Post on 21-Jan-2023
LES FABLES DE LACROIX COMMENTE ES PAR L’ŒUVRE DE SHEIKH AL-ALBANI La Réponse que l'Institution Sciences Po ne veut pas que vous lisiez...
Réplique aux thèses non fondées de Stéphane Lacroix, « Spécialiste de l’Islam Politique », Professeur à
Sciences Po et Chercheur au CERI
LES FABLES DE LACROIX COMMENTEES PAR L’ŒUVRE DE SHEIKH AL-ALBANI
2
MOT DU TRADUCTEUR
a France n’est plus ce qu’elle l’était durant
l’avant-Sarkozy. Les lois votées contre la liberté
des femmes musulmanes leur interdisant de
s’habiller selon leurs convictions, les profanations
récentes de mosquées et de cimetières musulmans, les
caricatures ignobles du Prophète Mohammed ainsi
que la diffamation croissante des politiciens envers les
musulmans pratiquants ne sont que quelques éléments
qui démontrent que la France a déclaré persona non
grata tout musulman qui refuse de s’assimiler à la über-
culture française.
Certes, la politique et les médias de
l’hexagone sont trempés dans
l’islamophobie et le racisme
antimusulman comme l’était, au
siècle précédent, la propagande
antisémite en Allemagne. Tout
comme la démocratie allemande a
permis à Hitler, en 1933, de
populariser le fascisme antijuif, la
laïcité française véhicule dans ce
nouveau siècle le fascisme antimusulman. Or, les
islamophobes français ont appris à ne pas commettre les
mêmes erreurs de leurs précurseurs allemands et mènent
leur campagne antimusulmane sous couvert d’une liberté
d’expression et un combat pour « des valeurs
républicaines et laïques ». Ils transforment les
appellations pour atténuer le caractère xénophobe de
leurs attaques calomnieuses contre les musulmans qui
pratiquent ouvertement leur religion et ne parlent plus de
croyance musulmane ou de citoyens musulmans —
termes exclusivement réservés aux Arabes occidentalisés
–, mais d’islamistes, wahhabites, extrémistes, intégristes,
fondamentalistes et fous d’Allah. Ce sont des termes
avec lesquels ils augmentent sans cesse le sentiment de
peur dans ce pays qui, à en croire les médias asservis,
semble être sous occupation « salafiste ».
Il n’y a que très peu de résistance scientifique ou
intellectuelle de la part des membres de la communauté
musulmane et ceux qui ripostent se contentent
d’énumérer quotidiennement les agressions
islamophobes, chose d’ailleurs totalement inutile, car il
suffit de suivre les infos pour comprendre que la France
est aujourd’hui le pays le plus islamophobe d’Europe.
Dans le monde anglophone, les choses diffèrent ;
l’islamophobie est moins présente et plusieurs auteurs1
sont connus pour écrire des répliques académiques aux
islamologues, orientalistes et journalistes
antimusulmans. Une de ces réponses s’est faite à un
1 Comme Haneef Oliver, auteur des livres « The Wahhabi Myth » et
« Sacred Freedom ».
professeur de Sciences Po nommé Stéphane Lacroix2,
connu pour diffamer la religion musulmane et les
savants de l’Islam. La réponse a été écrite en anglais
quelque temps avant la défaite électorale de Sarkozy par
un étudiant au Yémen… comme quoi les drones peuvent
parfois aller dans l’autre sens. L’étudiant démontre que
les analyses, recherches et conclusions du professeur
sont en réalité un mélange des fables de Lafontaine et
des Mille et une Nuits présentées sous forme d’ouvrage
académique. Or, comme vous le verrez dans cette
réponse, les écrits de Lacroix n’ont rien d’académique.
Après la sortie de « Les Fables de Lacroix commentées
par l’œuvre de Sheikh al-Albani » en anglais3, la
réputation du professeur s’est
effondrée dans le monde académique
anglo-saxon. L’humiliation subite par
Stéphane Lacroix fut telle que, dès
lors, il n’a presque plus rédigé
d’articles en anglais sur ce qu’il
nomme le « salafisme » et le
« wahhabisme ».
Il était donc important de partager les
compétences académiques de cet
expert en Islam avec le monde francophone où il
continue à se faire passer pour un spécialiste. Il est, en
effet, temps que la France sache qui est réellement le
professeur Stéphane Lacroix comme il est grand temps
qu’en France, on se rende compte à quel degré les
charlatans islamophobes se sont infiltrés dans les
universités, les instituts et les centres de recherches
français.
Dans une interview avec le Figaro4, Stéphane Lacroix
reprochait aux « Salafistes » de rester dans leur bulle.
C’est un reproche qu’il ne devra plus faire, car
aujourd’hui un Salafi est sorti de sa bulle pour mettre au
grand jour les tromperies académiques de cet imposteur
qui sombre dans l'escroquerie intellectuelle...
2 Stéphane Lacroix est connu pour rédiger des articles islamophobes
en anglais et passe régulièrement dans les médias français. Il a
participé à un débat avec un Imam d’une mosquée à Marseille après
la diffusion d’un reportage d’Harry Roselmack sur le « Salafism ». 3 L’article original en anglais s’intitule « Sheikh al-Albani’s works
reply to Stephan Lacroix’ revolutionary Lie » 4 « Les Salafistes en France restent dans leur bulle » Le Figaro,
12/10/2012
L
LES FABLES DE LACROIX COMMENTEES PAR L’ŒUVRE DE SHEIKH AL-ALBANI
3
Certains professeurs à Sciences Po exploitent l’industrie fructueuse de l’islamophobie pour entamer leur carrière
urant les quatre années sous le « régime » de
Nicolas Sarkozy, la France a non seulement
connu un déchaînement d'islamophobie dans les
médias principaux et sur de le devant de la scène
politique, mais aussi dans ses universités les plus
prestigieuses qui, aujourd’hui, sont clairement
contaminées par le nouveau fléau du siècle. Le
« Sarkozysme » a produit des drôles de spécimens qui se
sont autoproclamés « islamologues » et « experts de
l'Islam » dans le but de mener une campagne visant à
discréditer la communauté musulmane de France.
Les articles dans la presse occidentale qui traitent la
religion musulmane et ses différentes sectes ont
clairement révélé que tout ignare peut s’infiltrer dans le
domaine complexe des sectes
musulmanes et leurs différences
religieuses. Dans certains milieux
académiques, ils font même figure de
référence sans avoir la moindre notion
ou compréhension de la matière dans
laquelle ils se font nommer
« experts ». En auscultant les écrits de
ces « islamologues » et pseudo
spécialistes du Moyen-Orient, le
lecteur intègre se doit de conclure que
leur vaste majorité est composée
d’imposteurs incompétents qui
amassent des fonds de recherche considérables destinés
aux études académiques d'universités comme Princeton,
Cambridge, Oxford, la Sorbonne et Sciences Po. Ils
gagnent leur vie en rédigeant des articles d'amateurs qui,
à de rares exceptions près, contiennent des thèses
farfelues, voire des histoires fictives. En France, une
élite de fondamentalistes laïques5 a entamé une vendetta
médiatique contre les musulmans qui refusent de
s'assimiler à la culture française et de se soumettre à ses
normes. C'est souvent en exploitant l'ignorance des
masses que cette nouvelle génération « d'orientalistes »
est parvenue à diaboliser une partie bien précise de la
communauté musulmane en France et cela en présentant
les « musulmans qui s’habillent islamiquement » comme
des islamistes, fanatiques, intégristes et
fondamentalistes6.
Éditer des articles sur l'Islam et ses sectes est devenu un
5 Parmi les islamophobes les plus actifs en France, nous avons
Jacques Myard, André Gerin, Jean-Marie Le Pen, Bernard Rougier,
Caroline Fourest, Manuel Valls, George Freche, Jean-François Copé,
Bernard Henry Lévy, Nicolas Sarkozy, Alain Finkielkraut, Fadela
Amara, Marine Le Pen et Siham Habchi. 6 Notez que les juifs religieux — contrairement aux musulmans qui
pratiquent ouvertement l’Islam—, sont toujours décrits comme des
« orthodoxes » et non comme « fondamentalistes » ou « intégristes ».
commerce à « profit garanti ». Or il est impressionnant
de constater que la quasi-totalité de ces « islamologues »
sont inaptes à effectuer de simples recherches
académiques dans les livres d’origine en arabe qui
constituent la source primaire pour tout chercheur qui
désire étudier les origines, l'influence et le
développement des sectes musulmanes contemporaines.
Il n’y a probablement pas d’autre branche de
spécialisation dans les cercles académiques où
l'illettrisme dans la langue primaire, sur laquelle est
basée son étude, ne pose aucun problème pour devenir
expert dans le domaine. De plus, leur incapacité de
conduire des recherches de base conformes à la réalité
ne semble les déranger en rien. Les militants de
l'islamophobie française recyclent principalement les
anciennes ambiguïtés de leurs précurseurs orientalistes
en ajoutant leur touche personnelle avec des
argumentations insolites. En effet, ils semblent bien
conscients de leur immunité presque
absolue lorsqu’ils rédigent des contes
de fées présentées sous forme de
recherches académiques. Ils n’ont
jamais à se justifier et ne doivent pas
prendre en considération les
sentiments des musulmans de qui ils
écrivent, car ces derniers se
retrouvent citoyens de seconde zone
dans cette nouvelle France où
l'apartheid religieux n’a pas d’égal.
Aujourd'hui, nous allons analyser de
plus proche les écrits de Stéphane Lacroix qui est un
adversaire fervent de la famille royale saoudienne et des
Salafis de France qui refusent de s’agenouiller devant la
laïcité française et les valeurs occidentales. Comme c'est
le cas pour la plupart des professeurs de Sciences Po, les
écrits du professeur Lacroix révèlent une animosité
particulière envers l'Islam et plus spécifiquement à
l’égard des musulmans qui pratiquent leur religion7.
Dans ses articles, il juge ceux qui suivent les préceptes
musulmans comme des personnes intellectuellement
retardées qui ont abandonné toute pensée rationnelle. À
l’inverse, il décrit les arabes laïques qui se sont
hardiment assimilés aux idéaux de l'Occident comme des
intellectuels courageux et audacieux. Stéphane Lacroix
rêve bel et bien d'une Arabie Saoudite laïque déchue de
toutes ses valeurs musulmanes8…
7 En mars 2007, Stéphane Lacroix participe au colloque xénophobe et
islamophobe « Le Rôle de l’Etat Civil qui plaide pour les Reformes
dans le Monde Arabe » organisé par le FPC à Londres. Comme tout
bon islamophobe, Lacroix revendique le droit aux « sociétés civiles »
d’imposer des réformes chez les arabes dans leurs « sociétés
primitives ». 8 Dans sa croisade pour libéraliser les lieux saints occupés par les
musulmans, Stéphane Lacroix a fait une intervention à l’Institut des
Affaires Etrangères de Norvège qu’il a nommé « Perspectives pour
une libéralisation religieuse et politique de l’Arabie Saoudite ».
D
LES FABLES DE LACROIX COMMENTEES PAR L’ŒUVRE DE SHEIKH AL-ALBANI
4
Après avoir fui l’Albanie la famille d’al-Albani s’est installée dans cette maison à Damas
…et voici la maison dans laquelle Sheikh al-Albani a grandi pendant son enfance
La Riposte de Sheikh Naser al-Din al-Albani
Mohammed Ibn Nouh Nadjati, mieux connu sous le nom
de Mohammed Naser al-Din al-Albani fut
incontestablement un des savants musulmans les plus
aimés du XXe siècle. Lors de son enfance, il a dû fuir
l'Albanie à cause de la persécution religieuse du
dictateur sanguinaire Ahmed Zogolli9, de la même
façon dont de nombreux musulmans français émigrent
aujourd’hui vers des pays musulmans
pour échapper à la politique
antimusulmane de Sarkozy. La
famille de Sheikh al-Albani choisit la
Syrie comme nouveau pays d'accueil
et c’est là où Mohammed al-Albani,
encore très jeune, se lance dans les
études religieuses dans la
bibliothèque « al-Thahiriya » de
Damas. Il devint renommé pour son
zèle ardent dans la recherche du
Hadith à tel point que l'administration
de la bibliothèque mit une pièce à
disposition du Sheikh et lui donna une
clé de la bibliothèque où il passait la
plus grande partie de son temps10
. Al-
Albani, qui devint un savant
mondialement reconnu dans la
science du Hadith, fut plus tard invité
en Arabie Saoudite pour enseigner à
la prestigieuse Université Islamique
de Médine. Il finit en Jordanie où il
décède au milieu de ses livres en
s’adonnant à l’occupation qu’il
appréciait le plus : la recherche de hadiths. Lorsqu’al-
Albani décède, les musulmans au monde entier avaient
perdu un de leurs savants les plus éminents et le plus
grand Muhaddith de leur époque.
Tout au long de sa vie, Sheikh al-Albani fut harcelé par
de nombreux islamophobes, polythéistes et partisans
sectaires pour avoir appelé à la tradition prophétique et
avoir exposé les enseignements erronés des sectes
égarées. Dans ses livres, al-Albani consacra beaucoup de
temps à se défendre contre les nombreuses fausses
allégations à son égard. Cela, comme il l’avait
mentionné à plusieurs reprises, lui prenait beaucoup de
son temps :
9 Dictateur albanais laïc, connu pour avoir assassiné ses rivaux
politiques et avoir mené une politique de collaboration étroite avec
l’Italie fasciste. Sa dictature royale fut caractérisée par une
combinaison de despotisme et réformes occidentales dans lesquelles
il prit des mesures oppressives en adoptant des lois civiques et
commerciales ainsi que des codes pénales occidentaux. Les
musulmans furent les plus grandes victimes de ce tyran impitoyable. 10 Voir la biographie officielle de Sheikh al-Albani :
www.alalbany.net/albany_serah.php
« Cela fait maintenant plus d'un demi-siècle que nous
constatons comment la diffamation prend, chaque
année, une nouvelle forme. En effet, chaque année il y a
quelque chose qui se répète, chaque année on invente
une nouvelle chose contre moi alors que personne parmi
ces gens-là n’est venu me voir directement… » 11
Malheureusement, la calomnie lancée contre Naser al-
Din al-Albani n’a pas cessé après son décès. Il y a
quelques années, une tentative fut
entreprise pour lier le Sheikh
indirectement à l'attentat sanglant de
1979 perpétré sur la mosquée de la
Mecque par Mohammed al-Qahtani12
.
D'autres, encore, ont dépeint ce grand
homme de science comme un simple
d’esprit qui rejette le raisonnement
humain. Et en France, le savant
albanais fut gravement diffamé dans
un article de Stéphane Lacroix intitulé
« l'Approche Révolutionnaire d’al-
Albani du Hadith13
».
L'œuvre de Sheikh al-Albani contient
suffisamment de matière à démanteler
les accusations calomnieuses du
professeur Lacroix. Par conséquent,
cette réponse sera majoritairement
restreinte aux paroles du Sheikh qui,
même après sa mort, s’avèrent
toujours très utiles pour répondre aux
articles islamophobes écrits par les
partisans fanatiques et xénophobes de
la laïcité française.
11 Muhammad Nasir al-Din al-Albani, « As-Salafiya wal Madhahib »
[La Salafiya et les Madhabs], p.103 12 Voir la ‘1e Partie’ de la série « Thomas Hegghammer under the
Sledgehammer » (à venir incha Allah). 13 Stéphane Lacroix « Al-Albani’s Revolutionary Approach to Hadith
», ISIM Review 21, p.6-7.
LES FABLES DE LACROIX COMMENTEES PAR L’ŒUVRE DE SHEIKH AL-ALBANI
5
L’entrée de la bibliothèque « al-Thahiriya » à Damas où le Sheikh fit ses recherches
La pièce de la bibliothèque mise à disposition à Al-Albani. Le Sheikh y passait parfois plus de quinze heures par jour.
Les Origines de la Salafiya… ?
Comme la plupart des islamophobes institutionnalisés, le
professeur Lacroix étiquette l’Islam orthodoxe comme
du « Wahhabisme » et le présente comme une secte
islamique qui se base sur les enseignements de Sheikh
Mohammed Ibn Abdel-Wahhâb al-
Najdi. Dans son article, il décrit le
« Wahhabisme » comme étant :
« … le discours produit et soutenu par
l'établissement officiel et religieux de
l’Arabie Saoudite »
Avant tout, Stéphane Lacroix
considère le « Wahhabisme » comme
un discours produit par l'établissement
officiel et religieux de l’Arabie
Saoudite. Ensuite, il fait une différence
avec le « Salafisme » en mentionne :
« Contrairement au Wahhabisme, le
Salafisme se réfère à toutes les
hybridations qui ont eu lieu depuis les
années 1960 entre les enseignements
de Mohammed Ibn 'Abdel-Wahhâb et
d'autres écoles juridiques islamiques. »
Donc, si nous avons bien compris, le
« Wahhabisme » est une école juridique et le
« Salafisme » a vu le jour dans les années 196014
… Tout
cela est, certes, très intéressant et évoque le témoignage
bouleversant de Dounia Bouzar15
invitée à parler devant
la mission d'information parlementaire en 200916
établi
dans le but de priver les femmes musulmanes de leur
droit de s’habiller selon leurs convictions religieuses.
Dans sa déclaration ahurissante, Bouzar a allégé que le
14 Cette déclaration de Stéphane Lacroix comme quoi le
« Salafisme » se réfère aux hybridations des années 1960 contredit
ses propos dans l’interview avec le Figaro où il allège que le
« Salafisme » est né au XVIIIe siècle (voir « Les Salafistes en France
restent dans leur bulle » Le Figaro, 12/10/2012). Ce n’est qu’une des
nombreuses contradictions qui confirme bien l’incompétence du
professeur Lacroix qui sombre dans la plus grande confusion. 15 Dounia Bouzar est une ancienne éducatrice à la Protection
Judiciaire de la Jeunesse qui est devenue « islamologue » grâce à son
expérience acquise avec de jeunes délinquants issus des banlieues (c.-
à-d. voyous, voleurs, dealers, braqueurs de banque, etc.). 16 En juin 2009, l'Assemblée nationale a nommé une Commission de
32 députés pour mener une mission d'information sur la pratique du
port du voile intégral sur le territoire national. La commission s’est
terminée en tribunal d'inquisition moderne où une meute de
xénophobes a diabolisé les porteuses de niqab avec un acharnement
pathétique afin de justifier une loi ôtant la liberté aux musulmanes de
France de se vêtir selon les préceptes de leur religion. Éric Raoult, le
rapporteur de la mission sur le port du voile intégral fut placé en
garde à vue en octobre 2012 pour violences conjugales après que sa
femme dépose plusieurs plaintes à son encontre. Lors de la
commission, il a toujours prétendu vouloir défendre les « femmes
opprimées sous leur niqab »…natürlich mein Führer!
niqab
fut une innovation imposée aux femmes par
certains savants saoudiens au début du XXe siècle.
L’islamophobie et l'histoire culturelle de l'Islam ne vont
clairement pas de pair, ce qui explique d’ailleurs
pourquoi les islamophobes sont incapables de situer la
Salafiya dans un contexte historique.
Dans plusieurs articles, le professeur
Lacroix emploi le terme
« jurisprudence Wahhabite ». Le fait
qu’un spécialiste de l’Islam improvise
un discours invoquant un madhab
inexistant qui n'a jamais été mentionné
dans un livre de jurisprudence
islamique met en péril sa réputation de
chercheur islamologue. Il est clair que,
dû à leur manque d'études adaptées et
de recherches approfondies, beaucoup
« d’experts du Moyen-Orient et de
l’Islam » rendent confus leurs lecteurs
quand ils s’efforcent de décrire la
Salafiya. C’est pourquoi nous allons
laisser derrière nous Stéphane et
Dounia aux pays des merveilles laïques
et voir ce que les vraies spécialistes des
sciences musulmanes ont à dire sur le
sujet. Dans ses écrits, Sheikh al-Albani
a clarifié à plusieurs reprises
qu’historiquement, les origines de la
Salafiya remontent à fort longtemps :
« De nombreux savants, au passé et au présent, ont
adopté la dénomination de 'L’appel à la Salafiya’.
Certains l’ont décrit par l’appel de ceux qui préconisent
la Sounna Prophétique, d'autres l’ont nommé l’appel
d'Ahl al-Hadith. Ce sont toutes des dénominations qui
indiquent une même signification. Beaucoup de gens
dans la communauté musulmane, au passé comme au
présent, ont souvent été insouciants de cela ; ou peut-
être ils en étaient conscients, mais ne l'ont jamais
appliquée de façon appropriée »17
En effet, l'affiliation à la Salafiya est très ancienne ; c’est
une chose qui est bien connue et peut aussi bien être
retrouvé dans les œuvres des anciens savants que dans la
littérature musulmane contemporaine. Mais si la Salafiya
ne se réfère pas aux hybrides imaginaires du professeur
Lacroix qui ont eu lieu dans les années 1960, alors de
quoi s’agit-il ? Sheikh al-Albani nous l'explique d’une
manière simple et claire :
17 Muhammad Nasir al-Din al-Albani, « Ousoul al-Da’wa al-
Salafiya » [Principes de la Da’wa al-Salafiya], p. 13
LES FABLES DE LACROIX COMMENTEES PAR L’ŒUVRE DE SHEIKH AL-ALBANI
6
L’école primaire dans laquelle étudiait al-Albani avant que son père lui apprenne le Coran et lui enseigne le madhab Hanafite
L’entrée de la même école à Damas, qui, à la base, fut une maison d’orphelins.
« La Salafiya est l’Islam selon sa compréhension
correcte ; elle invite les gens à se cramponner à leur
croyance islamique originale et n’exclus pas injustement
un type de personnes. Dans son appel au Coran et à la
tradition prophétique, elle ne fait aucune distinction
entre la personne cultivée et l'illettrée, entre la personne
éduquée et celle qui n’a pas eu d’éducation. » 18
Ainsi, la Salafiya n'est rien de nouveau.
Al-Albani explique la fausse
conception qui est présente chez ceux
qui considèrent que la Salafiya prend
ses racines dans l’œuvre de Sheikh
Mohammed Ibn Abdel-Wahhâb ou
d’Ibn Taymiya :
« Certains prétendront que l’appel à la
Salafiya est quelque chose de nouveau,
qu’il s’agit d’un développement ou que
la première personne s’être affilié à
elle fut Sheikh al-Islam Ibn Taymiya et
après lui, à l’époque contemporaine,
Ibn Abdel-Wahhâb. Or, cette
conception est entièrement fausse.
Plutôt, il s’agit d’un mensonge puisque
l'appel à la Salafiya est l'appel correct
et original de l'Islam en soi... » 19
La Salafiya vs le Sectarisme
La Salafiya diffère des sectes islamiques dans le fait
qu'elle se réfère à la compréhension des compagnons du
Prophète et des grands savants aux trois premières
générations après la révélation20
:
« L'appel à la Salafiya est basé sur la connaissance du
Coran et la Sounna suivant la compréhension des pieux
prédécesseurs des (premières) trois générations et de
qui le Prophète a attesté la droiture dans le hadith
connu : 'Les meilleurs des gens sont ceux de ma
génération, puis ceux de la génération d’après, puis
ceux de la génération d’après.' Les quatre Imams21
et
les autres savants qui ont vécu pendant — ou un peu
après — leur temps appartiennent tous aux grands
savants des pieux prédécesseurs. Et ce sont eux que nous
suivons dans notre appel à Islam. » 22
18 Muhammad Nasir al-Din al-Albani, « Shubah Hawl al-Salafiya »
[Ambiguïtés concernant la Salafiya] p.130 19 Mohammed Nasir al-Din al-Albani, « Durus Lil Sheikh Nasir al-
Din al-Albani » (Shabakat al-Islâmiya) 20 Plusieurs sectes revendiquent également leur appartenance à la
Salafiya. Or, leurs actes et idéologues invalident leur allégation. 21 C.-à-d. les Imams Abu Hanifa, al-Shafi’i, Malek et Ahmed. 22 Mohammed Nasir al-Din al-Albani, « Shubah Hawl al-Salafiya »
[Ambiguïtés concernant la Salafiya] p.113
Ainsi, la Salafiya peut simplement être définie comme
l’orthodoxie ou comme l’Islam dans sa forme originale
puisqu’elle est basée sur la compréhension des gens qui
étaient les plus rapprochés de la période de la révélation.
