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Articulo - Journal of Urban Research Special issue 4 (2013) Le nouveau récit du paysage ................................................................................................................................................................................................................................................................................................ Guillaume Meigneux Vidéographie descriptive : le travelling. Esquisse méthodologique pour une approche paysagère ................................................................................................................................................................................................................................................................................................ Warning The contents of this site is subject to the French law on intellectual property and is the exclusive property of the publisher. The works on this site can be accessed and reproduced on paper or digital media, provided that they are strictly used for personal, scientific or educational purposes excluding any commercial exploitation. Reproduction must necessarily mention the editor, the journal name, the author and the document reference. Any other reproduction is strictly forbidden without permission of the publisher, except in cases provided by legislation in force in France. Revues.org is a platform for journals in the humanities and social sciences run by the CLEO, Centre for open electronic publishing (CNRS, EHESS, UP, UAPV). ................................................................................................................................................................................................................................................................................................ Electronic reference Guillaume Meigneux, « Vidéographie descriptive : le travelling. Esquisse méthodologique pour une approche paysagère », Articulo - Journal of Urban Research [Online], Special issue 4 | 2013, Online since 25 novembre 2013, connection on 24 septembre 2014. URL : http://articulo.revues.org/2271 ; DOI : 10.4000/articulo.2271 Publisher: Articulo ASBL http://articulo.revues.org http://www.revues.org Document available online on: http://articulo.revues.org/2271 Document automatically generated on 24 septembre 2014. Creative Commons 3.0 – by-nc-nd, except for those images whose rights are reserved.

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Articulo - Journal of UrbanResearchSpecial issue 4  (2013)Le nouveau récit du paysage

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Guillaume Meigneux

Vidéographie descriptive : letravelling. Esquisse méthodologiquepour une approche paysagère................................................................................................................................................................................................................................................................................................

WarningThe contents of this site is subject to the French law on intellectual property and is the exclusive property of thepublisher.The works on this site can be accessed and reproduced on paper or digital media, provided that they are strictly usedfor personal, scientific or educational purposes excluding any commercial exploitation. Reproduction must necessarilymention the editor, the journal name, the author and the document reference.Any other reproduction is strictly forbidden without permission of the publisher, except in cases provided by legislationin force in France.

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Electronic referenceGuillaume Meigneux, « Vidéographie descriptive : le travelling. Esquisse méthodologique pour une approchepaysagère », Articulo - Journal of Urban Research [Online], Special issue 4 | 2013, Online since 25 novembre 2013,connection on 24 septembre 2014. URL : http://articulo.revues.org/2271 ; DOI : 10.4000/articulo.2271

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Vidéographie descriptive : le travelling.Esquisse méthodologique pour uneapproche paysagèreLa traversée du paysage : une question de représentation

1 Dans le roman La modification, Michel Butor se sert des allers-retours en train de sonpersonnage principal comme d’une trame narrative. Effectué d’abord pour des raisonsprofessionnelles, puis sentimentales, le protagoniste du roman répète le voyage Paris-Romeune fois par mois sur plusieurs années. L’avancée du train, la régularité du trajet, le nomdes gares, la récurrence des observations et des postures, la constance des paysages traversésdans un sens comme dans l’autre permettent à l’auteur d’embarquer librement le lecteur entreles différentes étapes de la vie de son personnage pour constituer une réflexion ouverte, enperpétuelle aller-retour entre un passé qui se déploie lentement et un présent qui défile à 140Km/h vers un avenir fragile. C’est peut-être, en sous texte, un des ouvrages les plus aboutissur la sensation d’un trajet en train répété régulièrement et la perception du paysage qui endécoule. Perception qui, comme le note Joël Gilles dans son article Paysage-mouvement,un rendez-vous manqué, n’est pas allée de soi historiquement parlant. Si des témoignageslittéraires apparaissent dès l’invention de la première voie ferré (1827) il faut attendre lemanifeste futuriste de 1909 comme première prise de conscience picturale d’une vision dupaysage depuis un train «  alors que cela fait plus de 40 ans que l’on peut voyager - etils voyagent- à 120 km/h» (Gilles 2011  : 84). Il serait intéressant de réaliser un travailchronologique similaire à celui que propose Gilles avec les arts et qui ferait dialoguer cettefois-ci l’influence de la perception en train sur la conception du paysage. Pour autant le proposdéfendu ici n’est pas celui d’une lecture historique de ce rapport mais plus de questionnerla manière dont il peut s’actualiser aujourd’hui dans le cadre de la pratique du paysagismeet de l’urbanisme. Comment l’expérience d’un trajet en train, vécu quotidiennement par desmilliers de personnes, peut-elle nourrir directement l’analyse du territoire et participer ainsi à laconception du projet urbain et/ou paysager? Comment re-présenter cette traversée? Commentla manipuler? Quelles connaissances est-il possible d’en tirer? Cette piste de recherche n’estpas nouvelle et de nombreux travaux méthodologiques dont ceux du CRESSON (Centrede recherche sur l’espace sonore et l'environnement urbain) proposent déjà de pouvoirs’approprier le témoignage des usagers pour faire émerger des phénomènes perceptifs liésà ce type d’expérience. Mais l’ensemble de ces travaux passe toujours par la traduction del’expérience en mots et en paroles. Ici nous voudrions dépasser les limites du langage auprofit d’un travail directement sur l’image et dans le temps. C’est à dire nous appuyer sur lavidéo comme forme de représentation et de partage d’une expérience. En d’autres termes ils’agit de se demander quel type de connaissance supplémentaire la vidéo est-elle susceptibled’apporter aux méthodes d’analyses existantes? Quelle lecture du territoire la vidéo nouspermet-elle ? Comment pouvons-nous nous en saisir dans la perspective d'une étude urbaineet paysagère ? Ces questions sont le fil conducteur d'un travail de thèse en architecture eturbanisme qui propose de rendre opérationnel la vidéo comme support de partage et de miseen débat des phénomènes d'ambiances entre les différents acteurs du projet urbain. Nousvoudrions ici revenir sur une des expérimentations de cette recherche : celle qui a visé à sesaisir de la figure cinématographique du travelling pris depuis un train en marche. Bien quecette expérimentation ait été réalisée dans le cadre d’une étude paysagère, il est important denoter qu’elle n’était pas au cœur de l’étude en question et que cette étude a par la suite évoluévers d’autres problématiques. Aussi la méthode détaillée ici reste donc à l’état expérimental.Néanmoins sa mise en place révèle de véritables enjeux pour quiconque s’interroge sur l’usageet la pratique de la vidéo dans le cadre de projet ou de recherche urbaine. Aussi nous ne

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ferons qu'évoquer le contexte de production pour nous concentrer sur les enjeux théoriques etméthodologiques auxquels nous nous sommes confrontés.

