Quand "Assez!" ne suffit plus: quelqes remarques sur Kifâya et autres mobilisations égyptiennes

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La politique n’est pas un contrat que les gouvernés peuvent accepter ou refuser : ils la subissent à moins qu’ils ne se révoltent contre elle. Paul Veyne, Le Pain et le cirque 1 Un homme conduit son fils chez plusieurs médecins car l’enfant salive en permanence et en grande quantité. Tous demeurent interloqués par ce mal atypique jusqu’au jour où l’un d’eux propose au père de recourir à la magie (sihr). Autour du cou du garçon, il noue un foulard qui visiblement renferme une amulette. Quelques jours plus tard, le père revient chez le médecin pour le féliciter et connaître cette magie. Le médecin lui fait cette réponse : « l’amulette renfermait une photo de Mubarak, il a séché la salive de 70 millions d’égyptiens… la maladie de ton fils n’était rien en comparaison ! » Il arrive que la Faculté se trompe, même aidée des savoirs plus anciens de celles qui soufflent sur les nœuds… C’est ce dont ce texte se propose de discuter. Son objectif pourrait apparaître QUAND «ASSEZ NE SUFFIT PLUS : QUELQUES REMARQUES SUR KIFÂYA ET AUTRES MOBILISATIONS ÉGYPTIENNES FRÉDÉRIC V AIREL 06-Vairel 1/18/70 11:31 AM Page 109

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La politique n’est pas un contrat que les gouvernés peuventaccepter ou refuser : ils la subissent à moins qu’ils ne serévoltent contre elle.

Paul Veyne, Le Pain et le cirque1

Un homme conduit son fils chez plusieurs médecins carl’enfant salive en permanence et en grande quantité. Tousdemeurent interloqués par ce mal atypique jusqu’au jouroù l’un d’eux propose au père de recourir à la magie (sihr).Autour du cou du garçon, il noue un foulard qui visiblementrenferme une amulette. Quelques jours plus tard, le pèrerevient chez le médecin pour le féliciter et connaître cettemagie. Le médecin lui fait cette réponse : « l’amuletterenfermait une photo de Mubarak, il a séché la salive de 70millions d’égyptiens… la maladie de ton fils n’était rien encomparaison ! »

Il arrive que la Faculté se trompe, même aidée des savoirs plusanciens de celles qui soufflent sur les nœuds… C’est ce dont cetexte se propose de discuter. Son objectif pourrait apparaître

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étonnamment limité au regard des processus de réforme del’autoritarisme égyptien. Il concerne un aspect de la séquencepolitique en cours : celui qui s’ouvre avec le déclenchement demobilisations de rue mettant en cause la forme et le fonctionnementpolitique du régime en décembre 2004. Les mobilisations du groupeKifâya, « Assez ! » ont marqué la conjoncture politique de l’année2005. En saisir les tenants et les aboutissants nécessite de lesinscrire dans un temps un peu plus long que celui auquel astreindraitl’exercice de la Chronique. Ensuite, ce que fut le mouvement asemblé suspendu à un mode d’action particulier, le rassemblementrevendicatif, sur lequel on s’attardera. On reviendra sur lathématique du « nouveau » dont sont, un peu rapidement sansdoute, paré ces mouvements. Les éléments présentés ici fournirontégalement matière à interrogation de la thématique de l’inanité dumouvement ou de la mise en péril du système qui caractérisecertains commentaires2. La mise en relation des mobilisationsautour du refus de la transmission héréditaire du pouvoir et desFrères musulmans sera l’occasion d’envisager les pratiquescoercitives, le fonctionnement de controverses publiques en Égypteet la manière dont opèrent les perceptions des acteurs dans cesjeux politiques.

KIFÂYA ET AVANT ? « NOTRE ROUTE COMMENCE ÀGAZA ET BAGDAD »

Sans céder à une quête sans fin des « origines », il n’est pasinutile d’inscrire les actions politiques de rue de l’année 2005 dansdes processus qui les dépassent. Le déclenchement du secondsoulèvement palestinien, Intifâdat al-Aqsâ, conduit au regroupementde plusieurs activistes aux profils politiques contrastés (gauchisteset Frères musulmans notamment). Ils forment un Comité populaireégyptien de solidarité avec le soulèvement palestinien (EPCSPI).Outre la publication d’articles de presse, le EPCSPI organise des

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conférences et des meetings, fait circuler des pétitions appelant àla rupture des relations diplomatiques avec Israël ou attirantl’attention des Nations unies sur le sort des prisonniers palestiniens.Le 10 septembre 2001, le EPCSPI organise un rassemblementplace Tahrîr en solidarité avec la cause palestinienne. Cette activitéattire l’attention des autorités. Plusieurs de ses membres sontarrêtés pour des durées plus ou moins longues – particulièrementlongues lorsqu’il s’agit de Frères musulmans.

Entre le 29 mars et le 2 avril, au Caire (quartiers de Giza,Héliopolis, Maadi, Boulaq, Doqqi et Cité du 6-Octobre) mais aussihors de la capitale, à Alexandrie, dans plusieurs villes du Delta etde Haute-Égypte, les rues sont le théâtre d’une intense activitépolitique. Pêle-mêle sont dénoncés les violences israéliennes dansles Territoires occupés, l’initiative de paix saoudienne, les relationsdiplomatiques qu’entretient le pays avec l’occupant israélien et lesoutien des États-Unis à Israël. Les étudiants de l’université du 6-Octobre, de l’université américaine du Caire ou de l’université duCaire sont au centre du mouvement3.

L’invasion anglo-américaine de l’Irak, le 20 mars 2003,s’accompagne d’une occupation de la place Tahrîr « dès les premiersbombardements » comme l’indiquait le mot d’ordre circulant parSMS. Le mouvement contre la guerre est inédit par son ampleuret sa durée depuis les mobilisations étudiantes de 1972 et leursrevendications de « démocratie » et de « guerres populaires » contreIsraël. Pendant deux jours, le Caire vit au rythme des protestationset de leur répression, notamment lorsque les participants de laprière d’al-Azhar s’efforcent de rejoindre la place Tahrîr.4 Lesmobilisations sont l’occasion de liens entre militants d’extrêmegauche et islamistes5 au sein du Mouvement du 20 mars. Surtout,elles occasionnent une relocalisation des cibles et enjeux de laprotestation que l’on retrouve, plus tard, à l’œuvre dans le« Communiqué fondateur de Kifâya »6. Le 5 mars, alors que legouvernement célèbre l’unité nationale, 150 personnes serassemblent à proximité du Parlement réclamant la fin de l’état

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d’urgence7. De « l’impérialisme » américain, les protestataires enviennent à dénoncer ses « valets », pour reprendre desdénominations en usage dans les années 1970. Il n’est pas sûr quesemblables mises en causes soient le seul fait des leaders ou desmilitants les plus en vue8. La mobilisation en faveur du« changement » en Égypte apparaît ainsi liée aux modalités (invasionanglo-américaine de l’Irak, soutien non démenti à l’État d’Israël)et aux termes (Iniative for a Greater Middle East)9 de renouvellementde l’hégémonie américaine au Moyen-Orient. Dans ce mouvementà trois temps de la protestation, s’opère un glissement de lacontestation de la politique étrangère à la politique nationale qui n’estpas anodin. Il rappelle les vertus d’explications du déclenchementde l’action collective, envisagé non pas à partir d’hypothétiques« opportunités » mais bien en raison de menaces pesant sur lesprotestataires. Les conditions nouvelles d’assujettissement du régimeégyptien à son allié et tuteur américain créées par l’occupation del’Irak ont probablement joué ce rôle. Elles faisaient écho auxmobilisations récentes suscitées par le déroulement du conflitisraélo-palestinien. Les relations entre ces acteurs, islamistes etgauchistes, se poursuivent autour de l’organisation des Conférencesanti-guerre en décembre 2002 et décembre 2003.