Une fois les trois premières générations révolues, les
sectes islamiques n’ont cessé d’accroitre tout en
développant leur propre compréhension du Coran et de
la Sounna Prophétique. Mais, comme
l’explique Sheikh al-Albani, toutes les
sectes islamiques revendiqueront
toujours leur adhésion aux deux
sources de la révélation musulmane :
« La caractéristique de ce groupe de
gens (c.-à-d. Ahl al-Sounna) ne se
limite pas à leur affiliation à
l'application du Coran et de la Sounna
car aucune de ces sectes, que ce soit au
passé ou au présent, ne peut nier
s’affilier au Coran et à la Sounna de
manière générale. Par conséquent, je
dis que les groupes islamiques et les
sectes qui ont été mentionnés par le
Prophète et auxquels il faisait
référence dans le hadith (des 73
sectes), sont unanimes pour
revendiquer leur affiliation au Coran et
à la Sounna. »23
Il semble, en effet, n’y avoir aucune
différence entre les sectes quant à leur
appartenance au Coran et à la Sounna. Cependant, ils
diffèrent fondamentalement dans leur compréhension :
« La société dans laquelle nous vivons aujourd'hui
comprend de nombreux groupes qui prétendent tous
s’adhérer à la religion de l'Islam et qui ont tous la
conviction que l'Islam est basé sur le Coran et la
Sounna. Cependant, la grande majorité d'eux
n’approuvent pas le suivi de la voie des compagnons et
ceux qui les ont suivis avec droiture… »24
Les sectes musulmanes se distinguent par le suivi étroit
de leur fondateur dans la compréhension de l'Islam ; les
Salafis, en revanche, basent leur compréhension non
seulement sur les sources islamiques les plus
authentiques, mais ils étudient également l’œuvre des
grands savants des trois premières générations pour ainsi
atteindre la compréhension adéquate et originale de leur
religion. Ils ne suivent pas aveuglément ces savants en
question, mais se servent de leurs ouvrages pour arriver
à une compréhension correcte de l'Islam25
:
23 Mohammed Nasir al-Din al-Albani, « Ousoul al-Da’wa al-
Salafiya » [Principes de la Da’wa al-Salafiya], p.18 24 Ibid, p.35 25 Un des reproches que répète souvent le professeur Lacroix est que
les « Salafistes » ont une lecture littéraire puisqu’ils appliquent « à la
LES FABLES DE LACROIX COMMENTEES PAR L’ŒUVRE DE SHEIKH AL-ALBANI
7
L’horlogerie du père d’al-Albani dans lequel le Sheikh a appris le métier d’horloger, à l’entrée se trouve son plus jeune frère.
Plus tard al-Albani devient indépendant et ouvre sa propre horlogerie à Damas. Il devient un des meilleurs horlogers de la ville.
« Nous voyons les grands savants comme un moyen et
nous les considérons comme des intermédiaires qui
transmettent la science d'Allah et de Son Prophète .
Nous ne les suivons pas pour 'qui' ils sont (mais pour ce
qu’ils transmettent). De plus, nous ne considérons pas
leur suivi comme un de nos objectifs (en soi) puisque
notre intention unique est de comprendre la voie que
suivait le Prophète . Cela veut dire que l'objectif est de
savoir ce qui lui a été révélé dans le Coran ou ce qu'il a
clarifié dans sa Sounna. »26
Selon al-Albani, toutes ces différentes
façons de comprendre les deux
sources divines ont divisé la
communauté musulmane comme elle
l'est aujourd'hui :
« Par conséquent, je dis que la
défaillance par laquelle est atteinte la
communauté dans le fait de revenir à
la compréhension, les idées et les
opinions de nos pieux prédécesseurs
constitue le facteur principal dans la
division des musulmans en plusieurs
'madhabs' et diverses sectes. »27
À maintes reprises, al-Albani déclara
que la raison pour laquelle la
communauté musulmane doit revenir
à la compréhension des trois
premières générations est parce qu'il
s’agit des générations qui ont transmis
l’Islam au reste du monde dans sa
forme correcte et originale28
. Le
Sheikh comprenait bien que, pour
éviter les divisions et les frictions
dans la Oumma, il est essentiel
d’obtenir une façon unie de comprendre l’Islam.
Il est important de souligner que cette façon de
comprendre l’Islam a toujours existé et peut être
retrouvée dans l’œuvre des savants qui se sont distingués
lors des quatorze siècles passés. Revenir à la
compréhension des premières trois générations n’est, en
effet, rien de nouveau et Sheikh al-Albani faisait souvent
référence à la parole de l'Imam Mâlik dans laquelle il
lettre » ce qu’ils trouvent dans les textes religieux. Cette thèse sert
ensuite de prétexte pour justifier des appellations comme
« fondamentalistes » ou « intégristes ». Imaginez-vous que nous
traiterions de « fondamentalistes intégristes » tous les citoyens de
France qui appliquent « à la lettre » toutes les lois de leur démocratie
tout en prétextant qu’ils ont lecture littéraire. Tout bon citoyen
français deviendrait ainsi un intégriste fondamentaliste. 26 Mohammed Nasir al-Din al-Albani, « Shubah Hawl Al-Salafiya »
[Ambiguïtés concernant la Salafiya] p.120 27 Mohammed Nasir al-Din al-Albani, « Ousoul al-Da’wa al-
Salafiya » [Principes de la Da’wa al-Salafiya], p.35 28 Ibid, p.46
dit : « Ce qui ne faisait pas partie de la religion à la
première époque, ne fera pas partie de la religion
aujourd'hui. Certes, les générations futures de notre
communauté seront uniquement rectifiées par ce qui a
rectifié les premières générations »29
. Al-Albani voyait
que c’était le seul moyen pour que la communauté
musulmane sorte de sa situation misérable.
Mais si Salafiya est aussi ancienne que la religion
musulmane elle-même et représente, certes, la forme
originale de l’Islam, pourquoi alors les musulmans de
nos jours semblent-ils si peu familiers
avec la Salafiya? Sheikh al-Albani
explique que c’est principalement dû
au fait que beaucoup de musulmans
suivent aveuglément une école
juridique:
« La raison de ceci est que notre
communauté a subi de nombreux
siècles dans lesquels une forme
solidifiée du suivi aveugle des
‘madhabs’ s’est ancrée dans les
cœurs des gens qui s’affilient à Ahl al-
Sounna. »30
Sheikh al-Albani s’est souvent
indigné de cette ignorance largement
répandue chez les musulmans qui est
apparue après leur négligence de la
religion et de son apprentissage. Il a
mentionné que beaucoup sont tombés
dans une ignorance profonde à tel
point qu'ils n’éprouvent plus
d’émotion en lisant le Coran ou en
étudiant les textes authentiques de la
Sounna Prophétique31
.
En effet, l'ignorance a toujours eu des conséquences
néfastes et des répercussions historiques pour la
communauté musulmane et a même facilité la
colonisation occidentale du monde musulman. Sheikh
al-Albani expliquait souvent qu’il n'était pas admissible
que les musulmans soient satisfaits de leur situation
actuelle dans laquelle ils sombrent dans l’ignorance et
n’apprennent plus les croyances indispensables de leur
religion. En suivant les enseignements du Coran et de la
Sounna, al-Albani maintenait le principe selon lequel
l'ignorance actuelle des musulmans est la cause de leur
humiliation incessante32
.
29 Mohammed Nasir al-Din al-Albani, « Al-Fatawa al-Manhajiya Lil-
Albani » [Les Fatwas d’Al-Abani liées au Manhaj] p.85 30 Mohammed Nasir al-Din al-Albani, « Ousoul al-Da’wa al-
Salafiya » [Principes de la Da’wa al-Salafiya], p. 14 31 Mohammed Nasir al-Din al-Albani, « As-Salafiya wal Madhahib »
[La Salafiya et les Madhabs], p.101 32 Ibid, p.106
LES FABLES DE LACROIX COMMENTEES PAR L’ŒUVRE DE SHEIKH AL-ALBANI
8
Manuscrit de « al-Thamar al-Mustatâb fi Fiqh al-Sounna wal Kitab», premier livre duquel Sheikh al-Albani a évalué les hadiths.
Briser le mythe « Wahhabite »
L’article de Stéphane Lacroix sur Sheikh al-Albani
aurait pu être crédible si le professeur avait fait l’effort
de lire au moins quelques chapitres dans les livres du
Sheikh. Il n’aurait probablement pas décrit si
maladroitement la Salafiya, ni aurait-il attribué sa propre
vision du « Wahhabisme » à Sheikh al-Albani, car pour
Lacroix, le « Wahhabisme » est une secte islamique
fondée par Mohammed Ibn Abdel-Wahhâb et ses
héritiers :
« Le Wahhabisme fait initialement
référence à la tradition religieuse
développée à travers les siècles par les
ulémas de l'établissement officiel
religieux saoudien et a été fondée par
les héritiers de Mohammed Ibn Abdel-
Wahhâb. »
Si le « Wahhabisme » est une tradition
religieuse qui s’est développée à
travers les siècles suivants le décès de
Sheikh Ibn Abdel-Wahhâb, alors il
serait très intéressant de savoir en quoi
le « Wahhabisme » diffère des
enseignements originaux de l'Islam
transmis par le Prophète et dans
quels aspects il contredit le Coran et la Sounna. Les
islamophobes ont toujours refusé d’aborder ce sujet et se
contentent d’étiqueter l’Islam orthodoxe comme du
« Wahhabisme »33
. Cela leur permet de dénigrer de
manière indirecte la foi musulmane sans pour autant
devoir mentionner le terme ‘Islam’34
. Il n'est pas
surprenant de voir que l’appellation « Wahhabite »
trouve ses origines dans la poésie injurieuse de la secte
des Déobandis au Pakistan et en Inde au début du XXe
siècle35
. Sheikh al-Albani est remonté encore plus loin
dans l’histoire et a mentionné que le terme
33 D’autres experts autoproclamés, comme le sociologue-mufti Samir
Amghar, présentent toute pratique orthodoxe de l’Islam comme une
radicalisation. Comme la laïcité française néglige et éradiqué le statut
de toute référence musulmane compétant dû à son savoir islamique,
les médias font recours à des sociologues totalement ignorants des
préceptes musulmans. Ce sont souvent ce genre d’Arabes ou
Berbères qui servent de faux alibi aux médias tendancieux qui les
exploitent pour transmettre leur protocole qui stipule que le
musulman peut uniquement être un ‘bon citoyen’ s’il s’habille, se
comporte et pense entièrement comme le Français de souche. 34 Lacroix diffame ainsi la religion musulmane en employant le terme
« Wahhabisme ». En janvier 2005, il a présenté une communication à
un colloque organisé par le CERI intitulé « La critique du
Wahhabisme… », ce qui passe mieux que « la critique de l’Islam » 35 L'animosité de la secte des Deobandis envers Sheikh Ibn Abdel-
Wahhâb réside dans le fait que le Sheikh prônait un Islam orthodoxe
qui interdit l'adoration des tombes, des saints, etc. Voir al-Shams al-
Salafi al-Afghani « Al-Maaturidya wa Mawqifuhum min Al-Asmaa
wa Al-Sifaat » Vol.3, p.312, 313
« Wahhabite » fut déjà employé par les Ottomans en tant
qu’outil de propagande :
« L'emploi du terme (Wahhabite) faisait partie de la
politique menée par l'Empire Ottoman lorsqu'un homme
de science et de réforme nommé Mohammed Ibn Abdel-
Wahhâb commença à appeler les gens (à l’Islam) dans
certaines parties de la région du Najd. »36
Le nom « Wahhabisme » fut dès lors repris dans les
ouvrages tendancieux d'islamophobes
et d’orientalistes et cela, jusqu’à notre
époque. En effet, il s’agit aujourd’hui
d’une appellation très populaire
exploitée dans la virulente campagne
de propagande antimusulmane.
Certains « islamologues » utilisent le
terme pour décrire les Takfiris (c.-à-d.
ceux qui déclarent d’autres musulmans
mécréant sans respecter les
prescriptions de l'Islam), d'autres
emploient le terme de façon très
générale pour cataloguer les hommes
barbus et les femmes qui portent le
niqab, et puis il y a encore ceux qui
considèrent que le « Wahhabisme » est
un système politique. De cette façon,
chaque spécialiste possède sa façon
personnelle de représenter et de comprendre ce qu'il
appelle le « Wahhabisme ». Dans son article, Stéphane
Lacroix commence par décrire al-Albani comme un
« Wahhabite » et mentionne :
« Il est connu de tout le monde que Sheikh Nasir al-Din
al-Albani fut un partisan loyal du Wahhabisme. »
Plutôt, il est connu de tout le monde que cette
déclaration est simplement absurde. Sheikh al-Albani,
ainsi que tous les autres savants sunnites n'emploient pas
le terme « Wahhabite » et le considèrent comme une
injure. Dans son explication du livre « al-Tahawiya »
Sheikh al-Albani mentionne :
« Et parmi les preuves principales qui prouvent que le
Sheikh (al-Tahawi) fut bien Salafi, est que ses ennemis le
décrivent comme étant un ‘Wahhabite’. Ce terme est une
accusation préfabriquée portée contre tous ceux qui
suivent le chemin des prédécesseurs, qui appellent à la
tradition prophétique et rejettent le suivi aveugle.»37
36 Mohammed Nasir al-Din al-Albani, « Fatawa al-Sheikh al-Albani
wa Muqaranatuha bi Fatawa al-Uléma » [Les Fatwas de Sheikh al-
Albani comparées à celles d’autres savants], p. 12 37 Mohammed Nasir al-Din al-Albani, « Sharh Aqida al-Tahawiya »
[Explication de ‘Aqida al-Tahawiya], p.53
LES FABLES DE LACROIX COMMENTEES PAR L’ŒUVRE DE SHEIKH AL-ALBANI
9
Cour intérieure de la librairie « al-Thahiriya » où Sheikh al-Albani acceuilla al-Ghimari
A l’intérieur de la bibliothèque, al-Albani informait al-Ghimari du contenu des livres
Dans sa « Silsila al-Ahadith al-Da'ifa », Sheikh al-
Albani mentionne un extrait d'une lettre qui remonte à
1959 dans laquelle un de ses adversaires le décrit de la
manière suivante :
« Ensuite, Nasir al-Din al-Albani est arrivé à Damas où
il apprit l’arabe et étudia la science du Hadith dans
laquelle il a acquis la maîtrise. Il a
bénéficié largement d'une bibliothèque
qui contient de précieux manuscrits de
hadiths. L'année dernière, lorsque j'ai
rendu visite à cette bibliothèque,
c’était lui qui m’apportait les livres
que je cherchais et c’est lui qui
m’informait de leur contenu. Et Sheikh
al-Albani est un homme malicieux et
un pur ‘Wahhabite Taymite’. Si ce
n'était pas pour son vicieux madhab et
son obstination, il aurait été une des
personnes uniques à son époque dans
la science du Hadith, malgré qu'il gère
toujours une horlogerie... » 38
Sheikh al-Albani et les autres savants
de l'Islam orthodoxe sont souvent
dépeints comme « Wahhabites » par
leurs opposants. De même, dans son
livre « Tahdhir al-Sajid min Ittighadh
al-Qubur Masajid », al-Albani tire
l’attention sur les orientalistes
contemporains qui offensent les gens
de la Sounna avec l’appellation « Wahhabite »39
.
L’Imposture d'un Professeur Charlatan
Un peu plus loin, le professeur Lacroix attribue les
propos suivants à Sheikh al-Albani :
« Mais plus important que ça, al-Albani affirmait être
plus fidèle à l'esprit du Wahhabisme que Ibn 'Abdel-
Wahhâb lui-même. Cette parole a rendu les idées d’al-
Albani très populaires chez la jeunesse Salafie. »
Premièrement, la « jeunesse Salafie » rejette totalement
le terme « Wahhabite ». Par conséquent, cette
déclaration du professeur ne peut être vraie.
Deuxièmement, Sheikh al-Albani n'a jamais prononcé
ces mots et celui qui est familier aux écrits du Sheikh
sait pertinemment qu’il est impossible que cette parole
puisse être sortie de la bouche du Sheikh. La question se
38 Mohammed Nasir al-Din al-Albani, « Silsila al-Ahadith al-Da’ifa
Wal Madou’a Wa Atharouha Al-Sayyi’ Fil Umma » [Collection des
hadiths faibles et inventés et leur effet néfaste sur la communauté
musulmane] 4/6 39 Mohammed Nasir al-Din al-Albani, « Tahdhir al-Sajid Min
Ittighadh al-Qubur Masajid » [Prémunir ceux qui se prosternent
contre le fait de transformer les tombes en mosquées], p. 102
pose : d’où le professeur Lacroix obtient-il ses
informations. Vu que dans son article, il ne cite pas une
seule référence des paroles attribuées à Sheikh al-Albani,
j'ai personnellement contacté Stéphane Lacroix pour lui
demander une référence de cette citation en question40
.
Bien que j’aie réitéré ma demande à maintes reprises, le
professeur Lacroix a obstinément refusé de me fournir la
moindre source. J'ai poursuivi ma
recherche dans l’œuvre d'al-Albani et
je suis tombé sur une parole dans
laquelle le Sheikh explique avoir subi
des insultes grossières lancées par
Ahmed al-Ghimari41
. Sheikh al-Albani
conclut cette partie dans son livre en
mentionnant les propos dénigrants
d'al-Ghimari que voici :
« Celui qui considère Sheikh al-Albani
comme Wahhabite a eu tort, car il est
plus partial à l'esprit du Wahhabisme
qu’Ibn Abdel-Wahhâb lui-même et il
est plus têtu que lui... »42
Dans ce passage, Sheikh al-Albani
explique qu'un de ses plus grands
adversaires l'accuse d'être plus partial
à l'esprit du « Wahhabisme » qu’Ibn
Abdel-Wahhâb lui-même. Le
professeur Lacroix a
intentionnellement déformé cette
déclaration et l'a présentée comme
étant une affirmation d’al-Albani lui-même. Notre
« chercheur » français a tout simplement pris une insulte
d'al-Ghimari pour l’attribuer à Sheikh al-Albani dans le
but de convaincre le lecteur qu’al-Albani se considérait
comme « Wahhabite ». Le professeur n'a jamais donné
suite à ma requête d’une référence de la citation de
Sheikh al-Albani parce qu'il a sciemment inventé un
mensonge qu'il a alors exploité pleinement pour faire
croire aux lecteurs que Sheikh al-Albani fut populaire
chez la « jeunesse Salafie » et cela, en prétendant qu’il
se disait plus fidèle à l'esprit du « Wahhabisme » qu’Ibn
Abdel-Wahhâb lui-même. En France, si vous volez
l’ouvrage d'un auteur vous avez commis du plagiat, si
vous volez de plusieurs auteurs, vous avez effectué des
recherches et si vous inventez des propos que l'auteur
n’a jamais dits, ça devient de la « spécialisation ».
40 Le professeur Lacroix fut contacté par mail à l’adresse mail
stephane.lacroix@sciences-po.org 41 Sheikh marocain qui, d'après al-Albani, penchait vers l’idéologie
Shi’ite (Mohammed Nasir al-Din al-Albani, « Silsila al-Ahadith al-
Da'ifa... », Vol.6, p.212) 42 Ibid, Vol.3, p. 15
LES FABLES DE LACROIX COMMENTEES PAR L’ŒUVRE DE SHEIKH AL-ALBANI
10
La région du Najd où a débuté la da’wa de Sheikh Mohammed Ibn Abdel-Wahhâb.
Mais pourquoi le professeur Lacroix forge-t-il un
mensonge aussi flagrant ? Tout simplement parce qu'il
est obsédé par l’appellation « Wahhabite » et sans
représenter al-Albani comme quelqu’un qui se
revendiquait comme « Wahhabite », une partie
principale de son article perd toute signification et ses
conjectures fantaisistes s'écroulent comme un château de
cartes.
On peut se demander quelle aurait été la réaction de
Sheikh al-Albani à ce professeur « spécialiste de
l’Islam » qui l’a taxé de partisan loyal du
« Wahhabisme » tout en attribuant des insultes
grossières lancées par ses adversaires au Sheikh lui-
même. Il est important de comprendre que les savants de
l'Arabie Saoudite joignent leurs voix à la désapprobation
d’al-Albani face au terme « Wahhabisme ». Pour citer un
exemple, l’ancien Mufti du
Royaume d’Arabie, Sheikh Adbel-
Aziz Ibn Baz, a dit que le terme
« Wahhabite » est uniquement
employé par les adversaires
tendancieux et ignorants de
l'Islam43
. Sheikh Saleh al-Fawzan,
un autre savant majeur du pays, a
déclaré que le « Wahhabisme »
n'existe pas dû au fait que Sheikh
Mohammed Ibn Abdel-Wahhâb
n'est pas venu avec un dogme ou
une méthodologie propre à lui
pour attribuer cette da’wa à son
nom. En conséquence, le « Wahhabisme » n’est pas plus
qu’une dénomination inventée pour aliéner le public des
écrits de Mohammed Ibn Abdel-Wahhâb et pour le
représenter comme quelqu'un qui a son propre madhab
et qui contredit les imams du passé44
.
Le « Wahhabisme » est aujourd'hui devenu un mythe
populaire dans les cercles islamophobes. Une des raisons
les plus apparentes pour laquelle les islamologues
fabulent en inventant ces nouveaux termes non reconnus
auprès des savants musulmans est simplement parce
qu'ils ne sont pas capables de mener des recherches
comparatives entre les idéologies de sectes musulmanes
d’une part et les œuvres historiques de savants
musulmans contemporains et modernes, de l'autre45
.
L’histoire a démontré que Mohammed Ibn Abdel-
Wahhâb n'est pas venu avec une nouvelle tradition
religieuse comme certains semblent croire. Pour
43 Abdel-Aziz Ibn Baz, « Fatawa al-Sheikh Ibn Baz » [Recueil de
Fatwas de Sheikh Ibn Baz], 3/1306 44 Voir le site officiel de Sheikh al-Fawzan sur ce lien 45 Ainsi, Stéphane Lacroix a rédigé un article dans une revue
« académique » qu’il a intitulé « Les courants islamiques après le 11
septembre ». Le professeur ne comprend pas qu’il n’y a pas eu de
nouvelles sectes ou « courants islamiques » après le 11 septembre dû
au fait qu’il n’a aucune notion des développements des sectes
musulmanes à travers l’histoire.
comprendre la réalité de l'appel (da’wa) de Mohammed
Ibn Abdel-Wahhâb, nous devons d’abord retracer
l’histoire de la péninsule Arabique à son époque...
L'appel de Mohammed Ibn Abdel-Wahhâb al-Najdi
Avant la da’wa de Sheikh Mohammed Ibn Abdel-
Wahhâb, la région du Najd se trouvait dans une situation
où la majorité des gens furent ignorants des
enseignements fondamentaux de l'Islam.
L’analphabétisme largement répandu, ce fut l’époque où
l’Arabie se trouva dans « l’Âge Obscur » où les
croyances de bases musulmanes ne furent plus
enseignées. Les gens adoraient tombes, statues et arbres
et prenaient les morts comme intermédiaires pour
invoquer leur Seigneur. D’un point de vue global, leur
situation fut, à plus d’un égard, très semblable à la
période préislamique du
paganisme…46
Il semble que les islamologues
refusent de commenter cette
époque et s’ils le font, ils la
décrivent comme une période
riche et culturellement diversifiée.
Ceci, bien entendu, est une simple
façon d’ignorer les exploits
fabuleux qu’avait réalisés Sheikh
Mohammed Ibn Abdel-Wahhâb
sur le plan religieux, pédagogique,
structurel et politique.
Cependant, c'est dans ce contexte historique qu'Ibn
Abdel-Wahhâb a fait renaître la Sounna Prophétique,
qu’il a relancé les enseignements originaux de l'Islam et
qu’il a commencé à instruire la population. Le dogme
(aqida), la jurisprudence (fiqh), le Hadith, le Tafsir ainsi
que toutes les autres sciences religieuses s’enseignaient à
nouveau et bénéficiaient largement à la communauté47
.
Tout comme l’Imam Ahmed, Ibn Taymiya et d'autres,
Ibn Abdel-Wahhâb fut un des rénovateurs de l'Islam
orthodoxe et tentait de ramener sa communauté vers la
pratique et la compréhension correcte de l'Islam. Sheikh
Al-Albani mentionne :
« Ensuite, ce fut Sheikh al-Islam Mohammed Ibn Abdel-
Wahhâb qui a fait renaître cet appel dans le Najd à une
époque où la région se trouvait dans un état
d’abomination ténébreuse et où le paganisme fut
prédominant dans tout le pays. Les gens de la région
sont redevenus instruits grâce aux enseignements de
Sheikh Al-Islam (Ibn Taymiya) de qui il (c.-à-d.
46 Madiha Darwish, « Tarigh al-Dawla al-Sa’udiya » [L’Histoire de
l'Etat Saoudien] 47
Dr Abdel-Aziz Ibn Mohammed al-Hujaylan, « Al-Fiqh Wal-
Fuqaha Fil-Mamlaka al-Arabiya al-Sa’udiya...” [La Jurisprudence et
les savants de Fiqh au Royaume d’Arabie Saoudite], p.37
LES FABLES DE LACROIX COMMENTEES PAR L’ŒUVRE DE SHEIKH AL-ALBANI
11
Manuscrit de l’évaluation du recueil de hadiths « Sahih Abu Dawud » par Sheikh al-Albani.