La grande échelle2 Visualize our metropolis est une étude commanditée en 2011 par l’Eurométropole

transfrontalière Lille-Kortrijk-Tournai visant à combler un déficit de lisibilité et d’identité duterritoire tant à l’échelle régionale qu’européenne (Taktyk 2012). L’Eurométropole est le 1er

Groupement Européen de Coopération Territoriale (GECT) regroupant 147 communes et plusde 2 millions d’habitants sur 3.550 km2. Face à un tel territoire, la question des déplacements etdes modes de transport s’impose rapidement comme une thématique majeure. Dès les premiersarpentages nous avons donc réalisé une série de captation des principales liaisons ferroviaires.Ces captations se sont limitées à positionner la caméra sur la tablette du compartiment,l’objectif collé à la fenêtre du train et à filmer l’ensemble du trajet en continu. Ce qui donnaun ensemble de travelling de 20 à 40 minutes montrant le paysage défiler à la vitesse du traintout en intégrant les différents arrêts du trajet, l’ambiance sonore à l’intérieur de la rame (avecles annonces du contrôleur, le murmure des passagers, le bruit des machines), les reflets delumière en fonction des courbes, les vibrations, cette particularité d’une perspective mouvantequi vient contrarier la perspective albertienne… «Voici le bruit familier qui recommence avecle balancement et la fuite des choses extérieures vers vous, vers cette ligne immense qui passepar votre banquette où elles deviennent invisibles» (Butor 1957  : 139). Le train se met enmarche et nous avec et nous voulions utiliser cette matière visuelle dans le cadre de notreétude. Que faire alors avec ces vidéos? Si leur richesse et leur pertinence ne faisaient aucundoute, ils nous étaient bien impossible d’imposer (à la maitrise d’ouvrage mais aussi à notrepropre équipe) plus de trois heures de projection continue pour témoigner de ce paysage et desa perception depuis les voies ferrées. Comment se saisir de ces plans séquences? Commentpartager cette expérience? Mais aussi, et surtout quelles informations en tirer? Car si nousétions tous d’accord pour apprécier le visionnage de ces travellings, nous étions bien en peined’inventorier le type d’informations qu’ils comportaient (figure 1).Figure 1 : Photogramme du trajet Tournai-Lille

Vidéo : © Meigneux, 2012 [https ://vimeo.com/63156785]

Le travelling3 Nous étions donc en possession d’une série de travellings qui avaient la particularité :

• d’offrir un point de vue subjectif, embarqué en quelque sorte, renvoyant à une expériencecollective,

• de se présenter sous la forme d’un plan continu et de donner ainsi à voir les transitions,les limites, et les juxtapositions paysagères dans leur continuité,

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• d’informer aussi bien sur la configuration spatiale du paysage observé que sur sa relationau mode de transports (abords, vitesse, trajectoire).

4 Nous allons détailler ici la manière dont nous nous sommes appropriés ces séquences toutau long de l’étude. D’abord sous la forme de photogrammes afin d’amorcer une analyselinéaire de l’ensemble de la traversée, puis sous la forme de blocs de séquences afin deconserver l’idée de mouvement et de continuité. Nous nous appuierons pour cela sur le conceptd’image-mouvement proposé par Deleuze (Deleuze 1983) pour bien saisir ce qui se jouedans la projection d’images vidéographiques, tant dans son rapport théorique au mouvementque dans l’expérience de son appréhension. Puis nous verrons alors comment il est possiblede s’approprier l’image-mouvement au-delà du témoignage et de l’idée d’une réactivationdu site (l’image vidéographique comme support de réflexion). Comment, en ayant recoursà la technique de manipulation d’images appelée le compositing (qui consiste à imbriquerdifférentes sources d’images au sein d’une seule et même image-mouvement) nous serons enmesure d’approfondir la lecture du territoire suivant les entrées morpho-dynamiques proposéespar Pascal Amphoux (Amphoux 2001) et plus spécifiquement celles identifiées lors d’undéplacement en train par Damien Masson (Masson 2009). Nous verrons alors l’importanced’une approche sensible de la lecture du paysage basée sur l’expérience de la projection commereflet d’une expérience de la traversée en train (support à réflexion). Nous finirons enfin cettecontribution en interrogeant la manière dont cette analyse peut être restituée et partagée sous laforme d’une séquence vidéo contribuant dans le même temps à ouvrir des pistes d’évolutionsprogrammatiques du paysage (support en réflexion). Pour des raisons de concisions nouscentrerons notre démarche sur un seul des trajets filmés (Tournai-Lille, le plus court) et nousn’aborderons pas le travail sur la bande son qui peut accompagner les propositions visuelleset contribuer à la lecture et à l’immersion dont il sera question en conclusion.

Support de réflexion5 Dans un premier temps nous allons voir comment il est possible de s’approprier ce type de

support. Les manipulations décrites ici ne sont pas nouvelles mais elles permettent de préciserpar défaut la nature même de la matière filmique récoltée et décrivent en creux le champd’intervention que nous voudrions investir par la suite.

Les photogrammes6 La première étape, la plus logique et la plus intuitive, est peut-être d’extraire de ces travellings

des photogrammes sous forme de suite d’images. Il est possible à ce niveau-ci d’identifier troiscatégories de suite d’images :

• Les intervalles réguliers abordant la totalité de la traversée : par exemple en exportantune image toutes les six secondes, nous pouvons reproduire un trajet de vingt minutes endeux cent images (figure 2). La planche contact ainsi obtenue retranscrit l’ensemble dela traversée suivant une échelle temporelle régulière. Sur la base de ces photogrammesune analyse linéaire de l’ensemble de la traversée est alors possible. S. Nageleisenpropose dans son travail de thèse une grille d’analyse visant «à extraire précisément lescaractères des paysages visibles au cours des déplacements» (Nageleisen 2007 : 157). Ily différencie une analyse générale de l’image (composition, point d’appel, point de fuite)et une analyse partielle (abiotique, biotique, construit, masque). Les résultats peuventalors s’inscrire dans des diagrammes et des tableaux reflétant l’ensemble de chacun destrajets et servir ensuite pour une analyse comparative.

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Figure 2 : Trajet Tournai-Lille à raison d’une image toute les six secondes

Photos : © Meigneux, 2012

• Les situations identifiées qui font référence à des situations prédéfinies : par exempledans le cadre de l’étude paysagère nous nous sommes intéressés aux différentessituations de franchissement entre les infrastructures (dessus/dessous). Nous avons doncvisionnés les bandes au ralenti pour en extraire les images reflétant ces situations danschacun des trajets (figure 3). Il a été fait de même avec la question de la frontière, aveccelle des points de repères (château d’eau, clochers, collines). Cette approche permet deconstituer un répertoire typologique des différentes situations identifiées perçues depuisle train.

