Zazzo A, Munoz O. (2013). Datation 14C et alimentation : une clé pour appréhender la mobilité des...

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Datation 14 C et alimentation : une clé pour appréhender la mobilité des populations côtières de la Péninsule Arabiqueau Néolithique Antoine ZAZZO Chargé de recherches au CNRS UMR 7209 « Archéozoologie, Archéobotanique : Sociétés, Pratiques et Environnements » au Muséum national d’Histoire naturelle Olivia MUNOZ Doctorante à l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne-CNRS UMR 7041 Résumé Malgré une position souvent marginale dans les études préhistoriques, les côtes ont été un lieu d’attractivité primordial pour les installations humaines. Dans la péninsule d’Oman, et principale- ment le long des côtes du golfe d’Oman et de la mer d’Arabie, la présence d’environnements marins très productifs, associée à des ressources terrestres relativement limitées, ont conduit à une exploitation intense des ressources marines comme en témoigne le grand nombre de sites côtiers connus entre depuis le VI e millénaire avant notre ère. La question de la mobilité de ces groupes humains a été soulevée à plusieurs reprises par les chercheurs travaillant dans la région. Notre étude aborde cette question par une approche géochimique originale, faisant intervenir la datation par la méthode du carbone 14. Cet article en présente le contexte, les méthodes, et les premiers résultats. Mots-clés Saisonnalité, Néolithique, Péninsule Arabique, radiocarbon, diet 14 C dating and diet : a key to understanding the mobility of coastal populations of the Arabian Peninsula during the Neolithic Abstract Despite an often marginal position in prehistoric studies, the coasts have been a place of attraction for human settlements. In the Oman peninsula, mainly along the coast of the Gulf of Oman and the Arabian Sea, the presence of highly productive marine environments, combined with relatively limited land resources, have led to intense exploitation of marine resources as evidenced by the large number of coastal sites since the sixth millennium BCE. The issue of mobility of human groups has been raised repeatedly by researchers working in the area. Our study addresses this issue by an original geochemical approach, involving the radiocarbon dating method. This article presents the background, methods, and first results. Keywords Seasonality, Neolithic, Arabic Peninsula, radiocarbon dating, diet GRP : fyssen JOB : annales27 DIV : 14mp⊕ZAZZO⊕Antoine p. 1 folio : 136 --- 25/2/013 --- 9H43 PALÉONTOLOGIE / ARCHÉOLOGIE 136

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Datation 14C et alimentation : une clé pour appréhenderla mobilité des populations côtières

de la Péninsule Arabiqueau Néolithique

Antoine ZAZZO

Chargé de recherches au CNRS UMR 7209 « Archéozoologie, Archéobotanique : Sociétés, Pratiques etEnvironnements » au Muséum national d’Histoire naturelle

Olivia MUNOZ

Doctorante à l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne-CNRS UMR 7041

RésuméMalgré une position souvent marginale dans les études préhistoriques, les côtes ont été un lieu

d’attractivité primordial pour les installations humaines. Dans la péninsule d’Oman, et principale-ment le long des côtes du golfe d’Oman et de la mer d’Arabie, la présence d’environnements marinstrès productifs, associée à des ressources terrestres relativement limitées, ont conduit à uneexploitation intense des ressources marines comme en témoigne le grand nombre de sites côtiersconnus entre depuis le VIe millénaire avant notre ère. La question de la mobilité de ces groupeshumains a été soulevée à plusieurs reprises par les chercheurs travaillant dans la région. Notreétude aborde cette question par une approche géochimique originale, faisant intervenir la datationpar la méthode du carbone 14. Cet article en présente le contexte, les méthodes, et les premiersrésultats.

Mots-clésSaisonnalité, Néolithique, Péninsule Arabique, radiocarbon, diet

14C dating and diet : a key to understanding the mobilityof coastal populations of the Arabian Peninsula

during the Neolithic

AbstractDespite an oftenmarginal position in prehistoric studies, the coasts have been a place of attraction

for human settlements. In the Oman peninsula, mainly along the coast of the Gulf of Oman and theArabian Sea, the presence of highly productive marine environments, combined with relativelylimited land resources, have led to intense exploitation of marine resources as evidenced by the largenumber of coastal sites since the sixth millennium BCE. The issue of mobility of human groups hasbeen raised repeatedly by researchers working in the area. Our study addresses this issue by anoriginal geochemical approach, involving the radiocarbon dating method. This article presents thebackground, methods, and first results.

KeywordsSeasonality, Neolithic, Arabic Peninsula, radiocarbon dating, diet

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Introduction

Malgréunepositionsouventmarginaledanslesétudes préhistoriques, les côtes ont été un lieud’attractivité primordial pour les installationshumaines, l’accroissement de la population et sadispersion, puis sont aussi devenues des zonesdynamiques d’interaction culturelle et de change-ment social (Bailey et Milner 2002 ; Bailey 2004).Ces auteurs évoquent aussi la difficultéd’analyseret classifier la complexification sociale des popu-lations de pêcheurs comme on l’a fait pour leschasseurs-cueilleurs. Dans la péninsule d’Oman,et principalement sur la côte du golfe et de la merd’Oman, la présence d’environnements marinstrès productifs, associée à des ressources terres-tres relativement limitées, ont conduit à uneexploitation intense des ressourcesmarines (Tosi1975 ; 1986). Dans l’Antiquité, plusieurs récitsont décrit les populations côtières de l’Arabiecomme des ichtyophagoi, en raison de leur régimealimentaire tourné vers les ressources marines.