Mohamad Ibn Abdel-Wahhâb) a bénéficié en lisant ses
livres... »48
En étudiant ces développements dans la région du Najd
dans un contexte historique, l'appel d'Ibn Abdel-Wahhâb
ne semble n’être rien de plus qu'une extension de la
longue succession de savants d'Ahl al-Sounna qui
commence par les compagnons du Prophète , les
savants majeurs des premières trois générations, les
quatre Imams, les Muhaddithin tout en poursuivant avec
Ibn Taymiya, ses étudiants et les autres grands savants
musulmans49
. Les enseignements de tous ces savants
sont basés sur la même fondation
idéologique au point que plusieurs
« spécialistes de l’Islam » en Occident
ont décrit des savants comme Ibn
Taymiya et al-Souyouti comme étant
des « Wahhabites », bien que Sheikh
Ibn Abdel-Wahhâb soit né plusieurs
siècles après eux50
. Si vraiment l'appel
à l’Islam de tous ces savants est
considéré comme du « Wahhabisme »,
alors le Prophète Mohammed et ses
compagnons peuvent aussi bien être
appelés « Wahhabites ».
Toutefois, le professeur Lacroix a une
autre façon de voir les choses. Dans
son article, il développe une thèse
conspirationniste et prétend que
Sheikh al-Albani a eu des ennuis avec les savants
saoudiens dû au fait qu'il aurait « remis en question leurs
fondations méthodologiques » :
« Cependant, l'opposition qu’a endurée al-Albani de la
part de l'établissement religieux Wahhabite ne fut pas
uniquement intellectuelle. En remettant en question les
fondations méthodologiques sur lesquelles le
Wahhabisme avait bâti sa légitimité, il avait également
défié leur position dans le champ religieux saoudien. »
Ici, nous voyons clairement comment les hallucinations
s’emparent du professeur Lacroix qui, dans sa nouvelle
déception, prétend que Sheikh al-Albani a défié la
position des savants saoudiens en remettant en question
leurs fondations. Mais pourquoi donc ? Craignaient-ils
que ce savant albanais devienne le futur Mufti de
l'Arabie Saoudite, le ministre des Affaires religieuses, ou
est-ce qu'ils le considéraient comme un héritier potentiel
du trône ? Quoi qu’il en soit, analysons de plus proche
48 Mohammed Nasir al-Din al-Albani, « Haqiqatou al-Da’wa al-
Salafiya » [La Réalité de la Da’wa al-Salafiya] p.156 49 Saleh Ibn Mohammed Âl al-Sheikh, « Al-Minhaj al-Fiqhi Li
A’imma al-Da’wa al-Salafiya Fil Najd » [La Méthodologie
Jurisprudentielle des Grands Savants Salafis du Najd], p. 93 50 Mohammed Nasir al-Din al-Albani, « Silsila al-Ahadith al-
Sahiha » [Recueil de Hadiths Authentiques], 8/1
les fondations méthodologiques dont parle notre
professeur.
Sheikh Mohammed Ibn Abdel-Wahhâb, les générations
successives des savants du Najd ainsi que tous les autres
savants saoudiens n'avaient pas de principes
indépendants. Or, ils suivaient tous les fondations
méthodologiques51
connues et maintenues par les
Compagnons, les quatre Imams et les savants d'Ahl al-
Sounna au passé52
. Ceux-ci s’avèrent être exactement les
mêmes principes sur lesquels se basait Sheikh al-Albani.
Des Fondations « Wahhabites » ?
Les exploits de Sheikh Ibn Abdel-
Wahhâb ne seront jamais appréciés —
voire compris — par ceux qui ne les
ont jamais étudiés, et encore moins
par ceux qui n’ont pas bénéficié d’un
enseignement de base de l'Islam à
travers les œuvres des savants
Musulmans orthodoxes qui permettra
de mettre en corrélation leur credo et
méthodologie indiscernable. Cette
incompréhension a fait que beaucoup
de chercheurs simples d’esprit
comprennent l’œuvre de Sheikh Ibn
Abdel-Wahhâb comme une nouvelle
religion qu’ils taxent alors de
« Wahhabisme ». Dû à leur mépris de
l’Islam et leur refus de mener la moindre étude
approfondie des textes de révélation, ils considèrent
l'appel d'Ibn Abdel-Wahhâb comme une tradition
religieuse qui ne se réfère pas aux œuvres principales de
l’Islam, mais qui se base plutôt sur des écrits apparus
bien après. C’est également ce que prétend Stéphane
Lacroix :
« Dès son début, le Wahhabisme s'est établi en tant que
tradition religieuse qui s’est basée sur quelques livres
clés, aussi bien dans le dogme (aqida) que la
jurisprudence (fiqh). »
Le professeur décrit l'héritage d'Ibn Abdel-Wahhâb
comme une nouvelle tradition religieuse et indépendante
basée sur ses œuvres personnelles et celles de ses
héritiers. Sheikh Ibn Abdel-Wahhâb était sans aucun
doute un réformateur qui a fait revivre les sciences
islamiques dans la péninsule Arabique, mais la plupart
des livres qui se trouvent à la base de l'appel des savants
saoudiens, depuis l’époque de Sheikh Mohammed Ibn
51 Ces fondations sont le Coran et la Sounna, le Consensus, les
Jugements des Compagnons et le Qiyaas juridique. Voir Saleh Ibn
Mohammed Âl al-Sheikh, « Al-Minhaj al-Fiqhi… », p.252-268 52 Saleh Ibn Mohammed Âl al-Sheikh, « Al-Minhaj al-Fiqhi Li
A’imma al-Da’wa al-Salafiya Fi Najd » [La Méthodologie
Jurisprudentielle des Grands Savants Salafis du Najd], p. 251-256
LES FABLES DE LACROIX COMMENTEES PAR L’ŒUVRE DE SHEIKH AL-ALBANI
12
Manuscrit de « Sahih al-Sira al-Nabawiya », la biographie du Prophète .
Abdel-Wahhâb jusqu'à ce jour, sont des œuvres qui
datent d’avant le temps d’Ibn Abdel-Wahhâb. Dans son
ensemble, les savants du Najd ont bénéficié des savants
d’Ahl al-Hadith53
comme peut facilement être déduit de
leurs écrits, fatwas et propos54
.
En somme, les livres qui sont enseignés dans le
Royaume appartiennent à de grands savants issus du
monde entier. Dans le dogme (aqida) ils ne dépendaient
pas uniquement des ouvrages d'Ibn Abdel-Wahhâb mais
aussi, et surtout, de ceux d’Ibn
Taymiya (Syrie XIIIe siècle) et son
étudiant Ibn Qayim (Syrie XIIIe
siècle) qui ont soutenu et transmis les
croyances originales de l’Islam. Dans
la grammaire arabe une de leurs
références principales est « al-
Ajurrumiya » rédigé par le savant
marocain Mohammed Ibn Ajurrum
(XIVe siècle) et dans la jurisprudence
ils dépendaient en grande partie des
écrits du Sheikh palestinien Abdel-
Ghani al-Maqdisi (XIIe siècle). Dans
la science du Hadith ils revenaient
aux livres du savant syrien al-Nawawi
(XIIIe siècle) et du Muhaddith
égyptien Ibn Hajar al-Asqalani (XVe
siècle) et dans la science de l'héritage
ils dépendaient surtout du livre « al-Rahabiya » du
savant irakien Mohammed al-Rahabi (XIIe siècle).55
Cela confirme la tendance observée à travers l’histoire :
les œuvres des savants du Najd ont toujours eu une
dimension internationale et n’ont jamais été restreintes,
comme le prétendent certains professeurs, à quelques
livres clés d'une tradition religieuse saoudienne.
Une Bande Tribale qui prend contrôle de la Péninsule
Arabique ?
Stéphane Lacroix persiste obstinément dans sa fausse
représentation de la da’wa de Sheikh Ibn Abdel-Wahhâb
et explique comment la conspiration des savants
saoudiens a débuté par une aristocratie :
53 Comme les Imams al-Shafi’i, Malek, Ahmed, al-Bukhari, Muslim,
Abu Dawud, al-Tirmidhi, al-Awza’i, al-Darimi, al-Dar al-Qutni, al-
Bayhaqi, Ibn Hazm, Ibn Hajr, Ibn Abdel-Bar, Ibn Taymiya, Ibn
Qayim ainsi que d’autres savants qui portaient une grande attention
au Hadith. 54 Saleh Ibn Mohammed Âl al-Sheikh, « Al-Minhaj al-Fiqhi Li
A’imma al-Da’wa al-Salafiya Fi Najd » [La Méthodologie
Jurisprudentielle des Grands Savants Salafis du Najd], p. 241-242 55 Dr Abdel-Aziz Ibn Mohammed al-Hujaylan, « Al-Fiqh Wal-
Fuqaha fil-Mamlaka al-Arabiya al-Sa’udiya... »[La Jurisprudence et
les savants de Fiqh au Royaume d’Arabie Saoudite], p.39, 44.
« Cette tradition (c.-à-d. le « Wahhabisme ») fut
monopolisée par une petite aristocratie religieuse du
Najd, qui s'est d’abord concentrée autour de Mohammed
Ibn ‘Abdel-Wahhâb et ses descendants (connus sous les
Âl al-Sheikh) avant de s'élargir à un petit nombre
d'autres familles... les membres de cette aristocratie
étaient devenus les seuls transmetteurs légitimes de la
tradition Wahhabite; dans ce contexte, les savants
indépendants furent exclus parce qu'ils n'avaient pas
reçu de ‘science adéquate’ de ‘savants qualifiés’. »
Plus loin, il insinue que « l'approche
révolutionnaire » d’al-Albani de la
science du Hadith contredisait les
normes saoudiennes puisque cette
approche menait au fait que :
« ... la science du hadith peut être
mesurée selon des critères objectifs
sans qu’ils soient liés à la famille, la
tribu ou à la descendance locale ce
qui a permis une certaine mesure de
méritocratie56
qui fut auparavant
absente. »
Stéphane Lacroix représente la
renaissance de l'Islam au Najd comme
une aristocratie religieuse instaurée
par une famille bourgeoise qui tente de monopoliser la
da’wa en favorisant des tribus locales. Par conséquent,
l'état saoudien est tout sauf une méritocratie dû à la prise
de pouvoir de la « mafia religieuse Wahhabite ». Certes,
tous les moyens sont justifiés pour diaboliser les savants
saoudiens.
Cependant, l'histoire conteste cette allégation du jeune
professeur, car les archives des savants du Najd révèlent
clairement que le seul critère de réussite chez les ulémas
a toujours été la connaissance des différentes sciences de
l’Islam. L’origine tribale ou les liens de famille n’ont
jamais fait d’une personne un savant religieux. Ici, nous
pourrions citer l’exemple du Roi Abdel-Aziz qui avait le
plus grand respect pour les gens de science et était connu
pour avantager les savants aux membres de sa propre
famille57
.
De même, le grand nombre de savants étrangers qui ont
atteint de hauts rangs dans l’établissement religieux
56 NDT La méritocratie est un système qui classe les gens selon leur
mérite. Ce que Lacroix entend par là est que les savants du Hadith en
Arabie, chez les « Wahhabites », n’ont pas de mérite réel (comme la
science, l’intelligence, etc.) puisqu’ils sont uniquement devenus
savants dû à leur origine et à leur appartenance à une certaine famille
ou tribu. Le fait qu’ils aient étudié les sciences islamiques pendant
des décennies n’a, bien entendue, joué aucun rôle, car l’Arabie
Saoudite, avant l’arrivée d’al-Albani fut un pays vide de toute
méritocratie. 57 Al-Zarkali, « Al-Wajiz », p.197
LES FABLES DE LACROIX COMMENTEES PAR L’ŒUVRE DE SHEIKH AL-ALBANI
13
Couverture de la première revue islamique pour laquelle Sheikh al-Albani a rédigé des articles
saoudien58
est une preuve claire qui le tribalisme et
l’origine locale ne jouent aucun rôle dans la
reconnaissance et l’admission des savants en Arabie
Saoudite. De plus, Stéphane Lacroix sait très bien qu’à
Sciences Po, un arabe d’Arabie Saoudite ou du Yémen,
par exemple, ne sera jamais admis dans leur institut pour
enseigner.
Les islamophobes tentent souvent d’arabiser la religion
musulmane en insinuant que l’Islam est basé sur une
forme de nationalisme ou tribalisme. Cependant, jamais
dans l’histoire la science du Hadith n’a-t-elle été
mesurée selon les liens de famille, les tribus, les classes
sociales, l’origine ou la descendance du Muhaddith. Les
plus grands savants musulmans et narrateurs de hadith
sont une parfaite illustration de cela puisque la majorité
d’eux étaient des non-arabes
souvent très pauvres. Néanmoins,
ça ne les a pas empêchés de
devenir les détenteurs et les
narrateurs de la tradition
prophétique à niveau mondial. Ce
sont eux qui ont transmis les
hadiths et une partie majeure des
sciences islamiques au reste du
monde. Al-Bukhari, Muslim, Abu
Dawud, al-Tirmidhi, Al-Nassa'i,
Ibn Majah furent tous des non-
arabes qui ont instauré les
ouvrages de référence du Hadith
sur lesquels dépend aujourd'hui
toute la communauté musulmane.
La critique « Haddadi » de Lacroix : Al-Albani contre
les Saoudiens
En examinant le développement des assertions du
professeur Lacroix, nous voyons qu’il arrive maintenant
au message principal dans lequel il reflète un conflit
intense entre al-Albani et les savants saoudiens :
« Al-Albani est fortement en désaccord avec les
Wahhabites - et surtout avec leurs représentants
principaux, les ulémas de l'établissement religieux
saoudien – dans le domaine de la jurisprudence (loi). »
De manière globale, Sheikh al-Albani n'était pas en
grand désaccord avec les savants saoudiens dans les
affaires de jurisprudence puisque leur méthodologie dans
58 Parmi eux nous comptons Sheikh Mohammed Aman al-Jami
(Ethiopie), Sheikh Abdel-Razzaq al-A’fifi (Égypte), Sheikh
Mohammed Aman al-Shinqiti (Maurétanie), Sheikh Mohammed
Nasir al-Din al-Albani (Albanie), Sheikh Hammad al-Ansari (Mali),
Sheikh Wasiyullah A’bbas (Inde), Sheikh Mohammed al-Harras
(Egypte) etc.
la déduction de preuve fut identique59
. Il divergeait
évidemment avec eux dans certaines fatwas de la
manière dont divergent tous les savants Sunnites entre
eux dans les affaires de jurisprudence. Ce n’est rien de
spectaculaire pour ceux qui ont une connaissance
superficielle des sciences religieuses au long de
l’histoire islamique et prouve simplement que les
savants d’Ahl al-Sounna font leur propre ijtihad, à
l’inverse des partisans qui suivent aveuglement une
certaine école de principes jurisprudentiels ou un
madhab. De plus, ces différences n'ont pas causé la
moindre animosité entre Sheikh al-Albani et ses
confrères parmi les savants saoudiens comme devient
clair dans les éloges prononcés par deux des
représentants principaux de « l’établissement religieux
saoudiens » à l’époque d’al-Albani. Le premier est
Sheikh Abdel-Aziz Ibn Baz qui a
déclaré qu'il n'a jamais vu, dans
son temps, un savant de Hadith
comme Sheikh al-Albani. L’ancien
mufti a même avoué qu’il a
beaucoup bénéficié de lui et dit
qu’il le considérait comme un des
meilleurs savants de son époque60
.
Le deuxième est Sheikh Ibn
Utheymin qui l'a loué pour ses
œuvres dans le dogme et la
jurisprudence61
et l'a appelé le
Muhaddith de son époque62
ainsi
que le Muhaddith de la région du
Châm63
.
Les savants dans le Royaume Arabe qui ont réfuté al-
Albani ont tous explicitement mentionné dans leurs
réponses que leurs différences n’étaient pas basées sur
des contradictions fondamentales et qu'ils respectaient et
aimaient Sheikh al-Albani64
. Un d'entre eux, Sheikh
Mohammed Aman al-Jami, a déclaré dans sa réfutation
de Sheikh al-Albani :
« Allah, les anges, et ceux présents (dans cette assise)
sont témoins de mes propos dans lesquels je déclare que
j'aime Sheikh al-Albani pour (la cause) Allah. »65
59 Saleh Ibn Mohammed Âl al-Sheikh, « Al-Minhaj al-Fiqhi Li
A’imma al-Da’wa al-Salafiya Fi Najd » [La Méthodologie
Jurisprudentielle des Grands Savants Salafis du Najd], p. 90 60 Sheikh Abdel-Aziz Ibn Baz, “Durus Lil Shaikh Abdel-Aziz Ibn
Baz” (Shabaka al-Islamiya), cours 17 61 Mohammed Ibn Salih al-Utheymin, “Al-Diya’ Al-Lami’ min
Khutab Al-Jawami’” [Etincelles Lumineuse des Sermons de
Vendredi] p.446 62 Muhammad Ibn Salih al-Utheymin, “Sharh Aqidatul Safariniya”
[Explication de la Aqida Al-Safariniya] p.185 63 Les pays du Châm sont le Liban, la Palestine, la Syrie en la
Jordanie. 64 Voir Rabi’ Bin Hadi al-Madkhali, [Les Egarements Limpides
d’Abdul-Latif Bashmel], p. 9 et « A Lighthouse of Knowledge from a
Guardian of the Sunnah », p.41 65 Ibid, p.39
LES FABLES DE LACROIX COMMENTEES PAR L’ŒUVRE DE SHEIKH AL-ALBANI
14
Ibn Taymiya fut incarcéré dans cette prison, plus de sept siècles avant l’emprisonnement d’al-Albani.
De même, Sheikh al-Tuwayjari a déclaré, tout en
réfutant le savant albanais, que « critiquer al-Albani
permet (à certains) de critiquer la Sounna66
». Malgré
avoir réfuté al-Albani, ces savants partageaient tous sa
méthodologie et ne l’ont jamais accusé d'avoir des
différences fondamentales ou une approche
révolutionnaire du Hadith.
Il y a plus d’une décennie Abdul-Lateef Bashmel, un
Haddadi67
notoire et un ennemi juré de Sheikh al-Albani,
a essayé d’exploiter les réfutations de quelques savants
saoudiens contre le Muhaddith albanais pour porter
atteinte à son intégrité et ameuter les gens contre lui.
Ainsi, il a voulu faire croire que les
réponses des savants saoudiens à Sheikh
al-Albani étaient motivées par une
animosité et une opposition totale à al-
Albani. Malgré que Bashmel se soit
vigoureusement efforcé de diviser
l’unité des savants Salafis68
, ces derniers
ont exposé ses égarements et ont
ouvertement mis en garde contre lui.
Aujourd'hui, Stéphane Lacroix marche
sur les traces d’Abdul-Lateef Bashmel
en suivant des principes Haddadis
indiscernables. De façon identique, il
accentue avec ardeur les différences
entre al-Albani et les savants saoudiens
afin de porter atteinte à leur réputation.
D’une part, les savants saoudiens sont
dépeints comme des malfaiteurs fanatiques qui ne
tolèrent aucune divergence d’opinion alors qu’al-Albani
est, d’autre part, représenté comme un savant dont
l’approche révolutionnaire du Hadith constitue une base
idéologique pour des extrémistes qui finissent par
commettre des attentats terroristes69
.
On pourrait également s'interroger sur la raison pour
laquelle le professeur Lacroix insiste à démontrer toute
cette « hostilité saoudienne » alors qu’il passe sous
silence le conflit intense qui a eu lieu entre al-Albani et
l’établissement religieux syrien. Mohammed Nasir al-
Din al-Albani fut emprisonné à deux reprises en Syrie
après que ses adversaires l’accusent à tort auprès des
autorités. Au début des années soixante, le Sheikh fut
emprisonné pour une période d’un mois dans la
forteresse de Damas, l’endroit où fut incarcéré Ibn
Taymiya sept siècles auparavant. En 1967, al-Albani est
emprisonné pour une deuxième fois, faisant huit mois de
prison dans le nord-est de la Syrie. Tout cela semble
n’être d’aucune importance pour le professeur Lacroix
66 Ibid 67 La secte des Haddadis a été nommée après Mahmoud al-Haddad,
un comptable égyptien connu pour diffamer les savants de la Sounna. 68 Ibid, p.41 69 NDT Ce qui deviendra clair vers la fin de l’article
qui diffame uniquement le Royaume saoudite dans ses
articles et exprime son admiration envers les Saoudiens
occidentalisés qui préconisent une constitution
occidentale pour se débarrasser des valeurs islamiques
dans le Royaume Arabe70
.
Comprendre l’adhésion d'Ibn Adel-Wahhâb au
Hanbalisme
La raison du « profond désaccord » entre al-Albani et les
savants saoudiens est, selon Stéphane Lacroix,
l’appartenance des « Wahhabites » au Hanbalisme :
« Ici, al-Albani fait allusion à une
contradiction fondamentale dans la
tradition Wahhabite : les partisans
Wahhabites ont préconisé une
dépendance exclusive au Coran, à la
Sounna et au consensus d'al-salaf al-
salih (les pieux prédécesseurs).
Cependant, pour leurs fatwas ils se sont
presque uniquement référés à la
jurisprudence Hanbalite. Par
conséquent, ils agissent en tant que
partisans d'une école juridique
spécifique, à savoir le Hanbalisme.»
Dans un autre article, le professeur
Lacroix prétend même qu’al-Albani
reprochait aux savants saoudiens de suivre aveuglément
le madhab Hanbalite :
« Cependant, les Hanbalites contemporains ont eu
tendance à imiter (taqlid), de plus en plus, d’anciennes
fatwas des membres de leur école, au lieu de pratiquer
leur propre interprétation (ijtihad) basé sur le Coran et
la Sounna. C'était un des reproches principaux d’al-
Albani aux Wahhabites qui prétendaient faire du ijtihad
mais avaient tendance à agir comme des Hanbalites. » 71
Depuis le XVIe siècle, les savants du Royaume saoudite
ont adhéré au madhab de l'Imam Ahmed Ibn Hanbal
dans la jurisprudence, tout en prenant en considération
des verdicts d'Ibn Taymiya et Ibn Qayim72
. Initialement,
l'influence du Hanbalisme a marqué la région du Najd
grâce aux circonstances de voyage favorables pour les
étudiants saoudiens qui, avant la période d’Ibn Abdel-
70 NDT Stéphane Lacroix ne formule pas la moindre critique contre
le régime syrien puisqu’il est bien connu que les laïques fanatiques de
la France ont toujours soutenu Bachar al-Assad dans sa répression
des Salafis en Syrie. 71 Stéphane Lacroix et Thomas Hegghammer, « Rejectionist Islamism
in Saudi Arabia : The Story of Juhayman al-‘Utaybi Revisited », p.4 72 Dr Abdel-Aziz Ibn Mohammed al-Hujaylan, « Al-Fiqh Wal-
Fuqaha fil-Mamlaka al-Arabiya al-Sa’udiya... » [La Jurisprudence et
les savants de Fiqh au Royaume d’Arabie Saoudite], p.223
LES FABLES DE LACROIX COMMENTEES PAR L’ŒUVRE DE SHEIKH AL-ALBANI
15
En 1967, al-Albani fait huit mois de prison à al-Hasakah, dans le nord-est de la Syrie.
Wahhâb, voyageaient à Damas (Syrie) et à Nables
(Palestine) où ils assistaient au cours de savants
Hanbalites. De retour au Najd, ils transmettaient la
science qu’ils avaient acquise dans leurs régions73
.