Figure 3 : Ensemble des situations de franchissement sur la ligne Tournai-Lille

Photos : © Meigneux, 2012

• Les moments clefs qui eux se concentrent sur une série de passage particulier de lavidéo. Suite au répertoire typologique précédemment décrit nous pouvons alors centrerl’analyse sur des situations spécifiques et détailler le fil de leur actualisation. Par exemplecelui correspondant au franchissement d’une route nationale (figure 4) à raison d’uneimage par seconde sur une durée totale de douze secondes. À partir de ces fragments deséquence nous pouvons reproduire la proposition d’analyse d’image fixe précédemmentévoquée (Nageleisen 2007).

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Figure 4 : Détail d’une situation de franchissement : une image par seconde

Photos : © Meigneux, 2012

L’image-mouvement7 Ce bref aperçu (non exhaustif) permet de donner une idée du type d’information contenue dans

ces séquences et la manière dont il est possible de l’extraire. Comme le décrit S. Nageleisenle recours à l’image fixe permet «de limiter l’information [...], de conserver les liens établisavec l’analyse spatiale (système producteur, système paysage visible, système paysage perçu)[...], et de répondre à une demande sociale forte, relative à la possibilité d’un retour au terrainpour vérifier la validité des modèles proposés» (Nageleisen 2007 : 155).

8 Si cette approche permet de proposer une lecture linéaire du paysage perçu depuis la lignede chemin de fer, elle réduit le support vidéographique à un système perfectionné de prise devue et d’archivage photographique. Or la vidéo n’est peut-être pas qu’une multitude d’imagesfixes. Il y a peut-être quelque chose de plus qui se joue avec le support vidéographique.Quelque chose entre la planche-contact présentée précédemment (figure 4) et la séquence delaquelle elle est issue (figure 5).Figure 5 : Détail d’une situation de franchissement

Vidéo : © Meigneux, 2012 [https ://vimeo.com/63156786]9 Ce quelque chose serait peut-être de l’ordre de l’expérience, de la sensation de mouvement.

Dans la planche-contact, si l’idée de mouvement y est bien présente, il s’agit justement d’uneidée et non du mouvement lui-même. Face aux photographies, la reconstitution du mouvement

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ne peut avoir lieu qu’intellectuellement alors que dans la vidéo initiale le mouvement est vécuen direct. Les photographies extraites de la séquence doivent être transcendées pour pouvoirse projeter dans le mouvement, tandis que les séquences projettent de façon immanente lespectateur dans la traversée. Il s’agit ici du principal apport de l’image cinématographiquepour Deleuze : celui d’être capable de représenter le mouvement de façon immanente,directement dans l’ordre du sensible et non plus par une conceptualisation de l’idée même dumouvement. Cet apport est lié au fait que le cinéma opère une série d’instantanés équidistantstemporellement (cf. la chronophotographie chez Marey et Muybridge) et qu’il les restituesuivant la même logique (la perforation de la pellicule par les frères Lumières). C’est à direque la captation vidéographique ne privilégie pas tel ou tel moment mais qu’elle effectuecomme une coupe mobile dans le mouvement. L’intérêt de l’image cinématographique nerésiderait donc pas dans l’extraction d’un instant remarquable, mais dans son appartenanceà un ensemble plus vaste «d’instants quelconques équidistants temporellement». Ainsi pourDeleuze «ce que [le cinéma] nous donne [à voir] ce n’est pas le photogramme, c’est uneimage moyenne à laquelle le mouvement ne s’ajoute pas, ne s’additionne pas : le mouvementappartient au contraire à l’image moyenne comme donnée immédiate» (Deleuze 1983 : 11).Extraire des photogrammes de la séquence change alors la nature de l’objet (qui bascule dansla photographie) et fait perdre non seulement le mouvement au sein de l’image mais aussi sonappréhension sensible que représente le visionnage de la séquence. Si les photographies sontbien un support privilégié de connaissance du paysage et de sa représentation sensible, ellesne peuvent pas se saisir du phénomène de déplacement tel qu’il serait vécu in-situ.

Les séquences10 Dans un deuxième temps nous proposons donc de se saisir directement de séquences, de

subdiviser le trajet non plus en photogrammes mais en blocs d’espace-temps unifiés. Il estalors possible de travailler soit :

• en accélérant tout simplement l’ensemble du trajet. À titre d’exemple un trajet de 20minutes réduit à 30 secondes de projection revient à accélérer la vitesse par quarante,ce qui crée un décalage entre l’expérience de la traversée et la perception que la vidéopropose. Pour autant il se dégage de cette manipulation une impression générale nonnégligeable : celle dans le cas présent de l’omniprésence de la ligne d’horizon. L’accélérépeut être assimilé ici au plan masse, une vue d’ensemble dont seules les lignes de forcese dégagent (figure 6).

Figure 6 : Trajet Tournai Lille en 30 secondes

Vidéo : © Meigneux, 2012 [https ://vimeo.com/63162617]11 En sélectionnant des fragments de séquences dans la continuation du travail par moments clefs

précédemment décrits (par exemple autour de la question du franchissement). Si l’intensité dumouvement est conservée, ces fragments de séquences posent un problème de restitution et delecture. Les projeter les unes à la suite des autres ne va pas plus loin que le simple témoignage,

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le ça a été de Roland Barthes (Barthes 1980). L’autre piste serait de les projeter en simultanées(figure 7), ce qui permet alors d’offrir une lecture comparative entre les séquences et d’aborderainsi des phénomènes liés à la notion d’ambiance (et sur lesquels nous reviendrons plus tard).Dans tous les cas il est difficile de visionner l’ensemble des séquences et de les interprétercomme issues d’un trajet commun. Elles sont toutes perçues comme des exemples de trajets,mais ne semblent pas articuler un déplacement d’un point à un autre.Figure 7 : Situations de traversée en simultanée

