur la destitution du chef desarmées, les forces maoïstes quittent legouvernement. Une nouvelle coalition dirigele pays. Les prêtres sud indiens, eux,officient mais certains tombent malades,quittent leur service. Au mois de septembre,de nouveaux prêtres sont appointés par lePremier ministre, Madhva Kunar. Une nouvelleaffaire débute.

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A l’intérieur du temple, plusieursdizaines d’assaillants attaquent les prêtressud indiens. Une manifestation à l’extérieurperturbe la circulation. La policeintervient, les agresseurs sont arrêtés. Laresponsabilité d’organisations pro maoïstesest pointée. L’Inde, par l’entregent de sonambassade, s’offusque de ce dérapage violentanti hindou. Afin d’influer vers unepacification des esprits, le ministre de laCulture et le représentant de l’Unionindienne vont faire leurs dévotions au lieusaint. Les prêtres, eux, se disent prêts àplier bagages… L’opposition maoïste change de stratégie,elle s’attaque directement à la structureadministrative du lieu : « the Pashupatidévelopment trust », force les bureaux,moleste les employés. La crise est à soncomble. Une trêve est annoncée pendant lesfestivités religieuses. En aparté, lesmaoïstes disent tempérer leurs moyensd’action. Hors du gouvernement, les maoïstesinvestissent la rue avec une stratégie deblocage de toutes les activités du pays. Lesgrèves, occupations, voire émeutes, sesuccèdent. Ils arguent à ne plus entendreleur légitimité à gouverner pleinement. MrPushpa Kumal Dahal n’arrive pas à surmonterl’échec lié au remaniement des autoritésmilitaires.

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Le coup de force contre le temples’inscrit dans la volonté d’affirmationpolitique du parti maoïste.

6 - La chute du gouvernement La chute du gouvernement est étonnantesur plusieurs points. Elle s’est effectuéesuite au refus du président de la république,Ram Baran Yadav, de signer la destitution dugénéral Katawal demandé par le Premierministre. Mouvement anticonstitutionnel,autoritaire pour certains, la rue maoïstemanifeste énergiquement, mais aucun recours àune poussée autocratique n’existe. Cetteréflexion va aussi pour l’armée où la fin dugouvernement ne s’est pas soldée par un coupde force. Certes, un flottement a existé,l’incertitude était très palpable dans lacapitale népalaise. Y-allait-il avoir un coupd’Etat militaire comme la rumeur publiquel’affirmait. Une nouvelle coalition s’estformée, les maoïstes ont pris à témoinl’opinion, mobilisant massivement etlonguement leurs troupes pour l’obscurationdes travaux parlementaires, mais l’armée estrestée dans ses casernes. Ballotté, leprocessus de paix a maintenu le cap.L’origine de cette rupture vient d’undifférend entre le ministre de la Défense,Ram Bahadur Thappa et le général des armées,Kartawal. La discorde repose surl’intégration des combattants maoïstes dansl’armée. De son propre chef, le général

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Katawal refuse de démettre de leursfonctions, huit généraux et promeut unrecrutement de 2800 soldats hors de toutprocessus d’intégration des forces du PLA. Lereprésentant des forces loyalistes argue ladangerosité des combattants maoïstes, de parleur endoctrinement, la menace d'un contrôlede Mr Pushpa Kumal Dahal sur les services desécurité. Rupture idéologique ou combat entredeux hommes qui se sont connus sur le terrain? De 2003 à 2006, le général Katawal dirigela lutte contre les insurgés. Loyal au coupd’Etat de 2005, il s’engage dans l’une desheures les plus sombres de la guerre civile.Diplômé de nombreuses académies militairesindiennes, pakistanaises, anglaises etaméricaines, ce militaire à la carrièreéclatante, présent dans les forces onusiennesdu Liban, maintient sa loyauté à la défuntemonarchie. Les forces maoïstes, ses paysansrévolutionnaires armés, restent à ses yeuxdes troupes endoctrinées par un discours d’unautre âge, confondant le banditisme et l’artde la guerre. Mr Pushpa Kumal Dahal, lui, nedésire qu’asseoir son pouvoir. Réussir uncontrôle des forces militaires est une desclefs se son maintien au pouvoir, de salégitimité nationale. Le Président de la république juge quel’époque n’est pas propice, peut-être qu’uneremontrance aurait suffi. La réponse estrapide, démission du gouvernement, lesmaoïstes renouent avec une opposition de rue.

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Cette crise politique se situe aussi dans unechronologie intéressante. L’Inde se prépare àde grandes élections, la confusion des deuxcalendriers a suscité de nombreuxcommentaires. Une victoire du BJP, le partitraditionnaliste hindou, imposerait unerévision plus tendue des relations indo-népalaises. Une alliance avec les partisansde la monarchie hindouiste serait largementencouragée. Les attentats de Bombay et lacorruption des administrations laissaiententrevoir une défaite électorale du PartiCongrès et pourtant, ce fut le contraire. Unepolitique de dialogue fut maintenue avec leNépal. Cette main tendue se renoue avec lenouveau gouvernement népalais. Certes, lesanciennes élites du Parti du Congrès et lavieille garde de l’UML ont repris lesportefeuilles, mais dans une volonté d’uniténationale. Ils n’ont eu de cesse d’appelerles maoïstes à réintégrer le gouvernement. Unretour à la lutte armée aurait eu desconséquences extrêmement dramatiques.L’armée, certes soutenue par des forcesroyalistes, ne pouvait prendre le risque d’uncoup d’Etat en bonne et due forme. Il se peutaussi, suivant certains commentaires, que MrPushpa Kumal Dahal aurait préféré un retourdans l’opposition. Tenu par l’obligation, àune politique consensuelle, où la marge demanœuvre est réduite, où ses décisions degouvernance le froissent avec son appareilpolitique, l’opposition lui confère une

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réalité politique plus tangible. Fort d’unmaillage important dans la société civile, ilpeut à loisir encombrer la vie politique. Cesfameuses ligues fournissent une exclamationnécessaire. L’argument d’une tentative dedestitution de la jeune république maoïstepar un ennemi extérieur, pose un sourirepincé sur de nombreux visages Indiens. New-Delhi, face à la menace naxalite, préfère ungouvernement sans maoïstes. Même si les « 12agreement points » pour un retour à la paixont reçu la bénédiction de l’Inde, la logiqueprend le pas sur le bon sens. Il estdifficile d’entrevoir des relationsdiplomatiques avec un gouvernement étrangerqui promeut une idéologie jugée comme lapremière menace nationale sécuritaire. Tout comme les maoïstes népalais, lesinsurgés naxalites, dans le désordre de leursscissions, posent aussi la problématique despauvres parmi les pauvres, d’un recours àl’insurrection armée sous l’étendardmarxiste-léniniste maoïste. Le pied de nez del’arrivée démocratique des insurgés népalaisfit bien sûr frémir New-Delhi et denombreuses chancelleries occidentales. Lapremière visite officielle du leaderrévolutionnaire fut à Pékin et non à New-Delhi. Condamnant l’expansionnisme indien,les révolutionnaires ont su se créer desinimitiés. Cette provocation démocratiqued’une société à une autre ne peut pas non

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plus rayer d’un trait de plume, l’imbricationforte des deux cultures.

CHAPITRE V

LES PROBLEMES EN SUSPENS

1 - Les femmes Actives durant le conflit, au même titreque leurs homologues masculins, les femmesnépalaises ont su relever le défi de leuridentité. La tête haute, le fusil surl’épaule, elles ont paradé dans les villages.Plus qu’un paravent identitaire, elles sesont illustrées au front, ont porté le coupde feu contre les forces loyalistes. Simplessoldates ou officiers, elles ont démontréleur vaillance. Le retour à la vie civile futdifficile. La société hindouiste ne leurlaisse guère d’espace. Moins considéréesqu’une vache dans le cycle desréincarnations, battues par leurs époux,spoliées lors d’héritages, elles n’ont aucundroit. Toutefois, cette vue devient caduquesi l’on considère l’ensemble de la sociéténépalaise Il n’en reste pas moins que

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l’arrivée d’une fille dans une famille estsouvent perçue comme une malédiction. C’est cet arbre que l’on arrose dans lejardin du voisin. Le taux de parité hommes-femmes dans certaines régions, atteste unetriste réalité. La pratique courante del’infanticide. Une femme est une charge. Lapréparation de la dot va développer unestratégie d’épargne à long terme. Le mariage,cet arrangement entre deux familles, axé surune reconnaissance sociale rétribuée. Lajeune femme quitte sa famille d’origine pours’établir chez ses beaux-parents. La dot estun dédommagement pour le gite et le couvert.Les sommes engagées sont très importantes,incluant souvent le rafraîchissement annueldu trousseau. Les devoirs de l’épouse sont deconsidérer son époux comme une divinité.Alliant les travaux domestiques et agricoles,elle se doit de démontrer sa docilité à sabelle famille. Tout contact est rompue avecson foyer d’origine, elle n’est et ne vit quepour et par son mari. Elle ne porte ni aide,ni assistance à la vieillesse de ses parents,ce devoir revient au fils. De tellespratiques transpirent de dérives criminelles.Nombre de beaux fils laissent mourir de faimou assassinent tout simplement leurs épousesen vue de se remarier pour obtenir uneseconde dot. Lors du décès de l’époux, lesfemmes de hautes castes sont interdites deremariage. Si leurs belles familles ne lesacceptent pas, elles se retrouvent tout

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simplement sur les routes. Pour les autrescastes, un remariage est possible à conditionque la veuve n’ait pas plus de 25 ans. Deplus, les violences conjugales, les viols, nesont que très rarement pris en compte parl’autorité policière. Un arrangementfinancier prévaut à toute poursuitejudiciaire. Ces faits sont courants en Indeet au Népal. Mais ils ne sont pasgénéralisés. Plusieurs facteurs vont, avantl’insurrection maoïste, permettre aux femmesd’avoir un plus grand éventail de liberté.L’immigration économique d’un mari à Dubaï ouà Singapour, offre à l’épouse une autonomie.La vente des récoltes sur les marchés locaux,l’artisanat et même depuis peu, laconstitution de micro-entreprises, lespositionnent en actrices économiques actives.N’étant plus économiquement dépendantes deleurs époux, elles se repositionnent au seinde la société traditionnelle. Plus vives etplus actives, elles deviennent l'un desmoteurs de l'activité économique locale avecles responsabilités que cela impose. Près de3,4 millions de népalais vivent ettravaillent hors du territoire national.Cette immigration économique, outre sonapport financier, bouscule les termes de latradition. En observant les peuples des montagnes,le rôle de la femme change du tout au tout.Certaines minorités vivent en matriarcat.

