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Claire Guillon, La pensée ésotérique de Léonard de Vinci :
étude de son œuvre manuscrite – Mémoire de Master 1
Article publié le 12 juin 2015. Pour citer cet article :
Claire Guillon, « La pensée ésotérique de Léonard de Vinci : étude de son œuvre manuscrite –
Mémoire de Master 1 », Carnet de recherche, 12 juin 2015 [en ligne].
http://cgcesr.wordpress.com/la-pensee-esoterique-de-leonard-de-vinci
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Claire Guillon, La pensée ésotérique de Léonard de Vinci : étude de son œuvre manuscrite
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AVANT-PROPOS
Cet écrit reprend l’ensemble des recherches effectuées cette année durant mon Master 1
« Renaissance et Patrimoine » au Centre d’Etudes Supérieures de la Renaissance à Tours.
L’idée de ce mémoire était d’examiner l’œuvre manuscrite de Léonard de Vinci afin d’y
déceler les mentions d’ésotérisme et de mettre en lumière les affinités, ou non, de ce dernier
avec notamment des pratiques telles que l’alchimie et l’hermétisme. Les annexes de ce
mémoire constituent l’aboutissement de ces recherches, fruit d’un long travail d’inventaire et
d’étude philologique. Le mémoire en tant que tel consiste en un commentaire du corpus formé
d’une cinquantaine de notes tirées de l’ensemble des manuscrits de Léonard de Vinci. Ce
commentaire ne peut être qu’une étude préliminaire, et donc forcément non exhaustive, sur un
sujet aussi complexe que Léonard de Vinci et l’ésotérisme. De nombreuses questions,
concernant notamment l’accès à de telles connaissances ou bien encore l’étude de son
entourage, méritent approfondissements. Ce mémoire donne des pistes quant à la façon de
penser de de Vinci, je souhaite qu’il puisse être utile à tous ceux qui suivront les chemins,
maintenant défrichés, dans cette quête de connaissances, si chère à Léonard.
Claire Guillon, La pensée ésotérique de Léonard de Vinci : étude de son œuvre manuscrite
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REMERCIEMENTS
Je tiens à remercier Pascal Brioist pour m’avoir soufflé l’idée de ce mémoire, imaginé
comme un « anti-Da Vinci Code » ; je ne suis pas certaine que le résultat soit aussi manifeste
qu’attendu, qu’importe, Léonard reste un sujet d’étude passionnant, surtout à l’aune des
traditions ésotériques. Je suis également reconnaissante à Benoist Pierre pour sa présence dans
ce jury de soutenance, ses recommandations en termes de méthodologie et d’historiographie
m’ont été grandement bénéfiques et le resteront dans les années à venir. Je remercie aussi
Andrea Bernardoni et Stéphane Toussaint pour leurs conseils avisés sur l’alchimie et
l’hermétisme, en attendant de pouvoir leur exprimer ma gratitude de vive voix à Florence très
bientôt. Je ne peux terminer ces remerciements sans mentionner Laëtitia Barrué et Jean
Thirion pour leur aide précieuse en matière d’ésotérisme durant toute cette recherche, j’espère
que vous apprécierez la lecture du fruit de mon esprit ; ainsi que Bastien Rissoan et Sophie
Degioanni, consoeur de relecture, pour nos discussions éclairées qui m’ont permis de toujours
avancer un peu plus loin dans ma réflexion, et réciproquement je l’espère. Ce mémoire était
un challenge, reprendre mes études après 10 ans loin des bancs universitaires, c’est chose
faite ! Merci à tous ceux qui ont rendu cela possible.
Claire Guillon, La pensée ésotérique de Léonard de Vinci : étude de son œuvre manuscrite
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INTRODUCTION
Léonard de Vinci, peintre, sculpteur, architecte, musicien, ingénieur, anatomiste,
mathématicien…C’est une œuvre monumentale que laisse à la postérité cet homme de la
Renaissance. Que savons-nous réellement de ce personnage devenu légendaire aujourd’hui,
qui nourrit l’imaginaire collectif, et autour duquel circulent tous les fantasmes ? Il suffit de
parcourir les rayons des librairies, ou d’effectuer la moindre recherche sur la toile pour
découvrir un Léonard ésotérique, féru d’occultisme, franc-maçon, quand il n’est pas un être
venu d’ailleurs ou un voyageur temporel. C’est dans le but de découvrir si de Vinci
s’intéressait réellement aux traditions ésotériques que ce mémoire a été conçu.
Nos recherches sur le sujet nous ont amenée à la remarque suivante : la plupart des
études, académiques ou non, concernant Léonard se préoccupent généralement de Léonard
artiste ou Léonard scientifique. Seul un ouvrage traite explicitement de la pensée ésotérique
de Léonard : il s’agit d’un manifeste de Paul Vulliaud1 en faveur de la pensée philosophique
et religieuse de de Vinci, s’appuyant sur l’étude des peintures de ce dernier. Les travaux de
Paul Vulliaud s’intéressent tous à la religion et l’ésotérisme, notamment à la Kabbale et aux
traditions juives. Son étude sur Léonard est à replacer dans le contexte du début du XXe siècle,
l’auteur cherchant avant tout à défendre l’art de la Renaissance, qu’il considère comme
supérieur à l’art de ses contemporains, en insistant sur le fait que de Vinci était un bon
chrétien, malgré tout ce qui a pu être dit à ce propos.
Il apparait ainsi que peu d’études scientifiques ont été menées jusqu’à présent sur la
pensée ésotérique de Léonard. Nous avons choisi de nous arrêter sur l’œuvre manuscrite de de
Vinci afin d’examiner les propos originaux de ce dernier, et ainsi proposer une réflexion
inédite à partir de sources primaires : les écrits de Léonard. Le thème de l’ésotérisme étant en
effet sujet à controverse, il nous est apparu important d’appuyer notre démonstration sur des
arguments précis, afin de permettre au lecteur d’avoir tous les éléments nécéssaires pour
apprécier notre démarche. L’étude de l’ésotérisme est un domaine encore peu représenté et
très récent dans le monde universitaire ; seules trois chaires sont consacrées à cette spécialité
en Europe : Wouter Jacobus Hanegraaff à l’université d’Amsterdam, Nicholas Goodrick
Clarke à Exeter, et la plus ancienne à l’École Pratique des Hautes Études avec Antoine Faivre.
C’est justement en nous appuyant sur les connaissances de ce dernier, et les quatre
caractéristiques données dans sa définition de l’ésotérisme2, que nous allons envisager l’étude
de la pensée de Léonard dans son œuvre manuscrite :
l’existence de correspondances universelles entre les différents niveaux de la
réalité
la Nature considérée comme un être vivant
1 Paul Vulliaud, La pensée ésotérique de Léonard de Vinci, Paris, Grasset, 1910. 2 Jean-Marc Font, Comprendre l’ésotérisme, Paris, Eyrolles, 2008, p. 183/3338 (Version numérique).
Claire Guillon, La pensée ésotérique de Léonard de Vinci : étude de son œuvre manuscrite
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la possibilité d’établir des ponts entre les niveaux de la réalité (médiations)
l’expérience de la transformation intérieure (transmutation spirituelle)
Nous avons de fait parcouru les manuscrits de de Vinci1 de diverses façons, par le biais de
traductions et transcriptions2, afin d’en extraire une cinquantaine de citations pouvant
correspondre à une de ces quatres caractéristiques. Afin de rendre la lecture de ce mémoire
plus agréable, nous avons constitué des annexes par thème3 regroupant ces citations à la fin de
notre démonstation. Nous proposons dans cette étude un commentaire de ces écrits de
Léonard en recourant à la philosophie naturelle mais également aux traditions hermétiques et
néoplatoniciennes.
Nous avons choisi de présenter le fruit de nos recherches de la façon suivante : dans un
premier temps, nous détaillerons la bibliothèque de Léonard afin de mieux comprendre son
environnement intellectuel, puis en second lieu nous analyserons la façon dont de Vinci
envisage l’homme dans l’univers, notamment à travers la peinture, avant d’examiner plus
précisement la place que tient la quête de connaissances dans la vie et l’œuvre de ce dernier.
1 Pour plus de détails, se réferer aux Annexes 1 et 2. 2 Pour plus de détails, se réferer à Bibliographie : Sources primaires. 3 Pour plus de détails, se réferer aux Annexes 3 à 7.
Claire Guillon, La pensée ésotérique de Léonard de Vinci : étude de son œuvre manuscrite
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1. COMPRENDRE LE MONDE POUR MIEUX LE RECRÉER
Notre première approche pour étudier la pensée ésotérique de Léonard consiste à
s’intéresser à ses influences, notamment à travers ses lectures. Dans son œuvre manuscrite,
nous retrouvons régulièrement des listes d’ouvrages, probablement dressées avant un
déménagement ou un voyage. À ses inventaires s’ajoutent des notes éparses au sein de
l’ensemble de ses carnets faisant référence à des auteurs ou des livres. En s’appuyant sur
l’étude de Romain Descendre, « La biblioteca di Leonardo »1, nous sommes en mesure de
mieux comprendre la nature des manuscrits contenus dans la bibliothèque de de Vinci. Nous
avons ainsi choisi d’analyser certains inventaires2 et notes permettant de donner un aperçu
général de la culture littéraire et la curiosité scientifique de Léonard, afin d’utiliser cette base
bibliographique pour expliciter la pensée de de Vinci dans la suite de cette étude.
1.1 DÉVELOPPER SES CONNAISSANCES INITIALES
Léonard nait au printemps 1452. Il est un enfant naturel issu d’une famille de notable de
Vinci, petite ville de toscane. Son père Pietro est un provincial cultivé et lettré très souvent
absent. Léonard grandit auprès de son oncle Francesco et son grand-père Antonio, au contact
de la vie artisanale et agricole d’un village de campagne, avant d’être pris en charge par
l’atelier d’Andrea de Verrocchio à Florence, recevant ainsi une formation technique et
artistique pluridisciplinaire, comme il était coutume à l’époque. Il n’a de fait aucune éducation
universitaire, ses connaissances du trivium – la grammaire, la dialectique, la rhétorique – et du
quadrivium – l’arithmétique, la musique, l’astronomie, la géométrie – sont donc acquises de
façon autodidacte. Il se qualifie lui-même d’« homme sans lettres »3 et cette distinction est un
trait de caractère récurrent dans ses notes, comme nous le verrons dans la suite de cette étude.
Cet apprentissage solitaire révèle plusieurs caractéristiques propres à Léonard en ce qui
concerne l’acquisition de savoirs mais aussi de savoir-faire, la plus notable étant
probablement son écriture spéculaire. Léonard est en effet gaucher. N’ayant pas été contraint
par l’instruction académique d’utiliser sa main droite, il a naturellement pris l’habitude
d’écrire de droite à gauche, en utilisant une graphie « en miroir ». Ses manuscrits sont ainsi
rédigés sous cette forme remarquable en langue italienne, un mélange de dialectes toscan et
lombard, ce qui est un autre signe distinctif de l’éducation populaire reçue par Léonard, à une
époque où l’homme de lettres s’exprime en langue latine.
Il n’est donc pas étonnant de retrouver dans les inventaires de Léonard des ouvrages
relatifs à l’apprentissage du latin tels que Ars grammatica maior d’Elio Donato, Doctrinale
puerorum d’Alexandre de Villedieu ou bien encore Vocabolista de Luigi Pulci. Au-delà de la
1 Romain Descendre, « La biblioteca di Leonardo », in Atlante della letteratura italiana, S. Luzatto et G. Pedullà
(ed.), vol. I, Turin, Einaudi, 2010 p. 592-95. 2 Annexe 3.2 : Codex de Madrid II, 3 ro. et Annexe 3.8 : Codex Atlanticus, 559 ro. 3 Annexe 6.11 : Codex Atlanticus, 327 vo.
Claire Guillon, La pensée ésotérique de Léonard de Vinci : étude de son œuvre manuscrite
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maitrise de la langue latine, Léonard s’applique également à améliorer son éloquence en
langue italienne, à travers l’utilisation de livres relatifs aux écrits épistolaires et rhétoriques
tels que Epistolae de Francesco Filelfo, Formulario di epistole vulgare missive e responsive et
altri fiori de ornati parlamenti de Cristoforo Landino, Fiore di rettorica de Guidotto da
Bologna ainsi que Elegantiolae d’Agostino Dati. Ces œuvres afférentes à la linguistique et la
syntaxe tant latine qu’italienne dénotent l’intérêt de Léonard pour communiquer de façon
convenable auprès de ses pairs mais aussi des différents mécènes qu’il côtoiera tout au long
de sa vie. Cela permet également à Léonard de s’appuyer sur le pouvoir des mots afin de
mettre en garde son lectorat contre les raisonnements spécieux, comme nous l’approfondirons
dans la partie « Être en quête de connaissance » de cette étude.
Un autre champ de connaissances crucial pour Léonard est l’acquisition d’une culture
mathématique, à travers l’arithmétique et la géométrie. Nous relevons dans ses inventaires
bibliographiques des mentions telles que D’abaco, Libro d’abaco, l’ha Giovan del Sodo,
Quadratura del circolo ou bien encore Arismetrica di Maestro Luca, cette dernière note
faisant référence à Luca Pacioli, mathématicien de renom. Sa rencontre avec ce dernier à la
cour de Ludovic Sforza lors de son premier séjour milanais sera le point de départ non
seulement d’un enseignement scientifique mais aussi d’une collaboration éditoriale avec la
publication du De Divina proportione1. Léonard participe à l’illustration de cet ouvrage en
dessinant une soixantaine de figures géométriques explicitant les propos du mathématicien.
Les thèmes abordés dans ce livre s’attardent sur la proportion mathématique et son usage en
géométrie, ainsi que dans les arts et l’architecture. Le titre renvoie aux théories
mathématiques telles que le nombre d’or ou la suite de Fibonacci, et à l’idée qu’une certaine
proportion universelle présente dans le macrocosme se retrouve dans le microcosme,
l’Homme de Vitruve étant souvent utilisé comme un exemple de cette correspondance. Nous
nous pencherons sur cette question des correspondances de façon plus précise dans la partie
« Être et apparaître : la question de l’engendrement » de cette étude.
Pour parfaire sa formation dans les arts libéraux, Léonard va également s’intéresser à la
météorologie et l’astronomie. Il est important de rappeler qu’à cette époque, les planètes et
leurs influences étaient étudiées de façon scientifique et ésotérique ; la distinction entre
astronomie et astrologie est ici un contresens historique, c’est pourquoi nous utiliserons le
terme « astronomie » dans la polysémie qui était sienne à la Renaissance. De nombreux
ouvrages d’auteurs antiques mais aussi contemporains de Léonard sont ainsi listés dans ses
carnets : Meteorologia d’Aristote et Cosmografia de Ptolémée côtoient Il quadrante d’Israele
de Jacob ben Machis ben Tibbon, l’Acerba de Cecco d’Ascoli, Kalendario de Regiomontano
1 Luca Pacioli & Léonard de Vinci, Divina proportione : opera a tutti glingegni perspicaci e curiosi necessaria
ove ciascun studioso di philosophia : prospettiva pittura sculptura : architectura : musica : e altre
mathematice : suavissima : sotile : e admirabile doctrina consequira : e delecterassi : co[n] varie questione de
secretissima scientia, Venise, A. Paganius Paganinus, 1509.
Claire Guillon, La pensée ésotérique de Léonard de Vinci : étude de son œuvre manuscrite
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et Oposculum repertorii pronosticon in mutationes aeris tam via astrologica quam
metheorologica de Firmin de Beauval.
Ces livres dénotent l’intérêt porté par Léonard pour comprendre les choses de l’univers,
le macrocosme et l’influence que ce dernier peut avoir sur terre, et particulièrement sur
l’homme, le microcosme. C’est précisément à ce niveau inférieur que nous allons à présent
analyser les lectures et références de de Vinci.
1.2 S’INTÉRESSER À LA PHILOSOPHIE NATURELLE
Léonard développe une curiosité pour le monde qui l’entoure, et l’astronomie, matière
noble du quadrivium, n’est qu’un sujet parmi d’autres. Il est délicat de vouloir catégoriser
précisément les champs de savoir étudiés par Léonard, les sciences humaines et exactes
formant un ensemble cohérent de recherches méthodiques que nous désignons ici par
l’expression philosophie naturelle. Cette approche prédomine auprès des savants et ingénieurs
jusqu’au XVIe siècle ; dans un contexte où le dogme religieux propose une cosmogonie et des
réponses aux questions rationnelles, observer le monde environnant et s’interroger sur les
rapports entretenus par les choses de la Nature, tant au niveau du vivant que de l’inerte, du
visible et de l’invisible, devient une démarche scientifique à part entière.
Il est de ce fait intéressant de noter deux allusions que fait Léonard à des hommes du
passé correspondant à cet archétype du savant en quête de compréhension du monde. Nous
trouvons ainsi dans le Codex Arundel la mention « Rugieri Bacon fatto in istampa »1 ainsi
qu’une inscription en forme de rappel « Cerca in Firenze della Ramondina »2. La première
désigne explicitement Roger Bacon, philosophe, savant et alchimiste anglais du XIIIe siècle,
considéré comme un précurseur de la science expérimentale. Il propose en effet d’accéder à la
connaissance du monde par le biais de l’esprit mais aussi au moyen d’instruments pour mettre
en pratique raisonnements et intuitions3. La seconde renvoie à Raymond Lulle, philosophe,
théologien et missionnaire catalan des XIIIe et XIV
e siècles, qui s’inscrit dans la lignée de
Roger Bacon. Son œuvre majeure Ars magna4 présente une façon d’envisager un
raisonnement sur la compréhension du monde en se basant sur une logique à la fois
géométrique et spirituelle. Cette forme d’organisation rigoureuse et démonstrative se retrouve
également dans des ouvrages tels que Liber de ascensu et descensu intellectus5, dans lequel à
l’aide d’« échelles de la connaissance » l’homme en quête de savoir peut percer les secrets de
1 Annexe 3.6 : Codex Arundel, 71 vo. 2 Annexe 3.7 : Codex Arundel, 192 vo. 3 « Sed duplex est experentia : una est per sensus exteriore, et sic experimenta ea, quae in coelo sunt… et haec
inferiora… experimur… Et haec experentia est humana et philosophica, quantum homo potest facere secundum
gratiam ei datam ; sed haec experentia non sufficit homini, quia non plene certificat de corporalibus propter sui
difficultatem, et de spiritualibus nihil attingit. […] Et qui in his experientiis vel in pluribus eorum est diligenter
exercitatus, ipse potest certificare se et alios non solum de spiritualibus, sed omnibus scientiis humanis…
necessaria est nobis scientia, quae experimentalis vocatur. » Roger Bacon, Opus majus, 1267, t. II, John Henry
Bridges, Oxford, Clarendon Press, 1897, p. 169-171. 4 Raymond Lulle, Ars magna : compendiosa inveniendi veritam, 1277. 5 Raymond Lulle, Liber de ascensu et descensu intellectus, 1304.
Claire Guillon, La pensée ésotérique de Léonard de Vinci : étude de son œuvre manuscrite
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l’univers, ou bien encore Arbre de ciència1, livre encyclopédique écrit en catalan à destination
d’un public non érudit, reprenant à travers l’analogie végétale de l’Arbre les différentes
disciplines structurant le monde visible et invisible. Roger Bacon et Raymond Lulle, tous
deux moines franciscains – comme Luca Pacioli – intègrent systématiquement un aspect
mystique à leurs recherches, cette association entre le monde concret et le monde éthéré
témoigne d’une approche à la fois savante et ésotérique de l’univers. Ces deux auteurs par
l’ampleur de leur curiosité scientifique mais également par leurs idées, révolutionnaires pour
leur époque, peuvent être envisagés comme des références pour Léonard. Il fait preuve lui
aussi d’un intérêt sans limite pour les choses de la Nature et envisage de transmettre son
savoir au plus grand nombre, comme nous pouvons le déduire à la lecture des nombreuses
allusions à des traités prévus par de Vinci au sein de son œuvre manuscrite.
L’appétence de Léonard pour mieux comprendre son environnement ne s’arrête pas aux
écrits médiévaux de ses deux hommes de science, elle se retrouve aussi dans des ouvrages
traitant spécifiquement d’Histoire tels que Le Deche de Tite Live, Istorie di Giustino,
abbreviatore di Trogo Pompeio ou bien encore Cronica d’Isidore di Siviglia, mais également
de géographie comme La Sfera de Leonardo et Goro Dati ou Tractato delle più maravegliose
cosse e più notabile che si trovano in le parte del mondo de John Mandeville. Cette approche
à la fois temporelle et physique du monde rejoint les considérations parsemant les écrits de
Léonard sur la conception des choses sensibles et insaisissables, comme nous le
développerons dans les parties « Décomposer les énergies vitales » et « Percevoir les
dimensions temporelles » de cette étude.
L’analyse du monde terrestre, et notamment des règnes animal, végétal et minéral se
traduit par la présence dans la bibliothèque de Léonard de livres tels que Historia naturale di
C. Plinio secondo tradocta di lingua latina in fiorentina per C. Landino, Il Lapidario o la
forza e la virtù delle pietre preziose delle erbe e degli animali et aussi Libro delle virtù delle
erbe e pietre quale fece Alberto Magno vulgare… insieme con il trattato degli secreti de la
natura umana. Nous pouvons remarquer que Léonard cultive un intérêt pour les pierres, et
peut-être également pour leurs pouvoirs supposés. En effet, il n’est pas rare à l’époque de
considérer les minéraux – pierres précieuses et métaux – comme des éléments du microcosme
correspondant à ceux du macrocosme – planètes, divinités ou signes zodiacaux. Cette
utilisation des minéraux en fonction de leurs effets analogiques est employée en alchimie,
notamment dans la quête de la Pierre Philosophale. Nous savons que Léonard a côtoyé durant
de nombreuses années un personnage qui reste encore aujourd’hui relativement mystérieux :
Tommaso di Giovanni Masini plus connu sous le surnom de Zoroastre2. Il apparaît à la fois
1 Raymond Lulle, Arbre de ciència, 1295-96. 2 Pour plus de détails sur Zoroastre, se référer au chapitre éponyme dans l’ouvrage de Charles Nicholl, Léonard
de Vinci biographie, Arles, Actes Sud, 2006, p. 174-178.
Claire Guillon, La pensée ésotérique de Léonard de Vinci : étude de son œuvre manuscrite
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comme artisan travaillant le métal, philosophe alchimiste et artiste extravagant. Son épitaphe1
laisse à penser qu’il a pu être un compagnon d’expériences intéressant pour Léonard, qui lui-
même artisan peintre et sculpteur, s’adonnait à la préparation de composés alchimiques pour
élaborer des peintures à la pigmentation ou texture toujours plus audacieuses.
Parmi les créations de la Nature, Léonard se passionne plus particulièrement pour la
plus complexe d’entre elles : l’être humain. Nous retrouvons plusieurs mentions ayant trait à
la médecine ou l’anatomie dans ses inventaires : Cyrurgia de Guy de Chauliac, Tractato
utilissimo circa la conservatione de la sanitade d’Ugo Benzi, Libro terzo d’Almansore,
Cibaldone de Mohammed Rhasis, De natura humana d’Antonio Zeno, Liber physiognomiae
de Michele Scoto et Chiromantia scientia. Ces deux derniers ouvrages nous amènent à
réfléchir une fois de plus sur la théorie des correspondances entendue à l’époque. En effet, le
corps humain était considéré comme une version miniature de l’univers, les choses de la
Nature – visibles et invisibles – avaient ainsi logiquement un écho organique chez l’homme.
Des livres traitant de la découverte de traits de caractères – invisibles – à travers l’étude de
traits physiques – visibles – sont largement répandus à l’époque, et le resteront durant
plusieurs siècles. La curiosité de Léonard à propos de la chiromancie, l’interprétation des
lignes et autres signes distinctifs de la paume de la main, et de la physiognomonie,
l’observation de l’apparence physique d’une personne – et plus particulièrement des traits de
son visage, peut être envisagée à travers ses qualités de peintre.
Il est intéressant de noter que la quasi-totalité des ouvrages possédés par Léonard sont
des œuvres écrites, traduites ou abrégées en langue italienne ; il n’acquiert donc pas ses
connaissances en langue latine mais à travers la médiation d’un traducteur, qui peut parfois
interpréter de façon très personnelle les propos originaux de l’auteur. Nous reviendrons sur la
façon dont Léonard s’intéresse aux abréviateurs et commentateurs au cours de notre étude.
1.3 NOURRIR L’ESPRIT ET L’ÂME
Au-delà des considérations scientifiques, et dans une perspective humaniste de la
connaissance des choses de la Nature, Léonard possède également une importante
bibliothèque d’œuvres littéraires, morales, religieuses et philosophiques. Il n’est pas étonnant
de retrouver dans les manuscrits de de Vinci, parmi les démonstrations scientifiques, des
fables, devinettes, maximes, prophéties et autres pensées philosophiques ou morales lorsque
nous connaissons la nature de ses inventaires.
Léonard apprécie visiblement la littérature des auteurs antiques mais également de ses
contemporains : Le Pistole d’Ovide, Favole d’Esope, Facetiae du Pogge, Canzoniere e
Trionfi de Petrarque, Il Morgante de Luigi Pulci, Il Driadeo de Luca Pulci, Sonetti de
Burchiello pour ne citer que les plus illustres. Parmi ses ouvrages littéraires, nous pouvons
1 « Zoroastro Masino, homme exceptionnel pour sa probité, sa sincérité et sa libéralité, et vrai philosophe qui
scruta les ténèbres de la Nature au bénéfice admirable de la Nature elle-même », Ibid., p. 177.
Claire Guillon, La pensée ésotérique de Léonard de Vinci : étude de son œuvre manuscrite
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considérer deux d’entre eux plus singulièrement, quant à leur portée morale : il s’agit de deux
textes anonymes Il Manganello et Fior di virtù la quale tracta de tutti li vitii humani […] et
insegna come se debia acquistar le virtù. Le premier est un poème misogyne imité de la
Sixième satire de Juvénal et le second un traité de morale comportant trente-cinq chapitres
relatifs aux vices et aux vertus. Ces deux livres, loin d’être anecdotiques, renvoient à un
conflit interne avec lequel Léonard bataillera toute sa vie : la lutte contre ses désirs
homosexuels et la nécessité d’être un homme vertueux1. L’œuvre manuscrite de de Vinci
abonde ainsi en notes relatives aux mensonges et à la vérité, comme nous l’examinerons dans
la partie « Faire preuve d’esprit critique », mais aussi en mentions s’attachant à l’importance
de laisser une trace vertueuse dans les mémoires, comme nous l’analyserons dans la partie
« Devenir meilleur par le savoir » de cette étude.
Cette quête pour devenir un homme meilleur est également présente dans les livres
religieux et philosophiques listés dans les carnets de Léonard. La Bible et les Psaumes
côtoient La vitae ei i miracoli del beatissimo Ambrogio de Paolo di Milano et Libro della vita
dei filosofi e delle loro elegantissime de Diogene Laerzio, ou bien encore un sermon de
Savonarole sur le temple de Salomon et Theologia Platonica sive de animarum immortalitate
de Marsile Ficin. Ce dernier ouvrage peut être mis en relation avec une note contenue dans le
Manuscrit M, dont la signification reste incertaine : « Ermete filosafo »2. En effet, Cosme de
Médicis confie la tâche en 1463 à Marsile Ficin de traduire des manuscrits contenant des
révélations rapportés de Macédoine, l’auteur de ses manuscrits étant envisagé comme membre
de la secte des premiers théologiens, qui serait antérieure à toutes les traditions théologiques
et donc imprégnée de mystères primordiaux. Cette prisca theologia aurait pour point de
départ Hermès [Trismégiste], se poursuivrait avec Orphée, Aglaophème, Pythagore, Philolaos
et se terminerait avec Platon. Marsile Ficin n’aura de cesse durant toute sa vie de traduire et
commenter des textes empreints d’ésotérisme – notamment hermétique – et de platonisme3.