Photos : © Meigneux, 201212 Si l’expérience de la projection est bien l’objet central de ces propositions, deux limites

semblent apparaitre. La première est celle de l’intégrité du rapport entre durée de projectionet durée de l’expérience d’origine. Dans un cas la compression (l’accéléré) est telle que lemouvement semble changer de nature : nous sommes confrontés à un défilement extrêmementrapide d’images qui ne correspond pas à l’idée que l’on peut avoir des trains régionauxdu début du 21e siècle. Nous perdons l’idée même de la traversée. Un peu comme si lemouvement changeait de nature et de référent (ce qui expliquerait d’ailleurs que l’accéléré aitsouvent été utilisé comme un recours comique au cinéma). Dans l’autre cas le trajet restitué esttellement fragmenté qu’il est difficile de le reconstituer mentalement. Les séquences obtenuessont comme autant d’univers clos, autonomes et indépendants les uns des autres. Ces deuxconstations révèlent un nouveau registre de l’image-mouvement. L’image-mouvement est àl’image du mouvement. C’est à dire qu’elle ne peut être modifiée ou découpée sans perturbersa nature, son essence. L’image-mouvement n’est pas une donnée quantitative, elle n’estpas mesurable, elle n’est pas composée de fragments homogènes comme l’espace, mais defragments hétérogènes, qualitatifs dont la seule unité serait l’intensité. Le mouvement d’unpas, par exemple, ne peut être considéré que comme une entité à part entière. La moitié d’unpas risque d’engendrer la chute de celui qui l’exécute, et le demi-pas n’est pas, d’un point devue de l’effort et du mouvement, la moitié d’un pas, c’est une autre entité, une autre mesure :le demi-pas. Il en va de même pour l’image-mouvement. C’est une entité en soi qui a sapropre intensité. Modifier sa vitesse ou son ampleur, c’est modifier son intensité et c’est seconfronter à une autre réalité. Ainsi dans l’accéléré nous nous confrontons à une autre naturede la traversée, et dans la fragmentation, nous subdivisons la traversée en autant de fragmentsd’espace-temps ayant leur propre autonomie. Il nous est possible de les comparer, de lesassembler, mais pas de les interpréter comme des parcelles d’un ensemble plus large, où alorsen acceptant que cet assemblage provoque un changement de nature. L’image-mouvementn’est pas quantitative et subdivisible en autant de parties homogènes, mais elle est « qualitative,hétérogène et irréductible » (Deleuze 1983 : 16). Cette particularité de l’image-mouvementnous permet peut-être d’expliquer la deuxième limite que révèle ces approches par séquences :la difficulté à nouveau d’en tirer une série d’informations probantes. Il se dégage quelque

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chose, dans l’accéléré, comme une vision globale, une image récurrente de la traversée oudans le deuxième cas quelque chose comme une variation autour d’un même thème. Quelquechose nous imprègne que l’on est bien en peine d’expliquer. Et c’est peut-être parce qu’il nefaut pas chercher dans ces travellings une donnée quantitative mais une sensation, une formede connaissance qualitative et sensible.

13 Et c’est bien sur ces éléments que nous souhaitons construire le reste de la réflexion :• d’abord sur la prise en compte d’une image-mouvement qui ne peut s’appréhender que

dans la durée de son actualisation (sous la forme d’une projection),• puis sur le fait que cette durée ne puisse être perçue que comme un tout hétérogène et

irréductible,• enfin sur le principe que ce tout ne peut se saisir que comme une donnée qualitative,

non mesurable.14 En d’autres termes il s’agit ici de ne plus faire référence au film comme le support d’une

réflexion (qui au même titre qu’un graphique ou qu’un schéma viendrait corroborer oucontredire une idée), mais comme forme réflexive en elle-même. Une pensée en mouvementpris dans le mouvement des images.

Support à réflexion15 Nous avons donc vu que s’il était possible d’extraire toute une série d’informations de

ces séquences (et si nous nous sommes limités dans cette contribution à répertorier lessituations de franchissements, nous pouvons facilement étendre ce type de questionnement aurapport bourg/campagne, à la relation entre le train et ses abords, à la composition paysagèrestructurée par la ligne d'horizon…), il nous était néanmoins compliqué de réussir à conserverensemble l’ancrage visuel, la sensation de mouvement et le principe de continuité propre à cestravellings. Pourtant deux pistes ont émergé d’une des étapes précédemment décrites. Nousavons évoqué de pouvoir visionner en simultané des fragments de travelling issus de situationsidentifiées (figure 7). Cette proposition demande un peu d’explications tant le saut théoriqueet phénoménologique qu’elle propose est important. Elle consiste à ne plus appréhender lesséquences vidéos les unes à la suite des autres, dans un déroulé linéaire qui scande en tempsnormaux le montage, mais de les voir les unes à côté des autres, mis en page à même la surfacede projection. Ce mode de présentation semble provoquer de facto une forme de lecture parcomparaison simultanée entre les différentes séquences. De plus nous avons avancé l’idée quece type de visionnage permet d’identifier certains phénomènes liés à la notion d’ambiance.Nous allons voir ici comment le fait d’agencer les images dans une surface de projectionsimultanément change quelque peu le modèle de l’image-mouvement proposé par Deleuzesans pour autant en perdre les spécificités ; et comment ce type d’agencement permet de faireémerger un savoir issu de la notion d’ambiance. Á partir de là nous pourrons alors nous livrer àune nouvelle série de manipulations de l’image-mouvement afin de mener une analyse sensibledu paysage ancrée dans l’expérience même de la durée et de la traversée.

Split screen et image-composée16 La présentation en simultanée de séquences dans une même surface de projection est

appelée un split screen (ou écran divisé). C’est un procédé cinématographique déjà trèsrépandu dans le cinéma commercial que ce soit à des fins comiques chez Woody Allen, demise en tension chez Brian De Palma, ou comme procédé narratif chez Mike Figgis. OlaSöderström souligne que dans la série 24h « nous voyons que le split screen met en scène lesconnexions entre ces espaces différents, entre ces fragments éclatés caractéristiques de la villecontemporaine » (Söderström 2005 : 213). Et plus loin de préciser que le split screen est àl’image d’un monde stimulé par « l’ubiquité de l’information [qui renvoi à une expérience]de la ville multitâche où l’activité unique, comme prendre le métro pour aller à un rendez-vous, devient l’exception» (Söderström 2005  : 214). Nous voyons ici à quel point le splitscreen est déjà bien ancré dans la culture cinématographique (que ce soit autant du côté de laproduction que de la réception) et comment il est susceptible d’entrer en adéquation avec notre

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appréhension du monde contemporain. Le split screen est en réalité le premier stade d’unetechnique de manipulation d’images appelée le compositing qui consiste à réunir au sein d’unemême surface de projection (image-mouvement résultante) différentes sources d’image. C’està dire que le compositing permet de travailler l’image-mouvement non plus seulement dans letemps de son actualisation mais aussi par strates, par superpositions, jouant de la confrontationentre différentes échelles de plan, différents cadrages, temporalités et supports d’images. Quel’image soit à côté ou qu’elle soit incrustée, cela différencie la lecture et les effets, mais pasle principe  : nous sommes face à deux images-mouvements qui communiquent si ce n’estavec le même langage, du moins avec les mêmes caractéristiques, celles inhérentes au conceptd’image-mouvement. C’est sur ce principe que nous évoquions la possibilité d’extraire de cettevision en split screen des phénomènes de perception liés à la notion d’ambiance. Mais avant dedécrire de quels phénomènes il s’agit nous proposons d’approfondir le principe du split screenpour bien en saisir les potentiels quand à la lecture d’un paysage depuis le train.

