De nouveau sur Burdigala : les hommages à la famille julio-claudienne

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Du nouveau sur Burdigala : les hommages à la famille julio-claudienne Milagros NAVARRO CABALLERO – D’Orient et d’Occident, p. 197 à 229 C et article se propose de faire le point sur une découverte majeure de l’archéologie borde- laise 1 qui, à la suite de circonstances que je tenterai d’expliquer, est presque ignorée de la recherche actuelle. Il s’agit d’une série d’hommages à la famille im- périale julio-claudienne, trouvée sur le mont Judaïque à la fin du XVI e siècle. Le caractère exceptionnel de la trouvaille réside dans le fait que tous les éléments qui composent les monuments honorifiques y étaient représentés : d’une part, deux plaques épigraphiques presque complètes, porteuses de dédicaces à Drusus III et à l’empereur Claude, ainsi qu’un petit fragment d’une troisième, qui devaient occuper la face frontale des piédestaux ; d’autre part, trois statues iconiques (deux togati et une femme, très vite identifiée, probablement à tort, comme Messaline), qui étaient érigées sur ces bases. Si la plupart des autres éléments de cet en- semble ont disparu, deux togati plus grands que nature, ex- posés aujourd’hui dans la salle “La ville à l’époque romaine” du Musée d’Aquitaine, illustrent encore un pan d’histoire de l’ancienne Burdigala 2 , mais aussi une complexe affaire bordelaise qui se déroule à la fin du XVI e et tout au long du XVII e siècle. Pour donner à cette découverte toute la place qui doit être la sienne dans l’histoire de Burdigala, des Bituriges Vivisques et de l’Aquitaine, il est donc nécessaire de procéder à l’analyse critique des éléments qui composaient la série de ces monuments honorifiques. En outre, la compréhension . J’ai découvert le dossier qui suit grâce à ma participation à la publication de l’épigraphie des Bituriges Vivisques dans la série ILA. Pour cela, je voudrais remercier tout d’abord L. Maurin, qui m’a fait l’honneur de m’associer à cette entreprise. Le développement d’un dossier complexe comme celui-ci m’a demandé des compétences dans des domaines très divers pour lesquels j’ai fait appel au conseil et à l’aide des nombreux collègues. Je voudrais donc remercier D. Barraud, J.-P. Bost, Fr. Boutoulle, É. Jean-Courret, L. Maurin, T. Nogales, C. Petit- Aupert, P. Regaldo, I. Rodà et A. Zieglé, ainsi que le Musée d’Aquitaine, le Service Régional de l’Archéologie et les Archives municipales. Évidemment, je suis la seule responsable des thèses présentées et des erreurs commises. 2. La plupart des auteurs semblent ignorer la conservation de deux togati jusqu’à nos jours, bien que leur appartenance au groupe découvert sur le mont Judaïque ne fasse aucun doute, comme on le montrera plus loin. de cet ensemble va de pair avec l’étude du bâtiment ou du lieu public où bases et statues étaient exposées, ce qui nous entraîne à revenir sur l’histoire et l’urbanisme de la capitale antique. La présence d’un tel ensemble au début de l’Empire dans le chef-lieu des Bituriges Vivisques n’a en effet pas été évaluée à sa juste mesure. Or, elle n’est pas sans conséquence pour l’histoire de la cité, voire pour celle de la province d’Aquitaine. Au-delà de l’aspect local, il faut donc situer l’érection des statues dans le contexte politique et idéologique du début de l’Empire romain. Mais, auparavant, il faut répondre à une question : comment une telle découverte est-elle presque passée sous silence, malgré les nombreuses notices données par les anciens érudits bordelais ? Mon analyse doit donc commen- cer par l’histoire de la découverte et de la conservation de ces portraits et inscriptions, ce qui nous plonge dans l’histoire de Bordeaux (Gironde), de la Renaissance à nos jours. C’est cette redécouverte que j’ai le plaisir de proposer dans le cadre de l’hommage à Pierre Aupert, espérant que ce grand connaisseur de l’architecture romaine en Gaule et en Grèce appréciera un dossier dans lequel l’épigraphie, l’iconographie, l’idéologie et la politique se mêlent intimement à la parure monumentale de Burdigala. 1. LA DÉCOUVERTE .. Gabriel de Lurbe Pour savoir comment l’événement est passé presque inaperçu de la recherche actuelle, il faut revisiter les sources bordelaises relatives à la découverte de cette série de portraits impériaux. Et avant tout les Chroniques Bourdeloises de G. de Lurbe 3 (? - 69), avocat à la cour de Bordeaux, devenu en 572 procureur syndic de la Jurade et anobli en 589. Il a laissé la charge de la Jurade à son 3. On a conservé dans les Archives historiques du département de la Gironde quelques documents relatifs à son activité professionnelle : AHG, t. 7, 877, n° XLVI, 246 (document sans titre sur une dette de fermage, daté de 588) ; AHG, t. 46, 9, F° LXXXXII r°, 30, “Prêt fait aux jurats par Mme. de Carde, à qui s’est substitué d’Olive”, daté du 25 mars 593.

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Du nouveau sur Burdigala : les hommages à la famille julio-claudienne

Milagros Navarro Caballero

– D’Orient et d’Occident, p. 197 à 229

C et article se propose de faire le point sur une découverte majeure de l’archéologie borde-laise 1 qui, à la suite de circonstances que

je tenterai d’expliquer, est presque ignorée de la recherche actuelle. Il s’agit d’une série d’hommages à la famille im-périale julio-claudienne, trouvée sur le mont Judaïque à la fin du xvie siècle. Le caractère exceptionnel de la trouvaille réside dans le fait que tous les éléments qui composent les monuments honorifiques y étaient représentés : d’une part, deux plaques épigraphiques presque complètes, porteuses de dédicaces à Drusus III et à l’empereur Claude, ainsi qu’un petit fragment d’une troisième, qui devaient occuper la face frontale des piédestaux ; d’autre part, trois statues iconiques (deux togati et une femme, très vite identifiée, probablement à tort, comme Messaline), qui étaient érigées sur ces bases. Si la plupart des autres éléments de cet en-semble ont disparu, deux togati plus grands que nature, ex-posés aujourd’hui dans la salle “La ville à l’époque romaine” du Musée d’Aquitaine, illustrent encore un pan d’histoire de l’ancienne Burdigala 2, mais aussi une complexe affaire bordelaise qui se déroule à la fin du xvie et tout au long du xviie siècle.

Pour donner à cette découverte toute la place qui doit être la sienne dans l’histoire de Burdigala, des Bituriges Vivisques et de l’Aquitaine, il est donc nécessaire de procéder à l’analyse critique des éléments qui composaient la série de ces monuments honorifiques. En outre, la compréhension

�. J’ai découvert le dossier qui suit grâce à ma participation à la publication de l’épigraphie des Bituriges Vivisques dans la série ILA. Pour cela, je voudrais remercier tout d’abord L. Maurin, qui m’a fait l’honneur de m’associer à cette entreprise. Le développement d’un dossier complexe comme celui-ci m’a demandé des compétences dans des domaines très divers pour lesquels j’ai fait appel au conseil et à l’aide des nombreux collègues. Je voudrais donc remercier D. Barraud, J.-P. Bost, Fr. Boutoulle, É. Jean-Courret, L. Maurin, T. Nogales, C. Petit-Aupert, P. Regaldo, I. Rodà et A. Zieglé, ainsi que le Musée d’Aquitaine, le Service Régional de l’Archéologie et les Archives municipales. Évidemment, je suis la seule responsable des thèses présentées et des erreurs commises.

2. La plupart des auteurs semblent ignorer la conservation de deux togati jusqu’à nos jours, bien que leur appartenance au groupe découvert sur le mont Judaïque ne fasse aucun doute, comme on le montrera plus loin.

de cet ensemble va de pair avec l’étude du bâtiment ou du lieu public où bases et statues étaient exposées, ce qui nous entraîne à revenir sur l’histoire et l’urbanisme de la capitale antique. La présence d’un tel ensemble au début de l’Empire dans le chef-lieu des Bituriges Vivisques n’a en effet pas été évaluée à sa juste mesure. Or, elle n’est pas sans conséquence pour l’histoire de la cité, voire pour celle de la province d’Aquitaine. Au-delà de l’aspect local, il faut donc situer l’érection des statues dans le contexte politique et idéologique du début de l’Empire romain.

Mais, auparavant, il faut répondre à une question : comment une telle découverte est-elle presque passée sous silence, malgré les nombreuses notices données par les anciens érudits bordelais ? Mon analyse doit donc commen-cer par l’histoire de la découverte et de la conservation de ces portraits et inscriptions, ce qui nous plonge dans l’histoire de Bordeaux (Gironde), de la Renaissance à nos jours.

C’est cette redécouverte que j’ai le plaisir de proposer dans le cadre de l’hommage à Pierre Aupert, espérant que ce grand connaisseur de l’architecture romaine en Gaule et en Grèce appréciera un dossier dans lequel l’épigraphie, l’iconographie, l’idéologie et la politique se mêlent intimement à la parure monumentale de Burdigala.

1. La découverte

�.�. Gabriel de LurbePour savoir comment l’événement est passé

presque inaperçu de la recherche actuelle, il faut revisiter les sources bordelaises relatives à la découverte de cette série de portraits impériaux. Et avant tout les Chroniques Bourdeloises de G. de Lurbe 3 (? - �6�9), avocat à la cour de Bordeaux, devenu en �572 procureur syndic de la Jurade et anobli en �589. Il a laissé la charge de la Jurade à son

3. On a conservé dans les Archives historiques du département de la Gironde quelques documents relatifs à son activité professionnelle : AHG, t. �7, �877, n° XLVI, 246 (document sans titre sur une dette de fermage, daté de �588) ; AHG, t. 46, �9��, F° LXXXXII r°, 3�0, “Prêt fait aux jurats par Mme. de Carde, à qui s’est substitué d’Olive”, daté du 25 mars �593.

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fils, Isaac de Lurbe en �594, année qui est précisément celle de la découverte des hommages impériaux. Très cultivé, mais surtout passionné par la ville qu’il servait, il a écrit, entre autres, avec les Chroniques Bourdeloises, la première histoire de la capitale de la Gironde : il y raconte de façon chronologique les événements importants de Bordeaux 4. À la suite de la découverte, il publia un petit fascicule intitulé Discours sur les antiquitéz trouvées près le prieuré S. Martin en juillet 1594. Ce livret fut édité avec les Chroniques Bourdeloises dès l’édition française de �594-�595 5.

�.2. Le contexte de la découverteSous la rubrique correspondant à l’année �594,

G. de Lurbe écrit 6 : “le vingt-uniesme Juillet au dit an furent trouvées dans un champ hors la ville près le prieuré Saint-Martin, le long de la Divise, trois grandes statues de marbre blanc, avec quelques inscriptions latines, et autres antiquités, comme il appert amplement par le discours sur ce fait, cy-après inséré”. Il raconte ensuite que les Jurats ont fait placer les statues et les inscriptions dans des niches à l’intérieur de l’Hôtel de Ville, avec les armes du roi et de la ville. Une inscription en latin, divisée en deux parties, située au-dessous de l’ensemble, commémorait le geste des Jurats, parmi lesquels figure G. de Lurbe, avocat, pour la plus grande gloire de Bordeaux. Dans le discours, imprimé en seconde partie de ses Chroniques en français, celui-ci décrit plus précisément le contexte de la découverte : “Le sieur de Donzeau, lieutenant particulier en la seneschaussée de Guyenne, faisant parmy des vieilles masures et murailles en un champ à luy appartenant hors la ville près le prieuré S. Martin, tirer de la pierre pour employer en bastiment, les manœuvres qu’il y avoit commis auroient le 2� dudit mois en bechant la terre trouvé dans icelle trois pieds [� m environ] ou environ de profondeur deux grandes statues de marbre blanc” 7. Les travaux ont continué : “et le 24. dudit mois auroient trouvé une autre statue d’homme de pareille estoffe et grandeur, sans teste & bras”. La découverte des

4. L’édition de �590 est en latin. La chronique commence par Jules César et se poursuit, à partir d’un moment, année par année.

5. La première partie, les Chroniques Bourdeloises portent la date de �594 ; la seconde partie, le discours, celle de �595 (rappelons cependant qu’il s’agit de la deuxième édition ; G. de Lurbe avait publié la première en latin, intitulé Burdigalensium rerum chronicon, à Bordeaux en �590). Cette édition a été suivie d’éditions posthumes, complétées par différents auteurs bordelais. Dans l’édition de �6�9, la première partie, signée par G. de Lurbe, est datée de �6�9 et le Supplément des Chroniques de la Noble Ville & Cité de Bourdeaus de Darnal en �620, ajoute les années �595-�6�9. Une quatrième édition voit le jour en �672, dans laquelle un auteur inconnu, que l’on pense être Jean de Ponthelier, rédige les années �620-�67� ; la cinquième et dernière version paraît en �703 sous la responsabilité de M. Tillet, qui a rédigé les rubriques correspondant aux années �692 à �70�.

6. de Lurbe �594-�595, f. 37 v° ; �6�9-�620, 52 v° et 53 r°.7. Id. �6�9-�620, 6� r°.

inscriptions a eu lieu dans cette même journée 8. Il ajoutera que la Devèze passait au pied de l’endroit 9 situé en dehors de la ville et il rappelle en plusieurs occasions que c’était au sommet du mont Judaïque. Nous connaissons aussi, grâce à lui, l’identité de l’auteur de la découverte, M. Donzeau, lieutenant particulier en la seneschaussée de Guyenne �0.

�.3. L’endroit de la découverte On peut également situer avec beaucoup de certitude

l’endroit de la découverte : à côté du prieuré Saint-Martin, plus exactement entre celui-ci et la Devèze, à cent pas de la ville environ ��. Le lieu était vide de bâtiments, mais les pierres qui y affleuraient semblaient être suffisamment nombreuses pour que l’endroit soit utilisé comme carrière pour d’autres édifices. Les recherches topographiques effectuées sur la ville de Bordeaux, notamment celles d’É. Jean-Courret �2, permettent de situer le prieuré de Saint-Martin, aujourd’hui disparu, à l’angle sud-est du carrefour des rues du Château-d’Eau et Judaïque �3, sous l’actuel bâtiment de la Lyonnaise des Eaux. La découverte eut donc lieu à l’est du prieuré, à l’angle de la rue du Château-d’Eau et de la rue George Bonnac.

�.4. Les objets découvertsIl faut encore faire le point sur tout ce que G. de Lurbe

dit avoir été exhumé sur le mont Judaïque car, à côté des trois grandes statues plus grandes que nature, on aurait mis au jour de petits fragments d’autres sculptures �4, ainsi que “plusieurs inscriptions latines à pièces rapportées” �5, c’est-à-dire composées de plusieurs fragments, dont les deux principales, bien que fragmentaires, mesuraient deux pieds

8. Id. �6�9-�620, 6� r° : “avec nombre de pièces de marbre bien poly, contenant plusieurs inscriptions Latines”.

9. “la commodité du ruisseau de la Divise”, de Lurbe �6�9-�620, 63.

�0. On sait par ailleurs que son nom complet était Martin Donzeau et Cruzeau (parfois écrit Douzeau) et son métier était le même que celui de Gabriel de Lurbe, avocat, car on a retrouvé son nom dans plusieurs documents des Archives historiques du département de la Gironde : AHG, t. �0, �868, 29�-292 “Esporle pour les Piliers du Tutèle, Archives impériales : J. �45. Communiqué par M. Jules Delpit” ; AHG, t. 35, �900, n° LXXIII, p. 23� “vente d’un domaine royal”, daté de �594 ; AHG, t. 46, �9��, n° II, 3�0, “Décharge de tuteur”, daté de �597.

��. “En l’an �594 l’on trouva à cent pas de la ville de Bourdeaus, & no guieres loin de la porte Dijos (qui retient encores le nom du Dieu Iuppiter qui estoit adoré pres de là) & soubs quelques vieilles ruïnes trois grandes Statuës Romaines de marbre blanc couchées à la renverse & enterrées trois pieds en terre” (d’Arrérac �625b, 227).

�2. Auteur d’une thèse de doctorat encore inédite. Je tiens à le remercier de toute l’aide qu’il m’a prêtée pour localiser la découverte.

�3. Drouyn �874, 349. �4. “On aurait aussi trouvé plusieurs pieces des bras, iambes

& pieds desdites statues & d’autres” (de Lurbe �6�9-�620, 6� r°).�5. de Lurbe �6�9-�620, 6� r°.

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de largeur, c’est-à-dire environ 0,65 m, et plus encore de longueur.

Je reviendrai, dans la troisième partie, sur le type des piédestaux qui servaient de supports aux statues et sur lesquels les plaques avaient été apposées. G. de Lurbe ajoute de petits fragments de marbre inscrits qui ne pouvaient être reliés aux précédentes inscriptions �6, mais il s’est surtout intéressé aux deux grandes plaques. Il dit avoir enquêté et pris “advis des gens doctes” �7 et conclut que l’ensemble datait clairement du règne de Claude �8. Il essaie de comprendre qui était le dédicataire du premier texte, et propose Drusus l’Ancien, père de l’empereur Claude, ou Drusus le Jeune, fils de Tibère �9, attribution qui ne manque pas de perspicacité, bien qu’elle soit erronée, puisqu’il s’agit en réalité de Drusus III, deuxième fils de Germanicus et frère de Caligula 20. Mais sa lecture de la seconde inscription, une dédicace à l’empereur Claude, est tout à fait correcte.

Les inscriptions et les statues étaient accompagnées de fragments de céramiques (que G. de Lurbe décrit comme des morceaux issus d’un sol en mosaïque 2�), de restes de plomb 22 et de plusieurs monnaies de Claude, “de Messaline” 23, de Domitien, des Antonins, de Gordien, de Victorin, de Constantin et de Licinius 24.

�.5. Les interprétations de G. de LurbeG. de Lurbe propose deux interprétations du

monument où devaient être exposés les piédestaux et les statues : un temple ou des thermes. Les éléments qui lui font proposer la première hypothèse sont les suivants : il considère que la présence de mosaïque est typique de

�6. “il s’est trouvé d’autres petits lopins de marbre, où il y avoit des lettres Romaines, lesquels ne se pouvoient joindre en façon quelconque” (de Lurbe �6�9-�620, f. 6�).