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Certaines épouses ont plusieurs maris, lesfemmes sont libres dans la recherche departenaires comme chez les Sherpas. La vie enaltitude, les transhumances, forgent unpartage différentiel des rôles. Bien sûr, lerejet de l’hindouisme pour une pratiqueanimiste du bouddhisme modifie aussi laperception de l’individu au sein de lasociété. Il n’en reste pas moins vrai qu’audernier recensement de 2001, 80 pour cent desnépalais affichaient une ferveur hindouiste…L’incorporation des femmes dans l’arméemaoïste à hauteur d’un tiers des effectifs,est en soi révolutionnaire. Nombred’anciennes combattantes refusent d’arborerles signes de distinctions socialeshindouistes. Dans certains villages, lesveuves issues de hautes castes se sontremariées. La guerre civile a modifié lerapport social. Même si l'égalité des sexesfut énoncée par divers textes de lois, lesluttes armées l'a mise en pratique. C’est parcette impulsion que le gouvernement népalaisa fait adopter par le parlement en 2002, àl’unanimité des voix moins une, un texteautorisant l’avortement à 11 semaines et à 18semaines en cas de viol, d’incestes, dedanger pour la santé de la mère ou demalformation. Ce texte s’inclut dans desdispositions plus larges pour le droit desfemmes. Connues sous le nom du onzièmeamendement, ces dispositions redimensionnentle rôle des femmes dans la société. Le droit

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à l’héritage au même titre que les frères yest admis, tout comme le droit à lapropriété. Le partage des biens avec le mariprend forme. Les familles se doivent deporter assistance autant aux fils qu’auxfilles. D’autres articles punissent lesmariages entre enfants, le viol, même si sadénomination reste floue, le droit au divorcey est reconnu. Toutefois, certains manquespersistent. Les définitions sur le droit à lapropriété restent opaques, tout comme ledroit a l’héritage après le mariage… Le droità la maternité n’y est pas mentionné. Cesréformes sont le fruit d’un long combat. Peugarante du droit des femmes, la constitutiondu mouvement de 1990 associait les femmesdans son article 26, alinéa 9, aux maladesmentaux et aux handicapés physiques. Lesluttes de 1995, sous le joug d'avocatesféministe tentant de définir le droit àl’héritage, se sont brisées sur la dissensionet la fragmentation de lobbys. En 2001, leNépal signe la convention internationale pourl’élimination de toute forme dediscrimination envers les femmes. Un an plustard, ces nouvelles propositions sont àl’ordre du jour pour une révision du codecivil. L’égalité des sexes y est garantiemais dans les faits, les pressionstraditionnalistes demeurent. L’insurrectionmaoïste a modifié la donne, en imposant defait, cette parité dans son armée. Les 10années de conflits ont remodelé les rapports

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hommes-femmes vers une voie plus égalitaire.L’article 20 de la Constitution d’intérimrédigée en 2007 stipule clairement que« personne ne peut être discriminé parquelque forme que ce soit du fait quel’individu est une femme ». Le droit à lagrossesse y est reconnu. Les offensesphysiques ou psychologiques sont pénalisées.Le droit à l’héritage est équivalent pour lesfrères et sœurs. Aucune notification surl’âge ou le statut marital n’est mentionnée.L'article 13, alinéa 4, mentionne l’égalitédes rémunérations pour un travail effectuépar un homme ou par une femme. Le 20/05/2009,la cour suprême ordonne au gouvernementnépalais de mettre en application les lois de2002 garantissant un accès sûr et peu onéreuxaux services d’avortement. Démocratisée,l’interruption de grossesse peut, en toutesécurité et à moindre coût, se dérouler dansles zones les plus reculées du pays. Cettemodification des lois vient d’une pétitiondéposée auprès de la cour suprême par ungroupe choqué par le cas de Lakmi Dhika. Nepouvant exercer son droit dû au coûtexorbitant de l’interruption de grossessedans sa province ouest du pays, elle sutsaisir les associations et les forumsrevendiquant le droit des femmes pour fairevaloir son droit devant la cour suprême. Lamodification du texte de 2002 étendit demanière plus large, le droit à laprocréation. Le Népal devient le premier pays

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de la région à appliquer cette reconnaissancedu droit à donner la vie. Une autre problématique sociales’articule aussi autour d’un autre grandaxe : la consommation outrancière d’alcoolpar le peuple népalais. Contrairement à sonvoisin indien, où se faire servir une bièredans un restaurant relève bien des fois d’undéfi, la consommation d’alcool est libre auNépal. Libre dans les restaurants et àl’achat dans les épiceries. Les « wineshops » sordides avec leurs bancs alignés nesont pas de mise. Boire une bière ou unwhisky ne porte pas le sceau de l’infamie. Lalibre circulation de l’alcool est liée à unepratique culturelle. Dans les campagnes,chaque maison ou presque distille sa liqueur.Les légendes du yéti associent très souventcette créature comme un buveur effréné de« Chang » autrement dit de bière locale.Toutefois, l’alcoolisme est un très graveproblème. Touchant aussi bien les hommes queles femmes, ce fléau détruit des familles,fauche par sa médiocre qualité, des hommes etdes femmes dans la force de l’âge. Diversesenquêtes ont démontré que 50 pour cent desnépalais consommaient de l’alcool, dont 10pour cent quotidiennement. Plus grave que laconsommation de stupéfiants, cetteproblématique se doit d’être prise en comptecomme une maladie. L’administration maoïste aelle, et à l’instar de ses prédécesseursrévolutionnaires, instauré une campagne

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répressive prohibitionniste. La vented’alcool est interdite aux mineurs, sa venteen étalage nécessite une licence. L’horairede fermeture des bars est imposé à 23 heures.Les lieux de plaisirs connaissent un retourde bâtons. Les dance bars ferment les unsaprès les autres. La prostitution semi légaleest enrayée par les descentes de police.L’ordre maoïste s’impose. Il oublie ledevenir de ces danseuses et autres serveusesde charme, transpose un commerce légal versl’enfer de l’illégalité…

2 - La Justice Héritier du code de procédure de JangBahadur Rana, le code civil népalais peine àintroduire une voie démocratique dans sesinstances et ses pratiques. Rédigé en 1854,le « Muluki Ain » concentre une approchereligieuse pour la gestion des affairesciviles. Ce texte a certes le mérite de poserune somme là où il n’y en avait pas, maisl’outil s’avère très tendancieux. Prenantpour source la dharma hindouiste, le code deJang Bahadur expose l’impartialité du systèmede castes. Rigoureux, suivant l’orthodoxiehindouiste, ce texte du XIXème siècle apermis à l’oligarchie Rana d’imposer sadictature durant un siècle. Le « Muluki Ain »règle les rapports de castes avec le timbrebritannique, expose une vue sectaire etinégalitaire des rapports sociaux. De largespans de la société y sont absents. La

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liberté, l’égalité, la fraternité, restentune illusion européenne, un mirage. Le textene sera modifié qu’un siècle plus tard poursignifier notamment la suppression descastes. Il n’en reste pas moins que lesystème judiciaire népalais se confondparfois avec cette vieille rengainehindouiste imposée sur le socle del’inégalité. Tout comme la constitution de 1990, lepréambule de la constitution de 2007 tonnel’extrême nécessité de promulguer les droitsdes minorités tribales, indigènes, Madhesis,des basses castes et des femmes. Les notionsde prévalence d’une caste sur l’autre sontjugées illégales. Loin de se résumer à desprincipes de bon aloi, la constitutiond’intérim offre des outils d’unerestructuration revendicative de la viecivile. L’Etat se doit d’être le garant deslibertés et de porter aide et assistance auxplus démunis. Le droit des femmes est garantià égalité avec les hommes. L’héritage n’estplus soumis à aucune condition. Le travaildes mineurs est réprimé autant quel’exploitation des minorités ethniques etindigènes. D’autres outils offrent auxparlementaires et au gouvernement, les moyensd’une réconciliation nationale. Unecommission pour les droits de l’homme a lepouvoir de diligenter des enquêtes sur l’abuset la violation des droits fondamentaux. Sur

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présentation d’une pétition, elle active uneenquête à l’encontre d’une personne ou d’uneautorité. Cette commission a, de plus, ledevoir de pousser le gouvernement népalais àla ratification de traités internationauxconcernant le droit à la protection de lapersonne. Un droit de perquisition lui estouvert, elle peut auditionner des suspects,ordonner le versement de compensation auxvictimes. Chaque année, elle présente unrapport au Premier ministre, qui le transmetau parlement. La bonne gouvernance de l’Etat se doit desupprimer toute discrimination, qu'elle soitethnique, de caste, de genre, de langue, dereligion ou de culture. Le but étant de faireparticiper à l’exercice de la démocratie,toutes les composantes de la nation. Chaqueparti politique se doit d’avoir en ses rangs,toutes les composantes de la sociéténépalaise sans discrimination de caste, degenre, ainsi que d’être représenté dans lesrégions les plus défavorisées. Ces dispositions sont aussi présentesdans la constitution de 1990, mais enmoindres proportions. La monarchie y étaitmaintenue. Nombre d’articles faisaientréférence aux droits et privilèges dusouverain, à sa capacité de régner loin detout parlement et autres chambres par desordonnances. La constitution d’intérim de2007 est celle d’une république démocratique.

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Identique à la constitution de 1990, lesystème de trois juridictions y est maintenu.Une cour de district, une cour d’appel et unecour suprême. L’efficience de cette dernières’est déployée lors de nombreuses crisessurvenues durant la gouvernance maoïste. LePremier ministre a reculé dans la controversesur l’appointement des prêtres népalais autemple de Pashupati, par la volonté de lacour suprême. Outil de contestation, de contrepouvoir,la constitution d’intérim s’articule avec unespoir de liberté. Cette ouverture fut biensûr saisie par de nombreuses ethnies etautres minorités composant la mosaïquenépalaise. Chacun pose son droit de regardsur les garanties accordées par laconstitution d’intérim. La représentation dela pluralité ethnique est demandée, ainsiqu’une meilleure visibilité des femmes dansles appareils d’Etat. La justice, si elle a su démontrer uneindépendance vis-à-vis du pouvoir, n’a pasenrayé une dynamique passéiste. La nominationdes juges et des magistrats par le pouvoir,laisse peu de transparence à l’interrelationentre la justice et l’Etat. L’option d’unsystème électoral pour la nomination despersonnels de justice, n’en oblitère pasl’absence de toute corruption. Plus qu’unejustice basée sur un code, les différendsquotidiens se tranchent par un référent à unejustice traditionnelle. La destruction des

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édifices, l’absence de fonctionnaires pour laremise en selle de l’autorité, posentproblème. Une pacification complète desrégions, avec dans un deuxième temps, laréappropriation des territoires perdus,permettra de redonner vigueur à une entiténationale, à la notion de droit et dejustice. La guerre dans son cortèged’infamies laisse des manques destructeurs.L’inexistence des infrastructures decommunication plonge dans l’oubli des pansentiers du pays. Il n’en reste pas moins quela cour suprême étonne… Suite à un dépôt depétitions, le droit à l’homosexualité y estreconnu autant que les transgenres et lesmariages de même sexe, autorisés. Lesprérogatives de la Kumaïri y sont modifiées.La justice apostrophe le religieux, demande àmodifier les rouages d’un culte issu du fonddes âges. L’origine de l’incarnation vivante de ladéesse se confond avec l’adoration desvierges prépubères. Cette pratique sesituerait en Inde, il y a 2300 ans et vers le6ème siècle de notre ère au Népal. Soninclusion dans un récit mythique prend formevers le XVIIème siècle. Un soir, un Roi de la dynastie Mallajouait aux dés dans sa chambre. Soudain, unserpent rouge lui rend visite, il estaccompagné d’une femme magnifique, la déesseDurgua ou Taegu. Durant des nuits, ladivinité n’aura de cesse de visiter le

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souverain… Ensemble, ils joueront aux dés,discuteront des affaires du royaume. Aprèschaque départ vers le monde des dieux, Taeguimpose le plus grand secret sur sesapparitions. Intriguée par l’aparté nocturneroyal, la Reine décide d’y voir plus clair.Elle entrebâille la porte de la chambre dumonarque, y découvre la déesse. Surprise, ladivinité sur son départ, prend le temps deconfier au Roi qu’il existe une de sesincarnations au sein de la tribue newar, dansle clan des Shakyas (clan d’où provient lePrince Siddhârta). Pour la reconnaître, ildevra appliquer une longue série decritères : l'incarnation prend notammentforme à la chute de la première dent de laitet se termine à l’arrivée de la puberté.Ainsi, la première Kumaïri est découverte,portée en son palais. Elle conseille, guidela politique du royaume. Chaque année durantla fête d’Indra Jantra, elle remet lespouvoirs aux souverains pour une durée d’unan. A défaut de Rois, elle bénit le Premierministre. Vivant comme des recluses, ayant souventà vivre un retour difficile à la vie profane,nombre d’anciennes Kumaïri affichent desséquelles émotives importantes. Un groupe depétitionnaires issu de la société civile adéposé un texte devant la cour suprême. Aprèsexamen, la décision fut prononcée. Aucuntexte ne mentionne l’interdiction dumouvement de la Kumaïri, de son choix de

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régime alimentaire, de son droit àl’instruction. Conformément aux chartesinternationales du droit de l’enfant, latradition doit s’obliger. Quant aux gardiens du palais, ils se sontmis en grève, interdisant l’apparitionquotidienne à la fenêtre de la divinité,suspendant les audiences. Leursrevendications visent à dénoncer la cherté dela vie… Tout comme Pashupatinath, la traditiondes Kumaïri fut bousculée. L’administrationmaoïste en ligne avec la représentationroyale du pouvoir, s’est approprié une autresymbolique du pouvoir. Dans cette logique demarquage des zones de pouvoir, une sphère àhaute résonance symbolique va affirmer lamutation de la société népalaise. Une autredécision de la cour suprême rend illégal leserment en hindi. Le Premier ministre UMLjure une seconde fois en népali. Cet actesymbolique affirme l’identité népalaise horsde toute tutelle indienne. La justice,engluée dans le chaos postrévolutionnaire, sedémarque comme un contrepouvoir effectif.Symbolique, mais efficace par ces gestes,elle offre à la vie politique une ouverturevers plus de maturité. Même si d’énormesmanques sont flagrants, si l’impunité descrimes durant le conflit attire le regard desobservateurs internationaux, si la corruptionet l’agrément prévalent, elle tente de se

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maintenir vers une politique de conciliationet de paix.