Si la présence humaine est attestée dans larégion depuis au moins la moitié du VIIIe millé-naire par des assemblages lithiques (faciès de« Fasad »), l’érosion, la déflation éolienne, et laremontée du niveaumarin empêchent de connaî-tre les habitats de ces groupes humains (Méryet Charpentier 2009). Néanmoins, à partir duVIe millénaire avant notre ère, un grand nombredesitesarchéologiques identifiés le longdescôtesdu golfe d’Oman et de la mer d’Arabie atteste del’ancienneté de l’exploitation des environne-ments côtiers par les hommes dans la région. Eneffet, sur ces sites, les données archéologiquesmontrent la place prédominante des ressourcesmarines au sein de l’économie de subsistance despopulations côtières dès le VIe millénaire, lachasse et l’élevage jouant un rôle secondaire bienque réel. Cette exploitation des ressources mari-nes ne s’est pas limitée à l’acquisition de nourri-ture, puisque les populations ont employé systé-matiquement lesmatériauxmarins (coquilles, os,perles fines) disponibles pour la productiond’outils et d’objets de prestige, pouvant aussi êtredestinés aux échanges.

A partir de 3200 av. J.-C. environ, les sociétésoccupant la péninsule d’Oman connaissent deprofondes transformations économiques avecl’entrée dans un réseau d’échanges inter-régio-naux, l’adoption de nouvelles techniques (métal-lurgie, poterie), de nouveaux modes de produc-

tiondenourriture (agricultured’oasis, irrigation,intensification de la pêche), des innovations pro-bables dans les techniques de conservation desproduits de l’agriculture et de la pêche (Cleuziou,2002). Ces innovations s’accompagnent demuta-tions sociales, perceptibles notamment à traversdeschangementsdesmodesd’habitat (structurespérennes en brique crue), et des pratiques funé-raires.Cetteévolutionse traduitparuneaugmen-tation de la population et un changement del’occupation et de l’exploitation du territoire.

Du VIe au IVe millénaire avant notre ère, lagrande majorité des sites connus sont situés lelong de la côte, mais on connaît également quel-ques rares sites dans l’intérieur des terres, et leschercheurs s’accordent en général pour qualifierces installations de saisonnières. Les argumentsproposés peuvent être liés à la stratigraphie dessites (présence de couches stériles intercaléesavec des couches d’occupation), la nature desstructures d’habitat (structures temporairesen matériaux légers), les données archéozoo-logiques (courbe d’abattage des animaux domes-tiques, courbe de croissance des coquillages etdes poissons, présence d’espèces dont la migra-tion est saisonnière), les données archéobotani-ques (présence de fruits dont la maturité estsaisonnière), les données anthropologiques etfunéraires (absence de certaines classes d’âgedans les tombes, orientation des corps selon laposition du soleil, présence de tombes secondai-res), et la présence d’objets ou de matériauxexogènes (coquilles marines dans l’intérieur) etles conditions climatiques (température élevéesur la côte en été, associée à une richesse halieu-tique moindre, disponibilité des ressources eneau selon les saisons).

A partir de la fin du IVe millénaire, de nom-breux sites apparaissent dans l’intérieur des ter-res, souvent associés à l’agriculture d’oasis ou àl’extraction de minerai de cuivre et de pierretendre, tandis que sur les côtes, l’occupation sepoursuit sur des sites où les indices d’échangesintra (présence de dattes, de cuivre, et de pierretendre sur la côte, et de coquilles dans l’intérieur)et inter-régionaux (objets importés de laMésopo-tamie, de l’Iran et de l’Indus) sont de plus en plusintenses.

La question de la mobilité de ces groupeshumains a été soulevée à plusieurs reprises parles chercheurs travaillant dans cette région. La

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péninsuled’Omancomporteunegrandediversitéde niches écologiques exploitables par l’homme,depuis le littoral (milieu marin, mangrove),jusqu’aux hauts plateaux de l’intérieur des terresen passant par les zones désertiques et de pié-mont. Soulignons que les conditions climatiquesarides qui prévalent actuellement, caractériséespar une absence des pluies d’été, se sontmises enplace au cours du IVe millénaire avant notre ère.La saisonnalité de la disponibilité des ressourcesdans cesnichesdiverses, associée àunmilieupeufavorable, est à l’origine d’un modèle générald’exploitation saisonnière des ressources, pro-posé sur la based’observations ethnographiques.

Les observations ethnographiques desbédouins sub-actuels en Oman (dans la région duJa’alan), ont mis en évidence une mobilité desgroupes (oud’unepartie), dont l’économiereposesur trois ressources principales : l’existence d’unsystème agricole fondé sur le palmier-dattier,l’élevage et la pêche. Au cours de cycles annuelsou pluri-annuels, les populations se déplacent enfonction de la période de récolte des dattes, ladisponibilité de pâturages, ou la saison la plusfavorable pour la pêche, Les ethnologues ontaussimontré que les surplus éventuellement pro-duits sont échangés au sein d’un réseau régional(Cordes et Scholz 1980 ; Lancaster et Lancaster1992 ; 1996 ; 2002).

Si ce modèle général semble pouvoir s’appli-quer aux populations archéologiques pratiquantl’agriculture d’oasis (à partir de la fin du IVe mil-lénaire avant notre ère), qu’en était-il aux pério-des précédant l’Age du Bronze ancien, quand lasubsistance reposait sur d’autres ressources ali-mentaires ? Les indices archéologiques sontténus, et si à toutes les périodes, la présenced’objets ou denrées exogènes sur les sites attesteparfois de leur déplacement – des dattes, du cui-vre, ou des pierres tendres, provenant de l’inté-rieur sont fréquemment retrouvés dans les sitescôtiers, tandis que des coquillages marins manu-facturéssontretrouvésdans l’intérieurdesterres– il reste à savoir si c’est dans le cadre de réseauxd’échangeset/oudemouvementsdepopulations,et quelles étaient lamesure et lesmodalitésde cesmouvements. Quelle que soit la période concer-née, plusieurs questions restent ouvertes : lesdéplacements concernaient-ils tout ou une partieseulement du groupe ? Étaient-ils réalisés sur labase de cycles saisonniers, annuels, ou pluri-an-

nuels ? La péjoration du climat a-t-elle eu unimpact sur les comportements ? Une sédentaritérelative a-t-elle pu voir le jour dans certainsmilieux favorables ? L’intensification des échan-ges au cours du IIIemillénaire a-t-elle transforméles modes d’occupation du territoire ?

