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21 Une fabrique visuelle de l’exclusion Photographies des Tsiganes et figures du paria, entre 1880 et 1914 Ilsen ABOUT L’invention culturelle contemporaine de la figure du Tsigane s’enra- cine à la fois dans une très longue tradition et prend des formes originales qui renouvellent la nature des images de ce personnage, à la fois proche et lointain. Alors même que les tentatives pour saisir la réalité historique et anthropologique des populations tsiganes sont encore balbutiantes, l’image photographique s’impose, à partir des années 1880, comme un instrument de connaissance de très grande portée. Le médium photographique pose par ailleurs avec une acuité particulière la question d’une position médiane des individus ; il semble à la fois figer le réel et témoigner d’une présence incontestable tout en mettant à distance le sujet social. Dans les dernières décennies du XIX e siècle, les entreprises de cartographies visuelles des marges sociales et des peuples contribuent ainsi, par cette mise en image, à renforcer l’idée d’une adéquation entre des catégories supposées et des repères visuels, des codes, des agencements et des mises en scène qui s’at- tachent désormais à des descriptions photographiques censées représenter les individus. Les Tsiganes n’échappent pas à ce type de projet et les images produites contribuent indirectement à l’imposition d’un cadre réglementaire de contrôle et de surveillance qui bouleverse alors leur condition sociale et leur position juridique dans le contexte des États-na- tions européens. L’étude des figurations photographiques des Tsiganes à la fin du XIX e siècle rencontre l’invention culturelle, au sens large, d’une identité tsigane, produite notamment par les préjugés et les sentiments défavora- bles qui se greffent sur une construction imaginaire forgée par les non-tsi- ganes. Mais une lecture univoque des images produites à cette période, interprétées comme le résultat d’un regard strictement défavorable, limi- terait l’analyse d’une production qui s’inscrit à l’intérieur d’un ensemble complexe de points de vue (Holzer, 2008a, 2008b). Ainsi, de multiples

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Une fabrique visuelle de l’exclusionPhotographies des Tsiganes et figures du paria,

entre 1880 et 1914

Ilsen ABOUT

L’invention culturelle contemporaine de la figure du Tsigane s’enra-cine à la fois dans une très longue tradition et prend des formes originales qui renouvellent la nature des images de ce personnage, à la fois proche et lointain. Alors même que les tentatives pour saisir la réalité historique et anthropologique des populations tsiganes sont encore balbutiantes, l’image photographique s’impose, à partir des années 1880, comme un instrument de connaissance de très grande portée. Le médium photographique pose par ailleurs avec une acuité particulière la question d’une position médiane des individus ; il semble à la fois figer le réel et témoigner d’une présence incontestable tout en mettant à distance le sujet social. Dans les dernières décennies du XIXe siècle, les entreprises de cartographies visuelles des marges sociales et des peuples contribuent ainsi, par cette mise en image, à renforcer l’idée d’une adéquation entre des catégories supposées et des repères visuels, des codes, des agencements et des mises en scène qui s’at-tachent désormais à des descriptions photographiques censées représenter les individus. Les Tsiganes n’échappent pas à ce type de projet et les images produites contribuent indirectement à l’imposition d’un cadre réglementaire de contrôle et de surveillance qui bouleverse alors leur condition sociale et leur position juridique dans le contexte des États-na-tions européens.

L’étude des figurations photographiques des Tsiganes à la fin du XIXe siècle rencontre l’invention culturelle, au sens large, d’une identité tsigane, produite notamment par les préjugés et les sentiments défavora-bles qui se greffent sur une construction imaginaire forgée par les non-tsi-ganes. Mais une lecture univoque des images produites à cette période, interprétées comme le résultat d’un regard strictement défavorable, limi-terait l’analyse d’une production qui s’inscrit à l’intérieur d’un ensemble complexe de points de vue (Holzer, 2008a, 2008b). Ainsi, de multiples

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corpus photographiques portent les signes d’une observation participante, d’un dialogue noué entre les photographes et leurs sujets tsiganes et traduisent les efforts entrepris pour se rapprocher d’individus qui, bien souvent, n’ont aucune expérience personnelle de la pratique photogra-phique11.