3 - L’éducation L’éducation au Népal fut toujoursballottée entre une politiqueinterventionniste forte de l’Etat et undélaissement suivant la qualité des régimes.Une étude de 2001 démontre que près de 53pour cent de la population est alphabétisée.De fortes disparités existent entre lesvilles et les campagnes, les hommes et lesfemmes. 26 036 écoles primaires, 11 639écoles secondaires sont disséminées sur leterritoire. Le taux de fréquentation desenfants en âge d’être scolarisés est de 80,4pour cent, il tombe à 20 pour cent pourl’école secondaire. Les besoins de maind’œuvre pour les travaux agricoles et le coûtd’une scolarité étendue en sont la principaleexplication. Les études supérieures sontessentiellement réservées à une élite quisouvent, part à l’étranger parfaire saformation. Longtemps interdit, perçu commeune menace de la stabilité politique, lesystème éducatif fut délaissé durant 100 ans.A la fin du régime des Ranas en 1951, moinsde cinq pour cent de la population masculineétait alphabétisée. L’oligarchie durant un siècle n’ouvritles portes de ses collèges qu’à ses prochesou favoris. Une seule université existaitdans tout le pays. L’un des premiers

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chantiers du retour des forces démocratiquesfut de proposer une école ouverte à tous, ense focalisant sur la nécessité de promouvoirles écoles primaires. D’immenses effortsfurent déployés pour porter la connaissanceaux régions les plus reculées. De nombreuxvolontaires soutenus par l’Etat relevèrent ledéfi. En 1955, un plan nationald’alphabétisation décrète un programme descolarisation pour tous, étalé sur 25 ans. Endeux ans, 2100 écoles primaires sortent deterre. Un an plus tard en 1960, le retour àl’autoritarisme par le coup d’Etat du RoiMahendra, bloque le processus. Seules lesinitiatives locales continuent, sans l’épaulede l’Etat. Son fils, le Roi Birendra, annonceen 1971 le « National Education SystemPlan ». Formé à l’étranger, le nouveausouverain désire constituer une nouvelleélite de petits entrepreneurs et detravailleurs qualifiés. L’immense chantierd’un accès universel à l’école primaire estréactualisé. La monarchie veut produire sessujets, l’école se doit d’incarner lesvaleurs de la monarchie, le nationalisme, lafoi en le système des panchâyats. La couronnedéveloppe une politique interventionniste.Les professeurs et autres personnelsscolaires sont fonctionnarisés. Tropenthousiaste, ne prenant pas à bras le corpsles réalités socio-économiques du pays,l’impulsion initiale du souverain

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s’essouffle. L’effet contraire prend forme,étudiants et professeurs n’hésitent pas àdescendre dans la rue pour dénoncer lerégime. Les élites, elles, jugent la qualitéde l’enseignement et la gestion desétablissements publics, peu satisfaisants.L'élite commence à créer ses propres écoles,et surtout, continue de former ses enfantsdans les universités étrangères... Lapolitique éducative est délaissée au secteurprivé. Cette libéralisation va engendrer unefloraison d’écoles primaires, secondaires etde lycées. Payantes, essentiellementurbaines, ces nouvelles structures vontconcurrencer l’Etat et former les nouvellesélites. Le mouvement démocratique de 1990contrebalance cette ultra libéralisation dusystème de l’éducation. Le slogan "éducationpour tous" est de retour. Le Népal signe laconvention internationale des droits del’enfant, promulguant comme droitfondamental, l’accès au savoir. Maisl’instabilité politique des différentsgouvernements enrayent les volontéspolitiques universalistes. Dans ce chaos institutionnel, lesétablissements privés vont renforcer leurspositions. L’absence de programmes et decohésion d’une ligne politique nationale, valaisser le secteur privé libre de gérer sesétablissements, tant au niveau del’enseignement, que de la rémunération desprofesseurs et des droits d’inscription.

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Depuis leur entrée en rébellion, lesinsurgés maoïstes ont, par des actessignificatifs, démontré leur réprobation àune politique privée de l’éducation.Assassinant des professeurs, dévastant desétablissements, ils ont affirmé par la force,leur opposition. Stigmatisées commebourgeoises, réactionnaires, révisionnistes,les écoles privées ont dû se soumettre auxdiktats de leurs fusils. Leur victoireélectorale a modéré l’utilisation detactiques violentes, tout en n’abjurant pasla volonté de supprimer tous lesétablissements privés. Un système scolairepublic est un système d’enseignement gratuitet de bonne qualité. Un comité d’évaluationdes écoles est créé, les établissementsprivés définissent le coût de la scolarité enfonction du coût global de l’élève. Une étudesur la pertinence d’une distribution delicences est étudiée. Malheureusement, cesannonces restent de vœux pieux. Une fois deplus, l’instabilité du pays rend difficile lemaintien d’une politique éducative cohérente. La vétusté des locaux, les mauvaissalaires, le sous-effectif des professeurs,la surcharge d’élèves, le manque de matérielet bien sûr, l’instabilité politique, sontautant d’embûches à la délivrance d’uneéducation de qualité. Loin de prolonger lesexpériences populaires des zones deguérillas, l’administration maoïste met enavant un cycle de réformes ambitieux.

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Education gratuite, obligatoire, éradicationdes écoles privées, dispenser unapprentissage fonctionnel lié aux reformes dupays, harmonisation des manuels et programmesscolaires. Les 9 mois de gouvernance maoïsten’ont fait qu’énoncer des grands principes…Dans le désordre politique, l’éducation estdevenue un hameçon partisan. Privatisée, elleattire les classes supérieures dans le girondes groupes privés. Politisée, elle incarnel’espoir d’une société meilleure, setransforme en un réservoir de voixpotentielles. Les maoïstes, s’appuyant surles basses castes et autres groupesminoritaires, ont su durant la guerre civile,utiliser ce levier. Encore après leur départ du gouvernement,ils potentialisent leurs organisations sœurs.La Ligue des Jeunesses Communistes dispensecertes des cours de combats rapprochés, maisaussi et surtout des cours d’alphabétisation,des formations qualifiantes. Cetteorganisation tristement célèbre par sesviolences, existe et attire surtout par lesopportunités qualifiantes qu’elle propose àune jeunesse désorientée. Dans ce fatrasbouillonnant, en octobre 2009, le ministre del’Education dresse une feuille de route pourune alphabétisation pour tous. Réaffirme savolonté de construire une université àNepālganj. La moitié des élites népalaises estformée dans les universités indiennes de New-

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Dehli, Bénarès ou Bangalore. La diasporanépalaise représente 3 millions de personnesen Inde et près de 200 000 à 400 000 indiensvivent dans la vallée de Katmandou. Laculture de masse de Bollywood peuple leséchoppes des bazars. Les deux tiers desimportations de biens manufacturésproviennent d’Inde. Aussi loin que remontent les chroniquesvédiques, il y a près de 4000 ans, des sageshindous venaient méditer sur le flanc desmontagnes népalaises. Des saints, prophètes,ont foulé ces terres. Berceau religieux parexcellence. Le Prince Gautama Siddhârta, fils dusouverain de Kapilavastu du clan de Cakya,naît à Rummindei ou Lumbini en 556 avantJésus Christ. Il se fait appeler aussiBouddha. Une nouvelle religion s’étend surtout le subcontinent indien, avant deparcourir l'Asie. Jusqu’au IXème siècle aprèsJC, le Népal est une terre bouddhiste. Unrevirement hindou va s’opérer par lacoordination de plusieurs facteurs, unealliance entre certaines sectes bouddhistesavec de nouveaux prêcheurs hindouistes etsurtout un flux migratoire dû aux invasionsmusulmanes... L’élite du nord de l’Indedemande asile avec dans ses bagages, unevolonté d’hégémonie sur les tribus locales,l'institution d’un code de conduite suivantl’orthodoxie hindouiste. EssentiellementBrahmine ou Ksatriyas, cette population en

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exil s’impose. Sa stratégie est simple,favoriser les intermariages avec les pouvoirsen place tout en assouplissant le système decastes afin de s’appuyer sur les chefspolitiques locaux. Le Népal va se morceler en petitesprincipautés interconnectées, divisées endeux groupes. La "Basi Confederation"regroupant 22 principautés situées au centredu pays et la "Chaubisi Confederation",située au sud et à l’ouest et incluant 24principautés. L’identité hindouiste est leliant, le fer de lance du futur nationalismenépalais incarné par Prithivi Narayan Shah.Le royaume des purs, avec à sa tête, un Roi,incarnation du Dieu Vishnu. La sociétéindienne importe son mode de vie,s'assouplit, absorbe les traditions locales.L'Inde est le lointain pays d’où l’on vient,qui au gré des invasions a perdu son identitépropre. Le Népal incarne cette résistance àl’impur. Les minorités, elles, représententces peuples des montagnes, inconnus etpotentiellement dangereux.

4 - Les relations avec les deux grands géants: l’Inde et la Chine Il est vrai que New-Dehli a vu depuisquelques mois, sa sphère d’influence sur lajeune république népalaise se réduire en peaude chagrin au profit de la Chine. Le nouveaugouvernement UML n’est pas non plus proIndien. L’ajustement des rapports de force a

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réussi, jusqu'à maintenant, à préserver leprocessus de paix. Le pays dans son chaospolitique maintient la volonté de continuerd’aller vers une société fédérale,républicaine et démocratique. Il estdifficile de briser les liens qui unissentles deux pays. L’arrivée de la composante maoïste dugouvernement d’intérim suscite l’effroi dansles arcanes de la vieille diplomatie népalo-indienne. Fustigeant le système de castes, lamonarchie hindouiste, les accords de 1950, lapolitique étrangère maoïste se veutoffensive. Les accords indo-américains avecl'administration Bush fils sur un package detechnologie nucléaire, le maintien del’inscription des formations maoïstesnépalaises sur la liste des organisationsterroristes internationales empoisonne lesliens entre New-Delhi et Katmandou. Mais plusqu’un lien, les charnières entre les deuxpays tiennent. L’histoire, l’économie, laculture, se répondent depuis des siècles. Lefameux traité de 1950 tisse des liens fortsentre les deux pays. Largement critiqué poursa prévalence indienne, ce traité impose àKatmandou un droit de regard de New-Dehli sursa politique étrangère et militaire. Droittrès contesté par l’administration maoïste.Selon les vues de Nehru, le contrôle de labarrière himalayenne est vital. Le Népal estl’ultime tampon face une menace chinoisepotentielle. Durant près de 50 ans, le cap va

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être maintenu, s’effilochant au cours desdécennies. L’Inde n’en restera pas moins lepays du repli, l’allié indispensable à lachute de l’oligarchie Rana. Les opposants àla royauté hindouiste y sont formés dans lesmeilleures universités, les démocrates ytrouvent refuge. Ces largesses ont un prixélevé, l’omniprésent droit de regard de New-Delhi. Une première fronde survient en 1990avec une révision du traité de 1950. L’alarmeest donnée en 1999 avec le détournement d’unavion de l’Indian Airlines depuis Katmandouvers Kandahar. Le système de sécuriténépalais est poreux, une menace tangible estdémontrée. Un avion kamikaze au départ deKatmandou peut toucher Kolkatta ou Bombay… Ladéfaillance des frontières aériennes ne faitque confirmer le chaos des frontièresterrestres. Longues de 1600 kilomètres, elless’étendent comme une vaste brèche pour tousles trafics, l’entrée et la sortie demilitants, voire de terroristes. Aux yeux decertains diplomates Indiens, le Népal setransforme en une base arrière d’activitésanti-indiennes. Les puissants servicessecrets pakistanais sont pointés du doigt :diffusion de pamphlets, soutien aux groupesindépendantistes de la « chicken neck »,provinces du nord est de l’Union indienne,organisation de madrasas. Un autre argument :la profusion de fausse monnaie transitantentre les deux pays. Près de quatre coupuressur mille, de billets de mille roupies