Cependant, il est important de bien saisir ce qui est
voulu par cette adhésion au Hanbalisme. Dans une lettre
de Sheikh Abdoullah al-Sana’âni à Sheikh Mohammed
Ibn Abdel-Wahhâb, le savant yéménite lui demanda de
quelle manière les savants du Najd adhéraient au
madhab Hanbalite :
« Que voulez-vous dire lorsque vous dites que vous
suivez le madhab de l'Imam Ahmed? Le suivez-vous
aveuglément ou suivez-vous sa méthodologie dans la
pratique du ijtihad? »
Sheikh Mohammed Ibn Abdel-
Wahhâb répondit avec les paroles
suivantes :
« Toute déclaration et tout acte doit
être mesuré aux paroles et aux
actions du Prophète . Ce qui est en
accord avec celles-ci est accepté, et
ce qui les oppose est rejeté, peu
importe la personne qui tient les
propos. Aucune priorité n’est
donnée aux opinions personnelles
sur le Coran et la Sounna Prophétique. Nous suivons les
principes de l'Imam Ahmed de la façon qui fut
mentionnée par Ibn Qayim a dans son livre ‘I'lâm El
Muwaqqi'în’…Voici ce que nous voulons dire quand
nous disons que notre madhab est le madhab de l'Imam
Ahmed. »74
Bien que les savants de la péninsule Arabique aient
toujours attaché une grande importance scolastique à
l’œuvre de l'Imam Ahmed, ils ne suivaient pas
aveuglément son madhab. Les archives historiques
attestent toutes qu'ils abandonnaient le jugement du
madhab si celui-ci était en contradiction avec un hadith
ou avec toute autre preuve claire75
. Le madhab Hanbalite
a été utilisé en tant que fondation dans la jurisprudence
ce qui est considéré comme un élément facilitateur pour
apprendre le fiqh. Cependant, Sheikh Ibn Abdel-Wahhâb
a déclaré explicitement que ses fatwas n'étaient jamais
restreintes à un madhab précis :
73 Dr Abd-Allah al-Turki, « Al-Madhab Al-Hanbali » [Le Madhab
Hanbalite], Vol.1, p.291-295 74 Sheikh Mohammed Ibn Abdel-Wahhâb, « Al-Durar al-Saniya Fil
Ajwiba al-Najdiya » [Les Perles Inestimables Tirées des Réponses du
Najd] Vol.4, p.21 75 Dr Abdel-Aziz Ibn Mohammed al-Hujaylan, « Al-Fiqh wal-
Fuqaha fil-Mamlaka al-Arabiya al-Sa’udiya... » [La Jurisprudence et
les savants de Fiqh au Royaume d’Arabie Saoudite], p.43 et Saleh
Ibn Mohammed Âl al-Sheikh, « Al-Minhaj al-Fiqhi Li A’imma al-
Da’wa al-Salafiya Fi Najd » [La Méthodologie Jurisprudentielle des
Grands Savants Salafis du Najd], p. 361
« Nous ne nous limitons pas à un madhab spécifique. Si
nous trouvons une preuve tangible dans un des quatre
madhabs, quel qu’il soit, nous l'acceptons et nous nous y
accrochons. » 76
Le Sheikh a également fait remarquer que la priorité
devait être donnée au Coran et à la Sounna prophétique
sur les jugements de son propre madhab :
« Si nous tombons sur un texte clair du Coran ou de la
Sounna qui n'a pas été abrogé ni spécifié, qui ne
contredit rien de plus tangible et qui a été accepté par
un des quatre Imams77
, alors nous acceptons cette
décision et abandonnons le madhab…Nous ne suivons
pas aveuglément les savants, et cela dans aucun
domaine, parce que la parole de
chacun peut être acceptée ou rejetée,
à l’exception des paroles du Prophète
. » 78
Ibn Abdel-Wahhâb fut suivi dans
cette méthodologie par les savants du
Royaume saoudite qui exigeaient que
leurs étudiants délaissent le madhab
si une preuve contradictoire leur
devenait apparente79
. Et cela
correspondait avec la méthodologie
de Sheikh al-Albani qui dit :
« Par conséquent, nous disons qu'en nous accrochant à
tout ce qui a été rapporté dans la Sounna de façon
authentique, personne ne pourra nous accuser d’avoir
contredit intentionnellement le madhab des imams ou
leur méthodologie, même si nous contredisons certains
de leurs verdicts. »80
Tout comme al-Albani81
, Ibn Abdel-Wahhâb bénéficiait
des jugements des quatre madhabs et tout comme
Sheikh al-Albani82
, il rejetait la petitesse d'esprit cachée
dans le suivi aveugle des madhabs en donnant la priorité
aux preuves du Coran et de la Sounna sur les jugements
76 Dr. Abdel-Muni’m Abdel-Athim Khayrah, « Al-Qada fil-Mamlaka
al-Arabiya al-Sa’udiya » [Le Système Juridique dans le Royaume de
l’Arabie Saoudite], p.68 77 Sheikh al-Albani ne voyait pas ceci comme étant une condition.
Cependant, les fatwas dans lesquelles al-Albani contredit l’ensemble
des quatre madhads sont si rares qu'elles n'auraient jamais pu mener à
un conflit profond avec les savants saoudiens. 78 Sheikh Mohammed Ibn Abdel-Wahhâb, « Al-Durar al-Saniya Fil
Ajwiba al-Najdiya » [Les Perles Inestimables Tirées des Réponses du
Najd] Vol.4, p.10 79 Saleh Ibn Mohammed Âl al-Sheikh, « Al-Minhaj al-Fiqhi Li
A’imma al-Da’wa al-Salafiya Fi Najd » [La Méthodologie
Jurisprudentielle des Grands Savants Salafis du Najd], p.364-366 80 Mohammed Nasir al-Din al-Albani, « Asl Sifat Salat al-Nabi » [La
Description de la Prière du Prophète, Version Originale], p.32 81 Ibid, p.23 82 Voir Mohammed Nasir al-Din al-Albani, « Haqiqatou al-Da’wa
al-Salafiya » [La Réalité de la Da’wa al-Salafiya] p.170
LES FABLES DE LACROIX COMMENTEES PAR L’ŒUVRE DE SHEIKH AL-ALBANI
16
Manuscrit du « Recueil de hadiths faibles et inventés » par Sheikh al-Albani
du madhab. Ses livres contiennent de nombreuses fatwas
dans lesquelles il contredit les décisions de l'école
Hanbalite83
; et ce fut également la méthodologie
adoptée par les savants saoudiens qui l’ont succédé
jusqu'à ce jour84
. Ils ont adhéré au Hanbalisme en
considérant l’école comme une structure générale de
principes jurisprudentiels sans déployer acharnement ni
suivi aveugle. Leur référence décisive reste
invariablement le Coran et les hadiths de la Sounna
Prophétique suivant la compréhension des pieux
prédécesseurs85
.
Tout ceci invalide la théorie du professeur Lacroix qui
repose sur une contradiction fondamentale entre al-
Albani et la tradition « Wahhabite ».
Rappelons que la chose que blâmait
réellement le savant albanais était le
courant où les gens suivent
aveuglément un madhab sans diverger
sur le moindre point, sans demander de
preuves et en abandonnant le jugement
interprétatif (ijtihad)86
. Une
contradiction fondamentale entre al-
Albani et les savants saoudiens aurait
certainement été présente si ces
derniers suivaient aveuglément le
madhab Hanbalite. Or, ce ne fut pas le
cas avec Sheikh Ibn Abdel-Wahhâb
qui a pavé le chemin menant à la
réouverture des portes de l’ijtihad
après que celles-ci s’étaient fermées
lors de la chute de Bagdad au XIIIe
siècle. Ironiquement, le Sheikh fut reproché de faire du
ijtihad pendant sa vie et ce n’est qu’après son décès que
ses adversaires l'ont faussement accusé de suivre
aveuglément un madhab87
.
Il y a deux groupes de gens qui adhèrent au madhab
Hanbalite. Les premiers — auxquels appartiennent les
savants saoudiens — font leur propre ijtihad et donnent,
en cas de désaccord, priorité aux preuves religieuses sur
les jugements du madhab. La deuxième catégorie est
composée d’individus qui sont ancrés dans la
méthodologie du suivi aveugle du madhab88
. Vu que le
83 Saleh Ibn Mohammed Âl al-Sheikh, « Al-Minhaj al-Fiqhi li
A’imma al-Da’wa al-Salafiya fil-Najd » [La Méthodologie
Jurisprudentielle des Grands Savants Salafis du Najd], p.363 et « Al-
Durar... », Vol.7, p.285 84 Sayid Mohammed Ibn Ibrahim, « Tarigh al-Mamlaka al-
Sa’udiya » [Historique du Royaume Saoudien], p.136 85 Dr Abdel-Aziz Ibn Mohammed al-Hujaylan, « Al-Fiqh Wal-
Fuqaha fil-Mamlaka al-Arabiya al-Sa’udiya... » [La Jurisprudence et
les savants de Fiqh au Royaume d’Arabie Saoudite], p. 227 86 Mohammed Nasir al-Din al-Albani, « Haqiqatou al-Da’wa al-
Salafiya » [La Réalité de la Da’wa al-Salafiya] p.170 87 Saleh Ibn Mohammed Âl al-Sheikh, « Al-Minhaj al-Fiqhi Li
A’imma al-Da’wa al-Salafiya fi Najd » [La Méthodologie
Jurisprudentielle des Grands Savants Salafis du Najd], p. 406 88 Ibid, p. 172,173
professeur Lacroix n'a pas été capable de discerner cette
différence, il s’est imaginé que la méthodologie de
Sheikh al-Albani fut en contradiction fondamentale avec
l'approche des savants saoudiens dû, bien entendu, à leur
adhésion à l'école Hanbalite. Si le professeur Lacroix
avait pris la peine d’examiner brièvement les fondations
de la jurisprudence Hanbalite ou s’il s’était fait une idée
plus au moins exacte des fatwas des savants saoudiens,
ses hypothèses farfelues, son audace et son ignorance
insolente n'auraient jamais vu le jour dans ses articles.
Cela soulève à nouveau la question de l’intégrité de ce
professeur qui ne dispose pas des capacités nécessaires
pour analyser les textes sources dans un domaine qu’il
prétend maitriser.
Attiser un Conflit Imaginaire avec
une Parole Révolue
Pour démontrer la « contradiction
fondamentale » supposée entre al-
Albani et les savants saoudiens, le
professeur Lacroix avance l’argument
suivant:
« D'après al-Albani, cela s’applique
aussi à Mohammed Ibn 'Abdel-
Wahhâb qu'il décrit comme ‘salafi
dans le credo, mais pas dans le fiqh’.»
À une seule occasion, Sheikh al-
Albani a déclaré que l’engagement de Sheikh Ibn Abdel-
Wahhâb dans son appel au Tawhid dans une région
totalement infectée de polythéisme lui prenait tellement
de temps qu’il n’a pas assez pu se consacrer à la science
du Hadith89
. Selon al-Albani, il aurait par conséquent fait
des évaluations de hadith incorrectes dans le domaine de
la jurisprudence. Pour appuyer son assertion, al-Albani
reprochait Sheikh Ibn Abdel-Wahhâb d’avoir jugé
authentique (sahih)90
un hadith que la majorité des
89 Avant l'arrivée du Sheikh Ibn Abdel-Wahhâb, les livres de
référence du Hadith furent absents dans région du Najd. Ce n'est
qu’avec la venue du Sheikh que ces livres ont massivement été
propagés dans la région. De même, les enfants de Sheikh Ibn Abdel-
Wahhâb étaient des Muhaddithin qui enseignaient des livres de
hadith tel que Sahih al-Bukhari. Les livres de hadith ont uniquement
été répandus dans le Najd dû au fait que les savants de la région y
attachaient une grande importance. Que ces savants aient traité plus
souvent les livres de fiqh que les livres de hadith est parce que la
population était plus en besoin de la jurisprudence que la science du
Hadith. Source : Sheikh Saleh Âl al-Sheikh « Al-farq Bayn Kutub al-
fiqh wa Kutub al-Hadith » [La Différence entre les livres de
Jurisprudence et les livres du Hadith] 90 Il s’agit d’un hadith rapporté par Abu Said al-Khudri qui
mentionne l’invocation de celui qui sort de chez lui pour aller à la
mosquée (Ahmed 11156). Sheikh Mohammed Ibn Abdel-Wahhâb a
mentionné ce hadith dans son livre « Âdab al-Machi Ila al-Masjid »
[L’étiquette de celui qui se dirige vers la Mosquée]
LES FABLES DE LACROIX COMMENTEES PAR L’ŒUVRE DE SHEIKH AL-ALBANI
17
Tout comme les savants saoudiens, al-Albani se basait sur le Coran et la Sounna selon la compréhension des premières générations
savants du Hadith avaient rendu faible (da’if)91
. Il a
ensuite déclaré que son intention n’était pas de ternir
l’image du Sheikh puisqu’un acte pareil pouvait
uniquement venir d’un ennemi de l'Islam92
. Or, Sheikh
al-Albani s’est plus tard rendu compte que sa parole fut
inexacte93
. Il s'est excusé pour ses propos tenus à l’égard
de Sheikh Ibn Abdel-Wahhâb et est revenu sur cette
accusation94
. Au passé, plusieurs savants de Hadith ont
témoigné que les écrits d'Ibn Abdel-Wahhâb prouvent
bien qu'il prêtait une grande attention
au Hadith dans tous ses jugements95
.
Et jusqu'à ce jour, les Muhaddithin
témoignent encore de la grande
connaissance que possédait le Sheikh
dans le domaine du Hadith96
.
Dans ses œuvres, Sheikh al-Albani ne
manquait pas une occasion pour louer
Ibn Abdel-Wahhâb. À nombreuses
reprises, il l'a appelé le réformateur
du Tawhid de la péninsule Arabique
et il l’a défendu contre ceux qui le
critiquaient97
. Curieusement, Lacroix
a négligé toutes ces apologies à l’égard d'Ibn Abdel-
Wahhâb et a soigneusement choisi l’unique parole d’al-
Albani dans laquelle il a critiqué Ibn Abdel-Wahhâb —
et qu’il a rétracté par la suite – pour en faire l’argument
clé de son article. En amplifiant cette critique de Sheikh
al-Albani, le professeur Lacroix a établi un conflit fictif
entre Sheikh al-Albani et Sheikh Ibn Abdel-Wahhâb
basé sur des « contradictions fondamentales dans
l'approche du Hadith ».
91 Sheikh al-Albani avait critiqué ce hadith aussi bien dans la chaîne
de narrateurs (sanad) que dans son texte (matn) (« Silsila al-Ahadith
al-Da’ifa » no.24) 92 Mohammed Nasir al-Din al-Albani, « Haqiqatou al-Da’wa al-
Salafiya » [La Réalité de la Da’wa al-Salafiya] p.183-186 93 Sheikh Saleh Âl al-Sheikh avait réagi à la parole de Sheikh al-
Albani dans laquelle il disait que Sheikh Ibn Abdel-Wahhâb ne
différenciait pas entre le hadith sahih et da’if dû au fait qu’il a rendu
faible le hadith en question. Sheikh Saleh explique que c'est l'avis
personnel du Sheikh (al-Albani) et que d'autres Muhaddithin au
passé, comme al-Hafidh Ibn Hajr (et al-Hafidh al-Dimyata), avaient –
tout comme Ibn Abdel-Wahhâb – rendu authentique ce même hadith.
Sheikh Saleh conclut en disant que ces divergences dans l’évaluation
des hadiths ne doivent pas mener à ce genre de critique. Source :
Sheikh Saleh Âl al-Sheikh « Al-farq Bayn Kutub al-fiqh wa Kutub al-
Hadith » [La Différence entre les livres de Jurisprudence et les livres
du Hadith] 94 Voir Sheikh Rabi’ Bin Hadi al-Madkhali, « Sharh Kitab al-Iman li
Sahih al-Boukhari » [Explication du Chapitre de la Foi de Sahih al-
Bukhari] Cassette no. 2, face B. 95 Saleh Ibn Mohammed Âl al-Sheikh, « Al-Minhaj al-Fiqhi li
A’imma al-Da’wa al-Salafiya fi Najd » [La Méthodologie
Jurisprudentielle des Grands Savants Salafis du Najd], p. 244-246 96 Le grand Muhaddith à cette époque, Sheikh Abdel-Mouhsin al-
Abbad, fait partie des nombreux savants de Hadith contemporains qui
ont déclaré qu’Ibn Abdel-Wahhâb faisait partie des Muhaddithin. 97 Mohammed Nasir al-Din al-Albani, « Silsila al-Ahadith al-
Sahiha » [Recueil de Hadiths Authentiques], Vol.5., p.302, Vol.1,
p.8, etc.
Ainsi, le professeur Lacroix passe d’une invention à
l’autre et son article devient un vrai tissu de fables:
« De plus, pour al-Albani, être un ‘salafi dans le fiqh’
adéquat implique qu’on fasse de la science du Hadith le
pilier central du procédé jurisprudentiel, car les hadiths
en soi peuvent fournir des réponses à des sujets qu’on ne
retrouve pas dans le Coran, sans devoir dépendre de
l'école juridique. »
Comme mentionné précédemment,
Sheikh Ibn Abdel-Wahhâb et tous les
autres savants saoudiens ont toujours
considéré les hadiths— accompagnés
du Coran — comme étant le pilier
essentiel de tout verdict religieux.
Par conséquent, cela ne peut être
considéré comme une particularité
‘révolutionnaire’ et distinctive de
Sheikh al-Albani. Cependant, dans
les affaires de fiqh pour lesquelles il
n'y avait pas de preuve claire dans
les hadiths prophétiques ou versets
coraniques, ils se référaient aux différents jugements de
l’école juridique Hanbalite alors qu’al-Albani se référait
également aux décisions de savants en dehors des quatre
imams. Stéphane Lacroix a interprété cette différence
d'application pratique dans ce cas particulier – qui est
d’ailleurs très rare – comme une différence dans la
méthodologie. Il s’agit d’une perception erronée qui est
évidente puisque nous parlons de cas où les questions
religieuses ne contiennent pas de hadiths suffisamment
clairs pour fournir une preuve décisive. Malgré cette
différence, les savants saoudiens ainsi qu'al-Albani,
considéraient tous le Hadith comme un support
indispensable dans le fiqh pour clarifier des décisions.
Leur divergence n'avait aucun rapport avec le fait de
rendre la science du Hadith le pilier essentiel de la
jurisprudence ou avec le fait que les hadiths en soi
fournissent des réponses qui ne peuvent être trouvées
dans le Coran, car nous parlons d'une situation
spécifique dans laquelle il n'y a pas de hadiths
disponibles pour pouvoir fournir une réponse claire à
une matière juridique.
Il est connu que dans ses réfutations, Sheikh al-Albani
mentionnait toujours, et de façon très précise, les défauts
liés à la méthodologie des gens qu'il réfutait. Dans le cas
présent, si la dépendance secondaire des savants
saoudiens au madhab Hanbalite avait été une
contradiction fondamentale ou un défaut important, al-
Albani l’aurait certainement signalé dans une de ses
réfutations. Or, cela ne s'est jamais produit.
Finalement, il doit être souligné que les jugements
d’ijtihad d’al-Albani dans lesquels il a contredit les
verdicts de l’ensemble des quatre madhabs
LES FABLES DE LACROIX COMMENTEES PAR L’ŒUVRE DE SHEIKH AL-ALBANI
18
Dans son livre « al-Tawhid Awwalan », al-Albani explique que le Tawhid passe avant toute chose.
simultanément sont si peu qu’il est inconcevable que
cela ait pu aboutir à une forme de conflit quelconque.
Une Approche Révolutionnaire du Hadith ?
Après avoir mis en place le conflit « Albano-
Wahhabite » qui repose sur des différences
méthodologiques supposées dans le
Hadith, Lacroix tente de démontrer
qu’al-Albani adoptait une approche
révolutionnaire du Hadith:
« Comment al-Albani, avec ses origines
sociales et ethniques peu distinguées, a-
t-il réussi à occuper une place tellement
prestigieuse dans un domaine qui fut
longuement monopolisé par une élite
religieuse dans la région saoudite du
Najd ? La réponse, comme nous verrons
à travers l'exemple d'al-Albani lui-
même et certains de ses disciples, se
trouve dans son approche
révolutionnaire du Hadith. »
Ainsi, le professeur de Sciences Po
prétend qu’al-Albani favorisait « une
nouvelle approche dans la critique du Hadith » qui
mettrait au défi « le monopole même de l’aristocratie
religieuse Wahhabite ». De plus, la méthode du Sheikh
aurait un « pouvoir révolutionnaire » selon Lacroix qui
semble persuadé du bien-fondé de ses opinions.
En analysant la méthodologie des grands savants du
Hadith de manière comparative, on peut facilement
conclure qu’al-Albani n’a jamais adopté une approche
révolutionnaire du Hadith. Il n’a pas instauré de
nouveaux principes dans la science du Hadith, ni a-t-il
inventé de nouvelles règles dans sa méthodologie de
critique. Toutefois, le professeur Lacroix avance
plusieurs arguments qu'il croit soutenir sa thèse. Il
déclare en premier lieu:
« La mère de toutes les sciences religieuses devient par
conséquent la "science du Hadith" qui vise à réévaluer
l'authenticité de hadiths connus. »
Dans ses écrits, Sheikh al-Albani a mentionné de
manière systématique que toutes les sciences religieuses
sont basées sur le Coran et la Sounna prophétique (c.-à-
d. les hadiths) suivant la compréhension des pieux
prédécesseurs. Quant à la science qu’il considérait
comme la plus importante de toutes, alors il faut savoir
que le Sheikh fut d’avis que c’était la science du
Tawhid98
. C’est d’ailleurs pourquoi il a rédigé un livre
intitulé « Le Tawhid avant toute chose »99
où il explique
que la mère de toutes les sciences religieuses est l'étude
de l'adoration unique d'Allah sans Lui attribuer
d’associés dans les différentes formes d'adoration. Par
conséquent, il considérait l’étude du Coran, le Hadith, le
fiqh et toutes les autres sciences religieuses comme un
moyen d'atteindre le but pour lequel l'homme fut créé:
l'adoration unique du Seigneur de
l’Univers. Vu que Stéphane Lacroix
n’a pas pu ramener la moindre
déclaration de Sheikh al-Albani
indiquant qu’il place la science du
Hadith au-dessus de l'étude du Coran
et des autres sciences islamiques, on ne
peut que conclure une des deux choses
suivantes : Lacroix est ou bien un
trompeur audacieux ou bien quelqu’un
qui est ignorant des opinions réelles de
Sheikh al-Albani. En outre, il y a de
nombreuses déclarations dans
lesquelles Sheikh al-Albani approuve
les jugements spécifiques ainsi que la
méthodologie globale des savants
majeurs du Hadith à travers les siècles.
Ceci annule explicitement la thèse
farfelue d'une « approche
révolutionnaire du Hadith. »
Al-Albani et le Raisonnement Indépendant
Selon le professeur Lacroix, le premier aspect dans
l'approche révolutionnaire d'al-Albani du Hadith est
l'abandon de la raison :
« Selon al-Albani, le raisonnement indépendant doit être
exclu du procédé : la critique du matn (le texte du
hadith) devrait être exclusivement formelle, c.-à-d.
grammaticale ou linguistique ; seulement le sanad (la
chaîne de narrateurs du hadith) peut réellement être mis
en question. »
Voici, une fois de plus, une série de déclarations
malhabiles du professeur. Sheikh al-Albani a toujours
été partisan du raisonnement indépendant, que ce soit
globalement dans le domaine des sciences islamiques
ou, plus spécifiquement, dans la science du Hadith. En
98 Le Tawhid, souvent traduit par « monothéisme », est le fait de
rendre Allah unique dans l'adoration sans ne rien Lui associer.
L'appel au Tawhid fut le message principal de toutes les religions
monothéistes, issues du même Dieu Unique. Non seulement le
Tawhid est-il considéré comme le premier et le plus important des
cinq piliers de l’Islam, c’est également le premier des dix
commandements du Christianisme : « Un seul Dieu tu aimeras et
adoreras parfaitement ». 99 Mohammed Nasir al-Din al-Albani, « Al-Tawheed Awalan Ya
Du’at al-Islam » [Ô Prêcheurs de l’Islam: Le Tawhid avant toute
chose], p.6-11
LES FABLES DE LACROIX COMMENTEES PAR L’ŒUVRE DE SHEIKH AL-ALBANI
19
Un hadith contient une chaine de transmission (sanad) jusqu’au Prophète et un contenu textuel (matn)
outre, al-Albani était connu pour inciter ses étudiants à
ne pas le suivre aveuglément et à mener leurs propres
recherches de façon indépendante. Le Sheikh
comparerait alors les résultats de ses étudiants avec les
siens et ils bénéficieraient tous les uns des autres100
.
En se lançant dans la science du Hadith, le professeur
Lacroix croit étaler sa science et ses connaissances
d’islamologue. Or, il s’exprime sur des sujets dont il ne
saisit même pas les notions de base.
En déclarant que Sheikh al-Albani
n’analysait pas le continu du hadith101
(matn), il tente de recycler un vieil
outil de propagande déployé par les
orientalistes pour dénigrer les
Muhaddithin. En effet, ce fut un
moyen pour des orientalistes comme
Ignác Goldziher102
et Alfred
Guillaume103
de représenter les
savants du Hadith comme des gens
qui n'utilisent pas de raisonnement
indépendant et qui approuvent
systématiquement le matn tant que la chaîne de
narrateurs (sanad) est correcte104
.
À première vue, il peut paraître que les Muhaddithin se
sont uniquement concentrés sur la chaîne de narrateurs
sans avoir pris en considération le matn. C’est pourquoi
certains orientalistes ont accusé les savants du Hadith de
délaisser tout raisonnement. Or, cette thèse se heurte aux
réalités des sciences musulmanes puisque la critique du
contenu ou texte du hadith (matn) a toujours existé et
100 Mohammed Nasir al-Din al-Albani, « Al-Rawda al-Dani fil
Fawa’id al-Hadithiya lil-Allama Al-Albani », p.9 101 Dans la Sounna prophétique chaque hadith est précédé d’une
chaîne de narrateurs qui monte du dernier Mouhaddith qui a compilé
les hadiths (comme al-Bukhari ou Muslim) jusqu'aux compagnons
qui ont rapporté le hadith du Prophète Mohammed . 102 Ignác ‘Yitzhaq Yehuda’ Goldziher fut un orientaliste hongrois juif
qui rejeta la méthodologie des Muhaddithin en prétendant que celle-
ci ne comprenait pas l'étude du matn. Ainsi, il a établi son approche
personnelle dans l’analyse du matn ayant l’audace de rendre faible
les hadiths qui mentionnent les vertus de la visite de la Mosquée
sacrée d’al-Aqsa. Voir « Mohammedanische Studien », 2e imp.