�7. de Lurbe �6�9-�620, 62 r°.�8. Ibidem : “il appert assez clairement les dictes statues &

inscriptions avoir esté faictes du temps de Claudius Empereur Romain, il se trouve rarement en aucun lieu de plus anciennes marques de l’antiquité, ce qui les rend outre la perfection d’icelles beaucoup plus recommandables”.

�9. Je ne résiste pas au plaisir érudit de reproduire les propositions de G. de Lurbe, pour remarquer surtout ces petites erreurs dans la rédaction latine. DRVSO CAESA.FR. GERMA / NICI. CAESA.F. TIBERII / AVG.N.DIVI AVGVSTALI / PRAEF.VRBIS SODALI AV / GVSTALI. Il a cependant l’honnêteté de remarquer qu’aucun des deux Drusus qu’il connaît ont été praefectus urbis (de Lurbe �6�9-�620, 62 r° et v°).

20. Voir infra, commentaire épigraphique.2�. “grande quantité de petites pieces de terre cuite de

diverses couleurs” (de Lurbe �6�9-�620, 6� r°) ; d’Arrérac dit exactement que les tesselles étaient blanches et noires (�625a, 5 ; �625b, 230).

22. “des lopins de plomb fondu” (de Lurbe �6�9-�620, 6� r°).

23. Plutôt qu’aux rarissimes didrachmes de Messaline frappés à Césarée de Cappadoce, on pensera à quelque légende mal lue au nom d’une Agrippine.

24. On sait par ailleurs que les Jurats ont fait collection de ces monnaies.

temples 25, mais il part également d’une raison étymologique communément acceptée à cette époque, à savoir que la porte Dijeaux voisine avait hérité son nom d’un temple à Jupiter dies Iouis 26, comme l’avait écrit É. Vinet. Quant aux thermes, ils se justifient par le voisinage de la Devèze qui coule au pied du lieu de la découverte 27 et par la présence de portiques, qu’il considère comme typiques de thermes et où l’on pouvait exposer des statues. Je reviendrai plus tard sur cette description, qui donne une partie de la clef de l’interprétation du monument, mais je tiens à signaler que la première interprétation que propose G. de Lurbe n’a guère été retenue par les chercheurs postérieurs.

�.6. Le contexte bordelais au moment de la découverteG. de Lurbe raconte dans ses Chroniques (rubrique

de l’année �594) 28 et dans son discours annexe, que le maire et les jurats ont vite pris conscience de l’importance de la découverte, car elle représentait l’Antiquité et la grandeur de la cité bordelaise. Ils ont donc fait transporter les statues et les inscriptions à l’Hôtel de Ville 29 où elles ont été disposées “en la forme & estat qu’elles auroient esté

25. “Ioint que les ouvrages de Musayque n’estoient communement employez que és Temples & lieux sacrez, ainsi qu’il se void par ceux qui restent pour le jourd’huy en la Chrestienté” (de Lurbe �6�9-�620, 63 r°) [G. de Lurbe semble confondre les temples d’époque classique avec les basiliques paléochrétiennes].

26. “Si les coniectures ont lieu, une seule consideration peut faire iuger que c’estoit un Temple consacré a Iupiter, de tãt que la porte de ladite Ville, qui est dans un coing de l’ancienne Ville, & par laquelle on fot pour aller à la dite terre, où lesdites antiquitez ont esté trouvées, qui n’est que à trois cens pas ou environ de ladite porte, a toustours & de toute ancienneté retenu le nom de la porte Dijeaux ou Dijos, qui est autant en Latin que porta Iouis” (de Lurbe �6�9-�620, 62 v°).

27. “Il n’est pas toutesfois mal à propos de penser que ce soient les ruines des estuves ou baings bastis par les Romains commandans en la Guyene, tant pour la commodité du ruisseau de la Diuise qui coule au pied de ladicte terre, que pour avoir esté le bastiment divisé comme en cellules avec des longiers de muraille en forme de portiques, comme tesmoignent aussi les vieilles mazures des bains qu’on trouva l’an �557 au haut de ladite terre, en relevant le boulevard de la susdicte porte Dijeaux. Ioint que communement les anciens Romains accompagnoient leurs thermes & baings de gymnases, tant pour l’exercice du corps, que de l’esprit, avec des portiques & galeries spacieuses, dans lesquels estoient posées les statues des grands & illustres hommes, & mesmes de ceux qui avoient acquies le souverain honneur en ces exercitations & disciplenes” (de Lurbe �6�9-�620, 63 r°).

28. de Lurbe �594-�595, in-40.29. “De façon que le tout ayant esté recueilly avec grand

soing & curiosité par Messieurs les Maire & Iurats Gouverneurs de la Ville, & porté en l’hostel d’icelle, ayans iugé que la garde de telles pieces leur appartenoit plustost, qu’à un particulier, ils auroient en memoire de l ‘antitiqué & grandeur de ceste dicte Ville faict dresser lesdictes statues en lieu eminent avec lesdicts inscriptions en la forme & estat qu’elles auroient esté trouvées ” (de Lurbe �6�9-�620, p. 6� v° -62 r°). Rappelons que, à l’époque, l’Hôtel de Ville était situé entre la place de la Ferme-de-Richemont, le cours Victor-Hugo, les rues de Guyenne et Saint-James (IRB, II, 339).

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trouvées” 30. Le premier historien de la ville de Bordeaux prit une part importante dans l’affaire, qui fut commémorée par une inscription sur deux plaques scellées 3� dans la partie inférieure d’un monument disposé dans la cour de la mairie avec les statues et les inscriptions romaines (voir sa description infra).

Cet intérêt de la Jurade pour le patrimoine antique correspond à un moment de grande activité culturelle à Bordeaux 32. L’Humanisme, malgré les Guerres de Religion, avait fleuri dans la ville avec une série remarquable d’intellectuels, poètes, historiens et juristes, dont beaucoup siégeaient au Parlement 33. Parmi eux, Florimond de Raymond, grand défenseur du patrimoine, qui possédait une importante collection dans sa maison bordelaise. Dans cette ambiance d’émulation culturelle, la Jurade, elle aussi, se fit protectrice des arts et du patrimoine 34, avec des figures moins brillantes, comme G. de Lurbe et même M. Donzeau, celui qui a découvert les statues et les inscriptions.

�.7. Les problèmes : G. de Lurbe a-t-il menti ?Bien des gens ont vu dans l’Hôtel de Ville les pièces

découvertes (dont ne subsistent plus que les deux togati) et pouvaient confirmer les paroles de G. de Lurbe. Et pourtant, ce témoignage n’est pas aussi assuré : d’une part, et pour des raisons que l’on essaiera d’éclaircir, notre chroniqueur a introduit un faux dans son inventaire ; d’autre part, la date de la découverte a été mise en doute.

Le faux est un cachet de Néron. Cet ajout superflu jette une ombre sur le témoignage de G. de Lurbe et explique en partie le malaise qui a entouré l’extraordinaire trouvaille du mont Judaïque. De Lurbe écrit, page 6� à droite, à la fin de la description des objets trouvés à côté du prieuré Saint-Martin :

“& des anneaux de fer avec une cles, semblables à ceux trouvez au Pays bas qui sont representez par Lypsius en ses Commentaires sur Tacite. Mais ce qui est de plus singulier, c’est une medaille de bronze representant le cachet de Neron, avec le pourtraict du combat d’Apollon & Marsias, & punition d’iceluy. Al’entour de laquelle sont escrit ces mots, Nero cLavdivS. caeSar. avgvStvS. gerMaNicvS. P. 

30. de Lurbe �6�9-�620, 6� v° -62 r°.3�. Reproduction des textes infra, n. 53 et 54.32. “Illam enim mihi non maximam Galliarum, sed nec ex

parvis, urbem selegi : cum quod venerandis Antiquitatum monimentis, qua locus iste custodit”, a dit Jodocus Sincerus dans la préface de son appendix en parlant de Bordeaux et de l’intérêt que Bordeaux porte à ses monuments anciens.

33. Boutruche �966, �98 : Florimond de Raymond, Montaigne, Pierre de Brach, La Boétie.

34. Ibidem, 272-273.

Max. tr. P. iMP. 35 P.P.  tout de mesmes que du Choul l’a representé en son Discours de la religion & medailles des anciens Romains, (le mesme pourtraict estant peint par Zeuxis excellent peintre sust despuis mis dans le Temple de Concorde à Rome, comme escrit Pline 36”.

Il complète ses dires avec un dessin du cachet dans la dernière page de son discours.

Entre le moment de la découverte et la publication du discours la même année – �594 –, quelqu’un a ajouté aux objets trouvés un élément extérieur, ce faux cachet de Néron, dont on connaît différentes copies de la Renaissance 37. Celui qu’a reproduit G. de Lurbe vient certainement de G. du Choul, célèbre antiquaire lyonnais et conseiller du roi, qui en possédait un identique dans son cabinet 38 et l’avait publié dans son livre sur la religion et les médailles des Anciens Romains, ouvrage que G. de Lurbe avait lu 39. Quand on met les deux cachets côte à côte (fig. �), on voit que ce sont exactement les mêmes.

Grâce à la remarquable analyse de C. Jullian 40 qui, lui, dépendait du travail de M. Molinier 4�, on sait que les Médicis possédaient une cornaline portant le

35. Dans le calque de Guillame de Choul, on peut lire la même légende.

36. Nat., 35.66.37. L’écorchement de Marsyas par Apollon est devenu un

thème très exploité à la Renaissance car il est compris comme une métaphore de la connaissance, de la création sur une peau morte.

38. Sur la question, voir Guillemain 2002.39. Il s’agit du premier grand catalogue de monnaies en

français, publié par l’éditeur Guillaume Rouille en �556 à Lyon. Il est intitulé Discours de la Religion des anciens romains, illustré d’un grand nombre de medailles, & de plusieurs belles figures retirées des marbres antiques, qui se treuvent à Rome, & par notre Gaule. Le cachet est publié à la page �96. Ce livre a été souvent réédité. Le dessin du cachet a changé au fils du temps par rapport à l’editio princeps.

40. IRB, II, 250-252.4�. Molinier �886, in-8°.

Fig. �. Le cachet de Néron et ses parallèles. a. Le cachet publié par G. de Lurbe ; b. Le cachet publié par G. du Choul.

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nom de Néron, représentant Apollon et Marsyas, et que celle-ci fut amplement copiée, notamment sous la forme de plaquettes de bronze, dont on connaît bon nombre d’exemplaires : parmi d’autres, au xvie siècle, G. du Choul et un bordelais inconnu en possédaient un. Ce dernier aura voulu augmenter l’intérêt de la découverte du prieuré Saint-Martin en y ajoutant une pièce de sa propre collection. Il pourrait s’agir de Donzeau, le lieutenant particulier, dont on connaît la relation avec les antiquités de la ville 42. Cependant, les preuves semblent accuser le très dévoué G. de Lurbe lui-même, acteur volontaire (pour donner plus d’importance à la découverte) ou involontaire (on a très bien pu lui vendre l’objet en lui faisant croire qu’il provenait du mont Judaïque) de la supercherie : d’une part, c’est lui qui a publié le faux cachet, d’autre part, il semble bien connaître celui de G. du Choul, mais, enfin et surtout, on sait par ailleurs qu’un faux camée, mis en circulation au début du xviie siècle à Bordeaux, pourrait provenir de sa collection personnelle 43. Quel qu’en soit l’auteur, il faut situer cet acte dans le contexte des savants de la Renaissance : ils pensaient bien faire, car ils se croyaient autorisés à reconstruire la réalité historique. De toute manière, dans leur esprit, celle-ci ne pouvait guère être différente de ce qu’ils imaginaient, et, en outre, cette petite tricherie augmentait le prestige de Bordeaux. Malheureusement, ce cachet, très vite reconnu comme faux, a jeté le doute sur le témoignage de G. de Lurbe et, par conséquent, sur le sort des autres vestiges. Conservé avec le reste du petit matériel à l’Hôtel de Ville, ce cachet a disparu à un moment inconnu.

42. D’ailleurs, il possédait une maison attenante aux “Piliers de Tutelle”, AHG, t. �0, �868, 29�-292 “Esporle pour les Piliers du Tutelle, Archives impériales : J. �45. Communique par M. Jules Delpit”.

43. Il s’agissait d’un camée orné d’un buste de femme, très vite interprétée comme une Messaline [rappelons que la statue féminine a toujours été considérée comme Messaline], et portant l’inscription interprétée comme [mes]SAL[ina] AV[gusta] QVOD [---] (sur la question, IRB, II, 252). Théoriquement, il avait aussi été découvert dans le prieuré Saint-Martin. G. de Lurbe n’en parle pas. La première mention sort de la plume de P. de Bourdeille, seigneur de Brantôme au début du xviie siècle (de Bourdeille �876, IX, 3� ; sur la question, Tamizey de Larroque �88�, �32). Le camée fut acheté par N.-Cl. Fabri de Peiresc en juillet �623 lors de sa visite à Bordeaux et fut offert en cadeau à Rubens. Sur la question, voir IRB, II, 25�-253 qui étudie et publie la correspondance entre N.-Cl. Fabri de Peiresc et Rubens à ce propos. Le décor du camée devait être un peu fruste, ce qui permet à N.-Cl. Fabri de Peiresc de douter de son ancienneté. Dans une lettre à Rubens datée du 22 août, il dit à propos de l’origine de la gemme : “Il cui di ffetto mi faceva quasi dubitare dell’antiquita. Io ho fatto molto diligenza in quel poco tempo che mi resetava, per penetrare unde elle veniva, ma non ho havuto certezza che vaglia, se non che il Padrone l’hebbe d’on suo parente ch’era stato scyndico della città di Bordeaulx, il quale è morto”. C’est cette dernière phrase qui semble concerner de Lurbe. Le propriétaire du faux camée l’avait obtenu d’un membre de sa famille déjà décédé [rappelons à cet égard que G. de Lurbe est décédé en �6�9 et la lettre est datée du �0 août �623], qui avait fait partie de la Jurade. La lettre publiée par C. Jullian (IRB, II, 252), est issue de la correspondance de N.-Cl. Fabri de Peiresc (Bibliothèque de Carpentras), t. V, f° 7�4.

La date de la découverte du mont Judaïque a aussi été remise en question par P. Courteault 44 : dans son article de �940, il avance que les statues auraient été mises au jour avant �574 et non en �594. À l’appui de cette assertion, il fait remarquer qu’A. Thevet, célèbre cartographe du roi, mentionnait déjà l’existence à Bordeaux de thermes près de la porte Dijeaux dans son livre de �575 45. Cependant, une lecture attentive du texte de Chroniques Bourdeloises m’a permis de retrouver la référence suivante : “comme tesmoignent aussi les vieilles mazures des bains qu’on trouva l’an �557 au bout de ladite terre, en relevant le boulevard de la susdicte porte Dijeaux” 46. La découverte mentionnée par A. Thevet est celle de �557, citée également par G. de Lurbe comme située sous l’actuelle rue Georges Bonnac, donc tout près du prieuré (“au bout de ladite terre”) et non celle de �594 près du prieuré Saint-Martin, qui est confirmée par des témoignages de l’époque 47. Il faut cependant associer les deux découvertes (celle de �557 et celle de �594) pour comprendre le contexte archéologique général de cette partie de Burdigala : entre la Porte Dijeaux et le prieuré Saint-Martin, c’est-à-dire, à l’est et au sud du mont Judaïque, on a trouvé au xvie siècle d’importantes structures interprétées, à tort, comme des thermes. Ces bâtiments étaient associés à des statues.

Je reviendrai sur cette question un peu plus tard. Pour le moment, il me semble important de retenir que rien, dans les sources, ne permet de dire que G. de Lurbe a menti sur les dates. S’il est certain que le zèle dont il fit preuve a fait douter nos contemporains, les découvertes sur le mont Judaïque ont bien eu lieu entre le 2� et le 24 juillet �594. La Jurade a du reste signé un contrat avec les maçons qui devaient réaliser le support des inscriptions et des statues à l’intérieur de la mairie le 30 du même mois de juillet 48. En décembre de ladite année, le travail était fini, si l’on croit la date de l’inscription commémorative de la Jurade. En �594, G. de Lurbe publia son discours qu’il republia au début de l’année �595 avec une nouvelle version de ses Chroniques. On a de quoi admirer autant d’efficacité.

44. Courteault �940, 600.45. Thevet �575, t. II, 5�2-5�3 : “les quelles cuves ont esté

de notre temps descouvertes vers la porte des Iaux. En ces bains, on trouva inifinis vases de service de maison et grand nombre de statues de pierre et medalles, tant des Empereurs que des Capitaines romains”.

46. de Lurbe �6�9-�620, 63 v.47. Dans le contrat avec les entrepreneurs date du 30 juillet

�594 on lut “des statues tres anticques, qui ont nagueres esté trouvées”. Jean d’Arrérac, contemporain de la découverte, a parlé à deux reprises dans ses œuvres (voir infra) et donne la même date.

48. Il s’agit du document AD.33, série E, notaires �75, XII, 374. Ce document a été publié par C. Jullian dans ces IRB, I, 93.

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Fig. 2. Plan de la disposition des statues dans la Mairie de Bordeaux à la fin du xvie siècle (IRB, II, 339).

Fig. 3. Dessin d’Hermann Van der Hem, qui s’intitule “statuae Drusi caes. Messalinae et Claudi imp. cum lapide Vivisco 6e feb 1639”, p. 383 (Demont & Favreau 2006, 27, n° 24). Il n’a représenté que quelques lettres de l’inscription de Claude. Il représente le texte de l’autel, ainsi que l’inscription commémorative de �590 pour l’érection de celui-ci. Il a dessiné le cadre de l’inscription de Drusus III et les deux inscriptions commémoratives des Jurats en �594, mais il n’a pas mis de lettres : étaient-elles déjà effacées en �639 ?