Danscet article, nousprésentons lesprincipauxrésultatsd’uneétudepiloteutilisant lesoutilsde lagéochimie isotopique afin de reconstruire la partde ressources marines entrant dans la diète despopulations côtières omanaises au IVe millénaireavantnotreère.Atravers l’alimentation,notrebutest d’obtenir des informations sur la mobilité desgroupes humains étudiés.

Carbone 14, effet réservoir marinet alimentation

Depuis une trentaine d’année, une littératureabondante a établi les bases de l’écologie isotopi-que et a validé l’utilisation des isotopes stablespour reconstruire différents aspects de l’alimen-tation humaine chez les populations actuelles etpassées (Ambrose 1993). Pour ce qui est de ladétection de ressourcesmarines dans l’alimenta-tion, les traceurs généralement employés sont lesrapports en isotopes stables du carbone (d13C) etsurtout de l’azote (d15N) qui peuvent être mesu-résdanslecollagènedel’os.Enzonetempérée, lesressourcesmarinesontgénéralementdesvaleursd13C et de d15N plus élevées que les ressourcesterrestres, et cette différence se retrouve chez leshumains qui consomment ces deux types de res-sources. Cette caractéristique a par exemple per-mis d’établir l’importance des ressources mari-nes et plus particulièrement du poisson, dansl’alimentation des populations mésolithiquescôtières d’Europe occidentale (Richards et Hed-ges 1999). Il est beaucoupmoins aisé d’appliquerce type d’approchedans la péninsuleArabique oulesplantesàphotosynthèseenC3etC4co-existentet où l’aridité est forte, ce qui peut induire unrecouvrement des valeurs de d13C et de d15N desressources terrestre et marines. De plus, le colla-gène est rapidement dégradé dans les restesarchéologiques du fait des conditions arides et nepeut donc être extrait. C’est pourquoi nous avonseurecoursauneapprocheoriginale impliquant ladatation par la méthode du carbone 14 (14C).

Si les propriétés du 14C comme chronomètresont bien connues des archéologues, celles du 14Ccomme traceur de l’alimentation le sont moins.Cetteutilisationest rendupossiblepar le faitque le

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carbone présent dans le réservoir marin n’est pasà l’équilibre avec le carbone présent dans le réser-voiratmosphérique, lieudeproductionducarbone14. En moyenne, à l’échelle globale, le carbonemarin est environ 400 ans plus vieux que le car-bone atmosphérique : c’est ce qu’on appelle l’effetréservoir marin (ERM). Ce décalage, lié au tempsde résidencemoyen du carbone dans l’océan, peutvarier à l’échelle locale en fonction des spécificitésrégionales de la circulation océanique. Un termecorrectif appelé l’effet réservoir local (noté DR) aété défini pour tenir compte de ces variations. Desvaleurs négatives deDRsontmesurées lorsque lesconnections avec l’océan ouvert sont limitées, oulorsque les apports d’eau douce (à l’équilibre avecle CO2 atmosphérique) sont importants. Al’opposé, des valeurs positives de DR sont mesu-rées dans les régions ou les courants marins fontremonter des eaux froides et anciennes à la sur-face, un phénomène appelé upwelling par lesanglo-saxons. C’est le cas en mer d’Arabie et desvaleurs de + 100 à + 200 ans ont étémesurées pourles périodes récentes le long des cotes omanaises.Ces questions sont bien connues des archéologuestravaillant en milieu côtier car bien souvent lescoquilles marines sont les seuls objets datablesdans les sites d’occupation humaine. La connais-sance de l’effet réservoir est donc cruciale si l’onveut dater le site avec précision.

En quoi le carbone 14 peut-il servir de traceuralimentaire ? Les atomes de carbone qui sontcontenus dans l’alimentation sont métaboliséspar notre organisme et contribuent au renouvel-lement tissulaire. La signature chimique de l’ali-mentation se retrouve ainsi dans nos organes,muscles, os, oudent, validant l’adage selon lequel«onestcequ’onmange».Ainsi,un individuqui senourrit exclusivement de ressources terrestressera à l’équilibre avec le réservoir de 14C del’atmosphère. En d’autres termes, son âge 14Csera identique à son âge biologique à l’erreur demesure près (± 30 ans en général). A l’opposé, unindividu dont l’alimentation serait exclusive-ment constituée de ressources marines sera àl’équilibre avec le réservoir de 14C marin et donccomparativement plus « vieux » (en âge 14C) queson âge biologique. La différence d’âge 14C entredeux individuscontemporainsdépendradoncà lafois de la proportion de ressources marines dansla diète et de l’importance de l’effet réservoir enun lieu donné. En contexte archéologique, si la

dated’inhumationet l’effet réservoir sont connusavec suffisamment de précision, alors la diffé-rence entre l’âge 14Cd’un individu et le temps quis’est écoulé depuis sa mort est fonction de laproportion de ressourcesmarines contenue dansson alimentation.