L’ensemble composite des figurations photographiques de la présence tsigane, abordé ici pour la France essentiellement, s’inscrit au point de rencontre complexe des stéréotypes visuels élaborés durant la période précédente, des descriptions anthropologiques, ethnographiques et folklo-riques qui recourent à la photographie, et à l’évolution des discours visuels de la presse imprimée. L’hypothèse envisagée ici considère tout d’abord l’importance des croisements et l’hybridation des genres photographiques dans la formation d’une iconographie portant sur les Tsiganes, ainsi que les décalages, voire les déformations, auxquels sont soumises ces images. Entre la nature des sujets photographiés et les discours qui les accompa-gnent, il apparaît par exemple particulièrement intéressant de rechercher les moyens utilisés pour plier l’image dans un sens ou dans un autre. En cela les « limites du réalisme », observées dans le cas spécifique des inter-prétations littéraires de la présence tsigane, se retrouvent dans le domaine de la photographie, avec des conséquences naturellement distinctes (Yahav-Brown, 2006). Enfin, il s’agira de comprendre en particulier la place occupée par l’image photographique dans la construction visuelle de la discrimination et le rôle tenu par ce médium dans la création progres-sive d’une figure du paria ou de l’indésirable, pour reprendre le terme générique employé à l’époque, qui domine globalement les figurations parues dans la presse, à la veille de la Première Guerre mondiale.

La période 1880-1914 s’inscrit par ailleurs dans le contexte des restric-tions réglementaires et des juridictions d’exception mises en place dans toute l’Europe. À l’échelle des États ou des provinces, des mesures d’en-registrement, de contrôle de la mobilité et, plus généralement, de sur -veillance des familles, ciblent explicitement les communautés tsiganes quels que soient leur activité professionnelle, leur ancrage géographique ou leur situation sociale. Cette multiplication de mesures n’est pas coor-donnée et leur intensité varie très largement d’un pays à l’autre mais la simultanéité de ce processus marque à la fois une convergence européenne des politiques anti-tsiganes et conduit à l’élaboration de projets transna-tionaux de coopération, suspendus à la veille de la Première Guerre mondiale (Eger, 1982 ; Bonillo, 2001 ; Filhol, 2007 ; Freund, 2010 ; Nézer, 2011). Il est significatif de remarquer que, dans les textes de principe qui encadrent ces mesures, la désignation des groupes concernés suit un vocable fluctuant qui peine à déterminer ce qui serait la véritable « nature » des Tsiganes et s’appuie, par défaut, sur une détermination ethnique très

11. Pour la période qui nous intéresse ici, aucune pratique photographique exercée par des Tsiganes eux-mêmes n’a été repérée, les images étudiées émanent donc toutes de regards extérieurs aux communautés figurées.

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imprécise. Le renforcement des moyens de contrôle des individus et l’as-signation à une catégorie, même artificielle, tentent ainsi de fixer la posi-tion de ces communautés dans le système alors fragile des nationalités. Ce processus, qui détermine une exclusion à la fois juridique et administra-tive, se nourrit d’une figure négative du Tsigane forgée par la circulation des images et alimente, dans le même temps, une construction archétypale des individus, placés par conséquent aux marges de la société des nations (Uerlings, Patrut, 2008).

L’incrimination progressive du mode de vie tsigane entraîne l’adoption de mesures législatives spécifiques d’encadrement et de contrôle qui ciblent le vagabondage dans les campagnes, la mendicité, le transport des animaux, la circulation des roulottes, la pratique des métiers forains et du commerce itinérant. Cette évolution influence directement l’image publique des Tsiganes et réciproquement : la production visuelle contribue à la diffusion d’un ensemble de stéréotypes originaux qui évoquent les menaces supposées des Tsiganes ; d’un autre côté, le durcissement des mesures de police se réfère bien souvent, et très explicitement, à la mauvaise « réputation » qui entoure ces populations et aux chroniques de la presse. La généralisation de la photographie judiciaire et son usage dans l’identification des Tsiganes ne sera pas considérée ici spécialement même s’il faut rappeler les usages précoces du médium dans un enregistrement qui contribue à une définition judiciaire des marges sociales (Regener, 1999). C’est d’ailleurs sous l’influence de ces usages judiciaires de la photographie que des entreprises de type ethnographique se consacrent aux périphéries de la société et aux Tsiganes, rencontrés notamment par Carl Durheim en Suisse dès les années 1850 (Gasser, Meier, Wolfens-berger, 1998). Plus directement, la figuration des Tsiganes dans leur rela-tion avec les autorités – et parfois même lors d’opérations d’identification photographique – participe progressivement aux nouveaux discours visuels qui apparaissent dans les années 1890, au point que le Tsigane semble parfois indissociable du gendarme qui l’arrête ou le poursuit.