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indiennes, sont fausses. L’ampleur duphénomène est inquiétante, les commerçantsnépalais décident de les refuser lors detransactions. Une autre menace existe : la symétrieidéologique entre les maoïstes népalais etles naxalites. Certes, l’arrivée au pouvoirdes insurgés menés par « Prachanda », futvécue par ses homologues Indiens comme unetrahison, un écart révisionniste… Aux vues des défis sécuritaires, l’Indeprend l’initiative. Les ministres del’Intérieur des deux pays se rencontrent pourrenforcer les contrôles frontaliers. Lesaccords sur les barrages hydroélectriquessont revisités, les liens commerciauxs’intensifient avec des facilitésadministratives pour des ressortissantsIndiens d’investir dans certains secteurscomme le tourisme… L’absolue nécessité de privilégier desrelations diplomatiques avec le Népal seheurte à la politique de main tendue enversla Chine, de Mr Pushpa Kumal Dahal. Al’encontre d’un protocole inavoué, lapremière visite du Premier ministre népalaismaoïste fut à Pékin et non à New-Delhi.L’intérêt stratégique de ce petit pays attiredes espérances chinoises sur la gestion de laquestion tibétaine. Depuis l’entrée des troupes de Pékin àLhassa en 1956, le Népal s’est transformé enune terre d’asile et de transit pour les

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réfugiés tibétains. Le quartier de Bodnaths’est, au fil des ans, imposé comme un deshauts lieux de résistance. Les monastères,ONG et réfugiés y foisonnent. Près de 20mille d’entre eux s’y sont installés. Lesagences des Nations-unies leur portentassistance. Pour les plus jeunes arrivants,un titre de séjour temporaire leur estoctroyé ainsi qu’une faible allocation. Enaucun cas ils n’obtiennent un statut deréfugiés politiques sur le sol népalais. Leurprochaine destination : Dharamsala en Inde dunord, capitale politique du gouvernementtibétain en exil ou ailleurs, là où un proches’est installé. Sur le sol népalais, lesressortissants tibétains de longue date n’ontpas accès à la nationalité népalaise. Tousles ans, ils se doivent de renouveler leurstitres de séjour. Le gonflement régulier duflux migratoire irrite Pékin. Lieu detransit, le Népal s’est mué en une base decontestation antichinoise virulente. L’échodes émeutes de Lhassa de 2008 y prit uneforte résonance. La répression brutale destroupes chinoises y fut rapportée au-devantde l’opinion internationale. Ce portd’activités subversives à quelques centainesde kilomètres de la frontière chinoise permetla collecte et la diffusion d’informations.C’est autour de cette question que toutes lesnégociations interétatiques vont s’articuler.Un premier tour de vis est donné en avril2008, puis en août, lors de l’organisation

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des jeux olympiques par Pékin. La policenépalaise embarque à tour de bras, lesmanifestations sont réprimées. L’oppositionantichinoise est muselée. Instrumentaliséedans les années 1960 par la CIA, lacontestation tibétaine s’est aveuglée sousl’autel de la Realpolitik. Ces commandostristement célèbres « des guerriers debouddha » ont échoué dans le sang. Lerapprochement de Nixon avec Pékin mit unterme à cette aventure. Il persiste,aujourd’hui, un contact amer avecl’administration nord-américaine par lefoisonnement d’ONG. La cause tibétaine resteun levier diplomatique important pourWashington. La Chine fut plus qu’énervée lorsde la gratification du Dalaï Lama, de lamédaille d’or du Congrès nord-américain parl’administration Bush fils. Réaffirmant avec pugnacité sonintransigeance sur la question tibétaine, laChine ne peut pas revivre des expériencessimilaires. Octobre 2009, les rencontressino-népalaises établissent une plateformecommune d’une politique sécuritaire desfrontières, en préambule à toute autrenégociation… Le gigantesque château himalayen faitrêver Pékin et New-Delhi. Les enjeux sonténormes. Dans l’ivresse de leurs croissances,l’Inde et la Chine intensifient leurscollaborations avec la jeune républiquehimalayenne, accords de transferts de

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technologies et de connaissances, accordscommerciaux sur les droits de douanes etventes d’armes à la barbe de l’un ou del’autre. L’Inde applique une stratégie dedétente, accepte la révision des accordshydrauliques, commerciaux, tente par tous lesmoyens de garder sous son aile, ce partenaireindispensable. La politique de bascule d’ungéant à un autre remet en cause le principede zone neutre, défendu par le Roi Birendra.La gestion de l’engagement dans un camp ouun autre, influe sur la position de nonaligné du Népal. Existe-t-il une proximitéidéologique entre Pékin et Katmandou ? Une réponse affirmative est une vue del’esprit, des relations commerciales fortesexistant déjà avec la monarchie et notammentpour des fournitures militaires. L’un desmoteurs des relations sino-népalaises estl’affirmation d’un nationalisme dégagé de lacontrainte indienne. Cette voie diplomatiqueest sinueuse, à terme elle peut irriter sesdifférents partenaires. Maintenir laneutralité du Népal est un atoutindispensable à la stabilité de la région. Dans ce climat de double jeu, les Etats-Unis, embarrassés par l’arrivée au pouvoird’un groupe de terroristes, décident de bâtirune seconde ambassade à Katmandou, la plusgrande d’Asie du sud.

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CHAPITRE VI

VERS UNE INTERNATIONALE MAOISTE

1 - Le naxalisme indien : origines etfondements L’émergence de groupes armés d’extrêmegauche sur le Subcontinent indien n’est pasrécente. Le premier sursaut révolutionnairemarxiste-léniniste, pro maoïste a lieu en1948, dans le district de Telegana en Inde,région faisant alors partie de la principautéd’Hydrabad. Armés de tout et de rien, despaysans usés des pratiques locales, attaquentles propriétaires terriens, en tuentcertains. Redistribuent les terres et surtoutdétruisent les cadastres et les livres decompte. Durant de longs mois, disséminés surune superficie de 44 000 Km carrés, 3000villages vont établir, sous l’impulsion duparti communiste indien, des "social mirs" end’autres mots des soviets. Le « nizâm »,despote local, se doit d’intervenir mais ilse heurte à une résistance armée. Constitués

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en escouades, les insurgés vont fortifierleurs positions. Des troupes sont organisées,la guerre populaire se met en mouvement. Laconstitution d’une Inde indépendante, hors dela tutelle britannique, freinera le toutrépressif. Ce statu quo durera quelques mois.L'entrée de la principauté d’Hydrabad dansl’Union Indienne provoquera la chute de larébellion. L’armée de Dehli interviendra sansaucun ménagement. En ce 25 mars 1967, un soulèvementsimilaire se produit à Naxalbari. L'étincellevient d'un fait divers. Un homme de bassecaste est attaqué par des propriétairesterriens. Son crime : avoir gagné un procèspour conserver sa terre. Armés de faux et dehaches, des milliers de paysans prennentd'assaut les réserves de blé, les propriétés« des classes ennemies ». L'Inde se réveillebousculée par cette jacquerie, qui deviendral'événement crucial d'une guérilla longue etsanglante. Les postes de police sont envahis,les armes confisquées. Le naxalisme est né,il va porter le feu dans toute l’Inde, au nomdu marxisme-léninisme, pro maoïste. Forted’une armée de 11 mille hommes, soutenue parune milice comprise entre 50 et 100 millepersonnes, défendant les plus pauvres despauvres, cette guerre civile larvée vacommettre des milliers de crimes. La Chineapplaudit le soulèvement de Naxalbari, sanstoutefois fournir une assistance directe auxinsurgés. Pékin vient de sortir d’un conflit

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territorial avec New-Delhi. Elle s’appuie surcette ligne diplomatique frileuse. Plusieursleaders laisseront entendre qu’il existe unapport logistique et financier, mais ne leconfirmeront pas. Les disparités économiques, la culture decastes, l’immensité géographique, définissentun terreau favorable au soulèvement. Qu'ilssoient issus de basses castes ou depopulations tribales, près de 400 millions depersonnes vivent avec moins d'un dollar parjour. L’accès à l’eau est l’une desdifficultés majeures. L’éducation, lesinfrastructures routières, sont en certainesrégions, quasi inexistantes. Criminalisé dansla constitution indienne, le système decastes perdure. Cette discrimination au nomde principes religieux, peuple les rubriquesde faits divers des grands quotidiens. Tousles ingrédients pour une insurrectionpopulaire sont présents. Les ténors de ce mouvement, CharuMajumbar, Kanu Sanyal et Kanai Chatterjee, necomptent pas en rester là. Un nouveau particommuniste prend forme dans un premier temps,sous le nom d'une association, « All IndiaCoordination Committee of CommunistRevolutionary », puis sous celle d'un partien tant que tel, le CPI (ML), dirigé par laforte personnalité de Charu Majumbar. En1972, ce dernier est arrêté, il meurtquelques jours plus tard dans uncommissariat. La répression est terrible, on

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compte près de 30 000 prisonniers politiques.Une pétition internationale est rédigée enleur faveur. Des intellectuels tels que NoamChomsky ou Simone de Beauvoir y apposentleurs signatures. Tout au long de sondéveloppement, le mouvement naxalite va sefragmenter en de multiples factions où lesquerelles de chasse gardée et l’intérêtpersonnel priment. Mais des rupturesidéologiques existent entre les partisans dela lutte armée pure et dure, entre leschantres de l'action terroriste ciblée et lespartisans modérés d'une conquête du pouvoirpar les urnes.

Trois courants majeurs émergent:

Connu sous l'appellation « DaskshinDesh » dès 1966, ce groupe fut actif sous laforme d'une lettre d'information dénonçant lerévisionnisme du parti communiste indien touten revendiquant une nécessaire insurrection.Une personnalité pointe : Kanai Chatterjee.Conscient que la lutte armée appuyée par unemobilisation des masses est la seule issueréaliste et qu'une campagne d'attentats neproduit rien, Chatterjee va se poser en porteà faux avec l 'ACCCRO, futur CPI (ML), encréant son propre courant.

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Bien implanté, faisant preuve d'une bonneorganisation, le futur MCC (Maoist CommunistCenter) compte dans les années soixante-dix,près de 37 escouades. En 1975, le mouvementprend officiellement le nom de MCC. Sesactivités s'étendent de l’ouest du Bengalevers le centre du Bihâr. En 1980, une tentative de rapprochementavec d'autres groupes est explorée. Unpremier round de discussion a lieu sansgrands résultats. Quelque temps plus tard,Chatterjee meurt. Une guerre de successions'ensuit, le groupe tient bon. Une force de500 hommes avec près de 10 000 milicienscouvre son territoire. L’organisation estpyramidale comme toute structure communiste.Peu présent dans la vie civile, le MCC estavant tout un mouvement combattant. Au vue deson implantation ancienne dans la région duBihâr, il va faciliter la construction decamps d'entraînement, de bases de repli,avoir une position pivot lors del'insurrection maoïste népalaise. Grâce à ces« zones autonomes » constituées, le MCCdevient l'un des plus importants groupes dela mouvance maoïste. Afin de consolider sesbases, une première refonte a lieu en 1993avec le CPI (ML), le People's Ward Group(PWG) et le CPI (ML) Party Unity, sousl'appellation de « All India People'sForum ». Réuni en 1994, ce forum présenteraplus de 100 000 participants. Dans cet éland'adhésion, le MCC incorpore quelques années

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plus tard, de nouveaux groupes, le CPI (ML)Second Communist Committee et leRevolutionary Communist Center of India duPendjab pour les plus importants. En 1980, deux autres groupes s’imposent :le CPI (ML) Unity Organisation All LiberationFront et CPI (ML) People’s War Group, dirigépar Seetharamaiach. La ligne politique deSeetharamaiach maintient l’éliminationdirecte des représentants de la « classeennemie », tout en appuyant la constitutiond’organisation de masse, sans pour autantopter pour un front démocratique. Le CPI (ML)Unity Organisation All Liberation Fronts’éloigne de cette optique. L’optiondémocratique est envisagée en 1989. Le CPI(ML) Unit All Liberation Front reportera unpremier succès législatif dans la province duBihâr. Il va sans dire que l’entrée de cettemouvance naxalite dans l’arène politiqueprovoquera un énième schisme… Le PWG restelui, dans la clandestinité. L’organisation vacontinuer à évoluer avec une gestionbicéphale, un front politique et un frontmilitaire. Les instances décisionnelles sontdédoublées sur un principe pyramidal. Sabranche armée, le PLGA, se compose de près de3000 hommes, et de plusieurs milliers demiliciens. Équipés d’armes saisies surl’ennemi dans un premier temps, puis via letransit classique de petits calibres etd’armes légères dans un deuxième temps. LePLGA va aussi développer des centres de