DEUX MANIFESTES

Au cours de l’année 2004, ces mêmes acteurs rédigent unmanifeste, rassemblant dans un premier temps 300 signatures. Laréunion qui vise à le rendre public, initialement prévue au Syndicatdes avocats, est annulée. Malgré les entraves des services de sécurité,elle se tient au Centre Hishâm Mubârak pour les droits de l’homme.Le Mouvement du 20 mars, les organisations interdites des Frèresmusulmans et du Parti communiste, les Socialistes révolutionnaireset le Parti du travail, le parti en formation Al-Karâma et le CentreHishâm Mubârak sont parmi les quinze organisations et groupes

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qui forment la Campagne populaire ou Hamla, auxquels il fautajouter des « associations de la société civile et des collectifspopulaires », qui disent « Non au renouvellement, non à lasuccession héréditaire, oui à l’élection du président de la Républiqueparmi plusieurs candidats »10. Le texte est rendu public le 9septembre 200411.

Un peu plus tôt, le 7 août, les signataires d’un communiqué,« issus de différentes familles politiques, d’horizons de pensée,culturels, syndicaux et sociaux pluriels » – en d’autres termesnassériens, Frères musulmans12 et islamistes d’autres tendances,communistes et libéraux – avaient rendu public leur rapprochement.Le titre choc du communiqué « Kifâya ! » (Assez !) n’est pas pourpeu dans le succès du groupe qui se prénomme Kifâya ! al-Harakaal-Misriyya min ajl al-Taghyîr (« Assez ! Mouvement égyptien pourle changement », désormais Kifâya ou HMT). À l’instar de sesprédécesseurs, Mouvement du 20 mars ou Campagne de solidaritéavec le soulèvement palestinien, la HMT réunit des profilshétérogènes : communistes, nassériens, Frères musulmans, libéraux.Plusieurs groupements ont appuyé la fabrication du mouvement.Le Centre pour les études socialistes de Kamâl Khalîl en fait partie,comme 26 autres collectifs et ONG.

Les deux textes ont ceci de commun qu’ils mettent en relationdirecte « les dangers et les défis considérables qui entourent notrenation »13 et la situation politique égyptienne. Dans la perspectivedes rédacteurs, seule la levée d’un certain nombre de verrousinstitutionnels et politiques est susceptible d’y remédier. De là,découle un ensemble de revendications communes aux deux textes :pluralité de candidats à l’élection présidentielle, limitation del’exercice présidentiel à deux mandats, réduction des prérogativesattachées à la fonction présidentielle, séparation des pouvoirs,levée de l’état d’urgence, contrôle juridictionnel des élections,abrogation des lois entravant les libertés14. De façon significative,les deux textes se situent hors de toute considération ou référenceà la religion. Dans le même temps, il n’est pas inutile de rappeler

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que la généralité des revendications concerne aussi les Frèresmusulmans, singulièrement en matière de détention politique etd’entrave à l’organisation. Enfin, leur intérêt réside dans la radicalitéde ce qui apparaît comme un « programme minimum ».

Ces deux textes s’écartent des pratiques des partis politiques àdeux niveaux. D’une part, dans les rapports avec le pouvoir : lessignataires n’hésitent pas à s’inscrire dans un registre de laconfrontation, à l’inverse d’organisations qui participent aux côtésdu PND aux rencontres dites de Dialogue national. D’autre part,dans les conceptions des liens possibles entre collectifs : les« islamistes », singulièrement les Frères musulmans, participent, àdes degrés qu’il faudrait préciser, aux deux regroupements – cequi tranche avec les imprécations aux accents éradicateurs d’unRifa‘t al-Sa‘îd, président du Tagammu‘.

LE DÉTOUR PAR LA RUE

La politique dans la rue égyptienne s’éclaire en partie au regarddes stratégies des acteurs de la politique instituée et des appareilsde sécurité. En outre, la taille des collectifs mobilisés a une incidenceforte sur les coûts de l’engagement. Elle distingue l’usage durassemblement revendicatif comme pratique protestataire d’autresdont le marquage est faible ou nul : mise en œuvre de boycott deproduits américains ou israéliens, chansons nationalistes. Lesniveaux de répression, selon les périodes, les collectifs et les enjeuxfont varier l’intensité des engagements. Ils différencient les pratiquesprotestataires par leur coût. Raconter une nukta, comme je l’ai faitau début de cette contribution ne coûte pas cher, participer à unsit-in est certainement plus coûteux en raison du défi public auxautorités qui s’y joue.

À la fin 2004, le Parti national démocratique se met en ordre debataille pour les échéances présidentielle et législative de l’année àvenir. Le 8 décembre, Safwat al-Sharîf, secrétaire général du parti et

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président du Parlement annonce la mobilisation des membres duparti dans les gouvernorats par des rassemblements publics et desélections internes15. C’est le moment que choisissent les participantsde Kifâya-HMT pour descendre dans la rue. Le 12 décembre, endépit de l’interdiction de manifester, ils sont environ 500 à réclamerdevant le siège de la Cour suprême le départ du président, portantsur la bouche ou collés au menton des autocollants marqués« Kifâya ! ». Malgré l’encerclement par des centaines de membresdes forces de sécurité, les slogans sont sans équivoque : « assez deMoubarak ! », « non à la transmission héréditaire du pouvoir ! ».

Ce rassemblement, suivi par une série d’autres, participe à uneremise au goût du jour d’un mode d’action tombé en désuétude,loi d’état d’urgence oblige : le sit-in. Autour de ces rassemblementsannoncés à date régulière sur les sites internet de Kifâya ou de laHamla se nouent plusieurs enjeux : jeu du chat et de la souris entreforces de sécurité et militants, proximités avec d’autres organisationset lieux politiques mais aussi ce que l’on pourrait appeler « l’êtredu mouvement ». Les lieux des rassemblements témoignent desvicissitudes d’une mobilisation fortement contrainte par le contrôledes forces de sécurité. Ils soulignent des enjeux de visibilité (lecentre ville) ou de symbolique politique (l’héritage politique deSa‘d Zaghlûl16) et les liens et soutiens qui se nouent entreorganisations et collectifs.

Après leur premier rassemblement devant la Cour suprême,les militants profitent de l’événement de la Foire du livre pour serappeler aux autorités. Trois membres de Kifâya sont arrêtés alorsqu’ils distribuent des tracts appelant à un rassemblement17. Celui-ci a lieu le 4 février, avec un déploiement massif des forces desécurité, en nombre plusieurs fois supérieur aux protestataires.L’échange de coups se poursuit avec un rassemblement devantl’université du Caire à l’occasion de la Journée de l’étudiant, le 21février, auquel participent plusieurs collectifs, Kifâya et la Hamla,mais également certains membres du Front national pour lechangement. L’un des enjeux de cette action réside dans le lien

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établi sur le terrain entre militants et étudiants. Les forces desécurité déployées de nouveau en masse contiennent les étudiantsdans l’université et séparent les militants de l’enceinte universitaire.