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2. L’hiStoire de La Série hoNorifique

Malgré les hésitations sur la chronologie et l’existence d’un faux, une chose reste sûre : les deux togati encore conservés au Musée d’Aquitaine étaient exposés avec la statue féminine et les dédicaces à Drusus III et à Claude dans la cour de l’Hôtel de Ville en �595 (fig. 2), dans l’écrin d’un grand monument. Celui-ci est bien connu, d’une part, grâce à la description des travaux exigés des maçons dans le contrat de travail déjà cité, d’autre part, par une esquisse d’H. Van der Hem datée du 6 février �639, conservée à la Bibliothèque Nationale de Vienne et récemment publiée (fig. 3) 49, et, enfin, grâce à la description détaillée de certains témoins, dont je reparlerai, et notamment de J. Sincerus : les trois statues étaient placées en hauteur, et dans des niches. À droite 50, à côté de l’autel des Bituriges Vivisques, exposé en �590 avec son inscription commémorative au-dessous, se situait une des statues masculines avec la dédicace à Drusus III placée en haut à gauche 5�. La statue féminine occupait la niche centrale et, à gauche 52, était placée l’autre statue masculine, avec la dédicace à Claude en haut entre les deux 53. À la base de la statue la plus à droite, on avait placé l’inscription qui commémorait l’action du maire, des jurats et des avocats (parmi eux, G. de Lurbe) 54. Cette inscription continuait sur la base de l’autre togatus 55. En haut du monument, au-dessus des deux intervalles entre les statues, on avait représenté les armes du roi et de la ville.

Si les Bordelais ont oublié rapidement cette décou-verte et négligé le monument de la mairie, tel n’a pas été le cas des visiteurs étrangers, qui les ont décrits dans leurs

49. Avant la récente publication d’H. Van der Hem par Demont & Favreau 2006, on connaissait son dessin grâce au travail de Goyau �894, 459-485.

50. Par rapport au spectateur.5�. Sincerus �627, 380 : “Proxima dicto marmori Tropeitano

est statua virilis latera, proceritate sex pedum, uti omnes tres, capite truncata & bradiis sicut, habitu senatorio inducta, cui adiecta est mutila haec inscriptio ad latus sinistrum, eodem in loco, quo ipsa statua reperta”.

52. Sincerus �627, 380, “Nihil huic inscriptioni adietum”.53. Ibidem : “ab huius sinistra sequitur tertia omnia sere

similis primae, ad cuius sinistrum pariter inscriptio mutilata posita”.54. L’inscription est importante pour comprendre la pensée

de ce dernier. En voici le texte : “M. S. / Statuas Drusi Caes. Claudii Imp. Et Messalinae Gothorum injuria mutilas, e ruderibus collis Iudaici, M. Donzeau Supp. Aquitaniae, propre sacellum D. Martini extra muros, cum superi inscriptionibus, anno Christi �594 erutas. Iac. De Matignon Franc. Maresch. Aquitaniae Prorex, et Major civitatis, F. de Girard de Haillan scutifer, M. Thibaut Advoc., F. Fouques, P. de Fortage scutifer, I. de Guerin Adv., et I. de Guichener Iurati Burdigalenses, praef. Urbis, G. de Lurbe et R. de Pichon Advoc. et sc. scynd. et scr. Civitates his in memoriam antiquitatis, et ad perpetuam Burdigalae gloriam ponendas curarunt M. D. XCIIII. : MVTA RENASCENTVR”. ibidem : “novella inscriptio sub primam statuam haec posita est”.

55. Ibidem : “sub tertiam haec verba marmori incisa leguntur”. Il donne ensuite le texte, déjà connu de Lurbe �6�9-�620, 53 r° et v°, avec la date “Hoc opus à prioribus Iuratis prudenter institutum, novi istius anni Iurati, R. du Burg, quaest. Reg. Ger. Testoris Proc. Math. Salomon, cum reliquis ad Umbilicum duxerunt. Imperante Henrico 4. Franc & Navar. Rege Christianissimo. Calend. Decemb. �594”.

récits, parfois encore inédits. Ces ouvrages ont été cités par d’autres savants de l’époque. Pour certifier l’authenticité de la découverte sur le mont Judaïque et comprendre mieux les raisons de la disparition des différentes pièces, je vais présenter, dans la mesure du possible par ordre chronologique, les auteurs qui ont vu et mentionné les hommages impériaux exposés à l’Hôtel de Ville avant leur disparition partielle. Je tenterai ensuite de comprendre comment certains éléments ont disparu et de suivre ceux qui ont survécu jusqu’à leur installation définitive au Musée d’Aquitaine.

2.�. Les témoignages et les récits du xviie siècle

- Jean D’arréraC (? - 1611)

J. d’Arrérac, baron d’Arsac était un jurisconsulte, trésorier du roi et conseiller au Parlement de Bordeaux 56. Auteur assez prolifique, il a mentionné deux fois la décou-verte des hommages impériaux : la première dans son petit éloge de la ville de Bordeaux et l’autre dans le second traité d’un livre consacré aux magistratures 57. Les versions conservées de ces deux ouvrages, datées de �625, semblent posthumes, puisque leur auteur est très probablement décédé en �6��. J. d’Arrérac parle des statues et des inscriptions de la famille impériale, qu’il a vues à l’Hôtel de Ville 58, mais, s’il se réfère à G. de Lurbe 59, il modifie le texte de la dédicace à Claude 60.

- Paul heNtzNer (Brandenburg, 1558 - 1623) 61

Ce voyageur allemand séjourna à Bordeaux du 8 au �� juillet �597, en compagnie d’un jeune silésien dont il était le précepteur. Il publia ses impressions sur notre ville, ainsi que sur le reste de la France, dans son Itinerarium Germaniae, Galliae, Angliae, Italiae, dont la première édition a paru à Nuremberg en �629. À l’intérieur de l’Hôtel de Ville, il a vu, entre autres, trois statues de marbre, celle du milieu, la

56. Sur son activité, les Archives départementales de la Gironde conservent un intéressant document (AD.33, Série G. Clergé séculier. G. 225. Liasse 2, cahiers in – 4 ° de 22 feuilles).

57. Le livre s’intitule Trois divers traictez et la deuxième partie est dédiée à La vanité à partir des magistratures romaines. À la page 227 de cette deuxième partie, commence un discours intitulé “Des inscriptions, & statuës trouvées à Bordeaus en l’an �594”.

58. Les textes épigraphiques se trouvent à la suite, à la page 23�.

59. Il lui corrige, à bon escient, son texte latin et son interprétation : il comprend déjà qu’il s’agissait de Drusus III.

60. Il semble donner une version souvenir plus qu’une version scientifique comme pour la précédente car il dit : ”une autre inscription de cest Empereur contenat tels mots” (d’Arrérac �625b, 233).

6�. IRB, II, 37�.

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femme, avec la tête et sans les mains et les deux autres, sans tête ni mains (les deux togati) 62. Des inscriptions “qui étaient au-dessus”, il propose une lecture erronée qui mélange les dédicaces à Drusus III et à Claude.

- Pierre De bourDeille, seigneur de Brantôme (1540-1614)

Ce notable, abbé séculier de Brantôme, a mentionné la statue féminine dite “de Messaline” et le faux camée dans ses Vies des dames galantes. Le texte, écrit au début du xviie siècle, est resté manuscrit jusqu’à sa publication en �876 par L. Lalanne 63.

- Jean Isaac PoNtaNus (Elseneur, 1571-1639) 64

Le grand historien du roi de Danemark et des États de Guelche visita Bordeaux en �602 et inscrivit ses impressions dans son Itinerarium Germaniae, Galliae, Angliae, Italie, cum index locorum at que uerborum de rerum, Nuremberg, �6�2. Comme la plupart des voyageurs germaniques du xviie siècle, il décrit les monuments conservés à l’Hôtel de Ville, notamment les dédicaces à la famille impériale, dont il fournit une bonne version 65.

- Antoine Du verDier, seigneur de Vauprivas (Montbrison, 1544 - Duerne, 1600) et Jean gruter (Anvers, 1560 - Heidelberg, 1627)

Très peu de temps après leur découverte et publication par G. de Lurbe, les dédicaces impériales de Bordeaux ont été reproduites dans le premier grand recueil épigraphique du xviie siècle. En effet, le corpus que Jean Gruter publia en �602 à Heidelberg, où il travaillait comme bibliothécaire à l’Université, présente un panorama assez complet de l’épigraphie bordelaise connue jusqu’alors 66. On y trouve les inscriptions conservées à l’Hôtel de Ville, notamment les dédicaces impériales 67. Le problème est que la lecture de G. de Lurbe est déformée par son informateur, A. du Verdier, seigneur de Vauprivas, conseiller du roi et Contrôleur général à Lyon, connu par sa culture et sa considérable bibliothèque. Sans intérêt épigraphique pour

62. “in Curia Ciuitatis, tres statua marmorea (sic) uidentur, quarum media cum capire (sic) & sine manibus, reliquae vero duae absq ; capitibus & manibus conspiciuntur, his inscriptionibus superadditis” (Hentzner �629, 59).

63. Les écrits de Brantôme ont commencé à être publiés sous la responsabilité de J.-A.-C. Buchon au début du xixe siècle. Entre �864 et �882, L. Lalanne a édité ses œuvres complètes, notamment le volume sur les femmes galantes qui nous intéresse.

64. IRB, II, 370.65. Pontanus �6�2, 94.66. Sur la question, voir IRB, II, 366-368.67. Gruter �602, CCCXXXVII.

la question qui est la nôtre, les références de J. Gruter montrent tout au moins le rapide écho international de la découverte bordelaise.

- Jodocus siNCerus (Thuringe, 1590 - Lyon, 1620) 68

Just Zinzerling, ou plutôt Jodocus Sincerus, nom dont il signa ses livres, a parcouru lui aussi la France et raconte son périple dans un livre intitulé Itinerarium Galliae. À côté des conseils de voyage, il décrit des antiquités, notamment des inscriptions, car il était bon philologue. Arrivé à Bordeaux le �6 octobre �6�2, il se prit d’admiration pour notre ville, ce qui le conduisit à augmenter son livre 69 d’un Appendix de Burdigala. Son témoignage permet de compléter le dossier des dédicaces impériales 70 : s’il semble reproduire le texte de G. de Lurbe, il y ajoute de nombreux détails qui permettent de reconstituer le monument construit dans la curie bordelaise.

- Nicolas-Claude fabri De PeiresC (belgentier, 1580 - Aix-en-Provence, 1637)

Le hasard a conduit à Bordeaux N.-Cl. Fabri de Peiresc, l’un des plus grands savants de l’époque 7�. En �6�8, il reçoit de Louis XIII l’abbaye Notre-Dame de Guîtres, où il semble n’avoir séjourné que très peu de temps en �623. Il s’est arrêté dans notre ville à l’aller et au retour et, parmi les monuments qu’il remarque, figure celui de la mairie avec les statues et les inscriptions. On a conservé ses impressions, bien que N.-Cl. Fabri de Peiresc n’ait jamais publié de livre. Il diffusa en effet son savoir dans une correspondance intense avec tous les intellectuels de son temps. Très méthodique, il gardait un double de chacune de ses lettres, aujourd’hui conservées pour la plupart à la bibliothèque de Carpentras. On doit à C. Jullian la découverte de celles qui mentionnent les statues de Bordeaux 72.

68. IRB, II, 37�-373.69. Publié en �6�6 et réédité en �627. C’est cette dernière

édition que j’ai pu consulter aux Archives municipales de Bordeaux. Elle a l’avantage d’avoir été commentée et corrigée par M. Bernadau, l’historien bordelais du xixe siècle (sur ce personnage, IRB, II, 39�). C’est grâce à P. Bernadau que l’on apprend que l’ouvrage de J. Sincerus a été traduit en français à Lyon, en �645, sous le titre Voyage en France.

70. Sincerus, �6�6, Appendix, 28.7�. Il est difficile de résumer la vie et l’œuvre de cet

intellectuel hors pair. Juriste de formation (il fut conseiller au Parlement de Provence), il fut animé par l’amour de toutes les branches du savoir : il fut botaniste, astronome, zoologue, géographe, numismate et archéologue de renom. Collectionneur comme tous les hommes cultivés de son époque, il fit de sa maison d’Aix-en-Provence un véritable musée.

72. IRB, II, 25�-253, avec la reproduction des paragraphes concernant Bordeaux et IRB, II, 373-374, avec son étude de N.-Cl. Fabri de Peiresc à Bordeaux.

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Il s’agit d’abord d’une série de lettres échangées entre N.-Cl. Fabri de Peiresc et Rubens qui se rapportent aux visites de N.-Cl. Fabri de Peiresc à Bordeaux ; il parle des copies qu’il a faites des dédicaces de la famille julio-claudienne et du problème d’un camée qui était supposé représenter Messaline et que Peiresc avait acheté à Bordeaux et envoyé à Rubens 73. Ces lettres, datées entre juillet �623 et février �624 74 et conservées à Bruxelles et Carpentras, ont permis à C. Jullian d’établir que la visite de Peiresc a eu lieu en juillet pour l’aller à Guîtres et en septembre pour le retour 75. Il avait fait trop rapidement le dessin des inscriptions et la tête de la femme, ce qui l’obligea à faire exécuter de nouvelles copies par M. de la Houssaye et par le prieur du Val, dont on conserve les lettres également à Carpentras 76. Il commanda un portrait et un moulage de la femme à l’artiste flamand Adrien de Vries 77.

- Louis saNloutius (l’“Anonyme de Bouhier” 78)Le président de l’Académie de Bordeaux, M. Bouhier,

posséda un manuscrit très ancien d’un voyageur qui visita Bordeaux et reproduisit des antiquités bordelaises, dont certaines inscriptions. Ce texte, aujourd’hui conservé à la Bibliothèque Nationale de Paris 79, toujours manuscrit, a reçu la dénomination d’“Anonyme de Bouhier”, bien qu’on sache qu’il s’agit de L. Sanloutius, jurisconsulte et noble bourguignon 80 inconnu par ailleurs. L’analyse des inscriptions répertoriées dans son manuscrit me permet de proposer que sa visite à Bordeaux eut lieu dans le deuxième quart du xviie siècle, sans que l’on puisse en préciser avec certitude le moment exact 8�. L. Sanloutius a transcrit 82 les dédicaces à Drusus III et à Claude et donne quelques indications en français et en latin sur leur découverte 83.

73. Sur cette gemme, voir nos commentaires supra.74. Exactement entre le 27 septembre �623 et le �2 février

�624.75. C. Jullian a publié une partie de cette correspondance

(IRB, II, 374), de même que M. Tamizey de Larroque dans son article de �88�.

76. IRB, II, 374. 77. Le premier en �626 et le deuxième en �627, ce qui prouve

l’intérêt qu’il portait à la découverte bordelaise encore quelques années après. Sur la question, voir les traductions des lettres proposées par Tamizey de Larroque �88�.

78. IRB, II, 368.79. Ms. �7,575.80. À ce propos, voir une fois de plus l’excellente analyse de

C. Jullian dans IRB, II, 368-369.8�. Voir, à ce propos, le commentaire à L. Sanloutius dans

ILA Bituriges Vivisques (à paraître). Nous proposons une date quelque peu postérieure à celle que publia C. Jullian (�594-�60�).

82. F° �97, p. 353, r°.83. “Trois simulacres en marbre blanc … in vico Judaiq.

�594”.

- Hermann vaN Der heM (Amsterdam, 1619 - Bordeaux, 1649)

L’ordre chronologique m’amène à H. Van der Hem, que j’ai cité précédemment à propos de son dessin du monument de la mairie 84. Ce personnage réalisa une série importante de dessins sur Bordeaux et la région pour illustrer un atlas que devait publier l’un de ses frères 85. Ses travaux montrent le talent d’un artiste méticuleux et très soucieux de représenter tous les détails. Les vestiges romains de Bordeaux l’ont beaucoup inspiré et, parmi eux, outre les “Piliers de Tutelle” (�640), ceux qui étaient conservés à l’Hôtel de Ville. Entre le 27 décembre �638 et le 6 février �639, il a exécuté une vue d’ensemble de la façade nord de la cour (supra fig. 3) où étaient disposées les statues et les inscriptions avec l’autel des Bituriges Vivisques et les textes commémoratifs des Jurats. Il ne reproduit qu’une dédicace impériale (celle de Claude) et une inscription commémorative des jurats (les autres étaient déjà presque effacées ?). Il a fait également deux dessins de la statue féminine, que l’un d’eux permet d’identifier avec une femme de la famille impériale, comme on le verra plus loin. Ces œuvres sont conservées à la Bibliothèque Nationale de Vienne. Publiées une première fois par G. Goyau, elles ont été rééditées récemment, avec l’ensemble de sa production graphique 86.

- Claude Perrault (Paris, 1613 - Paris, 1688)

Cet architecte et poète, frère de Charles, a fait un voyage avec son frère aîné, Jean, à la fin de l’année �669 (et non �673 comme certains auteurs l’ont prétendu), voyage dont il a tenu un journal. Ce déplacement devait être long, mais la maladie de Jean, qui entraîna sa mort, les obligea à rester quelque temps à Bordeaux. Tout en s’occupant de son frère malade, Claude visita la ville et l’a décrite dans son journal. Il a vu, entre autres, les restes des hommages impériaux conservés à la mairie. Les auteurs qui m’ont précédé considèrent que le dernier témoignage sur les inscriptions et les statues était le sien. Cependant, une lecture attentive de l’ouvrage de Cl. Perrault me permet de suggérer que les inscriptions avaient déjà disparu en �669, car seules sont décrites les statues 87 et, lorsqu’il est

84. Peintre hollandais installé à Bordeaux en �638, où il mourut en �649 âgé à peine de 30 ans. Sur la personnalité de ce noble dessinateur issu d’une très bonne famille commerçante et catholique d’Amsterdam, voir Demont & Favreau 2006, I, 29-50.

85. Sur cet ouvrage remarquable, dénommé Atlas Blaeu, voir ibidem, �5-�9.

86. Demont & Favreau, éd. 2006.87. Le 30 septembre �669, il visite la mairie et remarque les

statues : “du même côté, un peu plus avant, il y a dans trois niches des figures antiques de marbre hautes de six pieds. Les deux des côtés n’ont ni tête ni mains ; celle du milieu, qui est d’une femme, n’a que les mains de manque. Elles ont été trouvées dans la terre environ soixante ans” (Perrault �669, �80).