En dehors du cas particulier constitué par la photographie judiciaire, le rapprochement progressif de l’iconographie consacrée aux Tsiganes des questions relatives à l’ordre public apparaît aussi, de manière indirecte et singulière, dans la presse illustrée (Bonzon, Ciocârlie, 2007 ; Hagen, 2009). Le glissement qui s’opère souligne la brutalité d’un passage de la figuration romantique et bohémienne à une figuration essentiellement négative qui détourne les images pour dresser le portrait d’une identité criminelle. Le rôle spécifique du médium photographique et sa malléabi-lité, les intersections nombreuses qui relient les médiateurs dans la produc-tion des images et leur diffusion, semblent indiquer l’origine d’une construction photographique particulière conduisant à l’élaboration d’une figure du Tsigane en paria des nations.

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La formation d’un modèle tsigane

Les représentations figuratives traditionnelles des Tsiganes, que l’on rencontre déjà chez Bosch et Bruegel l’Ancien, sont forgées à l’époque baroque, et se trouvent centrées généralement sur la figure de la Bohé-mienne, la Zingara présente chez Caravage et dans toute une tradition de peintures des « diseuses de bonne aventure » (Cuzin, 1977). Une curiosité réciproque et une attraction certaine entre les Tsiganes et les non-tsiganes, caractérisent majoritairement ces images qui traduisent une certaine ambi-valence des sentiments. Le pouvoir de séduction et d’attraction, exercé par la mystérieuse et mélancolique Bohémienne, est mis en scène dans un jeu où ses stratagèmes s’exercent sur des sujets fascinés et pétrifiés (Auraix-Jonchière, Loubinoux, 2006 ; Asséo, 2009, 2010a). Désignée par des attributs vestimentaires établis tout au long de cette « mode bohé-mienne » de la peinture classique, elle semble à la fois distante, comme éprouvée par les accusations, et dans le même temps familière. Compo-sante à part entière des cultures urbaines, la Tsigane impressionne et fascine, séduit et montre au grand jour les faiblesses et la naïveté des gentilshommes (Moussa, 2008).

Cet héritage iconographique se trouve absorbé, dans la première moitié du XIXe siècle, dans les figurations romantiques du Tsigane. Incarnation de l’errance et porteur naturel de l’esprit de Bohème, il est pris au piège d’une peinture pittoresque au croisement des courants romantiques, orien-talistes et académiques. Les peintures et gravures diffusées dans la presse imprimée exaltent ainsi l’image d’un peuple présenté à travers le prisme de l’exotisme et défini par une série de caractères stéréotypiques qui défi-nissent durablement l’image contemporaine d’un « modèle tsigane » (Crest, 2008). Cette production accompagne en particulier les récits des voyageurs qui partent découvrir le Sud à la recherche des peuples de la Méditerranée, en Espagne ou en Provence, ou de l’Est européen, en Hongrie ou en Roumanie, en quête des frontières orientales de l’Europe. Les éléments constitutifs de cette iconographie s’assemblent souvent dans le décor d’un campement, fait de tentes ou de roulottes, dans la campagne ou les marges urbaines des grandes villes. L’utilisation fréquente des registres iconographiques liés à la musique – instruments et danses – évoque tour à tour l’énergie brutale et puissante du mouvement ou la mélancolie et la rêverie, attachées à l’esprit supposé d’un univers de la divagation et du voyage (Anonyme, 8 février 1890). De nouveaux motifs bientôt récurrents s’invitent dans ces évocations qui prolongent les ambi-guïtés de la peinture classique en les renouvelant : la fumée, celle du feu de camp ou de la pipe, renforce bien souvent le côté ténébreux et indé-chiffrable des personnages ; la présence des animaux sauvages, l’ours ou le singe, souligne la maîtrise des dompteurs tout en imposant un lien entre le Tsigane et un état proche du monde sauvage ; la multitude figurée par la présence souvent simultanée de vieillards et d’enfants en grand nombre suscite à la fois la fascination et l’inquiétude.