Dans les mobilisations apparaissent également les liens etproximités avec deux organisations. Le Syndicat des journalistesaccueille une conférence de presse de Kifâya le 14 mars. Lesmarches de l’immeuble de la rue ‘Abd al-Khâliq Tharwat Pashaaccueillent les rassemblements des 27 avril, 8 mai, 13 mai et 1er

juin mais aussi le 2 septembre. Le 27 avril, la direction étend lacontestation jusqu’ici concentrée dans le centre ville du Caire enprogrammant des rassemblements dans quatorze villes : Minia,Assouan, Port-Said, Suez, Mansoura, Damiette, Damanhûr,Zagazig, Qena, al-‘Arîsh, Marsâ Matrûh, Ismaïliyya, Alexandrie etLe Caire. Dans cette dernière, le Syndicat sert de refuge aux militantsdont l’accès à la Cour suprême est interdit par des cordons deforces de sécurité qui les repoussent à coups de bâtons. Le 8 mai,militants de Kifâya et Frères musulmans manifestent ensemblepour protester contre l’emprisonnement du journaliste MuhammadRidâ et de Frères musulmans18 et en faveur des libertés publiques.L’un des slogans scandés ce jour-là, « un seul mouvement, maindans la main », témoigne des convergences qui se nouent dans lecours des mobilisations. Les liens dans la rue en appellent d’autrespuisque l’appel à la désobéissance civile du Guide suprême desFrères publié le 10 mai est repris peu de jours après dans uncommuniqué de Kifâya19. Les manifestants de Kifâya malmenéspar les hommes de main du PND se réfugient aussi dans les locauxdu Syndicat pendant la journée du 25 mai. C’est encore devant leSyndicat des journalistes que se réunissent les femmes protestantcontre les violences de cette journée.

Distant de quelques mètres, le Syndicat des avocats joue un rôlesimilaire. Les manifestants s’y réfugient le 25 mai, clamant lesslogans anti-Moubarak depuis les marches ou agrippés auxpalissades. Le 14 août, c’est à partir du Syndicat que se tient lerassemblement à l’appel des Socialistes révolutionnaires et des

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Frères musulmans. Aux palissades qui l’entourent sont accrochéesdes banderoles, journalistes et photographes se tiennent sur l’un destoits en terrasse, surplombant les contestataires. Les slogans sontlancés de l’intérieur du Syndicat en direction des participants masséssur le large trottoir de l’avenue Ramsès. De façon symbolique,Kamâl Khalîl des Socialistes révolutionnaires et Muhammad Habîbpour les Frères musulmans prennent tour à tour la parole. Sur lesmarches de l’entrée du bâtiment se tiennent les femmes de détenusislamistes avec leurs enfants, un portrait ou une pancarte à la main.

Plusieurs rassemblements se tiennent au centre ville. Il en estainsi du sit-in programmé place Tahrîr le 30 juillet. Lerassemblement prévu la semaine précédente avait été retardé parégard pour les victimes des attentats de Charm el-Cheikh20. Aprèsquelques minutes, le rassemblement dans lequel on retrouve desmembres de Kifâya et de la Hamla est violemment dispersé.Banderoles, pancartes et drapeaux sont déchirés. Une quarantainede militants sont interpellés, notamment Amîn Iskandar, GeorgesIshâq, H. Inân, Wâ’il Khalîl. La place et ses environs sont quadrillésde cordons de forces de sécurité, la circulation interrompue21. Lemardi 2 août, à l’appel des Intellectuels et artistes pour lechangement, un rassemblement se tient place Tala‘t Harb, devantla librairie Madbûli. Ce groupe, épaulé par les Jeunes pour lechangement, des membres de la Hamla et Kifâya, proteste contrele sort réservé aux manifestants le samedi précédent. Ce jour-là,la police n’intervient pas. Tout comme lors du rassemblement du3 août. Lors de cette action de dénonciation de la corruption placede l’Opéra, les forces de sécurité demeurent discrètes.

Lundi 31 octobre, à l’appel de Kifâya, environ trois centpersonnes se rassemblent à partir de 21 heures sur le trottoir devantla librairie Madbûli pour dénoncer la fitna tâ’ifiyya, la séditionconfessionnelle, à la suite de l’affaire d’Alexandrie et de sesprolongements meurtriers22. L’horaire assure une forte visibilitéau rassemblement. Il correspond aux sorties familiales et amicalesaprès la rupture du jeûne et des achats précédant la fête du petit

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Baïram (‘îd al-Fitr). Toute une partie de l’activité des participantsconsiste au commencement du sit-in à se chercher et se retrouver.Le rassemblement proprement dit tarde ce jour-là à démarrer. Enattendant l’arrivée des porte-voix, ce sont les jeunes de Kifâya quianiment le rassemblement, non sans vigueur. Ainsi, on scande« yasqut, yasqut Mubârak ! » (à bas Moubarak !). Les uns distribuentdes bougies, d’autres proposent des autocollants, parfois fabriquésà leur propre initiative23. Campagne électorale oblige, certainscandidats distribuent les tracts et programmes de leur prochainemarche électorale. Nu‘mân Jum‘a du Néo-Wafd s’est déplacé,comme plusieurs figures de proue du mouvement Kifâya (Abûal-‘Ilâ Mâdî, Amîn Iskandar, le poète Fu’âd Najmi). Après le sit-in, la séparation se fait lentement. Le rassemblement se termineen miroir de son commencement : les petits groupes d’amis oude connaissances qui l’avaient progressivement constitué se retirentun à un24. Le même soir, Kamâl Khalîl lançait sa campagneélectorale au quartier d’Imbaba.

L’un des sit-in les plus réussis est sans doute celui organisé lesoir du 8 juin au Mausolée Sa‘d Zaghlûl. Le rassemblement est eneffet spectaculaire dans la mesure où les participants portent à lamain une bougie. En outre, par leur nombre, environ 1 500, ilsdépassent largement la moyenne des actions organisées jusqu’alors(autour de 300 personnes, parfois moins).

Le 22 juin, les militants poussent leur avantage en organisantune marche au quartier populaire de Shûbrâ sous le slogan « Yâ ahlShûbrâ, yâ wahda ! » (« Gens de Shubra, unissez-vous ! ») et « contrela dictature de Moubarak ». Deux jours auparavant, CondoleezzaRice, la secrétaire d’État américaine en visite en Égypte déclaraitdans une conférence à l’université américaine du Caire :

Nous nous inquiétons tous de l’avenir des réformes enÉgypte, lorsque de pacifiques partisans de la démocratie,hommes et femmes, ne sont pas protégés de la violence.Le jour doit venir où l’État de droit remplace la loid’urgence et où l’arbitraire laisse place à l’indépendance

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de la justice. Le gouvernement égyptien doit remplir lapromesse faite à son peuple et au monde entier, de donnerà ses citoyens la liberté de choisir. Les élections égyptiennesdu président et du Parlement doivent répondre aux normesd’objectivité qui définissent toute élection libre.25

Le même jour, environ mille personnes issues de Kifâya et desDocteurs pour le changement26 se rassemblaient au Caire devantles bureaux du procureur général Mâhir ‘Abd al-Wâhid pourréclamer la libération des militants emprisonnés.

Les tenants du régime sont pris dans une situation dans laquelleil est impossible de clore les controverses. L’un des traits de cetteséquence politique réside dans le fait que tout fait et suscite débat,y compris dans la rue. L’annonce de la réforme de la Constitutionne satisfait aucunement les militants. Ils le font savoir dans la rueau moyen des protestations et du boycott du 25 mai. Les violencessubies ce jour-là sont à l’origine du rassemblement « noir » du 1er

juin27. Les arrestations dont sont victimes les Frères les 4 et 6 maisuscitent en retour le rassemblement unitaire du 8 mai.

LE MAINTIEN DE L’ORDRE AUTORITAIRE

Dispositifs de contrôle

Le 30 mars, au moment où se tient la troisième conférenceanti-guerre, les manifestants à l’appel de Kifâya, au Caire, àAlexandrie et à Mansûra sont réprimés. Soixante d’entre eux sontemprisonnés28. Les tenants du régime inaugurent ce jour-là unetechnique nouvelle de régulation de l’action de rue et decontingentement de la protestation en faveur des « réformes ». ÀAlexandrie, les « militants » du PND repoussent sans ménagementles membres de Kifâya, sous le regard des forces de sécurité,demandant à leur leader, Hosni Moubarak, de demeurer au pouvoir

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et dénonçant les interventions étrangères. Le 13 mai, lors durassemblement organisé en soutien aux juges, les forces de sécuritélivrent passage aux « opposants aux opposants » qui forcent lesmembres de Kifâya à se réfugier dans le Syndicat des journalistes29.