Le fait de trouver une référence explicite à Hermès Trismégiste dans l’œuvre manuscrite de
Léonard nous amène à envisager un intérêt certain porté par ce dernier aux préceptes du
philosophe ésotérique, dont la théorie des correspondances et la compréhension des choses de
la Nature sont au cœur de l’œuvre, comme nous pouvons le constater dans la Table
d’émeraude (Tabula Smaragdina), texte alchimique et hermétique attribué à Hermès
Trismégiste :
Verum, sine mendacio, certum et verissimum : quod est inferius est sicut
quod est superius; et quod est superius est sicut quod est inferius, ad
perpetranda miracula rei unius. Et sicut omnes res fuerunt ab uno,
1 Pour plus de détails sur Léonard et son homosexualité, se référer au chapitre intitulé « L’affaire Saltarelli »
dans l’ouvrage de Charles Nicholl, Léonard de Vinci biographie, Arles, Actes Sud, 2006, p. 144-153. 2 Annexe 3.11 : Manuscrit M, I cop vo. 3 Pour plus de détails sur Marsile Ficin et l’hermétisme, se référer à l’ouvrage d’Eugenio Garin, Hermétisme et
Renaissance, Paris, Allia, 2001.
Claire Guillon, La pensée ésotérique de Léonard de Vinci : étude de son œuvre manuscrite
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mediatione unius, sic omnes res natae fuerunt ab hac una re, adaptatione.
Pater ejus est Sol, mater ejus Luna; portavit illud Ventus in ventre suo;
nutrix ejus Terra est. Pater omnis telesmi totius mundi est hic. Vis ejus
integra est si versa fuerit in terram. Separabis terram ab igne, subtile a
spisso, suaviter, cum magno ingenio. Ascendit a terra in caelum, iterumque
descendit in terram, et recipit vim superiorum et inferiorum. Sic habebis
gloriam totius mundi. Ideo fugiet a te omnis obscuritas. Haec est totius
fortitudinis fortitudo fortis; quia vincet omnem rem subtilem, omnemque
solidam penetrabit. Sic mundus creatus est. Hinc erunt adaptationes
mirabiles, quarum modus est hic. Itaque vocatus sum Hermes Trismegistus,
habens tres partes philosophiae totius mundi. Completum est quod dixi de
operatione Solis1.
À travers ces inventaires et notes disséminées dans son œuvre manuscrite, Léonard nous
donne un aperçu de sa curiosité non seulement scientifique mais également intellectuelle. Il
s’intéresse en effet aussi bien au Latin et à la syntaxe qu’aux mathématiques et à l’astronomie,
s’appuie sur les connaissances du passé avec Roger Bacon ou Raymond Lulle, mais
également sur les recherches de ses contemporains avec l’Histoire et la géographie physique.
Il se passionne surtout pour les sciences de la Nature, et plus particulièrement celles
concernant l’être humain, cet aspect scientifique étant mis en balance avec son appétence pour
la littérature et les écrits moraux, religieux et philosophiques. C’est précisément à l’aune de
ces préceptes philosophiques que nous allons à présent envisager la pensée ésotérique dans
l’œuvre manuscrite de Léonard.
1 « Il est vrai, sans mensonge, certain, et très véritable: ce qui est en bas, est comme ce qui est en haut; et ce qui
est en haut est comme ce qui est en bas, pour faire les miracles d'une seule chose. Et comme toutes les choses ont
été, et sont venues d’un, par la médiation d’un : ainsi toutes les choses ont été nées de cette chose unique, par
adaptation. Le soleil en est le père, la lune est sa mère, le vent l’a porté dans son ventre ; la Terre est sa nourrice.
Le père de tout le telesme [volonté] de tout le monde est ici. Sa force ou puissance est entière, si elle est
convertie en terre. Tu sépareras la terre du feu, le subtil de l’épais doucement, avec grande industrie. Il monte de
la terre au ciel, et derechef il descend en terre, et il reçoit la force des choses supérieures et inférieures. Tu auras
par ce moyen la gloire de tout le monde ; et pour cela toute obscurité s’enfuira de toi. C'est la force forte de toute
force : car elle vaincra toute chose subtile, et pénétrera toute chose solide. Ainsi le monde a été créé. De ceci
seront et sortiront d'admirables adaptations, desquelles le moyen en est ici. C’est pourquoi j'ai été appelé Hermès
Trismégiste, ayant les trois parties de la philosophie de tout le monde. Ce que j’ai dit de l'opération du Soleil est
accompli, et parachevé. », trad. Hortulain, XVIe siècle.
Claire Guillon, La pensée ésotérique de Léonard de Vinci : étude de son œuvre manuscrite
13
2. ANALYSER LE MONDE POUR MIEUX SE L’APPROPRIER
C’est par une citation de Paul Vulliaud tirée de La pensée ésotérique de Léonard de
Vinci1 que nous souhaitons débuter cette partie :
Cependant il y a en tout un mystère ; ce sont les lois harmoniques de la
Nature exprimées sous les apparences sensibles, les étudier pour remonte à
leur Auteur comme l’Artiste en a témoigné maintes fois, c’est là s’adonner à
l’étude du seul et vrai Mystère. Léonard de Vinci s’est révélé grand fidèle
de l’école cosmique.
L’auteur de ses lignes s’intéresse à l’œuvre picturale de de Vinci lorsqu’il émet cette
remarque ; nous allons tenter de savoir si cette observation peut s’appliquer à l’étude de
l’œuvre manuscrite de Léonard. Ainsi à travers la question des créations naturelles et
artificielles, nous serons amenés à examiner les structures qui ordonnent le monde d’un point
de vue physique et métaphysique, avant de considérer les aspects linéaires et universels de ce
dernier, en lien avec la nature cyclique du temps.
2.1 ÊTRE ET APPARAITRE : LA QUESTION DE L’ENGENDREMENT
Dans la tradition chrétienne, la création à partir du néant est l’acte d’autorité absolu de
Dieu : « Lorsque Dieu commença la création du ciel et de la terre, la terre était déserte et
vide »2 ; à l’inverse dans la tradition mythologique et philosophique gréco-romaine, la
création naît à partir d’un élément originel. Ainsi Lucrèce, s’inscrivant dans une lignée de
philosophes antiques incluant Hermès Trismégiste, Pythagore, Aristote, mais aussi Platon,
exprime ce nécessaire principe primitif dans De rerum natura3 : « Principium cuius hinc nobis
exordiasumet, nullam rem e nihilo gigni divinitus umquam »4. Léonard, à travers son œuvre
manuscrite, tente de concilier ces deux aspects pourtant contradictoires de la création, en
reconnaissant la nature hégémonique de Dieu, créateur de toutes choses, mais en établissant
également une filiation entre la Nature et l’homme, création suprême, qui concentre toutes les
possibilités offertes par l’univers, notamment la plus noble : la reproduction.
2.1.1 S’INCLINER DEVANT LA CRÉATION DIVINE
La position de Léonard vis-à-vis de Dieu est celle d’un homme de son époque, éduqué
dans une culture chrétienne présente à tous les niveaux de l’existence ; nous retrouvons
différentes mentions de Dieu et de son œuvre dans les manuscrits de de Vinci. Ces références
sont de plusieurs ordres. Léonard reconnaît la nature prépotente de Dieu et s’indigne contre
1 Paul Vulliaud, La pensée ésotérique de Léonard de Vinci, Paris, Grasset, 1910, p. 28-29. 2 La Bible, la Genèse 1.1 et 1.2. 3 Lucrèce, De rerum natura, livre I, l. 149-50. 4 « Voici donc le premier axiome qui nous servira de base, rien ne sort du néant, fût-ce même sous une main
divine. », trad. Henri Clouard, XXe siècle.
Claire Guillon, La pensée ésotérique de Léonard de Vinci : étude de son œuvre manuscrite
14
ceux qui cherchent à s’affranchir de sa puissance. Dieu est en effet créateur de toutes choses :
la Nature est son œuvre et l’homme sa main.
Il est intéressant de s’attarder sur une note contenue dans le Codex Forster1 :
Io t’ubbidisco, Signore, prima per l’amore che ragionelomente portare ti
debbo, secondaria che tu sai abbreviare o prolungare le vite a li omini.
Léonard vient alors d’entamer la quarantaine, il est au service de Ludovic Sforza à Milan
depuis déjà plus d’une décennie et travaille sur une œuvre monumentale qui ne verra jamais le
jour faute de matériaux disponibles : une sculpture équestre aux proportions gigantesques
nécessitant une centaine de tonnes de bronze. Cette supplique dépeint remarquablement la
personnalité de Léonard, pour qui l’obéissance à Dieu est un devoir raisonnable, car ce
dernier est le seul à pouvoir influer sur la vie des hommes. Nous reconnaissons ici des qualités
tant scientifiques que morales concernant la raison et le temps qui seront développées plus en
détail ultérieurement.
Nous retrouvons une autre mention de ce caractère supérieur de la puissance divine dans
une note en forme de rappel du Codex Atlanticus2 : « Ancora si po dire delli influssi de’
pianeti e di Dio ». Dieu est alors envisagé au même niveau que les planètes quant à
l’influence exercée sur la Nature et les hommes. Cette approche à la fois divine et
astronomique rejoint les doctrines ésotériques qui ont cours depuis l’Antiquité, toujours
présentes au Moyen Âge et à la Renaissance, notamment en ce qui concerne les sciences
médicales. En effet, la santé du corps et de l’esprit est alors envisagée comme un équilibre
entre différentes humeurs, correspondant chacune à un élément fondamental – air, feu, eau,
terre – et à un état – chaud, froid, sec, humide. Cette théorie développée dans le Corpus
Hippocraticum admet l’influence des planètes, des saisons ou bien encore des âges de la vie
pour effectuer un diagnostic ou un traitement médical. Léonard s’inscrit donc dans une école
de pensée représentative de son époque, pour laquelle divin et ésotérique ne sont pas
antinomiques, puisque toute chose procède de l’univers, et de ce fait, de Dieu.
Loin de s’adonner aux pratiques ésotériques, Léonard critique même celles-ci de façon
explicite dans une longue note présente dans le Corpus sur les études anatomiques3,
probablement écrite à la fin de sa vie. Il s’offusque des hommes qui cherchent à s’approprier
la puissance de Dieu : les nécromants. Dans une démonstration propre à l’esprit rationnel de
de Vinci, la nécromancie est pour lui le fait du plus stupide des discours humains, puisque ces
esprits crédules espèrent maîtriser les choses de l’univers, contre toutes lois scientifiques et
naturelles. Léonard décrit ainsi de nombreux exemples des actions supposées permises par la
nécromancie et d’ajouter cyniquement : « Quale è quella cos ache per tale artefice far non si
possa ? Quasi nessuna, eccetto il levarsi la morte. » Si un tel art était réel, pourquoi donc
1 Annexe 7.1 : Codex Forster III, 29 ro. 2 Annexe 4.16 : Codex Atlanticus, 543 vo. 3 Annexe 5.18 : Corpus sur les études anatomiques, 49 vo [II].
Claire Guillon, La pensée ésotérique de Léonard de Vinci : étude de son œuvre manuscrite
15
aurait-il disparu ? Nombreux en effet sont les hommes qui désirent maîtriser un pouvoir si
grand, qui les placerait au-dessus de Dieu et de l’univers. Pour Léonard, se soustraire à la
puissance divine est ainsi pure folie ; il conclut en toute logique que tout élément possède un
corps matériel, et de ce fait il est impossible que la magie, s’appuyant sur des choses
invisibles et immatérielles, existe :
E s’ella non è rimasta infra li omini, essendo a lui tanto necessaria, essa
non fu mai, nè mai è per dovere essere, per la difinizion dello spirito, il
quale è invisibile, incorporeo, e dentro alli elementi non è cose incorporee,
perchè dove non è corpo, è vacuo, e il vacuo non si dà dentro alli elementi,
perchè subito sarebbe dall’elemento riempiuto.
Toujours dans le Corpus sur les études anatomiques1, nous trouvons une note étonnante
mettant en parallèle le travail de de Vinci et celui de Dieu. Léonard s’adresse ainsi de façon
solennelle à l’humanité : s’il est criminel de détruire ses œuvres, qui sont le reflet du travail de
la Nature, il l’est encore plus de détruire la plus divine d’entre elles, l’homme. Pour lui, ceux
qui n’accordent pas de valeur à la vie d’un homme, ne méritent pas de vivre eux-mêmes, la
douleur et les pleurs n’étant pas des signes générés sans raison. Il est intéressant de constater
que Léonard, pourtant ingénieur militaire au service de nombreux hommes de guerres –
Laurent de Médicis, Ludovic Sforza, Cesare Borgia, Julien de Médicis, François Ier – ne
cautionne pas la mort d’être humain, et comme nous le verrons plus tard dans cette étude,
envisage du reste les hommes comme des créatures arrogantes par leur suffisance et leur
bêtise.
Cette filiation entre les œuvres de de Vinci et celles de Dieu est reprise dans deux notes
du Manuscrit A2, composé en 1492, Léonard étant alors âgé de 40 ans. La première réflexion
débute par cette phrase : « Noi per arte possiamo essere detti nipoti a dio », et se poursuit par
une comparaison entre la poésie qui traite de la philosophie morale et la peinture qui traite de
la philosophie naturelle. Léonard assume ainsi que concernant l’art, l’homme est le petit-fils
de Dieu, et la peinture le moyen de figurer les créations divines. Il poursuit cette idée
concernant l’art pictural dans la seconde note en s’appuyant plus encore sur la Nature :
E veramente questa è scientia, e legittima figliuo la di natura, perchè la
pittura è partorita da essa natura.
La peinture est envisagée comme une science, fille légitime de la Nature, puisqu’elle-même
(la peinture) est engendrée par celle-ci (la Nature). Et de conclure cette filiation par l’aspect
divin de cette dernière : « Adunque rettamente la dimanderemo nipote di natura, parente di
dio. »
1 Annexe 4.22 : Corpus sur les études anatomiques, 136 ro [IX]. 2 Annexe 4.1 : Manuscrit A, 99 vo et Annexe 4.2 : Manuscrit A, 100 ro.
Claire Guillon, La pensée ésotérique de Léonard de Vinci : étude de son œuvre manuscrite
16
Léonard envisage ainsi la peinture comme un art enfanté par la Nature, elle-même
parente de Dieu. Les hommes se doivent alors d’obéir au créateur suprême, en ne cherchant
pas à le remplacer, comme peuvent le faire les nécromants. Au-delà de cette lignée céleste, il
conçoit la Nature comme mère de toute chose, le peintre devant non seulement s’en inspirer
mais aussi tenter de les reproduire. C’est précisément cette imitation des créations naturelles
que nous allons à présent étudier.
2.1.2 IMITER LA NATURE MATRICIELLE
Léonard envisage dès 1490 la publication d’un traité sur la peinture, afin d’enseigner au
plus grand nombre les fruits de ses recherches sur les choses de la Nature, permettant de
dépeindre cette dernière de la façon la plus fidèle possible. Son œuvre manuscrite abonde en
références concernant ce traité, et bien qu’aucune publication ne nous soit parvenue, il
semblerait que Léonard soit malgré tout l’auteur d’un écrit de son vivant, Luca Pacioli y
faisant allusion dans De Divina proportione1.
C’est à l’époque de cette collaboration entre de Vinci et le mathématicien que nous
pouvons relever deux évocations contenues dans le Manuscrit A2 examinant le caractère
imitateur du peintre face à la Nature. Ainsi, Léonard s’interroge : « Qual è meglio, o ritrarre di
naturale o d’antico », faut-il mieux dessiner selon les modèles antiques ou ceux de la Nature ?
Cette question de l’imitation des Anciens est au cœur de la philosophie humaniste des XVe et
XVIe siècle. En effet, la redécouverte des textes des auteurs gréco-romains – notamment
rhétoriques avec Cicéron – mais également la prise de conscience des qualités esthétiques des
ruines peuplant le territoire italien – Leon Battista Alberti en tête – amènent les
contemporains de Léonard à considérer la création artistique et littéraire de l’Antiquité
comme un âge d’or. L’imitation est alors sujette à de nombreuses discussions. Comment
imiter les Anciens sans devenir grotesque ? Paolo Cortesi propose une piste de réflexion,
proche de l’idée de Léonard concernant la filiation : « Similem volo, mi Politiane, non ut
simiam hominis, sed ut filium parentis3. » À ce questionnement ontologique sur la peinture,
Léonard ajoute un point d’ordre technique : « O qual è più fatica, o i proffili o l’ombra o
lumi. », est-ce plus facile de reproduire des profils ou bien l’ombre et la lumière ? Cette
interrogation portant à la fois sur l’aspect concret de choses (le profil) et leur aspect éthéré
(l’ombre et la lumière) canalise à elle seule toute l’ambiguïté de Léonard face à la Nature. De
Vinci s’adonne ainsi à l’étude raisonnée du monde physique afin de découvrir les éléments
invisibles qui le peuplent, dans une volonté toujours affichée de s’approprier les mécanismes
1 « E non de queste satio alopa inextimabile del moto locale dele pcussioni e pesi dele force tutte cioe pesi
accidentali (havendo gia con tutta di ligentia al degno libro de pictura e movimenti humani posto fine) quella con
ogni studio al debito fine attende de condure. », transcription personnelle, Luca Pacioli, De Divine proportione,
Prima, p. 1. 2 Annexe 4.3 : Manuscrit A, 105 vo et Annexe 4.4 : Manuscrit A, 111 vo. 3 « Je veux que la ressemblance, mon cher Politien, soit non pas celle du singe avec l’homme, mais celle du fils
avec son père », trad. Laurent Hersant, Ange Politien, Épîtres, VIII, 17.
Claire Guillon, La pensée ésotérique de Léonard de Vinci : étude de son œuvre manuscrite
17
de l’univers pour mieux les imiter. Cette énergie créatrice peut se résumer en ces mots :
« Come per tutte vie si può imparare. Questa benigna natura ne provede in modo che per tutto
il mondo tu trovi dove imitare. »
Cette relation entre le peintre et la Nature se retrouve dans une fable présente dans le
Codex Forster1 :
Favole.
Il dipintore disputa e gareggia colla natura.
Il coltello, accidentale armadura, caccia d’all’omo le sua unghie,
armadura naturale.
Lo specchio si groria forte tenendo dentro a sé specchiata la regina e,
partita quella, lo specchio riman vile.
Léonard en quelques lignes restitue ce lien équivoque entre l’artiste, l’homme et la Nature. Le
peintre lutte et rivalise avec la Nature ; l’homme en effet ne peut créer que des choses
artificielles (ici l’exemple du couteau) par rapport aux substances naturelles (ici l’exemple des
ongles). Ainsi, tel un miroir qui a une haute opinion de lui-même lorsqu’il renvoie le reflet
d’une reine, le peintre se considère comme la main de la Nature lorsqu’il reproduit cette
dernière. Pourtant lorsque la reine s’éloigne, le miroir ne renvoie plus aucun reflet, il reprend
alors son état initial, qui n’est point celui d’un créateur, mais d’un simple imitateur.
Ce thème de la reproduction est, pour Léonard, la caractéristique essentielle qui
différencie l’artiste des autres hommes. Ainsi, il discute dans le Corpus sur les études
anatomiques2 des qualités qu’un poète doit avoir afin d’être l’égal du peintre :
Quando il poeta cessa del figurare colle parole quel che in natura è in fatto,
allora il poeta non si fa equale al pittore.
Ce dernier doit figurer aux moyens de mots ce qui existe dans la Nature, de la même manière
que le peintre le fait avec des pinceaux. De Vinci différencie la description de la discussion :
« E se lui parla de’ celi, egli si fa astrologo e filosofo, e teologo parlando delle cose di natura
o di dio. ». Si l’analyse est nécessaire pour s’approprier les choses de la Nature, c’est un
moyen et non pas un but, afin de créer pour le peintre une harmonie pour l’œil comme la
musique pour l’oreille.
La position de Léonard quant à la création artistique est intimement liée à l’exploration
scientifique de l’univers. Nous pouvons ainsi nous demander si à travers l’étude de l’homme
et de la Nature qu’il s’applique à comprendre et reproduire durant toute sa vie, de Vinci ne
s’imagine pas en artiste et savant démiurge :
1 Annexe 4.7 : Codex Forster III, 44 vo. 2 Annexe 4.23 : Corpus sur les études anatomiques, 197 vo [X].
Claire Guillon, La pensée ésotérique de Léonard de Vinci : étude de son œuvre manuscrite
18
C’est un sentiment véritablement démiurgique qui s’empare du chercheur et
lui donne l’impression intime qu’il ne produit pas seulement une
description du monde mais qu’il participe à sa création même1.
2.1.3 PENSER L’HOMME DANS L’UNIVERS SUBLUNAIRE
Comme nous l’avons déjà évoqué, les manuscrits de Léonard contiennent plusieurs
ouvrages et mentions relatifs à la théorie des correspondances, qui peut se résumer en ces
mots « ce qui est en bas est comme ce qui est en haut; et ce qui est en haut est comme ce qui
est en bas ». En s’intéressant plus particulièrement à la place occupée par l’être humain dans
l’univers, mais aussi aux actions créatrices dont il est l’auteur, de Vinci dépeint l’homme
comme la créature suprême, la plus belle invention de la Nature.
L’ensemble des notes sur l’homme et la Nature se concentrent dans le Corpus sur les
études anatomiques. Léonard est alors âgé de plus de soixante ans, au service de Julien de
Médicis à Rome. Il termine son quatrième traité sur l’anatomie, et envisage la façon de
présenter le fruit de ses recherches, notamment en empruntant l’organisation du monde selon
les principes de Ptolémée dans Cosmographia pour proposer une structure similaire en ce qui
concerne le corps humain :
Ordine del libro. […]
Adunque qui con quindici figure intere ti sarà mostrata la cosmografia del
minor mondo col medesimo ordine che inanzi a me fu fatto da Tolomeo
nella sua cosmografia, e cosi dividero poi quell in membra, come lui divise
il tutto in provincie.2
Il met ainsi en correspondance le microcosme et le macrocosme, les membres du corps
humain se retrouvant dans les provinces du monde. Une autre référence à cette vision
ptolémaïque de l’univers est mentionnée par de Vinci un peu plus haut dans ce manuscrit,
concernant cette fois plus précisément la circulation sanguine :
Anatomia venarum
Qui si farà l’albero delle vene in generale, sì come fe’ Tolomeo l’universale
nella sua Cosmografia, poi si farà le vene di ciascun membro in
particulare, per diversi aspetti.3
Le fait de représenter le système sanguin de l’homme tel la sève parcourant un arbre est une
analogie végétale logique pour l’époque. L’arbre est un symbole particulièrement usité, qui
1 Jean-Marc Levy-Leblond, La science (n’)e(s)t (pas) l’art, Paris, Hermann, 2010, p. 29. 2 Annexe 3.10 : Corpus sur les études anatomiques, 154 ro [II]. 3 Annexe 3.9 : Corpus sur les études anatomiques, 97 ro [I].
Claire Guillon, La pensée ésotérique de Léonard de Vinci : étude de son œuvre manuscrite
19
renvoie à l’Arbre de la connaissance de la Genèse1, mais aussi à l’arbre en tant que pont entre
les différents niveaux de la réalité : le ciel et la terre, la matière et l’esprit, le sensible et
l’invisible.
Lors d’une longue réflexion sur la langue2, Léonard va justement dériver – à son
habitude – vers des considérations mêlant réalité et métaphysique. Ainsi, il estime que
l’homme est le principal instrument de la Nature, car celle-ci ne s’occupe que de la production
des corps élémentaires, et l’homme utilise ses composants de façon illimitée :
E questo non è in alcuno altro senso, perchè sol s’astendano nelle cose, che
al continuo produce la natura, la qual non varia le ordinarie spezie delle
cose da lei create, come si variano di tempo in tempo le cose create
dall’omo, massimo strumento di natura, perchè la natura sol s’astende alla
produzion de’ semplici ; ma l’omo con tali semplici produce infiniti
composti, ma non ha potestà di creare nessun semplice, se non un altro sè
medesimo, cioè li sua figlioli.
Léonard souligne le fait que l’homme n’a pas le pouvoir de créer des corps naturels hormis
d’autres semblables à lui-même. Il considère alors le travail des alchimistes, qu’il sépare en
deux catégories distinctes. D’une part, il loue l’utilité des inventions que certains alchimistes
ont créées. Nous pouvons trouver un écho pour ce groupe d’alchimistes dans un autre extrait
de ce même manuscrit3 :
Il che non ne interviene nella archimia, la quale è ministratrice de’ semplici
prodotti dalla natura ; il quale ufizio fatto esser non può da essa natura,
perchè in lei non è strumenti organici, colli quali essa possa operare quel
che adopera l’omo (il quale ha moto locale) mendiante le mani, che in tale
ufizio ha fatti e vetri, ecc.
L’alchimiste y est décrit comme la main de la Nature, qui remplit les fonctions qu’elle ne peut
elle-même effectuer, faute de posséder les instruments organiques nécessaires, la création du
verre par l’homme par exemple. D’autre part, Léonard blâme les alchimistes en quête d’une
chimère – créer de l’or – qui n’ont réussi ni fortuitement, ni au moyen d’expériences
délibérées, à créer la moindre chose qui puisse égaler la Nature :
Della quale lor non sono esenti, conciò si ache, con grande studio e
esercitazione, volendo creare non la men nobile produzion di natura, ma la
più eccellente, cioè l’oro, vero figliol del sole, perchè più ch’a altra
1 La Bible, la Genèse, 3, 4-5. 2 Annexe 4.19 : Corpus sur les études anatomiques, 50 vo [I-IV]. 3 Annexe 5.18 : Corpus sur les études anatomiques, 49 vo [II].
Claire Guillon, La pensée ésotérique de Léonard de Vinci : étude de son œuvre manuscrite
20
creatura a lui s’assomiglia, e nessuna cosa creata è piu eterna… (segue
quel manca di sotto) d’esso oro.
À la lecture de ses propos, nous pouvons déduire que Léonard distingue de fait la chimie de
l’alchimie ; cependant il est important de garder à l’esprit qu’à l’époque le terme alchimie
était employé indifféremment. L’homme ne peut donc qu’imiter les choses de la Nature, et
vouloir prendre la place de cette dernière est une folie. Nous retrouvons néanmoins une fois
de plus l’idée de filiation, la Nature crée l’homme, qui lui-même ne peut créer qu’une seule
chose : son enfant.
Dans une note, toujours contenue dans le Corpus sur les études anatomiques, Léonard
décrit ainsi le processus d’engendrement de la vie chez l’homme, par le biais de la Nature :
Ma vi mette dentro l’anima d’esso corpo componitore, cioè l’anima della
madre che prima conpone nella matrice la figura dell’omo, e al tempo
debito desta l’anima, che di quel deve essere abitotare1.
La Nature met dans les corps, créée dans le ventre de la mère, l’âme de tout être, et l’éveille
en temps voulu pour qu’elle habite le corps qui lui est destiné. L’homme, même s’il a la
possibilité d’engendrer sa progéniture, ne peut le faire que par le biais de la Nature
matricielle. Il est intéressant de remarquer que Léonard conclut cette réflexion de façon
laconique sur la définition de l’âme, laissant le soin aux moines d’en préciser la nature,
puisque ces derniers connaissent tous les mystères par révélation. Et d’ajouter cette phrase
étonnante, qui ne semble avoir été écrite que dans le but de justifier la bonne foi de Léonard
face aux réserves de l’Église : « Lascio star le lettere incoronate, perchè son somma verità. »
Nous constatons que de Vinci envisage donc la question de l’engendrement comme une
filiation hiérarchisée prenant naissance avec Dieu ou l’univers, se déployant par la suite dans
la Nature, qui elle-même crée les hommes en tant qu’instruments capables de repoduire les
autres créations l’entourant. Ce processus est dès lors appréhendé à travers la théorie des
correspondances : ce qui est présent dans le macrocosme se retrouve dans le microcosme,
jusque dans la plus petite unité de vie.