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L’élaboration de cette iconographie s’appuie sur une forme de compli-cité qui lie parfois les peintres à des modèles qui contribuèrent à stabiliser ces registres visuels. C’est le cas par exemple de Jean Lagrène, patriarche d’une famille de Manouches d’Alsace installé à Paris, qui rencontre Paul Bataillard, auteur d’études savantes consacrées à l’histoire des Tsiganes (Bataillard, 1871). Lagrène devient un personnage connu à Paris et pose dans divers ateliers de la capitale. Édouard Manet dresse son portrait en 1862 dans son tableau du Vieux musicien et Lagrène figure aussi dans la série de portraits académiques du photographe Jacques-Philippe Potteau réalisés autour de 1865. Ce dernier réalise, dans les années 1860, plusieurs centaines de portraits des personnels d’ambassades à Paris et produit une série consacrée aux Tsiganes rencontrés par Bataillard, de la famille Rein-hard et Hoffmann ainsi que des Tsiganes hongrois, musiciens de concerts engagés lors de l’exposition universelle de 1867 (Jehel, 1995 & 2000). Son projet témoigne alors des liens entre le champ artistique et les projets de cartographie photographiques des races humaines. Incidemment, il témoigne d’une forme de professionnalisation d’un groupe de modèles

Illustration 1. Anonyme, 8 février 1890, « Femme tsigane »Aquarelle de Villeclère, La Gascogne illustrée.

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tsiganes qui matérialise cette « culture de contact » entre les Bohémiens et les artistes, en particulier photographes, et manifeste une sensibilité renou-velée pour ce sujet (Asséo, 2010b). Mais cette relation peut aussi entraîner des raccourcis douteux. Jean Richepin (1849-1926), poète et écrivain, consacre une œuvre importante au monde des Tsiganes après avoir vécu au contact d’une caravane dirigée par un certain Rasponi (Vaux de Foletier, 1984). Il témoigne en ces termes de l’activité courante exercée par ses compagnons comme modèles pour les peintres de l’école de Barbizon :

« Le lendemain, dès l’aube, en arrivant à la roulotte, je vis une demi-douzaine de rapins [apprentis peintres] installés devant le campement, la palette au pouce, la toile sur le chevalet. Rasponi nous avait loués comme modèles [...]. La nouvelle s’était répandue à Barbizon qu’on pouvait, pour pas cher, faire une chic étude de Bohémiens dans un sous-bois » [...]. (Richepin, 1891 : 26-27)

Richepin, presque malgré lui, est entraîné dans ce nouveau métier de modèle car il semble avoir « l’air le plus bohémien de la bande » et son portrait apparaît ainsi dans une illustration du Figaro illustré en 1890 (Braga, 2011).

À la recherche de modèles qui correspondraient à une série d’arché-types, les artistes contribuent à façonner un genre d’images uniformisées répondant à une mode caractéristique de la culture visuelle diffusée dans la deuxième moitié du XIXe siècle (Brown, 1985). Cette figure figée du Bohémien semble correspondre par ailleurs à un état des rapports entre une société qui tolère la présence des Tsiganes tout en les attachant à des représentations communes, profondément ambivalentes, fondées sur un équilibre qui oscille entre la fascination et le rejet. À la fin du XIXe siècle, cet équilibre semble se fracturer progressivement et la vision du Tsigane se judiciarise.

L’inquiétante étrangeté et la menace tsigane

À partir des années 1880, l’iconographie traditionnelle de la Bohème semble incorporée voire absorbée à un corpus qui oscille entre la révéla-tion des mystères, présentés comme insondables, du monde tsigane et l’affirmation de son caractère menaçant. De nombreuses images évoquent ainsi la vie dans les roulottes, les feux de camp et la musique qui demeu-rent les traits emblématiques d’une certaine nostalgie. D’un autre côté, l’image transpose sous forme de dessins l’ensemble des crimes qui sont associés à ce mode de vie et donne à voir, de manière parfois brutale, la réalité censément criminelle de l’identité tsigane (Lang, 1958 ; Dassau, 1984, 1985). La presse illustrée multiplie ainsi les figurations effrayantes

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qui mettent en scène des enlèvements d’enfants et des attaques d’ours, des scènes de chaos où des singes assaillent les forces de l’ordre (Anonyme, 12 novembre 1905 ; Anonyme, 24 juin 1906 ; Anonyme, 8 septembre 1907 ; Anonyme, 21 juin 1908). Suivant les visions spectaculaires qui entourent alors les représentations populaires du crime et du criminel, ces dessins exagèrent certains traits supposés du Tsigane et insistent sur son énergie brutale et les éléments de sauvagerie qui le caractériseraient spécialement (Schwartz, 1998 ; Ambroise-Rendu, 2004).