Cette manière d’occuper le terrain face aux contestataires durégime – en organisant des rassemblements et défilés en faveurdu régime – est de nouveau mise en œuvre le 25 mai 2005, nonsans heurts30. À l’occasion du référendum sur l’article 76 de laConstitution prévoyant l’élection du président de la Républiqueparmi plusieurs candidats, Kifâya et les Frères musulmans appellentau boycott de la consultation. Un rassemblement devant le Palaisde justice est prévu le 25 mai au matin. Devant l’encerclement del’enceinte, les militants annoncent sur leur site internet unchangement : le rassemblement à lieu devant le mausolée de Sa‘dZaghlûl. Cependant, malgré ce déplacement les militants neparviennent guère à faire nombre, dépassés par les forces desécurité. Surtout, ils doivent faire face à des adversairesparticulièrement sournois. Des policiers en civil infiltrent le groupede militants et les frappent. Lorsqu’ils tentent d’échapper auxcoups, le cordon des forces de sécurité s’entrouvre… pour leslivrer à une haie de civils qui les molestent, frappant les dos et lesnuques de grandes claques. Plusieurs journalistes sont frappés31.Tout autour de cette première scène, des partisans du PNDmanifestent bruyamment, à la limite de la violence, leur soutien auprésident sur l’air de « mish kifâya ! mish kifâya ! Mubârak ilâ-l-abad »(« Ce n’est pas assez ! Ce n’est pas assez ! Moubarak pourtoujours ! »). Il s’agit de jeunes hommes, issus des quartierspopulaires.

À proximité du journal Al-‘Arabi, où ils tentent de se réfugierdans un premier temps, les militants sont rattrapés par les hommesde main du PND et des policiers en civil. Là encore, les forces desécurité en tenue d’intervention demeurent passives, sauf à limiterla fuite des militants prônant le boycott. Les militants sont frappés,même au sol, à coups de pied et de poing. Les journalistes sont

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intimidés, des caméras « débranchées ». Au bout de quelquesminutes, les journalistes et les observateurs étrangers sont mis àdistance et seuls restent les partisans du pouvoir.

Les militants se réfugient devant le Syndicat des journalistes etle Syndicat des avocats. Pendant ce temps, les partisans du présidentqui ont traversé le Caire en un bruyant cortège arrivent devant lessièges de ces deux organisations. La circulation de l’avenue Ramsèsest interrompue par des officiers de police pour leur livrer passage.À l’approche du lieu de la confrontation, ces mêmes officiersrèglent leur progression. Les hommes du PND se dirigent vers leSyndicat des journalistes. Sous le regard des forces de sécurité quin’interviennent pas, les manifestants en faveur du boycott duréférendum sont de nouveau rudoyés par les hommes de mainpayés par le Parti national démocratique qui manifestent et pardes policiers en civil. Les manifestants de Kifâya se réfugient dansles locaux du Syndicat. De jeunes hommes occupent ses marches,brandissant des portraits du président et des drapeaux égyptiens.Une partie des agresseurs en civil des Kifâya appartient à n’en pasdouter à la police : après la dispersion du rassemblement en soutienau régime, ils entrent dans les camions de transport de troupes dela Sécurité centrale. La confrontation ne se limite pas à l’échanged’invectives. Une journaliste, Nawâl ‘Alî, est rudement molestée,des hommes de main la frappent et la dénudent, déchirant sonvêtement. Peu après, elle brave les quolibets et menaces despartisans du PND et revient sur les lieux pour reconnaître sesagresseurs32. Les faits sont d’une gravité suffisante pour qu’unnouveau rassemblement soit organisé le 1er juin pour protestercontre les violences dont ont été victimes les militantes. Il prendrala forme d’un « rassemblement en noir » qui réfère, de même quel’usage des bougies ou de banderoles particulièrement colorées, àun répertoire mondial de la protestation dans lequel les médiasjouent un rôle non négligeable. Par la suite, le président américaincritique ouvertement semblables agissements33.

Ces deux moments sont assez significatifs du cadrage du

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dispositif de répression in situ. Devant le mausolée, les baltajiyya(hommes de main) frappent à coups de poing ou avec le plat dela main le dos des manifestants dans un étrange ballet réglé parquelques officiers qui déplacent les petits groupes de policiers encivil, laissent approcher les partisans de Moubarak, modifient ladistance qui séparent les deux groupes de « manifestants » faisantmine de les séparer et, enfin, ouvrent les cordons pour livrer lespartisans du boycott aux baltajiyya. L’épisode devant le Syndicatdes journalistes fait figure de dérapage, réponse de manifestants« démocrates » venus soutenir leur président « agressés par desvoyous »34 sur le seuil d’une institution de la démocratie qui« appartient à tous les Égyptiens ».

Emprisonnez, emprisonnez…

Au cours de l’année, la confrérie des Frères musulmans a fourniles bataillons les plus nombreux de la contestation du régimeégyptien35. Le 27 mars 2005, place Ramsès au Caire, la policeentrave une manifestation de la confrérie en faveur de réformesconstitutionnelles et de la levée de l’état d’urgence. CinquanteFrères sont emprisonnés, parmi lesquels ‘Abd al-Mun‘im Abû al-Futûh arrêté sur son lieu de travail et détenu durant quelquesheures36. Le 5 avril, au cours d’un rassemblement 4 000 étudiantsproches des Frères musulmans dénonçant la loi d’état d’urgencemanifestent à al-Azhar ; d’autres font entendre leur voix à Helouan,‘Ayn Shams, Kafr al-Shaykh, Mansoura. La manifestation à l’appeldu Syndicat des médecins est la plus ample de l’année, elle réunitenviron 20 000 personnes à Tanta, le 22 avril. Le 3 mai, environ3 000 Frères manifestent de nouveau en faveur de réformespolitiques dans une dizaine de gouvernorats37. Deux jours plustard, les Frères manifestent encore une fois et le 8, à Alexandrie,3 000 femmes se rassemblent pour dénoncer la détention deplusieurs d’entre eux. Ainsi, en moins d’une semaine, la confrériedémontre par trois fois sa capacité à occuper la rue. D’autres

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manifestations ont lieu, les 13, 20 et 27 mai après la prièrehebdomadaire, au Caire et dans plusieurs autres villes. Lors durassemblement organisé le 14 août en collaboration avec lesSocialistes révolutionnaires, les Frères représentent la majorité des1 500 participants38. La ville d’Alexandrie est également le théâtrede manifestations et rassemblements à une fréquencehebdomadaire39.

Dès lors, il n’est pas surprenant que les militants islamistes aientpayé le plus lourd tribut à la répression. Certains membres de laconfrérie font état de menaces d’officiers supérieurs des forcesde sécurité « d’écraser le groupe »40. Au cours des manifestationsde mai, un millier de personnes sont arrêtées. La moitié de cesdétenus est relâchée dans les semaines qui suivent. Cependant, desources policières, 349 personnes sont maintenues en détention.Le 19 juin, le Guide suprême de la confrérie, Mahdi ‘Âkif déplorela détention de 306 membres41. L’emprisonnement touche aussibien les simples militants que les cadres de premier plan. ‘Isâm al-‘Aryân, membre du Maktab al-irshâd et porte-parole de la confrérie,est arrêté le 6 mai en compagnie de trois autres de ses dirigeants42 ;le secrétaire général Mahmûd ‘Azzat est arrêté le 21 mai, toutcomme 24 autres Frères43. Si les premières arrestations répondentaux manifestations d’avril, celle de Mahmûd ‘Azzat suit de prèsl’appel au boycott du référendum du 25 mai. M. ‘Azzat estfinalement libéré le 28 août. Au cours d’une manifestation àMansoura, Târiq Mahdi Ghannâm est tué par les forces de sécurité.