L’émancipation du travelling17 Comme il a été évoqué en introduction, Michel Butor joue de la répétition des différents

voyages de son protagoniste sur la même ligne de chemin de fer pour embarquer le lecteurdans les différentes époques de sa vie. Le procédé narratif s’appuie sur la spécificité du cheminde fer de suivre toujours le même trajet, et ce quelque soit le moment de la journée, de lasemaine ou de l’année. L’auteur peut alors se raccrocher à des noms de gare ou des élémentsdu paysage pour effectuer des sauts dans le temps. Dans le cas de notre étude nous sommesdans la même situation : celle d’un trajet qu’il est possible de renouveler régulièrement et àpartir duquel nous pourrions effectuer des coupes dans le temps. Par exemple si nous répétonsla même captation à des moments différents (le matin, le soir, sous la pluie ou sous le soleil),nous obtiendrons alors une série de travellings d’une durée approximativement égale (quivarierait en fonction des conditions climatiques, des machineries, des aléas du voyage, et enfonction des arrêts effectués – qui peuvent évolués suivant les horaires et les périodes). S’ilest possible de considérer ces travellings comme sensiblement identiques (même trajet, mêmevitesse, même angle de vue), ils ne le sont plus en ce qui concerne ce qui est visible à l’image :différence entre une perception de nuit et une perception de jour, entre la saison de la récolteet celle de la jachère. Le travelling et le territoire sont bien les mêmes mais les moments desprises de vue font apparaître les variations du paysage. Nous sommes ici confronté au principede reconduction déjà très sollicité dans le travail de recherche photographique (voire à cepropos les observatoires photographiques du paysage) mais appliqué à l’image-mouvementet adapté à une appréhension en mouvement du territoire. Par la pratique du compositing il estpossible de superposer les différentes prises de vue et de les articuler comme bon nous sembledans la dynamique du déplacement en train afin de passer par exemple d’un paysage enneigéau même paysage sous le soleil d’été dans la continuité du mouvement (soit en split screen,soit par un simple cut, soit par balayage horizontal, vertical) (figure 8).

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Figure 8 : Deux exemples de prises de vue de la même ligne à des moments différents

Photos : © Meigneux, 201218 Cette première étape dégage déjà de nombreuses pistes d’interprétation possible d’une lecture

du paysage depuis le train. Multiplier les prises de vue à des moments différents et les restituerpar fragments (ou fenêtres) c’est se rapprocher de «cette question du même et du différent quicompose, jours après jours, un quotidien : je connais par cœur ce territoire que je traverse, etpourtant c’est infiniment différent selon les heures, les jours, les saisons, les années» (Tixier2012 : 1). En continuant dans la même logique, il est possible de reconduire la captation faited’un des côtés du trajet (comme c’était le cas jusque-là) sur le côté opposé et de confronter dansla même image les deux perceptions : à gauche la vision de gauche et à droite celle de droite.À partir de là, et dans la mesure où un cheminot avait posté sur internet des captations vidéodes mêmes trajets depuis la cabine de pilotage (Jobiwannn 2010), il est facile d’ajouter unetroisième fenêtre : celle du centre. C’est à dire qu’aux deux visions latérales correspondantesà la perception d’un passager du train assis tantôt à droite tantôt à gauche, s’ajoute une visionfrontale correspondant au hors-champ de la perception des usagers. Ce qui donne au finalune vision de la traversée sur trois fenêtres reprenant trois angles de vue pris a des momentsdifférents (vue de gauche en mars 2012, vue du centre en février 2009, et vue de droite enjanvier 2012) (figure 9).Figure 9 : Trajet Tournai-Lille décuplé en trois vues

Vidéo : © Meigneux, 2012, 2009, 2012 [https ://vimeo.com/63156787]

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19 Le visionnage d’une telle séquence provoque d’emblée une certaine forme de fascination voiremême un pouvoir hypnotique. D’abord parce que l’insertion d’une vue frontale correspond àune vision que nous n’avons pas l’habitude d’avoir, et que de surcroit elle fait le lien entreles deux visions latérales et permet de mieux saisir les éléments du paysage en réduisantconsidérablement le principe de défilement progressif provoqué par la vitesse (parallaxe dumouvement). Ensuite parce qu’au jeu des correspondances et des continuités (les lignes defuite ou les éléments en bordure de voies passant d’un cadre à l’autre) s’ajoute le jeu desdifférences tant de perceptions –entre le frontal et le latéral- que de temporalités -entre lesdifférents moments de prises de vue. Cette vision asynchrone (différents moments de prisede vue) et acentrée (différents angles de vue) permet de s’émanciper doublement du centred’indétermination inhérent à l’image-mouvement (Deleuze 1983) : la représentation n’est pluslimitée à un champ de vision, ni conditionnée par un moment de prise de vue, mais confrontedans la même surface de projection différentes temporalités et différents angles de vue dumême paysage, le tout dans un mouvement continu qui est celui d’un train en fonctionnement.Ainsi, si nous reprenons l’exemple précédent des passages liés à des situations identifiées(de franchissement par exemple), l’amplitude du champ de vision et la présence simultanéede différentes temporalités permettent de mieux cerner des éléments structurants issus de cessituations en révélant ce qui se répète et ce qui diffère dans chacune des prises de vue. Maisqu’y a-t-il exactement derrière le pronom démonstratif «ce» employé ici sans avoir été défini?De quel ordre sont ces éléments structurants liés à la perception embarquée du paysage? (figure10).Figure 10 : Déroulé de la vue en triptyque

Photos : © Meigneux, 2012

Effets, motifs, figures20 L’ambiance urbaine et architecturale est une notion qui vise à définir l’espace non plus

simplement en fonction de sa dimension physique, bâtie et tangible, mais aussi en fonctiondes situations d’interactions sociales qui le régissent et des phénomènes de perception liésà l’implication du corps (comme sujet sensible) dans l’espace. En d’autres termes l’espacen’est plus défini uniquement par sa forme, mais aussi par la manière dont il est vécu. Ce quisuppose de devoir se référer à de nouvelles méthodes d’analyses afin de faire émerger un savoirtransdisciplinaire et à de nouveaux outils descriptifs capables de nommer les phénomènes enjeu (Thibaud 2001). Nous nous concentrerons ici sur la proposition de définitions de troisentrées morpho-dynamiques comme outils descriptifs de phénomènes d’ambiance proposéspar Pascal Amphoux : les effets, les motifs et les figures. Dans notre cas, les figures renvoientà un domaine interprétatif plus complexe que nous n’aurons pas le temps d’aborder ici. Parcontre nous pouvons définir le motif comme «la façon pour le lieu de se sédimenter dans une