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question des inscriptions, c’est le texte de G. de Lurbe 88 qui est reproduit.

2.2. La dispersion des éléments de la sérieMalgré la bonne volonté manifestée par G. de Lurbe

et les autres membres de la Jurade en �594 pour conserver les hommages impériaux, l’emplacement choisi n’était pas le plus adéquat. Les pièces étaient exposées aux intempéries et même aux atteintes des visiteurs, puisqu’elles étaient à découvert dans la cour de la mairie. Comme les successeurs des jurats de �594 ne s’en sont pas occupés, elles se sont très vite dégradées, ont disparu en partie, et le reste a été dispersé petit à petit. Nous allons suivre ce malheureux processus jusqu’à nous jours 89.

2.2.1. La disparition des inscriptions Dès �623, à peine vingt-cinq années après leur

découverte, dans une lettre à Rubens, N.-Cl. Fabri de Peiresc constatait avec tristesse que la pluie avait pratiquement effacé les textes 90. L’importance du document exige, me semble-t-il, sa reproduction partielle :

di barca sula Garonna. Vicino a Cadillac alli 27 settembre �623

(---) et cio che diede occasione alla congiettura, furono duoi fragmenti d’inscrittione, l’uno al honore di Claudio Imp. Cos. II (chè e al tempo della Messalina) et l’altro ad honore di Druso, che giudicarono essere padre di detto Claudio (sic) con che dicono che si trovarono medaglie di Claudio et di detta Messalina lequali passarono in mano del maiore et giurati et sicindici di questa Città ch’hebbero la curiosita di far collare dette Statue nel palazzo publico dove se leggono ancora con detti fragmenti, ma la pioggia gli ha guasti et quasi scancellati del tutto, io andai a vederli un poco tarde et con qualche disgusto di non havergli considerati meglio. Se ne fa mentione dietro il cronico de Bordeaulx stampato questi anni addiestro.

L’érosion atmosphérique a eu raison des inscriptions, disparues à tout jamais probablement déjà dans la seconde moitié du xviie siècle, sans que la Jurade, bien éloignée de l’intérêt que portait celle du xvie siècle à la Culture, ait rien

88. “Le dimanche 20 [d’octobre], cette après-dînée, nos messieurs furent à la comédie, et je lus ce pendant la Chronique de Bordeaux composée par de Lurbe et imprimée en �594, et dont j’ai recueilli les inscriptions qui ont été trouvées avec les statues qui sont dans l’hôtel de ville” (Perrault �669, 204). Il donne ensuite les textes et les interprétations de G. de Lurbe.

89. Un premier aperçu dans Goyau �894.90. Information tirée encore de la correspondance inédite de

N.-Cl. Fabri de Peiresc conservée à la bibliothèque de Carpentras et reproduite par C. Jullian, IRB, I, 6�0.

fait pour les sauver. C. Jullian pensait qu’une description parue en �7�8 dans Les Délices de France et qui mentionne les inscriptions de l’Hôtel de Ville 9�, pouvait faire allusion à nos textes, mais il peut s’agir aussi bien de l’autel des Bituriges et des inscriptions commémoratives des jurats. Quoi qu’il en soit, leur piste disparaît à ce moment et pour toujours.

2.2.2. Le sort de la statue féminineL’ensemble était donc déjà très dégradé en �686,

quand les Jurats décidèrent de faire cadeau de la statue féminine à Louis XIV. Mais, nouveau malheur pour les hommages impériaux, le bateau qui la transportait sombra dans la Gironde, entre Blaye et le Verdon, comme nous en informe la dernière réédition des Chroniques Bourdeloises de G. de Lurbe, avec les rajouts de M. Tillet 92.

“Du même jour [�2 octobre], M. de Besons, intendant de la province, ayant fait connoître que le Roy seroit bien aise d’ajouter aux ornemens de Versailles celuy de quelques statues antiques, il fut délibéré qu’on offriroit celle de la Messaline qui étoit dans une niche de l’Hôtel-de-Ville. Le Roy ayant eu la bonté d’accepter l’offre desdits sieurs jurats, et de les en remercier par une lettre écrite par M. de Châteauneuf, secrétaire d’Etat, cette statue qui étoit une des plus belles et des plus curieuses de l’antiquité, fut envoyée en cour dans un bateau chargé de marbre qui périt malheureusement, et fit naufrage dans l’embouchure de la Rivière”.

2.2.3. L’histoire complexe des togati Après la disparition de la statue féminine, l’ensemble

que G. de Lurbe et les jurats de �594 avaient pris le soin de faire dans la cour de la mairie ne devait être plus qu’un mur poussiéreux, cassé et dénué de tout sens pour les visiteurs. Seuls les deux togati demeuraient en place, à côté de l’autel des Bituriges, restes tristes et muets du passé de la ville. Ces vestiges furent néanmoins sauvegardés grâce à deux coïncidences heureuses : la création, en �7�2 par Louis XIV, de l’Académie des Sciences, Belles-Lettres et Arts de Bordeaux et par la présence à Bordeaux, quelques décennies plus tard, de l’Intendant Dupré de Saint-Maur, instigateur de la création du Musée des Antiques. Voici les faits tels que l’on peut les déduire des sources bordelaises de l’époque.

9�. IRB, I, 94.92. de Lurbe �703, ��2. Ce récit est confirmé peu après par

Venuti �754, 23 : “Dans la suite, le Roi Louis XIV ordonna qu’on la transportât à Versailles ; mais le bateau, selon ce qui l’on m’a assuré, dans lequel on l’avoit chargée, s’étant enfoncé vers Blaye…”. Sur le sujet, Tamizey de Larroque �88�, �39.

Du Nouveau sur BurdigaLa : les hoMMages à la faMille julio-ClauDieNNe – 207

L’Académie de Bordeaux, sous l’influence de Montesquieu depuis �7�6, demanda à l’abbé Venuti, vicaire général de l’abbaye de Clairac 93, d’étudier l’histoire de Bordeaux. Les dissertations publiques de celui-ci ont été publiées en �754 94. Le prélat italien n’avait pas pu voir beaucoup de vestiges antiques, disparus pour la plupart, mais il mentionne encore la présence de deux togati à l’Hôtel de Ville 95, ainsi qu’un troisième dans la maison d’un certain M. des Aigues (je reviendrai sur cette importante mention). Le travail de l’abbé Venuti a eu au moins le mérite de redonner le goût des “choses antiques” à l’élite bordelaise. En �756, la découverte de nouvelles inscriptions et statues lors de la démolition de la muraille du Bas-Empire dans l’avenue de l’Intendance 96, dont fut témoin dom Devienne 97, augmenta cet intérêt pour le passé antique de la cité. Les pierres, déposées tout d’abord dans la cour du Palais de l’Intendance, probablement grâce à Tourny 98, furent offertes à l’Académie par Dupré de Saint-Maur. Pour les conserver, ce grand protecteur des sciences et du patrimoine eut l’idée de créer un Musée de la ville autour de l’Académie, dont il était le président. Et c’est en cette qualité que, le 28 janvier �78�, il demanda aux jurats – qui acceptèrent immédiatement – d’offrir au nouveau Musée l’autel des Bituriges Vivisques 99. Le 26 février, l’intendant sollicita un deuxième don : “il existe dans la cour de votre Hôtel d’anciennes statuës, qui échappées jusqu’à ici aux injures du tems, s’y dégradent chaque jour. Ces statuës enrichiroient encore la précieuse collection dont l’Académie s’occupe. Elle m’a chargé, Messieurs, d’avoir l’honneur de vous en faire la demande de sa part” �00. C. Jullian, qui publie ces lignes �0�, ajoute : “accordées par le Conseil, elles sont restées au dépôt J.-J. Bel (n° �8 et �27)”, précision qui ne semble pas avoir été très remarquée par la suite.

93. À cette époque, elle appartenait au chapitre de Saint-Jean de Latran à Rome.

94. Sur la personnalité de l’abbé Venuti, sur l’importance de son travail, notamment du point de vue épigraphique, voir IRB, II, 376-379 et ILA Bituriges Vivisques (à paraître).

95. “La statue [Drusus] existe encore à la Maison de Ville”, Venuti �754, 20 ; “Je ne déterminerai point si l’autre statuë qui est à l’Hôtel de Ville est celle qui étoit sur la base en question”, ibidem, 23.

96. Sur la question, voir à nouveau IRB, II, 3�2-3�3.97. Sur la personnalité et l’ouvre de dom Devienne, voir IRB,

II, 380-382 et ILA Bituriges Vivisques (à paraître).98. IRB, II, 342.99. Sur ces questions, voir le remarquable travail de C. Jullian

dans ses IRB, II, 342-342. Il y reproduit la lettre de l’Intendant, datée du 28 janvier �78� et conservée dans les Archives municipales de Bordeaux, AM, série AA, carton �5, lettres des Intendants de Guienne : “exposé depuis si longtemps à toutes sortes d’insultes dans la cour de votre hôtel de ville ; c’est encore un singulier bonheur que ce monument se soit conservé dans l’état où il est”.

�00. Lettre datée du 26 février �78�, conservée aux Archives municipales, AM, BB, reg. de corr. et GG, 304.

�0�. IRB, I, 94.

Toutefois, à la différence de ce que croyait C. Jullian, ces monuments, entre autres les togati, n’ont pas été placés directement au siège de l’Académie, c’est-à-dire l’Hôtel Jean-Jacques Bel, situé dans la rue éponyme. On le sait grâce au témoignage du baron Pierre-Martin de Caila (Bordeaux, �744 - Cadillac, �83�) �02, ancien avocat général à la Cour des Aides jusqu’à la Révolution. Heureux survivant de la Terreur, il consacra le reste de sa longue vie aux sciences naturelles et à l’Histoire. Il participa activement à l’activité de l’Académie de Bordeaux �03, avec environ vingt-six mémoires présentés, presque tous inédits. On doit à M. Berchon la découverte, au château de Caila, d’une série de manuscrits originaux datés du début du xixe siècle, contenant les mémoires qui traitent des Antiquités de Bordeaux et de son musée �04. Ces précieux documents sont conservés à la Bibliothèque municipale de Bordeaux, où j’ai pu les consulter �05. L’érudit y raconte la création du Musée des Antiques, ainsi que le parcours des pierres depuis le moment où l’intendant Dupré de Saint-Maur décida de fonder le Musée jusqu’à l’arrivée des pièces à l’Hôtel Jean-Jacques Bel. “L’intendant Dupré de Saint-Maur donna un terrain avec des échoppes (…) situées hors la porte Sainte-Eulalie, pour servir de jardin botanique et de dépôt pour les Antiquités” �06. Les pierres de l’Hôtel de l’Intendance ont y été placées avec l’autel des Bituriges et les deux statues de la famille impériale que les jurats venaient d’offrir à l’Intendant. En �795 �07, de Lamontaigne, alors secrétaire de l’Académie, les fit transporter dans une

�02. Sur sa biographie, l’étude définitive est celle de Berchon �890.

�03. Supprimée en �793, elle se dénomma ensuite Société des Sciences, Belles-Lettres et Arts de Bordeaux. Elle a repris le titre d’Académie en �828 (Berchon �890, 87).

�04. Ibidem, �06.�05. Il s’agit d’une grande boîte non classée qui appartenait au

château de Caila mais qui est conservée à la Bibliothèque Municipale de Bordeaux, fonds patrimoniaux, avec plusieurs manuscrits du baron, parmi eux, celui que P. Courteault a publié et commenté en �9�8-�9�9 intitulé : Etat par ordre chronologique des découvertes des pierres sépulcrales, inscriptions, autels, statues, cippes et autres monuments, pour servir à l’histoire de la ville de Bordeaux. Cet ouvrage est fondamental pour comprendre l’histoire de l’archéologie bordelaise en général, d’autant plus qu’elle n’était pas connue de C. Jullian. Il s’agit d’un journal de trouvailles archéologiques bordelaises de �440 à �8�2, année par année. Avec A. Zieglé, nous en avons trouvé plusieurs autres, inédits, signalés par M. Berchon et provenant du château de Caila. Celui qui vient après le mémoire publié par M. Courteault porte sur la couverture le titre Museum de monuments antiques de la Ville de Bordeaux, �8�2 et, à l’intérieur, des Notices sur les statues, autels, cippes, inscriptions, rassemblés dans la salle des monuments du Museum de la ville de Bordeaux qui donnent exactement l’état du Muséum en �8�2. Ce mémoire et celui qui suit, intitulé Dissertations sur les monumens antiques qui interessent la ville de Bordeaux, fournissent des renseignements supplémentaires concernant la création de la collection des Antiques. En conclusion, ce sont trois mémoires de P. M. Caila que nous intéressent.

�06. Caila �8�2b, 96. �07. Caila �8�2a.

208 – Milagros Navarro Caballero

maison des environs �08, puis, vers �798 �09, on les plaça dans l’Hôtel de l’Académie, exactement “à la salle des assemblées publiques de la Société des Sciences. M. le sénateur Comte de Monbazon, alors maire de cette ville, accueillit avec empressement et seconda de tout son pouvoir l’exécution du projet qui lui fut présenté pour une nouvelle distribution d’une partie de l’Hôtel de l’Académie (…) sous le nom de Museum de la ville de Bordeaux”. Dans la liste des objets du Musée dressée par P.-M. Caila, on lit explicitement : “N° �. Cette statue est sans tête, d’un beau marbre blanc (…) Elle est dans la salle de l’Académie (…). La statue n° 2, de 5 p. ½ de hauteur, d’un beau marbre blanc est revêtue d’une toge très ample (…). Elle est aussi dans la salle d’assemblée de l’Académie, n° 2. G. de Lurbe et après lui Cl. Perrault ont cru que ces deux statuës représentaient Drusus et l’empereur Claude” ��0.

Le 28 janvier �803, l’État donnait à la ville la jouissance des antiques, et le �0 octobre �8�0, le comte Lynch, maire, créait le dépôt des Antiques de la ville. Ce dépôt devait souffrir plusieurs déménagements avant de s’établir définitivement dans le bâtiment de l’actuel Musée d’Aquitaine ���, mais les deux togati en ont toujours fait partie. Pour preuve, en �908, quand le colonel Espérandieu rédigeait la partie bordelaise de son recueil général des bas-reliefs de la Gaule romaine ��2, les statues se trouvaient encore avec les restes des antiques dans le Musée installé alors dans la cour Mably. Le n° �084 de son inventaire correspond au premier togatus, le n° �085, au second, chacun accompagné des circonstances de sa découverte sur le mont Judaïque. Le n° �090 reproduit le dessin de la statue féminine disparue.

3. LeS éLéMeNtS de La Série deS PortraitS iMPériaux

L’analyse des éléments de sculpture et d’épigraphie découverts sur le mont Judaïque est essentielle pour connaître l’importance exacte de la trouvaille, d’autant plus que, si les

�08. Caila �8�2b, �06 : “à Baratet ou au Cornut. Cette maison ayant changé de maître et les circonstances absorbant l’attention publique, le nouveau propriétaire, ne sachant à qui ces monuments appartenaient, était à même de les livrer aux marbriers et tailleurs de pierre, lorsque M. de Lamontaigne (…) les sauva de leur destruction totale, et concourut par ses sollicitations à les faire enlever et porter dans la salle d’assemblée de la Société des Sciences, à l’hôtel de l’Académie, où elles sont actuellement”. Selon P. Courteault �9�8-�9�9, �06, n. � et 2, le lieu-dit Baratet ou Cornut était situé entre les rues Millière, Sauteyron, Donissan et Clément. P. M. Caila parle aussi de cette maison dans ses Dissertations.

�09. Selon ce qu’on peut déduire du témoignage de P.-M. Caila qui connaissait très bien M. de Lamontaigne, et d’une lettre de P. Bernadau qui parle en �799 de l’arrivée récente de pierres antiques : Tablettes, 496, ms. 7�3. On doit cette étude à l’excellent travail de P. Courteault dans la publication du manuscrit de P.-M. Caila.

��0. Caila �8�2a, 63.���. Je remercie A. Zieglé des renseignements qu’elle m’a

fournis sur le Musée d’Aquitaine et son histoire.��2. Il s’agit du vol. II qui correspond à l’Aquitaine.

inscriptions ont été bien étudiées et publiées, notamment par C. Jullian dans ses IRB et après par O. Hirschfeld dans le CIL, XIII, les trois statues, elles, n’ont pas fait l’objet d’études approfondies. C’est donc par là qu’il faut commencer cette présentation ��3.

3.�. Les sculptures

3.1.1. La statue féminine L’analyse de cette sculpture, toujours considérée

comme une Messaline, est très hasardeuse car à la difficulté traditionnelle d’interpréter une œuvre antique s’ajoute la disparition de la pièce. On possède cependant, outre plusieurs descriptions, quatre dessins qui permettent de proposer une identification. Le premier, anonyme, fut publié dans toutes les versions des Chroniques Bourdeloises de G. de Lurbe après celle de �595 (fig. 4).

Malgré une certaine maladresse de l’artiste, cette repré-sentation permet une première approche iconographique. On remarque comment la palla monte en diagonale sur la poitrine de la femme, laissant apercevoir, sous la tunique très serrée sur le corps, l’épaule et le sein droits. Le dessin met aussi en valeur la coiffure, et notamment un détail que les gravures postérieures, parce que la pièce y est vue de face, n’ont pas reproduit : sur le dos, la chevelure est coiffée en catogan, c’est-à-dire, un nœud ou un ruban qui attachait les cheveux sur la nuque (une sorte de queue-de-cheval liée ��4).

Les deux gravures suivantes sont issues peu après de la plume d’H.Van der Hem, dont j’ai déjà parlé. La première, datée de �638, est un croquis général de la statue dans sa niche de la cour de la mairie de Bordeaux (fig. 5) ; la seconde, réalisée l’année suivante, est une vue de détail de la tête et de la partie supérieure du corps (fig. 6). C’est cette seconde image qui permet d’avoir une idée précise des traits du visage et du traitement du corps, avec les plis très particuliers des vêtements.