2.2 DÉCOMPOSER LES ÉNERGIES VITALES
Nous avons jusqu’à présent étudié de façon générale la manière dont Léonard envisage
la création, notamment artistique ; intéressons-nous à présent particulièrement aux aspects
physiques et métaphysiques structurant l’univers. Léonard s’applique à identifier les différents
composants présents dans le monde mais aussi dans l’homme, afin de mieux saisir les liens
qui traversent la Nature, en faisant usage à la fois de la sensibilité et de la raison, avant de
constater l’influence incontestable de l’astre solaire sur toutes les choses terrestres.
1 Annexe 4.20 : Corpus sur les études anatomiques, 114 vo [IX-XI].
Claire Guillon, La pensée ésotérique de Léonard de Vinci : étude de son œuvre manuscrite
21
2.2.1 DISCERNER LES ÉLÉMENTS NATURELS
Dans certaines notes étudiées précédemment, nous avons pris conscience de l’intérêt de
Léonard pour la composition des créations de la Nature. Il accepte l’idée selon laquelle dans
chaque élément, il n’y a aucune chose immatérielle, car où il n’y a pas de corps, il y a vide, et
le vide n’existe pas dans les éléments, car il serait aussitôt comblé par eux1. La question de
l’âme, mais aussi de l’énergie vitale, est ainsi considérée par Léonard comme un principe
organique universel, qui habitent toutes choses créées, inertes comme sensibles.
Ainsi, Léonard s’appuie sur des considérations physiques pour réfuter les arguments des
alchimistes, ces derniers considérant le mercure comme un élément présent dans tous
métaux :
I bugiardi interpitri di natura affermano lo argento vivo essere communa
semenza a tutti i metalli, non si ricordando che la natura varia le semenze
secondo la diversità delle cose che essa vole produrre al mondo2.
Pour de Vinci, la Nature produit au contraire une multitude d’éléments suivant les propriétés
de ses créations, il est donc impossible qu’un élément soit commun à l’ensemble. C’est
pourquoi, dans une note que nous avons déjà étudiée auparavant3, il conseille cyniquement
aux alchimistes qui cherchent à créer de l’or de se rendre plutôt dans une mine pour observer
la Nature à l’œuvre :
La qual fedelmente ti guarirà della tua stoltizia, mostrandoti come nessuna
cosa da te operata nel foco non sarà nessuna di quelle, che natura adoperi
al generare esso oro ; quivi non argento vivo, quivi non zolfo di nessuna
sorte, quivi non foco, nè altro caldo, che quel di natura vivificatrice del
nostro mondo, la qual ti mosterrà le ramificazioni dell’oro sparse per il
lapis, overo azzurro oltramarino, il quale è colore esente dalla potestà del
foco.
La Nature n’utilise ni mercure (vif argent), ni soufre, ni feu pour engendrer l’or, elle utilise
uniquement la chaleur vitale, et dote chaque chose d’une âme, ici végétative, qu’il est
impossible de produire pour l’homme : « e nota che quivi v’è un’anima vegetativa, la qual
non è in tua potestà di generare. ». Ce point concernant l’âme végétative renvoie à la vision
d’Aristote dans De anima4 qui établit une hiérarchie des âmes parmi les êtres vivants : une
âme végétative, qui offre les fonctions de nutrition et de croissance, une âme sensitive, qui
permet de se mouvoir et ressentir, et une âme rationnelle qui habite uniquement l’homme,
capable de raisonner et ainsi devenir meilleur.
1 Annexe 5.18 : Corpus sur les études anatomiques, 49 vo [II]. 2 Annexe 4.14 : Codex Atlanticus, 207 vo. 3 Annexe 4.19 : Corpus sur les études anatomiques, 50 vo [I-IV]. 4 Aristote, De anima, II 3, 414 a 29 – b 19.
Claire Guillon, La pensée ésotérique de Léonard de Vinci : étude de son œuvre manuscrite
22
C’est précisément cette singularité de l’être humain que Léonard examine dans une note
du Codex Atlanticus1 : « Dov’è vital ì è calore, e dov’è calore vitale, quivi è movimento
d’umori. » ainsi que du Codex Forster2, mentionnant les rapports entre les membres, les
humeurs et la chaleur vitale nécessaires au bon fonctionnement de tout corps :
Ogni corpo è composto di quelli membri e omori, i quali sono necessari al
suo mantenimento. La quale necessiyà è bene conosciuta e a quella
riparato dalla anima che tal forma di corpo a sua abitazione per uno tempo
ha eletta.
Ces deux notes font référence à la théorie des humeurs exposée antérieurement. Léonard
mentionne une fois de plus l’âme, qui comme nous l’avons déjà vu, lors de la procréation3,
choisit la forme corporelle comme lieu temporaire pour habiter ce monde. Afin d’exposer au
mieux le rapport complexe entre les différentes âmes et leurs formes corporelles, nous nous
appuyons sur les recherches de Joseph Moreau4 reprenant les idées de Thomas d’Aquin et sa
définition de l’âme chez l’homme :
L’âme humaine se distingue des âmes animales par sa faculté intellective ;
mais celle-ci ne pouvant s’exercer en nous sans le concours des fonctions
sensitives, il faut que l’âme humaine soit la forme d’un corps vivant, comme
l’âme animale. Seulement, pour être capable d’intellection, pour exercer
une opération où le corps n’a point de part, il faut qu’elle subsiste par soi,
qu’elle puisse exister indépendamment du corps. L’âme intellective est donc
la forme du corps humain, une forme individualisée, en rapport avec un
organisme, mais capable d’exister en dehors de lui ; par là, elle se
distingue des âmes animales, qui sont aussi des formes, des principes
d’action, mais incapables de subsister en dehors d’une matière.
En indiquant que l’âme prend forme de façon temporaire dans un corps, Léonard partage cette
vision d’une âme rationnelle, insufflée par la Nature lors de la procréation, permettant d’user
de la raison et de s’élever en tant qu’homme, avant de retourner à un état originel immatériel.
Nous explorerons plus en détail cette spiritualité de l’âme à travers la philosophie
néoplatonicienne dans les parties suivantes de cette étude.
2.2.2 PÉNÉTRER LES RELATIONS SENSIBLES
La Nature dote toutes les créatures d’une âme, à des degrés différents, selon que sa
création soit végétale, animale ou humaine. Intéressons-nous plus précisément à cet aspect
1 Annexe 4.15 : Codex Atlanticus, 218 ro. 2 Annexe 4.6 : Codex Forster III, 38 ro. 3 Annexe 4.20 : Corpus sur les études anatomiques, 114 vo [IX-XI]. 4 Joseph Moreau, « L'homme et son âme, selon saint Thomas d'Aquin » in Revue Philosophique de Louvain,
quatrième série, tome 74, n°21, Louvain, 1976, p. 11-12.
Claire Guillon, La pensée ésotérique de Léonard de Vinci : étude de son œuvre manuscrite
23
rationnel de l’âme. Léonard donne des pistes de réflexions pour comprendre comment
l’homme perçoit et conçoit le monde sensible, et par quels moyens il saisit les subtilités
naturelles présentes dans le monde.
De Vinci rappelle tout d’abord que rien ne naît là où il n’y a ni vie sensitive, végétative
ou rationnelle dans une note du Codex Leicester1 : « Nessuna cosa nasce in loco, dove non sia
vita sensitiva, (intelletiva), vegetativa e razionale. ». Son propos n’a rien d’étonnant après ce
que nous venons d’exposer ci-dessus. Deux autres mentions cependant, présentes dans le
Codex Trivulzio, sont plus mystérieuses quant à leurs significations : « Ogni nostra
cognizione prencipia da’ sentimenti »2 et « I sensi sono terresti, la ragione sta for di quelli
quando contempla3. » Léonard déclare que la raison vient des sentiments, qu’elle est
contemplative, là où les sens sont eux terrestres. Cette approche concorde avec les principes
exposés par Thomas d’Aquin. De Vinci considère ainsi que la raison est une qualité éthérée,
puisqu’issue de l’âme rationnelle chez l’homme, là où le corps sensible n’est qu’une forme
temporaire accueillant cette âme. Contrairement à ce qu’il prétend, Léonard s’intéresse bien à
la nature de l’âme, et ne laisse pas uniquement cette prérogative aux moines.
De Vinci cependant s’attache plus à l’aspect rationnelle que spirituelle de l’âme, qui
permet à l’homme d’observer et de comprendre la Nature créatrice. Ainsi, nous retrouvons
dans le Codex Atlanticus4 cette mention : « Nessuno effeto è in natura sanza ragione, intendi
la ragione e non ti bisogna sperienza. » Pour Léonard, il n’y a pas d’effet sans cause dans la
Nature, et si l’on comprend la cause alors l’expérience devient inutile. Il est étonnant de
trouver une telle note de la part de Léonard, pourtant fervent défenseur de l’expérience,
laquelle expérience repose principalement sur ce même principe de cause à effet. Qu’entend-il
donc par cela ? Sans apporter de réponse à cette question, nous pouvons malgré tout émettre
une hypothèse en remarquant que de Vinci attache de l’importance au fait que la Nature
choisit toujours le plus court chemin pour arriver à ses fins. En effet, nous retrouvons par
deux fois des allusions à ce concept dans le Codex Arundel, « Ogni azione facta dalla natura è
fatta nel più brieve modo » 5 et « Data la causa, la natura opera l’effetto nel più breve modo
che operar si possa » 6, ainsi qu’une fois dans le Corpus sur les études anatomiques, « Ogni
azione di natura è fatta per la più brieve via ch’è possibile7. ». Léonard suggèrerait-il qu’en
observant la Nature, qui n’utilise aucun artifice pour fonctionner, l’homme en quête de
connaissances doit plutôt chercher à comprendre les mécanismes simples du monde et non
prouver par des théories et expériences complexes des intuitions empiriques ? Nous
1 Annexe 4.10 : Codex Leicester, 34 ro. 2 Annexe 6.2 : Codex Trivulzio, 20 vo. 3 Annexe 4.9 : Codex Trivulzio, 33 ro. 4 Annexe 6.12 : Codex Atlanticus, 398 vo. 5 Annexe 4.12 : Codex Arundel, 85 vo. 6 Annexe 4.13 : Codex Arundel, 174 vo. 7 Annexe 4.21 : Corpus sur les études anatomiques, 117 vo [I].
Claire Guillon, La pensée ésotérique de Léonard de Vinci : étude de son œuvre manuscrite
24
approfondirons plus en détails les idées de Léonard sur l’expérience plus en avant dans cette
étude.
2.2.3 RECONNAITRE LA PUISSANCE SOLAIRE
C’est en utilisant ce processus de compréhension pour les choses de la Nature que
Léonard relève plusieurs observations concernant le Soleil, particulièrement son rapport avec
la terre, sa place dans l’univers et son effet sur les créatures vivantes.
De Vinci ainsi remarque, en 1508, dans une note du Manuscrit F1 que la terre n’est pas
au centre du cercle du Soleil, ni au centre de l’univers, mais au milieu des éléments qui
l’accompagnent et lui sont unis :
Come la terra non è nel mezzo del cerchio del sole, né nel mezzo del mondo,
ma è ben nel mezzo de’ sua elementi, compagni e uniti con lei, e chi stessi
nella luna, quand’ella insieme col sole è sotto a noi, questa nost[r]a terra
coll’elemento dell’acqua parrebbe e farebbe offizio tal qual fa la luna a noi.
Cette vision non géocentrique de l’univers est en opposition avec les théories astronomiques
de l’époque, qui s’appuient sur Aristote et Ptolémée. En effet, selon les partisans du
géocentrisme, la Terre est immobile au centre de l’univers, et que toutes les planètes et étoiles
effectuent des mouvements concentriques autour de celle-ci. Il est intéressant de noter que
Nicolas Copernic, qui propose une version héliocentrique de l’univers dans son ouvrage De
revolutionibus orbium coelestium2 publié au milieu du XVIe siècle, voyage en Italie lorsque
Léonard écrit cette note. Il n’est pas impossible que ce dernier ait eu connaissance des idées
novatrices de ce jeune étudiant polonais, au moment où il effectuait lui-même des
observations remettant en cause le géocentrisme de son temps.
De la même façon, de Vinci considère les rayons du Soleil et la façon dont la chaleur
générée par l’astre solaire arrive jusque sur terre :
Tu vedi il sole quando si trova nel mezzo del nostro emisperio e essere le
spezie della sua forma per tutte le parte dove si dimostra, vedi essere le
spezie del suo splendore in tutti quelli medesimi lochi, e ancora vi
s’aggiugne la similitudine della potenza del calore, e tutte queste potenzie
discendano dalla sua causa per linie radiose, nate nel suo corpo e finite ne
li obbietti oppachi sanza diminuizione di sé. La tramontana sta
continuamente colla similitudine della sua potenzia astesa e incorpora non
che ne’ corpi rari, ma d’ densi, transparenti e oppachi, e non diminuis[c]e
però di sua figura3.
1 Annexe 4.11 : Manuscrit F, 41 vo. 2 Nicolas Copernic, De revolutionibus orbium coelestium, Nuremberg, J. Petreium, 1543. 3 Annexe 4.17 : Codex Atlanticus, 729 vo.
Claire Guillon, La pensée ésotérique de Léonard de Vinci : étude de son œuvre manuscrite
25
Il compare les rayons du Soleil au vent qui souffle continuellement, avec la même puissance,
de façon immatérielle. Pour Léonard, la chaleur, qui est un élément vital pour les créatures
vivantes, ne perd pas de sa puissance solaire lorsqu’elle atteint les choses de ce monde.
Ces considérations sur le Soleil et son pouvoir générateur prennent une importance
encore plus forte dans une note intitulée « Lalde del sole » dans le Manuscrit F1. Dans une
démonstration étonnante, Léonard commence par blâmer les Anciens, parmi lesquels Épicure
et Socrate, pour n’avoir pas su reconnaître la grandeur de l’astre solaire, ainsi que ceux qui
mettent le culte des hommes au-dessus du Soleil, qu’il considère comme le plus important et
puissant corps de l’univers :
Ma io vorrei avere vocaboli che mi servissino a biasimare quelli che vollon
laldare più lo adorare li omini che tal sole, non vendento nell’universo
corpo di maggiore magnitudine e virtù di quello.
Pour de Vinci, tous les principes vitaux procèdent du Soleil, puisqu’ils sont générés par la
chaleur et la lumière qui découlent de l’astre solaire. De ce fait, adorer les hommes est une
erreur, car un homme, aussi grand soit-il, n’en reste pas moins qu’un point dans l’univers, qui
plus est mortel :
E certo costoro che han voluto adorare omini per iddei, come Giove,
Saturno, Marte e simili, han fatto grandissimo errore vedendo che ancora
che l’omo fussi grande quanto il nostro mondo, che parrabbe simile a una
minima stella la qual pare un punto nell’universo, e ancora vedendo essi
omini mortali e putridi e curruttubili nelle lor sepolture.
Et comme pour appuyer son argumentation, Léonard conclut en faisant référence à des
ouvrages dans lesquels le Soleil est selon lui loué : La Sfera2 et Liber hymnonum3. Cette
louange au Soleil est proche de la philosophie hermétique ; nous retrouvons ainsi dans le traité
hermétique XVI Définitions d’Asclépius au roi Ammon4 une vision semblable de l’astre
solaire :
Le Soleil […] diffuse sans arrêt sa lumière et ainsi continue-t-il
indéfiniment à créer la vie sans jamais s’interrompre quant au lieu et quant
à la production […]. C’est le Soleil qui lie ensemble le ciel et la terre5.
Nous pouvons même pousser plus loin cette réflexion quant à la façon d’envisager l’univers
de Léonard, en s’appuyant sur notre démonstration concernant la filiation entre Dieu, père de
1 Annexe 3.3 : Manuscrit F, 5 ro et 4 vo. 2 Leonardo et Gregorio Dati, La Sfera, 1478. 3 Michel Tarcaniota (Marullo), Liber hymnorum, 1497. 4 Lodovico Lazzarelli, Définitions d’Asclépius au roi Ammon, 1507. 5 Eugenio Garin, Hermétisme et Renaissance, Paris, Allia, 2001, p. 36.
Claire Guillon, La pensée ésotérique de Léonard de Vinci : étude de son œuvre manuscrite
26
la Nature, elle-même mère de toutes choses, y compris de l’homme qui en est la main. Nous
retrouvons toujours dans le texte de Lazzarelli la conclusion suivante :
C’est pourquoi […] Dieu est le père de toutes choses, le Soleil est le
créateur, et le monde est l’instrument de cette action créatrice. […] Et de
même que Dieu n’a pas de fin, son activité créatrice n’a pas non plus ni de
commencement ni de fin1.
L’étude de notes contenues dans les manuscrits de Léonard laisse ainsi penser que ce dernier
envisage non seulement l’univers mais également la création de manière ésotérique, dans une
démarche hermétique. L’âme est en effet présente en toute chose en tant que principe
organique universel, une âme rationnelle habite l’être humain de façon temporaire, lui
permettant de pacourir le monde sensible. Tout comme l’âme est insufflée dans toute chose
par la Nature, le Soleil déploie par ses rayons les principes vitaux sur terre, et cela de façon
irrémédiable. En nous penchant sur l’aspect éternel, « ni de commencement ni de fin », nous
allons à présent analyser la façon dont Léonard appréhende le temps.
2.3 PERCEVOIR LES DIMENSIONS TEMPORELLES
Au XVe siècle, la doctrine chrétienne demeure la référence en termes d’exposés
cosmogonique et eschatologique, la Genèse représentant Dieu créateur du monde et
l’Apocalypse selon Saint-Jean décrivant la fin des temps. Le temps est ainsi envisagé avant
tout comme une histoire de l’humanité, ponctuée de récits mythologiques, et les
correspondances avec la réalité physique ne sont pas si importantes, puisque le temps fait
partie d’un mystère, d’une révélation divine. Les notes contenues dans l’œuvre manuscrite de
Léonard témoignent de l’interêt de ce dernier pour les dimensions temporelles, au-delà des
dogmes de l’Église. Il s’interroge sur les qualités du temps, à travers la perception du passé,
mais également en considérant ses ramifications dans le futur, ce qui l’amène à réfléchir à la
place de toute créature dans la nature cyclique du temps.
2.3.1 DÉCOUVRIR QUE LE MONDE A ÉTÉ ET SERA
C’est en se penchant sur les traces du passé que de Vinci approche la notion de
distanciation dans le temps. Nous avons déjà remarqué que Léonard se passionne pour
l’Histoire en parcourant ses inventaires ; pour lui le passé permet de mieux appréhender le
présent, mais également de réfléchir sur le processus même de perception des choses passées
dans un temps présent.
Ainsi, nous trouvons cette note sous forme de maxime dans le Corpus Atlanticus2 : « La
gognizion del tempo pretert[t]o e del sito della terra è ornamento e cibo delle menti umane. »
Il est intéressant de s’attarder sur les différents termes de cette phrase. Léonard considère la
1 Ibid., p. 37-38. 2 Annexe 7.16 : Codex Atlanticus, 1040 vo.
Claire Guillon, La pensée ésotérique de Léonard de Vinci : étude de son œuvre manuscrite
27
connaissance du temps passé mais également celle de la position de la terre, dans une
conception du temps tout aussi linéaire qu’universelle. C’est pour lui à la fois un ornement et
une nourriture pour l’esprit humain. Nous retrouvons ici deux aspects qui suivent un
cheminement logique, sans pour autant l’être systématique : une connaissance peut embellir
l’esprit mais ne pas permettre à ce dernier de s’en imprégner afin de se développer. Léonard
prolonge sa réflexion sur les traces du passé dans une observation contenue dans le Codex
Leicester1 :
Perché molto son più antiche le cose che le lettere, non è maraviglia, se alli
nostri giorni non apparisce sc[r]iptura delli predetti (co) mari essere
occupatori di tanti pa(esi, e se tu)[esi], e se pure alcuna scrittura apparia,
le guerre, l’incendi, le mutazioni delle lingue e delle leggi, li diluvi
dell’acque ànno consumato ogni antichità, ma a noi basta le testimonanzie
delle cose nate nelle acque salse rit[r]ovarsi nelli alti monti, lontani dalli
mari talor.
De Vinci postule que les choses du passé sont bien plus anciennes que l’écriture, et que par
conséquent, il est normal de ne trouver aucune mention des mers ayant recouvert les terres
durant les siècles passés. Si de telles archives avaient existé, les aléas du temps auraient de
toute façon fait disparaitre toute trace, la sauvegarde d’un patrimoine aussi ancien étant
impossible pour Léonard. Il s’appuie alors sur les preuves matérielles pour étayer cette
théorie, puisque, dit-il, il suffit de s’arrêter sur les indices laissés dans les hautes montagnes,
où l’on retrouve des coquillages qui n’ont pu être déposés en ces lieux que par les mers de
l’ancien temps.
Cette conception du temps passé perceptible dans le temps présent est un sujet d’étude
qui intéresse Léonard. Il affirme ainsi dans le Codex Atlanticus2 que notre jugement n’évalue
pas dans l’ordre exact les choses qui se sont passées à des périodes différentes :
Il giudizio nostro non giudica le cose fatte in varie distanzie di tempo nelle
debite e proprie lor distanzie, perché molte cose passate di molti anni
parranno propinque e vicine al presente, e molto cose vicine parranno
antiche, insierne coll’antichità della nostra gioventù. E così fa l’occhio
indra le cose distanti, che, per essere alluminate dal sole, paiano vicine
all’occhio, e molto cose vicine paiano distanti.
En effet, des événements qui se sont produits il y a des années semblent toucher au présent, et
inversement, des événements plus récents paraissent remonter à une époque plus lointaine.
Cette élasticité du temps dans la façon dont l’homme se remémore les choses du passé est
1 Annexe 7.6 : Codex Leicester, 31 ro. 2 Annexe 7.10 : Codex Atlanticus, 81 vo.
Claire Guillon, La pensée ésotérique de Léonard de Vinci : étude de son œuvre manuscrite
28
approfondie dans une autre note de ce manuscrit1 où Léonard reproche aux hommes leurs
lamentations sur la fuite du temps :
A torto si lamentan li omini della fuga del tempo, incolpando quello di
troppa velocità, non s’accorgendo quello esser di bastevole transito, ma
bona memoria, di che la natura ci ha dotati, ci fa che ogni cosa lungamente
passata ci pare essere presente.
Pour de Vinci, accuser le temps d’être trop rapide est un tort, car sa durée est suffisante ;
parce que l’homme se remémore les choses passées, il a l’impression qu’elles deviennent
présentes, et ainsi accélère le cours du temps. Il estime par conséquent qu’il y a une différence
entre le temps vécu et le temps physique.
Dans une des pages étonnantes du Codex Trivulzio2, couvertes de suites de mots ne
faisant pas forcément sens, nous pouvons discerner les deux définitions suivantes :
Scientia – notitia delle cose che sono possibili, presenti e preterite ;
prescientia – notitia delle cose che possin venire.
Ce manuscrit accompagna les deux dernières décennies de la vie de Léonard, qui envisage ici
la science et la prescience comme les deux aspects complémentaires des choses possibles à
travers le temps : la science en tant que connaissance des choses possibles passées et
présentes, la préscience comme connaissance des choses possibles à venir. De Vinci considère
ainsi le temps d’un point de vue à la fois scientifique et philosophique. C’est toute l’ambiguïté
inhérente à ce double caractère de l’espace-temps que nous allons à présent examiner.
2.3.2 PRENDRE CONSCIENCE DE LA NATURE DU TEMPS
Léonard s’interroge sur la façon dont l’homme perçoit le temps, et utilise pour cela des
analogies ou bien des notions physiques pour saisir les qualités temporelles. Cependant, il a
conscience que les outils à sa disposition sont limités pour sonder l’abstraction d’un tel
concept.
Ainsi dans le Codex Trivulzio3, nous retrouvons une série de réflexions menées par de
Vinci sur le temps, dont la principale compare le présent à un fleuve, l’eau que l’on touche
étant la dernière des ondes écoulées et la première à venir :
Punto non è parte di linia.
L’acqua che tocchi de’ fiumi è l’ultima di quella che andò, e la prima di
quella che viene. Così il tempo presente.
1 Annexe 7.12 : Codex Atlanticus, 207 ro. 2 Annexe 4.8 : Codex Trivulzio, 17 vo. 3 Annexe 7.5 : Codex Trivulzio, 34 vo.
Claire Guillon, La pensée ésotérique de Léonard de Vinci : étude de son œuvre manuscrite
29
La vita bene spesa lunga è.
Cette analogie aquatique est encadrée par deux remarques : la première d’ordre mathématique
« Le point ne fait pas partie de la ligne » et la seconde telle une maxime « Bien remplie, la vie
est longue ». Ce double intérêt du temps pour Léonard se retrouve dans l’ensemble de son
œuvre manuscrite : il s’agit de comprendre la nature humaine aujourd’hui en utilisant ses
connaissances, afin de vivre une existence la plus vertueuse possible et laisser une trace
honorable dans le futur. Nous reviendrons en détails sur ces préoccupations de de Vinci dans
la partie suivante de notre étude. Léonard se questionne également sur le temps à travers
l’observation de la lumière dans le Manuscrit F1. Ainsi, il remarque que lorsqu’on cligne des
yeux, ce que l’on voit n’était pas là avant, et ce qu’on voyait n’y est plus :
Guarda il lume e considera la sua bellezza. Batti l’occhio e riguardalo. Ciò
che di lui tu vedi, prima non era, e ciò che di lui era, più non è. Chi è quel
che lo rifà, se ‘l fattore al continuo more ?
Il se demande alors qui donc renouvelle cette lumière, si celui qui l’a faite meurt
continuellement.
Les considérations de Léonard sur la nature du temps aboutissent à une note contenue
dans le Codex Atlanticus2, qui résume à elle seule toutes les implications temporelles, tant
d’un point de vue linéaire qu’universel :
Infra les cose grandi che infra noi si trovano, l’essere del nulla è
grandissima. Questo risiede nel tempo e distende le sue membra nel
preterito e futuro, co’ le quali occupa tutte l’opere passate e che hanno a
venire, sì di natura come delli animali, e niente possiede dello indivisibile
presente. Questo non s’astende sopra l’essenzia d’alcuna cosa.
De Vinci émet l’hypothèse que de toutes les choses qui se trouvent parmi nous, l’existence du
néant est la plus grande, et qu’elle réside dans le temps, qui prolonge ses membres dans le
passé et dans l’avenir. Cependant le néant ne possède rien du présent indivisible et n’atteint
pas l’essence même des choses. Cette remarque très dense quant aux concepts développés
peut être mise en parallèle avec une autre mention du temps dans le Codex Arundel3 où
Léonard note qu’il doit écrire sur la qualité du temps qui est différente de la géométrie :
« Scrivi la qualità del tenpo separata dalla geometrica. » Ces deux remarques proposent une
réflexion sur la relativité du temps, et Léonard envisage probablement une géométrie non
euclidienne4 pour expliquer l’espace-temps. En effet, Léonard considère le néant comme
1 Annexe 7.7 : Manuscrit F, 49 vo. 2 Annexe 7.17 : Codex Atlanticus, 1109 ro (b). 3 Annexe 7.8 : Codex Arundel, 176 ro. 4 « L'intérêt de l'étude de ces géométries est que nous ne pouvons déterminer si l'Univers dans lequel nous vivons
est fait d'un type de géométrie plutôt que d'un autre car étant donné notre taille (physique), plongés que nous
Claire Guillon, La pensée ésotérique de Léonard de Vinci : étude de son œuvre manuscrite
30
axiome temporel, le néant étant l’absence d’existence, différent du vide qui est l’absence de
matière dans un espace défini. C’est pourquoi il précise que le temps n’a pas de prise sur
l’essence même des choses, puisqu’il considère l’âme de toutes choses comme un élément
organique originel, comme nous avons déjà pu le constater précédemment dans cette étude1. Il
estime en outre le présent indivisible, semblable comme nous l’avons vu à un point sur une
ligne, ou à une main qui touche l’eau à un moment donné.