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configuration spatiale spécifique» et l’effet comme la «façon pour le lieu de s’actualiser dansle temps» (Amphoux 2001 : 163). En d’autres termes, le motif correspond à une configurationspatiale telle qu’elle est perçue (et non pas seulement conçue) et l’effet est la perceptionqu’il peut être fait d’un lieu à un moment précis. Par exemple lors du travelling accéléré,une vision globale semblait se dégager  : celle de la ligne d’horizon. Cette ligne d’horizonpourrait être interprétée ici comme le motif récurrent de ce paysage pris depuis l’angle de latraversée en train. Autre exemple : dans les situations de franchissement et plus précisémentcelles faisant référence à un tunnel, le franchissement est toujours accompagné d’un effetd’assombrissement. C’est un effet logique et évident  : tout un coup il fait noir. Dans sontravail de thèse D. Masson montre la complexité et la diversité des effets dans le cas d’uneperception embarquée : « effets de trille, de flou, de guidage, d’ouverture, de paysage, demouvements relatifs, etc. » (Masson 2009 : 116). Autant d’effets que nous pouvons aisémentnous approprier dans l’étude de ces travellings. Peu à peu nous sommes amenés à définirdes spécificités de cette traversée en train non plus simplement face à des caractéristiquesspatiales, ce qui était appelé jusque là des situations identifiées mais en prenant en compte laforme et le moment dont ces caractéristiques peuvent être perçues, c’est à dire : en fonctionde la vitesse du train, des conditions météorologiques, de l’angle de vue, dans certains casmême de la propreté de la fenêtre… autant de facteurs pouvant influer sur l’interprétationdu paysage qui s’offre à la vue du voyageur mais qui ne peuvent être qualifiés dans uneterminologie spatiale. Et nous retrouvons bien tous ces éléments dans les travellings dont ilest question depuis le début. L’image-mouvement peut être considérée ici comme un supportprivilégié pour représenter une situation d’engagement (Lallier 2012) où se joue différentsniveaux relationnels entre l’objet observé (le paysage), le sujet qui l’observe et les conditionsde cette observation (le déplacement, la lumière). Qu’en est-il de ces effets et de ces motifsdans le cadre de la perception asynchrone et acentrée précédemment décrite?

Différences et répétition21 Nous avons vu comment il était possible de confronter plusieurs captations d’un même trajet

pris à des moments différents et/ou dans des angles de pises de vues différentes. Nous pouvonsalors, en adoptant le travail de classification effectué par Damien Masson :

• interroger la permanence et la régularité des effets et des motifs liés à la traversée entrain (grâce ici à la reconduction à différents moments de la prise de vue). Par exemplede constater comment l’effet de guidage (décrit comme étant la manière dont «les ligneshorizontales visibles de l’environnement construit prédominent dans le champ visuel enraison de leur stabilité temporelle au cœur de la “volatilisation” des objets que produit lemouvement. Ces lignes ont pour effet de devenir des guides du regard» – Masson 2009 :123) peut varier au même endroit en fonction par exemple des hauteurs des cultures oude la position du soleil (qui contraste plus ou moins le rapport forme/fond et rend la ligneplus ou moins lisible).

• préciser la manière dont ces effets et motifs s’actualisent et distinguer ainsi des sous-familles (par la confrontation entre la vue de gauche, de face et de droite). Par exempleobserver que l’effet d’ouverture qui «apparaît et s’actualise dans l’espace quand laprofondeur de champ visuel augmente brusquement» (Masson 2009 : 121) est toujoursprécédé dans notre cas d’un effet de fermeture, et qu’il peut-être partiel (juste sur un pandu champ de vision), latéralisé (toute la vision gauche ou droite mais pas les deux), outotal comme dans le passage sous un tunnel.

22 Nous avons vu comment l’approche par les ambiances permet de faire émerger uneconnaissance du paysage issue de la perception en train et comment il est possible de se saisirde la vidéo pour affiner cette connaissance en permettant de prendre en compte le momentet l’angle de la prise de vue. Malgré tout, à ce stade de la proposition, nous restons encorelimités quant à la restitution de ces analyses. S’il n’y a aucun soucis pour traduire ces élémentssous forme de texte et qu’il est toujours possible de faire référence aux séquences vidéos pourillustrer et corroborer ces conclusions, il n’est pas encore possible d’utiliser directement lesvidéos comme une forme d’actualisation de ces conclusions dans l’expérience de la projection.

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Pour le dire autrement, projeter les unes à la suite des autres les différents effets et motifsidentifiés, les agencer par ordre chronologique (dans la traversée) ou par ordre d’importance(dans le cadre de l’étude menée) constituerait autant de sens que d’énumérer sur une feuillede papier les effets et motifs identifiés :

• effets de trille,• effets de flou,• effets de guidage,• effets d’ouverture,• effets de paysage,• effets de mouvements relatifs…

23 La liste ainsi obtenue ne dit pas grand-chose en soi. Il faudrait l’animer par un travail de miseen page, l‘articuler dans le cadre du déroulement d’une pensée, la transcender par un travaild’écriture pour lui donner une dimension poétique. Comme dans toute expérience, les résultatsprésentés seuls ne disent pas grand chose, il faut encore les interpréter. Et nous voudrions iciréussir à interpréter et communiquer ces résultats issus de l’analyse des travellings directementdans le corps de l’image-mouvement, sans perdre l’expérience temporelle à laquelle ils sontliés. Comment alors animer, articuler ou transcender ces éléments pour réussir à les restituersous la forme d’une projection ?