Hildesheim 1961. 103 Alfred Guillaume fut un Orientaliste anglais qui, par sa critique du
matn, a fait la fabuleuse « découverte » que la Mosquée d'Al-Aqsa
n'est pas située à Jérusalem, mais à Jirana (40 kilomètres de la
Mecque). Voir « Où se trouvait la Mosquée d’al-Aqsa? » Al-
Andaluse, Madrid, 1953 p. 323-336. Les critiques du matn de
Goldziher et Guillaume furent motivées religieusement puisqu’ils ont
uniquement rendu faibles ces hadiths dans le but de représenter la
Palestine comme n'ayant aucun patrimoine musulman. D'autres
orientalistes tendancieux comme Joseph Schacht et Arent Jan
Wensinck ont aussi développé une critique personnelle du matn pour
ternir l’image de l’Islam. Il s’agit de personnes qui, durant toute leur
vie, ont étudié la science du Hadith dans le but unique de diffamer la
religion musulmane de façon « académique ». 104 Dr Mohammed Mustafa al-A’thami, « Minhadj al-Naqd I’nd al-
Muhaddithin » [La Méthodologie de la Critique employée par les
Muhadithin], p. 127-149.
peut uniquement se faire en stimulant l’intellect et en
employant le raisonnement105
.
Une simple recherche dans la science du Hadith
confirmera avec certitude que lors des quatorze siècles
passés, la méthodologie de l’évaluation du Hadith des
Muhaddithin a toujours contenu l’analyse de la chaîne
de narrateurs ainsi que l’une analyse du matn106
. Les
critiques de la chaîne et du matn ont chacun leurs
propres conditions et sont évalués de
façon indépendante107
. De plus, la
critique du matn est loin d'être
simplement grammaticale108
comme
le prétend Stéphane Lacroix. Ainsi,
le matn peut être mis en question
scolastiquement et empiriquement
tout comme c’est le cas pour le
sanad. Et cela, bien évidemment,
peut uniquement se faire avec un
raisonnement indépendant109
. Cette
approche est précisément la
méthodologie adoptée par Sheikh al-
Albani qui, dans son recueil de hadiths faibles, a jugé
faibles de nombreux hadiths uniquement à cause d'une
anomalie dans le matn110
.
En outre, les savants de Hadith ont toujours appliqué la
règle qui stipule que l’exactitude de la chaîne de
narrateurs n’implique pas nécessairement l’exactitude du
contenu du hadith111
. Ce fut également l’avis de Sheikh
al-Albani112
qui, tout comme d’autres Muhaddithin, a
énuméré plusieurs situations dans lesquelles un hadith
peut être jugé comme inventé (mawdu’) en basant ce
jugement uniquement sur le matn et cela, en dépit d’une
chaîne de narrateurs correcte113
.
Par conséquent, la thèse de Lacroix comme quoi la
critique du matn, pour Sheikh al-Albani, fût restreinte à
une perspective linguistique est une nouvelle fantaisie ou
tromperie ingénieuse du Muhaddith en herbe de
105 Ibid, p. 81, 83 106 Ibid, p. 82 107 Dr. Abdoullah Bin Dayfoullah al-Rouhayli, « Manhadj Al-
Mouhadditheen fi Naqd al-Riwayat Sanadan wa Matnan ». [La
Méthodologie des Muhaddithin dans la Critique du Hadith dans la
Chaine de Transmission et le Matn], p.14. 108 Ibid, p.24-25. 109 Ibid, p.22. 110 Mohammed Nasir al-Din al-Albani, « Silsila al-Ahadith al-Da’ifa
Wal Madou’a Wa Atharouha al-Sayyi’ fil Umma » 111 Dr. Abdoullah Bin Dayfoullah al-Rouhayli, « Manhadj al-
Mouhaddithin fi Naqd al-Riwayat Sanadan wa Matnan ». [La
Méthodologie des Muhaddithin dans la Critique du Hadith dans la
Chaine de Transmission et le Matn], p.21. 112 Mohammed Nasir al-Din al-Albani, « Silsila al-Ahadith al-
Sahiha » [Recueil de Hadiths Authentiques], voir l’introduction 113 Dr. Abdoullah Bin Dayfoullah al-Rouhayli, « Manhadj al-
Mouhadditheen fi Naqd al-Riwayat Sanadan wa Matnan ». [La
Méthodologie des Muhaddithin dans la Critique du Hadith dans la
Chaine de Transmission et le Matn], p.42.
LES FABLES DE LACROIX COMMENTEES PAR L’ŒUVRE DE SHEIKH AL-ALBANI
20
Contrairement à ce que prétendent certains orientalistes, la critique du Hadith englobe également le matn
Sciences Po puisque les œuvres d'al-Albani, publiées
pendant plusieurs décennies, sont truffés d’exemples qui
invalident totalement cette hypothèse114
.
Il est étonnant de constater que le professeur Lacroix
ignore que Sheikh al-Albani a rendu faible des hadiths
dû à leur contenu textuel, car dans son même article il
mentionne que Sheikh al-Albani a jugé faibles des
hadiths dans les recueils canoniques d’al-Bukhari et
Muslim. Celui qui entreprend une lecture superficielle de
la critique de Sheikh al-Albani des hadiths dans les
recueils d’al-Bukhari et Muslim, saura que le Sheikh en
a critiqué une bonne partie dû à un
défaut dans le matn, non dans le sanad.
Il devient clair, une fois de plus, que
Lacroix, qui est chercheur au CERI, est
incapable d’effectuer de simples
recherches. Il se contente de répéter
comme un perroquet les conjectures
d'autrui, alors qu’il ignore entièrement
le contenu réel et la véracité des propos
qu’il tient dans ses articles, comme le
démontre également sa déclaration
suivante :
« Par conséquent, l’aspect principal de
la science du Hadith devient 'ilm al-
rijal (la science des hommes), aussi
connu comme 'ilm al-jarh wa-l-ta'dil (la science de la
critique et de l’évaluation positive) qui évalue la
moralité – qui équivaut à la fiabilité — des narrateurs. »
Cette tentative désespérée de tromper le lecteur échoue
rapidement lorsqu’on apprend que la science des
narrateurs (du hadith) ou « I'lm al-Rijal » a toujours été
l’aspect principal de la science du Hadith pour tous les
Muhaddithin à tous les temps. C’est cette science qui a
préservé la Sounna de toute altération et qui a exposé
toute implication de menteurs dans le sanad du hadith ou
de narrateurs ayant une mauvaise mémoire.
Al-Albani et la Critique d’al-Bukhari et Muslim
Selon Lacroix, Sheikh al-Albani adoptait une approche
unique dans le Hadith dû au fait qu'il aurait rendu faible
des hadiths dans les collections de hadiths d’al-Bukhari
et Muslim :
« En même temps — et contrairement aux pratiques
antérieures —, al-Albani insiste sur l'étendue de cette
réévaluation qui doit englober tous les hadiths existants,
même ceux mentionnés dans les recueils canoniques
114 Mohammed Nasir al-Din al-Albani, « Silsila al-Ahadith al-
Da’ifa… » – « Rhayatoul Maram » – « Ta’liqat A’la Moukhtasir
Sahih Muslim lil-Moundhiri », etc.
d’al-Bukhari et Muslim. Al-Albani a été jusqu'à déclarer
certains de ces hadiths comme faibles. »
Sheikh Mohammed al-Albani a effectivement réévalué
certains hadiths dans les recueils d’al-Bukhari et
Muslim. Toutefois, l'allégation de Lacroix comme quoi
le Sheikh aurait rendu faible certains hadiths dans les
deux recueils en question est fausse. Après avoir fait une
explication approfondie d'un hadith dans sa « Silsila al-
Ahadith al-Sahiha », al-Albani mentionne :
« J'ai volontairement pris plus de temps pour commenter
ce hadith et ses narrateurs. J'ai fait ceci
dans le but de défendre la Sounna
prophétique et pour que personne
n’invente des mensonges à mon égard.
J'ai fait ceci afin que la personne
ignorante, envieuse ou tendancieuse ne
dise pas : 'Al-Albani a dénigré Sahih al-
Bukhari et a rendu faibles ses
hadiths'…»115
En effet, la thèse comme quoi al-Albani
aurait rendu faible des hadiths dans al-
Bukhari et Muslim peut uniquement
venir d’une personne ignorante,
envieuse ou tendancieuse — et je ne
considérerais certainement pas le
professeur Lacroix comme étant envieux. Sheikh al-
Albani avait une grande estime pour Sahih al-Bukhari et
Muslim et a toujours loué ces deux recueils pour leur
précision et authenticité :
« Les recueils d’al-Bukhari et Muslim sont les deux
livres les plus exacts jamais écrits après le Livre d'Allah
d’après le consensus des savants musulmans du Hadith
et d’autres. Ils ont un avantage sur les autres recueils de
hadith dû à leur distinction qui repose sur leur sélection
des hadiths les plus corrects et plus authentiques ainsi
que sur leur omission de hadiths faibles et ceux qui
contiennent un matn très faible…Il est devenu connu de
manière générale que tous les hadiths dans les recueils
d’al-Bukhari et Muslim, ou dans l’un des deux, ont
atteint le degré d’exactitude le plus élevé et sont
considérés comme authentiques et correct sans aucun
doute. Voici notre position de base sur ces deux livres.
Cependant, cela ne veut pas dire que chaque lettre, mot
ou expression dans al-Bukhari et Muslim doit être placé
au même niveau (d’exactitude) que le Coran. Il se peut
que certains hadiths contiennent une fausse conception
ou une erreur dans un certain aspect qui fut commise
par un des narrateurs du hadith. En effet, à l'exception
115 Mohammed Nasir al-Din al-Albani, « Silsila al-Ahadith al-
Da’ifa », Vol.4, p.465.
LES FABLES DE LACROIX COMMENTEES PAR L’ŒUVRE DE SHEIKH AL-ALBANI
21
Les recueils d’al-Bukhari et Muslim ont été réévalués par plus de soixante Muhaddithin
du Coran, nous ne considérons aucun livre infaillible. »
116
Cette parole démontre que Sheikh al-Albani ne rendait
pas faible certains hadiths dans al-Bukhari ou Muslim. Il
a uniquement critiqué quelques termes et expressions
dans le matn du hadith ainsi que quelques chaînes de
narrateurs. Il est important de comprendre que dans la
science du Hadith, on fait une distinction entre la
critique d’un hadith d’un point de vue des anomalies
dans le sanad et entre le fait de rendre
faible un hadith dans sa totalité. Par
exemple, la chaîne d'un hadith peut
être critiquée dû à une certaine
critique d'un narrateur présent dans
cette chaine. Or, cela en soit, ne rend
pas forcément faible le texte du hadith
dû au fait que d'autres hadiths avec le
même contenu textuel, mais une
chaîne différente, peuvent renforcer la
solidité du premier hadith qui, par
conséquent, atteindrait le niveau de
« Hassan » (bon) ou « Sahih »
(authentique) bien que sa chaîne de
narrateurs soit critiquée. Cela vaut
également pour tous les hadiths que Sheikh al-Albani a
critiqués dans les recueils d’al-Bukhari et Muslim
puisqu’il a toujours conclu qu'ils étaient corrects dans
leur contexte textuel. C'est ainsi qu’al-Albani a expliqué
cette forme de critique :
« L’authenticité d’un hadith dans ‘Sahih al-Bukhari’ ne
peut être contesté en se basant simplement sur une
certaine faiblesse dans sa chaîne puisqu’il reste la
possibilité que le hadith fut rapporté avec une autre
chaîne par laquelle les deux hadiths se consolideront
réciproquement. » 117
La deuxième allégation du professeur Lacroix est que la
critique ou la réévaluation de Sheikh al-Albani
englobait, contrairement aux pratiques antérieures, tous
les hadiths existants. Regardons plutôt ce que disait le
Muhaddith du siècle précédent au sujet de ces pratiques
antérieures des Muhaddithin du passé :
« Malgré la magnificence de Sahih al-Bukhari et malgré
le consensus des savants sur son acceptation — comme
je l’ai mentionné dans l'introduction —, nous devons
savoir que le livre a été critiqué aux passé par certains
savants. » 118
116 Mohammed Nasir al-Din al-Albani, « Sharh Aqida al-Tahawiya »
[Explication de al-Aqida al-Tahawiya], p.22-23 117 Mohammed Nasir al-Din al-Albani, « Silsila Al-Ahadith Al-
Sahiha » [Recueil de Hadiths Authentiques], Vol.4, p.185 118 Mohammed Nasir al-Din al-Albani, « Moukhtasir Sahih al-
Boukhari » [Résumé de Sahih al-Boukhari], 2/4
En effet, al-Albani fut précédé dans la réévaluation des
recueils canoniques d’al-Bukhari et Muslim par plus de
soixante savants différents119
. Parmi les premiers
savants, plusieurs Muhaddithin ont écrit des ouvrages
indépendants dans lesquels ils ont réévalué les hadiths
d’al-Bukhari et Muslim. Le plus célèbre parmi eux est
al-Dar al-Qutni (Xe siècle) qui a écrit le célèbre « al-
Ilzamât wal-Tattabu ». D'autres comme Mohammed al-
Shaheed120
(IXe siècle), Yehya al-Attar121
(XIIIe siècle),
Abdel-Rahim al-Iraqi122
(XIVe siècle) ainsi qu’Abu
Zur’a al-Iraqi123
(XVe siècle) ont tous
écrit des critiques indépendantes sur le
même sujet. En outre, nous retrouvons
parmi ceux qui ont critiqué certains
hadiths dans al-Bukhari ou Muslim
plusieurs savants très connus tels que
l’Imam Ahmed, Ibn Ghuzeyma, Ibn
Hazm, al-Nawawi, al-Qortobi, Ibn al-
Qayim, Ibn Hajr, Ibn Taymiya, al-
Dhahabi, al-Zarqashi, al-Suyuti et Ibn
Kathir124
. Ce sont, un par un, des
savants reconnus dans le Hadith et les
sciences islamiques qui n’ont jamais
été accusés d’avoir contredit les
« pratiques antérieures » de la
réévaluation du Hadith. Finalement, al-Albani n'était
certainement pas le seul à son époque à avoir critiqué
certains hadiths d’al-Bukhari et Muslim. Plusieurs
savants de hadith contemporains, Sunnites et autres, l'ont
précédé dans sa critique : al-Mu’allimi, Moqbil, Shu’ayb
al-Arna’out, Tariq Ibn I’wadillah, al-Kawthari, Hassan
al-Saqqaf, etc.125
Une fois de plus, une étude élémentaire confirme qu'il
n'y a rien d’inhabituel concernant l’approche de Sheikh
al-Albani à la science du Hadith puisque tous les hadiths
d’al-Bukhari et Muslim critiqués par al-Albani avaient
déjà, précédemment, subi une forme de critique par
d'autres savants du Hadith.
119 Muhyi al-Din al-Samarqandy, « Naqd Matn al-Hadith fi Daw
Nata’ij al-Ulum al-Tajribiya » [La critique du Matn dans le Hadith à
la lumière des Sciences Expérimentales], p.113 120 Mohammed Ammar al-Shaheed, « I’lal Sahih Muslim », [Défauts
dans Sahih Muslim] 121 Yahya Ali al-Rasheed al-Attar, « Gharar al-Fawa’id al-Majmou’a
fi Bayan ma Waqa’a fi Sahih Muslim... » 122 Abdel-Rahim Ibn al-Hussein al-Iraqi, « Al-Ahadith al-Mughrija fil
Sahihayn Allati Takallama fiha » [Sélection de Hadiths dans les
recueils authentique d’al-Bukhari et Muslim qui ont été critiqués] 123 Abu Zura’ Ahmed Ibn Abdel-Rahim al-Iraqi, « Al-Bayan wal
Tawdih Liman Kharaja lahu fil Sahih wa Qad Massa Bi Darb Min
al-Tajrih » [Clarification des Hadiths dans Sahih al-Bukhari qui sont
sujet à une certaine forme de Critique] 124 Muhyi al-Din al-Samarqandy, « Naqd Matn al-Hadith Fi Daw
Nata’ij al-Ulum al-Tajribiya » [La critique du Matn dans le Hadith à
la lumière des Sciences Expérimentales], p.115-140 125 Ibid, p.144-148
LES FABLES DE LACROIX COMMENTEES PAR L’ŒUVRE DE SHEIKH AL-ALBANI
22
Sheikh al-Albani avait démontré que l'opinion de la majorité des savants allait parfois à l’encontre de certains consensus proclamés.
Lorsqu’al-Albani fut interrogé au sujet d'une personne
qui, tout comme Stéphane Lacroix, prétendait que les
hadiths d’al-Bukhari et Muslim ne sont plus soumis à la
critique et que leur réévaluation était contraire aux
pratiques antérieures, sa réponse fut la suivante :
« Cette déclaration en soi est suffisante pour convaincre
le lecteur de l'ignorance de cet escroc rusé et démontre
sa diffamation envers les savants antérieurs et
contemporains lorsqu’il prétend qu'il y a un consensus à
ce sujet126
. Ainsi, jusqu'à ce jour même, les savants
critiquent toujours certains hadiths dans les recueils
d’al-Bukhari et Muslim. » 127
Les Illusions Révolutionnaires du Professeur Lacroix
Après s’être défoulé dans la science
du Hadith, le professeur Lacroix,
très confiant dans ses capacités, se
lance maintenant dans la
jurisprudence islamique et se permet
de citer une liste de ce qu'il nomme
des « interprétations
révolutionnaires » de Sheikh al-
Albani :
« Dû à la particularité de sa
méthode, al-Albani finissait par
prononcer des fatwas qui allaient à
l’encontre du consensus islamique,
et plus spécifiquement, à l’encontre de la jurisprudence
Hanbalite-Wahhabite. »
L'imagination déréglée du professeur Lacroix fait de
plus en plus de dégâts. Il s’est, en premier lieu,
cramponné à la thèse qui stipule que l'approche d’al-
Albani du Hadith fut particulière pour ensuite l’exploiter
en soutenant une autre fausse assertion dans laquelle il
accuse al-Albani de contredire le consensus islamique
des savants.
Certains critiques ont déjà précédé Lacroix dans cette
allégation128
qui d’ailleurs, dérangeait Sheikh al-Albani.
Dans son livre « L'Étiquette du Mariage », al-Albani
répondit à Isma’il al-Ansari qui l'avait accusé de
contredire le consensus islamique :
« Au début de son livre ‘Al-Ibaha’, ce pauvre homme
m'a accusé de contredire le consensus islamique. À la
126 NDT c.-à-d. qu’il n’a plus de réévaluation des hadiths d’al-
Bukhari et Muslim 127 Mohammed Nasir al-Din al-Albani, « Âdab al-Zifaf » [L’étiquette
du Mariage], p. 54 128 NDT Et c’est sans aucun doute d’eux que Stéphane Lacroix a
calqué sa critique.
page 57, il mentionne même explicitement que je rejette
le consensus… »129
Il est impossible qu’al-Albani ait prononcé des fatwas
qui vont à l’encontre du consensus établi des savants
puisqu’il considérait le consensus islamique comme une
preuve irréfutable dans la déduction de jugements.
Ce que le professeur Lacroix n’a pas réussi à saisir, dû à
son incapacité à faire des recherches dans ce domaine,
est qu’al-Albani remettait en question des consensus
supposés qui furent prononcés par certains savants.
Grâce à sa connaissance remarquable, Sheikh al-Albani
fut capable de démontrer que le consensus proclamé par
certains savants dans plusieurs questions était invalide
ou qu’il s’agissait d’un consensus
qui, en réalité, n’a jamais eu lieu130
.
Ce qui fut considéré comme un
consensus islamique dans ces
questions précises ne pouvait, par
conséquent, plus être vu comme un
consensus reconnu et acceptable.
Ainsi, al-Albani avait établi que ces
consensus en question avaient été
contredits et remis en question par
des savants au passé :
« J'ai certes, étudié de nombreuses
questions dans lesquelles un
consensus a été proclamé et j'ai
découvert qu’il s’agissait, en réalité, de questions sur
lesquelles les savants ont divergé. J'ai même découvert
que l'opinion de la vaste majorité des savants allait à
l’encontre du prétendu consensus dans ces
questions. »131
La personne qui ignore les divergences entre savants
dans lesquelles un consensus a été proclamé aura par
conséquent la fausse impression qu’al-Albani défiait le
consensus islamique établi. Pour ce qui est de l’assertion
du professeur Lacroix que les fatwas prononcées par al-
Albani iraient à l’encontre de la jurisprudence Hanbalite,
alors ce n’est bien entendu rien de révolutionnaire, car
les savants saoudiens font, et ont toujours fait, la même
chose.
Dans sa quête d’exemples qui devraient prouver
l’approche révolutionnaire d'al-Albani du Hadith,
Lacroix mentionne :
« Par exemple, il a écrit un livre dans lequel il a redéfini
les gestes et formules adéquats qui constituent le rituel
129 Ibid, p.41-42. 130 Ibid, p.44-47 – p.238-239 131 Mohammed Nasir al-Din al-Albani, « Ahkam al-Jana’iz wa
Bida’uha » [Jugements liés aux Funérailles et à ses Innovations],
p.219
LES FABLES DE LACROIX COMMENTEES PAR L’ŒUVRE DE SHEIKH AL-ALBANI
23
Dans son livre «Asl Sifat Salat al-Nabi », al-Albani fut précédé dans tous ses jugements par d’autres savants
de la prière musulmane ‘selon la pratique du prophète’-
en contredisant les prescriptions de toutes les écoles
juridiques établies. »
Le livre en question ici est « La Description de la Prière
du Prophète » et notre chercheur au CERI132
aurait
mieux fait de lire ou feuilleter ce chef-d’œuvre avant de
le commenter de cette manière dérisoire. La réalité est
que dans cette étude, Sheikh al-Albani a uniquement
contredit les jugements des quatre écoles simultanément
dans certains cas133
. Dans son introduction, al-Albani
confirme qu'il y a un consensus établi
dans un grand nombre d’aspects de la
prière musulmane134
ce qui, en soit, est
assez pour démolir la thèse de Lacroix
dans laquelle il prétend qu’al-Albani, en
redéfinissant les gestes adéquats de la
prière, aurait contredit les prescriptions
de toutes les écoles juridiques établies. À
la fin de son introduction, le Sheikh
déclare explicitement que son travail ne
contient pas un seul jugement dans lequel
il n’a pas été précédé au passé par un
autre savant, ni un jugement qui va à
l’encontre du consensus des savants135
.
De plus, Sheikh al-Albani mentionne
dans l'introduction que :
« Ce livre rassemblera tous les éléments
dispersés des livres du Hadith et de jurisprudence y
compris les divergences entre les madhabs qui sont liées
à ce sujet »136
Al-Albani avait critiqué ouvertement ceux qui, comme le
professeur Lacroix, l'accusaient de ne pas prendre en
considération les jugements des quatre imams :
« Cette accusation ne peut être plus farfelue. C'est une
fausse accusation dans chaque aspect comme cela peut
être déduit clairement de mes déclarations précédentes
qui indiquent toutes que le contraire est vrai. Tout ce
que nous demandons c’est de ne pas transformer un
madhab quelconque en religion en élevant ce madhab
au statut du Coran et de la Sounna... » 137
En suivant la méthodologie des Muhaddithin du passé,
al-Albani refusait de suivre aveuglément un madhab
132 Sur le site du CERI, le centre prétend mener des travaux qui
s’enracinent dans une tradition comparatiste et qui valorisent les
trajectoires historiques des sociétés étudiées. Certains chercheurs ne
semblent réellement pas être à leur place au CERI. 133 Dans ce livre, les jugements d'Al-Albani coïncident pour plus de
90 % avec au moins un jugement des quatre écoles juridiques. 134 Mohammed Nasir al-Din al-Albani, « Asl Sifat Salat al-Nabi » [La
Description de la Prière du Prophète, Version Originale], p.21 135 Ibid, p.52 136 Ibid, p.22 137 Ibid, p.48
spécifique. Par contre, il prenait ce qu’il y avait de
mieux dans chaque madhab en se basant d'abord et
surtout sur les preuves directes de la Sounna. Dans son
livre sur la description de la prière, al-Albani fait
d’abord un jugement sur chaque question séparément et
le compare ensuite avec les jugements des quatre écoles
pour déterminer celles qui correspondaient à sa
recherche analytique et celles qui la contredisaient :
« Je suis d’avis que cette approche est la meilleure, car
elle correspond au chemin qu’Allah a ordonné de suivre
aux croyants et à son Prophète
Mohammed . C'est la méthodologie
des pieux prédécesseurs qui comportent
les compagnons et les générations après
eux auxquelles appartiennent les quatre
Imams. Ils ont tous consenti à
l'obligation de revenir et de s'accrocher
à la Sounna et sont unanimes pour dire
que chaque allégation qui la contredit
doit être rejetée. » 138
Pour appuyer sa thèse, al-Albani citait de
nombreuses paroles des quatre Imams
dans lesquelles ils réprimandent ceux qui
suivent aveuglément leurs jugements et
verdicts sans les mesurer au Coran et à la
Sounna139
. C'était une façon ingénieuse
du Muhaddith albanais de démontrer que
celui qui suit un madhab quelconque dans tous ses
jugements de fiqh a contredit les enseignements des
quatre Imams. Ainsi, ces mêmes paroles venants des
Imams Abu Hanifa, Malek, al-Shafi’i et Ahmed dans
lesquelles ils interdisent les autres de suivre aveuglement
leurs jugements, constituent une approbation de la
méthodologie de Sheikh al-Albani et des Muhaddithin :
« Par conséquent, je dis qu’en nous accrochant à tout ce
qui a été rapporté de façon authentique dans la Sounna,
même si cela contredit certains verdicts des Imams, on
ne peut être accusé de contredire leur madhab, ni leur
méthodologie. En agissant de la sorte, on suit plutôt la
méthodologie incontestable sur laquelle ils se basaient
tous... C’est une chose qui ne peut être dite de ceux qui
abandonnent ce qui est authentique dans la Sounna en
suivant aveuglément un de leurs jugements dans l’école
juridique. »140
Ainsi, les jugements d’al-Albani étaient en parfaite
harmonie avec la méthodologie des quatre imams qui,
aujourd'hui, ont chacun un madhab qui leur est attribué.