On doit à É. Espérandieu la découverte de la quatrième gravure (fig. 7), un lavis de Berquin, conservé dans un cahier de Robert de Cotte (�656-�735) intitulé Statues, thermes et bustes de Versailles ��5. Nommé architecte du roi en �708, il a dû composer ce cahier d’images après la disparition de la statue, mais il a pu hériter de la gravure de son beau-frère et prédécesseur comme architecte au service du roi, Jules Hardouin-Mansart.

��3. Pour réaliser cette partie de l’étude, qui nécessite des connaissances particulières en matière de sculpture romaine, j’ai pu compter sur les conseils d’I. Rodà et de T. Nogales. Qu’elles en soient remerciées.

��4. Les dessins de la coiffure sont corroborés par la description de plusieurs témoins, voir supra.

��5. Ce cahier est conservé au Cabinet des estampes, Fb 26, fol. 53. Notre reproduction dépend d’Espérandieu �908, �44.

Fig. 4. Dessin de la statue féminine trouvée sur le mont Judaïque publié par G. de Lurbe et ses successeurs dans toutes les versions des Chroniques Bourdeloises à partir de �595.

Fig. 5. Dessin d’H. Van der Hem sans titre réalisé le 27 octobre �638 avec celui de l’autel de Bituriges Vivisques. (Demont & Favreau 2006, 28, n° 25). Il a représenté sommairement la statue féminine dans la niche où elle était exposée dans le monument de la cour de la Mairie. k

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|Fig. 6. Dessin d’H. Van der Hem, qui s’intitule “statua Messalina pars”, réalisée le 6 février �639 à côté d’une esquisse générale du monument exposé dans la cour de la Mairie (Demont & Favreau 2006, 27, n° 24). Il représente la partie supérieure de la statue féminine avec beaucoup de détail. h

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210 – Milagros Navarro Caballero

À ces représentations, il faut ajouter les descriptions des témoins, et d’abord celle de G. de Lurbe : “l’autre, de femme, ayant seulement perdu le bras, vestue en matrone Romaine, avec sa robbe & cotillon qui se monstre par bas, plissées d’une admirable façon, monstrant le tetin droit a descouvert & les cheveux entortillez à l’entour de la teste, avec les places & marques pour y loger perles & pierrerie, & couronne Imperiale (…)”. Ce récit est confirmé ou complété par J. Sincerus, qui fait remarquer à nouveau les détails de la tête ��6, par J. d’Arrérac ��7, par Brantôme, qui signale sa taille importante (il l’appelle “l’hommasse” ��8), et N.-Cl. Fabri de Peiresc qui, dans une de ses lettres, évoque sa coiffure et son menton proéminent et un peu surélevé ��9.

Ces informations permettent d’assurer que le type iconographique utilisé était celui de la “Korè”, probablement

��6. Sincerus �6�6 [�627], 38�-382 : ”cyclamen induta, quae sub imo tunicae aut palli prominer, mamillam dextram palam ostendens, capillis circum caput tortis, notatis etiam locis quis gemmae & uniones inseri possint”.

��7. “Ceste Statuë de femme descouvre à travers ce lange transparant la forme d’un beau corps, aduançant un peu le genou droict plus que l’autre, & le tetin aussi de ce mesme costé, qui paroit come si le voile qui le crouvre l’avoit abandonné : mais le replis qui font au dessus monstrent que nous n’en avons la veuë qu’a demi, & que ce voile amoureux nous en derobe la meilleure partie” (d’Arrérac �625b, 229).

��8. de Bourdeille �876, 3�.��9. On en doit la publication à Tamizey de Larroque �88�,

�33-�34 : il s’agit d’une des lettres écrites par N.-Cl. Fabri de Peiresc à Rubens. Cette lettre se trouve à la Bibliothèque de Bruxelles et a été traduite à M. Tamizey de Larroque par son conservateur, monsieur C. Ruelens.

dans sa variante dite du Vatican �20, étant donné la forme du balteus, qui descend presque jusqu’à la taille. C’est un type de représentation féminine habillée issu de l’iconographie grecque, très utilisé à l’époque hellénistique �2�. Il est caractérisé par le port d’une tunique presque transparente qui moule le corps. Sur cette tunique, souvent recouverte d’une stola, comme il semble que ce soit le cas de l’exemple bordelais, une palla très fluide couvre le tout, sauf le bras et le sein droits, qui restent à découvert, et remonte ensuite en diagonale de la hanche droite vers l’épaule gauche en un grand faisceau de plis (le balteus). La statue s’appuie sur la jambe gauche, qui est légèrement fléchie, tandis que la droite reste un peu en retrait �22.

Ce modèle iconographique a été surtout utilisé pour représenter les femmes de la famille impériale, notamment sous les princes julio-claudiens �23. Un des exemples les plus connus est une togata d’époque julio-claudienne de Velleia (fig. 8). Sans tête, il a été interprété comme Livie, mais surtout comme Drusilla �24. Si la plupart des statues de ce type trou-vées dans l’empire romain n’ont pas reçu une identification définitive, en l’absence d’une tête-portrait ou faute d’inscrip-tion, plusieurs ont été considérées comme des représenta-tions de Livie �25. Par ailleurs, un exemplaire d’une statue-portrait d’Agrippine la Jeune sur un corps de type Korè a été trouvé à Olympie �26. Qu’en est-il dans le cas bordelais ?

Il semble sûr, étant donné le contexte épigraphique et la morphologie du corps, qu’il s’agissait d’une femme de la famille impériale. L’observation détaillée de la tête �27 permet de progresser dans l’identification. La chevelure, divisée par une raie médiane, forme sur les côtés deux

�20. Rosenbaum �960, 92 ; Traversari �960, 56-60 ; Kabus-Jahn �963, � ; Saletti �968, 25 ; Garriguet 200�, 70-72, Alexandridis 2004. Ce type est dénommé aussi “Schulterbausch” (Kruse �975, �20 n. �70). Sur ce type, l’étude de la statue féminine impériale trouvée dans le forum coloniae de Mérida est essentielle (Álvarez & Nogales 2003, n° 6, p. 2��-2�5), dont l’identité possible est Antonia Minor.

�2�. Le meilleur exemple est la Muse jouant de la flûte sur un relief de la base de Mantinée, attribuée à l’atelier de Praxitèle. Cette représentation suivait les modèles de Korè (Balil �959, �46 ; Kabus-Jahn �963, �-22).

�22. Il existe une petite variante pour la représentation des pieds : ils sont couverts par des chaussures fermées (calceus muliebris) dans le dessin de G. de Lurbe et surtout dans celui d’H. Van der Hem, ce qui était probablement le cas, si l’on considère qu’il s’agissait probablement d’une femme de la famille impériale (voir infra). Cependant, la dernière esquisse la représente pieds nus, peut-être parce que le dessinateur ne se rappelait pas bien des pieds et les a faits à la manière classique des divinités grecques.

�23. Il s’agit, par exemple, du modèle le plus utilisé dans la péninsule Ibérique (Garriguet 200�, cadre I).

�24. Boschung 2002, 26, n° 2.8.�25. Comme la Livie-Céres du théâtre de Lepcis Magna

(Boschung 2002, n° �.22) et celles de Carthage et de Sassari (Kreikembom �992, �79 et 250).

�26. Boschung 2002, n° 33.5.�27. La tête était une pièce séparée qui avait été trouvée à

côté du corps : “la teste fut trouvée à part ayant les traicts du visage merveilleusement plaisants” (d’Arrérac �625b, 229).

Fig. 7. Esquisse lavée de Berquin, conservée dans un cahier de Robert de Cotte, Statues, thermes et bustes de Versailles (Esperandieu �908, �44).

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bandeaux ondulés couvrant la partie supérieure des oreilles et tombe sur la nuque en catogan. Ce type de coiffure à raie médiane, hérité de la statuaire grecque classique, la “Mittelscheitelfrisur” des spécialistes allemands, est très répandu au début de l’Empire �28.

Les possibilités d’identification d’une princesse impériale portant ce type de coiffure sont multiples (Livie, une des deux Agrippines, Drusilla, Livilla, même Messaline, comme les érudits bordelais l’ont toujours cru). Toutefois, je pense qu’il faut y voir plutôt une Antonia Minor, et cela pour deux raisons d’ordre iconographique. La première concerne les traits du visage tels qu’ils apparaissent sur les dessins, notamment celui de H. Van der Hem, le plus détaillé : on y observe des yeux globuleux, une petite bouche et un menton un peu surélevé, traits caractéristiques de la mère de l’empereur Claude �29. La seconde raison est un détail de la coiffure : G. de Lurbe avait relevé autour de la tête des “places & marques pour y loger perles & pierrerie, & couronne Imperiale”, en fait, plus probablement, les fixations du bandeau signalant une prêtrise, très fréquent dans l’iconographie d’Antonia Minor �30 que Caligula avait fait sacerdos diui Augusti. Mais pour être certain que l’hypothèse est correcte et qu’il s’agit bien de cette princesse, il faudrait qu’on puisse récupérer l’épave qui transportait la statue.

3.1.2. Les togatiL’analyse des statues masculines est moins hasardeuse

car on a conservé les originaux de marbre blanc qui se trouvent aujourd’hui au Musée d’Aquitaine à Bordeaux �3�.

Statue en toge n° � (fig. 9a, b et c)

J’attribue le n° � à la statue la mieux conservée des deux car elle n’a perdu que la tête et les deux avant-bras, qui formaient probablement des pièces séparées. Publiée par É. Espérandieu sous le n° �084 de son Recueil, elle porte le n° 60.2.��0 dans le registre d’inventaire du musée. Plus grande que nature, elle mesure (sans la tête) �,85 m. Le travail de la partie postérieure, très sommaire, prouve que la statue était destinée à n’être vue que de face, et qu’elle était adossée à un mur (fig. 9b). L’état de conservation est

�28. Rosso 2006, 446.�29. Polaschek �973 ; Wood �999, �42-�76.�30. Le dessin de H. Van der Hem rappelle énormément le

portrait d’Antonia Minor trouvé à Rusellae, de type Wilton House (Boschung 2002, n° 20.4) (fig. �0). Le dessin n’est cependant pas assez détaillé pour permettre de connaître toutes les caractéristiques de la coiffure de la statue de Bordeaux, notamment en ce qui concerne les boucles de cheveux situées près des oreilles, bien que le témoignage de J. d’Arrérac pourrait permettre de supposer leur existence “les cheveux tressés, crespés, retors, annelés, & pliés de mille plis, & quelques uns negligés” (d’Arrérac �625b, 229).

�3�. Une analyse de lames minces pourrait déterminer le marbre utilisé. À la simple analyse visuelle, on pense à du Paros (je dois cette proposition à I. Rodà, que je tiens à remercier à nouveau ici).

Fig. 8. Statue de la basilique de Velleia (Boschung 2002, pl. �7).

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212 – Milagros Navarro Caballero

Fig. 9. Togatus n° �. a. Vue de face ; b. Vue de profil ; c. Détail du pied. Musée d’Aquitaine, n° inventaire 60.2.��0 (Maire de Bordeaux, cl. L. Gauthier).

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a b

c

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bon, à l’exception de diverses meurtrissures qui parsèment toute la surface, notamment les plis du balteus.

La statue s’appuie sur la jambe gauche tandis que la droite est légèrement fléchie et en arrière. Une capsa a été taillée contre son pied gauche �32. Le personnage porte une tunique recouverte d’une toge et ses pieds sont chaussés des calcei patrici (fig. 9c) : le gauche a malheureusement disparu, ainsi que la pointe du droit, mais on distingue bien les lacets ou corrigiae qui, de chaque côté, remontent en diagonale pour se croiser et s’attacher au centre, à la hauteur des chevilles. Ils s’enroulent ensuite autour du mollet pour disparaître sous la toge. C’est le premier nœud, sur les pieds, qui permet de reconnaître la chaussure patricienne et la différencie de celle des sénateurs plébéiens �33. Cette particularité vestimentaire a une spéciale importance à Bordeaux car elle assure sans aucun doute qu’il s’agit d’un membre de la famille impériale.

Le bras gauche soutenait la toge dont, sur le devant, les plis du balteus, presque concentriques et au bord très marqué situé juste au-dessous du genou, formaient un épais et long sinus. Le traitement du cou montre que ces plis se continuaient sur le dos et donc qu’il ne s’agissait pas d’une représentation capite uelato. Dans sa partie inférieure, et malgré l’abondance des plis, le tissu se serre sur le corps et moule les jambes, tandis que l’umbo a déjà la forme en U caractéristique de la période impériale. Je reconnais dans ces diverses particularités un togatus du type B de la classification de H. R. Goette, celui de la “kaiserzeitliche Toga mit U-förmigem Umbo”, dont l’exemple le plus caractéristique est celui de l’Auguste de la via Labicana �34. Ce modèle est souvent utilisé jusqu’à l’époque flavienne. Cependant, la taille peu profonde en général et la forme du sinus me font proposer une datation de la fin du règne d’Auguste et de celui de son successeur.

Statue en toge n° 2. (fig. ��a, b et c)

Inscrite au n° �085 du Recueil d’É. Espérandieu et au n° 60.2.�6 de l’inventaire du Musée d’Aquitaine, elle est très mutilée : elle a perdu en effet non seulement les avant-bras et la tête, qui étaient réalisés sur des pièces séparées, mais aussi toute sa partie inférieure, et porte des meurtrissures sur toute la surface. Certaines mutilations sont sans aucun doute postérieures à la découverte, très probablement entre l’époque de son déménagement de l’Hôtel de ville et celle de son arrivée au Musée d’Aquitaine. En effet, G. de Lurbe et les autres témoins du xviie siècle signalent bien l’absence de la tête et des bras, mais jamais ils n’ont parlé des pieds

�32. Cet élément a souvent fait penser qu’il s’agissait de magistrats locaux (ainsi Étienne �962, 86-87). Cependant, la représentation de la capsa est très fréquente sur les effigies impériales (entre autres celle d’Auguste de la via Labicana qui a servi de modèle aux monuments bordelais) car elle sert d’appui à la statue.

�33. Goette �988, 449-457.�34. Goette �990, 3�.

marquants. G. de Lurbe spécifie même que les deux statues étaient semblables et de mêmes dimensions, tandis que le dessin de H. Van der Hem, bien qu’assez schématique, montre deux statues en toge complètes, à l’exception de la tête et des avant-bras. Actuellement, elle mesure �,65 m mais les proportions sont semblables à celles de la précédente. Elle a été également taillée dans un bloc de marbre blanc, probablement aussi originaire de Paros.

Le type iconographique est le même que celui de la statue précédente. Comme celle-ci, et pour la même raison (adossement à une paroi) la partie postérieure n’avait été l’objet que d’un traitement sommaire, plus accusé peut-être encore (fig. ��b et c). Cependant, quelques différences peuvent être soulignées : la sculpture des reliefs est plus profonde, sans doute le fait d’un artisan plus habitué à manier le trépan, plus complexe aussi comme le montre la densité plus importante des plis ; enfin, le sinus est un peu plus long et plus pointu que sur l’exemple précédent. Les parallèles les plus proches se trouvent sur une statue de Mérida (Espagne) �35 et une autre de Tarragone (Espagne). Ces caractéristiques permettent de proposer pour cette statue une datation un peu postérieure à celle de la première, sous Caligula ou Claude.

�35. Garriguet 200�.

Fig. �0. Tête d’Antonia Minor trouvée à Rusellae (Boschung 2002, pl. 58).

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214 – Milagros Navarro Caballero

Fig. ��. Togatus n° 2. a. Vue de face ; b. Vue de dos ; c. Vue de profil. Musée d’Aquitaine, n° inventaire 60.2.�6 (Maire de Bordeaux, cl. L. Gauthier).

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a b c

Du Nouveau sur BurdigaLa : les hoMMages à la faMille julio-ClauDieNNe – 215

3.2. Les inscriptionsRappelons encore une fois ce qui disait G. de Lurbe

à propos des supports épigraphiques �36 : “nombre de pieces de marbre bien poly, contenant plusieurs inscriptions Latines a pieces rapportées, escrites en lettre Romaine, manques toutesfois en quelques endroits, dont les deux principales, chascune de deux pieds de largeur & plus de longueur, contiennent ce qui s’ensuit”. Il s’agissait donc de plaques de marbre : les deux principales peuvent être à peu près complétées, mais il ne subsiste plus qu’un nom propre de la troisième, et seul le nombre des fragments restants laisse entendre qu’il y avait d’autres inscriptions. Voici les fiches épigraphiques telles qu’on peut les établir à partir de la tradition érudite �37.

3.2.1. (16/1/9/188). BvrdigaLa (borDeaux) Dédicace à Drusus fils de GermanicusSupport : Plaque de marbre déjà largement mutilée au

moment de la découverte. Le raccord des fragments a permis de la reconstituer, sauf la partie droite, jamais retrouvée. Elle devait recouvrir la partie frontale du dé d’un piédestal de forme inconnue (voir infra).

Lieu de déc. et contexte local : Voir descriptions supra, au début de l’article. Dimensions : “Les deux principales (inscriptions) chascune de deux pieds de largeur et plus de longueur” (G. de Lurbe), c’est-à-dire 0,70 m de largueur environ et plus de longueur, ce qui correspond tout à fait au front d’un piédestal.

— Champ ép. État de conserv. du champ épigr. : Incomplet à droite et détérioré par endroits (d’après G. de Lurbe).

Datation du texte : 25/3�. Justif. dat. : Entre la préfecture de Drusus, en 25 lors des feriae latinae �38 et sa mise en accusation, en 29 (D.C., 58.3.8). Sur ce personnage, voir PIR2, I, n° 222 et Kienast 2004, 8�. Écriture : Inconnue. Style écr. : On ne possède aucune description des lettres. La disposition des points séparatifs est variable suivant les éditeurs anciens ; nous avons retenu celle qu’a donnée C. Jullian.