L’effet réservoir local varie dans l’espace maiségalement dans le temps. Il est donc délicatd’appliquer automatiquement les valeurs moder-nes aux périodes anciennes. Comment procède-t-on pour mesurer cet effet réservoir dans lespériodes anciennes ? L’approche communémentadoptée consiste à comparer l’âge 14Cmesuré surdes paires contemporaines de restes marin(coquille de mollusque, os de vertébré marin) etcontinental (charbon, os de vertébré terrestre).La différence d’âge indique alors l’importance del’effet réservoir marin pour cette période. Toutela difficulté réside dans le fait de sélectionnerdeuxobjets qui soient réellement contemporains,ce qui peut se révéler délicat en contexte archéo-logique. Les tombes sont généralement considé-rées comme susceptibles de fournir un contexteclos a priori qui, s’il renferme des restes terres-tres et marins, offre une bonne chance qu’ilssoient contemporains.

Figure 1 – Location des principaux sites préhis-toriques de la région de Ra’s al-Hamra et Qurum(Mascate, Sultanat d’Oman).

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Le site de Ra’s al-Hamra RH5Situédans laville actuelledeMascate,RH5fait

partie d’un ensemble de sites archéologiquesidentifiés sur un promontoire rocheux, à proxi-mité de la côte et d’une mangrove (Durante etTosi, 1977) (Figure 1). RH5 se caractérise par undépôt anthropique pluristratifié qui témoigned’une occupation quasi ininterrompue depuis lafin du Ve jusqu’au milieu du IVe millénaire avantnotre ère. On y distingue des zones d’habitat etdes traces d’activités (alignements de trous depoteaux, tranchées de fondation, foyers, etc.)(Biagi et al., 1984 ; Biagi et al., 1989 ; Biagi andNisbet, 1999, 2006) ainsi qu’un cimetière où plusde 215 individus sont représentés (Coppa et al.,1986, 1990 ; Salvatori, 1998, 2007). Les défunts,qui portaient parfois des ornements personnels(colliers, bracelets et boucles d’oreille) étaientgénéralement enterrés dans une fosse ovale,reposant en décubitus latéral dans une positionfléchie. Des dépôts de faune ont également étéretrouvés dans certaines tombes (tortue marine,coquillages, poissons). La nouvelle campagne defouilles qui a débuté en 2005 a permis demontrerque le cimetière était plus étendu vers l’ouest queceque l’onpensait alors (Munoz souspresse). Lesnouvelles tombes identifiées ont été fouillées ensuivant les méthodes de « l’anthropologie deterrain »définies parH.Duday (2009) afind’enre-gistrer le maximum d’informations relatives auxprocessus complexes des dépôts durant les céré-monies funéraires. Ce sont ces tombes, apparte-nant aux niveaux les plus récents de la nécropole,qui ont été sélectionnées pour les besoins de cetterecherche.

Estimation de l’effet réservoir marinà RH5

Nous avons tout d’abord cherché à déterminerl’ERM dans trois tombes fouillées en 2008. Danschaque tombe, nous avons daté des restes terres-tres (charbons) et des restes marins et de man-grove (coquilles). Les âgesmesurés sur charbonsau sein d’une même tombe montre une certainevariabilité (jusqu’à 240 ans en âge 14C) qui pour-rait être due à un effet « vieux bois », classiquedans cesmilieux arides, bien qu’un remaniementde charbons anciens présents dans le sol lors ducreusement de la tombe ne puisse pas être tota-lement à écarter. Dans tous les cas, on peutconsidérer que la date d’inhumation est appro-chée aumieux par le charbon le plus récent. Pour

chaque tombe, nous avons ensuite calculé la dif-férence d’âge entre ce charbon et les coquillesmarines et de mangrove. Si trois coquilles indi-quent un ERM supérieur à 700 ans pouvant êtrelié à un effet « vieille coquille » la plupart desrestes marins (n= 18) indiquent un effet réser-voir compris entre 500 et 700 ans. Une analyseselon la méthode des clusters indique deuxfamilles de dates significativement différentesl’unede l’autre et dont lamoyennese situeautourde 508 ± 16 et 668 ± 41 ans, respectivement(Figure 3). Plusieurs arguments suggèrent quecette variabilité pourrait correspondre à un phé-nomène réel. Aujourd’hui présente à l’état derelique, la mangrove de Qurum était beaucoupplus développée au IVe millénaire et devait assu-rer une partie non négligeable des ressourcesalimentaires disponibles sur la côte. Lesmangro-ves se situent à l’interface du continent et del’océan et constituent ainsi une zone de recyclagede la matière organique terrestre. Nous avonsmesuré un effet réservoir plus faible dans descoquillages strictement inféodées à cet environ-nement (comme le gastéropode Terebralia palus-tris), ce qui suggère que la variabilité observéeserait bien d’origine environnementale. Parailleurs, nous avons obtenu deux dates diver-geant de plus de 140 ans sur unmême bivalve, cequi pourrait témoigner d’une variabilité saison-nière de l’effet réservoir, un phénomène observépar ailleurs en Californie, une région égalementmarquée par la présence d’un upwelling côtier(Culleton et al. 2006). Selon notre hypothèse, lamoyenne haute correspondrait donc à l’ERM,tandis que la moyenne basse correspondrait auxvaleurs enregistrées par les organismes vivantsous l’influence directe de la mangrove.