138 Ibid, p.23 139 Ibid, p.23-32 140 Ibid, p.32
LES FABLES DE LACROIX COMMENTEES PAR L’ŒUVRE DE SHEIKH AL-ALBANI
24
Al-Albani et de nombreux savants avant lui ont déclaré que le mihrab est une innovation.
Les Consensus Islamiques inventés par Lacroix
Une fatwa de Sheikh al-Albani que le professeur Lacroix
considère aller à l’encontre du consensus islamique est
celle-ci :
« Aussi, il a déclaré que les mihrabs — c.-à-d. la niche
que l’on retrouve dans les mosquées pour indiquer la
direction de la Mecque — fut une bida'a (une
innovation)... »
La déclaration d’al-Albani comme quoi les
mihrabs sont une innovation141
est tout
sauf révolutionnaire. À nouveau, un grand
nombre de savants l'ont précédé dans ce
jugement. Ce n’est d’ailleurs rien
d’étonnant, car le mihrab tire son origine
de la courbure que l’on retrouve dans les
églises chrétiennes d’Égypte et de
Najran142
. Divers savants et historiens
mentionnent que les mihrabs ont
seulement été introduits dans les mosquées
après l’époque du Prophète Mohammed 143
. On comprend ainsi pourquoi al-Albani
fut déjà précédé il y a environ quatorze
siècles par le compagnon Ibn Masu’d qui
déclarait qu’il n'était pas permis de prier
dans une mosquée qui contenaient un mihrab144
. Il a été
suivi par de nombreux savants à travers les siècles
comme Salim Ibn Abd al-Dja’d145
(VIIe siècle), Ibrahim
al-Nakha'i146
(VIIe siècle), Sufyan al-Thawri147
(VIIIe
siècle), Ibn Hazm148
(Xe siècle), Ibn Taymiya149
(XIIIe
siècle), al-Zarqashi150
(XIVe siècle), Ali al-Qari151
(XVIe siècle), etc. Au XVe siècle, le célèbre savant
Abder-Rahman al-Souyouti a même composé un
ouvrage qu’il a nommé « Renseignements Utiles
concernant l’Apparition de l'Innovation du Mihrab ».152
De plus, à l’époque d’al-Albani, certains savants comme
141 Mohammed Nasir al-Din al-Albani, « Silsila al-Ahadith al-Da’ifa
Wal Madou’a wa Atharouha al-Sayyi’ fil Umma », Vol.1, p.452. 142 Dr Ibrahim Ibn Saleh al-Khodeir, « Ahkam al-Masajid fil Sharee’a
al-Islamiya » [Jugements liés aux Mosquées dans la Législation
Musulmane], Vol.1, p.339. 143 Dr Hussein Mou’nis, « Al-Masajid » [Les Mosquées], p.77-79 144 Al-Bazzar, « Kashf al-Astar », no 416 145 Rapporté par Ibn Abi Shayba, « Musannaf Ibn Abi Shayba »,
Vol.1, p.408 146 Rapporté par Abdel-Razaq al-Sana’ani, « Musannaf Abdel-
Razaq », Vol.2, p.412 147 Ibid, p.413 148 Ibn Hazm, « al-Muhalla », Vol.4, p.239-240 149 Sheikh al-Islam Ibn Taymiya, « Iqtida al-Sirat al-Moustaqim »,
p.215-225 150 Mohammed Bin Abdillah al-Zarqashi, « I’lam al-Masajid bi
Ahkam al-Masajid », p.258 151 Ali Ibn Sultan Mohammed al-Qari, « Marqat Al-Mafatih Sharh
Mishkat Al-Masabih », Vol.2, p.223. 152 Abder-Rahman Jalal al-Din al-Souyouti, « I’lam al-Arib bi
Huduth Bid’a al-Maharib »
Sheikh Moqbil153
et Abdoullah al-Ghimari154
avaient
également prononcé un jugement identique quant aux
mihrabs. Or, Stéphane Lacroix considère que déclarer
les mihrabs comme une innovation est une interprétation
révolutionnaire qui va à l’encontre du consensus
islamique ! Les lecteurs n’auraient pas été confrontés
avec ce genre d’absurdités ridicules, si le professeur
avait pris le temps de faire une petite recherche. Lacroix
semble bien conscient qu’il, comme le veut le vieux
proverbe arabe, est « comme l’homme borgne parmi des
aveugles. » 155
Et décrire le professeur Lacroix comme
un borgne peut même être une
surestimation, car il s’étonne du faut que :
« … al-Albani disait qu’il était permis de
prier en chaussures dans une mosquée. »
Une fois de plus, il n'y a rien exceptionnel
à ceci. Dans son jugement sur la
permission de prier dans une mosquée en
chaussures, al-Albani a été précédé par le
Prophète de l'Islam lui-même, les
compagnons et tous les savants
islamiques, car il existe un consensus
établi sur la permission de prier en
chaussures. Si cette parole d'al-Albani
coïncide avec le consensus des savants
musulmans, comment alors peut-elle être
décrite comme un jugement révolutionnaire ? Prier en
chaussures fait, en effet, partie de la tradition
prophétique156
puisque le Prophète priait en
chaussures dans la mosquée, comme ce fut rapporté par
al-Bukhari qui a intitulé le chapitre à ce sujet « Prier en
chaussures ». Plus encore, prier en chaussures est une
recommandation en Islam, car le dernier des Messagers
a ordonné sa communauté de se différencier des juifs
qui étaient connus pour prier sans chaussures157
. Bien
entendu, il faut mentionner qu’al-Albani et les autres
savants ont uniquement permis de prier en chaussures
dans la mosquée sous certaines conditions158
. Prétendre
que cette tradition prophétique qui est mentionnée dans
153 Mohammed Ibn Abdel-Wahhâb al-Wasabi, « Al-Qawl al-Sawab fi
Hukm al-Mihrab » [L’avis correct concernant le Jugement du
Mihrab], p.51-52 154Abdoullah Ibn Mohammed al-Ghimari, voir ses annotations dans
« I’lam al-Arib bi Huduth Bid’a al-Maharib”, p.20 155 Ceci n’est qu’un proverbe parmi les nombreux proverbes arabes
connus qui ont été absorbés dans les langues occidentales. En
français, ce proverbe en question est aujourd’hui devenu : « au
royaume des aveugles, les borgnes sont rois ». 156 Isma’il Ibn Marshud al-Rumayh, « Ahkam al-Ni’al » [Jugements
liés aux Chaussures], p.18 157 Sounan Abi Dawud, « Kitab al-Salat– al-Salat Fil-Ni’al »
[Chapitre de la Prière – Prier en Chaussures], Vol.1, p.176, no 652. 158 La personne doit s'assurer que ses chaussures soient propres avant
d’entrer à la mosquée. Également, elle ne doit pas prier en chaussures
dans une mosquée si les gens du commun (qui ignorent cette Sounna)
réagissent de manière à semer des problèmes.
LES FABLES DE LACROIX COMMENTEES PAR L’ŒUVRE DE SHEIKH AL-ALBANI
25
Après les massacres suivant l’occupation de la Palestine, al-Albani conseilla aux Palestiniens de quitter leur terre
presque chaque recueil de hadiths159
irait à l’encontre du
consensus islamique est une chose que Sheikh al-Albani
décrivait comme étant impossible :
« Il est impossible d’obtenir un consensus islamique
correct qui contredit un hadith authentique, à moins que
le hadith en question soit correctement abrogé. »160
Dans son approche trompeuse et inepte des œuvres d'al-
Albani, le professeur Lacroix s'est contenté de
rassembler quelques fatwas du Sheikh qu’il a,
audacieusement et sans la moindre
recherche, jugé révolutionnaires. Son
désir de faire passer al-Albani comme
quelqu’un qui contredisait le consensus
fut tellement ardent qu’il a inventé lui-
même des consensus islamiques qui
n’ont jamais existé pour ensuite
accuser al-Albani de les avoir
contredits. N’est-ce pas agréable de
travailler en tant que professeur et
spécialiste de l’Islam à Sciences Po ? Il
vous suffit de fabuler un peu, de
rédiger des histoires avec des termes
arabes que personne ne comprend et de présenter le tout
sous couvert d’un ouvrage académique. Ensuite, il ne
vous reste qu’à empocher le pactole. Le professeur
Lacroix n'a pas effectué la moindre recherche dans les
livres de jurisprudence pour pouvoir comparer les
déclarations d’al-Albani aux autres fatwas des
Muhaddithin. Par conséquent, les fatwas du Sheikh
albanais ont été conçues comme révolutionnaires selon
l’avis personnel de Lacroix.
Dans un de ses livres, Sheikh Mohammed al-Albani
s’est adressé à ceux qui, tout comme Stéphane Lacroix,
écrivent sur les sujets qu'ils ne comprennent pas :
« Je les conseille de ne pas écrire dans un domaine de
science quelconque qu’après l’avoir maîtrisé et après y
avoir gagné une certaine expérience pendant un certain
temps... »161
Le professeur pédant poursuit en étalant les conclusions
de ses « recherches académiques » :
« Une autre position controversée était son appel aux
Palestiniens de quitter les territoires occupés puisqu’ils
y étaient, comme il le prétendait, incapables de
159 Al-Bukhari (1/102), Abu Dawud (1/176), al-Tirmidhi (2/247), Ibn
Majah (1/330), Al-Dar al-Qutni (1/313), Musnad al-Imam Ahmed
(11/241)… 160 Mohammed Nasir al-Din al-Albani, « Âdab al-Zifaf » [Les règles
du Mariage], p. 42. 161 Mohammed Nasir al-Din al-Albani, « Difa’ a’n al-Hadith al-
Nabawi wal-Sira » [En Défense de la Tradition Prophétique et la
Biographie], p. 60
pratiquer leur foi comme ils devaient et ceci est
beaucoup plus important qu'un morceau de terre. »
Mais quel est donc le rapport entre cette fatwa et la soi-
disant approche révolutionnaire d’al-Albani du Hadith ?
Cette position du Sheikh devient beaucoup moins
controversée si on comprend que, dans cette fatwa,
Sheikh al-Albani s’est basé sur la « hijra »
(l’émigration) du Prophète qui a quitté la Mecque, son
lieu préféré, pour pouvoir pratiquer l’Islam à Médine.
C'est un avis que tient la vaste majorité des savants, au
passé et au présent, par rapport aux
personnes qui se trouvent dans une
situation pareille. Le professeur Lacroix
ne devrait pas concevoir cette fatwa
comme controversée, car dans son
propre pays, des milliers de musulmans
tentent de fuir l’oppression et
l’apartheid religieux du régime français
pour obtenir des droits religieux, et cela
bien entendue, dû aux nombreuses
atteintes à la pratique individuelle de
l’Islam162
.
Un peu plus loin, Lacroix sort les paroles de Sheikh al-
Albani de leur contexte :
« Finalement, al-Albani prit une position ferme contre
toute participation à la politique, en répétait que ‘la
bonne politique était d’abandonner la politique’ – une
expression salafiste… »
Cette déclaration est également contestable puisque
Lacroix a tout d’abord mal traduit la parole d’al-Albani
qui est « min163
al-siyasa tark al-siyasa » qui se traduit
correctement par « délaisser la politique fait (également)
partie de la politique ». Al-Albani entendait par là que,
dans certains cas, il était mieux de ne pas participer au
système politique. Or, la traduction de Lacroix sous-
entend qu’al-Albani était entièrement opposé à la
politique, ce qui est entièrement faux et une autre
tentative du professeur de faire passer les savants Salafis
pour des gens arriérés et non structurés qui sont coupés
du monde. Al-Albani s'est uniquement opposé à la
participation politique si celle-ci n'est pas basée sur les
valeurs islamiques :
162 NDT Voir l’article du même auteur: « The French Suburban
House and Field Negro » 163 La préposition arabe « min » ici est « lil tab’id » ce qui veut dire
que la préposition exprime « une partie de » ou « une portion de » la
politique. Il est étonnant de voir que le professeur Lacroix n’a pas
saisi le sens de cette préposition, car dans son cv, il prétend maîtriser
la langue arabe et même l’avoir enseignée. Tout comme on peut
douter sur ses capacités de recherche, on peut également remettre en
cause ses capacités dans la langue arabe, car quelqu’un qui ne
comprend pas des prépositions aussi simples ne peut avoir la capacité
d’enseigner la langue arabe, à moins qu’il s’agisse d’un charlatan.
LES FABLES DE LACROIX COMMENTEES PAR L’ŒUVRE DE SHEIKH AL-ALBANI
26
Al-Albani et les autres savants d’Ahl al-Sounna dépendaient tous du Hadith dans la législation
« Malgré que la politique est une chose requise sans
aucun doute, je pense que ce n'est pas le bon moment de
participer à la politique. » 164
Ce que disait donc réellement Sheikh al-Albani est
qu’avant de participer à la politique, les gens devaient
d’abord acquérir la connaissance de leur religion et
entreprendre un processus essentiel de purification et
d’éducation (« Tasfiya wa Tarbiya») :
« Nous ne disons pas que la politique (c.-
à-d. la Politique Islamique) n'est pas
obligatoire en Islam. Au contraire, cela
fait partie des devoirs collectifs
islamiques. Cependant aujourd'hui, nous
savons qu'en se consacrant à la politique
les gens qui sont responsables de la
da'wa se déroberont aux deux
obligations principales qui sont 'la
Purification et l’Éducation’…Par
conséquent, nous aimerions pour nos
frères dans le monde islamique qui
participent à l'appel au Coran et à la
Sounnah selon la compréhension des
pieux prédécesseurs, d’acquérir, en
premier lieu, de solides bases avant de consacrer leur
temps à la politique. » 165
Cela veut dire que la compréhension de l'Islam dans la
communauté musulmane doit d’abord être purifiée de
toute chose qui l’a infiltrée et qui ne fait pas partie de la
religion. Deuxièmement, al-Albani était d’avis que les
musulmans doivent être éduqués et élevés selon la
croyance correcte et originale de l’Islam166
. Cependant,
la majorité des systèmes politiques dans le monde
Musulman ne sont aujourd’hui plus basés sur l’Islam.
Par conséquent, il n'est pas admissible religieusement
pour les musulmans d’y participer. De la même façon
dont les non-musulmans refuseront de participer à la
politique d’un état Islamique, les musulmans orthodoxes
voient qu’il n’est pas acceptable de participer aux
systèmes politiques non-musulmans. Mais à nouveau,
quel est le rapport entre le fait de ne pas participer à la
politique et cette soi-disant approche révolutionnaire du
Hadith ?
164 Mohammed Nasir al-Din al-Albani, « Al-Fatawa al-Manhadjihya
lil-Albany » [Les Fatawas d’al-Albani liées aux affaires de Manhadj]
p. 20-21 165 Muhammad Nasir al-Din al-Albani, “Durus Lil Shaikh Nasir Al-
Din Al-Albani” (Shabaka al-Islamiya), Cours no. 20 166 Mohammed Nasir al-Din al-Albani, « Al-Fatawa al-Manhadjihya
lil-Albany » [Les Fatawas d’al-Albani liées aux affaires de Manhadj]
p. 20-21
Al-Albani et les Ecoles Juridiques
Après avoir étalé sa science infuse du Hadith et de la
jurisprudence islamique, le professeur Lacroix nous
transmet maintenant son savoir des écoles juridiques :
« Malgré son milieu social insignifiant, al-Albani est
devenu connu comme le plus grand savant de Hadith de
sa génération. Sa dépendance du Hadith comme pilier
central de la législation aux dépens des
écoles juridiques l'a poussé à prendre des
positions controversées. »
Dans un autre article, Lacroix explique ce
qu’il pense être la position d’al-Albani
vis-à-vis des écoles juridiques :
« Al-Albani, en échange, rejetait toutes
les écoles juridiques, et appelait à une
dépendance directe et exclusive sur le
Coran et le Sounna. »167
Dans cette nouvelle distorsion de notre
chercheur infatigable, la prédication de
Sheikh al-Albani aurait été incompatible
avec les quatre écoles juridiques dû à sa dépendance du
Hadith. Or, un aperçu des ouvrages des quatre Imams
montre bien que les écoles juridiques se sont
initialement basées sur le Hadith. Les quatre Imams
interdisaient explicitement de donner la priorité à leurs
fatwas si celles-ci allaient à l’encontre d’un hadith
quelconque. L’Imam Abu Hanifah a déclaré : « Si mes
propos contredisent le livre d'Allah ou un hadith du
Prophète , alors abandonnez mes propos. »168
L’Imam
Malek a dit : « Acceptez tout ce qui correspond au
Coran et à la tradition prophétique et rejetez tout ce qui
contredit le Coran et la Sounna. »169
De même, l’Imam
al-Shafi’i disait : « Si le hadith est authentique, alors
c'est mon madhab. »170
Finalement, l’Imam Ahmed
accentuait l'importance de se référer aux hadiths en
disant : « Celui qui rejette les hadiths du Messager
d'Allah se trouve au bord de la destruction. » 171
Ainsi, toutes les écoles juridiques dépendaient du Hadith
comme le pilier essentiel de la législation. C'est
seulement lors des derniers siècles qu'un grand nombre
de musulmans ont cessé de donner la priorité aux hadiths
et cela, en suivant aveuglément les jugements d'un
certain madhab. Et voilà ce qu’al-Albani désapprouvait
réellement :
167 Stéphane Lacroix et Thomas Hegghammer, « Rejectionist
Islamism in Saudi Arabia : The Story of Juhayman al-‘Utaybi
Revisited », p.4 168 Al-Fulani, « Al-Iqath », p.50 169 Ibn Abdel-Bar, « Al-Jami’ », 2/32 170 Al-Nawawi, « Al-Majmou’ », 1/63 171 Ibn al-Djawzi, « Al-Manaqib », p.182
LES FABLES DE LACROIX COMMENTEES PAR L’ŒUVRE DE SHEIKH AL-ALBANI
27
Sheikh al-Albani n’acceptait pas que l’on critique les écoles juridiques.
« Une chose qui est devenue très répandue chez les gens
lors des derniers siècles est que lorsqu’une personne
atteint l'âge adulte, on le force à suivre un des quatre
madhabs. Il suivra par exemple le madhab de son père
qu’il acceptera alors entièrement. Il restera fidèle à ce
madhab sans jamais diverger sur le moindre aspect. Il
suivra ce madhab aveuglément sans réclamer la
moindre preuve. Il n’attachera aucune importance au
jugement interprétatif (ijtihad) puisqu’il considère que
les portes de l’ijtihad sont fermées. » 172
Pour justifier son refus du suivi aveugle des madhabs,
al-Albani démontrait comment, au passé, les savants
majeurs d'un certain madhab abandonnaient les
décisions de leur Imam173
s’ils
considéraient qu’elles contredisaient
la Sounna174
. Sinon, al-Albani a
toujours eu une grande estime des
différents madhabs et ne tolérait
aucune critique à leur égard :
« Il y a certaines personnes qui
s'affilient de façon directe ou indirecte
à l'appel de la Salafiya et qui se
permettent de critiquer un des
madhabs. Nous disons que ce n'est
pas permis dans notre religion et dans notre
croyance... »175
Le professeur Lacroix prétend ensuite que l’allégeance
d’al-Albani au Hadith — et qui se faisait soi-disant au
détriment des quatre madhabs — l'a poussé à prendre
des positions controversées qui ont engendré un conflit
avec les savants saoudiens :
« Cela l'a non seulement mis en conflit avec
l'établissement religieux saoudien, mais l’a également
rendu populaire dans les cercles Salafis. »
La grande majorité des savants de « l’établissement
religieux saoudien » sont considérés comme Salafis,
même par Sheikh al-Albani. Donc comment est-il
concevable, pour quelqu’un qui se trouve en conflit avec
les savants saoudiens, de gagner la popularité dans les
cercles Salafis ?
La mauvaise compréhension du professeur Lacroix dans
cette partie de l’article est basée sur son impression
erronée que les savants saoudiens suivent aveuglément
172 Mohammed Nasir al-Din al-Albani, « Haqiqatou al-Da’wa al-
Salafiya » [La Réalité de la Da’wa al-Salafiya] p.170 173 Mohammed Ibn al-Hassan et Abu Yousouf furent deux savants
Hanafites qui contredisaient Abu Hanifa dans un tiers de son
madhab. 174 Mohammed Nasir al-Din al-Albani, « Asl Sifat Salat al-Nabi » [La
Description de la Prière du Prophète, Version Originale], p.35 175 Mohammed Nasir al-Din al-Albani, « Shubah Hawl al-Salafiya »
[Ambiguïtés concernant la Salafiya] p.128
le madhab Hanbalite. Si c'était le cas, al-Albani aurait
certainement été en conflit majeur avec les savants
saoudiens et n'aurait, en premier lieu, jamais été invité
par ces « Wahhabites féroces ».
Les différences d’opinions qui ont eu lieu entre al-
Albani et d'autres savants n’étaient pas dues au fait
qu’al-Albani dépendait sur le hadith comme pilier
central de la législation, car c’est aussi ce que font les
savants dans le Royaume. C’est une chose qui devient
claire comme le jour dans les nombreuses conversations
qui ont eu lieu entre Sheikh al-Albani et ses confrères
saoudiens; toutes leurs discussions et argumentations
étaient basées sur des preuves directes du Coran et de la
Sounna prophétique. Dans ces débats,
les ulémas de l'Arabie Saoudite n’ont
jamais pris l’avis du madhab comme
étant une preuve.
Certes, les différences scolastiques
entre al-Albani et les autres savants
ne doivent pas être dramatisées. Ceux
qui fréquentaient le plus Sheikh al-
Albani ont témoigné que le Sheikh
réfutait ses propres étudiants et ses
amis les plus proches sans que
personne ne conçoive cela comme un conflit176
. Il s’agit
de différences d’opinions qui ont toujours existé chez les
savants d'Ahl al-Sounna. Dans ses écrits, al-Albani a
mentionné que les quatre Imams divergeaient, eux aussi,
dans beaucoup de sujets :
« Et je sais avec certitude que les grands Imams se
respectaient mutuellement même lorsqu’un d’entre eux
se trompait et (je sais) qu'ils se réfutaient
réciproquement. » 177
Le chercheur non initié ou celui qui a des motivations
secrètes interprétera ces différences d’opinions comme
une discorde interne qui aboutit à de majeurs conflits
insolubles qui reposent sur des contradictions
fondamentales. Par conséquent, la thèse
conspirationniste où les « Wahhabites » se trouvent en
conflit frontal avec les Salafis existe seulement dans
l'imagination de Lacroix.
Si vraiment il y avait eu un conflit entre al-Albani et les
savants saoudiens basé sur des divergences
fondamentales, ce premier n'aurait jamais conseillé
vivement ses lecteurs de se référer à la compréhension
de Sheikh Ibn Abdel-Wahhâb et des savants saoudiens
actuels qu'il appelait « ses frères Hanbalites dignes de
176 Mohammed Nasir al-Din al-Albani, « Al-Rawda al-Dani fil
Fawa’id al-Hadithiya lil-Allama al-Albani », p.9 177 Mohammed Nasir al-Din al-Albani, « Asl Sifat Salat al-Nabi » [La
Description de la Prière du Prophète, Version Originale], p. 50
LES FABLES DE LACROIX COMMENTEES PAR L’ŒUVRE DE SHEIKH AL-ALBANI
28
Sheikh al-Albani fut professeur à l’Université Islamique de Médine de 1961 à 1963
confiance »178
. De plus, Sheikh al-Albani fut récompensé
pour les exploits remarquables qu'il a réalisés au
Royaume. Plusieurs années après son départ du
Royaume, le « Comité International de Gratification
pour les Études Islamiques du Roi Faysal » lui a accordé
un prix pour ses efforts scientifiques dans le domaine du
Hadith. Est-ce ainsi qu’un organisme reconnu pour la
science religieuse en Arabie Saoudite récompenserait
une personne avec qui elle a des contradictions
fondamentales dans l'approche du Hadith ?