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productions artisanales de fabrication demunitions, de mines, d’armes à feu. A titred’exemple, la police de Madras saisit 875roquettes de factures artisanales dans lesannées 2006. Le PLGA, avec le bras armé duMCC, représente l’une des forces les plusprésentes sur le front naxalite. La qualitéorganisationnelle de ses troupes et surtoutson implantation très forte dans la viecivile par une myriade de structuresrevendicatives, le pose comme un acteurpolitique majeur. Un troisième bloc de la lutte naxaliteprend forme en juillet 1992 : le particommuniste indien (marxiste-léniniste)Janashkita. Il se compose de la réunion de 7factions. Développé par Chandrapulla Reddy etT. Reddy, figures historiques du mouvementnaxalite, la ligne s’organise autour d’uneréflexion où les organisations de masses,syndicats, ligues de la jeunesse, sont lespiliers d’un soulèvement populaire. Le chemindes urnes n’est pas omis. En 1994, descandidats du parti sont visibles auxélections législatives de l’Etat d’AndhraPradesch. Cette tempérance de la lutte arméeprovoque bien sûr une scission consommée en1996. Plus tard, un éclatement fractionnerace groupe en sept tendances dans laquelle lalutte armée sera la ligne dominante. Lastratégie se doit de cibler des objectifsforts dans une logique de défense tactique.En 2003, le Janashakti CPI (ML) se réoriente

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vers l’action violente. Toutefois, desdésaccords persistent concernant la gestiondu parti. L’une des factions est accuséed’opérer une gestion financière peuorthodoxe. Un assassinat fratricide estconsommé en 2005. Ce coup de force raffermitles positions sans pour autant imposer unralliement sous une bannière commune. Descissions en sous factions, les groupes sefont et se défont. Aucune accointance n'existe avec le CPI(M), ensemble regroupant le plus grand nombrede factions naxalites disséminées dans toutle pays. Les divergences se confondent dansune lutte de territoires. Idéologiquement,l’un comme l’autre ont abandonné tout espoirdans une lutte parlementariste. La voie desarmes est seule et unique. Le CPI (ML)Janashakti est présent dans seulement troisEtats mais défend, bec et ongles, sa chassegardée notamment Telegana, lieu historique dusoulèvement maoïste. Une entente cordialeexiste avec les autres mouvements. Elle s’estmanifestée en 2004, lors du processus de paixlancé dans l’Etat d’Andhra Pradesch, par undocument ratifié des composantes majoritairesnaxalites : le PWG, le MCC et le CPI (ML),Janashakti. « Nous affirmons que seule lalutte armée défend les intérêts du peuple.Elle incarne la voie d’une prise deconscience des masses, le seul cheminementvers le pouvoir ».

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Face à l’impossibilité d'offrir desgaranties sur les premières exigencesmaoïstes, à savoir une redistributionéquitable des terres, les pourparlers de paixn’ont été qu’un premier pas infructueux d’unesolution pacifiée. Quelques mois plus tard,l’un des signataires, leader du CPI (ML),Janashakti, sera abattu par la police. Les deux plus anciennes composantes,respectivement le PWG et le MCC, se sontrapprochées le 21 septembre 2004 sousl’appellation du CPI (ML). L’annonceofficielle de refonte du mouvement fut faitele 14 octobre 2004, lors des pourparlers depaix en Andhra Pradesch. Cette union est le fruit d’une longuepréparation au parcours sinueux. Déjà en1981, les dirigeants des groupes se sontrencontrés. Ressentant l’urgence d’unefusion, durant près de 12 jours, ils en ontétabli les prérogatives. Quelques mois plustard, le leader du PWG tombe grièvementmalade, son homologue du MCC meurt. Les deuxgroupes vont se distancier jusqu’auxévènements tragiques de la fin des années 90.Rupture idéologique, gestion des territoires,le naxalisme se confond avec le gangstérisme.Une guerre fratricide saigne le mouvement,plus d’une centaine de cadres sont abattus.Cette page sanglante de l’histoire de laguérilla incitera à une collusion entre lesdifférents groupes. Revenant sur ces annéessanglantes, les cadres du PWG évoqueront une

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approche non prolétarienne desproblématiques… Le MCC fait un premier pas en 2000, avecla proposition de cessez-le-feu. Les basesd’un dialogue sont jetées. A la fin de lamême année, une série d’actions communes estmenée. La politique répressive de l’Etat,avec l’instauration du « Prévention ofTerrorism Act », ne fait qu’accentuerl’urgence d’une fusion de tous les groupesnaxalites. Le PWG affiche clairement savolonté d’unifier sous son aile près de 40factions différentes. L’année 2003 pose lesbases d’une coopération. Cinq documents sontproduits, le programme marxiste-léniniste, lastratégie, les tactiques, les résolutions,tant au niveau national qu'international...Le rythme des discussions est maintenujusqu'en 2004 où un accord final est rédigé.Traduite en près de 10 langues, cetteplateforme commune pose comme ligne de force,le refus catégorique de tout investissementde la sphère parlementaire. L’élimination dela « classe ennemie » est l’une despriorités. L’attentisme traditionnel de laligne de Moscou est balayé, le soulèvementnaxalite se doit d’être une lutte marxiste-léniniste, pro-maoïste. Les actions sedéplacent, d’une approche au cas par cas,(éliminations physiques, appropriations desterres…) vers une stratégie d’ensemble deprise du pouvoir par les armes.L’intensification radicale des opérations

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militaires se planifie. Dénonçant lapolitique d’intégration de la nationalitédéfendue par New-Dehli, un soutien ferme etappuyé est affiché aux groupesrévolutionnaires indépendantistes actifs surle territoire indien. Pratiquement, les deux mouvements allientsur le terrain une puissance de feu de 7 000hommes avec un arsenal d’armes de petitscalibres de 6 500 pièces. Cette lutte avecdes moyens renforcés, permet aux insurgés deconstituer des zones libérées où uneadministration se substitue à une autre. Elleleur permet également d'être mieux préparésaux incursions des forces gouvernementales.L’organisation militaire se constitue entrois axes, « the basic level » ou « dalam »,unité de 8 à 10 combattants spécialisés dansle dépôt de mines et d’attaques surprises.The « secondary level » pratique les levéesd'impôts révolutionnaires auprès de négocesforestiers de bois, d'ivoire et auprès despropriétaires terriens… Enfin, « the advance force », groupes deplusieurs dizaines de combattants, assurantla protection des zones libérées etmobilisables pour des actions d'envergure.Cette organisation de force militaire estdéfinie sur un modèle centralisé d’une chaînede commandement classique. Des escouades detrois à cinq personnes rendent compte à desdivisions locales, qui dépendent de pelotonsde districts, subdivisés en force d’attaque

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et de défense. En d'autres termes, unpolitburo constitué de 14 membres permanentset de 6 temporaires, transmet une lignepolitique à des bureaux régionaux. Cesderniers la diffusent au sein de chaque Etat,qui la transmet aux districts, pour qu'ellesoit diffusée dans les villages. Une direction centralisée offre plusieursavantages :

- Une coordination de troupes sous uncommandement unique pouvant opérer desactions d’envergure avec lamobilisation de plusieurs centaines decombattants dans différents Etats del’Union indienne.

- La mise en commun d’un réseau decentres de fabrication artisanaled’armes, de munitions, d'explosifs sousforme de gélatine.

- L’appui d’une milice de protection etd’attaque de 50 000 à 100 000 hommes.

Cette relance de la lutte s'inscrit dansune dynamique régionale de constitution et derenforcement des « compact revolutionaryzones » muée par une politiqueexpansionniste. Le « red corridor » s’affichecomme étant une nécessité absolue. Il permetd'instaurer les baselines si chères à Mao

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Tsé-toung. Ces entités territorialesdeviennent le point d'ancrage à tout assautmené contre les forces loyalistes. Suppléantaux carences de l'Etat, les rebelles avecleurs moyens, répondent aux besoins de lapopulation civile. Une cour de justiceparallèle tranche les conflits quotidiens,des écoles enseignent les matières de base etles pratiques militaires... Actif enplusieurs secteurs, ce dédoublement desinstitutions permet de sensibiliser lesmasses, d'opérer un recrutement direct defuturs cadres.

De 2004 à 2009, la guérilla naxalitemaoïste indienne va s’intensifier. Lesopérations sont de plus grande envergure. Lesvictimes sont multipliées par deux voiretrois. Une politique de reddition et deréhabilitation des combattants naxalites estmise en place avec succès. L’Etat d’AndhraPradesch réussit à freiner la pousséenaxalite grâce à une longue politiqued’infiltration et de surveillance des groupesmaoïstes. En 2005, l'Etat du Maharastratente le dialogue, en vain. Des rumeursd’actions de grande envergure circulent, New-Delhi est nommée à demi-mot. La lutte contrel’insurrection s’intensifie, des cachesd’armes sont mises à jour, mais lesassassinats de dignitaires locaux et depoliciers se poursuivent. En 2006, une unitéspéciale de forces paramilitaires anti-

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naxalites est constituée. 14 000 hommesrepartis en deux groupes : 9 000paramilitaires et policiers actifs sur leterrain, suppléés par 5 000 démineurs etautres experts en explosifs. Une feuille deroute est discutée au niveau national. Lalutte contre le naxalisme se conçoit ensynergie avec la constitution de milicespopulaires. L’accent répressif estcontrebalancé par une politique de maintendue vers la reddition. Les forces maoïstesréussissent quelques éclats, l’évasion d’unecentaine de combattants d’une prison… Dansles Etats affectés, les administrationsciviles et militaires sont révisées. Jeunes,impulsives, elles se substituent à la vieillegarde. L’insurrection, elle, perdure,s’étend. Les services de renseignementétablissent une cartographie du mouvement :37 pour cent des 626 districts de l’Unionsont affectés, de 56 en 2001, ils sont 231 en2009. 70 sont considérés comme dangereux,dont 40 zones jugées très dangereuses,disséminées sur plusieurs districts. LesEtats les plus touchés sont le Jharkhand,Chhattisgarh, Maharastra, Bihâr, AndhraPradesch, l’ouest Bengale. La population decadres en arme a presque doublé en 5 ans,passant de 11 000 à 20 000 hommes.L’unification des forces maoïstes porte sesfruits. Des passerelles sont observées entreles indépendantistes et, aux dires decertains rapports, avec des groupes

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islamistes. Face à cette tornade menaçante,certains Etats, comme le Karnataka, engagentdes pourparlers avec l’insurrection maoïsteen mettant en avant la problématique socio-économique du conflit. L’Union indienne,elle, promeut une intensification desopérations paramilitaires. Les élections de la Lok Sabha de 2009(élections législatives), n’apportent pas unetrêve au conflit, les attaques contre lesforces policières augmentent... La visite demembres du Congrès dans l’Etat d’AndhraPradesch provoque une grève générale, avecune fermeture de tous les commerces. Ledélaissement des populations indigènes et laquasi inexistence d’une politique dedéveloppement sont mis en avant par lesstructures civiles des insurgés. Lacrispation des agences de sécurité sefocalise sur le soutien de certainesorganisations de droits de l'homme nongouvernementales aux naxalites. Journalistes,militants d’organisations humanitaires, sontarrêtés, emprisonnés. De nouveaux moyens sontdéployés avec l’usage d’images satellitaires.Une stratégie répressive sur 5 voire 10 ansest débattue, avec une révision de formationdes unités paramilitaires. Ces dispositionsrépressives rencontrent le bémol de la coursuprême. La constitution de groupes arméscivils est dénoncée. Le maintien de l’ordreappartient aux agences de sécurité et à ellesseules, et non aux populations, afin d’éviter

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tout processus de guerre civile. Latristement connue Salwa Judum est pointée.L’Etat indien peine plus que jamais à faireface à la problématique. Plus de 100 000hommes sont déployés sur le terrain. CertainsEtats comme l’Orissa retentent de négocier,en vain. En novembre 2008, une mine exploseau passage du véhicule du « chief districtminister, Buddhadeb Bhattacharjee », àLalghar, ouest Bengale, fief historique dusoulèvement maoïste. Puis un second attentatvise deux ministres de l’Etat central, RamVilas Paswan et Jitin Prasada. La répressionest violente, les exactions policièresmultiples. La population tribale se soulève,les maoïstes se joignent à la révolte.Quelques jours plus tard, la région deLalghar est déclarée zone de guérilla. Durantneuf mois, la position est tenue. Dénonçantla mauvaise gestion du district, sacorruption, les maoïstes et la populations’attaquent aux représentations du particommuniste. Les édifices sont incendiés, lesmilitants pourchassés. Les représentants del’Etat s’enfuient. Un nouveau Naxalbari prendforme. Des voix se font entendre pourdénoncer la politique du tout répressif.Corruption, discriminations, inégalités, fontune fois de plus la une des gros titres de lapresse nationale. Pris à la gorge, l’Etatenvisage l’intégration des insurgés dans lejeu