D’une manière générale, les arrestations ne sont pas toujours,ni tout de suite, reconnues comme telles, même si d’autres militantsen sont témoins. Pour les autorités, la contrainte sur la contestations’effectue aussi par le recours à l’arrestation de journalistes. Ainsi,Sâhir Jâd est arrêté le 3 août à son domicile pour avoir « attaqué »deux policiers lors du rassemblement du 30 juillet près de la placeTahrîr. Les clichés à l’origine de son interpellation, transmis par unesource « anonyme », sont publiés à la une d’un journal proche dugouvernement. Certains journalistes qui couvrent la manifestation

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des Frères musulmans à la mosquée Mustafâ Mahmûd sontemprisonnés. C’est notamment le cas de Muhammad Ridâ de Afâq‘Arabiyya, de tendance islamiste.

AUTOLIMITATIONS

Autour des chiffres des arrestations se joue aussi l’authenticitéde la posture oppositionnelle de tel ou tel collectif. Il n’est passurprenant que Muhammad Habîb, le n° 2 des Frères, avance lechiffre de 1 562 détenus après les manifestations de mai44.L’insistance sur les nombreuses arrestations qui ont jalonné lacarrière militante de Kamâl Khalîl relève de la même logique. Cejeu sur les nombres, pendant de la faiblesse quantitative des collectifsmobilisés, est à mettre en relation avec l’autolimitation des acteurscontestataires. Deux exemples permettent de l’illustrer. Dans lecas de Kifâya et de la Hamla, malgré les revendications de proximitéavec les « travailleurs »45, force est de constater que la stratégie desorganisateurs a consisté au cours des mobilisations en un évitementprécis des quartiers populaires.

La candidature de Kamâl Khalîl à Imbaba ne rompt quepartiellement avec cet état de fait46, tout comme celle de KamâlAbû ‘Îta47 à Boulaq al-Dakrûr. À ce niveau, la manifestation du22 juin à Shûbrâ fait figure d’exception. De même, les Collectifspour le changement comptent des « journalistes », des « intellectuelset artistes », des « enfants », des « professeurs » ou des « jeunes »mais les « ouvriers » et « paysans », selon les dénominations enusage dans le système politique égyptien, restent plus queméconnus. Ces deux candidatures de « témoignage » indiquent laconversion de ressources militantes dans l’arène de la politiquelégitime et l’utilisation de cette dernière pour faire entendre la voixde Kifâya. La présence lors des meetings de Amîn Iskandar etGeorges Ishâq, le matériel de campagne, porte-voix et banderoles,portent la marque du mouvement rappelée par les autocollants.

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Il en est de même pour le « programme » ou à tout le moins lediscours, les tracts et slogans. Ils témoignent aussi des liens avecd’autres entreprises en faveur du « changement » comme l’indiquel’intervention de l’ancien ministre ‘Azîz Sidqi48 prononcée aumeeting principal de la campagne de Kamâl Abû ‘Îta ou sa présenceannoncée à celui de Kamâl Khalîl, tout comme la présence d’autresinvités lors de celui-ci49.

Ces ressources militantes se révèlent pourtant d’une efficacitélimitée au regard du fonctionnement des campagnes égyptiennes.Les 600 voix que revendique K. Khalîl indiquent un faible, pourne pas dire absent, report de voix des Frères musulmans qui n’avaientpas présenté de candidat dans la circonscription d’Imbaba et deslimites des liens tissés avec cette organisation. Elles traduisent aussil’insuffisance de la seule ressource « walad hâratna » (l’enfant duquartier) et de la vertu militante de « l’ingénieur militant socialiste »dans des élections pour « nuwâb al-qurud » (représentants à crédit)50.

La question de l’extension des mobilisations est le principalsujet de discorde entre les dirigeants de Kifâya et les acteurs àl’origine de la mise en place du groupe « Shabâb min ajl al-Taghyîr »,Jeunes pour le changement. Le mouvement naît à proximité deKifâya en mai 2005 : les « jeunes » se rapprochent avec despréoccupations organisationnelles, « quelque chose à la foisd’autonome et de proche de Kifâya » et d’action politique. Ils ontl’idée de manifester contre le régime sur un ton « radical ». Plusieurscomités sont mis en place : action politique, presse et « propagande »,culture, organisation et orientation, slogans. Ces deux derniers sontimportants dans le fonctionnement du collectif. C’est là que seréalise la délicate synthèse et les équilibres fragiles entre acteursaux profils politiques différents : membres du Parti du centre, Partidu travail, du Centre d’études socialistes, « libéraux », membres duTagammu‘, nassériens… Ce que la discussion51 révèle c’est aussila différence, pour ne pas dire le différend, entre des jeunes souventencore étudiants, engagés sur une posture activiste – occuper larue – et des militants plus âgés et aguerris, les « professeurs de

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science politique », pour qui l’implication militante tend parfois àse résumer à une posture d’analyse de la situation ou à laconstruction de programmes. Les jeunes goûtent peu les débatsintellectuels des aînés du mouvement, ceux qu’ils qualifient de« costumes-cravate » à l’instar de ‘Abd al-Halîm Qandîl, éditorialisted’Al-‘Arabi. Lors de l’élection présidentielle, ce sont les Jeunes pourle changement qui sont au premier plan de l’organisation desmanifestations du 7 septembre, jour de l’élection présidentielle, etdu 10 septembre, date de la proclamation de la victoire de Moubarak.Cela se ressent aussi dans les discussions générales, sorte de forumsoù s’élabore, de manière sans doute pas anarchique mais dans unecertaine effervescence, l’action du collectif.

Du côté des Frères, les signes sont nombreux témoignant dela volonté de cadrer la confrontation avec le régime. Les massesmobilisées lors des manifestations tout au long de l’annéel’indiquent. Au moment de l’élection présidentielle, la confrériefait le choix… du non-choix, avec la consigne de vote suivante :« Tous les Frères devraient savoir que nous ne pouvons soutenirun oppresseur ou coopérer avec une personne corrompue ouun tyran »52. Comme le boycott du référendum du 25 mai, cetteposition relève du minimum oppositionnel. « Cela suffit qu’il soitresté au pouvoir pendant 24 ans et n’ait pas réalisé les réformespolitiques » indique Mahdi ‘Âkif au quotidien arabe Al-Hayât53.De même, les Frères musulmans ne présentent pas de candidatsdans toute l’Égypte lors des élections législatives. Ainsi, neprésentent-ils que 55 candidats sur 164 circonscriptions du Caire,de sa banlieue et de Haute-Égypte (Giza, Minûfiyya, Beni Souef,Minia, Assiout, Nouvelle Vallée, Marsâ Matrûh) pour la premièreétape du 9 novembre ; 60 dans les 144 circonscriptions pour ladeuxième phase, prévue le 20 novembre, qui se dérouleprincipalement dans la région du Delta, dans le nord du pays(Alexandrie, Buhayra, Ismaïliyya, Port-Saïd, Suez, Qalyûbiyya,Gharbiyya, Fayoum, Qena) et 45 dans la dernière phase, le 1er

décembre : Daqahliyya, Sharqiyya, Kafr al-Shaykh, Damiette,

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Sohag, Assouan, mer Rouge, Nord-Sinaï, Sud-Sinaï . En outre,pour faire pièce au contrôle des forces de sécurité et à l’arrestationde candidats déclarés, ils ont présenté environ 170 candidats dits« de l’ombre ». Cette limitation des candidatures n’empêche pasun succès exceptionnel des Frères musulmans. Ils voient le nombrede leurs sièges passer de 17 dans la législature 2000-2005 à 88dans la nouvelle chambre.