Dans son testament, al-Albani a offert sa bibliothèque
personnelle entièrement à l'Université de Médine, car il
reconnaissait son statut particulier dans la propagation
des sciences islamiques. Pour al-Albani, c’était l’endroit
où il avait gardé de très agréables souvenirs dans son
appel à l’Islam.
Le Royaume : Arrivée et Départ de Sheikh Al-Albani
Les fables de Lacroix semblent
inépuisables. Voici comment il décrit
l’arrivée d’al-Albani dans le
Royaume d’Arabie:
« La présence d'al-Albani en Arabie
Saoudite — où il fut invité en 1961 par
son bon ami Sheikh Abdel-'Aziz bin
Baz pour enseigner à l'Université
Islamique de Médine — a incité des
réactions gênantes au cœur de l'établissement
Wahhabite... »
Résumé de cette nouvelle thèse : l’ancien mufti du
Royaume d’Arabie se rend coupable de favoritisme dû
au fait qu’il a fait entrer al-Albani dans le Royaume, non
pas parce que ce fut le Muhaddith du siècle, mais parce
que c’était son bon ami. Il s’agit d’une autre accusation
pathétique puisque Sheikh al-Albani fut déjà invité en
Arabie Saoudite avant cela. En 1957, le ministre
saoudien de l’Éducation Sheikh Hassan Ibn Abdoullah
Âl al-Sheikh lui avait demandé de remplir la fonction de
responsable du plus haut département des études
islamiques à l’Université de la Mecque. Al-Albani a dû
décliner cette offre merveilleuse dû à des circonstances
imprévues, mais quatre années plus tard, il reçoit une
nouvelle invitation. Si al-Albani fut aussi demandé en
Arabie Saoudite, pourquoi son arrivée aurait-elle suscité
de l’hostilité et des réactions gênantes dans le
Royaume ? Mais plus important que cela, où sont les
références du professeur Lacroix pour soutenir ses
revendications ? Il n'en mentionne pas, car la plupart de
ses écrits sont clairement basés sur des idées calquées
des écrits de Mansur al-Nuqaidan qui est une figure
178 Mohammed Nasir al-Din al-Albani, voir ses annotations dans
« Mukhtasir al-Uluw Lil-Dhahabi », p. 64
principale dans le milieu des Saoudiens occidentalisés
qui se considèrent comme des « libéraux ». C'est, en
effet, al-Nuqaidan qui a prétendu qu'al-Albani est entré
dans le Royaume grâce au traitement préférentiel de
Sheikh Abdel-Aziz Ibn Baz. Cependant, prendre al-
Nuqaidan comme référence pose un problème. Tout
d’abord, il s’agit d’un individu qui n’a jamais bénéficié
d’un enseignement quelconque. C’est un fait prouvé
qu’il a dû se retirer de l’école à cause de son instabilité
mentale. Il a ensuite tenté d’étudier les sciences
islamiques mais échoue, à nouveau, lamentablement.
Mansur al-Nuqaidan finit en tant que hooligan Takfiri
dans les rues de Riyad où il brûle des commerces. Dans
un de ses articles, il admet avoir incendié une association
caritative pour veuves et orphelins. Al-Nuqaidan est
condamné à deux années et huit mois de prison fermes et
se rend finalement compte qu’il est un incompétent
incapable de mener une vie stable. Certes, il a échoué
dans les différents types d’études et son espoir de
devenir un leader dans le mouvement
Takfiri s’est envolé. Le docteur
Istifham explique dans le compte
rendu de son analyse de la personne
d’al-Nuqaidan intitulé « Mansur al-
Nuqaidan, Djawla fi radahat nafsi wa
damirihi »179
qu'il s’agit d’un individu
totalement déséquilibré qui prend une
opinion le soir uniquement pour
l’abandonner le lendemain180
. En effet,
al-Nuqaidan est passé de Takfiri
radical et délinquant pyromane à
néoconservateur extrémiste et diffamateur laïque de la
religion musulmane. Il a été poursuivi en justice pour
calomnie et diffamation et fut condamné pour une
deuxième fois par la justice saoudienne. Mansur
exploitera plus tard cette condamnation pour tirer
l’attention des médias tendancieux en Occident et
prétend avoir été déclaré coupable parce qu’il se battait
pour « la liberté »181
.
179 Source : http://www.saaid.net/mktarat/almani/46.htm 180 Dr Istifham a démontré comment le dénommé Mansur al-
Nuqaidan, durant toute sa vie, est tombé d'un extrême à l'autre. Dans
sa période Takfiri, il refusa par exemple de prier derrière un Imam
Sunnite qu'il accusait d'être un membre de la secte des Murjiyas. Un
an après, Mansur commença lui-même à inviter les gens ouvertement
à l'idéologie des Murjiyas. Puis, quelques mois avant sa conversion à
la laïcité, al-Nuqaidan offensa un Sheikh qui ne partageait pas son
avis en lui disant : « Tes propos sont de la mécréance! » Et
aujourd'hui, ce pantin des islamophobes occidentaux, accuse
l’ensemble des savants saoudiens de rendre mécréant les musulmans.
Avec un comportement si incohérent, il n’est pas étonnant que
Lacroix et al-Nuqaidan aillent admirablement de pair. 181 Mansur al-Nuqaidan « Telling the Truth, Facing the Whip », New
York Times [Dire la vérité face au fouet]. Le fait qu’un journal
comme le New York Times demande à une personne inculte et
tendancieuse comme al-Nuqaidan de rédiger un article où il diffame
les savants de l’Islam montre bien que les médias occidentaux
acceptent uniquement les articles d’Arabes à condition qu’ils se
déchaînent contre l’Islam et les musulmans.
LES FABLES DE LACROIX COMMENTEES PAR L’ŒUVRE DE SHEIKH AL-ALBANI
29
Sheikh al-Albani a gardé de très agréables souvenirs de l’Université Islamique de Médine
Dr Istifham explique que Mansur est extrêmement
égocentrique et en besoin d'attention continuelle. Ce
sont, bien entendu, des gens comme le professeur
Lacroix et d’autres islamophobes occidentaux qui, avec
un acharnement imbécile, lui consacrent l’attention dont
ils sont tellement en manque. Dans certains de ses
articles, Lacroix tente de porter aux nues ce délinquant
psychopathe et sacré menteur en le décrivant comme un
« intellectuel courageux »182
.
Mais revenons aux contes imaginaires du professeur
Lacroix qui, de plus en plus, remettent en question son
intégrité professionnelle. Les propos
suivants sur le voile musulman qu’il
attribue à Sheikh al-Albani n’étonnent
donc guère venant de sa part :
« La controverse suscitée par son livre
‘Le Voile de la Femme Musulmane’
dans lequel il a argumenté avec des
preuves qu’il ne faut pas que les
femmes musulmanes se couvrent le
visage — un avis inacceptable selon
les normes saoudiennes — a fini par
donner à l'établissement Wahhabite la
justification requise pour le faire sortir du Royaume en
1963. »
C’est avec ce ton pédant que le professeur Lacroix parle
d’un livre d'al-Albani qu’il n'a jamais lu. Dans « Le
Voile de la Femme Musulmane », le Sheikh albanais
conclut que les femmes musulmanes doivent couvrir leur
visage, mais mentionne que ce n'est pas une obligation.
Comme la majorité de savants musulmans, il considère
que le niqab fait partie de la Sounna et tombe sous la
catégorie « mustahab » des actes d'adoration183
. Par
conséquent, il n’est pas surprenant de savoir que les
femmes dans la famille d’al-Albani portaient le niqab.
L’assertion de Lacroix, attribuée à al-Albani, comme
quoi il ne faut pas que les femmes musulmanes se
couvrent le visage implique qu’al-Albani considérait le
port du niqab comme un acte détestable (makruh),
illicite (haram) ou qui ne fait pas parti des préceptes de
l’Islam (mubah).
182 Stéphane Lacroix est connu pour défendre ce genre d’Arabes
incultes avec un acharnement si furieux qu’il a présenté une
communication au colloque islamophobe de l'ISIM intitulé « Les
intellectuels saoudiens et le mouvement Islamo-Liberal ». En effet,
pour les racistes antimusulmans l’Arabe ne peut être intellectuel que
s’il prône la laïcité dans son pays. En contrepartie, les savants
musulmans qui ont étudié pendant des décennies n’ont obtenu ce titre
que par leur appartenance à une tribu qui a réussi à monopoliser une
partie du désert Arabe. De plus, ils ont tellement de science qu’ils ont
délaissé tout raisonnement humain. 183 Ce qui veut dire qu’il s’agit d’adorations fortement
recommandées.
Les quatre Imams (Abu Hanifa Malek, al-Shafi'i et
Ahmed) étaient tous d’avis que le niqab est une
recommandation religieuse et non une obligation184
ce
qui montre bien que les savants saoudiens contredisent
parfois le jugement de la majorité des savants islamiques
et des quatre écoles juridiques.
L'allégation de Lacroix comme quoi ce livre aurait
donné à ‘l'établissement « Wahhabite » la justification
requise pour expulser al-Albani du Royaume en 1963 est
impossible, car le livre a été écrit en 1949, douze années
avant l'arrivée du Sheikh en Arabie Saoudite. Bien au
contraire, la position d’al-Albani sur le
niqab n'a manifestement pas empêché
les plus hauts représentants de
« l’établissement Wahhabite »
d'inviter le Sheikh albanais pour
enseigner dans une de leurs universités
les plus prestigieuses.
En outre, d’autres articles du
professeur Lacroix démontrent qu’il se
livre à des conjectures et s’imagine
des choses insensées pour lesquelles il
est incapable de citer la moindre
référence. Dans un de ses articles, il mentionne :
« Dans son célèbre livre ‘Les Caractéristiques de la
Prière du Prophète’ (sifat salat al-nabi) al-Albani a
présenté plusieurs avis particuliers sur des rituels
islamiques qui ont suscité une controverse avec d'autres
savants. Certains affirment que ces controverses ont
mené à son expulsion de Médine en 1963... » 185
Cette assertion est également impossible parce que
Sheikh al-Albani a écrit ce livre à Damas avant qu'il ne
voyage en Arabie Saoudite. Donc, si nous avons bien
compris : un jour le départ d’al-Albani du Royaume était
dû à sa position sur le voile de la femme musulmane et,
un autre jour, c'est à cause de ses verdicts sur les rituels
islamiques de la prière. Est-ce que l’incompétence
stupéfiante du professeur doit être attribuée à sa
fourberie islamophobe ou tout simplement à une
confusion mentale186
? Une chose est certaine; il saisit
chaque prétexte pour présenter les savants saoudiens
comme des individus intolérants et mauvais qui
n'acceptent pas d'autres opinions.
184 L’Imam Ahmed a deux paroles dans ce sujet. Dans une parole il
considérait qu’il s’agissait d’une obligation, dans l’autre il voyait que
c’était mustahab (une adoration recommandée). 185 Stéphane Lacroix et Thomas Hegghammer, « Rejectionist
Islamism in Saudi Arabia : The Story of Juhayman al-‘Utaybi
Revisited », p.4 186 La confusion mentale est un état psychiatrique aigu, caractérisé
par une obnubilation de la conscience, un ralentissement de la
pensée, une désorientation dans l’espace et le temps et des troubles
de la mémoire. (Larousse médical)
LES FABLES DE LACROIX COMMENTEES PAR L’ŒUVRE DE SHEIKH AL-ALBANI
30
Al-Albani est né en 1914 à Shkodër dans le nord-ouest de l’Albanie.
La ville natale d’al-Albani ne se trouve pas en Syrie mais près de la frontière Monténégrine.
Sheikh al-Albani n'a jamais été expulsé officiellement de
l'Arabie Saoudite, mais a décidé de partir de lui-même
pour des raisons inconnues à tout le monde. Il n’a jamais
mentionné pourquoi il a dû quitter le Royaume et cela
reste un secret bien gardé jusqu'à ce jour. Il est
regrettable que Stéphane Lacroix utilise cet événement
pour critiquer les savants saoudiens, quelque chose
qu’al-Albani n'a jamais fait.
Le professeur foufou conclut cette partie
de son article avec une autre bévue
monumentale :
« Il s'est ensuite réinstallé dans son pays
de naissance, la Syrie, avant de partir
pour la Jordanie en 1979. »
Mohammed Nasir al-Din al-Albani est né
en 1914 à Shkodër près du la frontière
Monténégrine dans le nord-ouest de
l’Albanie, pas en Syrie. En brossant le
portrait du plus grand savant du Hadith au
siècle passé, le professeur Lacroix a été
incapable de déterminer correctement son
pays de naissance! L'idée que Stéphane
Lacroix se fasse rémunérer pour ses
articles maladroits fait froid dans le dos.
Les « Ijazas » et d'autres perceptions
erronées
Les nombreuses théories mentionnées par
notre expert islamologue tombent en
désordre total. Il n'y a pas une seule
phrase dans son article qui paraît vide
d’erreur, mensonge, fabulation ou
perception erronée. En voici un autre :
« Par conséquent, la science Wahhabite
traditionnelle fut le fruit d'un processus
de transmission et dépendait du nombre
d'ijazas — un certificat avec lequel un savant reconnaît
la transmission de sa science (ou une partie d’elle) à un
de ses élèves, et lui autorise de la transmettre –
attribuées par les savants Wahhabites respectés… »
Les « ijazas » ne sont rien de caractéristique pour ce que
Lacroix appelle le « Wahhabisme », elles ont toujours
existé depuis l’époque des tout premiers Muhaddithin et
des savants en général. Le professeur Lacroix nous
démontre, une fois de plus, son inaptitude à faire des
recherches dans un domaine qu’il prétend pouvoir
expliquer aux autres. Ce que Lacroix n’a pas saisi c’est
qu’il y a plusieurs types d’ijazas. Une catégorie autorise
de transmettre une collection de hadiths à travers une
chaîne de transmission distincte, tandis qu’une autre se
réfère à la maitrise et la connaissance approfondie d'une
certaine œuvre et à la capacité de l'enseigner aux autres.
Le premier type d’ijazas consiste d’autorisations qui
étaient basées sur des sessions de hadith auprès d’un
Sheikh187
et qui avaient souvent lieu à l’époque des
premiers savants du Hadith et contenaient une audience
beaucoup plus large188
. Aujourd'hui, ces sessions
existent toujours, mais ce genre d'ijazas n'est plus
considéré comme un élément décisif dû à
la propagation d'exemplaires imprimés des
livres de source. Les savants saoudiens
contemporains ont presque tous cessé
d’attacher ce degré d’importance à ce type
d’ijazas bien que certains les emploient
toujours pour garder en vie cette pratique
des prédécesseurs189
. De nos jours, avoir
plusieurs ijazas n’est plus forcément une
garantie que la personne soit qualifiée
pour enseigner190
.
Le deuxième type d’ijazas est un certificat
qui témoigne de la maitrise d’un certain
domaine des sciences Islamiques ou d’un
certain livre et qui est accompagné d’une
autorisation de l’enseigner. La raison pour
laquelle al-Albani ne possédait pas un
grand nombre de ce genre de certificats est
parce qu’il a grandi dans un pays avec très
peu de savants Sunnites. Malgré cela,
personne ne l’a considéré comme étant un
savant non qualifié, même pas les
« Wahhabites » qui l’ont invité pour
enseigner dans leur pays.
En présentant l’avis supposé d’al-Albani
sur les ijazas comme un nouvel élément
dans son approche révolutionnaire du
hadith, Lacroix pense avoir trouvé une
nouvelle preuve pour sa déduction
insolite :
« C'est exactement cette logique qu’al-Albani — qui lui-
même, ne possédait que très peu de ce genre de
certificats — allait défier en promouvant son approche
personnelle de la critique. En effet, selon al-Albani, la
transmission n'a aucune importance, car, chaque hadith
187 Cela signifie que l'étudiant présenterait à un Sheikh une certaine
matière dans une science d’une façon précise. Le Sheikh lui
accordera alors une ijaza ou une permission de transmettre cette
science aux autres. 188 Parfois, le nombre de personnes qui assistaient à ce genre
d’assises dépassait 200.000 individus. 189 C.-à-d. sans la présence des sévères conditions imposées par les
Muhaddithin 190 Abdoullah Ibn Mohammed al-Shamrani, « Thabt Mu’allafat al-
Albani », p. 97-98
LES FABLES DE LACROIX COMMENTEES PAR L’ŒUVRE DE SHEIKH AL-ALBANI
31
Les « ijazas » ont toujours existé depuis l’époque des premiers Muhaddithin
étant suspect, le fait qu'il soit rapporté par un savant
respecté ne peut garantir son authenticité. »
En développant son argumentation, Lacroix confond les
deux types d’ijazas et cela dans un même contexte.
Après avoir décrit les certificats de transmission du
savoir islamique, il mentionne soudainement le
deuxième type d’ijazas qui est exclusivement restreint à
la transmission de hadiths. Par conséquent, notre
professeur donne l’impression que les deux types
d’ijazas sont une chose identique poussant le lecteur à
croire qu’al-Albani dédaignait les ijazas. Ceci est
impossible, car nous parlons d’une des façons reconnues
dans la transmission du hadith qui est universellement
acceptée chez les Muhaddithin. Les livres d’al-Albani
contiennent d’innombrables exemples où il mentionne
comment certains narrateurs transmettent des hadiths
authentiques par le biais d’une ijaza191
. De même, sa
collection de hadiths authentiques intitulée « Silsila al-
Ahadith al-Sahiha » déborde d'exemples de ce type de
transmission. Voici une des paroles d’al-Albani:
« Je dis que cette chaîne de
narrateurs est correcte et que le
hadith est authentique parce qu'il a
été renforcé par d’autres hadiths par
le biais de la ijaza. »192
Comment le professeur Lacroix a-t-il
pu penser qu’al-Albani considérait
cette approche célèbre d'être sans
importance ? Une autre interprétation
plausible des récits incohérents de
Lacroix est qu’il croit que la
succession des rapporteurs du hadith existe jusqu’à ce
jour dans une chaine de transmission ininterrompue qui
comprend donc les Muhaddithin contemporains. Si c’est
vraiment sa compréhension, alors il est parfaitement
connu que l’époque de la transmission narrative
personnelle s’est terminée avec la composition
universelle des hadiths dans les recueils canoniques de
hadiths au IXe et Xe siècle. Mais peu importe si Lacroix
l’a compris de la première ou de la seconde façon, son
allégation est fausse dans les deux cas.
Or, en analysant l’assertion suivante de Lacroix, il
semble plutôt qu’il est d’avis que les Muhaddithin
contemporains font encore partie de la chaine de
transmission du hadith :
« Au contraire, le processus important est
l’accumulation — un bon savant de hadith est quelqu'un
qui a mémorisé un grand nombre de hadith et, de façon
191 Mohammed Nasir al-Din al-Albani, voir ses commentaires dans
« Al-Tankil Bima fi Ta’nib al-Kawthary min al-Abatil » 192 Mohammed Nasir al-Din al-Albani, « Silsila al-Ahadith al-
Sahiha » [Recueil de Hadiths Authentiques], 1/8
plus importante, les biographies d'un grand nombre de
narrateurs. »
Voici une nouvelle tentative de dépeindre les
Muhaddithin comme des gens qui n’emploient pas le
raisonnement indépendant, car ‘ils dépendent
uniquement de la mémorisation’. Or, il est bien connu
qu’une personne ne peut jamais devenir un vrai
Muhaddith sans avoir profondément étudié les autres
sciences Islamiques de la même façon qu’une personne
ne peut être considéré comme un expert dans les
mouvements Islamiques sans posséder une connaissance
de base de l’Islam, ses sciences et son histoire.
À nouveau, Lacroix confond les choses. Ce qu’il attribue
ici à al-Albani est une description de la réalité des
savants du Hadith à l’époque avant la composition des
recueils de Hadith. Or, le professeur comprend qu’al-
Albani voyait ceci comme une condition pour les
Muhaddithin au passé et au présent. Voici ce que disait
al-Albani à propos des conditions du savant du Hadith :
« Pour résumer, nous disons que la
seule condition requise pour juger les
hadiths authentiques ou faibles est
que la personne possède la
compétence nécessaire. En ce qui
concerne la mémorisation, alors c’est
une autre chose. Si la personne
possède un grand nombre de hadiths
mémorisés, alors c'est préférable.
Mais s'il ne possède pas cette grande
quantité de hadiths, alors ce n'est pas
une condition. Et cela a été établi par
les savants antérieurs. » 193
De plus, al-Albani a déclaré qu'il y avait un consensus
chez les savants dans la question :
« Les grands savants sont unanimes pour dire que la
seule et unique condition pour celui qui désire juger
authentiques ou faibles les hadiths, est qu'il maitrise
bien la science du hadith... »194
Mais selon le professeur Lacroix, l’importance est
uniquement d’accumuler et de mémoriser des hadiths.
Cette fable de Lacroix sert d’ailleurs d’appui pour sa
thèse qui veut que les « Wahhabites saoudiens » soient
devenus savants par leur descendance familiale ou
tribale, non par leur connaissance :
« Ainsi, la science du Hadith peut être mesurée selon des
critères objectifs qui ne sont pas liés à la famille, la
193 Mohammed Nasir al-Din al-Albani, « Al-Rad A’la Ta’aqub al-
Hadith », p.60 194 Ibid, p.57
LES FABLES DE LACROIX COMMENTEES PAR L’ŒUVRE DE SHEIKH AL-ALBANI
32
Pour Lacroix, les Muhaddithin contemporains font partie de la chaine de narrateurs du hadith also includes.
tribu ou à l’origine régionale, ce qui a permis une
certaine mesure de méritocratie qui fut auparavant
absente. »
Ce n'est certainement pas la première fois que Lacroix
représente les Saoudiens comme des ignorants et leur
société comme étant non méritocratique. C'est en effet,
la perception raciste que les islamophobes ont stimulée
et propagée dans les médias occidentaux durant de
longues décennies.
Au lieu de parler sans science sur les conditions des
savants du Hadith, le professeur Lacroix ferait peut-être
mieux de se poser la question s’il remplit
lui-même les conditions pour travailler en
tant que chercheur au CERI où « l’ancrage
empirique des recherches, adossé à une
connaissance des langues195
et des terrains,
a vocation à nourrir les débats conceptuels
en sciences sociales »…selon le site du
centre.
La Connexion Lacroix-Bin Laden
Il ne fait plus aucun doute que, dans sa
description de Sheikh al-Albani, le
professeur Lacroix a recueillis les
différentes critiques des ennemis de
l’époque du Sheikh. Après avoir exploité
les argumentations fallacieuses des
islamophobes laïques, des Soufis, des Haddadis et des
orientalistes, Lacroix reprend maintenant les calomnies
de la secte des Takfiris:
« A la fin des années 1980, certains élèves d'al-Albani,
sous la direction d’un Sheikh Médinois nommé Rabi’ al-
Madkhali, ont formé un réseau religieux non officiel
généralement connu sous le nom d'al-Jamiyya (‘les
Jamis’ sont nommés après un de leurs membres clés,
Mohammed Aman al-Jami). »
Le terme « al-Jamiya » fut introduit par les Takfiris et
des membres de la secte des neo-Khawarij après la
Guerre de Golfe pour riposter aux paroles des grands
savants comme Sheikh Ibn Baz, Mohammed Aman al-
Jami et d’autres qui avaient prononcé des fatwas qui
autorisaient de faire appel aux américains pour repousser
l’agression irakienne de Saddam Hussein. Les savants
d’Ahl al-Sounna qui avaient prononcé cette fatwa furent
couvert d’injures par les Takfiris qui les surnommaient
les « savants d'Amérique ». Comme Sheikh Mohammed
Aman al-Jami réfutait ouvertement les ambiguïtés de ces
gens qui adhéraient aux idéologies révolutionnaires et
qui suivaient le chemin de l'excommunication, ils ont
commencé à taxer de « Jamis » tous ceux qui n'ont pas
195 …y compris les prépositions comme « min » par exemple.
rejeté la présence militaire américaine dans le Royaume
Saoudien. Le terme est aussi utilisé par les ennemis de
l'appel au Tawhid pour aliéner les gens de la croyance
musulmane196
. Il n'y a bien entendu aucune secte ou
réseau religieux au nom de « al-Jamiyya » et personne
n’a jamais prétendu appartenir à ce groupe fictif197
. De
plus, Mohammed Aman al-Jami a toujours condamné la
formation de groupes et de sectes et n’aurait jamais
admis que des gens s’associent à un groupe qui est
dérivé de son nom198
. Or, pour le professeur Lacroix, le
Sheikh fut un membre clé de cette soi-disant
organisation.