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parlementaire. Un budget important estalloué pour le développement desinfrastructures étatiques, 28 000 hommesviennent renforcer la présence paramilitairesur le terrain. Juin 2009, plusieurscentaines d’hommes vont intervenir sansménagement, l’assaut final est donné. Lalghartombe. En même temps, le parti communisteindien (maoïste) est déclaré organisationillégale et terroriste sur tout le territoirede l’Union. La société civile s’interroge de plus enplus sur ces violences. En octobre 2009, lePremier ministre n’envisage pas une réponsemilitaire et pour la première fois, ilmentionne les causes du soulèvement : lapauvreté, l’inégalité de redistribution desressources de la croissance. « Legouvernement indien doit parler à sonpeuple ». Les maoïstes proposent laconstitution de comités populaires pourengager un dialogue. Mais dans certainsbureaux, on réfléchit sur une grandeoffensive incluant une participationaérienne…

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Figure 3 : Red Corridor ( CNN IBN )

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2- Le défi sécuritaire indien

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Négligée pendant de nombreuses années, laproblématique naxalite n'attirera l'attentionde Dehli que par touches. Considérées pluscomme un sursaut de mécontentement ponctuel,les réponses policières et paramilitaires ontapaisé les poches de violence sans toutefoisrésoudre les problématiques, à savoir traiterles raisons de tels soulèvements. Laprédominance de la voie répressive est uneconstante. Il y a déjà 50 ans, une loi, "l'Indian Armed Forces Special Power Act ", amis en place des pratiques lourdes. Lacontenance de toute manifestation ou de touttrouble de l'ordre public se fait à ballesréelles. Les juridictions adéquates neprennent pas en considération les plaintespour abus de pouvoir : pillages, viols,exécutions sommaires... Éditée en 1958 lorsdu soulèvement séparatiste du Nagaland, cetteloi d'exception pour des situationsexceptionnelles, s'est étendue à d'autreszones. Nombre d'organisations défendant lesdroits humains comme Human Right Watch ontinterpellé le gouvernement, en vain. Les forces de sécurité ont toujoursdéfendu le maintien de prérogatives spécialespour faire face aux insurgés. A cette situation structurelle vient segreffer un arsenal législatif conjoncturel,émanant des suites des attentats du 11/09. LePota ou Prevention Of Terrorism Act offre lapossibilité aux autorités de maintenir endétention durant 180 jours n'importe qui,

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sans aucun chef d'inculpation. De tellesmesures sont facilement utilisables àd'autres desseins. L'emprisonnementd'opposants ou de gêneurs devient facile...De nombreuses organisations nationales ouinternationales vont dénoncer ce floulégislatif, laissant la porte ouverte àtoutes les dérives. La mouvance naxalite avecsa cohorte d'organisations légales en subirales effets de plein fouet. Ces dispositifs, bien qu'importants, nesatisfont pas certains gouvernementsrégionaux qui édictent d'autres prérogatives.L'Etat de Chhattisgarh, avec l'assentiment deDehli, applique à la lettre le « SpecialSecurity Protection Act » autorisant la miseen détention, sur une durée de trois ans, detoute personne apportant une assistance auxrebelles. Logique à une première lecture,cette disposition devient très opaque quandon sait que l'armée naxalite a pour usage decollecter des fonds aux entreprises ou à desparticuliers sous la menace. Ses nouveauxdéploiements s'inscrivent dans la stratégie« d'assèchement du bassin pour noyer lepoisson », chère aux troupes américainesopérant au Vietnam. Vient s'ajouter la création de milicespopulaires agissant de concert avec lesforces paramilitaires : les Green Tiger dansl'Andhra Pradesch et le Salwa Jawa dans larégion de Chhattisgarh. Déplacées dans descamps de fortune, les populations civiles

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doivent se plier aux injonctions desmiliciens ou des rebelles. Leurs terres sontabandonnées ou revendues dans l'urgence, àmoindre prix. La richesse minière decertaines régions favorise certainsdéplacements plus que d'autres. L’opacité deces agissements laisse entrevoir uneaccointance entre les prospecteurs et lesforces de sécurité. L’Etat indien patine laborieusement.S'affichant comme la plus grande démocratieau monde, New-Delhi utilise des méthodes peuorthodoxes. Cette prévalence au toutrépressif provoque l'exaspération denombreuses instances. A plusieurs reprises,le Public Union for Civil Liberty in Indiaest intervenu. L'aveuglement sur la nécessité d'unepolitique de grands travaux et d'unemeilleure redistribution des fruits de lacroissance, ne fait qu'accroître les rangsdes organisations extrémistes. La récentevictoire par les urnes des forcesrévolutionnaires népalaises peut susciter unepolitique attentiste, une précipitationd'intentions belliqueuses préventives. Lesinondations du Bihâr ont su gommer cesclivages. L'Inde a aidé le Népal à sauver sapopulation. Les discours des jeunesdirigeants maoïstes n'ont pas appelé pourl'instant, à l'intensification des actions deguérilla mais plutôt à un appel de fondsinternationaux...

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3- Vers une internationale maoïste Très vite, les mouvements maoïstes ontcompris l'indispensable nécessité d'unecoordination transfrontalière des mouvementsrévolutionnaires. Un premier parapluie estcréé en 1984 avec le R.I.M « RevolutionaryInternational Movement ». Des partis maoïstesdu monde entier vont échanger desexpériences, se soutenir mutuellement dansl'avancement de la guerre populaire. Le parti péruvien « les SentiersLumineux » est le point de référence. Lespartis Kurdes, Philippins et bien d’autres, yparticipent. L'alliance idéologique asiatiqueelle, prend forme par la création d'un outilen 2001 : le CCOMPSA, « The CoordinationCommittee of Maoists Parties andOrganization ». Regroupant les groupesd’Inde, du Népal, du Sri-Lanka et duBangladesh, cette initiative tend à renforcerles liens et les partenariats avec desgroupes opérant dans le sud-est asiatique.Une prévalence existe entre les maoïstesnépalais et les groupes naxalites indiens. Lapromiscuité géographique à cheval sur deuxEtats permet de construire, de concert, « unezone compacte révolutionnaire » allant duBihâr jusqu'à l'Andhra Pradesch, tout enjouxtant le Népal, le fameux « redcorridor ». Un séminaire historique affirmera cetteglobalisation de l’internationale maoïste. En

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mai 1995 en Belgique, près de 60organisations issues de 40 pays vont seréunir. Des liens se resserrent entre lesdifférents groupes, échanges d'expériences deterrain, transferts de technologies, voireplanifications du transit de matériel et decompétences. Selon certaines sources, suite àl’intensification de ces échanges, des campsd'entraînement existeraient à la frontièrenépalo-indienne, pour les militants Sri-lankais, Népalais et Indiens. Cetteeffervescence attire bien-sûr le regard denombreuses agences de renseignement. Lapuissante ISI pakistanaise y trouve un leviersupplémentaire pour déstabiliser la région.Il serait naïf de considérer que les ateliersde la Khyber Pass soient absents de cemarché, autant que les trafiquantsfrontaliers chinois. Le marquage d’armes retrouvées attestecertains liens autant Pakistanais queChinois. Les maoïstes népalais eux, affirmentobtenir des armes et des munitions de leurshomologues Indiens… Les techniquesd'utilisation des mines par les maoïstesindiens sont similaires aux tigres tamouls duSri-Lanka. Le transit d'armes de petitscalibres et d’armes légères est l'une desopérations des plus fructueuses, des plusfaciles à mener, ne nécessitant pasd'infrastructures de transports gigantesques.Son éclosion sur un conflit de faibleintensité est inévitable. Quand bien même les

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insurgés se  « servent » sur les forcesloyalistes, les besoins en munitionsdeviennent très vite une donnée importante.Trois solutions pointent : l’achat à unepuissance étrangère par son service derenseignement, l’instauration de transactionsavec la pègre locale ou encore laconstruction artisanale de munitions etd’armes légères. A ce jour, la diffusion demachines à outils peu onéreuses permetaisément de confectionner tout un arsenal.Les rendements sont certes faibles, mais ilsont le mérite de créer une indépendance. Lesconflits s'automatisent, en d'autres mots seprivatisent. Ce ne sont plus des entitéscontrôlées par une puissance étrangère quientrent en action mais des groupesd'individus organisés le faisant de leurpropre chef. L'insurrection maoïste indiennea su développer une assise nationale, posantau fil des ans la problématique des pluspauvres des pauvres dans l'arène politiquemais aussi et surtout à internationaliser sesvelléités par l'émergence de mouvementssimilaires dans les Etats voisins avec unsuccès indéniable : l'arrivée aux affairesdes insurgés népalais et l’émergence detroubles au Bhoutan.

4- L’élan bhoutanais Clandestin puis officiel en 2003, leparti communiste bhoutanais marxiste-léniniste maoïste fait irruption sur la scène

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politique des confins himalayens. Peu connu,difficile d’accès, quasiment fermé autourisme avec 9 000 visiteurs par an, ceroyaume non-fumeur reste un mystère. Depuisle début du XXème siècle, le pays tente des’adapter au monde moderne sans toutefoissacrifier ses traditions séculaires. Lesdisparités ethniques, l’inhospitalitégéographique, plongent ses provinces dansl’isolement le plus complet. Jadis considérécomme un royaume enchanteur par ses voisinstibétains, le Bhoutan nous est tout aussiintriguant. Cette théocratie bouddhiste est restéedurant de longs siècles aux mains de prêtreset de guerriers. Les luttes de fiefsrythmaient la vie politique sans aucunpouvoir affirmé. Vers la fin du XIXèmesiècle, une famille réussit à tenir le payssous sa coupe. La famille Wangchuck apaise lebruit des armes, une gestion courtoise desaffaires se négocie avec le clergé. Lacouronne britannique reste en retrait, touten favorisant la mise en place d’un monarque,avec en échange un regard sur la politique dedéfense et les affaires étrangères du pays.En 1907, le Roi Ugyen Wangchuck impose sonpouvoir. Divisé en trois strates, cette sociétésans castes se compose sur un modèle féodal.Les dirigeants profanes et religieux veillentaux affaires. Les paysans propriétairesrendent leurs devoirs au pouvoir sous forme

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d’impôts en nature. Les serfs s’attèlent à latâche. Le commerce n’est pas une activité en soimais un plus organisé lors de transhumancesou d’autres déplacements. Il ne représentepas une fonction sociale. Des forteressesgérées en binôme entre le monde religieux etle monde profane jugulent l’activitééconomique, sociale et militaire. La placeforte rend des comptes au district qui lui-même dépend du gouvernement. Une très grandepartie des impôts n’est pas redistribuée augouvernement. En d’autres termes, il existeune culture de chapelles dans laquelle legouvernement central n’est pas le pivot de lavie politique. L’axe majeur est laforteresse. De forme massive, imposant delarges murailles pour prévenir les assauts,elle est le lieu de refuge, la place centralede la vie sociale. En ses vastes cours, lesrites sont pratiqués, les fêtes célébrées. Enses bâtisses, l’impôt est perçu, les moineséduqués. Plus souple que le système de castesindien, une possibilité d’ascenseur socialexiste par le monde religieux. Idéalement,chaque famille se doit de proposer un desenfants au clergé. Après de nombreuses annéesd’apprentissage de la liturgie bouddhistetantrique, on propose au novice, selon sesaptitudes, de retourner soit au monde profanesoit de continuer le service religieux sousune forme de pratique artistique,