Selon les régimes de production auxquels elles se rattachent, les images photographiques se trouvent orientées vers ces deux directions qui conver-gent parfois. De nombreux reportages composés notamment par des photographes locaux, qui documentent la vie quotidienne des localités, saisissent le passage des Tsiganes. À Sisteron, dans le sud de la France, un photographe professionnel, Saint Marcel Eysseric, réalise plusieurs milliers de clichés de sa ville entre les années 1870 et 1914. Il documente tous les aspects de la vie locale et s’approche des campements installés provisoirement sur la place centrale du village12. À distance, il saisit une tente immense et un chaudronnier au travail, les multiples roulottes et leur monture. Parfois les photographes se rapprochent davantage et saisissent la vie quotidienne des caravanes de passages : des groupes assemblés pour l’occasion posent devant la caméra, des enfants au premier plan, les femmes qui portent les plus petits et les animaux tenus par les hommes, composant ainsi de multiples scènes parfois éditées sous forme de cartes postales.

Dans la presse illustrée, ce type de représentations apparaît également mais dans des contextes très variables. Les regards directs et enjoués, la présence des enfants, l’attitude paisible des personnages contrastent quel-ques fois avec les légendes qui accompagnent ces images. Deux exemples publiés en 1907, dans le contexte d’une affaire de vols de chevaux dans la région parisienne impliquant des Tsiganes, traduisent l’usage inédit de cette iconographie. Dans Le Matin, la photographie d’un groupe devant des roulottes accompagne une description qui relate une « série de dépréda-tions, de maraudes et de violences commises par une troupe errante de Romanichels » qui terrorisent le département, justifiant ainsi l’intervention de la gendarmerie et l’expulsion de la caravane toute entière hors de France. Repoussée à la frontière allemande, elle revient dans la région parisienne, justifiant cette interrogation : « N’est-il donc pas possible de débarrasser à jamais nos campagnes des bohémiens qui les terrorisent ? » (Anonyme, 10 avril 1907). Dans L’Illustration, la vue d’un campement entouré d’un halo de fumée qui s’échappe du feu sert de prétexte à une dénonciation des Bohémiens désignés comme « la terreur du campagnard » :

12. Voir Archives départementales des Alpes de Haute-Provence (Digne), 31Fi, tirage sur papier, 13 x 18, ca. 1890, ainsi que 3Fi1053, 31Fi0181, 31Fi0374, 31Fi0433, 31Fi0470, 31Fi1211, 31Fi1298, 31Fi1299 31Fi1381 31Fi1383, 31Fi1424, 31Fi1429, plaques de verre 15 x 21, ca. 1890.

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« Ces outlaws ne sont en réalité que des pillards à l’affût de rapines, cueillant au passage, au hasard de leurs besoins, et suivant les occasions qui se présentent, les légumes du champ, les hôtes du poulailler, une bête du troupeau, un cheval laissé la nuit au pâturage » (Anonyme, 23 mars 1907).

À travers cette iconographie et les textes qui y sont associés, l’ambiva-lence de la figure du Tsigane apparaît sous un nouveau jour. Sa duplicité intrinsèque ne questionne plus la naïveté au sein de la société des non-tsi-ganes : elle révèlerait davantage tous les efforts entrepris pour dissimuler des pratiques criminelles. L’évocation répétée de son statut indéfini sur le plan de la loi et l’incapacité affichée des autorités de s’emparer réellement de sa personne frappent particulièrement, le Tsigane étant comparé désormais systématiquement à un fuyard qui tente d’échapper à la justice et aux prin-cipes du droit. L’autre trait remarquable est le détournement de l’imagerie bucolique et de la « vie au grand air » pour précisément dénoncer l’impossi-bilité de contraindre le Tsigane à respecter les lois et subir les peines auxquelles la multiplication supposée de ses crimes devrait le conduire.

La figure du paria et le peuple de la frontière

À partir des années 1900, une catégorie nouvelle de l’iconographie photographique consacrée aux Tsiganes apparaît, sous forme de photogra-

Illustration 2. Anonyme, 23 mars 1907, « Un campement de romanichels »Photographie de Charles Gerschel, L’Illustration.