Léonard pense de fait le temps comme une notion abstraite, à la fois science et
préscience, dans laquelle la Nature évolue, et ses créations avec. C’est cette idée de continuité
du temps que nous allons à présent développer en considérant l’éternel recommencement de la
vie et de la mort.
2.3.3 ACCEPTER LE CERCLE DE LA VIE
Après avoir décomposé les énergies vitales et pris conscience de la qualité du temps,
Léonard accepte logiquement le caractère cyclique de la vie, dans une vision somme toute
organique des créatures peuplant ce monde.
Ainsi, nous trouvons dans le Codex Atlanticus2 cette note qui condense tous les
concepts que nous avons pu aborder jusqu’à présent :
Ogni cosa vien da ogni cosa e d’ogni cosa si fa ogni cosa e ogni cosa torna
in ogni cosa, perchè ciò ch’é nelli elementi, è fatto da essi elementi.
Pour Léonard, toute chose naît de toute chose, et toute chose se fait de toute chose, et toute
chose redevient toute chose, parce que tout ce qui existe dans les éléments est composé de ces
éléments. De Vinci adopte une vision du monde atomiste, qui n’est pas sans rappeler la
pensée de Démocrite, philosophe grec matérialiste de l’ère Présocratique :
Si tout corps est divisible à l'infini, de deux choses l'une : ou il ne restera
rien, ou il restera quelque chose. Dans le premier cas, la matière n'aurait
qu'une existence virtuelle, dans le second cas on se pose la question : que
reste-t-il ? La réponse la plus logique, c'est l'existence d'éléments réels,
indivisibles et insécables appelés donc atomes3.
sommes dans quelque géométrie que ce soit à faible courbure, toute surface de l'espace nous semble localement
euclidienne (deux droites parallèles ne se coupent pas). Cependant, la relativité générale […] montre qu'il existe
des zones de l'espace où la géométrie est très fortement courbée et donc localement non-euclidienne […]. »,
Vincent Isoz, « Géométries non euclidiennes » in Sciences.ch (date de dernière consultation 15/05/2015),
http://www.sciences.ch/htmlfr/geometrie/geometreisnoneuclidiennes01.php. 1 Annexe 5.18 : Corpus sur les études anatomiques, 49 vo [II]. 2 Annexe 4.18 : Codex Atlanticus, 1067 ro. 3 Référence non connue (Wikipedia).
Claire Guillon, La pensée ésotérique de Léonard de Vinci : étude de son œuvre manuscrite
31
Léonard poursuit sa réflexion quant à cet aspect matériel des éléments constituant toute chose
dans deux remarques ayant trait à la mort des créatures. Ainsi dans le Manuscrit H1, composé
entre 1493 et 1494, de Vinci considère que nous tirons notre vie de la mort d’autrui :
Facciàno nostra vita coll’altrui morte.
In nella cosa morta riman vita dissensata, la quale ricongiunta alli stomaci
de’ vivi ripiglia vita sensitiva e ‘ntellettiva.
Il poursuit en explicitant son propos : dans la matière inerte, une vie insensible existe et,
assimilée par l’estomac des vivants, elle reprend la vie des sens et de l’intellect. Nous
retrouvons ici l’intérêt à la fois scientifique et philosophique de Léonard concernant l’être
humain, à la fois matière organique et vaisseau de l’âme. De Vinci s’évertuera durant toute sa
vie à comprendre les mécanismes du corps humain, comme en témoigne les nombreux traités
sur l’anatomie qui nous sont parvenus2. Il faut noter qu’à une époque où la dissection des
corps humains était une pratique encore marginale, Léonard brave les condamnations morales
pour mieux comprendre la machine humaine. Ainsi Charles Nicholl explicite dans Léonard de
Vinci biographie3 les idées qui entourent cette pratique à l’époque de de Vinci :
La dissection restait toutefois une activité contreversée. Elle était autorisée
sous licence mais continuait de susciter rumeurs et superstitions, et d’être
aisément associée à la « magie noire », aux pratiques et recettes occultes
du Moyen Âge.
Nous pouvons comprendre cette note dans le Codex Atlanticus4 comme une allusion à ce
travail d’anatomiste, lorsque de Vinci observe que l’homme et les animaux ne sont qu’un
canal à aliments, qui entretiennent leur vie grâce à la mort d’autrui :
L’omo e li animali sono propi[o] transito e condotto di cibo, sepoltura
d’animali, albergo de’ morti, facendo a s évita dell’altrui morte, guaina di
corruzione.
Le ton de cette remarque est cependant sombre, « sépulture pour d’autres animaux »,
« auberge de morts », « graine de corruption » ; pouvons-nous voir ici ce que Léonard sous-
entendait déjà dans une note précédente5 à propos des hommes qui n’accordent pas
d’importance à la vie des autres ? Nous retrouvons un certain fatalisme dans une autre
mention du Codex Atlanticus6 : « Quando io crederò imparare a vivere, e io imparerò a
1 Annexe 4.5 : Manuscrit H, 89 vo. 2 Annexe 1 : Dessins et manuscrits (Royal Library, Windsor). 3 Charles Nicholl, Léonard de Vinci biographie, Arles, Actes Sud, 2006, p. 499. 4 Annexe 4.14 : Codex Atlanticus, 207 vo. 5 Annexe 4.22 : Corpus sur les études anatomiques, 136 ro [IX]. 6 Annexe 7.15 : Codex Atlanticus, 680 ro.
Claire Guillon, La pensée ésotérique de Léonard de Vinci : étude de son œuvre manuscrite
32
morire. » De Vinci constate qu’alors qu’il croyait apprendre à vivre, il apprenait de fait à
mourir. Cette réflexion sur la nature humaine, et le passage du temps, nous amène à nous
questionner sur la façon dont Léonard envisage de remplir au mieux cette vie, qui n’est qu’un
passage temporaire pour l’âme en ce monde.
À travers la lecture de son œuvre manuscrite, nous découvrons un peintre scientifique,
un philosophe savant, un Léonard démiurge qui cherche à percer les mécanismes de l’univers
pour mieux les imiter. Il est certain que de Vinci envisage les traditions hermétiques comme
un moyen d’accéder pleinement à la compréhension des choses de ce monde, visibles et
invisibles. Nous pouvons pousser notre réflexion plus loin en nous demandant si cette quête
obsessionnelle de la vérité et du savoir ne représente pas pour de Vinci une façon de
transcender son enveloppe temporaire, et charnelle, vers une forme sublimée, et intengible, de
celle-ci. Ainsi nous conclurons cette partie par une autre citation de Paul Vulliaud :
La seule réflexion que j’exprimerai au sujet des critiques faites sur
Léonard, c’est que le côté scientifique de ce grand homme est apprécié avec
exagération, je veux dire au détriment de sa pensée philosophique,
religieuse et esthétique1.
Sans remettre en cause les qualités scientifiques et picturales de Léonard, nous considérons
également que les œuvres passées à la postérité ne révèlent qu’en partie l’immense originalité
protéiforme de de Vinci. En se penchant sur l’étude spécifique de ses manuscrits, et son
œuvre scripturale, comme nous l’avons fait dans le cadre de cette étude, nous prenons
réellement conscience de l’importance des concepts philosophiques et religieux dans son
mode de pensée. C’est ce que nous allons à présent étudier en nous appuyant principalement
sur les doctrines philosophiques issues de Platon et ses commentateurs Plotin et Proclus.
1 Paul Vulliaud, La pensée ésotérique de Léonard de Vinci, Paris, Grasset, 1910, p. 70.
Claire Guillon, La pensée ésotérique de Léonard de Vinci : étude de son œuvre manuscrite
33
3. SUBLIMER LE MONDE POUR MIEUX L’HABITER
Tout comme pour la partie précédente de cette étude, c’est par une citation que nous
souhaitons commencer celle-ci :
La vie et la vérité d’une doctrine sont avant tout par une pure et simple
nécessité historique, réductibles à celles de ses traces, c’est-à-dire à la
vérité et à l’histoire des textes qui l’ont fait vivre.
Cette remarque de Bertrand Schefer1 nous rappelle à quel point l’œuvre manuscrite de
Léonard est une source inestimable pour comprendre la pensée de ce dernier. L’écriture
prolifique de de Vinci nous a laissé les traces d’un homme versé tant dans la recherche d’une
compréhension du monde physique que métaphysique, le visible pour saisir l’invisible. C’est
pourquoi en examinant les propos de Léonard, nous pouvons reconnaître les idées d’autres
avant lui, particulièrement développées dans les philosophies néoplatoniciennes : faire preuve
d’esprit critique à travers la Vérité, être en quête de connaissance à travers le Bon, devenir
meilleur par le savoir à travers le Beau.
3.1 FAIRE PREUVE D’ESPRIT CRITIQUE
Dans l’œuvre manuscrite de Léonard, nous découvrons un grand nombre de remarques
mettant en avant l’importance de la vérité. Sous différentes formes, de Vinci traite du
mensonge en blâmant notamment les imposteurs qui abusent des esprits faibles. Il met
également en garde les esprits raffinés contre les erreurs de jugements qui les détournent de
leur quête de compréhension du monde.
3.1.1 FUIR LES MENSONGES
Nous retrouvons dans l’œuvre manuscrite de Léonard de nombreuses références à la
vérité et au mensonge, sous forme de maximes ou bien de développements plus longs. La
vérité touche tous les domaines pour de Vinci, aussi bien le temps, que l’homme, le savoir et
même Dieu.
Le rapport de Léonard au temps est complexe, comme nous avons pu l’étudier, et
lorsqu’il inclut les notions de vrai et faux aux dimensions temporelles, c’est toujours de façon
très laconique. Ainsi, nous distinguons dans le Manuscrit M2, composé en 1515, la maxime
suivante : « La verità sola fu figliola del tempo. » Nous reconnaissons ici une fois de plus
l’intérêt de Léonard pour la filiation entre les choses de la Nature, lorsqu’il déclare que seule
la vérité fut fille du temps. De Vinci est alors dans ses dernières années de vie, et cette
maxime sonne comme un conseil donné par un sage aux générations futures. Afin de mieux
comprendre cet intérêt de Léonard pour les choses vraies, nous pouvons nous appuyer sur
1 Bertrand Schefer, « Avant-propos » in Hermétisme et Renaissance, Eugenio Garin, Paris, Allia, 2001, p. 10. 2 Annexe 5.9 : Manuscrit M, 58 vo.
Claire Guillon, La pensée ésotérique de Léonard de Vinci : étude de son œuvre manuscrite
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l’allégorie de la caverne présente dans la République1 de Platon. En effet, ce dernier dans un
dialogue entre Socrate et Glaucon dépeint des hommes enchaînés dans une caverne, qui ne
peuvent percevoir des objets qu’à travers les ombres projetés sur les murs de celle-ci. Après
avoir expliqué les difficultés rencontrées par celui qui se libère de ses chaînes pour
contempler la réalité des choses, Socrate conclut ainsi :
Pour moi, telle est mon opinion : dans le monde intelligible, l’idée du Bien
est perçue la dernière et avec peine, mais on ne peut la percevoir sans
conclure qu’elle est la cause de tout ce qu’il y a de droit et de beau en toute
chose ; qu’elle a, dans le monde visible, engendré la lumière et le seigneur
de la lumière ; que, dans le monde intelligible, c’est elle-même qui est
souveraine et dispense la vérité et l’intelligence ; et qu’il faut la voir pour
se conduire avec sagesse dans la vie privée et dans la vie publique. (…) Ne
t’étonne pas que ceux qui se sont élevés à ces hauteurs ne veuillent plus
s’occuper des affaires humaines, et que leurs âmes aspirent sans cesse à
demeurer là-haut.
Nous retrouvons ici des éléments importants dans la vie de de Vinci, qui jalonnent l’ensemble
de son œuvre manuscrite : la vérité, l’intelligence, la sagesse. Cette préoccupation de Léonard
pour les choses vraies est décelable relativement tôt, dès 1493, dans le Manuscrit H2, avec ces
réflexions décousues dont il a l’habitude :
La memoria de’ beni fatti appresso l’i[n]gratitudine è fragile.
Reprendi l’amico in segreto e laldalo in palese.
Chi teme i pericoli, non perisce per quagli. Non esserre bugiardo del
preterito.
Dans cette suite de pensées, de Vinci expose que la mémoire de ce qui est bien fait sans
gratitude est fragile, et continue en conseillant de reprendre un ami en secret mais de le louer
en public, avant de conclure que ceux qui craignent les dangers, ne périront pas par ces
derniers, et qu’il ne faut pas mentir sur le passé. Beaucoup de périphrases qui révèlent
l’agitation de Léonard concernant les relations humaines, le manque de reconnaissance, et le
mensonge.
Cette inquiétude est exprimée de différentes façons dans le Manuscrit F, écrit en 1508, à
travers deux mentions, la première sur la couverture même du carnet3 :
Persona nuda che calpesta lingue ( ?)
1 Platon, République, VII, 514a-517c. 2 Annexe 5.2 : Manuscrit H, 16 vo. 3 Annexe 5.5 : Manuscrit F, II cop ro.
Claire Guillon, La pensée ésotérique de Léonard de Vinci : étude de son œuvre manuscrite
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La verità fa qui che la bugia affrigge le lingue bugiarde.
De Vinci propose ainsi cette phrase énigmatique, « personne nue qui piétine les langues ( ?) »
suivie de la constatation suivante non moins obscure : « La vérité fait qu’ici le mensonge
affecte les langues menteuses ». Est-ce une étude pour un emblème ? Un avertissement quant
au contenu de ce carnet ? Nous ne pouvons qu’émettre des hypothèses sur la nature de ce
discours. Nous retrouvons une autre mention d’étude dans un des manuscrits conservé à la
Royal Library de Windsor1. Nous y percevons les différentes étapes de réflexion de Léonard
quant à l’élaboration probable d’un emblème :
Vertià Il sole
Bugia Maschera
Innocentia
Malignità
Il foco distrugie la bugia, cioè il sofistico, e rende la verità, scacciando le
tenebre. Il foco è da essere messo per consumatore d’ogni sofistico e
scopritore e dimostratore di verità, perchè lui è luce, scacciatore delle
tenebre occultatrici d’ogni essentia.
Il foco destrugie ogni soffistico cioè lo ingano, e sol mantiene la verità cioè
l’oro. La verità al fine non si cela.
Non val simulatione. Simulatione è frustrata avanti a tanto giudice. La
bugia mette maschera. Nulla occulta sotto il sole.
Il foco è messo per la verità, perchè destrugge ogni soffistico e bugia, e la
maschera per la falsità e bugia, - ocultatrice del vero.
Il est intéressant de s’arrêter sur cette suite d’idées. Nous voyons qu’à partir de six mots :
vérité, mensonge, innocence, malignité, Soleil, masque, Léonard essaye de composer une
maxime, et s’y reprend à plusieurs fois, pour proposer diverses tournures. En reprenant le
contenu sémantique de ces différents essais, nous pouvons arriver à la conclusion suivante : la
vérité est symbolisée par le feu, le mensonge est symbolisé par le masque, la vérité détruit les
le mensonge, tout comme la lumière détruit les ténèbres, ainsi en est-il du Soleil. Nous
pouvons distinguer ici un symbolisme proche des traditions ésotériques, la quête de la vérité
est au cœur des préoccupations de celui qui cherche à s’élever vers une meilleure
compréhension de la Nature :
1 Annexe 5.3 : Études sur les proportions du corps humain, II a.
Claire Guillon, La pensée ésotérique de Léonard de Vinci : étude de son œuvre manuscrite
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C’est ainsi une démarche : la mise en mouvement individuelle d’une
recherche de la Vérité, qui en réalité ne sera que celle, pour chacun, de
« sa propre vérité », ell-même partielle et jamais atteinte1.
Léonard ne s’intéresserait-il pas finalement à la supériorité de la Vérité sur toutes autres
choses dans cette optique ?
En revenant au Manuscrit F2, nous découvrons une autre mention ayant trait au
mensonge, comparant cette fois l’homme et l’animal :
L’uomo ha grande discorso, del quale la più parte è vano e falso ; li
animali l’hanno piccolo ma è utile e vero, e meglio è la piccola certezza che
la gran bugia.
Léonard annonce que l’homme a une grande puissance de parole, en majeure partie vaine et
fausse, tandis que les animaux en ont peu, mais ce peu est utile et vrai, et de conclure alors
qu’il vaut mieux une chose petite et certaine qu’un grand mensonge. Nous décelons ici ce que
nous analyserons plus en détail dans la suite de cette étude concernant le pouvoir de la parole
et la crédulité des faibles d’esprit face aux imposteurs. Léonard ne s’attache pas à la quantité,
mais à la qualité des propos. Cette constance quant à l’importance de la vérité se retrouvait
déjà quelques années auparavant, en 1505, dans le Codex sur le vol des oiseaux3 :
Ed è tanto vilipendio la bugi ache s’ella dicessi be[n] gran cose di Dio, ella
to’ di grazia a sua deità ; ed è di tanta eccellenzia la verità che s’ella
laldassi cose minime, elle si fanno nobili.
Pour Léonard, le mensonge est d’une abjection telle, que même en l’utilisant pour célébrer les
œuvres de Dieu, il serait une offense à sa divinité ; à l’inverse, la vérité est d’une excellence
telle que si elle loue la moindre chose, celle-ci s’en trouve ennoblie. De Vinci poursuit en
blâmant ceux qui se répandent en discours redondants faits de sophismes et de faussetés :
Perchè la mente nostra, ancora ch’ell’abbia la bugia pel quinto elemento,
no[n] resta però che la verità delle cose non sia di sommo notrimento delli
intelletti fini, ma non di vagabundi ingegni.
De Vinci considère que notre esprit a fait du mensonge le cinquième élément, mais que la
vérité des choses est le nutriment essentiel des intellects raffinés, à l’inverse des esprits qui
errent. Et de conclure ainsi envers ces esprits :
1 Jean-Marc Font, Comprendre l’ésotérisme, Paris, Eyrolles, 2008, p. 441/3338 (Version numérique). 2 Annexe 5.8 : Manuscrit F, 96 vo. 3 Annexe 5.4 : Codex sur le vol des oiseaux, 11 ro.
Claire Guillon, La pensée ésotérique de Léonard de Vinci : étude de son œuvre manuscrite
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Ma tu che vivi di sogni, ti piace più la ragion soffistiche e barerie de’
pa[r]lari nelle cose grandi e incerte, che delle certe, naturali e non di tanta
altura.
Ce reproche adressé à celui qui vit dans les songes, et préfère parler des choses grandes et
incertaines par sophismes plutôt que de ce qui est naturel et moins grand de façon certaine se
retrouve dans divers écrits de de Vinci, particulièrement à partir de 1508. C’est ce que nous
allons étudier à présent.
3.1.2 DÉCELER LES IMPOSTEURS
La vérité est une qualité indispensable à l’entendement pour Léonard, elle se pose en
adversaire du mensonge et des sophismes. De Vinci distingue ainsi plusieurs types
d’imposteurs dont l’esprit raffiné doit se méfier, notamment les manipulateurs de la réalité.
En feuilletant le Manuscrit F1, nous découvrons qu’il se pose en défenseur de la vérité
avec la remarque suivante :
E molti fecen bottega con inganni e miraculi finti ingannando la stolta
moltitudine, e se nessun si s[c]opria cognoscitore de’ loro inganni, essi gli
puniano.
En effet, Léonard déclare que nombreux sont ceux qui en faisant commerce de supercheries et
miracles simulés, duperaient la multitude insensée et en imposeraient à tous, si personne ne
dénonçait leur subterfuges. De Vinci s’en prend de façon virulente aux imposteurs qui
profitent de la crédulité des esprits faibles pour s’enrichir, et considère comme un devoir de
révéler les mensonges de ces derniers. Ainsi, dans le Corpus sur les études anatomiques2, il
conseille d’éviter les médecins et leurs remèdes pour garder la santé :
E ingegnati di conservare la sanità, la qual cosa tanto più si riuscirà
quanto più da’ fisici ti guarderai, perché le sue composizione son di speczie
d’archimia, della qual non è men numero di libri ch’esista di medicina.
Pour lui, leurs compositions sont une sorte d’alchimie pour laquelle il n’existe pas moins de
livres que de médecines. Il faut rappeler qu’à cette époque, beaucoup de charlatans
fabriquaient des onguents ou des drogues dans le seul but de vendre leur production à des
esprits crédules, sans aucune garantie de résultat quant à la maladie, sans parler de la toxicité
possible pour le corps humain. Cette notion d’enrichissement personnel est dénoncée
également dans une autre remarque de ce manuscrit3 où Léonard affirme que les choses
mentales qui ne sont pas passées par la compréhension sont vaines et ne donnent naissance
1 Annexe 5.6 : Manuscrit F, 5 vo. 2 Annexe 5.20 : Corpus sur les études anatomiques, 136 ro [X]. 3 Annexe 5.19 : Corpus sur les études anatomiques, 113 ro [X].
Claire Guillon, La pensée ésotérique de Léonard de Vinci : étude de son œuvre manuscrite
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qu’à une vérité nuisible ; semblables discours dérivent de l’indigence de l’intellect, et ceux
qui les tiennent sont toujours pauvres, et s’ils sont nés riches, mourront pauvres dans leur
vieillesse. De Vinci s’appuie alors sur la Nature pour argumenter son propos :
Perché pare che la natura si vendichi con quelli che voglio far miraculi ; -
abbi <n>men che li altri omini più quieti. E quelli che vogliono arricchirsi
‘n un dì ; vivi nel lungo tempo in gran povertà, come interviene e interverrà
in etterno alli alchimisti, cercatori di creare oro e argento, e all’ingegnieri
che vogliono che l’acqua morta dia vita motiva a se medesima con continuo
moto.
E al sommo stolto negromante e incantatore.
La Nature, dit-il, se venge de ceux qui veulent faire des miracles, et il donne alors en exemple
les alchimistes qui prétendent créer l’or et l’argent, les nécromants et les incantateurs, mais
aussi les ingénieurs qui cherchent à percer le secret du mouvement perpétuel. Léonard se
considère différent de ces imposteurs, qui contrairement à lui, n’essayent pas de comprendre
la Nature pour l’imiter, mais tentent de la dominer.
Ainsi de Vinci développe plus en détail cet aspect de l’esprit humain face à la Nature
dans une note de ce même manuscrit1 :
O stoltizia umana ! Non t’avvedi tu che tu se’ stato con teco tutta la tua età
e non hai ancora notizia di quella cos ache tu più possiedi, cioè della tua
pazzia ? E volli poi con la moltitudine de’ sofistichi ingannare te e altri,
splezzando le matematiche scienze nella qual si contiene la vera notizia
delle cose che in loro si contengano. O voi poi scorrere n’ miracoli e
scrivere e dar notizia di quelle cose di che la mente umana non è capace e
non si posso<n>dimostrare per nessuno esemplo naturale ?
Léonard s’attarde sur la bêtise humaine, qui est cause de folie, les hommes préférant mépriser
les sciences mathématiques, qui renferment la vérité et la connaissance de toutes choses, au
profit des sophistes et de leurs miracles, qui écrivent sur des choses fausses, ne pouvant être
prouvées en s’appuyant sur l’exemple de la Nature.
Nous remarquons que pour Léonard, la Nature est toujours la base de toute recherche de
savoirs, et que les théories qui ne se fondent pas sur les choses naturelles sont vouées au
mensonge pour de Vinci. C’est ainsi qu’il met en garde contre les raisonnements fallacieux
des esprits soit disant raffinés.
1 Annexe 5.23 : Corpus sur les études anatomiques, 173 ro [IV].
Claire Guillon, La pensée ésotérique de Léonard de Vinci : étude de son œuvre manuscrite
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3.1.3 DISCERNER LES JUGEMENTS ERRONÉES
Léonard reconnaît différents types d’individus qui font fausse route quant à l’acquisition
de savoirs, des abréviateurs d’œuvres aux savants en quête de chimères.
Ainsi, dans le Corpus sur les études anatomiques1, de Vinci s’en prend aux abréviateurs
qui nuisent non seulement au savoir mais à l’amour, puisque l’amour de toute chose est le
fruit de la connaissance de cette dernière, et l’amour grandit au fur et à mesure que la
connaissance croît :
La qual certessa nasce dalla cognizione integrale di tutte quelle pa<r>te le
quali essendo insieme unite compongano il tutto di quella coe che debbono
essere amate. Che vale a quel che per abbreviare le parte di quelle cose che
lui fa professione di darne integral notizia, che lui lasci indirieto la
maggior parte delle cose di che il tutto è composto ?
Léonard se demande alors quel est l’intérêt de celui qui abrège les choses qu’il prétend
détailler quand il laisse de côté l’essence même de ce qui compose ces choses. Nous
retrouvons ici l’attachement de de Vinci à la vérité – et non à la dissimulation, qui va de pair
avec le mensonge. Pour lui, l’impatience est mère de stupidité, et c’est dans une comparaison
mêlant à la fois science et philosophie que Léonard conclut cette observation :
Egli è vero che la impazienzia, madre della stoltizia, è quella che lalda la
brevità, come se questi tali non avessino tanto di vit ache li servissi a potere
avere una intera notizia d’un sol particulare, come è un corpo umano. E poi
vogliano abracciare la menti di dio, nella quale s’include l’universo,
caratando e minuzzando quella in infinite parte come se l’avessino a
natomizzare
Vouloir connaître les choses à travers les abréviateurs équivaut pour de Vinci à vouloir
comprendre l’esprit de Dieu dans lequel l’univers réside, sans commencer par s’intéresser à
une partie plus infime de celui-ci, comme le corps humain par exemple. Toujours dans ce
même manuscrit2, Léonard estime que les propos des auteurs vulgarisant les connaissances ne
sont que douceurs aux oreilles pour mieux endormir l’audience, puisque les choses
démontrables sont visibles par l’œil et n’ont point besoin de discours verbeux :
O scrittore, con quali lettere scriverai tu con tal perfezione la intera
figurazione qual fa qui il disegno ? Il quale tu, per non avere notizia, scrivi
confuso e lasci poca cognizione delle vere figure delle cose, la quale tu,
ingannandoti, ti fai credere poter saddisfare appieno all’ulditore, avendo a
parlare di figurazione di qualunche cosa corporea circundato da superfizie.
1 Ibid. 2 Annexe 5.21 : Corpus sur les études anatomiques, 162 ro [V].
Claire Guillon, La pensée ésotérique de Léonard de Vinci : étude de son œuvre manuscrite
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Ma io ti ricordo che tu non t’impacci colle parole se non di parlare con
ordbi, o, se pur tu voi dimostrar con parole alli orecchi e non all’occhi delli
omini, parla di cose di sustanzie o di nature e non t’impacciare di cose
appartenenti all occhi col farle passare per il orecchi, perché sarai
superato di gram lunga dall’opera del pittore.
Ainsi de Vinci considère que celui qui manie les lettres en écrivant à profusion ne fait que
brouiller l’esprit de son public et que le recours à l’expérience est la voie la plus brève et
certaine pour convaincre de la vérité d’une chose :
Con quali lettere descriverai questo core che tu empia un libroe, quanto più
lungamente scriverai alla minuta, tanto più confonderai la mente dello
ulditore e sempre arai bisogno d’isponitori o di titornare alla sperienza, la
quale in voi è brevissima e dà notizia di poche cose rispetto al tutto del
subbietto di che desideri integral notizia.
Ce plaidoyer en faveur de l’expérience, seule détentrice de la vérité des choses de la Nature,
va se retrouver dans l’ensemble de l’œuvre manuscrite de Léonard. Il prend soin cependant de
mettre en garde les savants en quête du savoir véritable contre les mésusages de l’expérience
dans différentes notes du Codex Atlanticus.
Ainsi, en feuilletant le manuscrit1, nous découvrons une réflexion de de Vinci déclarant
que celui qui attend de l’expérience ce qu’elle ne possède pas dit adieu à la raison : « Chi si
promette dalla sperienzia quel che non è in lei, si discosta dalla ragione. » Cette idée est
développée dans une autre page du Codex2 où Léonard affirme que l’expérience n’est jamais
en défaut, seul l’est notre jugement, qui attend d’elle des choses étrangères à son pouvoir :
A torto si lamentan li omini della isperienza, la quale con somme rampogne
quella accusano esser fallace. Ma lasciano stare essa sperienza e voltate
tale lamentazione contro alla vostra ignoranza, la quale vi fa transcorrere
co’ vostri vani e instolti desideri a impromettervi di quella cose che non
sono in sua potenzia.