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d’officiant… Un enfant né de famille paysannepourra, par ce cheminement, arriver à dehautes fonctions religieuses. Le serf, lui,perpétuera sa condition. Issue de razzia effectuée dans les plaines,cette main d’œuvre corvéable à merci n’aqu’un droit : celui de changer de maître sisa condition proposée est jugéedéraisonnable. Ce maillage social prend fin au début desannées 1950. La monarchie insuffle lechangement : création d’une assembléelégislative, interdiction du servage. Le RoiJing Dorgi Wangchuck pousse la reformejusqu'à redistribuer les terres aux serfs, àfonctionnariser les moines. Conjointementavec le gouvernement indien, une réflexionsur une économie planifiée est élaborée. Lepays est reconnu par les Nations unies. LePNUD, la Suisse, le Japon, vont devenir sespartenaires privilégiés. Une politique degrands travaux est alors mise en œuvre.Plusieurs milliers de fonctionnaires formésdans les grandes écoles anglo-saxonnesrefondent le pays. L’accent est mis sur lesénergies hydrauliques et l’éducation. Leaderdans le domaine du commerce de bois précieux,le gouvernement en légifère l’exportation.Une bourgeoisie émerge. Prise dans laglobalisation, elle n’en reste pas moinsattachée à ses valeurs. Les domainesfamiliaux sont toujours exploités. Unnationalisme profond, lié par un attachement

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fort à la monarchie, définit ses orientationspolitiques. Cette identité bhoutanaise ne vapas sans créer quelques clivages avec sesminorités. Sollicités en 1960, lors de lamise en place des grands chantiers royaux,les ouvriers népalais franchissent lafrontière. En 1985, l’annonce d’un nouveaucode de la nationalité dérange le calmeaffiché du royaume… Du jour au lendemain, lesmigrants népalais se voient refoulés. La loiédictée spécifie que la nationalitébhoutanaise ne s’acquière que par la maîtrisede la langue, le dzong ka, par le port ducostume national et surtout, par une présenceprouvée sur le territoire national antérieureà 1958. Ce bras d’honneur nationaliste aprovoqué un déplacement forcé de plus de100 000 personnes en 1992. Paradoxe alarmantpour une société essentiellement multiethnique, où plus de 25 pour cent de lapopulation est d’origine népalaise. Loin de s’apaiser au fil des ans, cettepolitique de reconduite ne fait queradicaliser les deux partis. Cantonnée dansdes camps de réfugiés au sud-est du Népal etperméable au discours maoïste, l’insurrectionva peu à peu se mettre en route. En 2003, lespremières organisations effectivesapparaissent. Dopées par le succès de leurhomologue népalais, elles s’imposent dans lechamp politique comme la seule forcestructurée d’opposition. Leur stratégie estsimple : constitution de baselines,

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encerclement des villes par les campagnes,avec la constitution d’un front commun dedestitution de la monarchie. En 2007, près detrois districts sont aux mains des forcesrebelles. Ayant clarifié sa ligne politique,renforcé ses organisations politiques etmilitaires, le parti communiste bhoutanaismarxiste-léniniste maoïste consolide sesacquis. Aujourd’hui, les violences apparaissent.La répression est forte. Les réfugiés sevoient proposer un exil forcé aux Etats-Uniset en Europe. Le dossier des réfugiésbhoutanais reste épineux. Pays pauvre faisantface à une transition démocratique, la jeunerépublique du Népal tente de juguler cetteproblématique sans tomber dans la vindictepopulaire.

5 - Conclusion Afin de définir l’ébauche d’uneconclusion, la ligne politique du particommuniste népalais maoïste s’inspirelargement du Sentier Lumineux péruvien et duRIM. La lutte armée péruvienne, avant detomber dans un cycle d’horreurs bien connu, amis en place des communautés villageoisesefficientes. Mr Gonzalo a instauré un systèmecollectiviste de redistribution des terressur les hauts plateaux andins. Tout commel’insurrection népalaise, son action s’estorganisée autour de populations indigènes

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ayant peu d’intérêt pour le pouvoir de Lima.Les similitudes géographiques, socio-économiques liées aux populations alpines,l’absence de la présence de l’Etat par sesinfrastructures sanitaires, scolaires, detransports, dressent un parallèle facilementidentifiable. Les 70 000 morts des luttes maoïstespéruviennes restent un point sévère destupéfaction et d’interrogations. Aux vues des interviews, des discours duleader maoïste népalais, l’option léninisteou maoïste n’est pas à circonscrire dans sonensemble. N’ayant pas fait allégeance pour unsystème ou pour un autre, la ligne politiquese définit comme le chaînon manquant d’uneavancée marxiste. La mondialisation deséchanges, les nécessités d’une économie nereposant pas sur une collectivisationcomplète de la société proposent cette voiemédiane d’un communisme repensé. L’argumentsocialisant des forces combattantes du partimaoïste népalais repose sur la défense de sesminorités déclassées, délaissées par unesociété ouvertement discriminatoire.L’affirmation du droit des femmes, desintouchables, des Madhesis, des peuplesminoritaires face une hindouisation forcée,est le fer de lance d’une volonté d’unemeilleure redistribution des richesses, d’undroit de parole pour les laissés pour compte.L’économie ne bascule pas dans une

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soviétisation outrancière, la libreentreprise n’est pas interdite. Afin de construire un autre modèleréglant les rapports sociaux, unapprentissage du jeu démocratique estnécessaire, au même titre qu’il futindispensable en France après 1789. Le RIM apermis, comme il est souvent mentionné dansdivers discours, de réfléchir sur un apportdirect et concret de l’élan révolutionnaire,plus qu’une énième dissertation sur lesarticulations historiques des précédentsmouvements. Le flou et les contradictionsprésentes ne laissent pas envisager uneprolifération d’actions autoritaires etrépressives des maoïstes népalais. Lessursauts de la société civile et desinstitutions ont démontré l’efficience durempart républicain. En d’autres mots, nousne sommes pas face à un scénario cambodgienou péruvien dans ses heures sanglantes. Toutefois, une vigilance discrétionnaireest démocratiquement nécessaire. Le parti maoïste népalais n’est pas uneorganisation terroriste, mais uneorganisation politique incluse dans la viecivile, un parti politique ayant eu desresponsabilités au plus haut niveau.L’argumentaire de ses plus farouchesopposants se noie dans une peuranticommuniste primaire. Inégalitaires,autoritaires, les partisans de la monarchiesont les defenseurs d’un modèle de société où

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la place de l’individu est très régentée. Siles acquis et les avancées du gouvernementmaoïste ont, sur le plan économique, étédramatiques, ils ont conjugué plusieursremparts à toute initiative audacieuse. Lescatastrophes climatiques, l’inertie passived’une large composante de la société, lagestion de troubles post révolutionnaires, ladifficile transition d’une vision militaire àune vision civile... Le qualificatif maoïstedraine l’ombre des massacres et autresexactions. L’histoire nous dresse uninventaire terrible des horreurs commises enson nom. Sa référence au XXIème siècle estdifficilement acceptable. La position modéréede « Prachanda » peut ouvrir une relecturedes pratiques révolutionnaires. Désirants’imposer comme une position médiane surl’échiquier révolutionnaire, il laisseentendre la perspective d’une alternativedémocratique. La guerre, avec son cortège de tourments,continue à faire violence longtemps après queles armes ont été déposées. La Chine de Mao,l’Union soviétique de Staline et bon nombrede dictatures sont souvent le fruit del’exercice du pouvoir par un seul homme. Cespratiques se fourvoient dans des énoncésdoctrinaires où l’identité se confond avec lanégation d’autrui. La motivation de larévolution népalaise réside dans la volontéde changer les rapports sociaux etéconomiques des acteurs. Les vues

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absolutistes d’un monarque d’incarnationdivine font sourire à l’heure de lamondialisation. Les minorités, basses casteset autres peuples indigènes ont réussi àimmiscer leurs problématiques sur l’échiquierpolitique. Cette victoire est indéniable. Auxvues d’une temporalité élargie, un premierpas vers l’affirmation d’une souverainetépopulaire est affiché. Le droit de dire,revendiquer et tout simplement parler d’unpan de la société se pose en acquis. Nos démocraties occidentales avec leursimperfections, ont, elles aussi, sous desformes similaires, vécu des changementsidentiques. Même si de nombreux problèmespersistent, l’individu a acquis un droit àêtre par-delà sa descendance ou autrepositionnement économique. L’Etat, dans sesprérogatives, tente de répondre de manièreuniverselle aux besoins citoyens. Peut-êtren’est- ce pas assez, mais loin de nosfrontières, la résonance des ces acquisfondamentaux reste importante. Les instancesinternationales ont, elles aussi, démontréleur rôle de conciliateurs vers un processusde paix globale. Elles appuient, aident,dirigent encouragent, encadrent un processuscomme elles ont déjà su le faire aveccourage en Namibie, par exemple. Le succès oul’insuccès de la révolution népalaise estentre les mains de tous ces acteurs. Nul nesait si ce petit pays pris en sandwich entre

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deux géants réussira à devenir cette Suissede l’Asie… Sa position stratégique disproportionnéerend son avenir incertain. L’Inde et laChine, en bons vieux frères ennemis, n’ontpas résolu les dissensions territoriales de1962. Du Cachemire au Sikkim, des mouvementsde troupes ne font qu'accroitre une logiquede tension. Ces regards croisés, associés àdes rumeurs d’un futur conflit, laissentprésager le pire. Dans ce type de scenario,le Népal se transforme en un formidable pointd’ancrage à toute opération belliqueuse. L’Inde, de par une histoire commune,tente de tirer les ficelles de la viepolitique intérieure. Très défavorable aumaintien d'un gouvernement maoïste, elleaffirme son soutien aux autres forcespolitiques, le Parti du Congrès et l’UML. Lescourants monarchistes buttent sur l’absencede charisme d’un prétendant au trône. Le RoiGyaendra a laissé derrière lui un épisodetrop sanglant pour opérer un retourtriomphant. Son fils  serait plus enclin àdéfrayer la chronique des grands quotidienspar ses frasques éthyliques. A tel point queson fils fut intronisé jeune prince couronné,Hridayendra Bir Bikram Shah Dev, onze joursaprès sa naissance et seul prétendant autrône en 2002. L'armée de son côté, peine àfaire le deuil de la guerre civile. Peu degénéraux sont enclins à recevoir des ordresd'ex-insurgés. « Prachanda » lui, se retrouve

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tiraillé par son aile dure. Sesrassemblements, grèves et autres obstructionsde la vie parlementaire paralysent le pays.Sa base suit mais la classe moyenne etentrepreneuriale a jeté l’éponge sur le rêved’une Suisse de l’Asie. L'économie, fort peudéveloppée, ne peut se permettre d'autresmouvements insurrectionnels. Dans uneprospective proche, les forces maoïstes sedoivent de rejoindre la vie parlementaire.Une ouverture des deux parties estindispensable pour redynamiser le pays.L'espoir d’un million de touristes en 2011repose sur la stabilité politique du pays.Qu'il soit Indien, Chinois ou Anglais, ceflux est bien sûr l’un des atouts majeursd’un nouvel essor du pays. De plus, lesressources hydrauliques népalaises posent cepetit pays comme l’un des grands futursacteurs énergétiques mondiaux. Seule unephase thermidorienne pourra accélérer laconsolidation des nouvelles élites, expier laguerre civile et apporter une stabilité. Larécente déclaration d'un territoire autonomepar l’opposition maoïste, témoigne d'unpremier pas vers une culture fédérale. Cettevoie est une réponse aux diversesrevendications des minorités ethniques, duTeraï particulièrement. Certes, l'homogénéitédes populations de par leur métissage, rendla tâche difficile. La Chine, elle aussi, en intensifiant sonpartenariat économique, aide au processus de

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paix. Mais ses énoncés des grands travauxmasquent des vues très pragmatiques… Uneroute doit relier la frontière et Katmandou,l'opposition tibétaine est muselée, lecontrôle aux frontières, renforcé... De plus, de nombreuses agences derenseignement attestent de l’intensificationdu transit d'armes via le Myanmar vers lespoches naxalites indiennes. L'utilisation deces points insurrectionnels est, bien sûr, unlevier important de déstabilisation del’Union indienne.  En cas de conflit,Katmandou se transforme en un arrière pontmiraculeux. Ces scenarii pessimistespoussent  l'Union européenne, les Etats-Uniset bien sûr les agences du système desNations unies, à favoriser le processus depaix. Proie au chaos depuis de longs mois, lajeune république peine à retrouver saquiétude. Ballotée par des traditions d'unautre âge, son identité d’une nation neutre,de pays non aligné, est grignotée chaque jourpar l’un de ses deux voisins. Toutefois, ladynamique révolutionnaire a permis d'afficherle désir d'un changement. La société civile,dans sa formidable clairvoyance, a su monterau créneau. Appuyant les revendications desminorités bafouées, dénonçant le sort dessans terres enchainés par l'usure, elle s'estapproprié la rue pour exprimer son refus etce, avec de nombreuses victoires. Moinsconnue et pourtant riche d'une haute valeur

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symbolique, la lutte des mercenaires Gurkhasfut exemplaire. Depuis près d'un siècle etdemi, ces soldats ont livré leur sang pour lacouronne d'Angleterre. La solde du mercenaireGurkha équivalait à un tiers de la solde den'importe quel mercenaire européen. De plus,le droit du sol lui était refusé. Une grandecampagne de presse et un recours en justice,ont permis, dans un premier temps,d'augmenter les soldes et d'obtenir un titrede séjour britannique aux soldats Gurkhasincorporés depuis 1997. Plus que la destitution d'un souverain,la révolution népalaise a ouvert la boite àpandore de la liberté. La population civilerevendique ses droits citoyens, son identité.Cet élan est aussi une bouffée d'air pour denombreux pays du sud. La révolution, ce motquasi grossier, réapparait dans toute sasplendeur. A l'heure de la mondialisation, ilest possible, toujours possible, de réviserle rôle de l'ensemble des acteurs d'unesociété. Le Népal devient un exemple pour lespays du Subcontinent indien avec laresponsabilité que cela impose. Cet autreversant de la mondialisation à l’encontre del'engourdissement populiste de certains paysd'occident.