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phies mais aussi de dessins (Anonyme, 8 septembre 1912). Elle se rattache en particulier au franchissement des frontières de caravanes, immobilisées par les autorités lors d’opérations de contrôle qui se prolongent parfois pendant plusieurs semaines. Ces épisodes correspondent à un double basculement (About, 2010 ; Illuzzi, 2010). La circulation transfrontalière des troupes tsiganes est perçue désormais comme une atteinte à la souve-raineté des nations et comme une menace pour la sécurité des États. Dans un contexte de durcissement des contrôles imposés aux migrants en général et de surveillance accrue des zones frontalières, le passage des caravanes tsiganes est utilisé comme un prétexte par les autorités pour dénoncer le laxisme des États voisins et comme une occasion pour affi-cher une posture interventionniste. D’un autre côté, ces épisodes manifes-tent la formation de nouveaux préjugés visant les Tsiganes, associés à la figure du suspect et de l’espion, du criminel international et de l’étranger. L’image d’un « Tsigane international » se cristallise ainsi autour de cette population, pourtant marginale sur le plan numérique, qui circule aux abords des régions frontalières et des groupes de grands voyageurs, habi-tués à parcourir différents pays d’Europe (Donert, 2007). Une figure hybride se forme alors durablement et devient l’emblème des Tsiganes, définis dès lors comme un « peuple de la frontière » ou d’« éternels vaga-bonds » (Anonyme, Octobre 1908).

En juillet 1907, L’Illustration, consacre une page entière à ceux qui sont qualifiés de « Tziganes errants » (Anonyme, 27 juillet 1907a). Un long article signale un incident à la frontière franco-suisse causé par une caravane d’une cinquantaine d’individus maintenus depuis plusieurs semaines dans une localité frontalière non loin de Genève. L’histoire raconte que ces familles, constituées de Reinhardt, Scheinhotz, Heyntz et Radenheimer, avaient parcouru la Suisse pendant plusieurs mois avec l’in-tention de rejoindre l’Autriche puis l’Allemagne ; refoulés à tous les points de la frontière, ils se retrouvèrent non loin de Berne où les polices de trois cantons encerclèrent les caravanes pour les immobiliser avant de les conduire vers le Valais, à la frontière avec la France. Pendant plusieurs semaines, les gendarmes de Haute-Savoie expulsent les roulottes et leurs habitants d’un village à un autre et les reconduisent finalement à un autre point de la frontière près de Genève, au pont de Moillesulaz. En témoi-gnent toute une série d’articles publiés alors dans divers journaux, en Suisse comme en France, ainsi que dans des journaux donnant une grande place à la photographie comme L’Instantané (Anonyme, 27 juillet 1907b ; Anonyme, 25 juillet 1907 ; Anonyme, 27 juillet 1907a ; Anonyme, 1er août 1907 ; Anonyme, 24 août 1907). Cette présence prolongée d’un campement important de Tsiganes aux portes d’une grande ville comme Genève attire en effet les forces de l’ordre mais aussi les autorités munici-pales, les représentants diplomatiques et une multitude d’observateurs, journalistes et photographes. Un spectacle inédit prend alors forme autour du poteau de la frontière.

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Les images produites traduisent l’organisation de séances de poses devant les roulottes et près du pont qui relie les deux États. Quatre jeunes filles aux visages souriants, les mains sur les hanches font face au photo-graphe ; la femme la plus âgée, Varia Reinhardt, attire la curiosité et les regards et elle pose sur un portrait en pieds. Dans une autre image, un groupe de Tsiganes assis sur un muret ou postés devant une roulotte fait face à une foule désignée comme les « Genevois et Français venus pour voir la caravane ». Même si certaines images traduisent une forme évi -dente d’empathie, et témoignent du dialogue noué entre le photographe et ses sujets, le montage accentue l’opposition entre les Tsiganes et les visi-teurs et souligne l’incongruité de leur situation. Un article de presse exprime alors le fossé qui sépare, d’un côté, les habitants du lieu et les agents des forces de l’ordre et, d’un autre côté, les Tsiganes :

« Ça, c’est la civilisation. C’est nous. Eux, ils sont les truands, les fer -lampiers, les galoupiats, les romanichels ; ils sont les Errants » (Ano nyme, 8 juillet 1907).

Illustration 3. Anonyme, Octobre 1908, « Les Bohémiens, éternels vagabonds », Lectures pour tous, p. 2.