Pour Léonard, les hommes se plaignent à tort de l’innocente expérience, qu’ils accusent de
mensonge et de démonstration fallacieuse, alors que c’est du fait de leur ignorance et de leurs
désirs vains et insensés qu’ils attendent d’elle des choses qu’elle ne peut pas faire. De Vinci
donne ainsi en exemple sur cette même page3 la façon dont un raisonnement doit être mis en
œuvre pour le bon déroulement d’une expérience :
1 Annexe 6.16 : Codex Atlanticus, 820 ro. 2 Annexe 5.15 : Codex Atlanticus, 417 ro (côté droit). 3 Annexe 5.14 : Codex Atlanticus, 417 ro (côté gauche).
Claire Guillon, La pensée ésotérique de Léonard de Vinci : étude de son œuvre manuscrite
41
La sperienza non falla mai, ma sol fallano i vostri giudizi promenttendosi di
quella effetto tale che in e nostri experimenti causati non son. Perché, dato
un principio, è necessario che ciò che siguita di quello, è vera conseguenza
di tal principio, se già non fussi impedito, e se pur seguita alcuno
impedimento, l’effetto che doveva seguire del predetto principio, participa
tanto più o meno del detto impedimento, quanto esso impedimento è più o
men potente del già detto principio.
Léonard explique qu’étant donné un principe, il faut que sa conséquence en découle
naturellement à moins d’un empêchement. Dès lors, si ce principe est affecté par une
influence contraire, l’effet qui devrait résulter de ce principe procédera de cette influence
contraire. Il avertit donc les expérimentateurs des dangers d’un jugement erroné, qui vouerait
à l’échec dès le départ les résultats d’une expérience donnée. C’est pourquoi, nous retrouvons
sur un autre page du manuscrit1 des conseils concernant l’utilisation d’instruments lors
d’expérimentation :
Quando voi fare un effetto per istrumento, non ti allungare in confusione di
molti membri, ma cerca il più brieve modo, e non fare come quelli che, non
sapiendo dire una cosa per lo suo proprio vocabulo, vanno per via di
circuizione e per molte lunghezze confuse.
Pour le de Vinci, il ne faut pas compliquer les choses en ayant recours à des moyens
subsidiaires, mais procéder le plus brièvement possible. Et de blâmer une fois de plus les
personnes qui utilisent des propos confus pour masquer leur ignorance des choses. Léonard
envisage donc l’expérience comme le meilleur moyen de comprendre la Nature ; tout comme
cette dernière, elle doit emprunter le chemin le plus court pour démontrer son action, et
surtout prendre appui sur le savoir et la raison, et non pas les jugements erronés.
C’est un Léonard insurgé que nous dévoile son œuvre manuscrite, s’opposant
systématiquement aux manipulateurs et aux esprits qui troublent les plus faibles par des
propos fallacieux. De Vinci abhorre le mensonge et revendique la Vérité en toute chose, car
elle seule peut permettre d’arriver à la compréhension du monde.
3.2 ÊTRE EN QUÊTE DE CONNAISSANCE
Le dessein qui émane de l’ensemble de l’œuvre manuscrite de Léonard peut finalement
se résumer en ces mots : atteindre un niveau de connaissance tel que les mécanismes de la
Nature n’aient plus aucun secret. Cependant, une certaine éthique est nécessaire pour arriver à
cette compréhension suprême : seul celui qui fera preuve de probité intellectuelle, observera
des préceptes vertueux et usera de la raison pourra parvenir à percer les principes de l’univers.
1 Annexe 6.13 : Codex Atlanticus, 549 vo.
Claire Guillon, La pensée ésotérique de Léonard de Vinci : étude de son œuvre manuscrite
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3.2.1 LOUER LA PROBITÉ INTELLECTUELLE
Léonard non seulement condamne les menteurs, imposteurs, abréviateurs et esprits
faibles, mais il fait valoir son parcours autodidacte comme garantie de son intégrité, car en
s’appuyant sur l’expérience et non la parole, lui seul est digne de confiance.
Ainsi, nous lisons dans le Codex Atlanticus1, un Léonard qui se considère comme
« homme sans lettres », reconnaissant que ce manque d’éducation peut amener certains à
considérer qu’il n’a aucune légitimité quant aux choses qu’il avance :
So bene che per non essere io litterato, che alcuno presuntuoso gli parrà
ragionevolmente poterni biasimare coll’allegare io essere omo sanza
lettere. Gente stolta ! […] Diranno che, per non avere io lettere, non potere
ben dire quello di che voglio trattare. Or non sanno questi che le mie cose
son più da esser tratte dalla sperenzia che d’altrui parola, la quale fu
maestra di chi bene scrisse, e così per maest[r]a la piglio e quella in tutt’i
casi allegherò.
De Vinci annonce que ce n’est pas avec des paroles qu’il souhaite comprendre le monde mais
avec l’expérience, et que cette dernière est la maîtresse de ceux qui savent bien écrire ; c’est
pourquoi elle sera sa source d’inspiration qu’il citera à chaque fois. Léonard poursuit son
engagement pour la droiture intellectuelle dans une autre page du manuscrit2 où il remet en
cause le fait d’invoquer des auteurs au cours d’une discussion. Cela ne constitue pas selon lui
une preuve d’intellect mais simplement de mémoire :
Chi disputa allegando l’alturità, non adopera lo ‘ngegno ma più tosto la
memoria.
Le buone lettere so’ nate da un bono naturale, e perché si de’ più laldare la
cagion che l’effetto, più lalderai un bon naturale sanza lettere, che un bon
litterato sanza naturale.
Il continue en déclarant que la bonne littérature a pour auteurs des hommes doués d’intégrité
naturelle, et qu’il vaut mieux accorder des louanges à l’homme probe mais peu lettré qu’à
celui qui manie les lettres mais est dénué de probité. Nous pouvons remarquer une certaine
amertume de la part de Léonard dans ces deux notes. Il est probable que malgré l’ardeur avec
laquelle il s’est forgé une éducation de façon autonome, son esprit curieux et novateur lui ait
valu des critiques de la part de la communauté intellectuelle et scientifique de l’époque. Nous
saisissons ainsi, toujours dans le Codex Atlanticus3, d’autres observations acerbes où Léonard
1 Annexe 6.11 : Codex Atlanticus, 327 vo. 2 Annexe 5.10 : Codex Atlanticus, 207 ro. 3 Annexe 5.12 : Codex Atlanticus, 323 ro.
Claire Guillon, La pensée ésotérique de Léonard de Vinci : étude de son œuvre manuscrite
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considère qu’il n’est pas apprécié à sa juste valeur, et que les honneurs sont donnés à ceux qui
ne les méritent pas :
Se bene como loro non sapessi allegare gli altori, molto maggiore e più
degna cosa allegherò allengando la sperienza, maestra ai loro maestri.
Costoro vanno sconfiati e pomposi, vestiti e ornati non delle loro, ma delle
altrui fatiche e le mie a me medesimo non concedano. E se me inventore
dispresseranno, quanto maggiormente loro, non inventori ma trombetti e
recitatori delle altrui opere, [p]otranno essere biasimati.
Ainsi, il avoue son incapacité à citer d’autres auteurs, comme eux savent le faire, mais il
estime qu’il peut s’appuyer sur une chose bien plus grande et digne, l’expérience, qui est elle-
même la maîtresse des Anciens. Léonard juge en effet qu’il est méprisé en tant qu’inventeur
par ceux qui récoltent les fruits du travail mené par d’autres, et que ces derniers méritent de ce
fait bien plus de mépris que lui. Nous avons des traces de l’incompréhension que de Vinci
suscite à l’époque dans une correspondance entre Pietro da Novellara et Isabelle d’Este, en
date du 3 avril 1501. Celui-ci peut ainsi écrire à cette dernière :
La vie de Léonard […] est fortement instable et irrésolue [varia et
indeterminata], à tel point qu’il semble vivre au jour le jour1.
Dans le Corpus sur les études anatomiques2, nous remarquons une note ayant trait, une
fois encore, à l’homme vertueux qui mérite honneurs, ce dont le plus grand nombre n’a pas
conscience, et qui se retrouve alors obligé de fuir la fourberie en se réfugiant dans une caverne
ou en devenant ermite :
E se alcuno ne se trova vertuoso e bono, nollo scacciate da voi, fàtteli
onore, acciò che non abbia a fuggirsi da voi e ridursi nelli er<e>mi o
spelonche, o altri lochi soletari, per fuggirsi dalle vostre insidie.
S’ensuit une digression étonnante sur la religion, où de Vinci compare ces hommes vertueux à
des saints descendus sur terre, qui méritent statues et images, mais précise-t-il, ces images ne
doivent pas être ingérées, comme c’est le cas dans certaines parties de l’Inde. Léonard décrit
alors en détail cette pratique spirituelle, et termine sa démonstration en questionnant de telles
croyances :
Che ti pare, omo, qui della tua spezie ? Se’ tu così savio come tu ti tieni ?
Son queste cose da esser fatte da omini ?
1 Charles Nicholl, Léonard de Vinci biographie, Arles, Actes Sud, 2006, p. 395. 2 Annexe 5.22 : Corpus sur les études anatomiques, 173 ro [III].
Claire Guillon, La pensée ésotérique de Léonard de Vinci : étude de son œuvre manuscrite
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« Que penses-tu alors, homme, de ta propre espèce ? Es-tu aussi sage que tu penses l’être ?
Ces pratiques ont-elles leur place parmi les hommes ? » De Vinci blâme ici la crédulité de
personnes faibles d’esprit, qui pensent recevoir le savoir et la vertu en ingérant une image
bénie. Nous pouvons cependant nous demander si cette réflexion ne peut être élargie à la
manière dont Léonard envisage le savoir acquis par l’expérience par rapport au dogme
religieux de manière générale. Nous revenons ainsi à la République1 où Platon, avec
l’analogie de la ligne, sépare le visible de l’invisible. Dans le monde visible se trouvent les
images et les objets qu’elles représentent, dans le monde invisible se trouvent les originaux du
monde visibles, qu’on peut atteindre par hypothèses, afin de conduire aux Formes. Les
Formes sont des réalités immatérielles et immuables, demeurant éternellement identiques à
elles-mêmes, universelles et intelligibles ; contrairement aux choses sensibles, dont la réalité
est changeante, les Formes sont l’unique et vraie réalité : ce sont les véritables objets de la
définition de la connaissance.
Ainsi, pour Léonard, l’homme vertueux, l’homme probe, ne laisse pas son esprit
s’ouvrir aux mensonges et sottises professés par d’autres, et suit plutôt ses propres principes
qui le mènent sur la voie du savoir universel. À travers ce discours, ne pouvons-nous pas
envisager que de Vinci soit en quête des Formes décrites par Platon ?
3.2.2 SUIVRE LES PRÉCEPTES VERTUEUX
Léonard s’élève contre ceux qui ne font pas usage de leur intelligence dans la
compréhension des choses de la Nature, mais donne également des recommandations pour
mieux suivre les principes que tout sage à la recherche de connaissances devrait observer.
Nous retrouvons dès 1490 dans le Manuscrit B2 un conseil que Léonard doit
probablement suivre : « Fuggi i precetti di quelli speculatori, che le loro ragioni non son
confermate dalla isperienza. » Une fois encore, de Vinci recommande de fuir les préceptes des
spéculateurs dont les arguments ne sont pas confirmés par l’expérience. Dans le Manuscrit F3,
il s’en prend également aux commentateurs qui blâment les anciens inventeurs, auxquels nous
sommes redevables des grammaires et des sciences :
Contro alcun commentatori che biasiman li antichi inventori, donde
nasceron le gramatiche e le scienze e fansi cavalieri contro alli morti
inventori, e perché essi non han trovato da farsi inventori per la piegrizia, e
come di ta[n]ti libri attendano al continuo con falsi argumenti a riprendere
li lor maestri.
1 Platon, République, VI, 509d-510c. 2 Annexe 5.1 : Manuscrit B, 4 vo. 3 Annexe 5.7 : Manuscrit F, 27 vo.
Claire Guillon, La pensée ésotérique de Léonard de Vinci : étude de son œuvre manuscrite
45
Pourquoi, par paresse, n’ont-ils pas réussi à se faire eux-même inventeurs, se demande alors
Léonard, eux qui préfèrent s’appliquer à confondre leurs maîtres au moyen d’arguments
fallacieux.
Concernant les auteurs du passé, Léonard adopte en effet une attitude pragmatique,
comme nous pouvons le découvrir dans le Manuscrit F1 et le Codex Atlanticus2. Il n’hésite pas
à défendre l’opinion de Platon concernant la nature des éléments, contre les commentateurs
qui critiquent cette théorie, à l’aide non seulement d’arguments mais bien entendu
d’expériences :
Della figura delli elementi, e prima contro a chi niega l’oppennione di
Platone, che dicano che se essi elementi vestissin l’un l’altro colle figure
che mette Platone, che si causerebbe vacuo in fra l’uno e l’altro. Il [ch]e
non è vero e qui lo provo, ma prima bisogna proporre alcuna conclusione.
Mais il reconnaît également les lacunes des Anciens, à propos de la nature de l’âme et de la
vie par exemple, qui sont des choses improuvables pour Léonard :
Or guarda, lettore, quello che noi potremo credere ai nostri antichi, i quali
hanno voluto difinire che cosa s[ia] [a]nima e vita, cose improvabili,
q[uando] quelle che con isperienzia ognora si possano chiaramente
conoscere e provare, sono per tanti seculi ignorate e falsamente credute.
L’occhio, che così chiaramente fa sperenzia del suo ofizio, è insino ai mia
tempi per infiniti altori stato difilato in un modo, troco per isperienzia
essere ‘n un atltro.
Il rappelle ainsi que les choses qui peuvent être connues et prouvées clairement grâce à
l’expérience sont restées inconnues durant tant de siècles ; ce n’est pas parce qu’une chose est
longuement dissertée que cela la rend vraie pour autant, seule l’expérience peut montrer la
véritable nature des éléments.
Nous remarquons dans le Codex Forster3, un autre conseil à suivre de la part de
Léonard : « Fuggi quello studio del quale la resultante opera more insieme coll’operante
d’essa. » De Vinci engage ainsi à fuir l’étude qui donne naissance à une œuvre appelée à
mourir en même temps que son ouvrier. Léonard, non dénué d’humour, écrit également des
recommandations sous forme de jeux d’esprit, comme nous pouvons le remarquer dans le
Codex Atlanticus4. Sous la forme d’une maxime, une note fait ainsi mention du nom de
Giovanni da Lodi, peintre italien, contemporain de Léonard :
1 Annexe 3.4 : Manuscrit F, 27 ro. 2 Annexe 5.13 : Codex Atlanticus, 327 vo. 3 Annexe 7.2 : Codex Forster III, 55 ro. 4 Annexe 6.9 : Codex Atlanticus, 207 vo (marge gauche).
Claire Guillon, La pensée ésotérique de Léonard de Vinci : étude de son œuvre manuscrite
46
Se tu volli insegnare a uno una cosa che tu non sappia, falli misurare la
lunghezza d’une cosa a te incognita e lui saprà la misura che tu prima non
sapevi. Maestro Giovanni da Lodi.
La solution suivante est proposée : si l’on veut enseigner un sujet qu’on ne connait pas soi-
même, il suffit de laisser la personne mesurer la longueur d’un objet inconnu, et celle-ci
apprendra alors quelque chose qu’on ne connaissait pas avant elle. Le fait que le nom de
Giovanni da Lodi jouxte ce trait d’humour suggère que Léonard a probablement usé de cette
technique sur son contemporain.
Léonard propose de suivre des vertus intellectuelles en faisant usage de l’intelligence, la
sagesse et la science, adossées à l’expérience, qui seule permet de mettre en pratique la
recherche de la vérité des choses du monde.
3.2.3 FAIRE USAGE DE LA RAISON
Léonard donne des conseils quant à l’entendement pour acquérir le savoir des choses de
la Nature. Ainsi il met en garde, dans le Codex Atlanticus1, contre une certaine attitude vis-à-
vis des choses qu’on ne comprend pas :
Male se laldi e peggio se riprendi, la cosa dico, se bene tu nolla intendi.
[…]
Mal fai se laldi e pegg’è istu riprendi – la cosa quando bene tu nolla
‘ntendi.
Pour de Vinci, c’est en effet un mal que de louer, mais pire encore de reprendre, une chose à
laquelle on ne comprend rien. Une fois de plus, il est probable qu’ici Léonard tire ce constat
amer de ce qu’il observa lui-même auprès de la communauté scientifique. Il développe cette
idée dans une note du Manuscrit G2, à la fin de sa vie :
O speculatore delle cose, non ti laldare di conoscere le cose che
ordinariamente per se medesima la natura conduce, ma rallegratti di
conoscere il fine di quelle cose che son disegnate dalla mente tua.
Il s’adresse aux spéculateurs des choses de la Nature, et leur rappelle que dans la quête d’une
meilleure compréhension du monde, l’essentiel est dans la façon dont l’esprit s’interroge sur
la Nature pour mieux l’étudier, et non dans la connaissance des processus effectués
d’ordinaire par celle-ci. Dans une autre note du Codex Atlanticus3, Léonard donne un
avertissement à l’inverse à tous ceux qui cherchent à atteindre un savoir absolu :
1 Annexe 5.11 : Codex Atlanticus, 207 vo. 2 Annexe 6.6 : Manuscrit G, 47 ro. 3 Annexe 6.8 : Codex Atlanticus, 112 ro (a).
Claire Guillon, La pensée ésotérique de Léonard de Vinci : étude de son œuvre manuscrite
47
La somma filicità sarà somma cagione della infilicità, e la perfezio[n] della
sapienza cagion della stoltizia.
Ainsi, pour de Vinci, le bonheur suprême sera la plus grande cause de misère, et la perfection
de la sapience une occasion de folie. Nous pouvons nous demander si Léonard à travers ces
mots ne s’adresse pas à lui-même, dans sa quête de connaissance des choses de la Nature ;
afin de l’imiter au plus près, il est amené à étudier tous les domaines de la philosophie
naturelle mais également des techniques et des sciences. Fait-il le constat que sa poursuite du
bonheur absolu à travers un savoir toujours plus grand ne le mène qu’à une vie de solitude et
d’incompréhension par ses contemporains ?
Cette obsession pour la connaissance se ressent dans une autre page du Codex1, où
Léonard commence une démonstration par l’observation suivante : « Naturalmente li omini
boni disiderano sapere. […] » Cette phrase insistant sur le caractère naturel du désir
d’apprendre pour les hommes bons, nous amène à considérer une fois de plus les
enseignements de Platon. Ainsi dans le Banquet2, le discours de Diotime souligne
l’importance du Bien :
Le principe général est le suivant : toute aspiration vers le bien et vers le
bonheur, voilà ce que qu’est l’Amour tout-puissant et plein de ruses. […]
Tant il est vrai que l’être humain n’aime rien d’autre que le bien.
Platon joue sur les notions de Bon et de Bien, en glissant de l’idée que lorsque nous désirons
une chose, nous ne pouvons la vouloir que « bonne », à l’affirmaton plus théorique que nous
désirons « le bon », c’est-à-dire le bien. Ainsi pour Léonard, l’acquisition d’une connaissance,
quelle qu’elle soit, est toujours profitable à l’intellect, parce qu’elle lui permet de bannir
l’inutile et de conserver le bon :
L’acquisto di qualunche cognizione è sempre utile allo intelletto, perché
potrà scacciare da sè le cose inutile e riservare le buone.
Perché nessuna cosa si può amare né odiare, se prima non si ha cognizion
di quella3.
Et de préciser qu’on ne saurait rien aimer ou haïr qui ne soit d’abord connu. Nous retrouvons
cette notion d’Amour déjà abordée par de Vinci lors de ses remarques sur les abréviateurs
d’œuvre4, qui empêchent ce dernier de croître au fur et à mesure des connaissances acquises.
Là encore, ce concept peut être croisé avec celui développé par Platon dans Le Banquet,
comme le révèle le discours de Diotime. Au-delà du désir premier qui est sensible, la
1 Annexe 6.11 : Codex Atlanticus, 327 vo. 2 Platon, Le Banquet, 205d-206a. 3 Annexe 6.14 : Codex Atlanticus, 616 vo. 4 Annexe 5.23 : Corpus sur les études anatomiques, 173 ro [IV].
Claire Guillon, La pensée ésotérique de Léonard de Vinci : étude de son œuvre manuscrite
48
conception platonicienne de l’Amour s’apparente à la simple volonté abstraite de posséder
quelque chose sans rien de charnel et sentimental, un élan d’ordre purement intellectuel, dont
la sublimation réside dans le plus haut degré de l’intelligible : les Formes. C’est pourquoi
pour Léonard il est important de conserver un esprit vigoureux, toujours en quête de nouveaux
savoirs, afin d’atteindre un état de connaissance toujours plus proche de l’idéal de l’âme :
Sì come il ferro s’arrigginisce sanza esercizio e l’acqua si putrefa o nel
freddo s’addiaccia, così lo ‘ngegno sanza esercizio si guasta1.
À travers une comparaison des choses de la Nature, de Vinci rappelle que l’inaction sape la
vigueur de l’esprit, de la même façon que le fer se rouille faute d’utilisation, ou que l’eau
stagnante perd de sa pureté.
Pour Léonard, cette quête de connaissance, cette poursuite de la Vérité, est donc
possible pour les hommes qui recherchent avant tout ce qui est Bon. Grâce à l’Amour du
savoir, ces hommes peuvent évoluer vers une compréhension globale de l’univers, la
contemplation de l’intelligible : les Formes.
3.3 DEVENIR MEILLEUR PAR LE SAVOIR
Nous avons pu saisir dans l’ensemble de cette étude l’importance accordée par Léonard
à l’expérience, qui est pour lui le seul moyen de réellement comprendre les mécanismes de la
Nature. C’est en analysant l’influence des mathématiques dans la pensée de de Vinci, que
nous pourrons envisager plus précisement son œuvre : l’expérience est un moyen pour lui non
seulement de s’élever vers le savoir suprême, mais aussi de laisser une trace dans la mémoire
des hommes.
3.3.1 S’APPUYER SUR L’EXACTITUDE MATHÉMATIQUE
Pour Léonard, il faut non seulement déceler les mensonges et faire usage de la raison,
mais également s’appuyer sur les mathématiques pour confirmer tout raisonnement.
Rappelons l’importance dans la bibliothèque de de Vinci des ouvrages consacrés aux
mathématiques, et sa collaboration avec son ami Luca Pacioli à l’ouvrage De Divina
Proportione.
Nous retrouvons ainsi dans le Manuscrit G2 le principe suivant :
Nessuna certezza delle scienzie è dove non si po applicare una delle
scienzie matematiche, ovver che non sono unite con esse matematiche.
De Vinci déclare que là où l’on ne peut appliquer aucune des sciences mathématiques, ni
aucune de celles qui sont basées sur ces dernières, il n’est point de certitude. Nous pouvons
probablement considérer que Léonard envisage les mathématiques dans la continuité des
1 Annexe 6.15 : Codex Atlanticus, 785 vo (b). 2 Annexe 6.7 : Manuscrit G, 96 vo.
Claire Guillon, La pensée ésotérique de Léonard de Vinci : étude de son œuvre manuscrite
49
Anciens ; cet extrait d’une réflexion de David Rabouin sur la « mathématique universelle »1 à
propos du Prologue de Proclus pourrait convenir à la vision de de Vinci :
[…] tout savoir et tout niveau de réalité doivent se comprendre à partir
d’un rapport un-multiple ; une connaissance des choses divisibles n’est
donc pas possible sans une connaissance première et unifiante des
indivisés, en l’occurrence la science des Formes [F 9.11-15]. Ce schéma de
subordination des sciences « particulières » aux sciences « les plus
générales » assure de droit l’existence d’une théorie unitaire des
mathématiques, au-dessus des mathématiques particulières et en dessous de
la science de l’être en tant qu’être […] [F 9.20-21].
Cette vision néoplatonicienne trouve ses racines dans le Parmenide de Platon où le philosophe
présente une théorie de l’unicité de l’être à travers diverses hypothèses. Les commentateurs de
Platon s’inspirent de cette théorie pour développer une compréhension du monde faisant
intervenir différents ordres. Ainsi Plotin expose dans les Ennéades trois niveaux de réalité
distinctes, appelées hypostases : l’Un est le principe suprême n’ayant besoin d’aucun autre
principe d’ordre supérieur pour exister (assimilé au Bien), l’Intellect dérive de l’Un et
contient tout le monde intelligible (assimilé aux Formes), l’Âme découle de l’Intellect et
contient le monde sensible. Proclus dans les Éléments de théologie ajoute l’idée d’unité et de
multiplicité à travers les différentes hypostases, le réel se constitue ainsi par déploiement.
L’être humain procéde de l’Un à travers l’Intellect puis l’Âme et souhaite retourner à ce
principe originel dans un processus de conversion, sous forme d’une unité saturée :
Ce retour de la fin au principe rend chaque ordre un en son entier,
déterminé, concentré en lui-même, et lui donne de faire apparaître par cette
concentration l’empire de l’unité sur sa multiplicité2.
Nous pouvons ainsi supposer que Léonard, à travers l’utilisation des mathématiques, en tant
que principe fondamental du savoir, envisage dans son œuvre cette dimension métaphysique.
Nous avons déjà pu analyser la façon dont il sépare le sensible de l’intelligible, et la
connaissance est pour de Vinci le seul moyen de tendre vers un niveau supérieur de réalité,
qu’il soit nommé Un ou Bien.
Léonard développe en outre plusieurs observations concernant l’usage des
mathématiques dans le Corpus sur les études anatomiques. Il considère les mathématiques
comme la seule façon de réduire au silence les sophistes :
1 David Rabouin, « La « mathématique universelle » entre mathématique et philosophie, d’Aristote à Proclus »,
Archives de Philosophie 2/2005, Tome 68, p. 258. 2 Proclus, Élements de théologie, 146.
Claire Guillon, La pensée ésotérique de Léonard de Vinci : étude de son œuvre manuscrite
50
Chi biasima la somma certezza della matematica, si pasce di confusione e
mai porrà silentio alle contraditioni delle soffistiche scientie, colle quali
s’inpara uno eterno gridore1.
Méconnaître la suprême certitude des mathématiques, c’est se repaître de confusions. C’est
pourquoi il donne ce conseil aux générations futures : « E però, o studianti, studiate le
matematiche e non edificate sanza fondamenti2 ». Non seulement il demande aux élèves
d’étudier les mathématiques et de ne pas construire sans fondations, mais il ajoute à cela que
connaître les sciences mathématiques est un prérequis pour comprendre son œuvre : « Non mi
legga chi non è matematico nelli mia principi3. » Cette phrase est à rapprocher de l’inscription
qui aurait été gravée sur le fronton de l’Académie de Platon : « Que nul n’entre ici s’il n’est
géomètre4 ». Les mathématiques, et notamment la géométrie, sont un outil de réflexion avant
tout mental, et non physique, comme Léonard le mentionne dans le Manuscrit F5 en donnant
l’exemple de Platon :
L’altra prova che dette Platone a que’ di Delo, non è geometrica, perché si
va con istrumento di seste e di riga, e la sperienza poil lo mostra, ma questa
è tutta mentale e per conseguenza geometrica.
L’expérience ne confirme pas les preuves mathématiques, l’expérience est une manière
d’appréhender objectivement les conceptions de l’esprit.
À travers l’utilisation des mathématiques, Léonard met en avant un langage permettant
d’exprimer l’abstraction des idées développées par la raison mais également de concevoir la
structure du monde. Tout comme il envisage le temps à la fois d’un point de vue linéaire et
universel, de Vinci envisage la réalité sur un plan autant physique que métaphysique, et cet
aspect temporaire et cyclique de la vie se retrouve dans les différentes hypostases permettant à
l’Âme de remonter vers l’Intellect pour se fondre finalement dans l’Un.