En employant le terme « al-Jamiyya »,
Stéphane Lacroix a rejoint les rangs des
partisans d’Osama Bin Laden dans leurs
attaques des Salafis. Espérons seulement
que ce lien apparent à al-Qaïda ne va pas
susciter une attaque de drone américain sur
les immeubles de Sciences Po et du CERI à
Paris d’où opère le professeur Lacroix.
Certes, plusieurs endroits dans ce monde
ont déjà été dévastés par les yankees pour
des liens aux terroristes beaucoup moins
évidents que celui-ci.
Comme d’habitude, Stéphane Lacroix n’a
pas entrepris la moindre recherche sur
l’origine du terme « al-Jamiyya » et s’est
tout simplement contenté de suivre
aveuglément son gourou saoudien Mansur al-Nuqaidan
qui a acquis cette appellation lors de ses fréquentations
avec ses anciens compagnons Takfiris.
Le professeur Lacroix va encore plus loin et exploite
cette appellation forgée comme un nouvel argument
dans sa thèse manigancée pour représenter les savants
saoudiens comme une bande de racistes:
« Au-delà de leur focalisation sur le Hadith, les Jamis
sont devenus connus pour souligner avec force l’appel
d’al-Albani à ne pas participer à la politique et à
dénoncer ceux qui le faisaient. À nouveau, beaucoup de
Jamis étaient d'origine périphérique (al-Madkhali était
de Jazan, à la frontière yéménite, alors qu'al-Jami était
d'Ethiopie) et furent, par conséquent, exclus de toutes les
positions principales dans le champ religieux. »
196 Abdul-Aziz Ibn Rayyis, « Al-Jamiyya wa al-Wahhabiyya wa al-
Hachwiyya Alqab Tanfiriya », [Les Jamis, les Wahhabites,
Hachwiya, des termes d’aliénation], p.7 197 Bilal Ibn Abdul-Ghani al-Salimi « Abra’a Ila Allah min al-
Jamiyya wal Madkhaliyya », [Je cherche refuge auprès d’Allah des
Jamis et des Madkhalis], p. 81-82 198 Ibid, p.87, 117
LES FABLES DE LACROIX COMMENTEES PAR L’ŒUVRE DE SHEIKH AL-ALBANI
33
En dépit de ses origines, Sheikh Mohammed Aman al-Jami a eu l’honneur de pouvoir enseigner à la Mosquée du Prophète à Médine.
Comme nous l’avions déjà mentionné, l’appellation des
Jamis fut basée sur le rejet de la secte des neo-Khawarij
des fatwas prononcées lors de la Guerre du Golfe et non
sur des critères tribaux ou raciaux puisque plusieurs
savants Saoudiens d’origine ‘non périphérique’ (comme
par exemple Shaikh Saleh al-Fawzan) ont également été
accusé d’être membre de ce soi-disant ‘réseau non
officiel’. En conséquence, Sheikh Mohammed Aman al-
Jami et Sheikh Rabi’ al-Madkhali n'ont jamais été exclu
de positions principales dans le champ religieux, en
dépit de leurs origines étrangères ou périphériques. Pour
clarifier ceci, il suffit de mentionner que Sheikh
Mohammed Aman al-Jami faisait
partie de l’élite religieuse qui a eu
l’honneur de pouvoir enseigner au
« Masjid al-Nabawi », la grande
Mosquée du Prophète. Sheikh al-
Jami fut également embauché
comme professeur de dogme (aqida)
à la faculté de « Shari’a » de la
prestigieuse Université Islamique de
Médine. Mais, ce qui prouve hors de
tout doute qu’il ne fut jamais exclu
par « l’établissement religieux
Wahhabite », est que le Sheikh
éthiopien était un ami proche du
mufti de l’Arabie à l’époque, Sheikh Abdel-Aziz Ibn
Baz, avec qui il a effectué plusieurs voyages199
. Il a
également eu de nombreux entretiens personnels avec le
mufti Sheikh Mohammed Ibn Ibrahim Âl al-Sheikh200
.
De même, Sheikh Rabi’ al-Madkhali n’a jamais été
exclu du fait qu’il a grandi à la frontière yéménite
puisqu’il fut à la tête du département « al-Sounna » de
l’Université Islamique de Médine et était membre du
département d’enseignement. Il y a, en effet, une liste
innombrable de savants non-saoudiens et de savants
d’origine périphérique qui ont atteint les positions
religieuses les plus élevées dans le Royaume Saoudien
grâce à leur savoir islamique, non à leur origine ou leur
tribu.
Dans une prochaine étape, le professeur Lacroix prétend
que le gouvernement saoudien aurait financé ce groupe
imaginaire des Jamis:
199 Sheikh Mohammed Aman al-Jami accompagna Sheikh Ibn Baz
pendant ses voyages à Riyad après l'ouverture de l'Institut de la
Science (al-Ma’had al-I’lmi). Il fut également très proche du Mufti
pendant ses assises de sciences. 200 Imaginez-vous maintenant un étudiant Ethiopien qui atterrit en
France et qui finit comme professeur dans une des grandes
universités de l’hexagone. Ensuite, imaginez-vous que ce même
étudiant africain noue une amitié avec une personne haute placée
dans le gouvernement français (genre Sarko ou Valls) et effectue des
voyages avec elle. En effet, ce n’est même pas imaginable. Or,
Stéphane Lacroix a eu l’audace de prétendre que Sheikh al-Jami fut
exclus par les saoudiens dû à ses origines éthiopiennes.
« Ils gagneraient finalement de l’importance au début
des années 1990, lorsque le gouvernement saoudien les
appuya financièrement et institutionnellement dans
l'espoir de créer un contrepoids idéologique et
apolitique à l'opposition islamiste mené par 'al-Sahwa
al-Islamiyya’ (l'Éveil Islamique), un mouvement
religieux-politique et informel qui est apparu en Arabie
Saoudite dans les années 1960. ‘Al-Sahwa al-Islamiyya’
fut le résultat d'une hybridation entre le Wahhabisme
dans les affaires religieuses, et les idées de la Confrérie
Musulmane, dans les affaires politiques. »
Lorsque des savants comme Sheikh
al-Jami et Sheikh al-Madkhali
avaient réfuté des individus qui
adhéraient au mouvement d’al-
Sahwa, ces derniers les ont accusés
d’être les apologistes du
gouvernement saoudiens, voir leurs
agents. En prétendant que ces
savants se sont fait influencer dans
leurs fatwas par des financements
gouvernementaux, Stéphane Lacroix
rejoint à nouveau les Takfiris dans
leurs attaques calomnieuses à
l’égard des savants Sunnites
reconnus.
A-t-il réellement fallut trois décennies pour le
gouvernement saoudien avant de contrecarrer le
mouvement d’al-Sahwa en finançant quelques savants
« d'origine périphérique »? La thèse conspirationniste de
Lacroix devient très complexe. D’où obtient-il ses
informations dérisoires ? Si ces savants en questions
avaient réellement été soutenus institutionnellement,
alors où sont leurs organisations, où sont leurs
immeubles et où sont leurs institutions? Il est bien connu
que le gouvernement saoudien n’a pas besoin de
favoriser financièrement les savants du pays puisqu'ils
sont, à la base, déjà tous bien rémunérés.
Lacroix fait passer al-Albani pour un Takfiri
En survolant les fables de Lacroix dans cet article, une
question fondamentale surgit : pourquoi le professeur se
fatigue-t-il autant à inventer toutes ces histoires ? Il le
fait pour arriver à une conclusion finale qui sert à porter
atteinte à l’image du Muhaddith albanais. L’approche
« révolutionnaire » d’al-Albani du Hadith, son conflit
dissimulé avec les savants saoudiens, son adhésion
présumée au « Wahhabisme » ainsi que sa soi-disant
critique d’Ibn Abdel-Wahhâb auraient engendré
d’audacieux entrepreneurs religieux indépendants qui
mettraient au défi le « Wahhabisme ». Voici par quoi
Lacroix conclut son article :
LES FABLES DE LACROIX COMMENTEES PAR L’ŒUVRE DE SHEIKH AL-ALBANI
34
Dans ses articles, S. Lacroix tente fallacieusement de lier les Sheikhs Ibn Baz, Moqbil et al-Albani à l’attentat de Juhayman à la Mecque en 1979
« Par conséquent, les idées d’al-Albani ont donné aux
entrepreneurs indépendant et religieux Salafis une arme
pour se frayer un chemin dans des cercles qui,
auparavant, étaient très fermés… Pour toutes ces
raisons, les idées d’al-Albani deviendraient très vite un
moyen pour les entrepreneurs religieux Salafis, qui
n’étaient pas issus de l'aristocratie Wahhabite, de défier
la hiérarchie existante. »
Le message que Lacroix essaie de faire passer, est que
l'héritage d’al-Albani se compose d’un groupe de jeunes
aux idées insensées qui s’opposent aux savants
saoudiens. Or, Lacroix ne semble pas avoir saisi que les
gens qui défient les savants saoudiens et la « hiérarchie
existante » sont précisément les Takfiris et neo-Khawarij
connus pour rendre mécréant Sheikh al-Albani, pas pour
le défendre !
Les allégations du professeur Lacroix sont loin d’être
innocentes, car il tente d’argumenter
que ce soi-disant défi des jeunes
albanistes de « l'aristocratie
Wahhabite » fut seulement la phase
initiale d'un mouvement qui
résulterait plus tard en attentats
terroristes :
« Vers le milieu des années
soixante, plusieurs disciples d’al-
Albani à Médine ont fondé al-
Jama’a al-Salafiyya al-Muhtasiba
(Le Groupe Salafi qui Ordonne le
Bien et Interdit le Mal), une faction
radicale, dirigée par al Juhayman al-‘Utaybi, qui finira
par assaillir la grande mosquée de la Mecque en
novembre 1979. »
Le professeur Lacroix a rédigé une biographie de Sheikh
al-Albani truffée de fabrications et d’arguments
fallacieux dans le but unique de le lier à un mouvement
terroriste.
Les islamologues, orientalistes et « spécialistes » du
Moyen-Orient sont bien conscients qu’en liant des
personnages musulmans au terrorisme ils attireront
toujours plus d’attention. En élargissant de façon
imaginaire le réseau d’al-Qaida et en diabolisant la
communauté musulmane et ses savants reconnus, leurs
articles auront toujours plus de chance d'être publiés.
L’assaut de Juhayman de la grande mosquée de la
Mecque n'était en aucune façon lié à Sheikh al-Albani et
encore moins à son dogme ou à ses idées. L’attentat fut
basé sur le rêve présumé de certains partisans de
Juhayman dans lesquels ils ont vu que Mohammed al-
Qahtani était supposément le mahdi attendu. Peu après,
de nombreux témoignages sont apparus dans le monde
arabe de personnes qui prétendaient également avoir eu
le même rêve qui présageait l’arrivée du mehdi dans la
personne d’al-Qahtani. Le groupe de Juhayman a ensuite
exploité cette « répétition » de rêves pour corroborer leur
assertion que leur gourou fut réellement le mahdi. Dans
ses livres, al-Albani mentionna que bien avant
Juhayman, de nombreuses personnes démentes avaient
déjà faussement prétendu être le mehdi et que cela avait
également résulté en des agitations et séditions
ténébreuses. De même, il a expliqué que Juhaiman
s’était égaré justement à cause de son ignorance
immense et a déclaré que ses adeptes furent des simples
d’esprit et des scélérats.201
Le chercheur égyptien Dr
Mohammed al-Muqaddam explique dans son livre « al-
Mahdi » que les partisans de Juhayman avaient, à ce
stade, été imprégnés par l'idéologie Soufie dans laquelle
les rêves ont le même statut de véracité que la révélation
divine202
. Il est important de noter que ses adeptes sont
tombés dans un suivi aveugle absolu qui, par
conséquent, contredisait entièrement
les enseignements d’al-Albani. De
même, leur idéologie de « khuruj »
et de « takfir » fut entièrement
opposée aux principes salafis de
Sheikh al-Albani.
Dans un article qu’il a consacré à
Juhayman203
, le professeur Lacroix a
affirmé lui-même que le
groupement de Juhayman fut un
groupe politique204
alors qu’il
certifie qu'al-Albani n’était pas du
tout intéressé par la politique en
attribuant au Sheikh la parole que « la bonne politique
est d’abandonner la politique ». Cependant, d'une façon
ou d'une autre, Stéphane Lacroix veut nous faire croire
que les membres de ce groupe terroriste étaient des
partisans de Sheikh Albani ?!? Au moment de l'attaque,
Juhayman et ses partisans n'avaient plus rien en commun
avec le credo de la Salafiya ni avec les savants Salafis.
De plus, ils n'étaient pas les disciples ou étudiants d’al-
Albani mais plutôt un groupe de novices qui assistaient à
certains de ses cours tout comme ils assistaient au cours
201 Mohammed Nasir al-Din al-Albani, « Silsila al-Ahadith al-
Sahiha » [Recueil de Hadiths Authentiques], Vol. 8 (Hadiths 1529,
1924 et 2236) 202 Dr Mohammed Ahmed Isma’il al-Muqaddam, « Al-Mahdi »,
p.557-559 203 Dans l’article « Rejectionist Islamism in Saudi Arabia… » coécrit
avec l’islamophobe norvégien Thomas Hegghammer, le professeur
Lacroix prétend fallacieusement que son histoire sur Juhayman est
basée des recherches approfondies. Or, une petite recherche démontre
très vite qu’il s’agit d’un texte plagié en grande partie de l'article
arabe « Juhayman al-Uteybi, Maqati’ min Hayat Astura » écrit par
Mansur al-Nuqaidan que beaucoup considèrent comme la version
saoudienne de Hirshi Ali. 204 Stéphane Lacroix et Thomas Hegghammer, « Rejectionist
Islamism in Saudi Arabia : The Story of Juhayman al-‘Utaybi
Revisited », p.12
LES FABLES DE LACROIX COMMENTEES PAR L’ŒUVRE DE SHEIKH AL-ALBANI
35
Selon Stéphane Lacroix, des « savants Salafis » – âgés d’une vingtaine d’années – ont participé aux attentats de Riyad en 2003
de beaucoup d'autres savants. Plusieurs années avant
l’attentat de 1979, ils se sont égarés dans les ténèbres du
sectarisme. Ils ont d’ailleurs été conseillés par certains
Sheikhs Salafis qui leur ont demandé de ne pas former
un groupuscule indépendant.
Prétendre que cette attaque cruelle qui a eu lieu seize ans
après le départ d’al-Albani du Royaume soit liée à ses
idées ou à son idéologie est aussi farfelue que de
prétendre que Saddam Hussein avait un lien quelconque
avec al-Qaïda. Mais comment peut-on s’attendre à ce
que le professeur Lacroix comprenne réellement les
idées de Sheikh al-Albani en sachant qu’il n’a même pas
réussi à déterminer correctement son pays de naissance ?
Le message sous-entendu qui est également la
conclusion tirée de l’article du professeur Lacroix est
qu’un groupe d’étudiants d'al-Albani qui promouvaient
le rôle central du Hadith et défiaient « l’aristocratie
religieuse Wahhabite » ont fini par
commettre des attaques terroristes :
« À nouveau, la plupart de ces
savants étaient des figures
périphériques, tel que Sulayman al-
'Alwan. Né en 1970, al-'Alwan a
commencé à être connu comme savant
lorsqu’il avait la vingtaine. À part ce
jeune Sheikh d'origine non tribale, il y
avait également Abdallah al-Sa’d, de
qui la famille était venue de la ville de
Zubayr situé dans l’Irak Moderne.
Tous les deux deviendraient plus tard des figures clés
dans le mouvement Jihadi saoudien qui, après avoir
défié l'ordre religieux, se sont mis à défier l'ordre
politique. Par conséquent, ils ont été arrêtés et
emprisonnés après les attentats à la bombe en mai
2003. » 205
Et voilà ! Lacroix a d’abord imaginé une approche
révolutionnaire du Hadith qu’il a machiavéliquement
attribué à Sheikh al-Albani. Ensuite, il a élaboré un
scénario dans lequel cette approche a mené à des
frictions avec les savants de l’Arabie et, plus tard, à une
révolte contre « l’aristocratie Wahhabite ». Il conclut en
insinuant que l’attentat de Riyad en 2003 fait partie de
l’héritage de Sheikh al-Albani en liant l’assaut du
Haram al-Mekki en 1979 à certains de ses étudiants
présumés. Or, rattacher, directement ou indirectement, le
grand Muhaddith du siècle passé à des actes de
terrorisme montre que le professeur Lacroix est une
immonde créature qui n’éprouve aucun scrupule à
souiller l’honneur des grands savants musulmans. Quelle
205 Selon Lacroix, des jeunes d’une vingtaine d’années sont devenus
connus pour être des savants Salafis aux côtés de Sheikh Ibn
Utheymine et Sheikh Ibn Baz. De plus, ces jeunes savants Salafis ont
fini par commettre des attentats terroristes à la bombe.
est l’utilité de mentionner ces attentats à la bombe
commis par des gens qui détestaient et rendaient
mécréant al-Albani? Certes, les racistes antimusulmans
s’acharnent à lier tout ce qui revient aux enseignements
originaux de l’Islam au terrorisme. Il y a
malheureusement dans ces méthodes ignobles et
perverses de quoi prospérer dans le monde de la
recherche académique.
Le vrai Héritage de Sheikh al-Albani
L’Albanie, le pays le plus pauvre du continent européen,
est uniquement connue dans le monde musulman grâce à
Sheikh Mohammed Nasir al-Din al-Albani et son
remarquable patrimoine scientifique. Le dictateur
albanais Ahmed Zogolli n'aurait jamais été cité dans un
livre arabe si la biographie d’al-Albani ne mentionnait
pas comment lui et sa famille ont dû fuir son régime
dictatorial et laïc.
En France, le professeur Stéphane
Lacroix est représenté dans les
médias comme spécialiste de l’Islam
politique et expert de l’Arabie
Saoudite. Or, ses articles sur les
musulmans et leur religion sont des
compilations frauduleuses
d’illusions, de distorsions de faits, de
contrevérités flagrantes et de
compréhensions erronées dans
lesquelles il prend une approche
révolutionnaire dans la diffamation
de l’Islam et les musulmans. Le professeur Lacroix est
inapte à mener des recherches académiques dans le
domaine qu’il prétend maitriser avec si grande
confiance. Ses analyses et recherches « académiques »
s’avèrent être un mélange de recherches Google, de
plagiat éhonté et d’anciennes ambiguïtés orientalistes
modifiées à sa guise. Stéphane Lacroix est bien
conscient qu'il peut écrire des articles en toute impunité
tant qu’il traite des sujets avec lesquels son public n’est
pas familier. Et comme c’est le cas pour bien d'autres
enseignants à Sciences Po, il tire de grands avantages de
l’industrie fructueuse qui se cache derrière
l’islamophobie. Il est d’ailleurs très déplorable qu’un
centre comme le CERI — qui se vante de « valoriser les
trajectoires historiques des sociétés étudiées à travers ses
travaux » — serve de tremplin pour des islamophobes
qui, justement, n’ont aucun respect des sociétés qu’ils
étudient.
Cependant, une chose reste incontestable: dans ses
fables, le professeur Lacroix fait preuve d’une
imagination débordante. Il est ingénieux et pond des
articles invraisemblables qui contiennent des intrigues
détaillées qui sont toutes le fruit béni de son imagination
féconde. Il n'y a aucun doute que Stéphane Lacroix a le
LES FABLES DE LACROIX COMMENTEES PAR L’ŒUVRE DE SHEIKH AL-ALBANI
36
Le dictateur albanais laïc Ahmed Zogolli collaborait avec l’Italie Fasciste
Stéphane Lacroix, un charlatan islamophobe en croisade contre les musulmans et l’Islam.
profil idéal d’un écrivain de romans policier et, peut-être
même, d’un comédien humoriste.
On peut conclure que les islamologues qui
sont incapables d'analyser les fondations de
la croyance musulmane, l’œuvre des
Muhaddithin ainsi que l'influence et
l’expansion des sectes islamiques dans un
contexte historique viendront toujours avec
les déclarations les plus incohérentes. Mais
en France, il ne faut pas être expert dans le
domaine pour attirer l'attention des médias.
Khalida Messaoudi206
est un parfait exemple
de comment les médias français sont prêt à
absorber toute forme de diffamation
islamophobe, peu importe la profonde
débilité mentale de ces « experts ».
Messaoudi a proclamé, avec une rare
insolence, que la prosternation dans la prière
musulmane est « une position d’esclave
inventée par des Bédouins esclavagistes de
l’Arabie Saoudite ». En contrepartie, les
auteurs musulmans qui ont les compétences
d’effectuer des recherches académiques sont
exclus de toute participation dans les médias
principaux qui assurent ainsi un cordon
sanitaire pour éviter que l’assaut médiatique
mené contre « les barbus » et les porteuses
de niqabs soit interrompu.
Jusqu'à ce jour, la France n'a pas de loi
interdisant les diffamations et injures à caractère
islamophobe, comme c’est le cas pour les juifs toujours
si « intouchables ». Cette politique à deux mesures a
permis aux icônes de l'islamophobie française de se
présenter comme de bons Samaritains qui prétendent
défendre « le monde laïque et civilisé » des « grands
maux de l'Islam ». Dans les médias et la politique, ils
sont de plus en plus nombreux à se justifier et à se vanter
de leur haine envers les musulmans pratiquants et leur
religion. Tous les jours, la France ressemble un peu plus
à l’Allemagne Nazie.
Lorsque Sheikh al-Albani décède en 1999, ce fut un jour
de deuil pour des millions de musulmans au monde
entier. Bien que le Sheikh ne soit plus dans ses livres à
rechercher des hadiths, son œuvre continue d’exister et
personne ne doute que ce Muhaddith, si unique à son
époque, ne sera jamais oublié. Ses nombreuses
recherches scientifiques et ses écrits profitables pour la
Oumma ont fait de Mohammed Naser al-Din al-Albani
un homme qui sera aimé pour toujours. Quant au
professeur Lacroix, alors c’est l’un des nombreux
206 Khalida Messaoudi est une islamophobe Algérienne mis sur un
piédestal pas les medias antimusulmans. Elle est professeure de
mathématiques, mais ses attaques contre l’Islam en France ont fait
d’elle un expert de la religion musulmane.
charlatans issus du fanatisme laïciste français qui a
gâché sa vie dans la calomnie de la religion musulmane.
Il s’est entièrement dévoué à la cause des xénophobes
antimusulmans qui ont pour but unique de
porter atteinte à l’image des musulmans
qui souhaitent pratiquer ouvertement, et en
toute liberté, leur religion. Le professeur
Lacroix sera oublié, son discours
obscurantiste dissoudra sous la lumière
éclatante du savoir musulman et ses écrits
diffamatoires continueront ainsi à être
connus comme des escroqueries qui
disparaitront à jamais dans les ordures de
la propagande islamophobe…207
K. El Hidjaazi208
REMARQUE : Suite à la publication de cette
réponse sur ‘stéphane-lacroix-sciences-
po.com’, il semble que Stéphane Lacroix a fait
appel à l'assistante de direction à Sciences Po
pour porter plainte contre ce site dans lequel
sont divulguées ses fourberies scientifiques.
Ainsi, Olivia Ameye, a exigé à notre hébergeur
que le site soit supprimé au plus vite possible,
car celui-ci, selon elle, contiendrait une
usurpation d'identité. Bien entendu, ceci est
faux, car, à aucun moment, n'avons-nous
prétendu être Stéphane Lacroix ou Sciences
Po.
Il ne fait plus de doute que Sciences Po
cherche, coute que coute, à défendre ses employés
islamophobes. Alors que beaucoup s’attendaient justement à
une plainte contre Stéphane Lacroix pour racisme
antimusulman, plagiat et diffamation, il semble que Sciences
Po assume pleinement la défense de l'islamophobie au sein de
son institution.
Pour justifier leurs attaques continues visant la communauté
musulmane, les islamophobes en France font souvent appel à
la liberté d'expression, mais lorsque les musulmans désirent
s'exprimer et se défendre contre les affronts portés à l'égard
de l'Islam et des membres de leur communauté, il n'y plus de
liberté d'expression, ni même de droit à l'autodéfense.
Plusieurs nouveaux sites apparaîtront bientôt (incha Allah)
pour mettre au grand jour les tromperies de l'islamophobe
Stéphane Lacroix. La résistance au fascisme antimusulman et
à la diffamation islamophobe des Tartuffes islamologues
continu…
Les adresses des nouveaux sites seront postées en bas de ce
document PDF.
207 Les recherches pour cet article ont été faites dans la bibliothèque
de « Dal al-Hadith » à Ma’bar (Yémen). Je demande à Allah de
récompenser Sheikh Mohammed al-Imam pour mettre à disposition
aux étudiants la bibliothèque de son institut précieux... 208 Article original: « Sheikh al-Albani’s works reply to Stéphane
Lacroix’ revolutionary Lie »