Décomposition24 Il y a (au moins) une différence entre l’énumération des mots évoqués précédemment et le

défilement linéaire des séquences vidéo se référant à chacun de ces mots. Dans le deuxièmecas, les éléments visuels qui sont ciblés et pour lesquels les séquences ont été sélectionnéespréexistent à la projection et sont pris dans un ensemble d’informations plus large. Uneimage vidéo est une image pleine par essence contrairement aux mots (ou au dessin) quis’inscrivent sur une feuille blanche et sont limités à leur définition. En d’autres termes le travailvidéographique effectué ici ne consiste pas tant à créer une réalité (le tracé sur une feuille)qu’à raréfier une source d’information pour en extraire le principal, comme un filtre sur uneeau trop lourdement chargée. Paradoxalement, même lorsqu’il a fallu ajouter de nouvellesimages à l’image existante (le compositing précédemment décrit), cela a toujours été dansl’optique de venir recentrer la lecture de l’image d’origine. Le fait que les captations ajoutéesproviennent du même monde, c’est à dire garde un ensemble référentiel commun avec l’imaged’origine (même trajectoire, même vitesse, même paysage, même valeur de plan) font qu’ellesne viennent pas surenchérir le degré d’interprétation possible (comme dans le cas d’un collageconfrontant deux éléments hétérogènes complètement distincts) mais au contraire le limiterà ce système référentiel. Or la trajectoire du train, sa vitesse et la continuité du paysage quidéfile sont bien les trois éléments relationnels dans lesquels se jouent la lecture du paysageque nous cherchons à définir. En ajoutant de nouvelles captations vidéo, nous n’avons pasfait autre chose que de circonscrire le registre d’interprétation de ces images. Une fois cecadre référentiel posé, nous pouvons alors nous concentrer sur les objets mêmes participantà cette lecture. C’est à dire que lorsqu’un effet ou un motif est identifié, nous pouvons venirle détourer (opération qui consiste à séparer l’objet et le fond), isoler son empreinte visuellede son contexte pour se l’approprier (en terme d’image-mouvement). Cette opération oblige àbien détailler quels sont les éléments qui participent à la perception de l’effet ou du motif, etce sur les trois vues simultanées. Cette opération s’effectue par un système de cache mobileadapté au mouvement de l’objet et de l’image. Ce type de travail peut-être plus ou moins précis(image par image) et plus ou moins fastidieux en fonction du type de rendu recherché. Dansnotre cas, il ne s’agit pas de découper minutieusement la silhouette des éléments contribuantà l’actualisation de l’effet ou du motif, mais à clarifier l’information contenue dans l’image.Un détourage grossier suffit, et peut être même souhaitable pour ne pas laisser de doutes surles intentions. Nous obtenons à la fin de cette opération toujours la même série d’effets et demotifs mais isolés cette fois-ci de leur contexte visuel (figure 11).

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Figure 11 : Extrait effet d’obstruction partielle (et franchissement de l’Escaut)

Vidéo : © Meigneux, 2012 [https ://vimeo.com/63156788]25 Les effets identifiés par Masson correspondent dans son analyse à des catégories

(effets élémentaires, effets psychomoteurs, effets à dominantes spatiales) et des registres(transformation du paysage, mise en relation à l’environnement). Nous avons vu comment lareprésentation asynchrone et acentrée d’un même parcours permet de s’émanciper de ce queDeleuze appelait le centre d’indétermination du plan d’immanence, c’est à dire en réalité cequi correspond dans la terminologie des ambiances au rapport sur lequel se construisent lesregistres et les catégories d’effets. Ainsi en isolant, spécifiant, discréditant tel ou tel phénomènenous donnons à voir l’effet, tout en dévoilant son registre et sa catégorie (vision asynchroneet acentrée). Une nouvelle forme d’articulation de ces image-mouvement est alors possible.Si jusque-là il était nécessaire de les aligner les unes à la suite des autres, nous pouvons ici,comme nous l’avions identifié précédemment avec le principe du compositing, les superposerles unes aux autres. Ce qui implique une réduction du temps de projection et la constitutiond’un nouvel environnement dans lequel les éléments s’articulent librement. Il est à noterque si certains effets s’emboitent parfaitement d’autres ne sont pas compatibles. La questionmaintenant est de savoir suivant quelle logique ces différents fragments d’image doivent (oupeuvent) s’articuler et se développer dans le temps de la projection? En d’autres termes il s’agitbien ici de déterminer quelle est la logique réflexive à appliquer à ces images? Quel messageet quelle idée leur articulation doit-elle faire passer?

Support en réflexion26 Pour résumer, nous avons :

• réalisé une série de captations sur un même trajet de chemin de fer,• démultiplié les temporalités et les angles de vue de ces captations par un triptyque visuel,• sélectionné et isolé des effets et des motifs dans le corps même de l’image-mouvement.

27 Et nous sommes maintenant capable d’articuler l’ensemble de ces éléments sous la formed’une séquence qui permet :

• de respecter la vitesse du déplacement,• de conserver l’ancrage (visuel) au territoire,• de suivre la linéarité de la voie de chemin de fer.

Fil conducteur28 L’articulation des différents éléments retenus lors de l’analyse sous la forme d’une séquence

de restitution est intrinsèquement liée à l’ensemble des conclusions et des axes de travail del’étude dans sa globalité. Dans notre cas nous avons voulu construire la séquence de restitutionsur les éléments suivant :

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• l’imbrication entre habitat et agriculture (motif du hameau, du chemin, de la parcelle),• la multiplicité des situations de franchissement (motif de la passerelle, du tunnel, du

pont),• la portée du regard, l’horizontalité du paysage, l'avancée du train (effet de distance -

clocher, bosquet, effets d'hypnose et effets lumineux, etc.),• l’effet de décélération lié à l’arrivée dans une gare terminus, et spécifiquement celle de

Lille Flandres.29 Nous avons alors sélectionné trois moments de la traversée qui nous semblaient être

représentatif de la question des champs à perte de vue, des hameaux disséminés, et de l’arrivéedans la grande ville. Nous les avons imbriqués les uns aux autres suivant le principe ducompositing évoqué. Nous avons ajouté ensuite l’ensemble des situations de franchissements(pont, passerelle, tunnel, passage à niveau) et un éventail d’effets lumineux. Puis nous avonscomposé notre voyage en articulant le tout de manière assez intuitive, d’après le souvenirque nous avait laissé non plus la traversée en tant que telle, mais l’ensemble des travellingsdu site régulièrement visionnés. La vidéo n’est pas à considérer ici comme le reflet d’uneréalité, c’est déjà en quelque sorte la représentation d’une impression orientée vers des axesde projets. Par exemple, sur la thématique du lien entre agriculture et habitat, nous avonscherché ici à l’extrapoler en amenant les champs au pied de la gare Lille Flandres. De mêmesur celle des franchissements, nous avons multiplié les formes de franchissements pour ouvrirla possibilité d’un chemin de fer (vécu aujourd’hui comme une coupure franche dans lapaysage -ce que reflète assez bien la vidéo en triptyque) qui devienne perméable, facilementfranchissable. Nous avons ensuite constitué un début à la vidéo en nous servant de l’effetd’ouverture provoqué par la sortie d’un tunnel. En deux minutes, le public fait ici l’expérienced’un condensé de la traversée en train de la ligne Tournai-Lille, avec les différents effets etmotifs qui s’articulent sans pour autant qu’ils soient clairement identifiés. C’est un peu commeun trajet effectué régulièrement qui imprime au fur et à mesure des images récurrentes dansnotre esprit et qui se superposent sans pour autant correspondre à la chronologie du trajetd’origine, ni même que ce soit à chaque fois les mêmes images. Notre mémoire accumule desimages, des impressions, des perceptions et se les approprie. C’est cette forme ouverte d’unpaysage perçu en train et de ses réminiscences dans notre esprit que nous avons voulu restituerici (figure 12).Figure 12 : Séquence de restitution