 

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Lexique :

Caste : hiérarchisation sociale religieuse sedéclinant du plus pur au moins pur.

Brahmine : prêtre enseignant, plus hautreprésentant du système de castes.

Chetris : guerrier, agriculteur, deuxièmereprésentant du système de castes.

Vaisya : commerçant troisième catégorie dansle système de castes.

Sûdras : plus basse des trois castes, née dupied des Brahmines, se doivent de servir leshautes castes.

Dalits : hors castes, considérés commeimpurs. Pratiquent des métiers liés aux

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déchets, à la saleté. Intouchables, que l’onne peut toucher sans se salir.

Prithivi Narayan Shah (1723 - 1775) : Roi duNépal créant l’unification du pays.

Massacre de Kot : extermination del’aristocratie népalaise, en 1847.

Jang Bahadur Rana (1816–1877) : Premierministre d’une dynastie d’autocrates quicontiendra le pouvoir pendant 100 ans.

Muluki Ain : code de conduite inter-castesinstauré par Jang Bahadur.

Roll of Succession Act : mode de lignageinstauré par Jang Bahadur Rana, pour lasuccession héréditaire des premiersministres.

Colonel Younghusband : militaire britanniqueayant fait une incursion au Tibet.

Tribhuvan Bir Bikram Shah Dev (30/06/1906-13/03/1955) : Roi du Népal qui aide aurenversement de l’autocratie Rana. Rétablitle multipartisme.

Gorkha : ville du Népal d'où sont originairesles mercenaire servant la couronne

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britannique. Aujourd’hui, nombre d’entre euxservent en Irak.

Le Traité de Ségoulie : traité liant lacouronne britannique et la couronne népalaisesur des prétentions territoriales etpolitiques.

Prachanda Gorkha : première organisationpolitique à contester le pouvoir politiquedes Ranas.

Gyanendra Bir Bikram Shah Dev, 7 juillet 1947: Roi du Népal combattant l’insurrectionmaoïste.

Prêchi Bir Bikram Shah (1881-1911) : Roi néd’un mariage entre la famille royale et lafamille des Premiers ministres Kunar Raina.

Survendra Birr Vikram Shah Deve (1847-1881) : jeune Roi intronisé par Jan BaladeurRaina.

Nepalî Congress Party : parti d’oppositioncréé en 1949 sur le modèle indien portant lemême nom.

Mr Matrika Prasad Koirala (1912-1997) :Premier ministre du 16 novembre 1951 au 14août 1952. Opère un retour victorieux avec leRoi le 18 février 1951. Est l’instigateur dela chute de la dictature des Ranas.

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Mr. B.P Koirala (1914-1982) : leader du Partidu Congrès, figure de proue de l’opposition àla monarchie. Premier ministre du 27 mai 1959au 15 décembre 1960. Passera de nombreusesannées en exil et en prison. Il est aussiconnu comme étant l’artisan du renouveaulittéraire népalais.

Mr Girija Prasad Koirala : né en 1925, nomméplusieurs fois Premier ministre. De 2006 à2008, il joue un rôle très important dans lapacification de l’insurrection maoïste. De1991 à 1994, il est nommé suite au renouveaudémocratique. Il est le frère de MatrikaPrasad Koirala et de Bishweshwar PrasadKoirala.

Mahendra Bir Bikram Shah (11 juin 1920-31 janvier 1972) : instaurateur du système dePanchâyat, de l’interdiction du multipartismeet d’un retour à l’autoritarisme.

Birendra Bir Bikram Shah Dev(28 décembre 1945- 1er juin2001) : suite auxaspirations démocratiques des années 1990, ilréinstaure le multipartisme après trente ansde pouvoir absolu.

Panchâyat : système de gouvernancecorporatiste, se décline du village jusqu’auGram Panchâyat ou « assemblée nationale ».

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Le 18 février 1951 : retour triomphant du Roiet du leader du Parti du Congrès au Népal.

UML : parti communiste népalais orthodoxe.

Mr Pushpa Kamal Dahal alias « Prachanda » :leader de l’insurrection maoïste népalaise,il prend les rênes de l’exécutif le 15 août2008.

People’s War : guerre populaire déclenchéepar les masses.

Elections de 1959 : premières électionsparlementaires libres au Népal.

Naxalite : appellation regroupant plusieursgroupes d’insurgés inspirés par le maoïsme.

Naxalbari : ville indienne où se produit lesoulèvement populaire de 1967.

Quatrième Convention : cellule communistenépalaise d’inspiration maoïste apparue aumilieu des années1970.

PCN ou CPN (M): parti communiste népalaismaoïste.

13 février 1996 : début de la guerrepopulaire népalaise.

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Attaque du district de Dang : attaque par lesforces maoïstes de la première casernemilitaire en novembre 2001. Date de l’entréede l’armée dans le conflit.

Teraï : région sud du Népal.

Charu Majumbar, Kanu Sanyal, KanaiChatterjee, T. Reddy : leaders naxalitesissus du soulèvement populaire de 1967.

CPI (ML) : parti communiste indien marxiste-léniniste issu du soulèvement de Naxalbari.

Maoist Communist Center : mouvementinsurrectionnel naxalite créé en 1975.Occupant le centre Bihâr et l’ouest duBengale, ce mouvement est des plus actifs.

CPI (ML) People's Ward Group (PWG) : groupeinsurrectionnel naxalite très important crééen 1980, présent dans de nombreux Etats del’Union indienne.

CPI (marxiste-léniniste) Janashkita : grouped’insurgés naxalites créé en 1992 ayant euune option parlementariste. Aujourd’hui, laligne se réoriente vers la lutte armée, lesactions se cantonnent dans trois à six Etats.

CPI (M) : créé en 2004, le parti communisteindien maoïste regroupe plusieurs factions

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d’insurgés naxalites. Les plus importantessont le MCC et le PWG.

Prevention Of Terrorism Act ou POTA : loipromue suite aux attentats du 11/09,autorisant la mise en détention de quiconque,sans chef d’inculpation et pour une durée de180 jours.

ISI (Inter Services Intelligence) : servicessecrets Pakistanais.

Green Tiger, Salwa Jawa : milices populairesanti naxalites.

Red Corridor : ensemble de territoiresdétenus par les insurgés naxalites.

Baseline : village investi par les insurgésmaoïstes dans lequel une administrationparallèle se met en place.

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Papiers, Séminaires (Sélection)

Cailmail, B. and Perier, M. 2007. Lorsqu’unconflit local s’intègre dans la guerreglobale au terrorisme : le cas des maoïstesdu Népal.Cultures & Conflicts 68 (Winter), 127-146.

Coordination Committee of Maoists Parties andOrganizations of South Asia (CCOMPOSA). 2001.Press statement, July 1.People’s March 2, no. 9 (September).http://www.bannedthought.net/India/PeoplesMarch/PM1999-2006/archives/

Ministry of Law and Justice, Nepal. 1990. 230

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South Asia Terrorism Portal (SATP) n.d. YouthCommunist League.www.satp.org/satporgtp/countries/nepal/terroristoutfits/YCL.html

United Nation's Mission in Nepal (UNMIN).2008. Arms monitoring.Katmandu: UNMIN.www.unmin.org.np/?d=activities

US Department of State. 2004. Terroristexclusion list. Fact Sheet.December 29. Washington, DC : Office ofCounterterrorism.www.state.gov/s/ct/rls/fs/2004/32678.htm>=arms

Indo Nepal Relations : Beyond PashupatinathEpisode by Col. Rahul K. Bhonsle. 

United Nations S/2009/351 Security CouncilDistr : General 13 July 2009 .Original :English Land Reform in NepalWhere is it coming from and where is itgoing?Liz Alden Wily, Devendra Chapagain & ShivaSharma.

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232

Bibliographie (sélective)

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Le maoïsme au Népal, histoire d’unerévolutionBrigitte Steinmann Edition CNRS 28avril 2006

Manuel de Géopolitique Lassére Frédérique, Emmanuel Gonon Armand Colin 2008

Vrilio PaulDesert Screened The continuum publishing 2005

Horkheimer MaxEclipse of Reason The continuum publishing 2005

233

Arundhati RoyThe algebra of infinite JusticePenguin editions 2001 2002

Arundhati RoyAn ordinary Peron’s guide to EmpirePenguin Books India 2005

SumnitaBishweshwar Prasad KoiralaBagar Foundation Nepal 2005l

Under The Sleepless MountainParijatPilgrims Publishing Varanasi 2007

The Legend of LiteratureA Biography of ParijatNarendra Raj PrasaiPublishing by Ekta Publication 2003

Tibet, Tibet A personal history of lost land Patrick French Harper Collins 2003

The YetiMystery of SnowmanRam Kumar PandayPublishing by Ratna Pustak Bhandar 2007

Poems of the century234

Edited with an IntroductionBy Abhi Subedi 2000

Development as FreedomAmartya SenOxford India Paperbacks2000

Ressources Internet (sélectives)

Naxalblog : naxalwatch.blogspot.com

Blog en français :socio13.wordpress.com/category/inde/

Human Rights Watch : www.hrw.org/fr

L'Etoile Rouge : etoilerouge.chez-alice.fr

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Consulat du Népal : www.consulat-nepal.org/

Revue Hérodote : www.herodote.org/

Wikipédia fr : www.wikipedia.org

Le Monde Diplomatique : www.monde-diplomatique.fr/

Times Magazine : www.time.com

La Bibliothèque du Congrès : catalog.loc.gov

CIA : www.cia.gov/

Parti Communiste du Népal : www.cpnm.org/

Institute for Defence studies analyses, New-Delhi : www.idsa.in/

The Times of India :timesofindia.indiatimes.com/

South Asia Intelligence : www.satp.org/

Frontline Magazine : www.frontlineonnet.com/

British Library : www.bl.uk/

CPI (M) : www.cpim.org/

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Table des Matières

Avant-propos7

CHAPITRE I : BREVE HISTOIRE DU NEPAL

Présentation générale9

La dictature des Premiers ministres12

La chute des Ranas, un nouveau pas versl’absolutisme 19

Vers une transition démocratique23

CHAPITRE II : LA GUERRE POPULAIRE

La guerre populaire se met en mouvement27

Victoire de l’insurrection Maoïste30

CHAPITRE III : PROGRAMME DU PARTI COMMUNISTENEPALAIS MAOISTE DANS LES ZONES DE COMBAT,PERIODE 1996-2004

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La réforme agraire33

Le système éducatif46

Industries et structures manufacturières55

Système judiciaire maoïste59

Les changements inévitables63

Interview d’un combattant72

CHAPITRE IV : LES CHANTIERS DU POUVOIR

Les chantiers du pouvoir77

Le Teraï80

Les organisations internationales82

238

Kosi river86

Pashupatinath88

La chute du gouvernement92

CHAPITRE V: LES PROBLEMES EN SUSPENS

Les femmes95

La justice99

L’éducation102

Les relations avec les deux grands géants : l’Inde et la Chine106

CHAPITRE VI : VERS UNE INTERNATIONALE MAOISTE

Le naxalisme indien: origines et fondements111

Le défi sécuritaire indien122

239

Vers une internationale maoïste123

L’élan bhoutanais125

Conclusion128

Lexique133

Papiers, Séminaires138

Bibliographie140

Ressources Internet142

240

241

242

243