Estimation de la proportion de ressourcesmarines dans la diète

Nous avons ensuite cherché à dater leshumains présents dans ces trois tombes. Il s’agitde trois adultes et d’un enfant. En règle généralele collagène de l’os est utilisé comme support desdatations 14C. Du fait des conditions aridesrégnant dans la région, le collagène de l’os esttotalement dégradé et ne pouvait donc être daté.La seule alternative était de dater la fractionminérale de l’os qui contient suffisamment decarbone (sous forme de carbonate) pour permet-tre une datation 14C. Des travaux menés parnotre équipe ont montré que dans les zones

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Olivia Munoz
Barrer
Olivia Munoz
Texte inséré
montrent

arides (Afrique, Péninsule Arabique) le carbo-nate de l’apatite était un support extrêmementfiable desdatations 14Caumoinspour l’Holocène(Zazzo et Saliège 2011). Les résultats montrentque les individus ont un âge 14C compris entre5250 et 5360 BP, c’est-à-dire environ 390 à540 ans plus vieux que les charbons des mêmestombes (Figure 3). Une simple règle de troispermet de calculer que la proportion de ressour-ces marine dans la diète représente 80 à 100 %

environ pour les trois adultes, et 60 à 80 % pourl’individu immature. Les restes humains appar-tenant à 16 individus retrouvés dans d’autrestombes ont pu être datés et confirment ce résul-tat, avec des âges compris entre 5100 et 5450BP.Dans plusieurs de ces tombes, des charbons ontpu être également datés et indiquent une diffé-rence de 400 ans environ avec les humains. Cerésultat indique une consommation très impor-tante de ressources aquatiques de la part de la

Figure 2 – Photo (gauche) and schéma (droite) de la tombe 411, Ra’s al-Hamra RH5, Sultanat d’Oman,montrant les restes fauniques (haut) déposés sur le squelette d’un adulte male en position fléchie et reposantsur le côté droit (bas).

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population, même s’il est pour l’instant difficilededistinguer la part relative des ressourcesmari-nes à proprement parler et de mangrove. Il fauten outre garder à l’esprit que certaines ressour-ces alimentaires sont uniquement trouvées sur lacôte mais possèdent une signature terrestrecomme les mollusques de mangrove Terebraliapalustris qui sont retrouvés en quantité dans lesite de RH5. Le signal marin incorporé dans lestissus des humains doit donc être considérécomme une estimation minimale de la dépen-dance au milieu côtier. Etant donné la place pré-pondérante du signal marin dans l’alimentation,il est difficile d’imaginer que les individus analy-sés s’éloignaient durablement de la côte, sauf àimaginer qu’ils emportaient avec eux ces ressour-ces durant leurs déplacements. Cette hypothèseest plausible, car les récits de voyageurs antiquessuggèrent que les techniques de conservation desdenrées marines (séchage, fumage et salage du

poisson, séchage des coquillages), – par ailleursbien documentées par des travaux ethnographi-ques actuels (ElMahi 2000) – étaient déjàmaîtri-sées il y a longtemps par les populations côtièresomanaises. Cependant, si cette hypothèse étaitvérifiée, elle impliquerait tout demême une fortedépendance vis-à-vis des ressources marines.

Nos résultats vont donc clairement dans lesens d’une occupation permanente et non saison-nière de la côte. Cette conclusion rejoint celleformulée récemment par Biagi et Nisbet (2006)sur la base notamment du réexamen des structu-res d’habitat, du choix des sites retenus par lespopulations du Ve millénaire, du type d’activités(artisanat) réalisées sur ce site et de la présenced’un cimetière pendant au moins 200 ans, quiindique un ancrage territorial transmis sur aumoins dizaine de générations. RH5 est l’un desnombreux amas coquilliers datant du Ve millé-naire identifiés lors de prospections (Cleuziou

Figure 3 – Effet réservoir marin (ERM) enregistré dans les coquilles marines et de mangrove, les poissons etles humains des tombes 405, 408 et 411.

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2005). Parmi ces sites, seuls quatre ensemble desites ont livré des tombes : Ra’s al-Hamra (RH),Wadi Shab (GAS), Ra’s al-Khabbah (KHB) etSuwayh (SWY). Ces sites ont en commun d’êtreinstallés à proximité d’une mangrove ou d’unenvironnement marin particulièrement produc-tif.Dansunmilieuqui s’aridifie, cesniches ontpuattirer des populations qui s’y sont sédentariséesavant que de nouvelles techniques transformentles possibilités d’exploitation du territoire,notamment à travers un réseau d’échange quis’intensifie.

Ce travail ouvre la voie à d’autres études. Siune extension à l’échelle régionale est envisagea-ble pour le Néolithique, l’évolution des pratiquesfunéraires à partir de l’âge du Bronze renddélicate l’utilisation de ce type d’approche pourdes sites plus récents. En effet, les sépulturesindividuelles du Néolithique laissent leurplace aux sépultures collectives de l’époqueHafit et Umm an-Nar. L’intervention répétée del’homme pendant la durée de fonctionnement deces structures réduit fortement les chances detrouver des associations de restes terrestres etmarin contemporains des individus inhumés,condition nécessaire du succès de notre appro-che. Cependant le recours à d’autres approchesgéochimiques, faisant intervenir la mesure durapport isotopique du carbone (d13C) de l’oxy-gène (d18O), et du strontium (87Sr/86Sr) dans lafractionminérale des os et des dents permettrontpeut-être d’aborder l’évolution des pratiques ali-mentaires dans la région.

RemerciementsCe travail a été rendu possible grâce au

soutien financier de la Fondation Fyssen, duCNRS- INSHS et du Ministère Omanais de laCulture. Il a bénéficié de l’aide et des conseils denombreux collègues sur le terrain (L.G. Mar-cucci, G. Seguin, N. Gryspeirt, N. Rolland,M. Tosi) et au laboratoire (P. Béarez, S. Kerneur,C. Martin, C. Pierre, M. Tengberg, J. Ughetto,ainsi que toute l’équipe du LMC14). Cet articleest dédié à la mémoire de S. Cleuziou et J.-F.Saliège.