VIOLENCE (EN) POLITIQUE

Le recours, même heurté, de Kifâya et des Frères musulmansau rassemblement revendicatif, au défilé manifestant ou à l’électionme semble pouvoir s’éclairer en relation avec d’autres modesd’action, déployés sur d’autres scènes. La stratégie du « non-choixdes armes » distingue ces groupes des « radicaux » et éclaire leursouci d’une confrontation civile avec les gouvernants égyptiens.

Le recours à l’attentat connaît une actualité nouvelle en 2005.On se rappelle que le 9 octobre 2004, un triple attentat touchaitl’hôtel Hilton à Taba et deux camps de vacances à Ras al-Tîn etNuwayba‘ faisant 33 morts, dont 28 Israéliens, et 120 blessés. Unecentaine de personnes sont arrêtées dans les jours suivants54. Selonles associations égyptiennes et internationales de droits de l’homme,le chiffre dépassera 3 000 personnes dans les semaines qui suivent,principalement dans les villes de Shaykh Zâyyid et al-‘Arîsh55.Moyen de pression traditionnel dans les affaires liées au terrorisme,des familles entières sont détenues, pour atteindre les suspects.Elles subissent les méthodes expéditives, quoique peu efficacesdu point de vue de l’avancement de l’enquête, de la policeégyptienne : détention administrative sans inculpation ni jugementou mise au secret, mauvais traitements56.

Le 7 avril 2005, un attentat à la bombe tue trois personnes eten blesse des dizaines d’autres, dans le quartier al-Azhar (Khanal-Khalîli) dans le centre-ville du Caire. Selon les autorités, deux

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touristes français et un américain sont tués. Hasan Ra’fat AhmadBashandi, auteur de l’attentat, meurt également57.

En lien avec cette première opération, deux autres attaques ontlieu le 30 avril. Ce jour là, vers 15 heures, Ihâb Yusri Yasîn, sautedu pont du 6-Octobre qui enjambe la place ‘Abd al Mun‘im Riyâdà l’arrière du Musée du Caire. Il meurt dans l’explosion d’une bombeartisanale de poudre et de clous, blessant huit personnes : quatreÉgyptiens, deux Israéliens, une Italienne et un Suédois. Environune heure plus tard, dans le quartier de Sayyida Aïcha, près de laCitadelle du Caire, sa sœur et sa fiancée font feu sur un bus detouristes israéliens sans faire de victimes. Nagat Yusri Yasîn tuealors Imân Ibrâhîm Khamîs, la fiancée de Ihâb Yusri, puis retournel’arme contre elle-même58. Ce sont les premières femmes à recourirà l’attentat-suicide en Égypte. 200 personnes sont arrêtées par lesforces de sécurité à ‘Azbat al-Gabalâwi, al-‘Amar et ‘Azbat Rushdi,quartiers où vivaient les terroristes. Le soir, un site internet islamisteattribue les opérations aux « Brigades du martyr ‘Abdallâh ‘Azzâm59 »estimant avoir « ébranlé les remparts du Pharaon d’Égypte ». Un peuplus tard, un « Groupe des moudjahidin d’Égypte60 » revendique lui-aussi la paternité des attentats. Rien ne permet cependant d’établirl’authenticité de ces deux revendications concurrentes.

Il n’est pas surprenant que les Frères musulmans aient été lespremiers à condamner les attentats, décrivant une « tentative pourdéstabiliser l’Égypte », estimant que le double attentat du Caire« profite en premier lieu au projet américano-sioniste ». Leur crainteest en effet que « les autorités concernées [utilisent] ces attaquescomme prétexte pour ralentir le processus de réformes politiques ».Les Frères en profitent pour rappeler une mesure consensuelleparmi les rangs de l’opposition : « la levée de la loi d’urgenceinstaurée depuis l’assassinat du président Sadate en 1981 »61.

Quelques mois plus tard, la région du Sinaï est de nouveautouchée par le terrorisme. Le 23 juillet 2005, à Charm el-Cheikh,station balnéaire de la mer Rouge et baptisée ville de la Paix,plusieurs opérations suicides prennent violemment en défaut le

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quadrillage policier de la ville62. Visant des souks et des hôtels,elles font 88 victimes et 200 blessés. Ainsi une voiture force-t-ellel’entrée de l’hôtel Ghazala Gardens de Naama Bay et explosedevant le bâtiment, provoquant l’effondrement de la façade ; uneautre explose sur un parking. Une valise d’explosifs tue dans unsouk près de Naama Bay. Les victimes sont en majorité égyptiennes,sept étrangers sont tués, une vingtaine blessés. Le groupe « Al-Qaïda au pays du Levant et en Égypte63 » assume l’organisation desopérations, les présentant comme une vengeance contre « lescrimes commis contre les musulmans ». Reprenant à son comptela dite « guerre mondiale contre le terrorisme », le présidentMoubarak déclare à la télévision : « Cela va renforcer notredétermination à lutter contre le terrorisme. [...] Nous ne cèderonspas à son chantage ni n’accepterons de trêve ». D’ailleurs JackStraw, secrétaire au Foreign Office britannique déclare : « J’ai parléce matin à mes collègues du ministère égyptien des Affairesétrangères pour les assurer de notre total soutien et de notresolidarité. Leur combat est le nôtre. Notre combat est le leur »64.Condoleezza Rice est à l’unisson : « Nous ferons face et vaincronsce fléau qui ne connaît pas de frontière et ne respecte aucunecroyance »65. Les forces de sécurité joignent le geste à la parole ettrente-cinq personnes sont arrêtées dans les heures qui suivent lesexplosions. Par son ampleur, cette dernière attaque s’inscrit dansune histoire plus longue : celle de l’attaque contre le quartier généraldes forces de sécurité d’Assiout (une centaine de victimes, 1981)et la fusillade du temple de Louxor (58 victimes, 1997). Elletémoigne aussi d’une continuité de pratiques dans le traitementdu terrorisme égyptien, qui combinent arrestations en nombre,affranchissement des règles de droits en matière de détention etde conduite des interrogatoires (recours à la torture).

Jamais démodée, la dénonciation des conséquences de« l’infiltration de la pensée wahhabite »66, le dispute aux frustrationsde la relégation sociale67 dans l’explication de ces divers attentats.C’est ce que suggère, dans une interview à un quotidien américain68,

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le Premier ministre, Ahmad Nazîf, dans le prolongement del’enquête sur les événements de Charm el-Cheikh. Les différentesrevendications, proches dans leur contenu, renvoient à d’autrespistes en lien avec les conflits de la région. Le Groupe de l’unicitéet du Jihâd en Égypte69 parle « d’une guerre grandiose contre lesjuifs et les croisés en terre d’islam » commencée avec les attentatsde Taba. Quant au groupe « Al-Qâ’ida au pays du Levant et enÉgypte », il y voit une « réponse aux forces du mal qui font coulerle sang des musulmans en Irak, en Afghanistan, en Palestine et enTchétchénie ». Les Moudjahidin d’Égypte sont le troisième groupeà revendiquer les attaques de Charm el-Cheikh. Ils revendiquentensuite une action menée en août : « C’est ici que sont les lions dujihâd, frappant à nouveau le Sinaï malgré les précautions des forcesde sécurité infidèles »70. L’attaque menée le 15 août démontre ànouveau la capacité d’action des groupes recourrant à la violence.Elle frappe dans le Sinaï un véhicule transportant deux membrescanadiennes de la force militaire d’observation internationale(Multinational Force and Observers) de la frontière égypto-israélienne issue des accords de 1979. L’explosion se produit nonloin de la plus grande installation de la MFO à al-Jura, à environ35 km d’al-‘Arîsh. Pendant la poursuite qui s’engage entre forcesde sécurité et bédouins dans les montagnes du Sinaï, deux officierssont tués et plusieurs hommes de troupe blessés par une mine, le25 août, alors qu’ils inspectent le site de l’explosion d’une premièremine71. Ces derniers éléments suggèrent de laisser davantage deplace au facteur politique. L’attaque de Charm el-Cheikh se situeraitdans le cadre d’une confrontation avec les forces de sécurité débutéeavec les attentats de Taba, plutôt que comme le contre-coupmécanique de la répression. Il semble également difficile de rangerla situation sociale des bédouins du Sinaï au rang des « causes » desattentats. Ce mode d’action n’en apparaît pas moins comme unefficace moyen de pression sur l’État central.