3.3.2 EXPÉRIMENTER AVEC LA NATURE
Léonard se définit lui-même comme un disciple de l’expérience, nous pouvons le lire
dans le Codex Atlanticus6 : « Corpo nato della prospettiva di Leonardo Vinci, discepolo della
sperienza. » En effet, pour lui cette dernière est le truchement entre l’ingénieuse Nature et
l’espèce humaine :
La sperienza, interprete infra l’artifiziosa natura e la umana spezie, ne
‘nsegna ciò che essa natura infra’ mortali adopera da necessità constretta
1 Annexe 6.19 : Corpus sur les études anatomiques, 173 ro [I]. 2 Annexe 6.18 : Corpus sur les études anatomiques, 159 ro [II]. 3 Annexe 6.17 : Corpus sur les études anatomiques, 116 ro [IV]. 4 Jean Philopon, Commentaire sur le De anima d’Aristote, trad. Louvain, 1966. 5 Annexe 3.5 : Manuscrit F, 59 ro. 6 Annexe 5.16 : Codex Atlanticus, 520 ro.
Claire Guillon, La pensée ésotérique de Léonard de Vinci : étude de son œuvre manuscrite
51
[e] [corne] non altrimenti operar si possa che la ragion, suo timone,
operare le ‘nsegni1.
Pour de Vinci, l’expérience nous enseigne ce que la Nature effectue parmi les mortels ; en
effet pour l’homme, ce qui est contraint par la nécessité ne saurait se produire autrement que
de la façon que lui enseigne la raison, laquelle est son gouvernail. Nous retrouvons cette idée
de subordination entre l’aspect mental et concret dans une autre mention contenue dans le
Manuscrit I2 : « La scienza è il capitano e la pratica sono i soldati », la science est le capitaine,
et la pratique le soldat. Cette dépendance est également présente dans le Manuscrit G3 dans
une observation intitulée « De l’erreur de ceux qui utilisent la pratique sans les sciences » :
Dell’error di quelli che usano la pratica sanza scienzia.
Quelli che s’innamoran di pratica sanza scienzia son come ‘l nocchieri che
entra in navilio sanza timone o bussola, che mai ha certezza dove si vada.
Ceux qui sont férus de pratique sans posséder la science, sont comme des pilotes qui
s’embarqueraient sans timon ni boussole, et ne sauraient jamais avec certitude où ils vont.
Léonard poursuit sur ce sujet dans le Codex Forster4 à travers la filiation entre l’expérience et
la sagesse, laquelle est fille de l’expérience, comme nous pouvons le lire dans la note
suivante : « La sapienzia è figliola della sperienzia, la quale sperienza… ».
Le couple expérience et raison est au cœur de la démarche de Léonard pour comprendre
les choses de la Nature. Nous pouvons comprendre ainsi la façon de penser de de Vinci à
travers deux notes composées probablement en 1497, cependant contenues dans deux
manuscrits différents. Dans le Manuscrit I5, Léonard observe que la Nature est pleine de
causes infinies que l’expérience n’a jamais démontrées : « La natura è piena d’infinite ragioni
che non furon mai in isperienza. » Et pourtant, nous trouvons dans le Codex Trivulzio6 la
remarque suivante : « Nulla può essere scritto per nuovo ricercare e quale cosa di te a me
stesso prometta7 ». Malgré le fait que la Nature est un champ d’expériences infinies, rien ne
peut être inscrit comme étant le résultat de recherches nouvelles. Le savoir des Anciens est un
prérequis indispensable pour s’approprier les connaissances de ce monde. La place de
l’expérience est alors de confirmer ou infirmer les postulats du passé.
L’expérience est seule capable d’expliciter les mécanismes de la Nature, et chaque
découverte nouvelle s’inscrit dans une continuité ou discontinuité nécessaire. Nous pouvons
nous demander si Léonard, à travers cette quête de compréhension du monde, ne cherche pas
1 Annexe 6.10 : Codex Atlanticus, 234 ro. 2 Annexe 6.4 : Manuscrit I, 130 ro. 3 Annexe 6.5 : Manuscrit G, 8 ro. 4 Annexe 6.1 : Codex Forster III, 14 ro. 5 Annexe 6.3 : Manuscrit I, 18 ro. 6 Annexe 3.1 : Codex Trivulzio, 14 ro. 7 Phrase tirée de Roberto Valturio « Nihil scribi omnino nova inquisitione possit » Valturio, p. 1.
Claire Guillon, La pensée ésotérique de Léonard de Vinci : étude de son œuvre manuscrite
52
à laisser une trace du passage physique de son âme sur cette terre, comme les Anciens ont pu
le faire avant lui ?
3.3.3 ACCOMPLIR UNE ŒUVRE MÉMORABLE
Léonard est lucide face au passage du temps, et c’est ainsi qu’il écrit dans le Codex
Atlanticus1 qu’il faut acquérir dans la jeunesse ce qui compensera les misères de la vieillesse :
Acquista cosa nella tua gioventù che ristori il danno della tua vecchiezza. E
se tu intendi la vecchiezza aver per suo cibo la sapienza, adoperati in tal
modo in gioventù che a tal vecch[i]ezza non manchi il nutrimento.
En effet, celui qui souhaite que sa vieillesse ait la sapience comme aliment, doit étudier
lorsqu’il est encore jeune, pour qu’une fois plus âgé il ne manque pas de nourriture. Cette
opposition entre deux âges de la vie se retrouve également dans une note du Codex Forster2,
où Léonard déclare que c’est un triste disciple celui qui ne surpasse pas son maître : « Tristo è
quel discepolo che non avanza il suo maestro. » L’acquisition de savoirs permet de devenir
toujours meilleur, d’abord en surpassant son maître, puis ses contemporains, jusqu’à laisser
une trace dans le temps, comme les Anciens. Nous pouvons une fois de plus rapprocher cette
réflexion de la notion de Beau explicitée dans le Banquet de Platon, toujours dans le discours
de Diotime3 :
Tel est en effet le chemin droit qui conduit aux choses de l’Amour, un
chemin sur lequel on peut aussi être guidé par quelqu’un : il faut
commencer par les beautés de notre monde pour s’orienter vers cette
beauté-là, en s’élevant toujours comme en s’appuyant sur des échelons,
passant d’un seul beau corps à deux, et puis de deux corps à tous les corps,
ensuite des beaux corps aux belles occupations et des belles occupations
aux belles sciences, jusqu’à ce que, en se fondant sur les sciences, on
parvienne enfin à cette science unique qui n’est le savoir d’aucune autre
beauté que cette beauté unique et qu’on connaisse, en arrivant au terme, ce
qu’est en soi le Beau.
C’est ainsi cet Amour du Beau qui conduit les hommes à vouloir procurer une mémoire
impérissable de leur excellence :
[…] car je pense que c’est pour se garantir une telle gloire et une telle
immortalité attachées à leur excellence que tous les hommes accomplissent
1 Annexe 7.14 : Codex Atlanticus, 310 ro. 2 Annexe 7.3 : Codex Forster III, 66 vo. 3 Platon, Le Banquet, 211c.
Claire Guillon, La pensée ésotérique de Léonard de Vinci : étude de son œuvre manuscrite
53
tous leurs actes, et cela à proportion de leur qualité propre. Car ils sont
amoureux de l’immortalité1.
Cette idée d’accomplissement d’une œuvre mémorable est importante pour Léonard, au point
d’être déclinée de plusieurs façons à travers ses manuscrits. Ainsi, nous retrouvons dans le
Codex Atlanticus2 des fragments de phrases ayant trait au fait qu’une vie misérable ne laisse
aucun souvenir dans l’esprit des mortels :
… né modi di compartire e misurare …giorni ne’ quali ci doviamo
affaticare di non trapassarli … [quest]a misera vita non trapassi sanza
alcuna …lasciare di noi alcuna memoria nelle menti de’ mortali.
…da
…do in saperlo spendere…difendere e contastare…li el più delle vol[t]e
son cagione… [que]sta nostra misera vita.
Toujours dans ce même manuscrit3, de Vinci aborde la question du temps qui passe d’un point
de vue moral :
L’ètà che vola discorre nascostamente e inganna altrui, e niuna cosa è più
veloce che gli anni e chi semina virtù, fama ricoglie.
Comme nous avons pu l’étudier, la question de la vertu et des honneurs est primordiale pour
Léonard. Ainsi il rappelle que bien que l’âge glisse en secret et leurre chaque homme, celui
qui sème la vertu récolte les honneurs. Léonard propose alors une réflexion sur le sommeil et
la mort dans une autre page de ce Codex4 :
O dormiente, che cosa è sonno ? Il sonno ha similitudine colla morte. O
perché non fai adunque tale opera che dopo la morte tu abbi similitudine di
perfetto vivo, che vivendo farsi col sonno simile ai tristi morti ?
De Vinci s’adressant à un dormeur lui pose ainsi cette question : pourquoi n’accomplis-tu pas
une œuvre telle, qu’après ta mort tu représentes une image de vie parfaite, toi qui vivant, le
fais dans le sommeil, semblable aux tristes morts ? Cette inquiétude face à sa propre
disparition se ressent également dans une note du Codex Trivulzio5, où Léonard assimile une
fois de plus le sommeil à la mort : « Sì come una giomata bene spesa dà lieto dormire così una
vita bene isata dà lieto morire. » De Vinci conclut : de la même façon qu’une journée bien
remplie apporte un sommeil tranquille, ainsi une vie bien employée apporte une mort paisible
1 Ibid., 208d-208e 2 Annexe 7.9 : Codex Atlanticus, 42 vo. 3 Annexe 7.11 : Codex Atlanticus, 195 vo. 4 Annexe 7.13 : Codex Atlanticus, 207 vo. 5 Annexe 7.4 : Codex Trivulzio, 27 ro.
Claire Guillon, La pensée ésotérique de Léonard de Vinci : étude de son œuvre manuscrite
54
Est-ce pour connaître le sort qui sera le sien que Léonard, contre toute attente, va jusqu’à se
faire dire la bonne aventure ? Cette note étrange dans le Codex Atlanticus1 illustre de manière
différente cette obsession de de Vinci pour le temps qui passe : « Per dire la ventura soldi 6. »
Nous terminerons cette partie par une citation de Charles Nicholl dans Léonard de Vinci
biographie2 :
Bien sûr, Léonard de Vinci était un génie, mais ce terme tend exagérément
vers la vénération idolâtrique, incompatible avec ses propres convictions
marquées du sceau de la rigueur et du scepticisme, et c’est pourquoi je
préfère l’éviter.
À travers la lecture de son œuvre manuscrite, c’est bien l’homme et non le génie que nous
avons tenté de comprendre. Un homme avec ses obsessions, ses tourments, ses peines, un
Léonard incompris par tant, qui doit continuellement se défendre pour revendiquer sa
légitimité intellectuelle et scientifique. N’est-ce pas justement en réponse à ce qu’il considère
comme une injustice qu’il va faire en sorte de suivre durant toute sa vie cette rigueur et ce
scepticisme, pour prouver à ses détracteurs qu’ils se trompent dans leur quête de vérité ? Il
peut sembler hardi de relier les pensées de Léonard aux traditions néoplatoniciennes ; pourtant
l’analyse de ses manuscrits ne laisse aucun doute quant à la portée transcendentale de son
œuvre. De Vinci, conscient qu’il n’est qu’une enveloppe temporaire, souhaite acquérir les
connaissances de ce monde, et cela dans un objectif double après sa mort : laisser une trace de
son passage dans la postérité et sublimer son Âme pour regagner l’Un.
1 Annexe 5.17 : Codex Atlanticus, 877 vo. 2 Charles Nicholl, Léonard de Vinci biographie, Arles, Actes Sud, 2006, p. 13.
Claire Guillon, La pensée ésotérique de Léonard de Vinci : étude de son œuvre manuscrite
55
CONCLUSION
Après avoir longuement commenté les écrits de Léonard, nous pouvons maintenant
envisager l’œuvre de de Vinci à l’aune des quatre caractéristiques qui définissent l’ésotérisme
selon Antoine Faivre. Ainsi, il semble indéniable que Léonard considère la Nature comme un
être vivant, et qu’il établit des ponts entre les différents niveaux de la réalité, puisque
l’homme procède de la Nature qui procède elle-même de Dieu. Cette filiation autorise
l’existence de correspondances universelles entre ces différents niveaux de la réalité, comme
de Vinci l’envisage avec le macrocosme et le microcosme. L’expérience de la transformation
intérieure est peut-être la notion la plus surprenante de la part de Léonard, et pourtant elle
semble être au cœur de sa démarche scientifique, cette quête de connaissance qui le pousse
toujours plus loin dans sa compréhension des choses de l’univers, de l’Âme vers l’Intellect
pour rejoindre l’Un.
Nous souhaitons conclure cette étude par deux citations, qui synthétisent le sentiment
général avec lequel nos recherches ont été effectuées. La première est tirée du Picatrix1 (I, VI,
I), un traité de magie et d’hermétisme médiéval :
Sachez que la science […] est quelque chose de très noble et de très élevé ;
qui s’y emploiera et agira par son moyen en retirera noblesse et grandeur.
Et la science procède par degrés ; si l’on en connaît un, un autre aussitôt
apparaît qu’il faut apprendre. Est parfait dans la science celui qui atteint
l’ultime degré, et qui apprécie et aime tous les degrés de la science. Les
Grecs l’appellent philosophe, ce qui se traduit en latin par amoureux de la
science.
La seconde de l’ouvrage Introduction aux Science Studies2 de Dominique Pestre :
Au fond, et quelles que soient ses formulations, Latour nous dit combien il
serait intéressant de ne pas avoir à partir du cadre dualiste qui est le nôtre
spontanément depuis la « révolution scientifique », cadre que la science
moderne a fait advenir en prétendant pouvoir séparer définitivement
humains et objets, faits et constructions, réalités et fictions […]. Latour
nous dit l’importance qu’il y aurait à ne pas partir de la série de grandes
dichotomies qui fondent notre culture, qui cadrent et définissent nos
manières de penser, qui sont antécédentes pour nous à toute possibilité
même de réfléchir – et qui fonctionnent binairement et nous figent dans des
tensions insurmontables, des contradictions toujours répétées : la dualité
1 Eugenio Garin, Hermétisme et Renaissance, Paris, Allia, 2001, p. 51 2 Dominique Pestre, Introduction aux Science Studies, Paris, La Découverte, 2006, p. 57-58.
Claire Guillon, La pensée ésotérique de Léonard de Vinci : étude de son œuvre manuscrite
56
qui oppose savoir et contexte […], représenter et agir […] et au-delà, bien
sûr la distinction sujet / objet.
De Vinci s’intéressait à la compréhension du monde, à la fois tangible et intangible ; Léonard
scientifique et philosophe, scientifique car philosophe. Ce que nous considérons aujourd’hui
comme des caractéristiques propres à l’ésotérisme n’en était pas pour lui. Il n’était pas
nécromant, alchimiste, enchanteur, il ne courrait pas après des chimères qu’il condamnait lui-
même, il souhaitait simplement comprendre l’univers à une époque où tout restait encore à
découvrir. L’étude de l’œuvre manuscrite de Léonard nous amène ainsi à reconsidérer de
façon plus globale cette distinction entre science et philosophie telle que nous l’envisageons
depuis la « révolution scientifique », que nous pouvons plus généralement traduire par la
scission entre sciences exactes et sciences humaines.
Dès lors, plusieurs réflexions viennent à l’esprit. La première s’inscrit dans la lignée des
observations de Bruno Latour : pourquoi cette distinction continue-t-elle d’être aussi
pregnante aujourd’hui ? La seconde est d’ordre épistémologique : nous pouvons légitimement
nous demander si ce n’est pas un contresens historique que de considérer la compréhension de
l’univers avant la « révolution scientifique » comme faisant partie d’une démarche ésotérique.
N’est-ce pas tout simplement l’expression des hommes du passé cherchant à connaître les
processus du monde qu’ils habitaient ? Le fait que les sciences exactes et les sciences
humaines n’étaient envisagées que dans un ensemble cohérent ne devrait-il pas plutôt nous
amener à réfléchir à la façon dont nous cherchons à comprendre l’univers aujourd’hui en
cloisonnant les choses ? Léonard nous donne sûrement ici une piste à suivre.
Claire Guillon, La pensée ésotérique de Léonard de Vinci : étude de son œuvre manuscrite
57
4. BIBLIOGRAPHIE
SOURCES PRIMAIRES
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Paris, Gallimard, 2014.
PACIOLI Luca & DE VINCI Léonard, Divina proportione : opera a tutti glingegni perspicaci e
curiosi necessaria oue ciascun studioso di philosophia: prospettiua pictura sculptura:
architectura: musica: e altre mathematice: suavissima: sotile: e admirabile doctrina
consequira: e delecterassi: co[n] varie questione de secretissima scientia, Venise, A.
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SOURCES SECONDAIRES
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Claire Guillon, La pensée ésotérique de Léonard de Vinci : étude de son œuvre manuscrite
60
YATES Frances, Science et tradition hérmétique, Paris, Allia, 2014.
Claire Guillon, La pensée ésotérique de Léonard de Vinci : étude de son œuvre manuscrite
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5. ANNEXES
ANNEXE 1 : LES DIFFÉRENTS MANUSCRITS ET CODEX
MANUSCRITS A À M (INSTITUT DE FRANCE, PARIS)
A : Fragments d’un manuscrit traitant de divers sujets
B : Volume relié, marqué d’un B
C : Traité sur la lumière et l’ombre, relié, marqué d’un C
D : Traité sur l’œil, reliure originale, marqué d’un D
E : Carnet, reliure originale, marqué d’un E
F : Carnet, reliure originale, marqué d’un F
G : Carnet, reliure originale, marqué d’un G
H : Carnet, relié, marqué d’un H
I : Carnet, relié, marqué d’un I
K : Carnet, volume relié, marqué d’un K
L : Carnet, reliure originale, marqué d’un L
M : Carnet, reliure originale, marqué d’un M
CODEX ARUNDEL (BRITISH LIBRARY, LONDRES) – AR.
Collection de traités et de notes, volume relié, marqué Arundel 263
CODEX ATLANTICUS (BIBLIOTECA AMBROSIANA, MILAN) – CA.
395 folios reliés contenant chacun une ou plusieurs pages manuscrites
CODEX URBINAS (BIBLIOTHÈQUE DU VATICAN, CITÉ DU VATICAN) – CU.
Manuscrit de Francesco Melzi compilant les notes de Léonard sur la peinture
CODEX FORSTER (VICTORIA AND ALBERT MUSEUM, LONDRES) – FORS.
Traité sur la stéréométrie, volume relié, marqué d’un I
Carnets, marqués d’un II
Carnet, marqué d’un III
CODEX LEICESTER (BILL GATES COLLECTION, SEATTLE) – LEIC.
Volume relié contenant principalement des observations scientifiques
CODEX DE MADRID (BIBLIOTECA NACIONAL, MADRID) – MA.
Codex I : Traité sur la statique et la mécanique, relié
Codex II : Traité sur la fortification, la statique et la géométrie
Claire Guillon, La pensée ésotérique de Léonard de Vinci : étude de son œuvre manuscrite
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DESSINS ET MANUSCRITS (ROYAL LIBRARY, WINDSOR)
Corpus sur les études anatomiques contenant :
Fragments du premier traité sur l’anatomie
Second traité sur l’anatomie, feuilles volantes
Troisième traité sur l’anatomie, feuilles volantes
Quatrième traité sur l’anatomie, feuilles volantes
Études sur les proportions du corps humain, feuilles volantes
Traité sur l’anatomie du cheval, feuilles volantes
Collection de cartes et de dessins
Collection de feuilles volantes, en partie reliée
CODEX SUR LE VOL DES OISEAUX (BIBLIOTECA REALE, TURIN) – TN.
Traité sur le vol des oiseaux, feuilles volantes
CODEX TRIVULZIO (CASTELLO SFORZESCO, BIBLIOTECA TRIVULZIANA, MILAN) – TRIV.
Volume relié traitant de divers sujets
ANNEXE 2 : UNE CHRONOLOGIE INDICATIVE DES MANUSCRITS
Pour une plus grande lisibilité, nous avons choisi de découper la vie de Léonard de
Vinci en six grandes périodes.
LA JEUNESSE ET FORMATION À FLORENCE (1452-1481)
À LA COUR DE LUDOVIC SFORZA À MILAN (1481-1499)
1483-1518 : Codex Atlanticus
1489 : Premier traité sur l’anatomie
1490 : Manuscrit B
1490-1491 : Manuscrit C
1490-1495 : Études sur les proportions du corps humain
1490-1495 : Traité sur l’anatomie du cheval
1490-1495 : Second traité sur l’anatomie
1490-1499 : Codex de Madrid I
1490-1516 : Manuscrit D
1490-1516 : Collection de feuilles volantes
1492 : Manuscrit A
1493 : Codex Forster III
1493-1494 : Manuscrit H
1493-1494 : Codex Forster II
1497 : Manuscrit I
Claire Guillon, La pensée ésotérique de Léonard de Vinci : étude de son œuvre manuscrite
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1497-1516 : Codex Trivulzio
LES VOYAGES ENTRE MANTOUE, VENISE ET FLORENCE (1499-1506)
1483-1518 : Codex Atlanticus
1490-1516 : Manuscrit D
1490-1516 : Collection de feuilles volantes
1497-1516 : Codex Trivulzio
1500-1516 : Codex Leicester
1502 : Manuscrit L
1502 : Collection de cartes et de dessins
1503-1505 : Codex de Madrid II
1504 : Manuscrit K
1505 : Codex Forster I
1505 : Codex sur le vol des oiseaux
DE RETOUR À MILAN AUPRÈS DE CHARLES D’AMBOISE (1506-1513)
1483-1518 : Codex Atlanticus
1490-1516 : Manuscrit D
1490-1516 : Collection de feuilles volantes
1497-1516 : Codex Trivulzio
1500-1516 : Codex Leicester
1508 : Manuscrit F
1509 : Codex Arundel
AU SERVICE DE JULIEN DE MÉDICIS À ROME (1513-1516)
1483-1518 : Codex Atlanticus
1490-1516 : Manuscrit D
1490-1516 : Collection de feuilles volantes
1497-1516 : Codex Trivulzio
1500-1516 : Codex Leicester
1513 : Troisième traité sur l’anatomie
1513-1514 : Manuscrit E
1515 : Quatrième traité sur l’anatomie
1515 : Manuscrit G
1515 : Manuscrit M
FRANÇOIS IER MÉCÈNE AU CLOS LUCÉ (1516-1519)
1483-1518 : Codex Atlanticus
Claire Guillon, La pensée ésotérique de Léonard de Vinci : étude de son œuvre manuscrite
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ANNEXES 3 : CITATIONS SUR LES AUTEURS ANCIENS ET CONTEMPORAINS
ANNEXE 3.1 : CODEX TRIVULZIO, 14 RO
Nulla può essere scritto per nuovo ricercare e quale cosa di te a me stesso prometta.1
ANNEXE 3.2 : CODEX DE MADRID II, 3 RO
[…]
Cieco d’Asscoli, Fisonomia di Scoto, Calendario, Spera mundi, De mutatione aeri, De
natura umana, Conservation di sanità, Lapidario, Sogni di Daniello, 2 regole di Domenico
Macaneo, Vocabolisat picolo, Allegantie, De chiromantia, Del tenpio di Salomone,
Cosmografia di Tolomeo, Cornazano de re militari, l’ha Gug[li]elmo de’ Pazi, Libro d’abaco,
l’ha Giovan del Sodo, Pistole di Fallari, Vita di Sancto Anbrosio, Ari[t]metrica di Maestro
Luca, Donato gramatico, Quadrante, Quadratura del circulo, Meteura d’Aristtile, Manganello
ANNEXE 3.3 : MANUSCRIT F, 5 RO ET 4 V
O
Lalde del sole.
Se guarderai le stelle sanza razzi (come si fa a vederle per un piccolo foro fatto colla
strema punta d’une sottile acucchia, e que’ posto quasi a toccare l’occhio) tu vedrai esse stelle
essere tanto minime che nulla cosa pare essere minore, e veramente la lunga distanzia dà loro
ragionevole diminuizione, ancora che molte vi sono che son moltissime volte maggiore che la
stella, cioè la terra, coll’acqua. Ora pensa quel che parrebbe essa nostra stella in tanta
distanzia, e considera poi quante stelle si metterebbe e per longitudine e latitudine in fra esse
stelle, le quali sono seminte per esso spazio tenebroso. Mai non posso fare ch’io non biasimi
molti di quelli antichi, li quali dissono che’l sole non avea altra grandezza che quella che
mostra, fra’ quali fu Epicuro e credo che cavassi tale ragione da un lume posto in questa
nostra aria equidistante al centro : chi lo vede, nol vede mai diminuto di grandezza in nessuna
distanzia. E le ragione della sua grandezza e virtù le riservo nel quarto libro.
Ma ben mi maraviglio che Socrate biasimassi questo tal corpo e che dicessi quello
essere a similitudine di pietra infocata, e certo chi lo ponì di tal errore, poco peccò. Ma io
vorrei avere vocaboli che mi servissino a biasimare quelli che vollon laldare più lo adorare li
omini che tal sole, non vendento nell’universo corpo di maggiore magnitudine e virtù di
quello. El suo lume allumina tutti li corpi celesti che per l’universo si compartano, tutte
l’anime discendan da lui, perchè il caldo ch’è in nelli animali vivi, vien d’all’anime e nessuno
altro caldo né lume è nell’universo, come mosterrò nel quarto libro, e certo costoro che han
voluto adorare omini per iddei, come Giove, Saturno, Marte e simili, han fatto grandissimo
errore vedendo che ancora che l’omo fussi grande quanto il nostro mondo, che parrabbe
1 Phrase tirée de Roberto Valturio « Nihil scribi omnino nova inquisitione possit » Valturio, p. 1.
Claire Guillon, La pensée ésotérique de Léonard de Vinci : étude de son œuvre manuscrite
65
simile a una minima stella la qual pare un punto nell’universo, e ancora vedendo essi omini
mortali e putridi e curruttubili nelle lor sepolture.
La Spera e Marullo lalda[n] con molti altri esso sole.1
ANNEXE 3.4 : MANUSCRIT F, 27 RO
Della figura delli elementi, e prima contro a chi niega l’oppennione di Platone, che
dicano che se essi elementi vestissin l’un l’altro colle figure che mette Platone, che si
causerebbe vacuo in fra l’uno e l’altro. Il [ch]e non è vero e qui lo provo, ma prima bisogna
proporre alcuna conclusione.
ANNEXE 3.5 : MANUSCRIT F, 59 RO
L’altra prova che dette Platone a que’ di Delo, non è geometrica, perché si va con
istrumento di seste e di riga, e la sperienza poil lo mostra, ma questa è tutta mentale e per
conseguenza geometrica.
ANNEXE 3.6 : CODEX ARUNDEL, 71 VO
Rugieri Bacon fatto in istampa.
ANNEXE 3.7 : CODEX ARUNDEL, 192 VO
Cerca in Firenze della Ramondina.
ANNEXE 3.8 : CODEX ATLANTICUS, 559 RO
D’Abaco Fior di virtù
Plinio Vita de’ filosofi
Bibia Lapidario
De re militari Pistole de Fidelfo
Deca prima Della conservazion della virtù
Deca terza Cecco d’Ascoli
Deca quarta Alberto Magno
G[u]idone Rettorica nova
Piero Crescenzio Zibaldone
De 4 regi Isopo
Donato Salmi
Iustino De immortalità d’anima
Guidone Burchiello
Dottrinale Driadeo
Morgante Petrarca
1 La Sfera, Leonardo et Gregorio Dati, 1478 – Liber Hymnorum, Michel Tarcaniota (Marullo), 1497.
Claire Guillon, La pensée ésotérique de Léonard de Vinci : étude de son œuvre manuscrite
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Giovan di Mandinilla
De onesta voluttà
Manganello
Cronica d’Esìdero
Pistole d’Ovidio Pistole del Fidelfo
Spera
Facezie di Poggio
De chiromantia
Formulario di pistole
ANNEXE 3.9 : CORPUS SUR LES ÉTUDES ANATOMIQUES, 97 RO [I]
Anatomia venarum
Qui si farà l’albero delle vene in generale, sì come fe’ Tolomeo l’universale nella sua
Cosmografia, poi si farà le vene di ciascun membro in particulare, per diversi aspetti.