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IntroductionDespite an often marginal position in prehis-

toric studies, the coasts have been a place ofattraction for human settlements, increasingpopulation and its dispersion, and also becamedynamic zones of cultural interaction and socialchange (Bailey and Milner 2002, Bailey 2004).These authors also mention the difficulty of ana-lyzing and classifying the social complexity offishing communities as it was the case for hunter-gatherers. In the peninsulaof Oman, mainly onthe coast of the Gulf and of the Oman Sea, thepresence of highly productive marine environ-ments, combined with relatively limited landresources, have led to intense exploitation ofmarine resources (Tosi 1975, 1986). In ancienttimes, many stories described the Arabic coastalpopulations as ichtyophagoi, due to theirmarine-oriented diet.

If the human presence is attested in the regionsince at least half of the eighth millennium by

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Olivia Munoz
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Texte inséré
à paraître

lithic assemblages (”Fasad“ facies), erosion,wind erosion, and sea level rise destroyed thehabitat of these human groups (Méry and Char-pentier 2009). However, from the sixth millen-nium BC, a large number of archaeological sitesidentified along the coastline of the Gulfof Omanand the Arabian Sea demonstrates the antiquityof the exploitation of coastal environments byman in the region. Indeed, on these sites,archaeological data show the dominance ofmarine resources in the subsistence economy ofcoastal populations from the sixth millennium,hunting and livestock playing a secondary role,although real. The exploitation of marine resour-ces was not limited to the acquisition of food, aspeople have used systematically marine mate-rials (shells, bones, pearls) for the production oftools and objects of prestige, which could also beintended for trade.

From about 3200 BC, the societies occupyingthe peninsula of Oman underwent profound eco-nomic transformation with the entry into anetwork of inter-regional trade, the adoption ofnew technologies (metallurgy, pottery), newmodes of food production (oasis agriculture, irri-gation, intensification of fishing), and possibleinnovations in techniques for preserving agricul-tural products and fisheries (Cleuziou, 2002).These innovations are accompanied by socialchange, particularly throughperceptible changesin settlement patterns (permanent structures ofmud brick), and funerary practices. This is reflec-ted by an increase in population and a change ofoccupation and land use.

From the sixth to the fourth millennium BCE,the vast majority of known sites is located alongthe coast, with also a few sites in the interior, andresearchers generally agree to describe thesefacilities as seasonal. The arguments put forwardmay be related to the stratigraphy of the sites(presence of sterile layers between layers of occu-pation), the nature of the habitat structures (tem-porary structuresmadeof lightmaterials), zooar-chaeological data (mortality profile of domesticanimals, growth rate of shellfish and fish, thepresence of specieswhosemigration is seasonal),archaeobotanical data (presence of fruit whosematurity is seasonal), and anthropological data(absence of certain age classes in graves, orien-tationof thebody, presence of secondary graves),and the presence of non-local objects ormaterials

(marine shells in the interior) and climatic condi-tions (high temperatures on the coast in thesummer, associated with decreased fish and fres-hwater availability).

From the late fourth millennium, many sitesappear in the interior, often associatedwith oasisagriculture or extraction of copper ore and softstone, while on the coast, the occupation conti-nues on sites where the indices of intra (presencedates, copper and soft stone on the coast and inthe interior shells) and inter-regional (objectsimported from Mesopotamia, Iran and Indus)exchange are more intense.

The issue of mobility of human groups hasbeen raised repeatedly by researchersworking inthis area. TheOmanPeninsula has awide varietyof ecological niches exploited by man from thecoast (marine,mangrove), to the highlands of theinterior through the desert and foothills. Notethat arid climatic conditions currentlyprevailing, characterized by an absence of sum-mer rains, appeared during the fourth millen-niumBCE.Seasonality of resource availability inthese various niches, associated with a less favo-rable environment, form the basis of a generalmodel of seasonal exploitation of resources, pro-posed based on ethnographic observations.

Ethnographic observations of sub-modernBedouin populations in Oman (in the Ja’alanregion) showed a mobility of the groups (or partof the groups), whose economy is based on threemain resources: the existence of an agriculturalsystem based on the date palm, livestock andfishing. During annual or multi-annual cycles,populations move depending on the time of dateharvest, the availability of pastures, or the mostfavorable season for fishing. Ethnologists havealso shown that the surplus products are exchan-gedwithina regionalnetwork (CordesandScholz1980; Lancaster and Lancaster 1992, 1996,2002).

If this general pattern seems to apply toarchaeological populations practicing oasis agri-culture (from the late fourth millennium BCE),does it hold for periods prior to the Bronze Age,when the subsistence economy was based onother food resources? Archaeological evidence isscarce, and if at all periods, the presence ofexogenous food items or sites attests sometimestheir movement - dates, copper or soft stonesfrom the interior are frequently found in coastal

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sites, while manufactured marine shells arefound in the interior – the question remainswhether this is through exchange networks and/ or population movements, and what was theextent and terms of thesemovements.Whateverthe period, several questions remain open: didthe movements concern all or part of the group?Were they made on a seasonal, annual or multi-annual basis?Did the deterioration of the climatehave an impact on mobility? Could a form ofsedentarity have appeared in more favorableenvironments? Did increased trade during thethird millennium transform patterns of landuse?

In this paper, we present the main results of apilot study using isotope geochemistry to recons-truct the proportion of marine resources in thediet of coastal Oman populations during thefourthmillenniumBCE. Through diet, our aim isto obtain information on the mobility of humangroups studied.