Prenant en défaut les dispositifs d’état d’urgence et s’écartantdes anticipations des gouvernants égyptiens, un certain nombre

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d’acteurs ont « fait de la politique » pendant l’année 2005. Pourautant, il n’est pas sûr qu’ils aient « fait la politique ». D’une part,cela reviendrait à nier la complexité des jeux du champ politique72.D’autre part, leur évitement de la confrontation avec les autorités,le soin mis à préserver la dépolitisation des secteurs populaires,pour caractériser un style protestataire, n’en limitent pas moins laportée de ces mobilisations. Ce qui contredit le sens commun n’estpas tant que les acteurs protestataires aient revendiqué le« changement » ou la « réforme » sous la menace d’une transmissionhéréditaire du pouvoir mais bien qu’ils n’aient pas cherché àmobiliser les secteurs populaires en ce sens. Une explication partiellepourrait résider dans la concurrence de « radicaux » à laquelleFrères musulmans et membres de Kifâya doivent faire face. Ceciles rend particulièrement vulnérables à la manipulation des coûtsde l’opposition par les tenants du régime : les acteurs contestatairesagissent sous la menace d’une déstabilisation plus large de laconfiguration politique égyptienne – le précédent du début desannées 1990 par exemple – dont ils n’auraient guère à gagner.

NOTES

1 Le Pain et le cirque. Sociologie historique d’un pluralisme politique, Paris, Seuil,1976.

2 International Crisis Group, Reforming Egypt : in Search of a Strategy, MiddleEast/ North Africa Report, n° 46, 4 octobre 2005 et Emad El-Din Shahin,Egypt’s Moment of Reform. A Reality or an Illusion ? Centre for European PolicyStudies, Policy Brief, n° 78, juillet 2005.

3 Al-Ahram Weekly, 4-10 avril 2002, n° 580.4 Al-Ahram Weekly, 27 mars-2 avril 2003, n° 631.5 Par exemple, ‘Abd al-Halîm Qandîl du mouvement de 1972, rédacteur en

chef d’Al-‘Arabi, l’organe du Parti nassérien et ‘Abû al-‘Ilâ Mâdî qui a fait sespremières armes au sein des associations islamiques à la Faculté des ingénieursde Minyâ, puis au Syndicat des ingénieurs et chez les Frères musulmans. Al-‘IlâMâdî quitte la confrérie en 1995 pour tenter, sans succès, de créer Hizb al-Wasat, le Parti du centre.

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6 Texte disponible sur www.harakaMisria.net (« bayan ta’ssîssî, 7/08/2004 »).Devenu depuis www.harakaMisria.org.

7 Paul Schemm, « Egypt Struggles to Control Anti-War Protests », 31 mars2003, Merip on line, http://www.merip.org/mero/mero033103.html.

8 Contrairement à ce qu’avance Assef Bayat dans « The “Street” and thePolitics of Dissent in the Arab World », Merip, Special issue on Dissent-226,printemps 2003, M. Seif El-Islam indique : « les hommes politiques mettaientl’accent sur la guerre, alors que les gens ont orienté la mobilisation sur desenjeux nationaux », Al-Ahram Weekly, 16-22 septembre 2004, n° 708 ; de mêmePaul Schemm, « Egypt Struggles to Control Anti-War Protests », art. cit.

9 Le Grand Moyen-Orient est un vaste programme proposé parl’administration américaine en 2004. Une première version du texte estnotamment publiée dans Al-Hayât, 13 février 2004. Le projet apparaît en filigranede l’intervention du président Bush à l’occasion du 20e anniversaire du NationalEndowment for Democracy (6 novembre 2003), puis dans le Discours sur l’étatde l’Union (20 janvier 2004). Il est destiné à promouvoir une démocratisationrapide dans une région allant de la Mauritanie au Pakistan. À l’issue de la réuniondu G8 (Sea Island, Géorgie, 8-10 juin 2004), il devient « Partenariat pour leprogrès et pour un avenir commun avec la région du Moyen-Orient élargi etde l’Afrique du Nord ».

10 Disponible sur http://www.hamla.net/petition/statement.html (en arabe).11 Le collectif rassemble des partis et organisations politiques non autorisés,

des associations de plaidoyer et des individus, issus dans leur très large majoritéde la gauche radicale égyptienne. On notera que les Frères musulmans sontsignataires de l’appel du 9 septembre 2004. Le texte comme la date de l’appelfont référence au slogan lancé par le leader Orabi au khédive en 1881 sur laplace Abdîn du Caire : « Dieu nous a créés libres et nous ne sommes pas desesclaves à transmettre en héritage ».

12 À l’instar de Muhammad ‘Abd al-Quddûs, secrétaire du Comité des libertésau Syndicat des journalistes ou du docteur ‘Isâm al-‘Aryân.

13 Kifâya, « Bayan ta’ssîssî, 7/08/2004 », cité. Sur cette articulation, cf. égalementces propos de Kamâl Khalîl : « The liberation of Jerusalem starts with the liberationof people here in Cairo », Al-Ahram Weekly, 31 mars-6 avril 2005, n° 736.

14 Parmi ces revendications, la seule différence me semble résider dans lademande de « libération de l’ensemble des détenus d’opinion » (Hamla) et dansla revendication de « liberté d’organisation des partis, syndicats et journaux »(Kifâya). On notera qu’il s’agit de revendications partagées avec les Frèresmusulmans.

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15 Al-Ahram Weekly, 16-22 décembre 2004, n° 721.16 Le 10 août, Kifâya organise un rassemblement Place Sa‘d Zaghlûl à

Alexandrie.17 Mona El Ghobashy, « Egypt Looks Ahead to Portentous Year », Merip

on line, 2 février 2005.18 Les manifestations des Frères musulmans dans plusieurs villes du pays

les 4 et 6 mai 2005 s’étaient soldées par l’arrestation d’environ 2 000 membresde la confrérie (200 selon le ministère de l’Intérieur).

19 Sur ces deux points, cf. Al-Ahram Weekly, 12-18 mai 2005, n° 742.20 Faisant suite aux attentats du Caire des 7 et 30 avril 2005, le 23 juillet, sept

attaques terroristes tuent 88 personnes dans la station de tourisme balnéaireCharm el-Cheikh. La symbolique macabre est assez précise. La ville est le lieutraditionnel de résidence du président Moubarak et, à ce titre, était considéréecomme particulièrement sûre. Elle avait abrité en mars 1996 un sommet anti-terroriste, rassemblant à l’invitation du président égyptien, Yasser Arafat, ShimonPérès, Boris Eltsine, William Clinton, Jacques Chirac et les principaux dirigeantsdes pays arabes et européens.