Éd. : de  LurBe �595, 60 ; �6�9-�620, 60 v° (gruter, Inscriptiones, CCXXXVII, mais avec lecture déformée de Verdier (graeviuS, Praefation du Thesaurus, t. VII, ��7 (Séguier, Ind. Ant. Inscr., ms. �6933, f° 255) ; corSiNi, Series praefectorum, 3� ; veNuti, Dissertations, �5, n° 6) ; PerrauLt, Dix livres, �669, 2�7 (Séguier, Index Absolutissimus, ms. �6934, f° 306 bis) ; caiLa-courteauL, Etat, 63 ; JouaNNet, Notes ms., VII, f° 29 ; Statistique, I, p. 252 ; dezeiMeriS, Remarques, �2 ; Soc. Arch. De Bord. VI, 58) ; d’arrérac, De la Vanité des dignitez, 23� ; SaNLoutiuS, Inscriptiones ueteres, B. N. Lat. �7575, f° �97, 353, r° ; heNtzNer, Itinerarium, �629, 88 ;

�36. de Lurbe �6�9-�620-�620, 6� r°.�37. La présentation adopte la forme des éditions PETRAE. Il

s’agit d’une version résumée des ILA Bituriges Vivisques en cours de réalisation.

�38. Tac., Ann., 4.36.�.

PoNtaNuS, Itinerarium, 94 ; SiNceruS, Appendix, �6�6, 28 ; �627, 38� (de BeauMeSNiL, faux dessin) ;

IRB, I, 9�-97, n° 25 (CIL, XIII, 589 ; ILS, �86).

DRVSOCAESA≤.......≥ NICICAESARIS≤.......≥ AVGßNßDIVIAVG≤........≥4 PRAEFECTßVRBIS≤.......≥ GVSTALI

DrusoCaesa≤riGerma≥- niciCaesaris≤f[ilio]Ti[berii]Caes[aris]≥ Aug[usti]n[epoti]diuiAug[usti] ≤pron[epoti],pont[ifici]≥,4 praefect[o]Urbi,s≤odaliAu≥- gustali.

Apparat crit. : C. Jullian a établi le texte, que nous suivons ici, d’après les copies données par des visiteurs érudits de la cour de l’ancien Hôtel de Ville : G. de Lurbe, J. I. Pontanus, J. d’Arrérac, N.-Cl. Fabri de Peiresc, J. Sincerus et L. Sanloutius. La lecture de C. Jullian est suivie en tous points par O. Hirschfeld et par H. Dessau, à un détail près : C. Jullian étire la restitution s[odali] à la fin de la l. 4 et suppose une lacune au début et à la fin de la l. 5. O. Hirschfeld fait débuter la l. 5 par gustali et il suppose que le mot termine le texte, qui serait ainsi sans lacune. Les points d’interponction varient entre les différentes lectures.

À Drusus César, fils de Germanicus César, petit-fils de Tibère César Auguste, arrière-petit-fils d’Auguste divinisé, pontife, préfet de la ville, membre de la sodalité d’Auguste.

3.2.2. (16/1/9/189). BvrdigaLa (Bor-deaux). Dédicace à l’empereur ClaudeSupport : Plaque de marbre déjà fragmentée au moment

de la découverte et incomplète sur tous les côtés (“Et pour le regard de la seconde inscription qui est pareillement rompue d’un costé, il faut par necessité la remettre, tant suivant les bouts des lettres qui paroissent, que les anciennes inscriptions imprimées à Rome & dans Lypsius”). Elle devait être apposée à un piédestal ou monument aux caractéristiques identiques au précédent, peut-être le même.

— Lieu de déc. et contexte local : Voir descriptions supra, au début de l’article. Dimensions : Les mêmes que pour la précédente. Elle a disparu au milieu du xviie siècle (voir supra).

— Champ ép. État de conserv. du champ épigr. : Incomplet de tous les côtés.

Datation du texte : entre le �er janvier et le 28 février 42. Justif. dat. : Second consulat de Claude �39. Style écr. : L. 5, apex sur O ; le chiffre du consulat est surligné (de Lurbe �6�9-�620, 62 v°).

�39. Kienast 2004, 9�.

216 – Milagros Navarro Caballero

Éd. : de  LurBe, Discours, �595, p. 60 et �6�9-�620, p. 6� r° (Séguier, Ind. Ant. Inscr., ms. �6933, f° 255 ; gruter, Inscriptiones, p. CCXXXVII, mais avec lecture deformée de Verdier ; Variorum corrigenda, p. CCCXXVI ; PerrauLt, Dix livres, �669, p. 2�7 ; (Séguier, Index Absolutissimus, ms. �6935, f° 776, d’après les précédents) (veNuti, Dissertations, p. 2� (caiLa-courteauL, État, p. 63 ; dezeiMeriS, Remarques, p. �3 ; Soc. Arch. De Bord. VI, p. 59 ; BerNadau, Bulletin polymatique, III, p. �8� ; JouaNNet, Notes ms., VII, f° 29 ; Statistique, I, p. 253 ; ducourNeau, Guyenne historique, II, III, p. �6)) ; SaNLoutiuS, Inscriptiones ueteres, B.N. Lat. �7575, f° �97, p. 353, r° ; heNtzNer, Itinerarium, �629, p. 59 ; PoNtaNuS, Itinerarium, p. 94 ; SiNceruS, Appendix, �6�6, p. 29 ; �627, p. 38� (de BeauMeSNiL, faux dessin) ; FaBri de PeireSc, lettre à Rubens �2-2-�624 ; d’arrerac, De la Vanité des dignitez, p. 233 ;

IRB, �, p. 98, 26 (CIL, XIII, 590).

≤..ß.......≥ ≤.≥RVSIßF C≤...≥ßAVGVSTO4 PONTßMAXß≤..ß...≥ ≤.......≥OSßIIßPßP CßIVLIVS≤---≥

≤Ti[berio]Claudio≥ ≤D≥rusif[ilio] C≤aes[ari]≥Augusto,4 pont[ifici]max[imo],≤tr[ibunicia] p[otestate]II≥, ≤imp[eratori]III,c≥o[n]s[uli]II,p[atri] p[atriae], C[aius]Iulius≤---≥

Apparat crit. : C. Jullian a établi le texte que nous suivons ici d’après les copies données par des visiteurs érudits de la cour de l’ancien Hôtel de Ville : G. de Lurbe, J. I. Pontanus, J. d’Arrérac [lecture incorrecte], N.-Cl. Fabri de Peiresc et J. Sincerus �40. Sa lecture est suivie en tous points par O. Hirschfeld, à un détail près : certains des auteurs mettent une barre sur le O de cos, l. 5 ; C. Jullian a préféré à juste titre le remplacer par un apex. J. d’Arrérac donne une distribution qui lui semble plus logique pour situer tous les restes conservés sur un axe central : TIß CLAVDIO DRVSI Fß / CAE AVGVSTO/ PONT MAX / COSS IIß PP/ Cß IVLIVS

À Tiberius Claudius César Auguste fils de Drusus, grand pontife, en sa seconde puissance tribunitienne, acclamé trois fois imperator, consul pour la deuxième fois, père de la patrie, Caius Julius [---].

�40. Hentzner �629, 59, mélangea les deux textes, et encore avec des erreurs, pour essayer de le compléter “Druso Caesa-Rusi. F. nici Caesaris Ca ; Augusto. Aug. N. Div a Aug, Pont ; Praefect. Urbis ; ).II P.P. Gustal. C. Iuji.S.

Remarques : C. Jullian suppose que le donateur de la statue est le personnage qui offrit par testament un système d’adduction d’eau à Bordeaux (voir références n° 2�0). Mais les C. Iulii devaient être en nombre, à Bordeaux comme ailleurs en Gaule.

3.2.3. (16/1/9/190). BvrdigaLa (Bor-deaux).Dédicace à un membre de la fa-mille julio-claudienneSupport : Plaque de marbre brisée de tous les côtés.

— Lieu de déc. : Bordeaux. Cond. déc. : Mêmes conditions que pour les précédents.

— Champ ép. État de conserv. du champ épigr. : Très incomplet.

Datation du texte : �4/68. Justif. dat. : Le fragment peut se rapporter à un prince ou à une princesse de la famille julio-claudienne. Style écr. : Selon G. de Lurbe, les lettres étaient plus petites que celles des textes précedents.

Éd. : de  LurBe, Discours, �595, 60 ; �6�9-�620, 6� r° (JouaNNet, Notes ms., VII, f° 29 ; Statistique, I, 253) ; IRB, �, �00, n° 27. CIL, XIII, 59�

--- ≤---≥GERMANICI ---

Remarques : O. Hirschfeld suggère que ce fragment faisait partie de la titulature de Messaline, femme de Claude, qui aurait été, comme son époux, honorée d’une statue à Bordeaux. On restituerait ainsi : [Valeriae Messalinae, Ti(berii) Claudi(i) Caes(aris) Aug(usti)] Germanici [coniugi]. La rencontre serait piquante, puisque, lors de sa découverte, en �594, la statue féminine accompagnant les inscriptions n° [CIL, XIII, n° 589-59�], avait été immédiatement attri-buée à Messaline. Cependant, ce fragment semble plutôt appartenir à la nomenclature d’un des enfants de Germanicus : Germanici [f(ilio/filiae)] dont les exemples sont relativement abondants.

3.3. La série honorifique : un essai de restitutionLes statues et les inscriptions de la famille julio-

claudienne découvertes sur le mont Judaïque faisaient partie d’un vaste programme iconographique bien orchestré, qui devait être exposé dans un lieu public de Burdigala, le chef-lieu des Bituriges Vivisques. Il s’agissait d’hommages à la famille impériale dont, comme c’est souvent le cas, le portrait de chaque personnage en position débout, en toge pour les hommes, en matrone pour les femmes, était accompagné d’une dédicace où l’on déclinait son identité, sa position dynastique et, pour certains, la personnalité

Du Nouveau sur BurdigaLa : les hoMMages à la faMille julio-ClauDieNNe – 217

du donneur. Comme il est aussi fréquent dans ce type de monuments impériaux, les hommages ont été exécutés en différentes étapes, par juxtaposition de statues. Les textes connus permettent de savoir en outre que l’ensemble avait été fait aussi grâce à la succession ou juxtaposition de volontés publiques et privées. L’absence de dédicant dans le texte du fils de Germanicus suggère que son effigie sur piédestal avait été érigée par la cité �4�. En revanche, la dédicace à Claude, qui donne une partie de la dénomination du dédicant : C. Iulius [---], est due à un notable local. La cassure du support empêche de savoir de lui autre chose que son prénom et son nom, c’est-à-dire bien peu puisque cette dénomination est la plus répandue en Gaule. Banal aussi dans une cité provinciale est ce type d’hommage, souvent associé aux charges en relation avec le culte de l’empereur �42 et de sa domus, qui contribuait ainsi à la diffusion de l’image impériale �43.

Chaque phase de la réalisation de la série honorifique était bien entendu destinée à reproduire sans erreur politique l’état de la famille régnante du moment, ce qui entraînait occasionnellement de nouvelles mises en scène. Même si nos informations sont très partielles, l’analyse des données bordelaises permet de proposer l’existence d’au moins deux phases :

— à la première pourraient appartenir la dédicace à Drusus III, le fragment de la troisième inscription et éventuellement le togatus n° �, mais sous réserve puisque la fourchette chronologique (entre le règne de Tibère et le début de celui de Claude) est assez large. Comme la plupart des chercheurs qui se sont intéressés à Drusus III �44, je daterais cette phase entre 25 et 29 p.C. : le texte fait en effet allusion à la filiation par Tibère et par Auguste et signale la préfecture de la ville du fils de Germanicus, ainsi que son pontificat et la sodalité d’Auguste, ce qui permet de penser que Tibère et même Drusus III étaient encore en vie �45. Cependant, on connaît l’existence d’hommages posthumes à Germanicus et à sa femme, ainsi qu’à tous leurs enfants sous Caligula et même sous Claude �46, bien que la rédaction des dédicaces posthumes soit en général plus sommaire que celle de la nôtre �47.

�4�. Alföldy �984, 53 ; Rosso 2006, 72.�42. Les lacunes de la pierre ne permettent malheureusement

pas d’assurer que tel était le cas de notre Caius Iulius [---].�43. Dans un travail récent, Munk Hojte 2005, �76-�79 et

tableau page 594, montre l’importance des dédicants privés dans les hommages à l’empereur Claude.

�44. La dernière Rosso 2006, �93-�94, n° 2.�45. Ibidem, 55.�46. Rose �997, �94 ; Rosso 2006, 8� et 404, avec un tableau

récapitulatif des dédicaces à Drusus III dans la page 559. �47. Rosso 2006, 58.

Les exemples connus dans d’autres cités de l’Empire laissent imaginer que la statue de Drusus III appartenait à un ensemble dynastique cohérent. On connaît l’existence de séries honorifiques représentant les héritiers de Tibère entre 25, quand Drusus III �48 a occupé la préfecture de la ville �49 et 29, année où il a été emprisonné à l’instigation de Séjan �50, avant de mourir de faim en 33 dans un cachot sordide quelque part au Palatin �5�. À la mort de Germanicus en �9 p.C. et de Drusus le jeune en 23 p.C., les membres de la famille impériale qui pouvaient prétendre à la succession de l’empereur étaient Tibère et Germanicus, les fils jumeaux du malheureux Drusus II, et les enfants de Germanicus qui, outre leur parenté avec Tibère, descendaient d’Auguste par leur mère, Agrippine l’Ancienne. Les deux aînés de Germanicus, Néron César et Drusus III sont souvent représentés en couple sur les monuments consacrés à la dynastie régnante, à l’image de Caius et Lucius et, plus récemment de leur père et de leur oncle Drusus le Jeune �52. Il est séduisant de penser que le togatus n° �, daté du règne de Tibère, pourrait être la statue de l’un des deux princes, mais l’ensemble pouvait aussi, comme à Véies (Italie), être composé d’une statue de Tibère et d’un hommage posthume à Germanicus et à Drusus le jeune �53. Le fragment de la troisième inscription pourrait faire partie de la filiation d’un autre enfant de Germanicus �54.

— La seconde phase se date sans aucun doute sous Claude, avec la dédicace à cet empereur et, vraisemblablement, le togatus n° 2. Insistons toutefois sur le fait que les statues de togati ont une datation moins précise que les inscriptions et qu’elles ne peuvent pas être associées avec certitude aux dédicaces que l’on connaît, même si le rapprochement, appuyé par leur chronologie, est tentant. La dédicace à Claude est très précisément datée entre le 6 ou le �2 janvier 42 et le 28 février de la même année, ce qui a permis à certains auteurs de proposer qu’elle fut érigée à l’initiative d’un citoyen de Burdigala pour célébrer l’avènement du nouvel empereur �55. Comme on l’a déjà proposé, ses caractéristiques typologiques permettraient de dater le togatus n° 2 du règne de cet empereur. On peut donc croire ou bien qu’il s’agit de Claude (et que la dédicace

�48. Sur ce personnage, PIR2, I, n° 220 ; Pigon �993 ; Kienast 2004, 8�.

�49. Tac., Ann., 4.36.�.�50. D.C. 58.�3.�.�5�. En 3� p.C., son frère Néron est empoisonné et Drusus

est déclaré ennemi public par le Sénat ; Drusus meurt en 33 p.C. (Tac. Ann., 6.23-24 ; Suet., Tib., 54.2 ; 6�.� ; D.C. 58.22.4) et sa mère Agrippine, peu après (Tac. Ann., 6.25).

�52. Rosso 2006, 44 et 404. �53. Évidemment, la galerie pouvait avoir abrité une série

tibérienne plus ancienne, avec l’empereur et ses fils Germanicus et Drusus, groupe auquel le togatus pourrait également appartenir.

�54. Le monument est semblable à celui de Mytilène dans sa phase XII, Éphèse dans sa IIIe époque, Sagonte ou Véies (Hurlet �997, 608-6�0).

�55. Rosso 2006, �94-�95.

218 – Milagros Navarro Caballero

conservée sur le piédestal lui appartient), ou bien qu’il s’agit d’un autre membre de la famille impériale.

Il est plus difficile en revanche d’associer la statue féminine à l’une de ces deux phases, ne serait-ce que parce que l’identification que je propose, celle d’Antonia Minor, est encore une hypothèse. Reste que la mère de Claude a probablement été l’une des femmes les plus représentées à cette époque : sa longévité personnelle et sa place dans les avatars de la dynastie impériale ont entraîné une “longévité” iconographique assez exceptionnelle puisqu’on lui a érigé des statues du règne d’Auguste à celui de Claude �56. Si elle portait vraiment l’infula qui la définissait comme sacerdos diui Augusti, cette statue devrait être postérieure à 37 �57, date à laquelle elle semble recevoir ce titre, et peut-être plus probablement à la mort de Caligula, ce qui permettrait de suggérer qu’elle fut honorée à l’arrivée de son fils au pouvoir.

4. LeS coNSéqueNceS Pour burDigala

Jusqu’ici, cet exposé a permis, je l’espère, de répondre à la question de savoir pourquoi la série de portraits de la famille julio-claudienne avait en partie disparu et pourquoi le reste avait été oublié. L’explication réside simplement dans l’histoire de la ville de Bordeaux, où se sont succédé aux responsabilités locales des membres de l’élite cultivée, soucieux de la protection du patrimoine et des élus beaucoup moins sensibles à l’intérêt des vestiges archéologiques. Les circonstances historiques, parfois adverses, ont fait le reste. Reste que ces monuments ont bien existé, que les deux togati du Musée d’Aquitaine sont là pour le prouver et que l’on peut, grâce à l’analyse des inscriptions et des éléments sculptés expliquer parfaitement la nature de la découverte : une série d’hommages à la famille impériale échelonnés dans le temps au moins à partir de 25-29 p.C., même s’il est possible de penser que les premiers éléments ont été érigés auparavant.

Il faut maintenant tirer les conséquences de la présence d’un tel ensemble dans le chef-lieu des Bituriges Vivisques. La première concerne l’endroit et la manière dont ces statues sur piédestal étaient disposées dans l’espace public. La seconde oblige à revenir sur le rôle du chef-lieu des Bituriges Vivisques dans la province d’Aquitaine au début de l’Empire.

�56. Ibidem, 300.�57. D.C. 59.3.4.