Radiocarbon, diet and marine reservoireffect

For thirty years, an extensive literature hasestablished the basis for isotopic ecology andvalidated the use of stable isotopes to reconstructaspects of the human diet in the past and presentpopulations (Ambrose 1993). Regarding thedetection of marine resources in the diet, thetracers commonly used are stable isotope ratiosof carbon (d13C) and especially nitrogen (d15N)measured in bone collagen. In temperate zones,marine resources typically have d13C and d15Nhigher than the terrestrial resources, and thisdifference is recorded in humans who consumethese types of resources. This characteristic hasallowed, for example to establish the importanceof marine resources, especially fish in the diet ofMesolithic coastal populations of WesternEurope (Richards and Hedges 1999). It is muchmore difficult to apply this approach in theArabian Peninsula where C3 and C4 photosyn-thesis types co-exist and where aridity is strong,which can induce an overlap in d13C and d15Nvalues of terrestrial and marine resources. Inaddition, collagen is rapidly degraded in archaeo-logical remains due to the arid conditions andcannot be extracted. That is why we have used anovel approach involving radiocarbon (14C)dating.

If the properties of 14Cas a dating tool are wellknown to archaeologists, the properties of 14C asa dietary tracer are not. This use is possiblebecause the carbon in themarine reservoir is notin equilibrium with the carbon in the atmosphe-ric reservoir, where radiocarbon is produced. Onaverage, on a global scale, the marine carbon isabout 400 years older than the atmosphericcarbon: this is called the marine reservoir effect(MRE). This shift, related to the mean residencetime of carbon in the ocean can vary locallydepending on the specific regional ocean circu-lation. A correction term called the local reser-voir effect (denoted DR) was defined to reflectthese changes. Negative values of DR are measu-red when the connections with the open oceanare limited, or when freshwater inflows (in equi-librium with atmospheric CO2) are important.In contrast, positive values of DR are measuredin areas where ocean currents bring cold andold water up to the surface, the so-called upwel-ling. This is the case in the Arabian Sea andthe DR values of +100 to +200 years weremeasured for recent periods along the coastofOman. These issues arewell known to archaeo-logists working in coastal areas as marineshells are often the only datable objects in humansite occupation. Estimation of the reservoireffect is crucial if we are to date the site accura-tely.

How can radiocarbon be used as a dietarytracer? The carbon atoms contained in food aremetabolized by the body and contribute to tissueturnover. The chemical signature of the foodthus finds itself in our organs, muscles, bones, orteeth, validating the adage ”you are what youeat.“ Thus, an individual who feeds exclusivelyon terrestrial resources will be in equilibriumwith the atmospheric reservoir of 14C. In otherwords, the 14C age is broadly identical to thebiological age. In contrast, an individual whosediet would consist exclusively of marine resour-ces will be in equilibrium with the marine 14Creservoir and therefore comparatively older (in14C age) that his biological age. Radiocarbon agedifference between contemporary individualsdepends onboth theproportionofmarine resour-ces in the diet and the importance of the reser-voir effect in a given location. In archaeologicalcontexts, if the date of burial and reservoir effectare known with sufficient accuracy, then thedifference between the 14C age of an individual

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and the time that has elapsed since his death isa function of the proportion of marine resourcescontained in its diet.

The local reservoir effect varies in space butalso in time. It is therefore difficult to applymodern DR values automatically to ancienttimes. How does one measure this reservoireffect in ancient times? The commonly adoptedapproach is to compare 14C age of contemporarymarine (shell mollusk, marine vertebrate bones)and continental (coal, terrestrial vertebratebones) remains. The age difference then indica-tes the importance of the marine reservoir effectfor that period. The difficulty lies in the fact thatfinding two objects that are truly contemporarycan be tricky in archaeological context. Thetombs are generally considered capable of provi-ding such closed contexts which, if they containterrestrial and marine remains, offers a goodchance they are contemporaries.

The site of Ra’s al-Hamra RH5Located in the modern city of Muscat, RH5 is

part of a series of archaeological sites identifiedon a rocky promontory, near the coast and man-grove (Durante andTosi, 1977) (Figure 1).RH5 ischaracterized by a multilayered anthropogenicdeposit indicating an almost continuous occupa-tion from the late fifth to mid-fourth millenniumBCE. It differs fromresidential areas andactivitytraces (rows of postholes, foundation trenches,shelters, etc.). (Biagi et al., 1984; Biagi et al.,1989; Biagi and Nisbet, 1999, 2006) and a ceme-tery where more than 215 individuals are repre-sented (Coppa et al., 1986, 1990, Salvatori, 1998,2007). The deceased, who sometimes wore per-sonal ornaments (necklaces, bracelets andearings) were generally buried in an oval pit, in alateral decubitus flexed position. Faunal depositswere also found in some tombs (turtle, shellfish,fish). The new excavations that began in 2005showed that the cemetery extended westwardmore than if was previously thought (Munoz inpress). New tombs were identified and excavatedusing the methods of the ”field anthropology“defined by Duday (2009) to record as much infor-mation on the complex processes of depositsduring the funeral ceremonies. These are thetombs belonging to the latest levels of the necro-polis,whichwere selected for the purposes of thisresearch.

Estimation of marine reservoir effect atRH5

Wefirst sought to determine theMRE in threetombs excavated in 2008. In each grave, we datedthe terrestrial (charcoal) marine and mangroveremains (shells). Ages measured on charcoalwithin the same tomb shows some variability (upto 240 years in 14C age) which could be due to an”old wood“ effect, typical in arid sites, althoughremobilization of charcoal already present in theground while digging the grave can not be com-pletely ruled out. In any case, we can considerthat the date of burial is best approached by theyoungest charcoal. For each grave, we then cal-culated the difference in age between the char-coal marine and mangrove shells. If three shellsindicate an MRE higher than 700 years that canbe linked to an ”old shell“ effect, most marineremains (n= 18) show a MRE between 500 and700 years. Cluster analysis shows two families ofdates significantly different from each other andwhose average is around 508 ± 16 and 668 ±41 years, respectively (Figure 3). Several argu-ments suggest that this variability may reflect areal phenomenon. Today present as a relic, the

Figure 1 – Location of the main prehistoric sites inthe Ra’s al-Hamra and Qurum region (Muscat,Oman).