21 Observation de terrain, 31 juillet 2005.22 Le 21 octobre, une manifestation de plusieurs milliers de musulmans contre

une église alexandrine est réprimée par la police faisant trois morts et quatre-vingt blessés. Les manifestants entendaient protester contre l’atteinte à l’islamque constituait la diffusion attribuée à l’église Saint-Georges du DVD d’une piècede théâtre. Intitulée « J’étais aveugle et maintenant je vois », la pièce met en scène,en termes forts critiques, les désillusions et le retour à la chrétienté d’un convertià l’islam. Sur ces différents points, cf. la contribution d’Alain Roussillon, « Visibiliténouvelle de la “question copte” ».

23 Par exemple, ce petit carré bleu où croissant et croix s’imbriquent, al-dînli-l-llâh wa-l-watan li-l-jamî‘ (la religion est à Dieu et la patrie à tous).

24 Observation de terrain, 31 octobre 2005.25 Remarks at the American University in Cairo, Secretary Condoleezza Rice, 20

juin 2005. Steven Weisman parle dans le New York Times « d’un des propos lesplus durs tenus dans le monde arabe par un secrétaire d’État », 21 juin 2005. Audemeurant, la conception de la démocratie de C. Rice exclut la participation à lavie politique de mouvements comme le Hizbollah libanais et le Hamas palestinien.

26 Duktur li-l-taghyîr.27 Afin de protester contre les violences faites aux femmes le 25 mai, une

universitaire a l’idée d’un rassemblement « en noir » devant le Syndicat desjournalistes. L’appel à manifester a circulé notamment par SMS.

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28 Dépêche AFP, 31/03/2005.29 Sur ce point, cf. le récit de C. Hassabo et B. Rey, « Du bruit à tout prix »,

La revue d’Égypte, n°25, septembre 2005.30 R. Fisk, « Protesters beaten as Egypt votes on electoral reform », The

Independent, 26 mai 2005.31 Notamment le correspondant d’Al-Jazira, cf. Al-Jazira, journal télévisé,

25 mai 2005.32 Observation de terrain, 25 mai 2005.33 « Le Caire rattrapé par ses agressions musclées », Libération, 31 mai 2005.

Il est vrai que l’agression des militants a été dénoncée par l’ONG de défensedes droits de l’homme Human Rights Watch, 26 mai 2005 (« Witnesses DescribeAttacks ; Independant Investigation Urgently Needed »).

34 C’est en substance ce que l’on retient du plaidoyer pro domo du députéPND organisateur du rassemblement devant le Syndicat des journalistes lorsdes actualités télévisées de Nile News, 25 mai 2005.

35 À titre d’exemple, on se reporte à Al-Hayât, 27 octobre 2005, p. 5(« Égypte : les Frères s’imposent sur la scène politique et le PND présente descandidats dans toutes les circonscriptions ») qui fait état de manifestations etmarches dans plusieurs villes, notamment à Madînat Nasr (Le Caire).

36 « Egypt Cracks Down on Pro-Reform Muslim Brotherhood »,IslamOnline.net, 27 mars 2005.

37 Al-Ahram Weekly, 12-18 mai 2005, n° 742. L’estimation policière de laparticipation aux rassemblements se situe au niveau du millier. Le nombred’arrestations, reconnues de source judiciaire, nécessite de réévaluer ce nombre.« Egypt Detains 1,000 Muslim Brotherhood Protesters », IslamOnline.net, 5 mai2005.

38 Observation de terrain.39 Conversation avec Husâm Tammâm, 31 octobre 2005.40 Al-Misri al-Yawm, 8 mai 2005.41 Les chiffres sont tirés de Human Rights Watch, « Letter to President

Mubarak on Muslim Brotherhood Arrests », 21 juin 2005.42 Al-Ahrâm, 7 mai 2005. Ancien député de 1987 à 1990, ‘Isâm al-‘Aryân est

défendu par Hâfiz Abû Sa‘da, secrétaire général de l’Organisation égyptiennedes droits de l’homme. Il est libéré le 16 octobre 2005. Il a également étémembre du Syndicat des médecins. Il est probable que les rumeurs autour dela candidature d’al-‘Aryân à l’élection présidentielle ont motivé l’intérêt desservices de sécurité pour sa personne. On notera que son emprisonnement –pour un motif à tout le moins arbitraire, l’inusable soupçon de « tentative de

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recréer une organisation interdite » – n’a pas soulevé le même intérêt ni suscitéles mêmes dénonciations que les déboires judiciaires de cet autre « présidentiable »qu’est Ayman Nûr.

43 Al-Ahrâm, 23 mai 2005.44 « Egypt Detains 1,000 Muslim Brotherhood Protesters », art. cit.45 Conversation avec Jana Warkotsch, 25 octobre 2005.46 Cf. http://www.imbaba2005.net.47 Ce dernier participait à l’animation du mouvement communiste à

l’université du Caire dans les années 1970. Il représenta ensuite les communisteségyptiens auprès de la direction palestinienne au Liban. Il est fonctionnaire auministère de l’Économie.

48 Ancien Premier ministre sous Nasser. Il est l’un des initiateurs d’un forum,la Coalition nationale pour la transformation démocratique, qui entend luttercontre la corruption.

49 Le poète Ahmad Fu‘âd Najmi, le journaliste Jamâl Fahmi, Georges Ishâqporte-parole de Kifâya, ‘Abd al-‘Azîz Makhiyûn, acteur et artiste membre deKifâya, Hamdîn Sabâhi, président d’Al-Karâma, l’un des membre du Bureaupolitique du Tagammu‘.

50 Expression de Georges Ishâq, porte-parole de Kifâya, meeting électoraldu 6 novembre 2005, Imbaba.

51 Discussion avec l’un des membres du collectif, 25 octobre 2005.52 Mahdi ‘Âkif, cité dans « Muslim Brotherhood Urges Egyptians to Vote,

No Favorites », 21 août 2005 (IslamOnline.net & News Agencies).53 Idem.54 Amnesty International, AI : MDE 12/011/2004.55 Fédération internationale des droits de l’homme, 9 décembre 2004 ;

Egyptian Organization of Human Rights, « EOHR renews its calls for therelease of Arish detainees », 6 mars 2005.

56 Amnesty International, AI : MDE 12/014/2004.57 Al-Ahrâm, 8/4/2005 ; Al-Misri Al-Yawm, 8 avril 2005.58 Al-Ahrâm, 1/5/2005 ; Al-Jumhûriyya, 12 mai 2005.59 Katâ’ib al-shahîd ‘Abdallâh ‘Azzâm.60 Jamâ‘at mujâhidî Misr.61 Le Monde, 2 avril 2005.62 « Charm el-Cheikh, revers pour le renseignement égyptien », Libération,

29 juillet 2005. Sur l’inefficacité de l’obsession sécuritaire des dirigeants égyptienscf. Islamonline, 1 mai 2005.

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QUAND « ASSEZ ! » NE SUFFIT PLUS

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63 Al-qâ’ida fî bilâd al-Shâm wa-Misr.64 Les citations sont extraites de Reuters, 23 juillet 2005.65 Islamonline, 23 juillet 2005.66 Al-Misri Al-Yawm, juillet 2005.67 Par exemple, Al-Usbû‘, 18 avril2005.68 The New York Times, 24 août 2005.69 Jamâ‘at al-tawhîd wa-l-jihâd fî Misr.70 Al-Ahram Weekly, 18-24 août 2005, n° 756.71 Al-Ahram Weekly, 1-7 septembre 2005, n° 758.72 Dont l’illustration précise est fournie par les contributions de B. Rey « Les

partis d’opposition égyptiens » et C. Hassabo « Moubarak “sans cravate” ».

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L’ÉGYPTE DANS L’ANNÉE 2005

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