ANNEXE 3.10 : CORPUS SUR LES ÉTUDES ANATOMIQUES, 154 RO [II]
Ordine del libro. […]
Adunque qui con quindici figure intere ti sarà mostrata la cosmografia del minor mondo
col medesimo ordine che inanzi a me fu fatto da Tolomeo nella sua cosmografia, e cosi
dividero poi quell in membra, come lui divise il tutto in provincie ; e poi dirò l’ufitio delle
parti per ciascun verso, mettendoti dinanti alli ochi la notitia di tutta la figura e valitudine
dell’omo inquanto a moto locale mediante le sue parti.
E così piacessi al nostro altore che io potessi dimostrare la natura delli omini e loro
costumi nel modo che io descrivo la sua figura.
ANNEXE 3.11 : MANUSCRIT M, I COP VO
Ermete filosafo.
ANNEXES 4 : CITATIONS SUR LA NATURE ET LA CRÉATION
ANNEXE 4.1 : MANUSCRIT A, 99 VO
Noi per arte possiamo essere detti nipoti a dio ; se la poesia s’astende in filosofia
morale, è questa in filosofia naturale, se quella descrive l’operationi della mente, questa
consideta quello che la mente opera ne movimenti : se quella spaventa i popoli colle infernali
fictioni, questa colle medesime cose in atto fa il simile : pongasi il poeta a figurare una
bellezza, una fierezza, una cosa nefanda e brutta, una mostruosa col pittore, faccia a suo modo
come vole trasmutationi di forme, che il pittore non sadisfacci più. Non s’è egli viste pitture
avere tanta conformità colla cosa viva ch’ell’ha ingannato homini e animali ?
Claire Guillon, La pensée ésotérique de Léonard de Vinci : étude de son œuvre manuscrite
67
ANNEXE 4.2 : MANUSCRIT A, 100 RO
Come chi sprezza la pittura non ama la filosofia ne la natura
Se tu sprezzerai la pittura, la quale è sola imitatrice di tutte l’opere evidenti di natura,
per certo tu sprezzerai una sottile inventione la quale con filosofica e sottile speculatione
considera tutte le qualità delle forme : mare e siti, piante, animali, erbe e fiori, le quali sono
cinte d’ombra e lume ; e veramente questa è scientia, e legittima figliuo la di natura, perchè la
pittura è partorita da essa natura. Ma per dire più corretto, diremo nipote di natura, perchè
tutte le cose evidenti sono state partorite dalla natura, delle quali cose partorite è nata la
pittura. Adunque rettamente la dimanderemo nipote di natura, parente di dio.
ANNEXE 4.3 : MANUSCRIT A, 105 VO
Qual è meglio, o ritrarre di naturale o d’antico.
O qual è più fatica, o i proffili o l’ombra o lumi.
ANNEXE 4.4 : MANUSCRIT A, 111 VO
Come per tutte vie si può imparare.
Questa benigna natura ne provede in modo che per tutto il mondo tu trovi dove imitare.
ANNEXE 4.5 : MANUSCRIT H, 89 VO
Facciàno nostra vita coll’altrui morte.
In nella cosa morta riman vita dissensata, la quale ricongiunta alli stomaci de’ vivi
ripiglia vita sensitiva e ‘ntellettiva.
ANNEXE 4.6 : CODEX FORSTER III, 38 RO
Ogni corpo è composto di quelli membri e omori, i quali sono necessari al suo
mantenimento. La quale necessiyà è bene conosciuta e a quella riparato dalla anima che tal
forma di corpo a sua abitazione per uno tempo ha eletta.
ANNEXE 4.7 : CODEX FORSTER III, 44 VO
Favole.
Il dipintore disputa e gareggia colla natura.
Il coltello, accidentale armadura, caccia d’all’omo le sua unghie, armadura naturale.
Lo specchio si groria forte tenendo dentro a sé specchiata la regina e, partita quella, lo
specchio riman vile.
ANNEXE 4.8 : CODEX TRIVULZIO, 17 VO
Scientia – notitia delle cose che sono possibili, presenti e preterite ; prescientia – notitia
delle cose che possin venire.
Claire Guillon, La pensée ésotérique de Léonard de Vinci : étude de son œuvre manuscrite
68
ANNEXE 4.9 : CODEX TRIVULZIO, 33 RO
I sensi sono terresti, la ragione sta for di quelli quando contempla.
ANNEXE 4.10 : CODEX LEICESTER, 34 RO
Nessuna cosa nasce in loco, dove non sia vita sensitiva, (intelletiva), vegetativa e
razionale.
ANNEXE 4.11 : MANUSCRIT F, 41 VO
Come la terra non è nel mezzo del cerchio del sole, né nel mezzo del mondo, ma è ben
nel mezzo de’ sua elementi, compagni e uniti con lei, e chi stessi nella luna, quand’ella
insieme col sole è sotto a noi, questa nost[r]a terra coll’elemento dell’acqua parrebbe e
farebbe offizio tal qual fa la luna a noi.
ANNEXE 4.12 : CODEX ARUNDEL, 85 VO
Ogni azione facta dalla natura è fatta nel più brieve modo.
ANNEXE 4.13 : CODEX ARUNDEL, 174 VO
Data la causa, la natura opera l’effetto nel più breve modo che operar si possa.
ANNEXE 4.14 : CODEX ATLANTICUS, 207 VO
L’omo e li animali sono propi[o] transito e condotto di cibo, sepoltura d’animali,
albergo de’ morti, facendo a s évita dell’altrui morte, guaina di corruzione.
I bugiardi interpitri di natura affermano lo argento vivo essere communa semenza a tutti
i metalli, non si ricordando che la natura varia le semenze secondo la diversità delle cose che
essa vole produrre al mondo.
Sì come l’animosità è pericolo di vita, così la paura è sicurtà di quella.
ANNEXE 4.15 : CODEX ATLANTICUS, 218 RO
Vita.
Dov’è vital ì è calore, e dov’è calore vitale, quivi è movimento d’umori.
ANNEXE 4.16 : CODEX ATLANTICUS, 543 VO
Ancora si po dire delli influssi de’ pianeti e di Dio. Del moto da bianco a rosso, cioè de’
colori.
ANNEXE 4.17 : CODEX ATLANTICUS, 729 VO
Esemplo.
Tu vedi il sole quando si trova nel mezzo del nostro emisperio e essere le spezie della
sua forma per tutte le parte dove si dimostra, vedi essere le spezie del suo splendore in tutti
quelli medesimi lochi, e ancora vi s’aggiugne la similitudine della potenza del calore, e tutte
Claire Guillon, La pensée ésotérique de Léonard de Vinci : étude de son œuvre manuscrite
69
queste potenzie discendano dalla sua causa per linie radiose, nate nel suo corpo e finite ne li
obbietti oppachi sanza diminuizione di sé. La tramontana sta continuamente colla similitudine
della sua potenzia astesa e incorpora non che ne’ corpi rari, ma d’ densi, transparenti e
oppachi, e non diminuis[c]e però di sua figura.
ANNEXE 4.18 : CODEX ATLANTICUS, 1067 RO
Anassagora.
Ogni cosa vien da ogni cosa e d’ogni cosa si fa ogni cosa e ogni cosa torna in ogni cosa,
perchè ciò ch’é nelli elementi, è fatto da essi elementi.
ANNEXE 4.19 : CORPUS SUR LES ÉTUDES ANATOMIQUES, 50 VO [I-IV]
Delli muscoli che movan la lingua.
Nessuno membro ha bisogno di tanto numero di muscoli, quanto la lingua ; delli quali
ce n’è 24 noti, sanza li altri che io ho trovati ; e di tutti li membri che si movan, per moto
volontario, questa eccede tutti li altri nel numero delli movimenti.
E se tu volessi dire ch’è l’ufizio dell’occhio, il quale è di ricevere tutte le spezie delle
infinite figure e colore delli obbietti a lui antiposti, e l’odorato, nella infinita mistione delli
odori, e l’orecchio de’ soni ; noi direno che la lingua sente ancore lei l’infiniti sapori, semplici
e composti, ma questo non è al proposito nostro, facendo noi professione di trattare sola
mente del moto locale di ciascun membro.
Considera bene come, mediante il moto della lingua, coll’aiuto delli labbri e denti, la
pronunziazione di tutti i nomi delle cose ci son note, e li vocaboli semplici e composti d’un
linguaggio pervengano alli nostri orecchi, mediante tale istrumento ; li quali, se tutti li effecti
di natura avessino nome, s’astenderebbono inverso lo infinito, insieme colle infinite cose che
sono in atto, e che sono in potenzia di natura ; e queste non isprimerebbe in un solo
linguaggio, anzi in moltissimi, li quali ancore lor s’astendano inverso lo infinito, perchè al
continuo si variano di secolo in seculo, e di paese in paese, mediante le mistion de’ popoli,
che, per guerre, o altri accidenti, al continuo si mistano ; e li medesimi linguaggi son
sottoposti alla obblivione, e son mortali, come l’altre cose create ; e se noi concedereno il
nosto mondo essere eterno, noi diren tali linguaggi essere stati, e ancore dovere essere
d’infinita varietà, mediante l’infiniti secoli, che nello infinito tempo si contengano, ecc.
E questo non è in alcuno altro senso, perchè sol s’astendano nelle cose, che al continuo
produce la natura, la qual non varia le ordinarie spezie delle cose da lei create, come si
variano di tempo in tempo le cose create dall’omo, massimo strumento di natura, perchè la
natura sol s’astende alla produzion de’ semplici ; ma l’omo con tali semplici produce infiniti
composti, ma non ha potestà di creare nessun semplice, se non un altro sè medesimo, cioè li
Claire Guillon, La pensée ésotérique de Léonard de Vinci : étude de son œuvre manuscrite
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sua figlioli ; e di questo mi saran testimoni li vecchi archimisti, li quali mai, o a caso, o con
volontaria sperienza, s’abbattero a creare la minima cosa, che crear si possa da essa natura ; e
questa tal generazione merita infinite lalde, mediante la utilità delle cosa da lor trovate a
utilità delli omini, e più ne meriterebbono, se non fussino stati inventori di cose nocive, come
veneni e altre simili ruine di vita o di mente, della quale lor non sono esenti, conciò si ache,
con grande studio e esercitazione, volendo creare non la men nobile produzion di natura, ma
la più eccellente, cioè l’oro, vero figliol del sole, perchè più ch’a altra creatura a lui
s’assomiglia, e nessuna cosa creata è piu eterna…
(segue quel manca di sotto)
d’esso oro. Questo è esente dalla destruzion del foco, la quale s’astende in tutte l’altre
cose create, quell riducendo in cenere, o in vetro, o in fumo ; e se pur la stolta avarizia in tale
errore t’invia, perchè non vai alle miniere, dove la natura genera tale oro, e quivi ti fa suo
discepolo, la qual fedelmente ti guarirà della tua stoltizia, mostrandoti come nessuna cosa da
te operata nel foco non sarà nessuna di quelle, che natura adoperi al generare esso oro ; quivi
non argento vivo, quivi non zolfo di nessuna sorte, quivi non foco, nè altro caldo, che quel di
natura vivificatrice del nostro mondo, la qual ti mosterrà le ramificazioni dell’oro sparse per il
lapis, overo azzurro oltramarino, il quale è colore esente dalla potestà del foco.
E considera bene tale ramificazione dell’oro, e vederai nelli sua stremi, li quali co’ lento
moto al continuo crescano, e convertano in oro, quel che tocca essi stremi ; e nota che quivi
v’è un’anima vegetativa, la qual non è in tua potestà di generare.
ANNEXE 4.20 : CORPUS SUR LES ÉTUDES ANATOMIQUES, 114 VO [IX-XI]
Ancorachè lo ingiegnio umano faccia inventioni narie, rispondendo con vari strumenti a
un medesimo fine, mai esso troverà inventione più bella, nè più facile, nè più brieve della
natura, perchè nelle sue inventiozioni nulla manca e nullo è superfluo, e non va con
contrapesi, quando essa fa le membra atti al moto nelli corpi delli animali. Ma vi mette dentro
l’anima d’esso corpo componitore, cioè l’anima della madre che prima conpone nella matrice
la figura dell’omo, e al tempo debito desta l’anima, che di quel deve essere abitotare. La qual
prima restava dormentata e in tutela dell’anima della madre, la quale la nutrisce e vivifica per
la vena ombelicale, con tutti li sua membri spirituali, e così seguirà insino che tale ombelico lì
è giunto colla secondina e li cotilido ni per la quale il figliolo si unisce colla madre. E questi
son causa che una volontà, un sommo desiderio, una paura che abbia la madre o altro dolor
mentale à potenti a più nel figliolo che nella madre, perchè spesse sono le volte, che il figlio
ne perde la vita ecc.
Questo discorso non va qui, ma si richiede nella composition delli corpi animati, e il
resto della difinitione dell’anima lascio nelle menti de’ frati, padri de’ popoli, li quiali per
inspiratione sanno tutti li segreti.
Lascio star le lettere incoronate, perchè son somma verità.
Claire Guillon, La pensée ésotérique de Léonard de Vinci : étude de son œuvre manuscrite
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ANNEXE 4.21 : CORPUS SUR LES ÉTUDES ANATOMIQUES, 117 VO [I]
Ogni azione di natura è fatta per la più brieve via ch’è possibile.
ANNEXE 4.22 : CORPUS SUR LES ÉTUDES ANATOMIQUES, 136 RO [IX]
E tu, omo, che consideri in questa mia fatica l’opere mirabili della natura, se
g<i>idicherai esse<r> cosa nefanda il distruggerla, or pensa essere cosa nefandissima il torre
la vita all’omo, del quale, se questa essere nulla rispetto all’anima che in tale architettura abita
e, veramente, quale essa si sia, ella è cosa divina sicché lasciala abitare nella sua opera a suo
beneplacito e non volere che la tua ira o malignità destrugga una tanta vit ache, veramente, chi
nolla stima nolla merita, poiché cosi mal vol<n>tieri si parte dal corpo e ben credo che ‘l suo
pianto e dolore non sia sanza cagione.
ANNEXE 4.23 : CORPUS SUR LES ÉTUDES ANATOMIQUES, 197 VO [X]
Quando il poeta cessa del figurare colle parole quel che in natura è in fatto, allora il
poeta non si fa equale al pittore, perchè se il poeta, lasciando tal figuratione, e’ descrive le
parole ornate e persuasive di colui a chi esso vole fare parlare, allora egli si fa oratore e non è
più poeta nè è pittore. E se lui parla de’ celi, egli si fa astrologo e filosofo, e teologo parlando
delle cose di natura o di dio. Ma se esso ritorna alla figuratione di qualunche cosa e’ si farebbe
emulo al pittore, se potesse soddisfare all’ochio in parole come fa il pittore col pennello e co
un’armonia all’occhio, come fa la musica allo orecchio ‘n istante.
ANNEXES 5 : CITATIONS SUR LES IMPOSTEURS ET LES MENSONGES
ANNEXE 5.1 : MANUSCRIT B, 4 VO
Fuggi i precetti di quelli speculatori, che le loro ragioni non son confermate dalla
isperienza.
ANNEXE 5.2 : MANUSCRIT H, 16 VO
La memoria de’ beni fatti appresso l’i[n]gratitudine è fragile.
Reprendi l’amico in segreto e laldalo in palese.
Chi teme i pericoli, non perisce per quagli. Non esserre bugiardo del preterito.
ANNEXE 5.3 : ÉTUDES SUR LES PROPORTIONS DU CORPS HUMAIN, II A.
Vertià il sole
bugia maschera
innocentia
malignità
Claire Guillon, La pensée ésotérique de Léonard de Vinci : étude de son œuvre manuscrite
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Il foco distrugie la bugia, cioè il sofistico, e rende la verità, scacciando le tenebre. Il
foco è da essere messo per consumatore d’ogni sofistico e scopritore e dimostratore di verità,
perchè lui è luce, scacciatore delle tenebre occultatrici d’ogni essentia.
Il foco destrugie ogni soffistico cioè lo ingano, e sol mantiene la verità cioè l’oro. La
verità al fine non si cela.
Non val simulatione. Simulatione è frustrata avanti a tanto giudice. La bugia mette
maschera. Nulla occulta sotto il sole.
Il foco è messo per la verità, perchè destrugge ogni soffistico e bugia, e la maschera per
la falsità e bugia, - ocultatrice del vero.
ANNEXE 5.4 : CODEX SUR LE VOL DES OISEAUX, 11 RO
Sanza dubbio tal proporzione è dalla verità alla bugia, qual è da la luce alle tenebre. Ed
è essa verità in sé di tanta eccellenzia, che ancore ch’ella s’astenda sopra umili e basse
materie, sanza comparazione ella [e]ccede le incertezze e bugie estese sopra li magni e
altissimi discorsi. Perchè la mente nostra, ancora ch’ell’abbia la bugia pel quinto elemento,
no[n] resta però che la verità delle cose non sia di sommo notrimento delli intelletti fini, ma
non di vagabundi ingegni.
Ed è tanto vilipendio la bugi ache s’ella dicessi be[n] gran cose di Dio, ella to’ di grazia
a sua deità ; ed è di tanta eccellenzia la verità che s’ella laldassi cose minime, elle si fanno
nobili. Ma tu che vivi di sogni, ti piace più la ragion soffistiche e barerie de’ pa[r]lari nelle
cose grandi e incerte, che delle certe, naturali e non di tanta altura.
ANNEXE 5.5 : MANUSCRIT F, II COP RO
Persona nuda che calpesta lingue ( ?)
La verità fa qui che la bugia affrigge le lingue bugiarde.
ANNEXE 5.6 : MANUSCRIT F, 5 VO
E molti fecen bottega con inganni e miraculi finti ingannando la stolta moltitudine, e se
nessun si s[c]opria cognoscitore de’ loro inganni, essi gli puniano.
ANNEXE 5.7 : MANUSCRIT F, 27 VO
Contro alcun commentatori che biasiman li antichi inventori, donde nasceron le
gramatiche e le scienze e fansi cavalieri contro alli morti inventori, e perché essi non han
trovato da farsi inventori per la piegrizia, e come di ta[n]ti libri attendano al continuo con falsi
argumenti a riprendere li lor maestri.
Claire Guillon, La pensée ésotérique de Léonard de Vinci : étude de son œuvre manuscrite
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ANNEXE 5.8 : MANUSCRIT F, 96 VO
L’uomo ha grande discorso, del quale la più parte è vano e falso ; li animali l’hanno
piccolo ma è utile e vero, e meglio è la piccola certezza che la gran bugia.
ANNEXE 5.9 : MANUSCRIT M, 58 VO
La verità sola fu figliola del tempo.
ANNEXE 5.10 : CODEX ATLANTICUS, 207 RO
Chi vole vedere come l’anima abita nel suo corpo, guardi come esso corpo usa la sua
cotidiana abitazione, cioè se quella è sanza ordine e confusa, disordinato e confuso fia il corpo
tenuto dalla su’ anima.
Chi disputa allegando l’alturità, non adopera lo ‘ngegno ma più tosto la memoria.
Le buone lettere so’ nate da un bono naturale, e perché si de’ più laldare la cagion che
l’effetto, più lalderai un bon naturale sanza lettere, che un bon litterato sanza naturale.
ANNEXE 5.11 : CODEX ATLANTICUS, 207 VO
Male se laldi e peggio se riprendi, la cosa dico, se bene tu nolla intendi.
[…]
Mal fai se laldi e pegg’è istu riprendi – la cosa quando bene tu nolla ‘ntendi.
ANNEXE 5.12 : CODEX ATLANTICUS, 323 RO
Se bene como loro non sapessi allegare gli altori, molto maggiore e più degna cosa
allegherò allengando la sperienza, maestra ai loro maestri. Costoro vanno sconfiati e pomposi,
vestiti e ornati non delle loro, ma delle altrui fatiche e le mie a me medesimo non concedano.
E se me inventore dispresseranno, quanto maggiormente loro, non inventori ma trombetti e
recitatori delle altrui opere, [p]otranno essere biasimati.
ANNEXE 5.13 : CODEX ATLANTICUS, 327 VO
Or guarda, lettore, quello che noi potremo credere ai nostri antichi, i quali hanno voluto
difinire che cosa s[ia] [a]nima e vita, cose improvabili, q[uando] quelle che con isperienzia
ognora si possano chiaramente conoscere e provare, sono per tanti seculi ignorate e
falsamente credute. L’occhio, che così chiaramente fa sperenzia del suo ofizio, è insino ai mia
tempi per infiniti altori stato difilato in un modo, troco per isperienzia essere ‘n un atltro.
ANNEXE 5.14 : CODEX ATLANTICUS, 417 RO (CÔTÉ GAUCHE)
La sperienza non falla mai, ma sol fallano i vostri giudizi promenttendosi di quella
effetto tale che in e nostri experimenti causati non son. Perché, dato un principio, è necessario
che ciò che siguita di quello, è vera conseguenza di tal principio, se già non fussi impedito, e
se pur seguita alcuno impedimento, l’effetto che doveva seguire del predetto principio,
Claire Guillon, La pensée ésotérique de Léonard de Vinci : étude de son œuvre manuscrite
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participa tanto più o meno del detto impedimento, quanto esso impedimento è più o men
potente del già detto principio.
ANNEXE 5.15 : CODEX ATLANTICUS, 417 RO (CÔTÉ DROIT)
La esperienza non falla, ma sol fallano i vostri giudizi promettendosi di lei cose che non
sono in sua potestà.
A torto si lamentan li omini della isperienza, la quale con somme rampogne quella
accusano esser fallace. Ma lasciano stare essa sperienza e voltate tale lamentazione contro alla
vostra ignoranza, la quale vi fa transcorrere co’ vostri vani e instolti desideri a impromettervi
di quella cose che non sono in sua potenzia.
Dicendo quella esser fallace…A torto si lamentan li omini della innocente esperienza,
quella spesso accusando di fallacia e di bugiarde dimonstrazioni, ma…
ANNEXE 5.16 : CODEX ATLANTICUS, 520 RO
Corpo nato della prospettiva di Leonardo Vinci, discepolo della sperienza.
Sia fatto questo corpo sanza esemplo d’alcun corpo, ma solamente con semplici linie.
ANNEXE 5.17 : CODEX ATLANTICUS, 877 VO
Per dire la ventura soldi 6.
ANNEXE 5.18 : CORPUS SUR LES ÉTUDES ANATOMIQUES, 49 VO [II]
Ma delli discorsi umani stoltissimo è da essere reputato quello, il qual s’astende alla
credulità della negromanzia, sorella della archimia, partoritrice delle cose semplici e naturali ;
ma è tanto più degna di reprensione che l’archimia, quanto ella non partorisce alcuno cosa, se
non (lettere e) simili a sè, (parole) cioè bugie, il che non ne interviene nella archimia, la quale
è ministratrice de’ semplici prodotti dalla natura ; il quale ufizio fatto esser non può da essa
natura, perchè in lei non è strumenti organici, colli quali essa possa operare quel che adopera
l’omo (il quale ha moto locale) mendiante le mani, che in tale ufizio ha fatti e vetri, ecc ; ma
essa negromanzia, stendado, over bandiera volante, mossa dal vento, guidatrice della stolta
moltitudine, la quale al continuo è testimonia collo abbaiamento d’infiniti effetti di tale arte, e
n’hanno empiuti i libri, affermando che li ‘ncanti e spiriti adoprino, e sanza lingua parlino, e
sanza strumenti organici, (sanza i quali parlar non si po), parlino, e portino gravissimi pesi,
faccino tempestrare e piovere, e che li omini si convertino in gatte, lupi e altre bestie ; benche
in bestia prima entran quelli, che da talc osa affermano.
E certo, se tale negromanzia fussi in essere, come dalli bassi ingegni è creduto, nessuna
cosa è sopra la terra, che al danno e servizio dell’omo fussi di tanta valitudine, perchè se fussi
vero che in tale arte si avessi potenzia di far turbare la tranquilla serenità dell’aria,
convertendo quella in notturno aspetto, e far le corruscazioni e venti, con ispaventevoli toni e
Claire Guillon, La pensée ésotérique de Léonard de Vinci : étude de son œuvre manuscrite
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folgori, scorrenti infralle tenebre, e con impetuosi venti ruinare li alti edifizi, e diradicare le
selve, e con quelle percotere li eserciti, e quelli rompendo e atterando, e, oltra di questo, le
dannose tempeste privando li cultori del premio delle lor fatiche ; o qual modo di guerra po
essere, che con tanto danno possa offendere il suo nemico, aver potestà di privarlo delle sue
ricolte ? Qual battaglia marittima po essere, che si assomigli a quella di colui, che comanda
alli venti, e fa le fortune ruinose e sommergitrici di qualunche armata ? Certo, quel che
comanda a tali impetuose potenzie sarà signore delli popoli, e nessuno umano ingegno potrà
resistere alle sue dannose forze ; li occulti tesori e gemme, riposte nel corpo della terra, fieno
a costui tutti manifesti, nessun serrame o fortezze inespugnabili saran quelle, che salvar
possino alcuno, sanza la voglia di tal negromante ; questo si farà portare per l’aria dall’oriente
all’occidente, e per tutti li oppositi aspetti dell’universo. Ma perchè mi vo io più oltre
astendendo ? Quale è quella cos ache per tale artefice far non si possa ? Quasi nessuna,
eccetto il levarsi la morte.
Addunque è concluso in parte il danno e la utilità, che in tale arte si contiene, essendo
vera ; e s’ella è vera, perchè non è restata infra li omini, che tanto desiderano, non avendo
riguardo a nessuna deità, e sol che infiniti ce n’è, che, per saddisfare a un suo appetito,
ruinerebbono iddio con tutto l’universo ?
E s’ella non è rimasta infra li omini, essendo a lui tanto necessaria, essa non fu mai, nè
mai è per dovere essere, per la difinizion dello spirito, il quale è invisibile, incorporeo, e
dentro alli elementi non è cose incorporee, perchè dove non è corpo, è vacuo, e il vacuo non si
dà dentro alli elementi, perchè subito sarebbe dall’elemento riempiuto.
ANNEXE 5.19 : CORPUS SUR LES ÉTUDES ANATOMIQUES, 113 RO [X]
Le cose mentali che non son passate per il senso son vanne e nulla verità partoriscano se
non dannosa. E perché tal discorsi nascan da povertà di genio, poveri son sempre tal discorsi,
e se saran nati ricchi e’ moriran poveri nella lor vecchiezza, perché pare che la natura si
vendichi con quelli che voglio far miraculi ; - abbi <n>men che li altri omini più quieti. E
quelli che vogliono arricchirsi ‘n un dì ; vivi nel lungo tempo in gran povertà, come interviene
e interverrà in etterno alli alchimisti, cercatori di creare oro e argento, e all’ingegnieri che
vogliono che l’acqua morta dia vita motiva a se medesima con continuo moto.
E al sommo stolto negromante e incantatore.
ANNEXE 5.20 : CORPUS SUR LES ÉTUDES ANATOMIQUES, 136 RO [X]
E ingegnati di conservare la sanità, la qual cosa tanto più si riuscirà quanto più da’ fisici
ti guarderai, perché le sue composizione son di speczie d’archimia, della qual non è men
numero di libri ch’esista di medicina.