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Qurum mangrove was much more developedduring the fourth millennium and should ensurea significant portion of available food resourceson thecoast.Mangrovesareat the interfaceof thecontinent and the ocean, and thus constitute anareawhere terrestrial organicmatter is recycled.We measured a lower reservoir effect in man-grove shells such as the gastropod Terebraliapalustris, suggesting that the observed variabilitywould be of environmental origin. In addition,we

obtained two dates diverging more than140 years on a single bivalve, which may reflectseasonal variability of the reservoir effect, a phe-nomenonalsodocumented inCalifornia, a regionalso marked by the presence of a coastal upwel-ling (Culleton et al. 2006). According to our hypo-thesis, the high average could thus correspond totheMRE,while the lowaverage could correspondto the values recorded by organisms living underthe direct influence of the mangrove.

Figure 2 – Photograph (left) and schematic (right) of the grave 411, Ra’s al-Hamra RH5, Sultanate of Oman,showing faunal remains (top) deposited on the skeleton of an adult male in a flexed position and based on theright side (bottom).

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Estimate of the proportion of marineresources in the diet

We then sought to date the humans in thesethree graves. There are three adults and a child.Generally bone collagen is the support of choicefor radiocarbon dating. Because of the aridconditions prevailing in the region, bone colla-gen is totally degraded and could not be dated.The only alternative was to date the mineralfraction which contains enough carbon (in theform of carbonate) to allow for 14C dating. Workcarried out by our team showed that in arid areas(Africa, Arabian Peninsula) carbonate apatitewas a reliable support for 14C dating at least forthe Holocene (Zazzo and Saliège 2011). Theresults show that individuals have a 14C agebetween 5250 and 5360 BP, i.e. 390 to 540 yearsolder than the charcoals of the same graves(Figure 3). A simple rule of thumbs is used tocalculate the proportion of marine resources inthe diet of about 80 to 100% for three adults, and60-80% for immature individual. Sixteen humanremains found in other tombs were also datedand confirm this result, with ages rangingbetween 5100 and 5450 BP. In many of thesetombs, charcoals have been dated and also indi-cate a difference 400 years with the humanremains. This result indicates a very highconsumption of aquatic resources from the popu-lation, although it is currently difficult to distin-guish between the relative importance of marineand mangrove resources. It should also be bornein mind that some food resources are found onlyon the coast but have a terrestrial signature likethemangrove dwellingTerebralia palustriswhichare found in large quantities at RH5. Marinesignal embedded in human tissues should beconsidered a minimum estimate of the depen-dence to coastal environments. Given the promi-nence of the marine signal, it is difficult toimagine that the individuals analyzed perma-nently moved away from the coast, except toimagine that they carried with them theseresources during their travels. This hypothesis isplausible because the stories of ancient travelerssuggest that techniques of marine food preser-vation (drying, smoking and salting fish, shell-fish drying) - also well documented by ethno-graphic observation of modern populations(El Mahi 2000) - had already been mastered

long ago by the Omani coastal populations.However, if this hypothesis were true, it wouldstill imply a strong dependence vis-à-vis themarine resources.

Our results are therefore clearly in favor of apermanent and non-seasonal occupation of thecoast. This conclusion is similar to that recentlyformulated by Biagi and Nisbet (2006) mainly onthe basis of the review of habitat structures, thechoice of sites selected by the people of the fifthmillennium, craft activities and the presence ofa graveyard for at least 200 years, which indica-tes a territorial anchoring transmitted over atleast ten generations. RH5 is one of the manyshell middens dating from the fifth millenniumidentified during surveys (Cleuziou 2005).Among these sites, only four sets of sites haveyielded graves: Ra’s al-Hamra (RH), Wadi Shab(GAS), Ra’s al-Khabbah (KHB) and Suwayh(SWY). These sites have in common to be instal-led near a mangrove or a particularly productivemarine environment. In an environment under-going aridification these niches have been able toattract people who settled down, before newtechniques transform the exploitation potentialof the territory under a growing exchangenetwork.

This work opens the way for further studies.If an extension at the regional level is possible forthe Neolithic, the evolution of burial practicesfrom the Bronze Agemakes it difficult to use thisapproach for more recent sites. Indeed, indivi-dual burials from the Neolithic have been repla-ced by collective burials of the Hafit and Umman-Nar periods. Man-made repeated interven-tions on these structures greatly reduces thechances of finding associations between contem-porary terrestrial and marine remains, a condi-tion necessary for the success of our approach.However, the use of other geochemical, toolsincluding the measurement of the carbon, oxy-gen and strontium (d13C, d18O, 87Sr/86Sr) iso-tope ratio in themineral component of bones andteeth may help addressing the evolution of thedietary practices in the region.

AcknowledgmentsFirst of all we would like to thank the Fyssen

Foundation, CNRS-INSHS, and the OmaniMinistry of Culture for their financial support.Thisworkwas benefited from the help and adviceof many colleagues in the field (LG Marcucci,

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G. Seguin, N. Gryspeirt, N. Rolland, M. Tosi)and laboratory (P.Béarez, S.Kerneur, C.Martin,C. Pierre, M. Tengberg, Ughetto J. and the

whole team of the LMC14). This article is dedi-cated to the memory of S. Cleuziou and J.-F.Saliège.

Figure 3 – Marine reservoir effect (MRE) recorded in mangrove and marine shells, fish and humans graves405, 408 and 411.

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