Vidéo : © Meigneux, 2012 [http ://vimeo.com/63156790]

Vidéographie territoriale30 Nous sommes donc parti du principe que l’image-mouvement ne peut être appréhendée que

dans la durée, que cette durée ne peut être saisie que comme un tout, et que ce tout est à

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considérer comme une donnée qualitative. Sur cette base nous avons esquisser une grilleméthodologique consistant à :

• réaliser une série de captation in-situ suivant un protocole précis (relevé de l’existant)• identifier et ordonner les informations issues de cette captation (traitement de données)• sélectionner et discréditer ces informations (analyse des résultats)• interpréter et restituer les éléments de conclusions (communication des résultats)

31 Toutes ces étapes ont pu être effectuées sans jamais altérer l’intensité du mouvement etl’intégrité de sa durée. La nomination et la description des informations contenues dans cesséquences ont servi ici de support à l’explication de la démarche mais le recours au modediscursif est facultatif, l’enjeu n’étant pas de nommer et de désigner les éléments, les chosesdont parlait Wittgenstein mais bien de partager les faits, de proposer d’en faire l’expérience(«Le monde est la totalité des faits, non des choses» – Wittgenstein 2001 : 33). De plus nousavons veillé, tout au long de cette contribution, à centrer notre propos plus sur la manière dontil est possible de s’approprier l’image-mouvement par une série de manipulation que sur laquestion de son contenu et de son sens. Nous nous sommes d’ailleurs appuyés régulièrementsur des travaux annexes lorsqu’il était question d’interroger directement le contenu de cesimages-mouvements. C’est bien parce que cette contribution vise à esquisser des principesméthodologiques d’une analyse vidéographique d’un trajet en train et non pas à proposer lesconclusions propres à cette traversée ferroviaire. À ce propos l’étude dans laquelle s’inscritces pratiques vidéographiques est considérée ici comme un terrain d’expérimentation et nonpas comme le sujet de notre proposition. Il s’agissait pour nous d’extraire une méthodegénérique reconductible dans d’autres circonstances répondant à la question de la lecture dupaysage depuis un trajet en train. De plus l’expérience présentée ici s’est finalement concrétiseren marge de l’étude évoquée. Effectivement si la question de la perception en train étaitimportante dans notre approche du territoire, elle n’était pas la raison même de cette étude quia pris une autre direction par la suite. Enfin la méthode esquissée ici est apparue au fur et àmesure de toute une série de tâtonnements et d’interrogations, dépassant par là-même les délaisde l’étude. Aussi il est trop tôt pour pouvoir identifier clairement les apports d’un tel procédédans une étude réelle. Il serait d’ailleurs intéressant d’approfondir cette piste méthodologiqueen s’appuyant sur les protocoles décrit, mais en l’étayant cette fois-ci par un travail de terrainapprofondi, sur la base d’enquêtes auprès des usagers, mais aussi de schémas et des systèmesd’annotations comme ceux proposés Appleyard, Lynch et Meyer dans The view from theroad (Appleyard 1964). Le résultat final donnerait alors une séquence qui ne serait plus lereflet de l’interprétation de l’équipe mais qui pourrait s’appuyer sur un ressenti commun deceux qui réalisent quotidiennement ce trajet. De plus les différents témoignages pourraientservir de bande sonore à la séquence. Ainsi la vidéo serait alors une synthèse complète del’appréhension du territoire par ses usagers présentés non plus sous forme de texte, maiscomme une expérience commune au rythme du train. C’est avec ce type d’outils que la vidéopeut être un moyen d’imprégner le projet urbain et paysager de phénomènes d’ambianceséprouvés in-situ et restitué lors des différents comités de décisions.

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References

Electronic reference

Guillaume Meigneux, « Vidéographie descriptive : le travelling. Esquisse méthodologique pour uneapproche paysagère », Articulo - Journal of Urban Research [Online], Special issue 4 | 2013, Onlinesince 25 novembre 2013, connection on 24 septembre 2014. URL : http://articulo.revues.org/2271 ;DOI : 10.4000/articulo.2271

Author

Guillaume MeigneuxDoctorant. Laboratoire CRESSON. Ecole nationale supérieure d’architecture de Grenoble. AgenceInterland (CIFRE). Contact : [email protected]

Copyright

Creative Commons 3.0 – by-nc-nd, except for those images whose rights are reserved.

Abstracts

 Cet article est issu d’une recherche visant à intégrer des protocoles vidéographiques à lapratique de l’urbanisme et du paysagisme. Nous détaillerons ici le cas du travelling et lamanière dont il peut réactiver la lecture du territoire qu’offre un trajet quotidien en train. Queltype de connaissance la vidéo est-elle susceptible de faire émerger ? Comment pouvons nousnous en saisir et la manipuler ? En nous appuyant sur le concept d’image-mouvement et surla technique du compositing, nous verrons comment la vidéo nous permet d’appréhender desphénomènes d’ambiance sans jamais quitter le domaine sensible de la durée et de l’expérience ;privilégiant l’image au mot, le mouvement à la perspective, l’immersion à l’intellectualisation.

Descriptive videography : the case of the travelling. Methodologicaloutline for a landscape approachThis article is based on a PhD research on the incorporation of videographic protocolesinto the practice of urban planning and landscaping. Here we detail the specific case of theprocess of film travelling and the way it can complete the perception of landscape as seen

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from a daily train ride. What kind of information the video is likely to bring out ? How canthis information be used ? Building on the concept of image-mouvement (Deleuze) and thetechnique of ‘compositing’, we will see how the video allows us to understand ambiancephenomena without ever leaving behind the question of duration and experience, favouringimage to word, movement to perspective, and immersion to intellectualization.

Index terms

Mots-clés : ambiance urbaine, représentation, vidéo, image-mouvement, compositing,train, quotidienKeywords : urban ambiance, representation, video, image-mouvement, compositing,train, daily life