Claire Guillon, La pensée ésotérique de Léonard de Vinci : étude de son œuvre manuscrite
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ANNEXE 5.21 : CORPUS SUR LES ÉTUDES ANATOMIQUES, 162 RO [V]
O scrittore, con quali lettere scriverai tu con tal perfezione la intera figurazione qual fa
qui il disegno ? Il quale tu, per non avere notizia, scrivi confuso e lasci poca cognizione delle
vere figure delle cose, la quale tu, ingannandoti, ti fai credere poter saddisfare appieno
all’ulditore, avendo a parlare di figurazione di qualunche cosa corporea circundato da
superfizie. Ma io ti ricordo che tu non t’impacci colle parole se non di parlare con ordbi, o, se
pur tu voi dimostrar con parole alli orecchi e non all’occhi delli omini, parla di cose di
sustanzie o di nature e non t’impacciare di cose appartenenti all occhi col farle passare per il
orecchi, perché sarai superato di gram lunga dall’opera del pittore.
Con quali lettere descriverai questo core che tu empia un libroe, quanto più lungamente
scriverai alla minuta, tanto più confonderai la mente dello ulditore e sempre arai bisogno
d’isponitori o di titornare alla sperienza, la quale in voi è brevissima e dà notizia di poche
cose rispetto al tutto del subbietto di che desideri integral notizia.
ANNEXE 5.22 : CORPUS SUR LES ÉTUDES ANATOMIQUES, 173 RO [III]
E se alcuno ne se trova vertuoso e bono, nollo scacciate da voi, fàtteli onore, acciò che
non abbia a fuggirsi da voi e ridursi nelli er<e>mi o spelonche, o altri lochi soletari, per
fuggirsi dalle vostre insidie. E se alcun di questi tali si trova, fàteli onore perché questi son li
nostri idei terrest<r>i, questi meritan da noi le statue e li simulacri, onori. Ma ben vi ricordo
che li lor simulacri non sien da voi mangiati, come accade in alcuna regione dell’India che,
quando loro simulacri operano alcuno miraculo secondo loro, li sacerdoti lo tagliano in pezzi,
esse<n>do di legno, e ne danno a tutti quelli del paese non sanza premio, e ciascun raspa
sottilmente la sua parte e mette sopra la prima viva<n>da che mangiano. E così tengan per
fede aversi mangiato il suo santo e credan che lui li guardi poi da tutti li pericoli. Che ti pare,
omo, qui della tua spezie ? Se’ tu così savio come tu ti tieni ? Son queste cose da esser fatte da
omini ?
ANNEXE 5.23 : CORPUS SUR LES ÉTUDES ANATOMIQUES, 173 RO [IV]
Li abbreviatori delle opere fanno ingiuria alla congnizione e allo amore. Con ciò si ache
l’amore di qualunche cosa è figliol d’essa cognizione, e l’amore è tanto più fervente quanto la
congnizione è più certa. La qual certessa nasce dalla cognizione integrale di tutte quelle
pa<r>te le quali essendo insieme unite compongano il tutto di quella coe che debbono essere
amate. Che vale a quel che per abbreviare le parte di quelle cose che lui fa professione di
darne integral notizia, che lui lasci indirieto la maggior parte delle cose di che il tutto è
composto ? Egli è vero che la impazienzia, madre della stoltizia, è quella che lalda la brevità,
come se questi tali non avessino tanto di vit ache li servissi a potere avere una intera notizia
d’un sol particulare, come è un corpo umano. E poi vogliano abracciare la menti di dio, nella
quale s’include l’universo, caratando e minuzzando quella in infinite parte come se l’avessino
a natomizzare. O stoltizia umana ! Non t’avvedi tu che tu se’ stato con teco tutta la tua età e
Claire Guillon, La pensée ésotérique de Léonard de Vinci : étude de son œuvre manuscrite
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non hai ancora notizia di quella cos ache tu più possiedi, cioè della tua pazzia ? E volli poi
con la moltitudine de’ sofistichi ingannare te e altri, splezzando le matematiche scienze nella
qual si contiene la vera notizia delle cose che in loro si contengano. O voi poi scorrere n’
miracoli e scrivere e dar notizia di quelle cose di che la mente umana non è capace e non si
posso<n>dimostrare per nessuno esemplo naturale ?
ANNEXES 6 : CITATIONS SUR L’EXPÉRIENCE ET LA CONNAISSANCE
ANNEXE 6.1 : CODEX FORSTER III, 14 RO
La sapienzia è figliola della sperienzia, la quale sperienza…
ANNEXE 6.2 : CODEX TRIVULZIO, 20 VO
Ogni nostra cognizione prencipia da’ sentimenti.
ANNEXE 6.3 : MANUSCRIT I, 18 RO
La natura è piena d’infinite ragioni che non furon mai in isperienza.
ANNEXE 6.4 : MANUSCRIT I, 130 RO
La scienza è il capitano e la pratica sono i soldati.
ANNEXE 6.5 : MANUSCRIT G, 8 RO
Dell’error di quelli che usano la pratica sanza scienzia.
Quelli che s’innamoran di pratica sanza scienzia son come ‘l nocchieri che entra in
navilio sanza timone o bussola, che mai ha certezza dove si vada.
Sempre la pratica debbe essere edificata sopra la bona teorica, della qual la prospettiva è
guida e porta, e sanza questa nulla si fa bene ne’ casi di pittura.
ANNEXE 6.6 : MANUSCRIT G, 47 RO
O speculatore delle cose, non ti laldare di conoscere le cose che ordinariamente per se
medesima la natura conduce, ma rallegratti di conoscere il fine di quelle cose che son
disegnate dalla mente tua.
ANNEXE 6.7 : MANUSCRIT G, 96 VO
Nessuna certezza delle scienzie è dove non si po applicare una delle scienzie
matematiche, ovver che non sono unite con esse matematiche.
ANNEXE 6.8 : CODEX ATLANTICUS, 112 RO (A)
La somma filicità sarà somma cagione della infilicità, e la perfezio[n] della sapienza
cagion della stoltizia.
Claire Guillon, La pensée ésotérique de Léonard de Vinci : étude de son œuvre manuscrite
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ANNEXE 6.9 : CODEX ATLANTICUS, 207 VO (MARGE GAUCHE)
Se tu volli insegnare a uno una cosa che tu non sappia, falli misurare la lunghezza d’une
cosa a te incognita e lui saprà la misura che tu prima non sapevi. Maestro Giovanni da Lodi.
ANNEXE 6.10 : CODEX ATLANTICUS, 234 RO
La sperienza, interpetre della artefiziosa natura, ne dimostra questa figura essere per
necessità constretta a non altrementi operare che si figurato sia. E la ragione, timone d’essa
natura, ne conferma in questo modo […].
La sperienza, interprete infra l’artifiziosa natura e la umana spezie, ne ‘nsegna ciò che
essa natura infra’ mortali adopera da necessità constretta [e] [corne] non altrimenti operar si
possa che la ragion, suo timone, operare le ‘nsegni.
ANNEXE 6.11 : CODEX ATLANTICUS, 327 VO
Naturalmente li omini boni disiderano sapere. […]
Proemio.
So bene che per non essere io litterato, che alcuno presuntuoso gli parrà
ragionevolmente poterni biasimare coll’allegare io essere omo sanza lettere. Gente stolta !
Non sanno questi tali ch’io potrei, sì come Mario rispose contro a’ patr[i]zi romani, io sì
rispondere dicendo : quelli che dell’altrui fatiche se medesimi fanno ornati, le mie a me
medesimo non vogliano concedere. Diranno che, per non avere io lettere, non potere ben dire
quello di che voglio trattare. Or non sanno questi che le mie cose son più da esser tratte dalla
sperenzia che d’altrui parola, la quale fu maestra di chi bene scrisse, e così per maest[r]a la
piglio e quella in tutt’i casi allegherò.
ANNEXE 6.12 : CODEX ATLANTICUS, 398 VO
Tutte le cose che sospingano l’una altra, saranno infra loro d’equal moto e contingenti
evver continue.
Nessuno effeto è in natura sanza ragione, intendi la ragione e non ti bisogna sperienza.
ANNEXE 6.13 : CODEX ATLANTICUS, 549 VO
Quando voi fare un effetto per istrumento, non ti allungare in confusione di molti
membri, ma cerca il più brieve modo, e non fare come quelli che, non sapiendo dire una cosa
per lo suo proprio vocabulo, vanno per via di circuizione e per molte lunghezze confuse.
ANNEXE 6.14 : CODEX ATLANTICUS, 616 VO
L’acquisto di qualunche cognizione è sempre utile allo intelletto, perché potrà scacciare
da sè le cose inutile e riservare le buone.
Perché nessuna cosa si può amare né odiare, se prima non si ha cognizion di quella.
Claire Guillon, La pensée ésotérique de Léonard de Vinci : étude de son œuvre manuscrite
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ANNEXE 6.15 : CODEX ATLANTICUS, 785 VO (B)
Sì come il ferro s’arrigginisce sanza esercizio e l’acqua si putrefa o nel freddo
s’addiaccia, così lo ‘ngegno sanza esercizio si guasta.
ANNEXE 6.16 : CODEX ATLANTICUS, 820 RO
Chi si promette dalla sperienzia quel che non è in lei, si discosta dalla ragione.
ANNEXE 6.17 : CORPUS SUR LES ÉTUDES ANATOMIQUES, 116 RO [IV]
Non mi legga chi non è matematico nelli mia principi.
ANNEXE 6.18 : CORPUS SUR LES ÉTUDES ANATOMIQUES, 159 RO [II]
E però, o studianti, studiate le matematiche e non edificate sanza fondamenti.
ANNEXE 6.19 : CORPUS SUR LES ÉTUDES ANATOMIQUES, 173 RO [I]
Chi biasima la somma certezza della matematica, si pasce di confusione e mai porrà
silentio alle contraditioni delle soffistiche scientie, colle quali s’inpara uno eterno gridore.
ANNEXES 7 : CITATIONS SUR LE TEMPS ET LA MORT
ANNEXE 7.1 : CODEX FORSTER III, 29 RO
Io t’ubbidisco, Signore, prima per l’amore che ragionelomente portare ti debbo,
secondaria che tu sai abbreviare o prolungare le vite a li omini.
ANNEXE 7.2 : CODEX FORSTER III, 55 RO
Fuggi quello studio del quale la resultante opera more insieme coll’operante d’essa.
ANNEXE 7.3 : CODEX FORSTER III, 66 VO
Tristo è quel discepolo che non avanza il suo maestro.
ANNEXE 7.4 : CODEX TRIVULZIO, 27 RO
Sì come una giomata bene spesa dà lieto dormire così una vita bene isata dà lieto
morire.
ANNEXE 7.5 : CODEX TRIVULZIO, 34 VO
Punto non è parte di linia.
L’acqua che tocchi de’ fiumi è l’ultima di quella che andò, e la prima di quella che
viene. Così il tempo presente.
La vita bene spesa lunga è.
Claire Guillon, La pensée ésotérique de Léonard de Vinci : étude de son œuvre manuscrite
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ANNEXE 7.6 : CODEX LEICESTER, 31 RO
Perché molto son più antiche le cose che le lettere, non è maraviglia, se alli nostri giorni
non apparisce sc[r]iptura delli predetti (co) mari essere occupatori di tanti pa(esi, e se tu)[esi],
e se pure alcuna scrittura apparia, le guerre, l’incendi, le mutazioni delle lingue e delle leggi,
li diluvi dell’acque ànno consumato ogni antichità, ma a noi basta le testimonanzie delle cose
nate nelle acque salse rit[r]ovarsi nelli alti monti, lontani dalli mari talor.
ANNEXE 7.7 : MANUSCRIT F, 49 VO
Guarda il lume e considera la sua bellezza. Batti l’occhio e riguardalo. Ciò che di lui tu
vedi, prima non era, e ciò che di lui era, più non è. Chi è quel che lo rifà, se ‘l fattore al
continuo more ?
ANNEXE 7.8 : CODEX ARUNDEL, 176 RO
Scrivi la qualità del tenpo separata dalla geometrica.
ANNEXE 7.9 : CODEX ATLANTICUS, 42 VO
… né modi di compartire e misurare …giorni ne’ quali ci doviamo affaticare di non
trapassarli … [quest]a misera vita non trapassi sanza alcuna …lasciare di noi alcuna memoria
nelle menti de’ mortali.
…da
…do in saperlo spendere…difendere e contastare…li el più delle vol[t]e son cagione…
[que]sta nostra misera vita.
ANNEXE 7.10 : CODEX ATLANTICUS, 81 VO
Il giudizio nostro non giudica le cose fatte in varie distanzie di tempo nelle debite e
proprie lor distanzie, perché molte cose passate di molti anni parranno propinque e vicine al
presente, e molto cose vicine parranno antiche, insierne coll’antichità della nostra gioventù. E
così fa l’occhio indra le cose distanti, che, per essere alluminate dal sole, paiano vicine
all’occhio, e molto cose vicine paiano distanti.
ANNEXE 7.11 : CODEX ATLANTICUS, 195 VO
L’ètà che vola discorre nascostamente e inganna altrui, e niuna cosa è più veloce che gli
anni e chi semina virtù, fama ricoglie.
ANNEXE 7.12 : CODEX ATLANTICUS, 207 RO
A torto si lamentan li omini della fuga del tempo, incolpando quello di troppa velocità,
non s’accorgendo quello esser di bastevole transito, ma bona memoria, di che la natura ci ha
dotati, ci fa che ogni cosa lungamente passata ci pare essere presente.
Claire Guillon, La pensée ésotérique de Léonard de Vinci : étude de son œuvre manuscrite
81
ANNEXE 7.13 : CODEX ATLANTICUS, 207 VO
O dormiente, che cosa è sonno ? Il sonno ha similitudine colla morte. O perché non fai
adunque tale opera che dopo la morte tu abbi similitudine di perfetto vivo, che vivendo farsi
col sonno simile ai tristi morti ?
ANNEXE 7.14 : CODEX ATLANTICUS, 310 RO
Acquista cosa nella tua gioventù che ristori il danno della tua vecchiezza. E se tu intendi
la vecchiezza aver per suo cibo la sapienza, adoperati in tal modo in gioventù che a tal
vecch[i]ezza non manchi il nutrimento.
ANNEXE 7.15 : CODEX ATLANTICUS, 680 RO
Quando io crederò imparare a vivere, e io imparerò a morire.
ANNEXE 7.16 : CODEX ATLANTICUS, 1040 VO
La gognizion del tempo pretert[t]o e del sito della terra è ornamento e cibo delle menti
umane.
ANNEXE 7.17 : CODEX ATLANTICUS, 1109 RO (B)
Infra les cose grandi che infra noi si trovano, l’essere del nulla è grandissima. Questo
risiede nel tempo e distende le sue membra nel preterito e futuro, co’ le quali occupa tutte
l’opere passate e che hanno a venire, sì di natura come delli animali, e niente possiede dello
indivisibile presente. Questo non s’astende sopra l’essenzia d’alcuna cosa.
Claire Guillon, La pensée ésotérique de Léonard de Vinci : étude de son œuvre manuscrite
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TABLE DES MATIÈRES
AVANT-PROPOS ........................................................................................................... 2
REMERCIEMENTS ...................................................................................................... 3
INTRODUCTION ........................................................................................................... 4
1. COMPRENDRE LE MONDE POUR MIEUX LE RECRÉER ...................... 6
1.1 DÉVELOPPER SES CONNAISSANCES INITIALES ...................................................... 6
1.2 S’INTÉRESSER À LA PHILOSOPHIE NATURELLE ..................................................... 8
1.3 NOURRIR L’ESPRIT ET L’ÂME ............................................................................. 10
2. ANALYSER LE MONDE POUR MIEUX SE L’APPROPRIER ................. 13
2.1 ÊTRE ET APPARAITRE : LA QUESTION DE L’ENGENDREMENT .............................. 13
2.1.1 S’incliner devant la création divine ......................................................... 13
2.1.2 Imiter la nature matricielle ...................................................................... 16
2.1.3 Penser l’homme dans l’univers sublunaire .............................................. 18
2.2 DÉCOMPOSER LES ÉNERGIES VITALES................................................................ 20
2.2.1 Discerner les éléments naturels ............................................................... 21
2.2.2 Pénétrer les relations sensibles ................................................................ 22
2.2.3 Reconnaitre la puissance solaire ............................................................. 24
2.3 PERCEVOIR LES DIMENSIONS TEMPORELLES ...................................................... 26
2.3.1 Découvrir que le monde a été et sera ....................................................... 26
2.3.2 Prendre conscience de la nature du temps ............................................... 28
2.3.3 Accepter le cercle de la vie....................................................................... 30
3. SUBLIMER LE MONDE POUR MIEUX L’HABITER ............................... 33
3.1 FAIRE PREUVE D’ESPRIT CRITIQUE ..................................................................... 33
3.1.1 Fuir les mensonges ................................................................................... 33
3.1.2 Déceler les imposteurs ............................................................................. 37
3.1.3 Discerner les jugements erronées ............................................................ 39
3.2 ÊTRE EN QUÊTE DE CONNAISSANCE ................................................................... 41
3.2.1 Louer la probité intellectuelle .................................................................. 42
3.2.2 Suivre les préceptes vertueux ................................................................... 44
3.2.3 Faire usage de la raison ........................................................................... 46
3.3 DEVENIR MEILLEUR PAR LE SAVOIR .................................................................. 48
3.3.1 S’appuyer sur l’exactitude mathématique ................................................ 48
3.3.2 Expérimenter avec la nature .................................................................... 50
3.3.3 Accomplir une œuvre mémorable ............................................................. 52
Claire Guillon, La pensée ésotérique de Léonard de Vinci : étude de son œuvre manuscrite
83
CONCLUSION ............................................................................................................. 55
4. BIBLIOGRAPHIE ............................................................................................. 57
SOURCES PRIMAIRES .................................................................................................... 57
SOURCES SECONDAIRES ............................................................................................... 57
5. ANNEXES ........................................................................................................... 61
ANNEXE 1 : LES DIFFÉRENTS MANUSCRITS ET CODEX .................................................. 61
Manuscrits A à M (Institut de France, Paris) ......................................................... 61
Codex Arundel (British Library, Londres) – Ar. ..................................................... 61
Codex Atlanticus (Biblioteca Ambrosiana, Milan) – CA. ....................................... 61
Codex Urbinas (Bibliothèque du Vatican, Cité du Vatican) – CU. ........................ 61
Codex Forster (Victoria and Albert Museum, Londres) – Fors. ............................ 61
Codex Leicester (Bill Gates Collection, Seattle) – Leic. ........................................ 61
Codex de Madrid (Biblioteca Nacional, Madrid) – Ma. ........................................ 61
Dessins et manuscrits (Royal Library, Windsor) .................................................... 62
Codex sur le vol des oiseaux (Biblioteca Reale, Turin) – Tn. ................................. 62
Codex Trivulzio (Castello Sforzesco, Biblioteca Trivulziana, Milan) – Triv. ........ 62
ANNEXE 2 : UNE CHRONOLOGIE INDICATIVE DES MANUSCRITS ................................... 62
La jeunesse et formation à Florence (1452-1481) .................................................. 62
À la cour de ludovic Sforza à Milan (1481-1499) .................................................. 62
Les voyages entre Mantoue, Venise et Florence (1499-1506) ................................ 63
De retour à Milan auprès de Charles d’Amboise (1506-1513) .............................. 63
Au service de Julien de Médicis à Rome (1513-1516) ............................................ 63
François Ier mécène au Clos Lucé (1516-1519) ..................................................... 63
ANNEXES 3 : CITATIONS SUR LES AUTEURS ANCIENS ET CONTEMPORAINS ................... 64
Annexe 3.1 : Codex Trivulzio, 14 ro ........................................................................ 64
Annexe 3.2 : Codex de Madrid II, 3 ro .................................................................... 64
Annexe 3.3 : Manuscrit F, 5 ro et 4 vo ..................................................................... 64
Annexe 3.4 : Manuscrit F, 27 ro .............................................................................. 65
Annexe 3.5 : Manuscrit F, 59 ro .............................................................................. 65
Annexe 3.6 : Codex Arundel, 71 vo ......................................................................... 65
Annexe 3.7 : Codex Arundel, 192 vo ....................................................................... 65
Annexe 3.8 : Codex Atlanticus, 559 ro .................................................................... 65
Annexe 3.9 : Corpus sur les études anatomiques, 97 ro [I] .................................... 66
Annexe 3.10 : Corpus sur les études anatomiques, 154 ro [II] ............................... 66
Annexe 3.11 : Manuscrit M, I cop vo ...................................................................... 66
ANNEXES 4 : CITATIONS SUR LA NATURE ET LA CRÉATION .......................................... 66
Annexe 4.1 : Manuscrit A, 99 vo ............................................................................. 66
Claire Guillon, La pensée ésotérique de Léonard de Vinci : étude de son œuvre manuscrite
84
Annexe 4.2 : Manuscrit A, 100 ro ............................................................................ 67
Annexe 4.3 : Manuscrit A, 105 vo ........................................................................... 67
Annexe 4.4 : Manuscrit A, 111 vo ........................................................................... 67
Annexe 4.5 : Manuscrit H, 89 vo ............................................................................. 67
Annexe 4.6 : Codex Forster III, 38 ro ..................................................................... 67
Annexe 4.7 : Codex Forster III, 44 vo ..................................................................... 67
Annexe 4.8 : Codex Trivulzio, 17 vo ........................................................................ 67
Annexe 4.9 : Codex Trivulzio, 33 ro ........................................................................ 68
Annexe 4.10 : Codex Leicester, 34 ro ...................................................................... 68
Annexe 4.11 : Manuscrit F, 41 vo ........................................................................... 68
Annexe 4.12 : Codex Arundel, 85 vo ....................................................................... 68
Annexe 4.13 : Codex Arundel, 174 vo ..................................................................... 68
Annexe 4.14 : Codex Atlanticus, 207 vo .................................................................. 68
Annexe 4.15 : Codex Atlanticus, 218 ro .................................................................. 68
Annexe 4.16 : Codex Atlanticus, 543 vo .................................................................. 68
Annexe 4.17 : Codex Atlanticus, 729 vo .................................................................. 68
Annexe 4.18 : Codex Atlanticus, 1067 ro ................................................................ 69
Annexe 4.19 : Corpus sur les études anatomiques, 50 vo [I-IV] ............................. 69
Annexe 4.20 : Corpus sur les études anatomiques, 114 vo [IX-XI] ........................ 70
Annexe 4.21 : Corpus sur les études anatomiques, 117 vo [I] ................................ 71
Annexe 4.22 : Corpus sur les études anatomiques, 136 ro [IX] .............................. 71
Annexe 4.23 : Corpus sur les études anatomiques, 197 vo [X] ............................... 71
ANNEXES 5 : CITATIONS SUR LES IMPOSTEURS ET LES MENSONGES ............................. 71
Annexe 5.1 : Manuscrit B, 4 vo ............................................................................... 71
Annexe 5.2 : Manuscrit H, 16 vo ............................................................................. 71
Annexe 5.3 : Études sur les proportions du corps humain, II a. ............................. 71
Annexe 5.4 : Codex sur le vol des oiseaux, 11 ro .................................................... 72
Annexe 5.5 : Manuscrit F, II cop ro ........................................................................ 72
Annexe 5.6 : Manuscrit F, 5 vo ............................................................................... 72
Annexe 5.7 : Manuscrit F, 27 vo ............................................................................. 72
Annexe 5.8 : Manuscrit F, 96 vo ............................................................................. 73
Annexe 5.9 : Manuscrit M, 58 vo ............................................................................. 73
Annexe 5.10 : Codex Atlanticus, 207 ro .................................................................. 73
Annexe 5.11 : Codex Atlanticus, 207 vo .................................................................. 73
Annexe 5.12 : Codex Atlanticus, 323 ro .................................................................. 73
Annexe 5.13 : Codex Atlanticus, 327 vo .................................................................. 73
Annexe 5.14 : Codex Atlanticus, 417 ro (côté gauche) ........................................... 73
Annexe 5.15 : Codex Atlanticus, 417 ro (côté droit) ............................................... 74
Claire Guillon, La pensée ésotérique de Léonard de Vinci : étude de son œuvre manuscrite
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Annexe 5.16 : Codex Atlanticus, 520 ro .................................................................. 74
Annexe 5.17 : Codex Atlanticus, 877 vo .................................................................. 74
Annexe 5.18 : Corpus sur les études anatomiques, 49 vo [II] ................................. 74
Annexe 5.19 : Corpus sur les études anatomiques, 113 ro [X] ............................... 75
Annexe 5.20 : Corpus sur les études anatomiques, 136 ro [X] ............................... 75
Annexe 5.21 : Corpus sur les études anatomiques, 162 ro [V] ............................... 76
Annexe 5.22 : Corpus sur les études anatomiques, 173 ro [III] ............................. 76
Annexe 5.23 : Corpus sur les études anatomiques, 173 ro [IV] .............................. 76
ANNEXES 6 : CITATIONS SUR L’EXPÉRIENCE ET LA CONNAISSANCE ............................. 77
Annexe 6.1 : Codex Forster III, 14 ro ..................................................................... 77
Annexe 6.2 : Codex Trivulzio, 20 vo ........................................................................ 77
Annexe 6.3 : Manuscrit I, 18 ro ............................................................................... 77
Annexe 6.4 : Manuscrit I, 130 ro ............................................................................. 77
Annexe 6.5 : Manuscrit G, 8 ro ............................................................................... 77
Annexe 6.6 : Manuscrit G, 47 ro ............................................................................. 77
Annexe 6.7 : Manuscrit G, 96 vo ............................................................................. 77
Annexe 6.8 : Codex Atlanticus, 112 ro (a) .............................................................. 77
Annexe 6.9 : Codex Atlanticus, 207 vo (marge gauche) ......................................... 78
Annexe 6.10 : Codex Atlanticus, 234 ro .................................................................. 78
Annexe 6.11 : Codex Atlanticus, 327 vo .................................................................. 78
Annexe 6.12 : Codex Atlanticus, 398 vo .................................................................. 78
Annexe 6.13 : Codex Atlanticus, 549 vo .................................................................. 78
Annexe 6.14 : Codex Atlanticus, 616 vo .................................................................. 78
Annexe 6.15 : Codex Atlanticus, 785 vo (b) ............................................................ 79
Annexe 6.16 : Codex Atlanticus, 820 ro .................................................................. 79
Annexe 6.17 : Corpus sur les études anatomiques, 116 ro [IV] .............................. 79
Annexe 6.18 : Corpus sur les études anatomiques, 159 ro [II] ............................... 79
Annexe 6.19 : Corpus sur les études anatomiques, 173 ro [I] ................................ 79
ANNEXES 7 : CITATIONS SUR LE TEMPS ET LA MORT .................................................... 79
Annexe 7.1 : Codex Forster III, 29 ro ..................................................................... 79
Annexe 7.2 : Codex Forster III, 55 ro ..................................................................... 79
Annexe 7.3 : Codex Forster III, 66 vo ..................................................................... 79
Annexe 7.4 : Codex Trivulzio, 27 ro ........................................................................ 79
Annexe 7.5 : Codex Trivulzio, 34 vo ........................................................................ 79
Annexe 7.6 : Codex Leicester, 31 ro ........................................................................ 80
Annexe 7.7 : Manuscrit F, 49 vo ............................................................................. 80
Annexe 7.8 : Codex Arundel, 176 ro ....................................................................... 80
Annexe 7.9 : Codex Atlanticus, 42 vo ...................................................................... 80
Claire Guillon, La pensée ésotérique de Léonard de Vinci : étude de son œuvre manuscrite
86
Annexe 7.10 : Codex Atlanticus, 81 vo .................................................................... 80
Annexe 7.11 : Codex Atlanticus, 195 vo .................................................................. 80
Annexe 7.12 : Codex Atlanticus, 207 ro .................................................................. 80
Annexe 7.13 : Codex Atlanticus, 207 vo .................................................................. 81
Annexe 7.14 : Codex Atlanticus, 310 ro .................................................................. 81
Annexe 7.15 : Codex Atlanticus, 680 ro .................................................................. 81
Annexe 7.16 : Codex Atlanticus, 1040 vo ................................................................ 81
Annexe 7.17 : Codex Atlanticus, 1109 ro (b) .......................................................... 81
TABLE DES MATIÈRES ............................................................................................ 82