4.�. L’exposition publique des hommages impériaux Pour reconstituer la disposition des statues, il faut

rappeler encore une fois le témoignage de G. de Lurbe, qui décrit la découverte de plaques de marbres très fragmentées portant les inscriptions dédicatoires. Cette caractéristique permet de suggérer que les effigies étaient situées sur des bases “à plaques adossées” : il s’agissait d’un élément construit, enduit de stuc et dont au moins la face antérieure était recouverte par une plaque de marbre inscrite �58. De plus, on sait que ces bases, avec les effigies qui les surmontait, étaient adossées à un mur car, rappelons-le, le dos des togati était taillé très sommairement parce que cette partie des représentations n’était pas destinée à être vue. Le nombre des hommages laisse même imaginer qu’ils étaient placés le long d’un mur, soit, comme à Ruscino (Château-Roussillon, Perpignan, Pyrénées-Orientales) sous la forme de socles de maçonnerie isolés, soit, comme à Velleia (Italie), sur une longue banquette, elle aussi maçonnée, dont les jeux de moulures donneraient l’impression de piédestaux séparés, chaque base supportant une image impériale �59. Cependant, d’autres possibilités existent, comme la disposition des statues dans des niches, avec les plaques de marbre fixées aux murs, comme dans le sacellum du théâtre de Mérida (Espagne). Étant donnée la fragilité de certains de leurs composants, les piédestaux à plaques adossées, comme tout autre mode d’exposition maçonné, étaient plutôt placés à l’intérieur d’un bâtiment.

Or, ce bâtiment n’était pas des thermes, bien qu’on le répète inlassablement depuis le xviie siècle. Les thermes n’ont été un lieu de réunion publique et, par conséquent, un lieu d’exposition du pouvoir, que plus tard, au iie siècle �60. De surcroît, comme H. Manderscheid l’a montré dans son étude sur la sculpture dans les thermes, les statues impériales y étaient rarissimes, même plus avant dans le iie siècle �6�. En

�58. Ces bases “à plaques adossées” pouvaient être réalisés en maçonnerie, briques ou en pierre de mauvaise qualité. J’ai eu l’occasion d’étudier ce type de support épigraphique dans la curie de la ville hispano-romaine de Labitolosa : deux piédestaux, retrouvés sur place, étaient formés de plusieurs blocs de grès enduits. Leurs faces antérieures conservaient les clous de fixation des plaques épigraphiques en marbre retrouvées à leur pied (Sillières et al. �995 ; Navarro �994 et �997). Les mêmes types de supports ont été utilisés dans le forum de Ruscino. Discussion sur les piédestaux dans Rosso 2006, ��4-��5.

�59. Sur la question, voir aussi Rosso 2006, ��3. D’ailleurs, selon ce même auteur, ibidem �95, la dédicace à Gordien pourrait appartenir à une base au moins double, soutenant la statue de cet empereur et, probablement, celle de son fils, Gordien II.

�60. Zanker �987.�6�. Manderscheid �98�, 28 et 35-38 ; Munk Hojte 2005, ��6.

Ainsi, par exemple, les thermes d’Argos (Grèce) (vers �25-�40 p.C.), fouillés par R. Ginouvès et P. Aupert, ont livré de nombreuses statues, de divinités et de Muses, mais aucune représentation d’empereur, cf. Marcadé �959, 405-450 (dix-sept pièces trouvées par R. Ginouvès) ; Marcadé �963, �33-�74 (quatre-vingt-deux pièces trouvées par Pierre Aupert). La seule dédicace impériale était remployée dans

Du Nouveau sur BurdigaLa : les hoMMages à la faMille julio-ClauDieNNe – 219

fait, les hommages impériaux n’ont véritablement décoré les thermes que vers le ive siècle, au moment où l’interdiction du paganisme a obligé à retirer les hommages des centres publics. À cette époque, les statues ont été installées dans les édifices thermaux, devenus comme des musées �62. Notre monument bordelais ne pouvait pas être un édifice thermal �63. Il reste donc à trouver dans quel autre endroit ou lieu public les statues de la famille julio-claudienne auraient été exposées.

Ma première hypothèse a été de penser à un théâtre : en effet, au début du Ier siècle p.C., on trouve communément des statues impériales dans les murs de scène ou dans les salles annexes des théâtres �64. Cependant, comme l’a très bien montré D. Boschung �65, les images impériales recevaient une grande partie de leur sens du contexte de leur exposition. Or, la représentation en toge des statues masculines privilégie l’aspect civique, et donc l’hypothèse d’une exposition de l’empereur et de sa famille au centre du pouvoir urbain �66, c’est-à-dire bien évidemment le forum, avec ses bâtiments administratifs et son temple du culte impérial. C’est là que l’on trouve exposés les groupes dynastiques �67, c’est là aussi que ces hommages classiques revêtent la plus grande variété de types et de tailles �68. Étant donné la forme envisageable des supports épigraphiques, il me semble très probable que les hommages bordelais étaient disposés sur une banquette à bases multiples placée dans un secteur indéterminé du forum de Burdigala, voire à l’intérieur de la basilique de ce dernier, même si d’autres bâtiments sont tout à fait envisageables, comme un Augusteum ou un siège des corporations comme à Rusellae (Italie). C’était dans cette partie de ville que la figure de l’empereur citoyen et législateur prenait tout son sens, comme le prouvent les parallèles archéologiques, et comme semblent le confirmer les sources médiévales qui rendent tout à fait vraisemblable la présence d’une basilique �69 à cet endroit.

un escalier reliant la cour au porche du temple antérieur aux thermes (vers �00 p.C.), cf. Aupert �994.

�62. Lepelley �994 ; Rosso 2006, �43.�63. C’est ce qu’avait bien vu R. Étienne qui se demandait

même s’il ne fallait pas chercher là le forum de Burdigala (Étienne �962, 87).

�64. Gros �990, 383-384 ; Rosso 2006, �37.�65. Bochung 2002.�66. On en trouve peu d’exemples en Gaule, mais cette rareté

tient simplement à l’état fragmentaire de la documentation (Rosso 2006, �05).

�67. Rosso 2006, �24.�68. Ibidem, �4�.�69. L’hypothèse que la basilique du forum de Burdigala se

situait dans cette partie de la ville antique est appuyée par le fait que l’endroit a reçu ensuite une fonction religieuse chrétienne, comme c’est assez fréquemment le cas pour ce type de bâtiment (Rosso 2006, �24) : sa partie nord est devenue l’église Saint-Martin à une époque très ancienne. Au vie siècle, Grégoire de Tours cite deux fois une basilique Saint-Martin située hors les murs (De virtutibus S. Martini 3.50 ; 4.40). Cette église est dénommée à nouveau basilica dans le don de Saint-Martin que le duc d’Aquitaine Guillaume VII fait à

Ces observations sont d’autant plus importantes que les inscriptions et les statues ont été trouvées in situ et que la localisation du contexte de la trouvaille peut-être assez précisément déterminée. Le texte de G. de Lurbe dit explicitement que l’endroit était alors vide de constructions. Il n’y avait qu’un champ et des “vieux murs ou murailles” en élévation qui servaient de carrière : “Le sieur de Donzeau, lieutenant particulier en la seneschaussée de Guyenne, faisant parmy des vieilles masures et murailles en un champ à luy appartenant hors la ville près le prieuré S. Martin, tirer de la pierre pour employer en bastiment …” �70. J. d’Arrérac dit aussi que les statues ont été trouvées à la renverse �7�, c’est-à-dire, tombées de leur support vertical “soubs quelques vieilles ruïnes” �72. Il s’agissait, très probablement, des vestiges de murs romains. G. de Lurbe ajoute “les murailles qui restent sont tres-fortes, especes, & bien cimentées” �73.

L’emplacement de ces vestiges est confirmé par un document de grand intérêt : il s’agit d’une copie d’une vue chorographique de Bordeaux conservée aux Archives Municipales de la ville �74, dont l’original pourrait dater, selon É. Jean-Courret, des années �525-�535 (fig. �2 et �3). On n’en possède plus qu’une copie du xixe siècle, non datée mais antérieure à l’incendie de �862 puisqu’elle porte des traces de carbonisation. Le prieuré Saint-Martin y est représenté tandis que le champ situé à sa gauche, vers la Devèze, là où, en �594 ont été trouvées les inscriptions et les statues, porte le nom de “Maison des Vestales” �75. L’origine de cette dénomination savante n’est pas connue, et pas davantage le moment où celle-ci a été portée sur le plan, mais tout laisse penser qu’elle a un rapport avec les statues et les ruines à une époque où ces dernières – et peut-être aussi d’autres éléments – étaient encore apparents.

Du reste, G. de Lurbe donne, sur le lieu de la découverte, mais sans les interpréter correctement, d’autres indices qu’il convient d’analyser à nouveau. Les statues et les inscriptions ont été trouvées à l’intérieur d’une structure architecturale : “divisé comme en cellules avec des longiers de muraille en forme de portiques”. Le lecteur conviendra que cette description correspond tout à fait à une partie de forum, avec tabernae et portiques et non à

l’abbaye de Maillezais, document conservé aux Archives historiques du département de la Gironde (AHG, III, pièce n° II, 44 ; sur ces questions Higounet �963, 75 qui considère possible qu’un poème de Fortunat, Carm., �.6, mentionne déjà cette basilica). Je dois ces informations à l’amitié de mes collègues Fr. Boutoulle et É. Jean-Courret que je remercie à nouveau.

�70. de Lurbe �6�9-�620, 6� r°. �7�. “trois grandes Statuës Romaines de marbre blanc

couchées à la renverse & enterrées trois pieds en terre”, d’Arrérac �625b, 227.

�72. Ibidem.�73. de Lurbe �6�9-�620, 62 r°.�74. AMB, XL-B8 30PP9.�75. Lecture d’É. Jean-Courret à paraître b.

220 – Milagros Navarro Caballero

Fig. �2. Copie d’une vue chorographique de Bordeaux conservée aux Archives Municipales de Bordeaux ; l’original pourrait dater, selon É. Jean-Courret, des années �525-�535 (cl. B. Rakotomanga).

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Fig. �3. Détail de la vue chorographique précédente, Maison des Vestales (lecture et cliché É. Jean-Courret).|

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Fig. �4. Plan du secteur des Piliers de Tutelle selon W. Migeon (Barraud & Migeon 2005, 45).

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un bâtiment de thermes, encore moins à un temple. Ce sont là les interprétations proposées par G. de Lurbe qui, bien qu’amateur d’antiques, ne s’y entendait apparemment guère en architecture romaine. Et pourtant, son opinion a été inlassablement répétée jusqu’à nos jours, à mon avis, pour plusieurs raisons : d’abord, l’argument d’autorité. Après le vide intellectuel du Bordeaux du xviie siècle, les chercheurs des générations suivantes ont considéré que les écrits des savants du xvie siècle, comme É. Vinet ou G. de Lurbe, étaient pleins de sens et ils ne les ont pas remis en question. À partir de F. Venuti, chaque auteur a répété ce qu’avait dit l’auteur précédent, sans aller vérifier les sources premières. Et, comme au xvie siècle on avait admis que des thermes s’élevaient sur le mont Judaïque (même si G. de Lurbe ne l’avait pas dit expressément, puisqu’il proposait deux hypothèses et qu’il semblait même plutôt privilégier celle d’un temple), on n’est jamais revenu sur cette supposition. Le contraire aurait par ailleurs semblé trop hasardeux �76. En effet, et c’est la deuxième explication, les découvertes archéologiques bordelaises récentes, malgré l’efficacité du Service régional de l’Archéologie et l’importance des fouilles préventives, n’ont pas aidé à la remise en question, bien au contraire.

�76. D’autant plus que le grand historien du Bordeaux antique, C. Jullian, retenait cette possibilité.

La conservation exceptionnelle de la colonnade corinthienne �77 située près de la Garonne, traditionnellement dénommée les “Piliers de Tutelle” �78, a toujours conditionné la réflexion des chercheurs qui y voyaient le forum. Elle fut détruite en �677 par Vauban sur ordre de Louis XIV pour agrandir la forteresse royale du château Trompette, mais nombreux sont les érudits, notamment du xvie et du xviie siècles, qui ont pu la voir, la décrire et même la dessiner �79. Et pourtant, même si l’interprétation de ce monument n’est pas encore définitivement établie, on en sait deux choses importantes : d’une part, les sculptures du deuxième étage dataient de l’époque sévérienne, ce qui retardait considérablement la monumentalisation du centre public de Burdigala, bien que la partie inférieure ait pu être antérieure. La seconde est archéologique : les

�77. Elle était composée par vingt-quatre colonnes sur un stylobate de 30 m pour 22 m.

�78. Les érudits bordelais ont considéré qu’on avait ici, comme dans d’autres villes du Sud-Ouest, le sanctuaire de la déesse tutélaire de Burdigala, le temple de la Tutelle. Bien que réutilisée dans la muraille, la dédicace à la Tutelle datée du 224 p.C. (IRB, �, 59-66, n° 20 = CIL, XIII, 850a) découverte en �828 près du cours de l’Intendance a été associée à cette interprétation.

�79. Outre le dessin de É. Vinet, nous devons un relevé à Cl. Perrault déjà mentionné comme témoin du monument de la mairie. Une description détaillée des éléments qui le composaient, de la bibliographie ainsi que des interprétations dans Barraud & Caillabet-Duloum 2004, 246-247.

222 – Milagros Navarro Caballero

fouilles réalisées en 2003 à l’occasion de la construction du tramway ont exhumé le soubassement en petit appareil du péribole d’un temple et non les portiques d’un forum �80 ; elle ont permis aussi, à partir des données stratigraphiques, de dater la construction du bâtiment sous Hadrien �8�. Par conséquent, et malgré ce que l’on a pu penser, le premier forum de la ville n’était pas là �82. Les “Piliers de Tutelle” étaient un ensemble religieux dont la structure, peut-être complexe, nous échappe �83. On remarque cependant sa relation directe et presque axiale avec le mont Judaïque.

Mais le fait que ce dernier est resté en dehors de la muraille du Bas-Empire �84 a psychologiquement conditionné la réflexion des chercheurs. Rappelons que l’enceinte, l’élément du Bordeaux antique le mieux connu, a été construite vraisemblablement à partir de la fin du iiie siècle �85. Elle enfermait la ville dans un rectangle orienté ouest-est : le côté oriental longeait la Garonne ; son parallèle occidental était la rue des Remparts, juste à la limite du mont Judaïque �86. Les chercheurs ont bien montré que le centre de cette nouvelle ville était le port situé dans l’estuaire de la Devèze. Les monuments publics, comme l’amphithéâtre et les “Piliers de Tutelle” restaient en dehors, ce qui implique une nouvelle conception des besoins collectifs �87.

On perçoit mal la limite du Burdigala du Haut-Empire du côté de l’ouest, dans une zone dénommée peut-être à tort périphérique, sur laquelle les différents plans proposés de la ville antique sont très peu explicites : les représentations partent toutes de la muraille tardive. Pourtant, l’amphithéâtre, dénommé “Palais Galien” �88, semble reporter les limites de Burdigala sensiblement plus à l’ouest car, dans le cas contraire, il resterait isolé ce qui rencontre peu de parallèles dans le monde romain �89. Ce monument et la découverte de deux nécropoles �90, ont permis de proposer un développement de la ville vers le

�80. Migeon 2005. �8�. Ibidem, ��8 et Barraud & Migeon 2005, 45. Cette

chronologie semble confirmer une hypothèse proposée par J.-P. Bost qui avait daté les “Piliers de Tutelle” de l’époque d’Hadrien (Bost 2005, 98).

�82. Rappelons cependant l’existence de deux fora dans certaines capitales de province, comme Tarraco et Emerita.

�83. Je pense que les “Piliers de Tutelle” étaient la colonnade extérieure d’un temple périptère, et non le portique d’une place, qui eût du reste été située en un endroit facilement inondable.

�84. Généralement dénommée castrum dans les publications bordelaises.

�85. Garmy & Maurin �996, 75-76.�86. Voir son parcours dans le plan de Burdigala, pl. XV.�87. Barraud & Caillabet-Duloum 2004, 242-244.�88. Si l’étude définitive de cet ouvrage manque toujours, on

est aujourd’hui certain qu’il n’a pas été construit au iiie siècle, comme l’on a l’habitude de le penser pour des raisons “mythiques” mais au Haut-Empire.

�89. Sur le Palais Galien, voir les nouvelles propositions d’A. Bouet dans ce même volume.

�90. Il s’agit de la nécropole de la place Charles Gruet et surtout de celle de Terre-Nègre, datées à partir de l’époque tiberienne (Caillabet-Duloum �999 ; Barraud & Caillabet-Duloum 2004, 245).

nord-ouest. Le sud-ouest restait toutefois encore vide de vestiges (fig. �5). Mais c’est précisément là que sont situés le mont Judaïque et l’endroit de la découverte des portraits julio-claudiens.

Les dernières recherches archéologiques bordelaises effectuées dans ce secteur, malgré l’état extrêmement fragmentaire des découvertes, semblent confirmer une occupation ancienne de cette partie de Burdigala, considérée jusqu’ici à la marge de l’urbanisme du Haut-Empire. Ainsi, les fouilles de l’îlot Bonnac, situé immédiatement au sud de l’endroit où ont été trouvés les hommages, ont exhumé un bassin pavé en opus spicatum de 30 m2, associé à un deuxième bassin et à un hypocauste. Selon les fouilleurs, “ces structures pourraient appartenir à un vaste ensemble thermal” �9�. Au nord-est, déjà sur le mont Judaïque et non loin des structures du prieuré Saint-Martin, a été mis au jour un temple du type fanum �92. Il s’agit d’un petit bâtiment quadrangulaire (5,70 x 5,55 m) recouvert aussi d’un sol en opus spicatum. Il est entouré d’un enclos d’une surface de 400 m2 ; à l’intérieur, on a trouvé la partie inférieure d’un piédestal en maçonnerie, recouvert d’enduit, la même structure que les bases ou plinthes des statues impériales étudiées ci-dessus �93. La porte de la cella s’ouvrait à l’est, directement sur la face principale du piédestal et de la statue qu’il devait soutenir, probablement un simulacrum. Outre son très probable caractère public �94, c’est sa chronologie qui intéresse mon propos : ce qui a été interprété comme une tranchée de fondation contenait un as de Claude, ce qui donnerait une datation post quem �95.