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Un genre spécifique de cartes postales de Tsiganes aux frontières se développe parallèlement et compose un style particulier d’images qui renforcent les éléments visuels diffusés dans ces images de presse. La confrontation physique et visible avec les représentants des forces de l’ordre apparaît ainsi comme un élément structurant de ce corpus qui témoigne du succès de telles représentations. Un phénomène similaire est repéré en France, en Belgique et en Allemagne et, parfois, les cartes postales sont éditées et légendées en deux langues. Dans une série réalisée à Vic-Arracourt, à la frontière entre la France et l’Allemagne d’avant 1914, une carte postale intitulée « À cheval sur la frontière » présente une caravane entourée par des gendarmes des deux pays et plusieurs ours qui sont placés derrière les bornes, visibles au tout premier plan. Une mise en scène générale est organisée le long de la route : les gendarmes au second plan répartis de part et d’autre des poteaux observent le photographe tandis que des Tsiganes réalisent des tours avec leurs ours. L’un d’entre eux tient même son animal dans ses bras. Les légendes différentes souli-gnent le caractère apparemment complexe de la situation : en français, « la gendarmerie allemande interdit l’entrée sur son territoire à une bande de romanichels serbe expulsée par la France » et, en allemand, « une bande de Tsiganes reconnus comme serbes gardés par des policiers sous la surveillance d’une police allemande-française ». Ces légendes font appa-raître à la fois l’exception territoriale dans laquelle se situe cette caravane, la vigilance des autorités et l’anomalie que représenterait cette présence qui enfreint les règles de l’appartenance nationale.

Une expression visuelle de cette position à la fois intermédiaire et présentée comme déviante est donnée par un montage photographique de 1901 concernant l’expulsion de Tsiganes de la zone appelée Moresnet neutre (Neutral Moresnet) entre la Belgique, l’Allemagne et la Hollande. Une famille nombreuse, installée dans un campement, est encadrée par des gendarmes armés et à cheval tandis qu’une photographie des bornes frontalières en pierre est placée en médaillon dans le coin de l’image. De même, un groupe d’enfants placés en ligne est photographié dans les Vosges devant deux silhouettes sombres de gendarmes tournés de trois-quarts. Le vocabulaire brutal employé dans la légende souligne la menace implicite que représenterait cette présence jugée insupportable : « L’inva-sion moderne. Partie d’un groupe de nomades qui se sont abattus sur les Vosges du côté de Remiremont. »

À la veille de la Première Guerre mondiale, la photographie semble avoir joué un rôle déterminant dans la construction d’une figure négative du Tsigane, démultiplié sous les traits d’un déclassé, placé aux marges des nations. Cette iconographie peut être considérée comme la synthèse visuelle d’un processus qui marque l’exclusion et le rejet d’un ordre européen fondé alors sur l’appartenance et la participation aux destins com muns dictés par le nationalisme. Il est ainsi particulièrement significatif d’observer la constitution d’un corpus distinct qui scelle prétendument l’existence des

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Tsiganes à ces territoires de la frontière et rattache leur devenir à un entre-deux spatial, juridique et historique. C’est peut-être dans l’élaboration de ces images reproduites à l’envi dans la presse à grand tirage que se bâtit l’un des fondements d’une mythologie tenace à travers laquelle les Tsiganes se détachent de la société européenne pour s’apparenter à un peuple errant en quête de ses origines, lointaines et inaccessibles.

Si la puissance de l’imagination est reconnue désormais comme un des socles sur lesquels se sont constituées les consciences nationales, elle s’est rendue aussi utile pour tracer des limites visibles et claires à l’intérieur même du corps national. Les photographies articulées, par un montage efficace, à des textes dénués de toute nuance alimentèrent la fabrique d’une narration apparemment évidente : les Tsiganes, détachés d’une iden-tité liée aux images élaborées à l’âge classique, se découvrent sous le jour apparemment plus vraisemblable d’une force criminelle, indomptable et résistante, insaisissable et incorrigible. Cette image était bien utile au moment où l’action volontaire des États dans la défense des frontières nationales devait être affermie et légitimée, alors que les rivalités entre les nations s’exacerbaient dangereusement. Quelques cartes postales de Tsiganes posant devant une borne frontière ne semblent pas peser lourd face à cette grande histoire. Mais elles figuraient avec une éloquence lumi-neuse la nécessité de distinguer, entre les nations, la position anormale tenue par un peuple désigné comme allogène, miroir nécessaire d’un communauté nationale en quête d’unité.

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