Pour compléter l’inventaire archéologique de ce secteur de Bordeaux, il faut rappeler la découverte de structures anciennes sous le boulevard de la porte Dijeaux (actuelle rue Georges-Bonnac). Ces vestiges sont mentionnés tout d’abord par A. Thévet en �575 et ensuite par G. de Lurbe en �594. Ils ont été exhumés vraisemblablement en �557, avec un grand nombre de statues anciennes et médailles �96. En raison de son importance pour mon propos, je cite leurs textes in extenso :

�9�. Pons-Métou 2007. Cet ensemble de la première moitié du ier siècle a été détruit et couvert, au iie siècle, par une construction postérieure. Il s’agit d’un ensemble thermal beaucoup plus petit, peut-être associé à une maison.

�92. Il est dénommé fanum suburbain situé à la périphérie de la ville dans la publication récente de Barraud & Caillabet-Duloum 2004, 253.

�93. On trouve souvent ces structures à l’intérieur de ce type de monument.

�94. Dans les contextes urbains, on trouve ces monuments dans des ensembles composés aussi du théâtre et des thermes, ou bien en bordure du forum (Fauduet �993a, �03 et ead. �993b, 30-36).

�95. Martin & Silhouette �996 ; Barraud & Caillabet-Duloum 2004, 253. Cet ensemble religieux a été utilisé jusqu’à la fin du iiie siècle.

�96. L’abbé Baurein mettait déjà en relation la découverte de �557 avec celle de �594, tout en pensant qu’il s’agissait probablement de thermes, Baurein �785a, 207. Aux pages 303 et 347-348, il parle aussi des statues impériales.

Du Nouveau sur BurdigaLa : les hoMMages à la faMille julio-ClauDieNNe – 223

Fig. �5. Plan de Burdigala avec les monuments cités dans l’article (É. Jean-Courret).|

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Thevet �575, t. II, 5�2-5�3 :

“les quelles cuves ont esté de notre temps descouvertes vers la porte des Iaux. En ces bains, on trouva infinis vases de service de maison et grand nombre de statues de pierre et medalles, tant des Empereurs que des Capitaines romains”.

de Lurbe �6�9-�620, 63 v :

“comme tesmoignent aussi les vieilles mazures des bains qu’on trouva l’an �557 au bout de ladite terre, en relevant le boulevard de la susdicte porte Dijeaux”.

On interpréta alors également ces vestiges, découverts trente-sept ans avant ceux du prieuré Saint-Martin comme des thermes sans véritable argument, mais bien selon les idées préconçues de l’époque. Or, je pense qu’il pourrait s’agir également des parties du forum (ou d’un autre bâtiment public), d’autant plus que l’on y trouva aussi d’autres statues (“grand nombre de statues de pierre”, dit A. Thevet). Il est certain que la porte Dijeaux est relativement éloignée de l’endroit où ont été trouvé les hommages impériaux, mais les textes sont vagues en ce qui concerne la location : “vers la Porte des Iaux”, c’est-à-dire, vers cette direction, dit A. Thevet, et “dans la boulevard de la susdicte porte” à savoir, dans cette rue, rajoute G. de Lurbe. Ces vestiges pouvaient se trouver tout proches du prieuré Saint-Martin, notamment du champ appartenant à monsieur Donzeau car A. Thevet parle de “au bout de ladite terre”, c’est-à-dire, celle de la découverte.

La découverte de grandes statues de pierre mentionnée par Thevet irait dans le sens de l’interprétation de cet espace comme le centre public, car on n’imagine pas que de tels hommages aient pu se trouver ailleurs qu’exposés in loco publico. D’ailleurs, la mention du cosmographe n’est pas la seule sur la découverte de statues honorifiques, notamment impériales dans cette partie de Bordeaux. Voici un fragment du récit particulièrement édifiant de l’abbé Venuti :

“Dans la maison de Mr Des Aigues on voit une autre très-belle Statuë de marbre, de la hauteur de six pieds, habillée à la Romaine. Elle a été déterrée, si je ne me trompe, dans le même lieu que les autres ; & elle pourrait bien représenter Neron, frere de Drusus, dont nous avons parlé, ou Drusus, fils de Tibère. Ainsi on auroit assemblé dans un même lieu les monuments de toute cette auguste famille” �97.

Si la disparition de cette statue empêche de corroborer l’opinion de F. Venuti, force est de constater qu’il en a vu une, trouvée près des autres, offrant une certaine ressemblance avec les togati impériaux.

�97. Venuti �754, 23.

On possède aussi le témoignage de la présence d’autres statues antiques, notamment des togati, dans la collection de Florimond de Raymond à la fin du xvie et au début du xviie siècle dont certaines pouvaient provenir du mont Judaïque. À partir de l’étude remarquable réalisée par C. Jullian �98 sur la collection de cet intellectuel bordelais, on connaît la présence dans la cour de la maison de l’ancien président du Parlement d’au moins quatre pièces qui nous intéressent particulièrement :

— deux grandes statues en marbre blanc provenant de la collection de M. de la Chassaigne, le beau-père de Montaigne : “l’une represente, selon le jugement commun, un grand Capitaine, ou Empereur romain, ayant la teste entourée d’une Couronne de Laurier. L’autre statue est un habit de Consul ou Senateur Romain” �99. La présence du togatus est confirmée par Cl. Perrault en �669 200. Si ce ne sont pas des faux, il pourrait s’agir respectivement d’une statue loricata de l’empereur couronné 20� et d’une statue semblable à celles des togati trouvés sur le mont Judaïque.

— deux têtes, une d’homme “caput meo iudicio Drusi cuius truncus extat in aedibus publicis”, donc, la tête de la statue de Drusus située à l’Hôtel de Ville comme le suggère Sanloutius, et une tête de femme. La présence des deux têtes est confirmée plus tard par Cl. Perrault 202.

�98. IRB, II, 335-337.�99. de Lurbe �594-�595, 68. Ce témoignage est corroboré

par L. Sanloutius et J. Sincerus �627, 390. Le togatus était encore in situ quand le président Barbot visita la maison de Florimond de Raymond le �0 décembre �743 (son manuscrit est conservé aux Fonds patrimoniaux de la Bibliothèque municipale de Bordeaux et a été publié par C. Jullian dans ses IRB, I, �59). On lui avait ajouté une tête et il y avait deux autres togati dont ne parlent pas les auteurs précédents : “en effet nous y vîmes une grande Statue de marbre blanc representant un Senateur Romain en toge, Belle teste toute nue, cheveux coupes, a son costé avoit un Scrinium ou pluteus ou contenoist le papiers. C’est la marque du Senateur. Dans deux autres niches, il y a deux statues de figures aussy habillées a la romaine en toge, mais sans jambes ny bras et avec des testes rapportées”.

200. Perrault �669, 2�6 : “Les autres statues sont une grande de cinq à six pieds, de marbre, à qui les mains manquent ; elle est vêtue de togatus, assez entière d’ailleurs”. Ces caractéristiques sont les mêmes que celles des statues trouvées sur le mont Judaïque.

20�. Il est rare de trouver un portrait impérial couronné au delà de l’époque julio-claudienne (Rosso 2006, �07).

202. Ibidem, “il a à ses deux côtés deux têtes de plein relief enchâssées dans le mur. Il y en a une que a le nez cassé, mais du reste fort belle ; elle est d’un marbre gris, tirant sur le minime, très fin et très poli”. Il existe une tête interprété comme Claude, conservée en Allemagne dont l’origine semble être Bordeaux (Fittschen �977, réplique i ; Rosso 2006, 499).

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Ma conclusion est donc qu’un grand bâtiment public, probablement le forum 203 (retenons toujours la possibilité du théâtre) de l’ancienne Burdigala s’élevait sur le mont Judaïque, comme le prouvent les récits du xvie siècle, associés à des textes postérieurs, plus exactement autour de l’actuelle rue Georges-Bonnac et à son croisement avec la rue du Château-d’eau. C’est dans ces deux rues que l’on a trouvé des murs de portiques et des statues, non seulement celles de la famille julio-claudienne, mais d’autres, perdues, dont l’identité reste un mystère. Ce monument se situerait donc entre le decumanus que l’on s’accorde à reconnaître dans l’axe cours de l’Intendance – rue Judaïque et celui reconnu à partir de la Porte Dijeaux 204. Néanmoins, si l’on peut ainsi placer approximativement le forum dans le réseau urbain restitué de Burdigala 205, l’insuffisante précision des données empêche toute proposition planimétrique plus poussée : même si les vestiges ont été trouvés in situ, les positions sont décrites de façon suffisamment vague pour qu’elles puissent fluctuer de quelques dizaines de mètres autour de cette zone. Cependant, il semble assez possible que les dédicaces de la famille julio-claudienne, trouvées à côté du prieuré Saint-Martin, aient été disposées à l’intérieur d’un bâtiment situé à l’ouest du centre public, peut être la basilique. S’il reste toujours l’espoir que des nouvelles fouilles confirment ou infirment mon hypothèse, je pense que la façon dont les auteurs du xvie siècle ont décrit les découvertes montre la dégradation importante que les vestiges antiques ont subie dès cette époque, qui a continué jusqu’à nos jours, dans une zone très construite. Les mêmes textes mentionnent aussi que les vestiges étaient bien conservés, ce qui prouverait un abandon ancien de cet espace comme centre public de la ville vers la fin du Haut-Empire, avec un déplacement des activités autour de celui qui semble avoir été progressivement le vrai centre de cette ville portuaire, commerciale et extrêmement cosmopolite 206, c’est-à-dire le port. C’est cette modification de l’habitat qui délaisse l’ancienne “acropole”, comme R. Étienne appelait le mont Judaïque, au profit de la ville basse qui a permis de conserver ses structures et ses ornements, mais a empêché peut-être de réfléchir autrement sur Burdigala.

203. Seul R. Étienne a suggéré très timidement cette possibilité en �962 : “il paraît plus raisonnable de croire qu’en un lieu élevé – acropole de Burdigala – fut édifié un temple du culte impérial ; ainsi se justifieraient les dédicaces à Drusus et à Claude, à moins qu’on ne pousse la hardiesse jusqu’à voir dans la présence de ces statues de magistrats la preuve que le mont Judaïque fut le forum primitif de la cité” (Etienne �962, 87) [il ignorait les résultats de nouvelles fouilles et considérait que les togati étaient des magistrats].

204. Barraud & Caillabet-Duloum 2004, 24�-242.205. Barraud �988.206. Bost 2002 ; Sireix 2005b.

4.2. Le contexte politique et idéologiqueLes découvertes du xvie siècle sur le mont Judaïque

sont un remarquable exemple de la riche parure monumentale qu’avait reçu la ville de Burdigala à un moment bien plus ancien (au moins à partir du 29 p.C.) que ce que l’on pensait jusqu’à présent. Elles montrent l’existence d’un monument dont la typologie et les ornements étaient une réponse architecturale aux nécessités politiques de la cité à partir de l’époque augustéenne, plus exactement entre �6 et �3 a.C. 207, quand les Bituriges Vivisques, fraîchement installés sur les bords de la Garonne 208, ont été érigés en ciuitas, d’ailleurs de condition juridique “libre”, et ont reçu Burdigala pour chef-lieu. Si les débuts de la ville romaine étaient établis sur le même site que l’établissement indigène 209, notamment en ce qui concerne l’habitat privé, la création des espaces nécessaires au déroulement de la vie publique selon les modèles romains a poussé très vite l’extension de la ville vers l’ouest.

Si l‘on avait pu imaginer que fût situé près de son fleuve navigable 2�0 le forum d’une cité portuaire, le choix d’établir celui-ci au mont Judaïque n’en était pas moins logi-que : c’était d’abord l’endroit le plus élevé des alentours, presque vide de constructions antérieures ; ensuite, sa posi-tion relativement dominante 2�� avait pu lui attirer des attri-butions religieuses indigènes. Mais construire à cet endroit un centre public, tout au moins un sanctuaire dédié à l’em-pereur et à sa famille, répondait aussi à d’autres objectifs que le respect des traditions locales. D’abord cela permettait de le placer loin du danger des inondations de la Garonne, mais ensuite et surtout de créer là une scénographie urba-nistique : le monument devait se voir dans toute la ville. Mais il était aussi un peu excentré, ce qui a pu entraîner progressivement la perte de son importance.

Encouragées dès l’époque par d’Auguste par l’élévation de leur bourgade en cité, les élites bordelaises ont entrepris un vaste programme urbain qui était destiné à montrer leur adhésion à Rome et à l’empereur. La série d’hommage à la domus Augusta faisait partie intégrale de cette initiative. C’est sous Tibère que les grands chantiers publics ont dû vraiment commencer et cette date semble se

207. Bost 2005, 96.208. Hiernard �984 et �997.209. Bost 2005, 96. Rappelons que les découvertes archéo-

logiques d’époque protohistorique permettent de suggérer que l’établissement antérieur à l’époque augustéenne était situé sur la terrasse de grave du Puy-Paulin, entre les allées de Tourny et la rue Saint-Catherine jusqu’à la rue Porte-Dijeaux (Barraud & Caillabet-Duloum 2004, 239). Sur Bordeaux protohistorique, voir aussi Barraud �988 et Sireix �997.

2�0. À ce propos, je rappellerai que, même si l’on considère que le forum se situait autour des “Piliers de Tutelle”, ceux-ci étaient assez éloignés du port, le centre commercial toujours préservé.

2��. Étienne �962, 87 lui attribue le nom d’acropole.

226 – Milagros Navarro Caballero

confirmer avec la série de portraits. Sur le mont Judaïque tout au moins, il y avait, à la fin du règne de cet empereur, un bâtiment achevé, peut-être la basilique du forum, peut-être des portiques ou quelque autre bâtiment du centre public, puisqu’on a pu y loger la statue sur piédestal de Drusus III. De plus, on ne peut pas exclure que l’érection de la série d’hommages ait commencé plus tôt. Cette monumentalisation a continué tout au long de l’époque julio-claudienne, quand on a élevé la suite des monuments honorifiques que je viens d’étudier.

Il faut insister sur le rôle de ces élites bordelaises qui ont pris en charge ce programme monumental à la romaine. Le forum et sa parure ont été, sans aucun doute, leur premier objectif. Et leur caractère monumental était certainement à la hauteur des prétentions des épais Bordelais dont se moquait Martial 2�2. Et ces prétentions devaient être très fortes, dans une cité où, au milieu du ier siècle, le praetor C. Iulius Secundus a été en mesure de donner par disposition testa-mentaire deux millions de sesterces de sa fortune person-nelle pour réaliser des adductions d’eau et des fontaines 2�3. Ce pourrait être lui, ou l’un de ses parents ou quelque autre notable de même rang et de même fortune qui, presque au même moment, paya la statue de l’empereur Claude. Pour mieux se représenter ce que pouvait être l’apparence et la richesse du monument qui les abritait, il faut rappeler la facture et le marbre des togati qui prouvent l’arrivée très précoce à Burdigala de produits de luxe et la probable intervention d’artistes italiens.

Finalement, quand on considère la chronologie et les caractéristiques monumentales et idéologiques des découvertes du mont Judaïque, on est conduit à revenir sur le débat relatif à la capitale de l’Aquitaine sous le Haut-Empire 2�4. Bien évidemment, ces découvertes ne prouvent pas que Burdigala a été, dès le début de l’existence de celle-ci, la capitale de la province, mais elles prouvent en tout cas que, sous le règne de Tibère, la ville avait pu mettre en œuvre un vaste programme monumental, ce qui n’avait jamais été souligné auparavant. Cela veut dire que le développement architectural de Bordeaux peut être mis sur le même pied que d’autres villes d’Aquitaine, Saintes notamment. Il me semble donc que l’argument de la monumentalisation pour désigner la capitale de la province doit être désormais reconsidéré.

2�2. Ep., 9.32.6.2�3. Il y a cinq inscriptions qui décoraient des fontaines en

différents endroits de la ville (IRB, I, ���, n° 30a = CIL, XIII, 596 ; IRB, I, ��2, n° 30b = CIL, XIII, 597 ; IRB, I, ��2, n° 30 c = CIL, XIII, 598 ; IRB, I, ��3, n° 30d = CIL, XIII, 599 ; IRB, �, ��3, n° 30e = CIL, XIII, 600). Les critères internes (noms et fonction du dédicant) permettent de les dater de l’époque julio-claudienne, avec une préférence pour les règnes de Tibère ou de Claude.

2�4. Sur la question, Maurin �978, �32-�40 ; Maurin et al. �992, 28 ; Haensch �997, �35-�36 ; Tranoy 2004, 236.

Abréviations

AHG Archives historiques du département de la Gironde.

AD.33 Archives departementales de la Gironde.

AM Archives municipales.

IRB Jullian, C. (�887) : Inscriptions romaines de Bordeaux, I-II, Bordeaux.

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— (�672) : Chronique bourdeloise [de Gabriel de Lurbe], corri-gée et augmentée depuis l’année 1620 jusques à présent. Continuation à la Chronique bourdeloise commençant l’année 1620 jusqu’à présent. - Supplément des chroniques de la noble ville et cité de Bourdeaux, par Jean Darnal [avec des additions]. - Privilèges des bourgeois de la ville et cité de Bourdeaux, octroyez et approuvez par Henri II, Charles IX, Henry III, Henry IV et Louys X, Bordeaux.

— (�703) : Chronique bordeloise, corrigée et augmentée depuis l’année 1671 jusqu’au passage du roi d’Espagne l’année 1701, imprimée par les soins de Me Tillet - Supplément des Chroniques de la noble ville et cité de Bourdeaux, par Jean Darnal - Continuation à la Chronique commençant l’an-née 1620 jusqu’à présent. - Continuation de la Chronique bourdeloise, depuis le mois de décembre 1671 jusques à la fin de 1700. - Privilèges des bourgeois de la ville et cité de Bourdeaux, octroyez et approuvez par Henry II, Charles IX, Henry III, Henry IV et Louys XIII reveus et imprimez de nouveau en l’année 1667, Bordeaux.

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